L’érosion à l’ombre des arbres
p. 120-121
Résumé
L’évolution des pratiques agricoles a un impact fort sur la qualité des sols. Ainsi, le défrichement des forêts pour leur mise en culture a au cours des décennies favorisé le ruissellement des eaux à la surface des parcelles, accélérant l’érosion et l’appauvrissement des sols.
Texte intégral
1Entre 1946 et 1948, l’Algérie et Madagascar connaissent d’importants problèmes d’érosion des sols, avec notamment la formation de ravines. Un phénomène nouveau. Emboîtant le pas des Américains, les chercheurs de l’Orstom entreprennent d’étudier ces processus en Afrique, puis en Amérique latine et en Asie. Dans les années 1950, ils commencent par mesurer les pertes en matière sur des parcelles calibrées. En 1973, la synthèse de ces résultats permet d’adapter « l’équation universelle des pertes en terre » aux conditions africaines et d’en pointer certaines limites. Cette équation proposée en 1959 par les Américains n’a en fait d’universel que le nom, puisqu’elle ne donne une idée de l’impact de l’érosion hydrique qu’à l’échelle de la parcelle, et dans le contexte américain.
2En outre, ces mesures de pertes de matière révèlent la bonne résistance des sols tropicaux et l’intérêt de maintenir le couvert végétal plutôt que les terrasses. De quoi révolutionner la conservation des sols, notamment en Afrique où l’on va rapidement passer d’une approche reposant sur les terrassements à la maîtrise de l’érosion par des techniques agroécologiques, à savoir la gestion du couvert, l’utilisation des résidus de culture, les rotations, la réduction du travail du sol ou les jachères.
••• Très tôt, l’Orstom préconise les approches agroécologiques de la conservation des sols dans les zones intertropicales •••
3À la fin des années 1970, les chercheurs tentent une approche plus expérimentale : en s’inspirant d’un modèle américain, ils construisent un grand simulateur de pluie qu’ils utilisent depuis la forêt tropicale jusqu’au Sahel. Comme ce dispositif est très lourd, ils en conçoivent une version plus petite, facilement transportable et qui a depuis été utilisée sur quatre continents. À la fin des années 1990, ils équipent également des bassins versants pour quantifier l’érosion due aux ravines et aux glissements de terrain. Ils montrent par exemple qu’un sol de forêt sans sous-bois se dégrade très rapidement car les gouttes de pluie prennent du volume sur les feuilles et frappent le sol avec force. Contrairement à une idée reçue, les plantations d’arbres ne protègent donc pas forcément mieux le sol qu’une végétation plus rase.
« En tant que partenaire national de l’IRD, je peux témoigner des nombreux impacts des études multi-échelles sur l’érosion au Laos : … elles ont permis une meilleure sensibilisation des décideurs et ont également donné lieu à des recommandations directes auprès des paysans pour la gestion de leurs terres, en soulignant les impacts de pratiques inadaptées sur l’érosion, la fertilité des terres et sur la qualité des eaux en aval. »
Oloth Sengtaheuanghoung, pédologue, Department of Agricultural Land Management, Laos
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