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    Plan détaillé Texte intégral De la « science coloniale » au partenariat scientifique équitable De l’aide au développement à l’analyse critique du développement durable À l’avant-garde de la « science de la durabilité » sustainability science Notes de bas de page Auteur

    Science et développement durable

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Introduction

    L’IRD : une science engagée pour le développement durable

    Jean-Paul Moatti

    p. 19-31

    Texte intégral De la « science coloniale » au partenariat scientifique équitable De l’aide au développement à l’analyse critique du développement durable À l’avant-garde de la « science de la durabilité » sustainability science Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1Cet ouvrage constitue l’une des multiples initiatives qui, tout au long de l’année 2019, célébreront le 75e anniversaire de l’Institut de recherche pour le développement (IRD). Il présente les contributions les plus significatives des recherches conduites par l’Institut, et par les organismes dont il est issu, tant à la science universelle qu’à l’amélioration des conditions de vie des populations de pays longtemps regroupés sous le vocable de « Tiers-Monde », et désormais qualifiés de pays en développement (PED). Ce terme de PED recouvre des réalités de plus en plus hétérogènes allant des pays « émergents » qui sont déjà de grandes puissances mondiales, comme le Brésil, la Chine ou l’Inde, aux pays dits « les moins avancés », où la majorité de la population continue de vivre en dessous du seuil de pauvreté absolue1.

    2Comme l’ensemble des manifestations organisées à l’occasion de cet anniversaire, l’ouvrage illustre la continuité historique de notre Institut sur une relativement longue période, en même temps que deux ruptures majeures intervenues au cours de ces trois quarts de siècle : la première marquera la fin des sciences coloniales ; la seconde posera les fondements d’une recherche au service du développement durable et d’un partenariat scientifique équitable. Cette histoire fait aujourd’hui de l’IRD un organisme original, voire quasi unique, dans le paysage scientifique français, européen et international. La France est en effet le seul pays du monde à disposer, avec l’IRD, d’un organisme public de recherche pluridisciplinaire entièrement dédié à la coopération scientifique avec les PED de la zone intertropicale et méditerranéenne ; institut auquel vient s’ajouter le Cirad, un autre organisme spécialisé dans cette coopération et se consacrant à la recherche agronomique.

    3La vérité historique oblige à reconnaître que célébrer en 2019 les 75 ans de l’IRD relève d’un choix, d’ailleurs assumé. Il eût en effet été possible de faire remonter les origines de l’Institut plus tôt, par exemple au « Congrès de la recherche scientifique dans les territoires d'outre-mer » organisé en septembre 1937, à l'occasion de l’Exposition universelle, et à la constitution dans la foulée, par le gouvernement du Front populaire, d’un Comité consultatif des recherches scientifiques de la France d’outre-mer à l’intérieur de ce qui deviendra l’année suivante le Centre national de la recherche scientifique (CNRS)2. Deux éminentes personnalités scientifiques, Irène Joliot-Curie et Jean Perrin, qui exerceront, successivement l’un et l’autre, la responsabilité de sous-secrétaire d’État à la recherche du Front populaire, se feront dès l’origine les avocats d’une prise en compte des spécificités de ce qui se revendiquait alors sans complexe comme « science coloniale », et de la nécessité de lui donner une traduction institutionnelle via une certaine forme d’autonomie à l’égard des dispositifs « généralistes » d’organisation de la recherche publique.

    4Cela ne sera pas sans susciter des débats qui perdurent jusqu’à aujourd’hui avec les partisans d’une simple déclinaison aux Suds des disciplines scientifiques classiques.

    5On comprendra aisément la volonté de ne pas se référer à la création en 1943, par le régime de Vichy, de l’Office de la recherche scientifique coloniale (ORSC), premier organisme public indépendant dédié à la recherche dans l’Empire colonial. Le choix s’est logiquement porté sur la reconstitution de l’ORSC par l’ordonnance du 24 novembre 1944 du gouvernement provisoire issu de la résistance à l’occupation nazie. Faire de 1944 le moment fondateur du processus qui conduira d’abord en 1953 à l’Office de la recherche scientifique et technique outre-mer (Orstom)3, puis à l’IRD, est bien sûr enraciné dans notre référence aux valeurs démocratiques et de progrès constitutives de notre République. Mais, au-delà, et c’est sans doute le plus important, les années 1944-1945 donnent le coup d’envoi de la présence des équipes de recherche du futur Orstom en Afrique, à Madagascar, en Guyane, dans les océans Pacifique et Indien, dans des territoires coloniaux qui pour l’essentiel étaient jusqu’alors demeurés vierges ou presque de toute investigation scientifique.

    De la « science coloniale » au partenariat scientifique équitable

    6Au cours de ces quatre dernières années, j’ai eu l’occasion, en tant que président-directeur général de l’Institut, de visiter nombre de nos pays partenaires et de participer à diverses formes de « commémoration » de la présence sur place de l’Orstom, par exemple le 70e anniversaire de l’IRD à Madagascar en mai 2018, ou le 60e anniversaire en octobre 2017 en Tunisie. À chaque fois, j’ai été frappé par le fait que nos collègues de l’Enseignement supérieur et de la recherche (ESR) de ces pays n’hésitaient pas à revendiquer toute l’histoire de leurs relations avec les chercheurs de notre Institut, y compris son passé colonial. C’est qu’effectivement, les travaux conduits par les botanistes, entomologistes, spécialistes de physiologie végétale, généticiens, géologues, océanologues, halieutes, hydrologues, pédologues et agronomes (on parlait plutôt alors de « défense des cultures » que d’agronomie) de l’Orstom, auxquels viendront rapidement se joindre des anthropologues, ethnologues et chercheurs d’autres disciplines de sciences humaines et sociales4, ont permis une accumulation primitive de connaissances d’une valeur inestimable : sur la faune, la flore, les bassins fluviaux et les ressources hydriques, les sols et le potentiel agricole, les ressources minières et naturelles, et, bien sûr, les structures sociales des régions intertropicales et méditerranéennes. Il n’en reste pas moins qu’au cours des quinze premières années d’existence de l’Orstom, le champ géopolitique où les chercheurs effectuaient leurs travaux était les colonies tout d’abord, puis les territoires d’outre-mer. La finalité des recherches menées, aux yeux des pouvoirs publics français, si ce n’est des chercheurs eux-mêmes, demeurait la mise en valeur et l’exploitation des ressources de ces territoires au bénéfice des intérêts métropolitains.

    7Les profonds bouleversements provoqués, à partir des années 1960, par les indépendances des colonies africaines et malgache de l’Empire français ne se traduisirent pas seulement par une extension du champ géographique de l’Orstom à de nombreux pays d’Afrique anglophone, d’Amérique latine, d’Asie du Sud-Est et du Pacifique Sud qui n’avaient jamais connu de domination coloniale française. Ils ont surtout alimenté un processus certes progressif mais qui, en définitive, a abouti à une première rupture radicale avec le colonialisme des origines5. Formellement représenté dans quarante pays des Suds et entretenant des collaborations avec plus du double d’entre eux, l’IRD d’aujourd’hui est l’exact contraire d’une institution néocoloniale. En effet, sa vocation est totalement dédiée au renforcement des capacités propres de l’Enseignement supérieur et de la recherche de ses pays partenaires à contribuer, d’une part, aux avancées de la science universelle, d’autre part, à la satisfaction des besoins de leurs populations, en particulier de leurs groupes les plus pauvres et vulnérables. Si les chercheurs de l’IRD d’aujourd’hui partagent avec leurs prédécesseurs de l’Orstom le souci de s’enraciner au plus près des collaborations avec leurs collègues des Suds et des terrains intertropicaux et méditerranéens, ils incarnent un modèle original d’expatriation qui a peu d’équivalent ailleurs, en particulier dans le monde scientifique anglo-saxon. De fait, toutes et tous vivent et travaillent au quotidien dans les laboratoires, centres de recherche et universités de leurs partenaires des PED.

    8Cette indispensable distanciation à l’égard de toute forme de condescendance, voire de domination, à l’égard des scientifiques et, bien sûr, des populations des Suds, avec lesquels l’Institut collabore, nécessite cependant une vigilance continue et une réflexion autocritique permanente sur nos pratiques de recherche. Ainsi, les travaux de l’IRD ont joué un rôle significatif dans la reconnaissance de la nécessaire flexibilité des règles internationales de protection de la propriété intellectuelle pour faciliter l’accès des PED aux médicaments et à d’autres biens essentiels, ou pour combler la fracture numérique entre pays riches et pauvres6 ; de même, ils ont fortement contribué à la reconnaissance des savoirs traditionnels, à commencer par ceux des peuples dits « premiers », et aux évolutions des règles internationales visant à garantir un juste « partage des avantages » des résultats de la recherche et des innovations qui en découlent7. Pour autant, nous devons adapter sans cesse nos pratiques, par exemple en termes de dépôts de brevets, pour nous mettre en conformité avec ces évolutions que nos recherches ont elles-mêmes suscitées, comme c’est le cas actuellement avec le protocole de Nagoya de 2010 en matière d’accès aux ressources génétiques et de conservation de la biodiversité8. De même, l’IRD répond désormais activement aux demandes de restitution de collections scientifiques de diverses natures ou de fonds patrimoniaux provenant de ses pays partenaires, qu’il s’efforce de soutenir dans leurs démarches de réappropriation et de conservation à long terme. C’est ainsi que l’Institut remettra prochainement à la République du Gabon les centaines d’heures d’enregistrement des musiques et traditions orales collectées au Gabon dans les années 1950 par deux ethnomusicologues de l’Orstom.

    9Contribuer sur un pied d’égalité au renforcement des capacités des chercheurs, universitaires et institutions de recherche des PED – cœur du partenariat scientifique équitable qui fonde désormais l’action de l’IRD – n’est pas seulement une nécessité pour la science mondiale. Une récente analyse bibliométrique a d’ailleurs montré que les co-publications avec les chercheurs des Suds sont le seul domaine où la production scientifique d’ensemble de l’ESR français échappe à la tendance quasi inéluctable à voir son impact et sa visibilité diminuer, du fait d’une compétition internationale de plus en plus vive avec la montée en puissance de la recherche des pays émergents et, en particulier, de la Chine9. L’insuffisance des infrastructures et des capacités scientifiques dans de nombreux PED handicape aussi toute leur stratégie de développement. Ainsi, le fait que l’Afrique subsaharienne représente à peine 2 % de la production scientifique mondiale (le Nigeria et l’Afrique du Sud assurant à eux seuls près de la moitié de cette contribution)10 obère sa capacité à l’innovation technologique, à peser dans les négociations internationales et, surtout, à former les cadres et les entrepreneurs indispensables à une croissance durable du continent11.

    De l’aide au développement à l’analyse critique du développement durable

    10La décolonisation initiée dans les années 1960 s’est également accompagnée d’une réorientation de la finalité des programmes de recherche, qui s’inscriront désormais dans une perspective « d’aide au développement » des nouveaux États. Néanmoins, après les indépendances, quand se forgeaient les premières institutions de la science nationale des PED, cette « recherche pour le développement » désignait des formes d’assistance technique ainsi que des programmes mis en œuvre dans les pays pauvres essentiellement financés par les pays riches. L’urgence de faire reculer la pauvreté, les impératifs de la croissance, les besoins de l’agriculture et de l’industrialisation, la mise en place des systèmes de santé guidaient les priorités de la recherche. La recherche dans les pays des Suds était pensée comme un outil de développement socioéconomique dans une logique de rattrapage des pays riches. Dans les années 1980, les crises des dettes en Amérique latine, en Afrique et en Asie, les contestations des programmes d’ajustement structurel que s’efforçaient d’imposer aux PED les institutions financières internationales, les crises sanitaires mondiales comme celle du sida, qui ont coïncidé avec la fin de la bipolarisation géostratégique héritée de l’après-guerre entre les blocs occidental et soviétique, et l’éclatement du modèle centre-périphérie marquèrent la fin de cette tendance. Celle-ci n’était pas exempte d’un certain paternalisme et de tentations de néocolonialisme, qui imprégnaient les programmes d’aide au développement, y compris dans le domaine de la recherche.

    11L’IRD d’aujourd’hui s’inscrit dans une seconde rupture radicale, fruit de l’émergence, au cours de ces cinquante dernières années, d’abord dans le champ scientifique, puis dans les arènes politiques multilatérales, d’une vision de plus en plus critique de la notion du développement conçu comme un processus linéaire au cours duquel les PED doivent parcourir, à vitesse accélérée, les grandes étapes historiques qui ont présidé à la croissance des pays de l’OCDE12. Avalisée dès 1987 par la publication du rapport Notre avenir à tous (Our Common Future), rédigé en 1987 par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’ONU, et connu comme le Rapport Brundtland, du nom de sa présidente, l’idée d’une transformation vers le développement durable a constitué une première incarnation de cette critique. Celui-ci est conçu comme « un mode de développement qui répond aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs » ; deux concepts-clé lui sont rattachés, « le concept de besoins, et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d’accorder la plus grande priorité, et l’idée des limitations que l’état de nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir »13. Adoptés près de trente ans plus tard, en septembre 2015, par les 193 pays membres des Nations unies, les Objectifs de développement durable (ODD) à l’horizon 2030 demeurent le fruit de compromis multiples entre des pays, des acteurs et des intérêts différents, voire contradictoires. Mais, en accélérant la prise de conscience des urgences sociales – avec la montée sans précédent des inégalités – et écologiques – du réchauffement climatique aux autres changements environnementaux globaux – qui menacent à moyen terme l’avenir de la planète, la recherche scientifique a joué un rôle majeur. Elle a en effet contribué à définir ces objectifs comme cadre de référence du dialogue multilatéral et a proposé des solutions permettant d’infléchir en profondeur les modèles de croissance intenables qui continuent de dominer l’économie et les relations mondiales14. Parce qu’elles se concentrent sur la zone intertropicale et méditerranéenne, qui cumule les plus fortes vulnérabilités écologiques, sociales et politiques des modèles actuels de développement, les recherches en partenariat avec les Suds conduites par l’IRD se retrouvent souvent, de façon quasi naturelle, en première ligne des débats que suscite la mise en œuvre des ODD.

    12Si, comme le démontrent nombre des projets évoqués dans cet ouvrage, l’IRD s’inscrit désormais dans le cadre de référence fixé par les ODD, il n’abdique en aucun cas la nécessaire combinaison d’esprit critique, de rigueur méthodologique et de défense de l’autonomie de la recherche à l’égard des pouvoirs constitués. Cette combinaison demeure au cœur de la démarche scientifique et caractérise l’Institut depuis les origines, au prix parfois de relations difficiles avec les autorités des pays d’accueil, voire avec celles de notre propre pays. À l’image du combat pour l’accès aux médicaments essentiels pour le sida, la tuberculose et la malaria pour les personnes atteintes des Suds, auquel j’ai été personnellement associé dans ma carrière de chercheur15, cet ouvrage fourmille d’exemples qui montrent que les recherches conduites par l’IRD ont souvent eu le plus d’impact transformateur quand elles remettaient en cause les idées reçues, y compris au sein d’une communauté scientifique internationale qui n’échappe pas toujours à une excessive hégémonie de la pensée anglo-saxonne.

    13L’aptitude au débat pluraliste et à la pensée critique est donc partie intégrante de l’ADN de notre Institut. Elle en fait toute la richesse. Si elles ne font pas forcément l’unanimité en notre sein, comme d’ailleurs dans l’ensemble de la communauté scientifique internationale, nombre de recherches actuellement en cours avec nos partenaires des PED se réfèrent explicitement à la notion d’« anthropocène ». Celle-ci postule que l’activité humaine a atteint un tel degré de développement qu’elle aurait fait entrer la Terre dans une nouvelle ère géologique16, que les changements environnementaux et sociaux globaux en cours menacent de transgresser les limites de la lithosphère et de la biosphère planétaires17. D’autres s’inscrivent même dans la perspective critique du « capitalocène »18, selon laquelle ce n’est pas l’activité humaine en soi qui menace de détruire la planète, mais bien l’activité humaine telle que générée par les rapports sociaux de production et de domination capitalistes, en particulier dans sa phase de prédominance de la sphère financière.

    14Les deux ruptures majeures évoquées ci-dessus n’ont pas manqué d’avoir une traduction institutionnelle : tout d’abord en 1984, lorsque l’Orstom, rebaptisé à cette occasion « Institut français de recherche scientifique pour le développement en coopération » mais conservant le sigle Orstom, accède au statut d’établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST), puis lors de la création en 1998 de l’Institut de recherche pour le développement (IRD), dans les formes statutaires d’EPST similaires à celles d’autres organismes publics de recherche comme le CNRS, l’Inra ou l’Inserm qui président à son fonctionnement actuel19. Le hasard faisant bien les choses, cette 75e année de l’Institut correspond également au 20e anniversaire de la création de l’IRD dans sa forme actuelle.

    15Depuis la création de l’IRD en 1998, d’autres évolutions institutionnelles sont intervenues. La plus récente a vu la totalité des laboratoires de l’Institut devenir des « unités mixtes de recherche » l’associant aux universités et, dans la grande majorité des cas, à un ou plusieurs autres organismes publics de recherche (Cirad, CNRS, Ifremer, Inra, Inserm, Irstea), faisant ainsi progresser la mutualisation d’ensemble de la projection aux Suds de l’ESR français. Ces cotutelles avec des établissements et organismes de sciences « généralistes » permettent aux équipes de l’IRD de combiner, encore mieux que par le passé, une insertion dans l’actualité la plus pointue de toutes les grandes disciplines scientifiques avec leurs connaissances de longue durée et profondes des contextes et des spécificités des PED.

    16Ce faisant, l’IRD est désormais mieux armé pour gérer et dépasser les tensions inhérentes à sa double fonction, depuis les débats originels antérieurs même à la Seconde Guerre mondiale jusqu’aux discussions sur le rôle de la science dans le monde multipolaire et numérique d’aujourd’hui. Tension qui, bien au-delà du clivage traditionnel entre recherche fondamentale et recherche appliquée, se joue entre, d’une part, sa contribution à la science universelle – nombre des grandes questions qui se posent à la recherche, du changement climatique aux migrations en passant par les inégalités, ne sont en effet pas solubles sans l’éclairage des données observées dans la zone intertropicale et méditerranéenne – et, d’autre part, sa contribution à l’élaboration d’innovations et de solutions mieux adaptées aux besoins essentiels des populations des PED. Tension aussi entre son rôle désintéressé de producteur de connaissances scientifiques qui, par essence, sont un bien public mondial au service de l’humanité tout entière, et son rôle au service de la « diplomatie scientifique » et de la stratégie d’influence de la France, et plus largement du monde francophone. Mais ce ne sont pas tant les aspects institutionnels que l’inscription résolue de l’IRD dans une troisième ère majeure, actuellement en cours dans le champ scientifique lui-même, qui garantira son avenir, comme celui de toute la recherche au service du développement durable.

    À l’avant-garde de la « science de la durabilité » sustainability science

    17Amorcée dans les années 1980, l’émergence d’un nouveau champ scientifique, baptisé sustainability science dans la littérature internationale, et que l’on peut traduire imparfaitement par « science de la durabilité », est devenue depuis le début de ce siècle une priorité de l’Académie nationale des sciences des États-Unis (NAS), et quelque temps après, de son équivalent chinois20. Elle est désormais au cœur de l’action du Conseil international pour la science (ISC), qui coordonne les Unions scientifiques internationales21, et de grands programmes de recherche ou partenariats scientifiques internationaux comme Future Earth22 et le Belmont Forum23. L’Académie américaine définit cette sustainability science comme « traitant des interactions entre les systèmes naturels et sociaux et de la façon dont ces interactions peuvent affecter les enjeux du développement durable : satisfaire les besoins des générations présentes et futures en réduisant la pauvreté tout en préservant les écosystèmes planétaires »24. Au cours de ces vingt dernières années, ce champ a été conforté par la création de plusieurs journaux scientifiques spécialisés et, plus récemment, par sa reconnaissance par les plus grandes publications scientifiques « généralistes » (Nature, Science, Lancet, etc.)25.

    18La science de la durabilité se caractérise par le fait que ses objets et ses problématiques de recherche trouvent d’abord leur source dans la confrontation aux problèmes du monde réel, des écosystèmes et des sociétés, plutôt qu’à la dynamique propre des disciplines scientifiques qu’elle mobilise. Elle se veut donc intrinsèquement interdisciplinaire et intersectorielle, puisqu’elle se focalise sur une meilleure compréhension des chaînes causales complexes qui permettent d’expliquer les changements et les dérèglements actuels des éco-socio-systèmes, et sur la production de solutions et d’innovations qui favorisent les trajectoires d’évolution vers un développement durable26. Elle exprime, au sein même des pratiques de recherche, un attachement tout particulier aux « sciences participatives », c’est-à-dire à la co-construction, dès l’amont, des programmes de recherche avec les communautés et les groupes sociaux qui sont les premiers concernés par les problèmes qu’elle s’efforce de traiter27. L’ancrage dans les territoires (sur le terrain) doit ainsi permettre de conjuguer le développement de fronts de science génériques avec la reconnaissance des problèmes auxquels font face les sociétés dans leur quotidien et dans leur environnement.

    19La préparation, puis l’adoption en 2015 et la mise en œuvre en cours de l’Agenda 2030 des ODD ont suscité une formidable accélération de l’intérêt pour la science de la durabilité, dans la communauté scientifique et au-delà. Des avancées significatives sont notamment intervenues dans l’analyse des interactions entre les multiples phénomènes visés par les ODD, ainsi qu’entre les politiques et actions visant à les promouvoir. Il s’agit en effet d’éviter que la poursuite « verticale » de chaque objectif n’affecte négativement les autres, pour, au contraire, maximiser les synergies positives entre les politiques de soutien aux ODD28. Pour ne citer qu’un seul exemple parmi des centaines, il s’agit d’éviter que la sécurité alimentaire ne soit garantie, comme à l’heure actuelle, par une croissance exponentielle de l’usage des intrants chimiques et des pesticides dans l’agriculture, mais, à l’inverse, d’augmenter, par la promotion de l’agroécologie, les capacités de stockage du carbone dans les sols, qui contribuent simultanément à la réduction des émissions de gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique et à l’amélioration de la productivité agricole29.

    20Les Nations unies ont amorcé une reconnaissance institutionnelle de la science de la durabilité, en confiant, pour la première fois de leur histoire, l’évaluation critique des ODD à un groupe de 15 scientifiques indépendants (IGS), dont l’auteur de ces lignes fait partie, plutôt qu’aux agences onusiennes elles-mêmes ; ce, de façon à permettre à celle-ci d’échapper aux habituelles négociations et compromis inter-gouvernementaux qui caractérisent les institutions multilatérales. Le premier de ces rapports quadriennaux dits « GSDR » pour Global Sustainable Development Report, qui se renouvelleront régulièrement jusqu’à l’horizon 2030 fixé aux ODD, est prévu pour septembre 201930. Dans le contexte géostratégique actuel de crise du multilatéralisme, il constitue une rare opportunité pour l’évidence et la rationalité scientifiques d’influencer dans le bon sens les politiques publiques.

    21À la lecture de cet ouvrage, on peut certes argumenter que l’IRD, au cours de ses 75 ans d’existence, n’a pas attendu l’émergence de la science de la durabilité pour pratiquer l’interdisciplinarité, contribuer à la résolution des problèmes majeurs rencontrés par les PED, et associer les populations, notamment les plus vulnérables, aux programmes de recherche pour le développement. D’autres pans de la recherche française pourraient sans doute avancer un argumentaire similaire. Mais, à force de pratiquer la sustainability science comme Monsieur Jourdain faisait de la prose, c’est-à-dire sans forcément l’expliciter, sans se positionner dans les instances et lieux de débat de ce champ, et sans même parfois en avoir conscience, la science française et francophone risque de voir son impact s’amoindrir, tant face à la compétition scientifique internationale que dans sa capacité à influencer les politiques publiques et les comportements des acteurs clés du développement durable.

    22Fort de 75 ans de partenariat avec les pays et territoires de la zone intertropicale et méditerranéenne, les plus exposés aux dérèglements globaux et souvent les plus motivés, par nécessité, pour élaborer et diffuser des innovations « frugales » susceptibles de favoriser les ruptures vers des trajectoires de développement durable31, l’IRD est particulièrement bien placé pour s’investir dans la science de la durabilité. Ce 75e anniversaire est donc l’occasion pour que notre Institut se porte à l’avant-garde de cette science en jouant un rôle d’entraînement et d’impulsion de l’ensemble de la recherche française et francophone, et surtout des scientifiques des Suds. Il y va de son avenir dans le prochain quart de siècle et, peut-être aussi un petit peu, et en toute modestie, de celui de notre planète.

    Notes de bas de page

    1Tel que défini par les institutions internationales, moins de 1,90 US $ par personne et par jour en parité de pouvoir d’achat.

    2C. Bonneuil, Des savants pour l’Empire, les origines de l’Orstom, Cahiers pour l’Histoire du CNRS, 1990, p. 10.

    3L’ORSC se transformera cinq ans plus tard en Office de recherche scientifique d’outre-mer (Orsom), puis en 1953, en Office de la recherche scientifique et technique d’Outre-mer (Orstom).

    4E. Sibeud, Les sciences sociales à l’épreuve de la situation coloniale, Revue d’Histoire des Sciences humaines, 2004/1, 10, pp 3-7.

    5M.-L. Sabrié, Histoire des principes de programmation scientifique à l’Orstom (1944-1994), in : Les sciences hors d’Occident au xxe siècle, éditions de l’Orstom/Unesco, 1995, vol. 2, pp. 223-234.

    6F. Orsi, M. P. Carrieri, B. Coriat, É. Delaporte, J.-P. Moatti, B. Spire et al., Call for action to secure universal access to ART in developing countries, Lancet, 2010, vol. 375, issue 9727, pp. 1693-1694.

    7F. Thomas, Les éthiques du partage des avantages dans la gouvernance internationale de la biodiversité sauvage et cultivée, Éthique Publique, 2014, vol. 16 (1).

    8G. Bourdy, C. Aubertin, V. Jullian, É. Deharo, Quassia “biopiracy” case and the Nagoya Protocol : A researcher’s perspective, Journal of Ethnopharmacology, vol. 206, 12 July 2017, pp. 290-297.

    95 ans de production scientifique des unités mixtes de recherche de l’IRD. Analyse bibliométrique 2012-2017, IRD, Marseille, 2018. http://www.ird.fr/media/ird.fr/actualites/photos-actualites/2017-1er-semestre/rapport-bibliometrique

    10Rapport de l’Unesco sur la science vers 2030, Unesco, Paris, 2016. https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000246417

    11African Union, Agenda 2063 : the Africa we want. https://au.int/fr/agenda2063

    12S. Anand, A. Sen, Human Development and Economic Sustainability, World Development, vol. 28, issue 12, December 2000, pp. 2029-2049.

    13Commission mondiale sur l’environnement et le développement, Notre avenir à tous, éditions du Fleuve/Publications du Québec, 1989.

    14J.-P. Moatti, Dépasser les ambiguïtés et les limites des ODD : la science en première ligne, in : Un défi pour la planète. Les Objectifs de développement durable en débat, IRD Éditions/éditions Quae, 2017.

    15J.-P. Moatti, I. N’Doye, S. M. Hammer, P. Hale, M. Kazatchkine, Antiretroviral treatment for HIV infection in developing countries : an attainable new paradigm, Nature Medicine, 2003, vol. 9, pp. 1449-1452.

    16P. J. Crutzen, W. Steffen, How Long Have We Been in the Anthropocene Era ? Climatic Change, 2003, vol. 61, issue 3, pp. 251-257.

    17W. Steffen, K. Richardson, J. Rockström et al., Planetary boundaries : Guiding human development on a changing planet, Science, 2015, vol. 347, issue 6223, 1259855.

    18A. Malm, Fossil Capital : The Rise of Steam Power and the Roots of Global Warming, Verso Books, London & New York, 2016.

    19Ph. Lazar, Quelle science pour les pays en développement ?, Science, 1999, 99 (4), pp. 59-62.

    20R. W. Kates, W. C. Clark, R. Corell et al., Sustainability Science, Science, 27 April 2001, vol. 292, issue 5517, pp. 641-642.

    21https://council.science/

    22http://www.futureearth.org/

    23http://www.belmontforum.org/

    24W. C. Clark, Sustainability Science : A room of its own, PNAS, February 6, 2007, 104 (6), pp. 1737-1738.

    25M. A. Bettencourt, J. Kaurc, Evolution and structure of sustainability science, PNAS, December 6, 2011, vol. 108, n° 49, pp. 19540-19545.

    26J.-L. Chotte, J.-P. Moatti, Une science interdisciplinaire au service du développement durable. The Conversation, juillet 2018. https://www.ird.fr/toute-l-actualite/communiques-et-dossiers-de-presse/cp-2018/une-science-interdisciplinaire-au-service-du-developpement-durable

    27Nature Editorial, 3 October 2018. The best research is produced when researchers and communities work together. https://www.nature.com/articles/d41586-018-06855-7

    28International Science Council, A Guide to SDG Interactions : from Science to Implementation, 2017. https://council.science/cms/2017/05/SDGs-Guide-to-Interactions.pdf

    29https://www.4p1000.org/fr

    30https://sustainabledevelopment.un.org/globalsdreport/2019

    31R. Adams, S. Jeanrenaud, J. Bessant, D. Denyer, P. Overy, Sustainability-oriented Innovation : A Systematic Review, International Journal of Management Reviews, vol. 18, issue 2, pp. 180-205, 2016 ; M. Hossain, H. Simula, M. Halme, Can frugal go global ? Diffusion patterns of frugal innovations, Technology in Society, vol. 46, August 2016, pp. 132-139.

    Auteur

    Jean-Paul Moatti

    Président-directeur général de l’Institut de recherche pour le développement (IRD)

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    1Tel que défini par les institutions internationales, moins de 1,90 US $ par personne et par jour en parité de pouvoir d’achat.

    2C. Bonneuil, Des savants pour l’Empire, les origines de l’Orstom, Cahiers pour l’Histoire du CNRS, 1990, p. 10.

    3L’ORSC se transformera cinq ans plus tard en Office de recherche scientifique d’outre-mer (Orsom), puis en 1953, en Office de la recherche scientifique et technique d’Outre-mer (Orstom).

    4E. Sibeud, Les sciences sociales à l’épreuve de la situation coloniale, Revue d’Histoire des Sciences humaines, 2004/1, 10, pp 3-7.

    5M.-L. Sabrié, Histoire des principes de programmation scientifique à l’Orstom (1944-1994), in : Les sciences hors d’Occident au xxe siècle, éditions de l’Orstom/Unesco, 1995, vol. 2, pp. 223-234.

    6F. Orsi, M. P. Carrieri, B. Coriat, É. Delaporte, J.-P. Moatti, B. Spire et al., Call for action to secure universal access to ART in developing countries, Lancet, 2010, vol. 375, issue 9727, pp. 1693-1694.

    7F. Thomas, Les éthiques du partage des avantages dans la gouvernance internationale de la biodiversité sauvage et cultivée, Éthique Publique, 2014, vol. 16 (1).

    8G. Bourdy, C. Aubertin, V. Jullian, É. Deharo, Quassia “biopiracy” case and the Nagoya Protocol : A researcher’s perspective, Journal of Ethnopharmacology, vol. 206, 12 July 2017, pp. 290-297.

    95 ans de production scientifique des unités mixtes de recherche de l’IRD. Analyse bibliométrique 2012-2017, IRD, Marseille, 2018. http://www.ird.fr/media/ird.fr/actualites/photos-actualites/2017-1er-semestre/rapport-bibliometrique

    10Rapport de l’Unesco sur la science vers 2030, Unesco, Paris, 2016. https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000246417

    11African Union, Agenda 2063 : the Africa we want. https://au.int/fr/agenda2063

    12S. Anand, A. Sen, Human Development and Economic Sustainability, World Development, vol. 28, issue 12, December 2000, pp. 2029-2049.

    13Commission mondiale sur l’environnement et le développement, Notre avenir à tous, éditions du Fleuve/Publications du Québec, 1989.

    14J.-P. Moatti, Dépasser les ambiguïtés et les limites des ODD : la science en première ligne, in : Un défi pour la planète. Les Objectifs de développement durable en débat, IRD Éditions/éditions Quae, 2017.

    15J.-P. Moatti, I. N’Doye, S. M. Hammer, P. Hale, M. Kazatchkine, Antiretroviral treatment for HIV infection in developing countries : an attainable new paradigm, Nature Medicine, 2003, vol. 9, pp. 1449-1452.

    16P. J. Crutzen, W. Steffen, How Long Have We Been in the Anthropocene Era ? Climatic Change, 2003, vol. 61, issue 3, pp. 251-257.

    17W. Steffen, K. Richardson, J. Rockström et al., Planetary boundaries : Guiding human development on a changing planet, Science, 2015, vol. 347, issue 6223, 1259855.

    18A. Malm, Fossil Capital : The Rise of Steam Power and the Roots of Global Warming, Verso Books, London & New York, 2016.

    19Ph. Lazar, Quelle science pour les pays en développement ?, Science, 1999, 99 (4), pp. 59-62.

    20R. W. Kates, W. C. Clark, R. Corell et al., Sustainability Science, Science, 27 April 2001, vol. 292, issue 5517, pp. 641-642.

    21https://council.science/

    22http://www.futureearth.org/

    23http://www.belmontforum.org/

    24W. C. Clark, Sustainability Science : A room of its own, PNAS, February 6, 2007, 104 (6), pp. 1737-1738.

    25M. A. Bettencourt, J. Kaurc, Evolution and structure of sustainability science, PNAS, December 6, 2011, vol. 108, n° 49, pp. 19540-19545.

    26J.-L. Chotte, J.-P. Moatti, Une science interdisciplinaire au service du développement durable. The Conversation, juillet 2018. https://www.ird.fr/toute-l-actualite/communiques-et-dossiers-de-presse/cp-2018/une-science-interdisciplinaire-au-service-du-developpement-durable

    27Nature Editorial, 3 October 2018. The best research is produced when researchers and communities work together. https://www.nature.com/articles/d41586-018-06855-7

    28International Science Council, A Guide to SDG Interactions : from Science to Implementation, 2017. https://council.science/cms/2017/05/SDGs-Guide-to-Interactions.pdf

    29https://www.4p1000.org/fr

    30https://sustainabledevelopment.un.org/globalsdreport/2019

    31R. Adams, S. Jeanrenaud, J. Bessant, D. Denyer, P. Overy, Sustainability-oriented Innovation : A Systematic Review, International Journal of Management Reviews, vol. 18, issue 2, pp. 180-205, 2016 ; M. Hossain, H. Simula, M. Halme, Can frugal go global ? Diffusion patterns of frugal innovations, Technology in Society, vol. 46, August 2016, pp. 132-139.

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    Moatti, J.-P. (2019). L’IRD : une science engagée pour le développement durable. In C. Lavagne, T. Mourier, M.-L. Sabrié, & V. Thivent (éds.), Science et développement durable (1‑). IRD Éditions. https://doi.org/10.4000/1226u
    Moatti, Jean-Paul. « L’IRD : une science engagée pour le développement durable ». In Science et développement durable, édité par Corinne Lavagne, Thomas Mourier, Marie-Lise Sabrié, et Viviane Thivent. Marseille: IRD Éditions, 2019. https://doi.org/10.4000/1226u.
    Moatti, Jean-Paul. « L’IRD : une science engagée pour le développement durable ». Science et développement durable, édité par Corinne Lavagne et al., IRD Éditions, 2019, https://doi.org/10.4000/1226u.

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    Lavagne, C., Mourier, T., Sabrié, M.-L., & Thivent, V. (éds.). (2019). Science et développement durable (1‑). IRD Éditions. https://doi.org/10.4000/1226t
    Lavagne, Corinne, Thomas Mourier, Marie-Lise Sabrié, et Viviane Thivent, éd. Science et développement durable. Marseille: IRD Éditions, 2019. https://doi.org/10.4000/1226t.
    Lavagne, Corinne, et al., éditeurs. Science et développement durable. IRD Éditions, 2019, https://doi.org/10.4000/1226t.
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