1Le chemin d’impact constitue le cadre d’analyse de l’étude. Il sert de fil conducteur à sa réalisation et guide la restitution de ses résultats sous la forme d’un rapport dont l’organisation suit la logique du chemin d’impact. Il intègre les éléments de contexte ayant influencé son déroulement et comprend cinq phases :

• la contribution des acteurs, qui identifie les recherches retenues dans le périmètre du cas, les acteurs impliqués et leurs apports respectifs ;
• les produits de la recherche issus de la phase précédente et qui ont contribué à la génération de l’impact constaté ;
• la circulation des connaissances et les intermédiaires, phase qui décrit le cheminement de ces produits, leur transformation et leur appropriation par les bénéficiaires ; elle identifie les acteurs (ou dispositifs) qui ont joué un rôle de passeur/intermédiaire entre le monde académique et les bénéficiaires des impacts ;
• les premiers impacts, c’est-à-dire les impacts observés sur les premiers bénéficiaires, directs ou indirects, des produits de la recherche transformés ou adaptés à la phase précédente ;
• les impacts étendus qui touchent une autre sphère de bénéficiaires par un changement d’échelle spatiale des impacts ou par extension à d’autres domaines.

2Dans la construction du chemin d’impact, une attention particulière doit être portée :

• à la mise en évidence des liens de causalité entre les phases afin de retracer et éclairer la contribution d’un acteur aux impacts constatés ;
• au rôle des acteurs impliqués dans ce chemin d’impact et aux relations qu’ils entretiennent entre eux. Un même acteur peut à la fois contribuer au processus de recherche et participer à la circulation des connaissances. Il peut être également bénéficiaire des effets de la recherche ;
• au caractère itératif de la démarche, au sein d’une même phase et entre les phases. Le chemin d’impact n’est pas linéaire. Un produit de la recherche peut, par exemple, contribuer à en produire un autre. Il peut également participer à la génération d’impacts dans plusieurs domaines (social, économique…) et selon des temporalités différentes. Réciproquement, un impact peut être le fruit de plusieurs produits issus des recherches.

Figure 1. Schéma du chemin d’impact.

3Ce chapitre présente dans un premier temps les modalités de délimitation d’un cas et détaille ensuite le contenu des cinq phases du chemin d’impact. Les définitions proposées (entre guillemets dans le texte) sont issues des méthodes Asirpa ou ImpresS. Des exemples issus des cas achevés de Miriades illustrent ces différentes phases, avec pour certains la mention des études concernées désignées par leur titre court (tableau 1).

Délimitation du cas

4Le rapporteur scientifique joue un rôle prépondérant dans cette première étape. En définissant le périmètre des recherches, il identifie dans le même temps les premiers éléments du chemin d’impact : principaux partenaires des recherches, résultats, modalités de circulation des connaissances et acteurs impliqués, repères chronologiques, espace géographique, événements contextuels ou autres éléments.

5L’ensemble des recherches qui constitue le périmètre du cas est identifié selon un procédé qui part d’un impact observé pour remonter vers les travaux de l’organisme porteur de l’étude susceptibles d’y avoir contribué. Le choix de ce périmètre doit être pertinent en regard de ses compétences, du positionnement et de l’expertise de ses équipes dans les champs scientifiques concernés (originalité, intérêt, approche…) de l’importance de sa contribution et de ses partenariats. En d’autres termes, il s’agit de déterminer l’angle ou l’échelle d’analyse qui rendront le mieux compte de la contribution de l’organisme à l’impact observé. Le rapporteur scientifique construit ainsi une hypothèse de chemin d’impact plausible, à confronter aux points de vue des autres parties prenantes de ce chemin. Des exemples de cas sont présentés dans l’encadré 2.

6Le périmètre initial n’est pas fixé une fois pour toutes et peut évoluer au cours de l’étude. Le travail bibliographique, les entretiens réalisés avec les acteurs et les bénéficiaires des impacts conduisent à en ajuster les contours. De même, l’étude amène à valider, ou pas, les hypothèses initiales d’impact auprès des bénéficiaires, voire à identifier d’autres impacts et potentiellement d’autres bénéficiaires.

7Points de vigilance : la délimitation du périmètre du cas comporte une part de subjectivité. Cet exercice peut créer des biais auxquels doit être attentif le responsable de l’étude. Un périmètre trop réduit risque en effet de n’éclairer que partiellement la contribution de l’organisme à l’impact observé. Inversement, un périmètre trop large peut rendre la réalisation d’une étude trop complexe et l’analyse des mécanismes d’impact longue et difficile. Il est recommandé de ne pas retenir de travaux trop récents dont les retombées n’auraient pas encore eu le temps de pleinement se déployer. Le chemin d’impact est une photographie de l’impact à un instant donné.

Le contexte et les cinq phases du chemin d’impact

Contexte

8L’objectif est de mettre en évidence les enjeux sociétaux et les événements qui ont eu une influence significative sur l’initiation du processus de recherche ou le déroulement des différentes phases du chemin d’impact. Cette analyse, qui figure en introduction d’une étude de cas, décrit en quoi ils ont pu favoriser, ralentir ou orienter les décisions des acteurs. Ces éléments de contexte peuvent être de nature très diverse : politique, scientifique, environnementale, économique, sociale, sanitaire…

9Parmi les études du projet Miriades, on peut citer1 : l’accès à un nouveau traitement [ARV], les enjeux économiques, sociaux et environnementaux liés à l’exploitation d’une ressource [Mines, Humboldt, Palmiers] ou à une catégorie d’acteurs économiques [Économie informelle], l’évolution du cadre législatif, réglementaire ou des accords internationaux [Mines, Humboldt], les risques et aléas naturels [Volcans] ou la mise en place d’une nouvelle institution internationale [ARV].

Contribution des acteurs au processus de recherche

10L’objectif de cette première phase du chemin d’impact est de documenter la contribution spécifique des principaux partenaires aux impacts constatés, et donc des activités de recherche qui y ont contribué.

11On entend par contribution « les investissements de toute nature consentis par l’ensemble des acteurs impliqués dans les processus de recherche collaboratifs ». La démarche prend en compte « l’ensemble des compétences, infrastructures, partenariats, réputations, arrangements institutionnels, mobilisés pour la production de connaissances scientifiques et techniques ». Elle intègre dans son analyse « la position des recherches par rapport au bassin mondial de connaissances, les formes d’organisation et les interactions entre les différents acteurs impliqués : “la situation productive” » (Colinet et al., 2014).

12Cette approche vise ainsi à prendre en compte la diversité des éléments nécessaires à la réalisation des travaux de recherche et à la production de connaissances. Les apports considérés sont ceux engagés avant le démarrage ou pendant la période de réalisation des recherches du périmètre du cas.

13En plus des établissements de recherche et d’enseignement supérieur, les partenaires impliqués dans le processus de recherche peuvent être de nature variée. Dans les études du projet Miriades sont également parties prenantes à des degrés divers :

• des représentants de la société civile (associations, ONG, organisations communautaires…) qui jouent un rôle de relais entre les scientifiques et les communautés concernées ou sont directement impliqués dans les projets [ARV, Volcans] ;
• des acteurs du secteur économique (entreprises et organisations professionnelles) qui mettent à disposition des infrastructures, facilitent l’accès aux données ou financent la recherche [Humboldt, Mines] ;
• des organisations et agences nationales, régionales ou internationales qui financent les travaux de recherche sur projets et, parfois, contribuent à leur définition [ARV, Économie informelle, Humboldt, Palmiers] ;
• les pouvoirs publics qui peuvent être commanditaires ou financeurs des recherches, voire être directement impliqués dans leur réalisation [ARV, Économie informelle, Humboldt, Mines, Palmiers, Volcans] ;
• des institutions publiques non académiques (instituts nationaux de la statistique, structures de santé) impliquées dans les activités de recherche ou pourvoyeuses de données [ARV, Économie informelle, Humboldt] ;
• des réseaux multi-acteurs qui contribuent à la structuration, l’orientation ou au développement de la recherche [Palmiers].

14Une description du rôle des acteurs qui ont contribué au processus de recherche dans les études de cas du projet Miriades figure en annexe.

15Points de vigilance : il s’agit d’identifier les acteurs du processus de recherche, c’est-à-dire ceux sans lesquels les travaux de recherche n’auraient pas pu être réalisés, et non de dresser une cartographie exhaustive des contributeurs à ce processus. Il faut également veiller à clairement circonscrire le périmètre du cas dans le continuum des recherches réalisées sur la thématique concernée et à borner ces travaux dans le temps. Les connaissances produites antérieurement participent du bassin de connaissances mobilisables.

Produits de la recherche

16L’objectif de cette deuxième phase du chemin d’impact est de présenter les produits des recherches considérées à la phase précédente et qui ont contribué à générer l’impact constaté.

17Ces produits sont diversifiés. Ils peuvent être : « académiques (publications, colloques…) techniques (incorporés dans des logiciels, des produits commercialisables… ou intangibles comme des procédés, savoir-faire, formations, expertises…) organisationnels (bases de données, collections) ». Ces produits « peuvent faire l’objet (ou non) d’une protection intellectuelle comme le dépôt de brevet, de savoir-faire, de marque ou de logiciel » (Colinet et al., 2014).

18Les exemples de produits rassemblés dans le tableau 2 (hors publications académiques, colloques et séminaires scientifiques) illustrent cette diversité.

19Points de vigilance : le critère de causalité est déterminant dans le choix des résultats à mentionner dans cette partie. Le but n’est pas de valoriser l’ensemble de la production issue des recherches, mais plus exactement celle qui a effectivement contribué à la survenue de l’impact. Pour les publications scientifiques, par exemple, il est recommandé de ne citer que celles qui sont fondatrices des résultats.

Circulation des connaissances et intermédiaires

20L’objectif de cette troisième phase est de décrire comment les produits de la recherche circulent, sont adaptés ou transformés et utilisés.

21Les intermédiaires peuvent être, par exemple, « des dispositifs techniques, des structures professionnelles, de conseil, de formation ou de médiation, des systèmes de licences ou de contractualisation, des ressources humaines, des centres techniques, des incubateurs, des administrations ou des médias. » (Colinet et al., 2014)

22Les acteurs impliqués dans cette phase peuvent avoir également contribué au processus de recherche, en amont, ou être bénéficiaires des impacts. La manière dont ils mobilisent les connaissances produites varie en fonction de leur domaine de compétence et du contexte.

23On relève ainsi dans les études réalisées dans le cadre du projet Miriades la contribution des :

• établissements de recherche et d’enseignement supérieur, dont l’implication prend diverses formes (élaboration de plaidoyers, mise en relation d’acteurs, formations, réalisation d’expertises, actions d’information et de diffusion des connaissances scientifiques vers la société, contribution au débat public, mise en place d’incubateurs, licences d’exploitation…) ; l’engagement des chercheurs dans ce rôle de passeur est constaté dans l’ensemble des cas ;
• pouvoirs publics, qui sont à la fois demandeurs d’expertise et de connaissances scientifiques et parties prenantes de leur adaptation, leur utilisation ou de leur diffusion par le biais de divers instruments (intégration dans les orientations des politiques publiques ; édiction de lois et réglementations ; évolution de l’organisation des moyens publics ; financement de dispositifs pour favoriser la diffusion de connaissances…) [ARV, Humboldt, Mines, Palmiers, Volcans] ;
• institutions publiques non académiques, qui contribuent à créer les conditions d’appropriation des connaissances et innovations produites, à les rendre opérationnelles et à les pérenniser [ARV, Économie informelle, Volcans] ;
• acteurs du secteur économique, qui font appel à l’expertise scientifique, s’approprient ou adaptent de nouvelles technologies, normes ou pratiques [Humboldt, Mines, Palmiers] ;
• représentants de la société civile (ONG, associations, organisations communautaires…) qui contribuent au renforcement des capacités de communautés ou d’institutions (financement, formations, actions de sensibilisation…) à l’ancrage d’une question dans le débat public, à assurer l’interface entre science, politiques ou autres acteurs de la société ; cette catégorie d’acteurs est présente dans toutes les études réalisées ;
• organisations et agences nationales, régionales ou internationales, à travers le financement de dispositifs de médiation, la contribution à la mise en œuvre opérationnelle des résultats de la recherche, l’adaptation de leurs instruments… [Économie informelle, Palmiers, Volcans] ;
• réseaux multi-acteurs [Économie informelle, Humboldt, Mines]. Cette diversité d’acteurs peut se constituer en réseaux qui contribuent de plusieurs manières à la diffusion de la connaissance ou à l’émergence de nouveaux ­questionnements.

24Une description du rôle des acteurs intermédiaires identifiés dans les études de cas du projet Miriades figure en annexe.

25Points de vigilance : la frontière entre production de la recherche et circulation des connaissances est souvent ténue et poreuse. Selon les cas, un élément peut être considéré comme un produit de la recherche ou de la phase de circulation des connaissances. C’est la logique du déroulement de la génération de l’impact et des interactions entre les acteurs qui détermine son positionnement dans le chemin d’impact.

Impacts : premiers impacts et impacts étendus

26Ces deux dernières phases du chemin décrivent les impacts sociétaux avérés, la nature et l’intensité des changements constatés, les limites rencontrées et les bénéficiaires de ces impacts. Le bénéficiaire qualifie le caractère positif ou négatif de l’impact. Selon les catégories de bénéficiaires interrogés, les effets d’un changement seront jugés positifs ou négatifs.

27L’analyse distingue deux niveaux d’impact : les premiers impacts et les impacts étendus. Les premiers impacts concernent les effets sur les utilisateurs directs des produits de la recherche. Les impacts étendus sont « liés à une adoption généralisée de l’innovation à une large part de l’espace ou de la population visée, au-delà de la sphère des utilisateurs initiaux (impact 1) » (Colinet et al., 2014)2. La distinction entre premiers impacts et impacts étendus repose sur un changement d’échelle. Un impact étendu peut également procéder d’un changement de nature. L’encadré 3 sur l’accès aux ARV en Afrique illustre ces deux niveaux.

28Les impacts auxquels ont contribué les recherches menées par l’IRD avec ses partenaires sont décrits selon les six dimensions définies au chapitre précédent (« Adaptation des outils d’analyse à l’IRD ») : académique ; économique ; environnementale ; institutionnelle ; sur les politiques publiques ; socio-culturelle, sanitaire et éducative.

29Pour mémoire, le renforcement des capacités est intégré dans chacune de ces dimensions. Ces dimensions d’impact peuvent être observées à différentes échelles géographiques (locale, nationale, internationale) et concernent tant les premiers impacts que les impacts étendus.

30Des éléments de caractérisation des six dimensions de l’impact sont proposés ci-après, accompagnés d’exemples tirés des cas achevés du projet Miriades. Les études concernées sont désignées par leur titre court (tableau 1).

Impact académique

31Dans le cadre de la méthode Miriades, l’impact académique concerne la sphère de l’enseignement supérieur et de la recherche (tableau 3). Cet impact peut se matérialiser par un renforcement des capacités des institutions académiques, par des effets sur l’organisation, le fonctionnement ou la structuration du système de recherche et d’enseignement supérieur. Il peut également se traduire par l’ouverture à de nouvelles problématiques scientifiques et à des questions de recherche, ou encore par l’émergence de nouveaux domaines dont s’empare la communauté scientifique. Par convention, l’impact de la production de connaissances sur le monde de la recherche en tant que tel, de même que l’itération habituelle de la recherche, sont exclus du périmètre de cette dimension d’impact.

Impact économique

32Les impacts économiques peuvent être observés à travers leurs effets sur les acteurs économiques (ménages, entreprises, État, institutions). Ces changements peuvent toucher différents secteurs tels que l’emploi (création, préservation, réduction, qualification, nouveaux métiers), la production de biens et de services (productivité, rentabilité, qualité, diversification, réduction des coûts), les ressources/revenus (augmentation, diminution, préservation) l’innovation ou le commerce (tableau 4).

Impact environnemental

33Nous reprenons ici les éléments de définition proposés dans la méthode Asirpa. Est considéré comme un impact environnemental l’impact sur l’émergence et la durabilité des systèmes socio-techniques de production ou de consommation et sur des compartiments de l’environnement porteurs d’enjeux de politique publique nationaux ou internationaux : la biodiversité, le changement climatique, les pollutions et la destruction des milieux, la consommation de ressources (tableau 5).

Impact institutionnel

34Sont considérés dans cette dimension d’impact les effets sur les institutions publiques ou privées, hors établissement d’enseignement supérieur et de recherche, ainsi que sur les organisations sociales formelles ou informelles. Ces impacts peuvent concerner la structuration, l’organisation, les compétences, la politique/stratégie, le fonctionnement de ces institutions ou organisations sociales (tableau 6).

Impact sur les politiques publiques

35Il peut être analysé à travers la mobilisation et l’appropriation des connaissances et des idées par différents acteurs dans le débat public et leur utilisation dans les politiques publiques (tableau 7). Ces effets peuvent concerner tout ou une partie du cycle de vie d’une politique publique (mise à l’agenda, formulation de la politique/prise de décision, mise en œuvre, évaluation) et se manifester à différentes échelles (locale, nationale, internationale).

Impact socio-culturel, sanitaire et éducatif

36Cette dimension d’impact très englobante peut concerner, par exemple les effets sur la qualité de vie, le bien-être, les comportements et les pratiques, le tissu social, les représentations, le débat public (tableau 8).

37Une caractérisation des impacts identifiés au travers des études de cas du projet Miriades figure en annexe.

38Points de vigilance : il peut arriver qu’un même impact se matérialise dans deux dimensions différentes. Par exemple, la création de nouveaux emplois est susceptible d’avoir des effets économiques et dans le domaine socio-culturel, sanitaire ou éducatif. Dès lors qu’ils sont documentés, ces effets peuvent être identifiés simultanément dans les dimensions concernées. L’objectif est de mettre en lumière les différentes facettes des retombées sociétales de la recherche.