Toxycodryas adamanteus, Tchivoula (Congo-Brazzaville).

Bitis gabonica. Hinda (Congo-Brazzaville).

Aspect général

1L’aspect général d’un serpent, son comportement et sa couleur sont des caractères qui, avec un peu d’expérience, permettent d’identifier de nombreuses espèces ou de suspecter une famille ou un genre. C’est notamment le cas pour la plupart des serpents les plus dangereux comme les vipères des genres Bitis, Echis, Atheris, Cerastes et Daboia, ainsi que les cobras, les mambas et les Atractaspis. Si le serpent a été tué ou s’il est capturé vivant, l’examen attentif des détails de l’écaillure permettra toujours d’identifier l’espèce à laquelle il appartient.

Écaillure de la tête

2La figure 1 montre l’écaillure de la tête d’un Colubridé. Elle est caractérisée par la présence de plaques céphaliques. La surface des plus grandes de ces plaques, sur le dessus de la tête, est très nettement supérieure à la surface des écailles qui recouvrent la nuque et le dos du serpent. On retrouve la présence de grandes plaques céphaliques chez toutes les familles et sous-familles de couleuvres ainsi que chez les Élapidés. En revanche, chez les Vipéridés, les écailles du dessus de la tête sont très petites et similaires à celles qui recouvrent la nuque et le dos du serpent (fig. 2). Dans la région couverte par cet ouvrage, la seule exception concerne les vipères du genre Causus, dont l’écaillure de la tête est similaire à celle des Colubridés. Dans le cas de la famille des Boïdés et de celle des Pythonidés, l’écaillure de la tête est souvent intermédiaire entre celle des Colubridés et celle des Vipéridés : les écailles du dessus de la tête sont nombreuses et de taille souvent identique à celles de la nuque et du dos, mais quelques-unes sont élargies (fig. 3). Enfin, l’écaillure de la tête est très simplifiée chez les deux familles de serpents fouisseurs, les Typhlopidés (fig. 4) et les Leptotyphlopidés (fig. 5). Ces derniers sont de très petite taille et l’examen précis des caractères de leur écaillure céphalique nécessite de disposer d’une loupe binoculaire. Toutefois, cet examen n’est pas indispensable pour séparer la plupart des espèces rencontrées dans les régions couvertes par cet ouvrage.

Figure 1. Écaillure de la tête d’un Colubridé ou d’un Lamprophiidé.

3Pour déterminer avec certitude un serpent de la famille des Colubridés, des Lamprophiidés et des Élapidés, il est nécessaire de connaître la nomenclature des plaques céphaliques.

Figure 2. Écaillure de la tête d’un Vipéridé.

Figure 3. Écaillure de la tête d’un Boïdé.

Sur le dessus et le côté de la tête

4La rostrale est la plaque située en avant du museau. Sa forme est habituellement arrondie. Chez certaines espèces fouisseuses, elle est fortement épaissie ou pointue vers l’avant.

5Les internasales sont situées en arrière de la rostrale. Il s’agit de deux plaques symétriques, sauf chez quelques espèces dans lesquelles ces deux plaques sont fusionnées en une seule grande plaque transversale.

6Les préfrontales viennent en arrière des internasales. Ces deux plaques symétriques sont également fusionnées chez quelques espèces.

7La frontale est une plaque médiane située entre les yeux dont elle est séparée par les supraoculaires.

8Les supraoculaires sont deux plaques symétriques situées entre la frontale et l’œil.

9Les pariétales sont deux plaques symétriques, souvent de grande taille, situées en arrière de la frontale et des supraoculaires.

10Les nasales sont situées de chaque côté de la tête en arrière de la rostrale. Chacune est percée par l’orifice de la narine. Selon la forme de cet orifice, elles peuvent être entières, semi-divisées ou divisées.

11Les loréales sont deux petites plaques symétriques sur le côté de la tête. Elles sont en contact avec la nasale vers l’avant, les préoculaires vers l’arrière, la préfrontale vers le haut et les labiales supérieures vers le bas. Il n’y a pas de loréale chez les Élapidés, les Colubridés du genre Dasypeltis et les Lamprophiidés des genres Atractaspis, Aparallactus et Polemon.

12Les préoculaires sont situées en avant de l’œil, habituellement au nombre d’une ou deux de chaque côté de la tête. Au moins une préoculaire est en contact avec la loréale (si elle existe) ou la nasale vers l’avant, la supraoculaire ou l’internasale vers le haut et une ou deux supralabiales vers le bas.

13Les labiales supérieures ou supralabiales sont les plaques qui bordent les lèvres supérieures, depuis la rostrale jusqu’à l’arrière de la cavité buccale. Vers le haut, elles sont habituellement en contact avec la nasale, la loréale, une préoculaire, l’œil, une postoculaire, une temporale antérieure et une temporale postérieure. Elles sont parfois séparées de l’œil par une ou plusieurs sous-oculaires.

14Les sous-oculaires sont rencontrées chez quelques espèces seulement. Elles séparent l’œil des supralabiales.

15Les postoculaires sont situées en arrière de l’œil qu’elles séparent des temporales. Habituellement au nombre d’un à trois, elles sont généralement en contact avec la supraoculaire et la pariétale vers le haut, une ou plusieurs temporales antérieures vers l’arrière, une ou deux supralabiales vers le bas, et une sous-oculaire chez certaines espèces.

16Les temporales sont situées en arrière des postoculaires, entre les pariétales en haut et les supralabiales en bas. Elles sont souvent disposées sur deux rangs, parfois trois. Les temporales antérieures sont celles du premier rang qui touche les postoculaires. La formule temporale indique le nombre de temporales dans chaque rang. Ainsi, une formule 1+2 indique la présence d’une temporale antérieure et de deux temporales postérieures.

17Les occipitales sont différenciées en plaques chez certaines espèces seulement. Elles sont situées à la partie postérieure du crâne, derrière les pariétales.

Sous la tête

18La symphysiale ou mentale est la plaque médiane située à l’avant du menton.

19Les labiales inférieures ou infralabiales bordent les lèvres inférieures de chaque côté de la symphysiale jusqu’à l’arrière de la cavité buccale.

20Les mentonnières sont situées en arrière de la symphysiale et souvent de la première paire d’infralabiales. Ce sont de grandes plaques disposées habituellement sur un ou deux rangs entre les infralabiales.

21Les gulaires sont les petites écailles situées en arrière des mentonnières. Elles sont limitées latéralement par les infralabiales et postérieurement par les premières ventrales.

Écaillure dorsale et ventrale

22L’examen rapide de la face dorsale et de la face ventrale d’un serpent permet de préciser immédiatement si les écailles du dos et du ventre ont une forme identique ou si les écailles ventrales sont élargies.

Les Typhlopidés et les Leptotyphlopidés

23Chez ces familles, toutes les écailles du corps sont similaires. En particulier, il n’existe pas d’écailles ventrales individualisées. Pour distinguer ces deux familles et les espèces qui les composent, il est utile de compter le nombre de rangs d’écailles au milieu du corps. Ce décompte est difficile sans loupe chez les Leptotyphlopidés, en raison de leur très petite taille et de l’absence de repère lorsqu’on fait tourner le corps de l’animal pour le décompte. Chez les spécimens morts, il sera utile de transpercer auparavant le corps de l’animal avec une aiguille très fine pour faciliter ce décompte. Avec un peu d’expérience, on reconnaîtra un Leptotyphlopidé à son aspect général, le seul risque de confusion étant avec plusieurs Typhlopidés de petite taille et certains amphisbènes (reptiles apodes d’allure un peu intermédiaire entre les lézards et les serpents, leur corps annelé permet de les distinguer des Typhlopidés et des Leptotyphlopidés). L’identification de l’espèce chez les Leptotyphlopidés de la région considérée par cet ouvrage sera généralement possible, que le spécimen soit vivant ou mort, à partir de quelques caractères simples : la forme du museau en vue latérale, la coloration dorsale et ventrale, le rapport entre la longueur totale et la longueur de la queue, le rapport entre le diamètre du corps et la longueur totale. Si on dispose d’une bonne loupe, on pourra confirmer cette détermination en comptant le nombre d’écailles longitudinales depuis l’arrière de la frontale jusqu’à l’extrémité de la queue, et le nombre d’écailles sous-caudales entre l’orifice cloacal et l’extrémité de la queue.

Figure 4. Écaillure de la tête d’un Typhlopidé.

Figure 5. Écaillure de la tête d’un Leptotyphlopidé.

Les autres familles de serpents (Boïdés, Pythonidés, Colubridés, Lamprophiidés, Élapidés et Vipéridés)

24Chez ces familles, les écailles du dessus et du dessous du corps sont différentes.

25Les écailles dorsales sont disposées en plusieurs rangées sur le dessus et le côté du corps. Elles peuvent être lisses ou carénées, et disposées en rangs droits ou obliques (fig. 6 et 7). Une carène est une petite crête qui partage l’écaille en deux dans le sens de la longueur. Un rang est droit quand les deux côtés latéraux de chaque écaille sont grossièrement égaux et symétriques. Quand un rang est oblique, le recouvrement asymétrique de chaque écaille fait que ses côtés deviennent nettement inégaux. Certaines espèces présentent sur les écailles dorsales une ou plusieurs minuscules fossettes apicales (proches du bord postérieur de l’écaille) qui sont visibles avec une loupe binoculaire. Dans le genre Lycophidion, connaître le nombre de fossettes facilite l’identification de l’espèce.

Figure 6. Rangs dorsaux obliques, écailles dorsales lisses.

Figure 7. Rangs dorsaux droits, écailles dorsales carénées.

26Les écailles ventrales sont nettement élargies latéralement et disposées sur une seule rangée, depuis le cou de l’animal jusqu’à la plaque anale qui recouvre l’orifice cloacal. Elles peuvent être lisses ou carénées latéralement (fig. 8 et 9). Elles sont habituellement comptées depuis la première écaille, plus large que longue en arrière des gulaires, jusqu’à l’écaille qui précède celle qui recouvre l’orifice cloacal. Dans la méthode de Dowling (1951b), la première ventrale correspond au premier rang dorsal, ce qui réduit habituellement d’une à trois écailles le décompte des ventrales.

Figure 8. Écailles ventrales carénées, anale simple, sous-caudales divisées.

Figure 9. Écailles ventrales lisses, anale divisée, sous-caudales simples.

27La plaque anale (ou cloacale) est l’écaille qui recouvre l’orifice cloacal au début de la queue. Elle est simple ou divisée (fig. 8 et 9).

28Les écailles sous-caudales sont situées sous la queue, entre l’orifice cloacal et la petite écaille simple et effilée qui est située à l’extrémité de la queue lorsque celle-ci est complète. Elles peuvent être simples ou entièrement ou partiellement divisées (fig. 8 et 9).

29Le rang vertébral est le rang central d’écailles dorsales, au milieu du dos. Il est parfois élargi et peut être lisse ou comporter une carène simple, double ou triple (fig. 10 et 11).

Figure 10. Rang vertébral élargi et bicaréné, écailles dorsales carénées disposées sur 15 rangs droits.

Figure 11. Rang vertébral non élargi, écailles dorsales lisses disposées sur 19 rangs droits.

Détermination du sexe

30L’appareil génital du mâle comprend deux hémipénis situés à la base de la queue. Ils ne sont apparents que lors de l’érection, et un seul est utilisé lors de la copulation.

31La détermination du sexe est possible chez un serpent fixé dans l’alcool ou le formol en pratiquant une incision médiane de quelques centimètres de long à la base de la queue, en arrière de l’orifice cloacal. Les hémipénis apparaîtront comme deux longs cordons blancs bien individualisés de chaque côté de l’incision.

32Chez un spécimen fraîchement tué, il est possible de dévaginer les hémipénis par pression sur la base de la queue ou par injection de liquide à l’intérieur de celle-ci.

Les deux hémipénis d’un spécimen de Naja nana du lac Maï-Ndombé (Congo-Kinshasa) partiellement dévaginés par pression sur la base de la queue.

Capturer un serpent vivant

33La plupart des espèces de serpents sont totalement inoffensives. Comme toutes les espèces animales, elles sont utiles à l’équilibre écologique et peuvent rendre service à l’homme – par exemple en limitant la prolifération de rongeurs qui ravagent les cultures, prolifèrent dans les greniers ou constituent des réservoirs de maladies transmissibles à l’homme.

34Savoir identifier un serpent permet d’une part de ne pas prendre peur inutilement devant une espèce inoffensive, ce qui est le cas de la majorité des serpents rencontrés, et d’autre part de reconnaître immédiatement quand il y a danger. Capturer un serpent vivant afin de l’identifier avec certitude puis le relâcher est assez facile, en particulier la nuit (beaucoup d’espèces ne modifient pas leur comportement lorsqu’elles sont éclairées avec une lampe torche) et après une forte pluie (beaucoup de serpents entrent en activité et les espèces fouisseuses et terrestres sont chassées de leurs abris). Ceci peut se faire sans risque à condition de respecter quelques principes simples.

1. Ne jamais chercher à capturer vivant un serpent susceptible d’appartenir à une espèce dangereuse. L’appréhension va augmenter considérablement les risques de maladresses – qui pourront être fatales. De plus, les serpents en captivité sont les champions de l’évasion. Aussi, avant de chercher à capturer un serpent, il faudra l’observer suffisamment longtemps pour s’assurer avec certitude qu’il n’appartient pas aux genres suivants : Echis, Bitis, Atheris, Cerastes, Daboia, Atractaspis, Dendroaspis, Naja, Pseudohaje et Dispholidus. Si les six premiers genres sont facilement identifiables car ils se déplacent lentement ou restent immobiles quand on les découvre, le risque de confusion est grand pour les quatre autres genres, ce qui expose à une morsure fatale.

2. À moins de connaître déjà parfaitement les serpents de sa région, ne chercher à capturer que des spécimens de petite taille, moins de 1 m par exemple. Les serpents de plus grande taille ont souvent bien plus de force et de vivacité que prévu, ce qui expose au risque de morsure.

3. Immobiliser le serpent avec un bâton en le plaçant le plus près possible de sa tête. Appuyez ensuite fermement un deuxième bâton sur sa tête (à défaut d’un deuxième bâton, on peut rapprocher progressivement le premier bâton du dessus de la tête, mais l’opération est parfois délicate).

4. Quand la tête du serpent est immobilisée, vérifier de nouveau qu’il ne s’agit pas d’un Atractaspis (tête petite dans le prolongement du corps, sans cou marqué, et corps uniformément noir ou gris foncé). On pourra alors saisir le serpent au niveau du cou (mais à éviter s’il s’agit d’un Causus). Une fois celui-ci fermement saisi, vérifier une nouvelle fois qu’il est sans danger en contrôlant d’abord l’absence de petites écailles sur le dessus de la tête (ce qui exclut un Vipéridé dangereux), puis la présence d’une loréale (ce qui exclut un Élapidé et un Atractaspidiné). Si les écailles dorsales sont obliques, on s’assurera qu’il ne s’agit pas de Dispholidus typus, dont la coloration est très variable (verte, brune ou noirâtre) mais dont les écailles fortement carénées, le rang vertébral élargi et l’œil de grande taille facilitent l’identification, ni de Toxicodryas blandingi qui présente lui aussi le rang vertébral élargi. On vérifiera aussi l’absence de sous-oculaires, car, sauf en zone saharienne et en Afrique du Nord, il pourrait s’agir d’une Causus, dont la morsure n’est pas mortelle mais très douloureuse. Une fois ces vérifications faites, le serpent pourra être manipulé, notamment pour compter le nombre de rangs d’écailles dorsales, celui de ventrales et de sous-caudales, et vérifier les autres caractères utilisés dans les clés de détermination. On pourra ensuite le relâcher.

Capture d’un Hemorrhois algirus villiersi près de la guelta d’El Beyyed (Mauritanie).

Conserver un serpent mort

35La répartition géographique précise de la plupart des espèces de serpents rencontrées en Afrique reste encore mal connue, ainsi que leur abondance relative dans différents milieux écologiques. De plus, des espèces encore inconnues restent à découvrir. Ainsi, sur les espèces traitées dans cet ouvrage, 53 ont été décrites pour la première fois après l’an 2000. Ces découvertes reposent le plus souvent sur l’examen de séries importantes de spécimens : une particularité de l’écaillure ou de la coloration qui était passée inaperçue ou considérée comme une anomalie rare au sein d’une espèce connue se révèle être le caractère distinctif d’une espèce non encore décrite. Par ailleurs, apprendre à reconnaître les différentes espèces de serpents est très facilité quand on a accès à des spécimens conservés en collection. Pour toutes ces raisons, il est toujours utile de conserver dans un récipient hermétiquement fermé contenant de l’alcool ou du formol un serpent qui a été tué. Le formol présente l’avantage d’être un excellent fixateur, permettant une conservation optimale de l’animal. On l’utilisera plus ou moins fortement dilué. Pour un volume du formol du commerce – qui est en général déjà dilué à 40 % – on ajoutera classiquement 9 volumes d’eau pour la conservation d’un seul spécimen dans un grand bocal. On ajoutera seulement 5 à 7 volumes d’eau si beaucoup de spécimens doivent être fixés et conservés dans le même récipient (cas d’un bidon laissé de nombreux mois dans un village). Il est cependant souvent difficile de se procurer du formol et peu agréable d’examiner un spécimen ainsi conservé. Aussi, le plus souvent on utilisera de l’alcool à 70° ou 90°, qui est disponible partout dans les dispensaires et les pharmacies, et qui convient parfaitement. La conservation dans l’alcool à 90° tend à rigidifier les tissus d’une façon peu esthétique, contrairement à l’alcool à 70°, mais elle présente l’avantage de faciliter d’éventuelles analyses génétiques ultérieures car l’ADN du serpent n’est pas rapidement dénaturé, contrairement à ce qui se passe lors d’une conservation dans du formol et, dans une moindre mesure, dans de l’alcool à 70°. Il est aussi possible d’utiliser l’alcool à brûler du commerce, éventuellement en le diluant légèrement afin de ramener son taux d’alcool aux environs de 70°. Là encore, il faudra utiliser des dilutions plus faibles ou renouveler fréquemment l’alcool au début de la conservation si plusieurs spécimens doivent être conservés dans un même récipient. Sauf pour les petits spécimens, il est important de pratiquer plusieurs incisions dans l’abdomen du serpent afin de faciliter la pénétration du liquide conservateur. Dans le récipient, on introduira une étiquette cartonnée sur laquelle sera mentionné au crayon le nom de la localité de capture du serpent.