Atheris nitschei, Cyamudongo (Rwanda).

Contexte général

1Sur plus de 370 espèces de serpents rencontrées dans les régions considérées par ce guide, seule une cinquantaine présentent un danger important pour l’homme. Les plus redoutables appartiennent à deux familles, les Vipéridés et les Élapidés, qui sont responsables de la presque totalité des envenimations mortelles. Les autres serpents sont soit totalement inoffensifs car ne mordant jamais (en particulier tous les Typhlopidés et les Leptotyphlopidés), soit rarement responsables d’envenimations graves, à l’exception des espèces des genres Atractaspis et Dispholidus.

2En zone rurale d’Afrique tropicale, l’incidence des décès attribuables à des morsures de serpents varie d’environ 2 à 15 pour 100 000 personnes par an selon les régions. L’incidence des décès est au moins dix fois plus faible en zone urbaine ainsi qu’en Afrique du Nord et reste mal connue en zone saharienne. Le danger potentiel d’une morsure de serpent repose en premier lieu sur le risque d’inoculation de venin. Beaucoup de venins de serpents sont très actifs et potentiellement mortels pour l’homme. Toutefois, même en cas de morsure par une espèce non venimeuse, des complications septiques ne sont pas rares, en particulier si la plaie n’est pas désinfectée et si un emplâtre traditionnel est appliqué. Enfin, exceptionnellement, un enfant peut être la proie d’un python de grande taille.

3Beaucoup de morsures de serpents sont sans gravité, soit qu’elles aient été occasionnées par des espèces non ou peu venimeuses, soit qu’il n’y ait pas eu inoculation de venin. Même sans traitement, la majorité des morsures par des espèces hautement venimeuses n’occasionne pas la mort. Ainsi, dans le sud-est du Sénégal, le tiers des personnes âgées de plus de 48 ans a été mordu au moins une fois dans sa vie par un serpent. Les résultats des études les plus détaillées réalisées en Afrique tropicale chez des populations n’ayant pas accès à des traitements efficaces suggèrent qu’en moyenne seulement 2 % à 6 % des morsures de serpents occasionnent le décès de la victime.

Atheris mongoensis. Mbandaka (Congo-Kinshasa).

Les morsures de Vipéridés

4Ce sont elles qui sont responsables du plus grand nombre de décès. Les vipères les plus redoutables appartiennent aux genres Bitis et Echis, dont la morsure est souvent mortelle en l’absence de traitement antivenimeux et qui sont largement réparties en Afrique tropicale et dans certaines régions sahariennes. Les autres vipères, dont le venin est moins toxique pour l’homme, sont beaucoup moins souvent responsables d’envenimations mortelles.

Gouttes de venin à l’extrémité des crochets de la vipère heurtante Bitis arietans.

La vipère heurtante

5Bitis arietans présente une vaste répartition depuis les franges du Sahara jusqu’aux savanes arides d’Afrique australe. Cette vipère de grande taille (jusqu’à 190 cm) et de forme massive – son diamètre atteint celui du bras d’un homme adulte – possède des crochets venimeux dont la longueur peut dépasser 4 cm. Elle se déplace lentement et n’attire guère l’attention en raison de sa coloration dorsale aux motifs complexes qui constitue un bon camouflage dans les herbes sèches et les amas de feuilles mortes. C’est en lui marchant dessus que surviennent la plupart des accidents. L’espacement de plusieurs centimètres entre la marque des deux crochets permet de l’identifier si la morsure est survenue la nuit et qu’elle n’a pu être observée. Le décès peut survenir en quelques heures et les complications locales de la morsure sont souvent très graves.

La vipère du Gabon et les vipères rhinocéros et nasicorne

6Bitis gabonica, Bitis rhinoceros et Bitis nasicornis remplacent Bitis arietans dans la grande forêt dense ainsi que dans les forêts-galeries et les plantations limitrophes.

Bitis gabonica est une grosse vipère qui occupe les régions forestières d’Afrique centrale où elle est responsable de nombreux accidents mortels. Elle pénètre aussi en savane. Ici, un spécimen de Yaoundé (Cameroun).

L’espèce voisine Bitis rhinoceros est rencontrée dans les régions forestières d’Afrique occidentale, où elle remplace Bitis gabonica. Ici, un spécimen de Kpalimé (Togo).

7Comme la vipère heurtante, ces vipères de forêt sont de grande taille et de forme massive. Elles se déplacent lentement sur le sol et leur magnifique coloration dorsale avec des motifs géométriques contrastés leur procure un excellent camouflage. La morsure survient quand on leur marche dessus, en particulier la nuit, et l’évolution est souvent mortelle en l’absence de traitement.

Bitis nasicornis est l’un des plus beaux serpents du monde. Strictement forestier, il est devenu rare en Afrique occidentale mais reste commun en Afrique centrale. Ici, un spécimen de Mamfé (Cameroun).

Les échides, les plus dangereuses des petites vipères soudano-sahéliennes

8Dans l’aire traitée par cet ouvrage, les vipères du genre Echis sont représentées par cinq espèces dont l’aire de répartition est en majeure partie séparée et ne se recoupe que sur les marges. Il s’agit, d’une part, de trois espèces du complexe Echis ocellatus distribuées en zone soudanienne et guinéenne, avec Echis jogeri au Sénégal, en Guinée et dans l’ouest du Mali, Echis ocellatus depuis le Mali et la Côte d’Ivoire jusqu’au Nigeria, et Echis romani du Nigeria au Soudan et, d’autre part, de deux espèces du complexe Echis pyramidum avec surtout Echis leucogaster qui est abondante en zone sahélienne et dans le sud du Sahara.

Echis ocellatus est un complexe de plusieurs espèces morphologiquement très proches qui sont responsables d’un grand nombre de décès. Ici, un spécimen de Garango (Burkina Faso).

9Ces petites vipères (habituellement moins de 50 cm) sont très abondantes dans la plupart des milieux où elles peuvent représenter plus d’un tiers des serpents présents. Dans la journée, elles restent cachées sous des pierres, sous des amas végétaux ou dans des terriers de rongeurs, et c’est lors de travaux des champs que surviennent la plupart des accidents. La nuit, elles sortent de leurs abris et mordent quand on marche à proximité. Là où on les rencontre, elles sont responsables de plus de décès que toutes les autres espèces de serpents réunies. Il est fréquent que la mort survienne plusieurs jours après la morsure, d’où l’importance d’administrer même tardivement un traitement antivenimeux.

Echis jogeri est rencontré dans le sud-est du Sénégal, dans le nord de la Guinée et dans l’ouest du Mali. La plupart des spécimens n’atteignent pas 30 cm, mais ils sont la cause d’accidents mortels. Ici, un spécimen de Ndébou (Sénégal).

Echis leucogaster est la plus abondante des vipères des régions sahéliennes et elle pénètre aussi dans une partie du Sahara. Sa morsure est potentiellement mortelle. Ici, un spécimen des environs de Mongo (Tchad).

Les vipères arboricoles

10Les vipères du genre Atheris sont des serpents arboricoles des forêts d’Afrique occidentale et centrale. Dix espèces sont connues dans les régions traitées par cet ouvrage, dont quatre sont localement communes : Atheris chlorechis en Afrique occidentale, Atheris squamigera en Afrique centrale, Atheris broadleyi au Cameroun et Atheris anisolepis dans l’ouest du Congo et au sud du Gabon. Ces vipères habitent la grande forêt ainsi que les plantations limitrophes. Elles sont de petite taille (habituellement moins de 60 cm) et le plus souvent de couleur verte, mais parfois aussi jaune, orange, brune ou noire. Leur morsure est très douloureuse mais les complications mortelles sont rares.

La vipère arboricole Atheris chlorechis est abondante dans les régions forestières d’Afrique de l’Ouest. Ici, un spécimen des environs de Nzébéla (Guinée).

Atheris squamigera présente la plus vaste répartition des vipères arboricoles d’Afrique centrale. Ici, un spécimen des environs de Kinshasa (Congo-Kinshasa).

Les vipères du Sahara : la vipère à cornes et la vipère des sables

11Cerastes cerastes et Cerastes vipera sont deux petites vipères sahariennes dont la première est rencontrée dans une grande diversité de milieux, alors que la seconde est associée aux zones fortement sablonneuses.

12Elles hibernent généralement de décembre à février et sont surtout actives la nuit les autres mois de l’année. Elles se dissimulent souvent à proximité d’une touffe d’herbe ou d’un petit buisson où elles s’embusquent pour chasser leurs proies. La vipère des sables enfouit totalement son corps dans le sable et devient ainsi pratiquement indétectable. Pour ces deux espèces de petite taille, la plupart des morsures intéressent le pied ou la cheville et peuvent être évitées par le port de chaussures montantes. En cas de morsure, le risque de décès est nettement plus faible qu’avec les espèces précédentes.

La vipère à cornes Cerastes cerastes est très commune dans la plupart des biotopes sahariens. Ce spécimen des environs de Zouérat en Mauritanie était embusqué au pied d’un buisson.

La vipère des sables Cerastes vipera est rencontrée au Sahara dans les zones sablonneuses. Ce spécimen du Ténéré au Niger était totalement enfoui dans le sable. C’est l’interruption de ses traces au pied d’un buisson qui a permis de le localiser.

Les vipères d’Afrique du Nord

13Echis leucogaster et Bitis arietans sont rares au Maghreb et leur distribution y est restreinte. La vipère de l’Atlas Vipera monticola – à laquelle des études moléculaires récentes rattachent les populations côtières jusqu’alors attribuées à Vipera latastei de la péninsule ibérique – est une petite vipère dont la morsure est douloureuse mais considérée comme habituellement sans gravité. La vipère lébétine d’Algérie et de Tunisie Macrovipera lebetinus transmediterranea semble très rare. Son venin est très actif et sa morsure potentiellement grave mais aucun cas n’a été documenté en Afrique du Nord. Le plus grand danger est représenté par la vipère de Maurétanie Daboia mauritanica. C’est une grande et grosse vipère (jusqu’à plus de 180 cm) qui est endémique du Maghreb où elle est répartie dans l’ensemble du Maroc (sauf le Sahara atlantique), tout le nord de l’Algérie, la Tunisie et le nord-ouest de la Libye. Ce serpent se déplace sur le sol et se tient parfois sur des buissons. Il est actif au crépuscule et pendant la nuit. En hiver, il s’expose parfois au soleil le matin. Sa morsure peut être mortelle et c’est elle qui provoque le plus de victimes en Afrique du Nord.

La vipère de Maurétanie Daboia mauritanica est le serpent responsable du plus grand nombre de victimes au nord du Sahara. Ici, un spécimen de Taroudant (Maroc).

Les vipères du genre Causus

14Ces petites vipères ont une écaillure céphalique bien différente de celle des autres vipères. En effet, elles n’ont pas un grand nombre de petites écailles sur le dessus de la tête comme les vipères classiques mais seulement un petit nombre de grandes plaques céphaliques à l’instar des couleuvres et des Élapidés. Leur morsure est douloureuse mais habituellement sans danger.

Aspect de l’écaillure céphalique d’une vipère du genre Causus. Ici, un spécimen de Causus maculatus de Dielmo (Sénégal).

L’envenimation par morsure de Vipéridé

15Elle provoque toujours d’importants signes locaux d’apparition très rapide. Chez certaines espèces peu venimeuses, comme les Causus, seul un œdème, parfois très important, accompagnera la douleur. Chez les espèces les plus dangereuses, le tableau clinique, outre l’œdème et la douleur, est vite dominé par la double action hémorragique et nécrosante des enzymes et des toxines protéiques qui constituent le venin.

Le syndrome hémorragique

16Il résulte d’une part de l’altération diffuse de la paroi des vaisseaux sanguins, d’autre part de l’altération des mécanismes biochimiques qui permettent au sang de coaguler. On observe ainsi une persistance du saignement au point de morsure, des saignements des muqueuses – notamment des gencives et du nez – et des hémorragies internes. Outre la perte volumétrique, le sang est altéré dans sa capacité à assurer le transport de l’oxygène et l’épuration du gaz carbonique. La tension artérielle diminue, le pouls s’accélère, puis devient faible et un état de choc s’installe progressivement. La mort peut survenir en quelques heures ou quelques jours, parfois plus d’une semaine après la morsure, quand une insuffisance rénale s’installe progressivement et empêche l’épuration des substances toxiques issues de la destruction des cellules et des tissus.

La nécrose

17L’action nécrosante du venin est surtout locale. Dans un premier temps, c’est l’œdème qui domine. Il est souvent intense, dépassant en quelques heures une première puis une deuxième articulation, et gagnant jusqu’à la racine du membre mordu. Des phlyctènes (cloques cutanées remplies de sérosités sanglantes) peuvent apparaître dès le premier jour près du site de la morsure et seront suivies d’une nécrose humide et suintante les jours suivants. Souvent associée à une gangrène, la nécrose aboutit à des pertes tissulaires parfois considérables qui pourront conduire – notamment dans le cas d’une morsure par Bitis – à l’amputation d’une partie du membre mordu ou à des séquelles fonctionnelles très importantes.

Le diagnostic d’envenimation vipérine

18Le diagnostic d’envenimation vipérine est basé sur la rapidité et l’importance de l’œdème, l’intensité de la douleur, puis éventuellement l’apparition d’un syndrome hémorragique et d’un état de choc. Comme un délai de plusieurs jours entre la morsure et le décès est fréquent, notamment avec les Echis, l’apparition de signes de gravité doit conduire à l’évacuation même tardive du malade vers la structure sanitaire la plus propice à la mise en route d’un traitement adapté, notamment des perfusions, un antivenin et si nécessaire une épuration extrarénale et des interventions chirurgicales.

Les morsures d’Élapidés

19Les Élapidés constituent une famille de serpents dont deux genres sont particulièrement redoutables dans la région considérée par cet ouvrage : les mambas et les najas (cobras).

Le mamba noir

20Dendroaspis polylepis est un serpent de très grande taille, dont la morsure est presque toujours mortelle en l’absence de traitement spécifique. Les juvéniles dépassent rapidement 1,5 m et les adultes peuvent mesurer plus de 3 m. Contrairement à leur nom, leur couleur n’est pas noire mais gris clair à brunâtre. Le mamba noir a longtemps été considéré comme très rare en Afrique de l’Ouest, jusqu’à ce que des enquêtes récentes montrent qu’il y est parfois localement commun, surtout en Guinée, dans le sud du Sénégal et dans le nord de la Côte d’Ivoire.

21Le mamba noir chasse le jour et s’avère extrêmement rapide. Du fait de sa vivacité, de sa grande taille et de son agressivité, il est extrêmement dangereux d’essayer de le tuer ou de le capturer : le premier cas connu de morsure mortelle au Burkina Faso est survenu dans ces circonstances.

Dendroaspis polylepis. Spécimen du Kenya.

Les mambas verts

22Les mambas de couleur verte sont représentés par deux espèces très proches dans l’aire traitée par cet ouvrage : Dendroaspis viridis en Afrique occidentale et Dendroaspis jamesoni en Afrique centrale. Ce sont deux espèces de forêt dense dont la longueur dépasse souvent 2 m, également très communes dans les forêts secondaires ainsi qu’en zone de savane humide limitrophe de la forêt dense.

Dendroaspis viridis. Spécimen de Kindia (Guinée). L’extrémité jaune à trame noire de sa queue le distingue des couleuvres vertes inoffensives des genres Philothamnus et Dipsadoboa.

23Les mambas verts affectionnent les grands arbres où ils chassent pendant la journée. Très vifs et volontiers emportés par leur élan, ils tombent parfois sur le sol à quelques pas d’un piéton ou d’un cycliste, d’où leur réputation usurpée de serpents agressifs. Du fait de l’abondance des couleuvres arboricoles vertes, notamment celles des genres Philothamnus et Hapsidophrys, c’est bien souvent par erreur qu’on croit les observer. Pour D. viridis, outre sa grande taille, le meilleur caractère distinctif est la couleur jaune d’or avec une trame noire de sa queue. Pour D. jamesoni, ce caractère de la queue ne s’applique pas. Leur morsure est souvent mortelle en l’absence de traitement.

Dendroaspis jamesoni. Spécimen de Mengang (Cameroun).

Le naja ou cobra cracheur à cou noir

24Naja nigricollis est un grand serpent (jusqu’à plus de 2 m) qui est le plus souvent noir ou gris foncé avec un cou noir et quelques écailles blanchâtres, roses ou rouge vif sur la partie antérieure de la face ventrale. Les cas de morsures ne sont pas rares et c’est probablement l’Élapidé le plus souvent responsable d’envenimations graves en zone de savane d’Afrique occidentale et centrale, où il est très commun depuis le Sahel jusqu’aux lisières de la grande forêt dense.

Naja nigricollis. Jeune adulte de Fianga (Tchad) en position d’attaque.

25Lorsqu’il est inquiété, il se dresse et fait face en aplatissant son cou en forme de coiffe. L’orifice du canal d’évacuation de ses glandes venimeuses étant situé sur le devant de ses deux dents antérieures en forme de crochet, il est capable de projeter son venin vers l’avant à plusieurs mètres de distance. Il vise les yeux de la personne qui lui fait face avec une précision étonnante. L’action du venin est fortement irritante pour les yeux et un lavage prolongé à l’eau, suivi de l’application d’un collyre antiseptique, est nécessaire pour éviter le risque d’altération de la cornée.

26Dans les savanes du sud et de l’est du bloc forestier congolais, il existe des populations de najas cracheurs de statut incertain mais encore actuellement rattachées à Naja nigricollis.

Le naja ou cobra cracheur de Kati

27Naja katiensis est un petit cobra cracheur de savane d’Afrique de l’Ouest qui est resté longtemps confondu avec l’espèce précédente, malgré sa description dès 1922 par Angel. Redécouvert par Roman en 1968, il reste encore assez mal connu bien qu’il soit le plus abondant des Élapidés dans plusieurs régions de savane soudanienne du Sénégal, du Mali et du Burkina Faso. Sa couleur est habituellement brun-rougeâtre, avec un collier noir plus ou moins nettement distinct. Son venin est très actif, mais la fréquence et la gravité habituelle de sa morsure restent mal connues.

Naja katiensis. Spécimen de Toubacouta (Sénégal).

Le naja ou cobra cracheur de Nubie

28Naja nubiae est un cobra cracheur d’Égypte et d’Afrique de l’Est dont il existe de petites populations isolées dans l’Aïr au Niger et dans l’Ennedi au Tchad. Il n’existe pas de cas documenté de morsure par cette espèce. Le seul cas connu de projection de venin dans les yeux a été sans gravité.

Naja nubiae. Louxor (Égypte).

Le naja ou cobra du Sénégal

29Le cobra du Sénégal Naja senegalensis est un grand cobra (jusqu’à 230 cm) récemment décrit qui était auparavant confondu avec le cobra d’Égypte. Il est rencontré en zone de savane soudanienne depuis le Sénégal jusqu’à l’ouest du Nigeria. Il déploie sa coiffe pour faire face à un agresseur potentiel, mais il est incapable de projeter son venin à distance. Sa morsure est très dangereuse et des cas mortels ont été rapportés. Au Sénégal, un charmeur de serpent bien connu du Sine-Saloum est ainsi décédé au début des années 1990 de la morsure d’un des spécimens qu’il gardait en captivité.

Naja senegalensis. Spécimen détenu par un charmeur de serpents de Bamako. Notez le dessin clair caractéristique sur la coiffe.

Le naja ou cobra d’Égypte

30Le cobra d’Égypte Naja haje est le seul Élapidé rencontré au Maghreb. Sa répartition, très vaste, comprend aussi l’Égypte, l’Afrique de l’Est et une grande partie du Sahel, depuis le Soudan jusqu’au nord du Mali, et semble-t-il aussi le sud-est de la Mauritanie. Il déploie sa coiffe pour faire face à un agresseur potentiel, mais il est incapable de projeter son venin à distance. Au Maroc, c’est le cobra favori des charmeurs de serpents. Les petites écailles sous-oculaires qui séparent l’œil des supralabiales permettent de le distinguer des autres espèces de cobras à l’exception de Naja senegalensis avec qui il partage ce caractère. Sa morsure est souvent mortelle.

Naja haje. Spécimen adulte de Tahoua (Niger).

Le naja ou cobra noir et blanc

31Les travaux récents de biologie moléculaire montrent que le cobra noir et blanc Naja melanoleuca est en fait un complexe de plusieurs espèces, dont deux de savane et deux de forêt dans les régions traitées par ce livre.

32Naja melanoleuca est rencontré dans le bloc forestier congolais et Naja guineensis dans le bloc forestier guinéen où ils sont chacun le plus abondant des cobras dans leurs forêts respectives. Naja savannula occupe l’ensemble des régions de savane d’Afrique de l’Ouest ainsi que l’Adamaoua jusqu’au sud-ouest du Tchad, tandis que Naja subfulva est rencontré en savane d’Afrique centrale, à la fois au nord et au sud du bloc forestier congolais, et remonte jusqu’au lac Tchad. Les deux espèces de savane sont étroitement associées aux rivières, lacs, marais et autres zones humides dont elles ne s’éloignent guère. Toutes les quatre sont incapables de projeter leur venin à distance. De couleur dominante noire, elles sont identifiables par leurs supralabiales blanches bordées de noir et pour Naja savannula par ses anneaux jaunes.

Naja melanoleuca. Spécimen de Yaoundé (Cameroun).

Naja subfulva. Spécimen des environs de Bamenda (Cameroun).

33Bien que leur morsure soit potentiellement mortelle et que plusieurs décès aient été rapportés, ces cobras ne sont pas agressifs, et il semble qu’assez fréquemment leur morsure ne soit pas accompagnée d’inoculation de venin.

Naja savannula. Notez les anneaux jaunes dorsaux. Kindia (Guinée).

Les najas ou cobras d’eau

34Le naja ou cobra d’eau Naja annulata (anciennement Boulengerina annulata) est un grand serpent qui est brun-jaunâtre avec des anneaux noirs. Il vit dans les petits et grands cours d’eau et autres milieux aquatiques en zone forestière d’Afrique centrale. Il est souvent capturé dans les nasses et les filets des pêcheurs. Son venin est fortement neurotoxique mais les morsures semblent rares et il n’existe pas de cas documenté d’envenimation mortelle.

Naja annulata. Ce cobra aquatique occupe les cours d’eau des régions forestières d’Afrique centrale. Ici, un spécimen du fleuve Congo à Kinshasa.

35Deux autres espèces de cobra d’eau existent dans le bassin inférieur du fleuve Congo. Il s’agit de Naja christyi, un grand serpent de couleur brun foncé dont l’avant du corps présente d’étroites bandes transversales beiges, et Naja nana, un petit serpent noir constellé de points blancs. Les cas de morsure connus n’ont pas occasionné de signes de gravité.

Naja nana. Spécimen du lac Maï-Ndombe au Congo-Kinshasa.

Les autres Élapidés

36Les petits Élapidés fouisseurs du genre Elapsoidea ne sont pas agressifs et ne mordent que très rarement, même lorsqu’ils sont manipulés. Seuls des symptômes sans gravité et rapidement résolutifs ont été observés lors de morsures par deux des six espèces d’Afrique occidentale et centrale (ces rares cas concernent Elapsoidea semiannulata et Elapsoidea boulengeri), et il en est de même pour les quelques cas de morsures par des espèces d’autres régions d’Afrique.

Elapsoidea trapei. Bandafassi (Sénégal).

37Il n’existe pas de cas connu de morsure par le petit cobra de forêt d’Afrique centrale Naja multifasciata (autrefois Paranaja), et son venin est considéré comme peu dangereux.

Pseudohaje nigra. Nzébéla (Guinée).

38Le venin des deux grands cobras arboricoles Pseudohaje nigra et Pseudohaje goldii est fortement neurotoxique au laboratoire. Leur morsure est potentiellement mortelle et il existe un cas de décès documenté.

L’envenimation par morsure d’Élapidé

39L’envenimation par morsure de cobra et de mamba est habituellement peu douloureuse et les signes locaux sont souvent absents ou mineurs. En quelques dizaines de minutes, le tableau clinique est dominé par l’action neurotoxique paralysante du venin. Celui-ci bloque la transmission de l’influx nerveux au niveau des muscles, empêchant la commande musculaire. La paralysie progressive qui s’installe est d’abord très apparente au niveau des paupières qui ont tendance à tomber : c’est la ptôse palpébrale bilatérale. Plus tard, en deux à huit heures, la paralysie des muscles respiratoires aboutira à la mort. Les autres symptômes souvent rencontrés sont des picotements autour du point de morsure, des contractions intermittentes du membre mordu, une contracture de la bouche, des nausées et vomissements, des bourdonnements d’oreilles, des points lumineux devant les yeux, une sensation de soif et de sécheresse des muqueuses, ou au contraire des larmoiements, une hypersalivation et une hypersudation. Le pouls s’accélère puis devient faible, un état de choc s’installe mais le cœur continuera longtemps à battre après l’arrêt respiratoire. Si le malade passe le cap de la première demi-journée, il guérira normalement sans séquelles. Dans le cas de Naja nigricollis, dont le venin est également nécrosant, des séquelles locales parfois importantes sont fréquentes.

Le diagnostic d’envenimation par Élapidé

40Il est basé sur la discrétion des signes locaux contrastant avec la rapidité d’installation de signes généraux neurologiques, et tout particulièrement l’apparition d’une ptôse palpébrale et de difficultés respiratoires. L’urgence est de permettre l’accès très rapide à une réanimation respiratoire, qui est seule capable d’éviter la mort par asphyxie si un antivenin n’est pas disponible. Un bouche-à-bouche pendant l’évacuation vers une structure hospitalière disposant d’oxygène peut permettre de sauver la vie de la victime.

Les morsures de couleuvres

41Suite à des travaux récents de biologie moléculaire, les couleuvres sont désormais classées en plusieurs familles et sous-familles. Dans chacune de ces familles, diverses espèces possèdent des glandes venimeuses et des dents canaliculées permettant d’injecter leur venin lors d’une morsure, mais seules de rares espèces ont un venin suffisamment toxique pour provoquer des symptômes graves chez l’homme. Elles appartiennent aux genres Atractaspis, Dispholidus et Thelotornis, ainsi que potentiellement au genre Toxicodryas. Enfin, une morsure de longue durée (de plusieurs dizaines de secondes) permet parfois à d’autres espèces de couleuvres d’occasionner divers symptômes toxiques locaux et généraux, ceci pendant plusieurs heures voire plusieurs jours. C’est le cas quand on laisse volontairement durer une morsure, par exemple pour ne pas endommager les dents d’un spécimen gardé en captivité ou manipulé.

Le long crochet latéral de Atractaspis aterrima.

Les Atractaspis

42Les serpents du genre Atractaspis constituent une sous-famille de serpents fouisseurs remarquable par la possession d’une paire de très longs crochets venimeux implantés à l’avant de la cavité buccale et dirigés vers l’arrière. Du fait de la longueur de ces crochets, les Atractaspis sont incapables d’inoculer leur venin directement par morsure. En revanche, ils peuvent piquer par mouvement latéral de la tête, un de leurs crochets faisant alors saillie au niveau de la commissure buccale. Ce type de piqûre intervient parfois quand ce serpent est surpris par mégarde, par exemple lors du déplacement d’un objet posé sur le sol. Surtout, il risque de se produire quand on manipule l’animal. Les Atractaspis sont ainsi les seuls serpents qu’il ne faut jamais tenir par l’arrière de la tête, car ils n’ont aucune difficulté à piquer latéralement le pouce ou le doigt qui les maintiennent. Leur venin, proche de celui des Vipéridés, est très nécrosant et le risque est grand de perdre le doigt piqué. Des cas mortels sont connus.

Les espèces du genre Atractaspis sont noires ou gris foncé. Ici un Atractaspis irregularis de Bamessing (Cameroun).

Thelotornis kirtlandi et T. capensis

43Ces deux couleuvres arboricoles possèdent un venin très toxique. Leurs glandes venimeuses sont reliées à des dents canaliculées situées à l’arrière du maxillaire (dentition opistoglyphe). Une morsure profonde peut occasionner la mort et il n’existe pas d’antivenin.

Thelotornis kirtlandi. Kpalimé (Togo).

Les Dispholidus ou boomslangs

44Il s’agit d’un complexe d’espèces de couleuvres arboricoles de savane à dentition opistoglyphe dont les dents venimeuses sont très avancées, d’où un grand risque d’envenimation en cas de morsure. Le venin est hémotoxique et très actif. L’herpétologiste Karl P. Schmidt est décédé après avoir été mordu par un jeune spécimen.

Dispholidus occidentalis. Phase verte et noire (mâle). Kindia (Guinée).

Dispholidus occidentalis. Phase brune (femelle). Baïbokoum (Tchad).

Dispholidus occidentalis. Phase verte (mâle). Kissidougou (Guinée).

Dispholidus punctatus. Phase jaune et noire (mâle). Bwalia (Congo-Kinshasa).

45La coloration est particulièrement variable, à dominante vert uniforme ou tachetée de noir, brun clair ou brun-rouge, ou encore noire avec ou sans points jaunes, plus que pour tout autre serpent africain, d’où un grand risque de confusion avec des espèces inoffensives.

Toxicodryas blandingi et T. vexator

46Ces deux serpents arboricoles de grande taille (souvent plus de 2 m) sont rencontrés en zone forestière et dans les régions de savane arborée. Les mâles sont plus ou moins uniformément noirs et les femelles et les juvéniles brun clair avec des motifs plus sombres régulièrement espacés le long du corps. La dentition est opistoglyphe et le venin neurotoxique. Il n’existe pas de cas documenté de morsure grave, mais ce sont deux serpents potentiellement dangereux en raison de la grande quantité de venin qu’ils sont susceptibles d’inoculer en cas de morsure profonde et du risque de collapsus cardiovasculaire qui en résulterait.

Mâle de Toxicodryas blandingi. Kissidougou (Guinée).

Les morsures d’autres serpents

Les Typhlopidés (serpents aveugles) et les Leptotyphlopidés (serpents-vers)

47Ils sont totalement inoffensifs : même les espèces de grande taille, comme Afrotyphlops liberiensis qui peut atteindre 95 cm de long, ne mordent jamais, et aucune espèce de ces deux familles de serpents fouisseurs ne possède de glande à venin. C’est donc complètement à tort que dans toute l’Afrique ils sont habituellement très craints, y compris par beaucoup de vieux paysans qui en ont souvent découvert et tué plusieurs dizaines ou centaines au cours de leur vie à l’occasion de travaux des champs.

Le serpent aveugle Afrotyphlops lineolatus. Dielmo (Sénégal).

Le serpent-ver Tricheilostoma bicolor mesure moins d’une vingtaine de centimètres, comme la plupart des Leptotyphlopidés, et son diamètre est celui d’une allumette. Ces serpents inoffensifs sont bien connus des populations rurales et sont habituellement très craints. Doussoudiana (Mali).

Les Boidés (boas) et les Pythonidés (pythons)

48Aucune espèce de ces deux familles de serpents n’est venimeuse. Le boa de Calabar Calabaria reinhardti et le python royal Python regius se roulent en boule quand ils sont capturés. Certains boas de sables (genre Eryx) peuvent donner de petits coups de tête quand ils sont acculés.

Le boa des sables Eryx muelleri. Maradi (Niger).

49Seuls Python sebae et P. natalensis sont potentiellement dangereux. Les spécimens de plus de 4 m de long ne sont pas rares et ils peuvent saisir puis avaler un enfant jouant près de l’eau ou en forêt. Ce type d’accident reste néanmoins exceptionnel. Même les jeunes spécimens ont un caractère particulièrement irascible en captivité et donnent volontiers de grands coups de tête, ce qui contraste avec la placidité des pythons royaux. Quant aux gros spécimens, ils sont redoutables par la violence de leurs coups de tête lorsqu’ils sont acculés.

Un python de Séba de grande taille peut infliger de graves blessures s’il est menacé. Ici, un spécimen capturé à Hann dans la banlieue de Dakar.

Conduite à tenir en cas de morsure

50Toute morsure animale, même non venimeuse, peut être fatale pour l’homme si la plaie n’est pas désinfectée et sert de porte d’entrée à une infection bactérienne. En cas de morsure de serpent, ce risque est d’autant plus grand que la cavité buccale est souvent riche en germes infectieux, dont ceux responsables de gangrène, et que les traitements traditionnels appliqués sur le siège de la morsure peuvent constituer volontiers une source supplémentaire de contamination. Par ailleurs, un garrot trop serré laissé en place de nombreuses heures est capable de provoquer une ischémie redoutable qui nécessitera l’amputation du membre mordu, même si le serpent responsable de la morsure n’est pas venimeux.

Quelques principes simples

1. Garder à l’esprit que la proportion de morsures mortelles est faible. Même en cas de morsure par une espèce hautement venimeuse, la probabilité de guérir sans traitement reste plus grande que celle de mourir. Beaucoup de paramètres imprévisibles ou encore mal compris entrent dans la gravité d’une morsure de serpent. En particulier, pour une même espèce, la quantité de venin inoculée varie considérablement d’un serpent à l’autre et d’une morsure à l’autre.

2. Chaque fois que possible, chercher à identifier le serpent responsable de la morsure : le retrouver s’il a été tué ou si la végétation n’est pas trop dense, obtenir de la victime une description la plus précise possible du serpent et des circonstances de la morsure, examiner attentivement la trace de la morsure et notamment l’espacement entre les dents.

3. S’il existe une certitude ou une suspicion de morsure par Echis, Bitis, Cerastes, Daboia, Naja, Dendroaspis, Atractaspis ou Dispholidus, mettre en place un bandage compressif léger de l’ensemble du membre mordu laissant apparaître le siège de la morsure. À défaut de bande de crêpe ou de tissu disponible, utiliser des vêtements. Ensuite, immobiliser avec une attelle le membre mordu et désinfecter la plaie avec un antiseptique, de l’alcool ou du savon.

4. Évacuer le blessé en véhicule ou en charrette vers la meilleure structure sanitaire joignable rapidement. Pendant cette évacuation, on peut utiliser les petits moyens classiques visant à réduire localement la quantité de venin : pierre noire de préférence, éventuellement aspiration instrumentale (Aspivenin^®, Extractor^®, Venom-Ex^®) ou succion de la plaie. Leur efficacité est probablement très faible, voire nulle, mais cela contribue à rassurer un peu le blessé. Il est déconseillé de pratiquer une incision. Si une paralysie respiratoire s’installe pendant l’évacuation, entreprendre un bouche-à-bouche. Si un œdème trop important survient, il faudra progressivement desserrer le bandage compressif au niveau de l’œdème.

5. À l’arrivée dans cette structure sanitaire, faire un bilan clinique précis de l’état du blessé et organiser la suite de sa prise en charge.

Le bilan clinique

51Il visera d’une part à confirmer ou à infirmer l’envenimation et d’autre part à rechercher des signes de gravité. Il comportera au moins quatre gestes clés : (a) la recherche d’un œdème local extensif par examen visuel du site de la morsure ; (b) la recherche d’une hypotension ou d’un état de choc par la prise du pouls et de la tension artérielle ; (c) la recherche d’un début de paralysie par l’examen des paupières et en faisant souffler la victime ; (d) la recherche d’un syndrome hémorragique par l’examen des gencives et de la salive.

52La suite de la prise en charge sera fonction de la présence ou de l’absence de signes d’envenimation et de gravité, du type d’envenimation et des délais prévisibles pour l’accès à une structure médicale plus adaptée permettant un traitement antivenimeux, des perfusions et une réanimation respiratoire.

1. Si l’examen clinique est normal (œdème léger et stabilisé, tension artérielle supérieure à 11, pas de saignement, pas de troubles neurologiques), on complétera cet examen par la réalisation d’un test de coagulation sur tube sec (résultat normal : temps de coagulation inférieur à trente minutes) et on mettra en observation le blessé pendant une douzaine d’heures.

2. Une menace d’état de choc (tension artérielle inférieure à 9) et un syndrome hémorragique doivent conduire à placer immédiatement une perfusion, ce qui est généralement possible dans beaucoup de dispensaires de brousse.

3. Un début de paralysie respiratoire peut longtemps être compensé par un bouche-à-bouche, ceci en attendant qu’une intubation avec oxygénothérapie soit possible.

4. Un syndrome hémorragique nécessite une prise en charge rapide. De plus, il est souvent accompagné de complications tardives, après plusieurs jours, qui sont du ressort d’un service de réanimation équipé, notamment en cas d’insuffisance rénale secondaire.

5. Dans beaucoup de cas d’envenimation graves (tension artérielle inférieure à 7, saignements diffus ou installation rapide d’une paralysie respiratoire), la seule chance de survie de la victime est l’injection intraveineuse d’une quantité souvent importante d’antivenin (jusqu’à 120 ml peuvent être nécessaires).

6. L’organisation de la prise en charge d’une morsure de serpent est désormais facilitée par le développement des communications (réseau de téléphonie portable couvrant un nombre croissant de localités et d’axes routiers, téléphones satellites). Il est essentiel de prendre contact le plus rapidement possible avec la structure sanitaire vers laquelle on évacue la victime.

Les antivenins

53Trop peu de personnes peuvent avoir accès aux antivenins en Afrique. Pendant longtemps, le sérum antivenimeux polyvalent Ipser Afrique produit par Pasteur Vaccins a été la référence pour le traitement des envenimations en Afrique tropicale. Malgré des problèmes de conservation à la chaleur et un risque limité de réactions allergiques graves, il a rendu d’immenses services avant d’être retiré du commerce pour raison commerciale dans les années 1990 sans être remplacé par un produit équivalent à coût comparable. Après plusieurs années pendant lesquelles aucun antivenin n’a été disponible, Avantis Pasteur (Sanofi) a produit Favafrique^®, dont le coût prohibitif (au moins 300 € pour le traitement standard d’une envenimation grave) n’a permis qu’une diffusion confidentielle (armées, rares ONG et pharmacies) jusqu’à l’arrêt de sa fabrication et l’épuisement des derniers stocks en 2016.

54Ces dernières années, de nouveaux antivenins actifs contre la plupart des espèces africaines les plus dangereuses ont été développés par deux laboratoires mexicains (Bioclon et Silanes) et un laboratoire costaricain (ICP) initialement spécialisés dans la production d’antivenins contre des serpents américains. Ces antivenins, dont les premiers essais au Nigeria, au Bénin, en Guinée et au Cameroun se sont montrés satisfaisants, ont reçu une autorisation de mise sur le marché dans la plupart des pays d’Afrique occidentale et centrale. Ils sont lyophilisés, ce qui facilite leur conservation par rapport aux anciens antivenins. Leur coût est d’une centaine d’euros pour le traitement standard d’une envenimation grave (40 à 60 ml d’antivenin), mais varie en fonction des pays selon les modalités de distribution et leur subvention éventuelle. Il s’agit notamment de l’antivenin polyvalent Inoserp^®, commercialisé par Inosan Biopharma, et de EchiTab+^®, commercialisé par ICP, qui sont actifs contre les envenimations par Echis, Bitis, Naja et Dendroaspis. En Afrique du Sud, SAVP (South African Vaccine Producers) commercialise un antivenin polyvalent et un autre spécifique pour Dispholidus typus. Il n’existe pas d’antivenins contre les Atractaspis, Atheris, Pseudohaje, Elapsoidea et Thelotornis.

55Pour l’Afrique du Nord, les instituts Pasteur de Casablanca, Alger et Tunis sont à contacter pour la disponibilité en antivenins contre les espèces locales. L’institut Pasteur de Tunis produit un antivenin polyvalent contre Cerastes cerastes, Cerastes vipera et Daboia mauritanica. Des antivenins sont disponibles en Égypte.

Traitement d’une morsure de serpent dans le Tagant (Mauritanie). Un emplâtre de bouse de vache recouvre la jambe de la victime afin de lutter contre l’œdème. À l’emplacement de la morsure, qui est située derrière le talon, la pierre noire est appliquée pour aspirer le venin. L’accident s’est produit à l’intérieur de la tente de la victime, la veille de la prise de cette photographie, en soulevant une natte sous laquelle était dissimulé un Echis leucogaster de taille adulte qui a été tué et conservé. Toute la nuit, les proches ont veillé la jeune femme, l’obligeant à parler dans le but de l’empêcher de perdre conscience. Elle a survécu à la morsure.