1Comme les autres peuples du monde, les Ivoiriens ont su trouver dans leur environnement le plus proche tous les recours nécessaires et utiles pour lutter contre les maladies. Parmi les nombreuses ressources que la nature a mises à leur disposition, une mention spéciale doit être faite aux plantes, qui constituent l’essentiel de ce que l’on désigne par le terme « pharmacopée traditionnelle ».

2La position de la Côte d’Ivoire dans la zone intertropicale lui permet en effet de posséder des écosystèmes variés et des biotopes singuliers selon la topographie, la pédologie et le climat. Jouissant d’un littoral long de 570 km en bordure de l’océan Atlantique, dans le golfe de Guinée, le pays est aussi parcouru par quatre fleuves principaux (le Bandaman, la Comoé, le N’zi et le Cavally), de nombreux cours d’eau et des lagunes qui lui confèrent ces atouts. Les substances naturelles constituent un potentiel immense pour le développement du pays, avec de nombreuses substances naturelles ayant un intérêt sanitaire, économique ou social capable de répondre aux objectifs de santé, de création d’emplois, de préservation et de gestion durable des ressources tels que préconisés par le gouvernement ivoirien. C’est pourquoi la Côte d’Ivoire est engagée, au niveau régional et international dans des processus, accords et conventions qui cadrent l’exploitation des espèces végétales à des fins productives.

3Malheureusement, par son positionnement géographique proche de l’Océan et de l’équateur, la Côte d’Ivoire est aujourd’hui un pays très vulnérable au changement climatique. À cela s’ajoute la dépendance de son économie à une agriculture relativement peu modernisée et fortement tributaire des conditions climatiques. Dans ce contexte, deux défis majeurs méritent des réponses, sinon des solutions rapides et pertinentes. D’une part, le modèle de croissance économique basé sur l’exploitation des ressources agricoles et naturelles doit être soutenable et soutenu. D’autre part, il doit favoriser une meilleure répartition des fruits de l’utilisation de ces ressources naturelles, et ne pas mettre en péril les générations futures. Il paraît donc urgent de faire le point sur les substances d’intérêt et le niveau des connaissances liées à leur exploitation.

4Dans une situation mondiale où les défis écologiques, sanitaires, économiques et culturels deviennent de plus en plus pressants, l’analyse de la situation invite également à une prise de conscience plus active et à l’adoption de stratégies adéquates et innovantes pour répondre plus efficacement et durablement aux conséquences néfastes des changements sur notre environnement et nos sociétés. Il paraît alors urgent de bien comprendre les enjeux présents et à venir pour anticiper et accompagner les changements qui favoriseront une atténuation significative, une adaptation, voire une résilience à l’évolution de notre planète, particulièrement en Côte d’Ivoire.

5L’expertise sur les substances d’origine végétale (SOV) en Côte d’Ivoire vise ici d’une part à faire un état des lieux et d’autre part à fournir des pistes de réflexion pour répondre à l’ensemble de ces enjeux sociétaux contemporains.

Une flore exceptionnelle menacée

6La faune ivoirienne est riche de 232 espèces de mammifères, dont 26 sont classées par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), comme rares ou menacées d’extinction ; 732 espèces d’oiseaux, dont 36 figurent sur la liste rouge des espèces menacées de l’UICN ; 96 espèces d’amphibiens, dont six sont endémiques à la Côte d’Ivoire. Les écosystèmes aquatiques sont riches de plus de 580 espèces de mollusques, 302 espèces de crustacés et 496 espèces de poissons.

7Le patrimoine floristique terrestre ivoirien est également abondant, original et riche, avec plus de 3 790 espèces de plantes supérieures réparties en 202 familles. L’ensemble des études menées avec le savoir et le concours des guérisseurs ont permis de cataloguer sur le territoire national un nombre considérable, mais non exhaustif de plantes à vertus thérapeutiques dans les familles les plus diverses de la flore. Parmi ces espèces, on recense différentes plantes endémiques, dont 62 sont spécifiquement ivoiriennes, dont : Andropogon curvifolius Clayton (Poaceae1), Cissus touraensis A. Chev. (Vitaceae), Albertisia mangenotii (Guillaumet & Debray) Forman (Menispermaceae), Anthonotha sassandraensis Aubrev. & Pellegr. (Caesalpiniaceae), Macaranga beillei Prain (Euphorbiaceae), Dorstenia embergeri L. (Moraceae), Mapania ivorensis (J. Raynal) J. Raynal (Cyperaceae). On compte également dans le patrimoine floristique terrestre ivoirien 470 espèces endémiques ouest-africaines, notamment : Millettia rhodantha Baill. (Papilionaceae), Moghania faginea (Guill. & Perr.) Kuntze (Papilionaceae), Afzelia bella var gracilior Keay (Caesalpiniaceae), Aeglopsis chevalieri Swingle (Rutaceae), Drypetes aubrevillei Léandri (Euphorbiaceae), Morinda geminata DC. (Rubiaceae), Connarus thonningii (DC.) Schellenb. (Connaraceae), Diospyros heudelotii Hiern. (Ebenaceae), Tiliacora dinklagei (Menispermaceae), Placodiscus bancoensis Aubrév. & Pellegr. (Sapindaceae). Enfin, on recense des espèces sassandriennes2 (ou ultra sassandriennes), dont les principales sont : Afzelia bracteata Aubrév. & Pellegr. (Caesalpiniaceae), Calpocalyx aubrevillei Pellegr. (Mimosaceae), Cassipourea nialatou Aubrév. & Pellegr. (Rhizophoraceae), Hunteria umbellata (K. Schum.) Hallier f. (Apocynaceae), Hutchinsonia barbata Robyns (Rubiaceae), Inhambanella guereensis Aubrév. & Pellegr. T. D. Penn. (Sapotaceae) et Keayodendron bridelioides Gilb. & Mildbr (Euphobiaceae).

8Les organes de plantes utilisées en médecine traditionnelle pour soulager,
guérir ou prévenir de nombreuses maladies sont variés. Parmi les organes les plus sollicités par les populations rurales, on peut citer : les feuilles, les tiges, les racines, les écorces, les fruits, les fleurs. Certains usages nécessitent le recours à la plante entière.

9Bénéficiaire de toutes ces richesses floristiques, la population de Côte d’Ivoire se compose d’une mosaïque de peuples atteignant une soixantaine de groupes ethniques et parlant au moins autant de langues vernaculaires, répartis et organisés autour de quatre grandes aires socioculturelles. Ces dernières se caractérisent par des traditions, connaissances, savoir-faire et rites partagés, liés aux ethnies qui y sont dominantes : les Mandé au Nord-Ouest (Malinké, Dan, Gouro, etc.) et les Gur (Gour) dans le Nord-Est (Sénoufo, Lobi, Koulango, etc.). Le Sud-Ouest est quant à lui occupé par les Krou (Bété, Wé, Godié, Néo, etc.), tandis que le Sud-Est et le Centre sont habités par les Akan (Baoulé, Agni, Abron, Attié, etc.).

10Ces zones culturelles vont au-delà des frontières coloniales artificielles, impliquant ainsi une similitude de traditions culinaires et médicinales avec les pays frontaliers. Les traditions ivoiriennes ont été enrichies par les populations immigrées, qui ont apporté leur propre bagage culturel, spécialement le savoir médical et les pratiques alimentaires des pays voisins. Ainsi, dans le domaine culinaire ivorien se retrouvent des produits d’origine burkinabé (comme le zomkom, ou zoom-koom, boisson à base de farine de mil ou d’un mélange de farine de mil et de riz), béninoise et togolaise (comme l’abolo, gâteau à partir de farine de riz et/ou maïs), ghanéenne et béninoise (tel l’akassa, pâte fermentée issue de la farine de maïs) ou sénégalaise (par exemple le tchèp, spécialité à base de riz et de poisson en général), les nems (asiatiques) et le chawarma (libanais). Les Peuhls, Haoussa et Chinois ont également promu certains aspects de leurs sciences médicales et pratiques médicinales à travers le pays.

11Le pays a basé son développement économique à la fois sur l’exploitation forestière et sur la diversification de ses produits agricoles, spécialement le café, le cacao, la banane, l’ananas, l’huile de palme, le coton, la canne à sucre, la noix de coco. L’économie ivoirienne poursuit un modèle de type agro-industriel, mais, en Côte d’Ivoire comme ailleurs, les productions agricoles sont dépendantes des variations climatiques qui impactent l’environnement. Le pays reste classé parmi les économies en développement (PIB par habitant : 1 727,284 USD en 2019 selon la Banque mondiale). Il connaît un bon positionnement international de ses produits agricoles, notamment d’exportation. Malgré tout, la Côte d’Ivoire dépend des importations pour sa consommation intérieure et son système de production.

12Malgré ses atouts, la biodiversité ivoirienne est en constante dégradation. En effet, de graves menaces pèsent aussi bien sur la faune que sur la flore. De fait, plusieurs espèces animales ont été exterminées ou quasi détruites. C’est le cas de l’éléphant d’Afrique (Loxodonta africana), l’espèce la plus emblématique du pays, dont les effectifs sont passés, pour ce qui concerne les éléphants de forêt, de 1 611 en 1994 (Mc Pherson et al., 2000) à 225 aujourd’hui, représentant un déclin démographique de 86 % au cours des dernières décennies (Kouakou et al., 2020).

13Le couvert forestier ivoirien s’étend de la Guinée Conakry jusqu’au Togo et renferme 2 800 plantes vasculaires forestières, parmi lesquelles 23 % sont endémiques (PNUE, 2015). La déforestation, la fragmentation forestière et le braconnage constituent les principales causes directes de l’érosion des ressources biologiques en Côte d’Ivoire. Pendant longtemps, le pays a enregistré un taux de déforestation classé parmi les plus élevés au monde. Alors que la forêt ivoirienne comptait 16 millions d’hectares au début du siècle dernier, le pays ne dispose plus aujourd’hui que d’environ 2 millions d’hectares de forêt (Minefor, 2017). Les autres causes directes de la régression de la biodiversité sont le surpâturage, la surexploitation des ressources halieutiques, la pollution, les maladies infectieuses et les espèces exotiques envahissantes. Quant aux causes indirectes, elles sont essentiellement liées à la croissance démographique, la pauvreté, l’urbanisation et beaucoup plus récemment au changement climatique. Ces menaces laissent présager des difficultés pour que le pays exploite de manière durable ses ressources naturelles, dont le stock aurait diminué de 26 % entre 1990 et 2014. Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), le changement climatique pourrait induire une baisse du PIB de l’ordre de 380 à 770 milliards de francs CFA en 20403. Selon l'association Germanwatch, la Côte d’Ivoire était 106^e sur 169 en 2019 pour sa capacité de résilience face au changement climatique4.

Les plantes, produits de santé et ressources pour de nombreux usages

14L’expertise a pour objectif de produire un document de référence en matière d’étude sur les végétaux et les produits dérivés. La citation de certaines plantes vise avant tout à servir d’illustration pour des plantes similaires ou partageant un même procédé d’extraction ou de transformation.

15L’exploitation des plantes à fort potentiel thérapeutique constitue un secteur économique central pour le pays. Toutefois, les experts ont défini des critères pour sélectionner des SOV et des domaines de valorisation particuliers parmi l’éventail extrêmement vaste des végétaux et compte tenu des informations disponibles (tabl. 1).

16L’expertise cible les SOV, qu’il s’agisse de plantes entières, de parties de plante (racines, tubercules, bulbes, tiges, feuilles, lianes, pousses, fleurs, fruits, graines…), ou encore de produits obtenus par extraction, de résidus de récolte ou de sous-produits de transformation. Cela inclut des produits forestiers non ligneux5 (PFNL), mais pas seulement. Les plantes cultivées et les plantes sauvages font partie de l’expertise, quelles que soient leur abondance et leur répartition sur le territoire. Certaines sont communes à différents pays de l’Afrique subsaharienne ou même aux régions tropicales. Au contraire, sont exclus du périmètre les produits artisanaux à base de bois, les micro-organismes (bactéries), les ressources d’origine minérale ou marine et d’origine animale.

17Le champ de l’expertise est donc spécifique et ne se superpose pas complètement aux catégories habituelles utilisées lorsqu’on traite de la conservation et de la valorisation de la biodiversité. Ainsi, les produits forestiers non ligneux constituent une partie seulement de l’expertise. Cette catégorie a été retenue pour souligner l’alternative possible à l’exploitation du bois (donc à la déforestation) grâce à la valorisation de certaines ressources forestières (Peters et al., 1989 ; Mendelsohn et Balick, 1997), qui contribuent notamment à la sécurité alimentaire, à la lutte contre la pauvreté et au développement (Shackleton et al., 2008 ; Shackleton et Pandey, 2014). À l’inverse, d’autres catégories de classement souvent utilisées sont plus vastes que les SOV retenues dans le champ de l’expertise, comme les « ressources génétiques » dans la Convention sur la diversité biologique, qui désignent le matériel biologique végétal, animal, fongique et microbien, ou autre, contenant des unités fonctionnelles de l’hérédité à valeur effective ou potentielle. Le protocole de Nagoya élargit encore la cible en s’attachant aux « dérivés », terme employé pour désigner « tout composé biochimique qui existe à l’état naturel résultant de l’expression génétique ou du métabolisme de ressources biologiques ou génétiques, même s’il ne contient pas d’unités fonctionnelles de l’hérédité ». Ces deux textes visent principalement la recherche et le développement, tandis que la présente expertise s’attache à des substances déjà globalement connues et étudiées dans une perspective de développement durable. Bioversity International utilise une autre classification, celle des « espèces de cultures négligées ou sous-utilisées » (NUS, neglected and underutilized species), qui sont les plantes essentielles pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle, mais longtemps négligées dans les programmes de développement agricole (notamment les légumes feuilles, les fruitiers forestiers comestibles, les tubercules6). Enfin, la catégorie des « plantes à parfum, aromatiques et médicinales » (PPAM), plutôt liée à une filière économique, se superpose en partie aux végétaux qui font l’objet de l’expertise. Le périmètre défini pour l’expertise concerne des substances végétales très hétérogènes du point de vue économique (organisation de la production, filières, diversité des débouchés, échelles des marchés…).

18Le champ de l’expertise se délimite en relation avec des types de SOV, mais également avec les secteurs qui les utilisent. Se trouvent ainsi inclus les usages médicinaux pour la santé humaine et animale (plantes et produits thérapeutiques à base végétale).

19Concernant l’alimentation, seules les infusions, boissons désaltérantes ou à effet physiologique et les compléments alimentaires (colorants, édulcorants, émulsifiants) entrent dans le champ d’étude. L’usage aromatique et cosmétique de produits liés au bien-être, à la parfumerie et aux onguents est également intégré au périmètre validé, de même que les produits transformés pour l’industrie ou comme traitement agricole.

20Les usages uniquement alimentaires des plantes ne sont pas pris en compte, entre autres ceux d’Amaranthus hybridus L., (Amaranthaceae), Ipomea batatas (L.) Lam. (Convolvulaeae), Basella alba L. (Basellaceae), Talinum triangulare (Jacq.) Wild. (Portulacaceae) ou Colocasia esculenta (L.) Schott (Araceae). Cette exclusion touche tant l’alimentation humaine (céréales, légumes, matières grasses alimentaires, épices et condiments) qu’animale. De même, il a été décidé de ne retenir ni les usages artisanaux (pour la production de textiles, décorations, ustensiles tels les paillassons, cordages, paniers, balais, etc.), ni les destinations ornementales (fleurs coupées et séchées, horticulture, plantation d’agrément) ou les usages comme combustibles ou biocarburants des substances végétales.

21L’utilisation des SOV comme produits de santé constitue un enjeu majeur de santé publique pour la Côte d’Ivoire et pourrait offrir des perspectives économiques pour les produits phytopharmaceutiques ivoiriens, tant en médecine traditionnelle qu’en médecine conventionnelle. Ainsi, l’industrie pharmaceutique a reconnu depuis longtemps la valeur de l’ethnomédecine pour prospecter de nouveaux médicaments commercialisables à partir des produits naturels utilisés par les guérisseurs traditionnels ou les populations locales dans leur ensemble. Le ministère de la Santé de Côte d’Ivoire a recensé plus de 2 000 plantes à vertu médicinale utilisées pour traiter diverses pathologies. Si la flore ivoirienne est bien étudiée sous l’angle de la botanique, de l’ethnobotanique et de l’ethnopharmacologie, elle l’est moins sur le plan chimique et pharmacologique. En conséquence, les questions du savoir et de la recherche scientifique sur les végétaux, et leur lien avec le développement médical du pays constituent un élément transversal de la synthèse. L’expertise entend se concentrer sur les utilisations médicales des SOV, ainsi que sur la médecine traditionnelle, mais elle évoquera par ailleurs la diversité des autres valorisations possibles des SOV.

22Parallèlement, si l’importance de la biodiversité locale et sa conservation n’ont pas été un critère définitoire des SOV dans l’expertise, les critères environnementaux (préservation des ressources végétales et développement durable des filières liées aux SOV en Côte d’Ivoire) conduisent à considérer l’écologie en filigrane tout au long de la synthèse et à l’envisager comme problématique incontournable pour le pays à court, moyen et long terme. De fait, la perte de biodiversité terrestre fait partie des risques majeurs identifiés dans les Objectifs de développement durable (ODD). Cette biodiversité pourrait être assurée ou garantie par la protection des écosystèmes (éviter toute dégradation), la régénération des écosystèmes, la duplication et la conservation des espèces en voie de disparition.

Les sources écrites et traditions orales

23L’expertise est le résultat de l’analyse de la bibliographie disponible sur les SOV selon le périmètre défini (types de SOV et secteurs d’utilisation) (encadré 1). Les données utilisées proviennent de plusieurs sources : textes publiés, bases de données, mémoires universitaires et enfin informations recueillies ou traitées à l’occasion de stages. La classification des Angiospermes utilisée dans la publication pour la dénomination taxonomique des espèces est celle d’Arthur Cronquist (1981). Depuis, des classifications phylogénétiques ont introduit de grands changements dans les dénominations (Angiosperm Phylogeny Group, 1998, 2003, 2009, 2016).

24Menés par des chercheurs ivoiriens ou étrangers, de nombreux travaux portent sur les plantes à effet médicinal, et s’appuient sur leur usage endogène, sur la phytochimie couplée à quelques applications biologiques et pharmacologiques, sur l’ethnobotanique et l’ethnopharmacologie. Les chercheurs ont répertorié les espèces et les ressources du patrimoine ivoirien et, régulièrement, de nombreux ouvrages sont consacrés à l’état de la biodiversité sans que l’évaluation du potentiel industriel et économique ne soit vraiment effectuée. Une compilation de monographies scientifiques de 52 plantes de la pharmacopée ivoirienne, constituant une source de données fiable, a été publiée en 2018 (Ministère de la Santé et de l’Hygiène publique, 2018). Si les usages ethnomédicaux des SOV sont bien documentés pour la Côte d’Ivoire, leurs potentiels et utilisations industriels nécessitent d’être approfondis.

25Le programme national de promotion de la médecine traditionnelle (PNPMT), mis en place par le ministère de la Santé et de l’Hygiène publique le 28 décembre 2001 pour optimiser la couverture de santé des populations, a créé plusieurs outils sur la médecine traditionnelle. L’objectif était de collecter les savoirs et savoir-faire locaux dans la perspective d’une protection légale de ces patrimoines culturels et d’un inventaire des praticiens de médecine traditionnelle. En effet, cette structure a pour mission de contribuer à l’amélioration de la couverture des besoins sanitaires de la population par une utilisation effective et efficiente de la médecine et de la pharmacopée traditionnelles. Cet objectif converge avec la position de l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (Onudi) qui, depuis 1969, souhaite convaincre les pays en développement de l’importance de la médecine traditionnelle pour couvrir efficacement et dans la durée leurs besoins en médicaments. À l’issue d’un recensement, le PNPMT a répertorié en Côte d’Ivoire :

• 11 unités artisanales de production de médicaments traditionnels améliorés (MTA) en 2019 ;
• 475 médicaments traditionnels recensés et 100 analysés de 2017 à 2019 ;
• 6 produits homologués issus de la médecine traditionnelle en 2019 : Dartran (1991) contre le Pityriasis versicolore (dartre), l’herpès circiné et la teigne du cuir chevelu ; Baume Alafia (2013) contre les douleurs musculaires et articulaires ; Nutrasucre (2015) contre le diabète ; Nutrasel (2015) contre l’hypertension artérielle ; Bearic Cacao (2015) contre l’hypercholestérolémie et enfin AREH (sel) (2018) contre l’hypertension artérielle ;
• 390 centres de médecine traditionnelle géoréférencés, dont 100 visités et 50 inventoriés en 2017 dans le répertoire dédié ;
• 6 500 praticiens de la médecine traditionnelle répertoriés dans le répertoire national des pharmacopées et médecines traditionnelles au 3^e semestre 2020.

26Outre le recensement du PNPMT, on dispose aujourd’hui :

• d’une base de données sur les plantes médicinales pour faciliter la recherche sur cet usage des SOV ;
• d’un logiciel spécialisé destiné à faciliter le recensement des tradipraticiens de santé dans les 31 régions administratives de la Côte d’Ivoire ;
• enfin, d’un répertoire national des praticiens de la médecine traditionnelle par région et districts sanitaires, spécialités et pathologies prises en charge.

27Par ailleurs, d’autres bases de données existent, telles que Prélude7 et Prota8, qui portent sur les savoirs ancestraux liés aux plantes médicinales.

28Plusieurs mémoires universitaires et des données issues de stages ont permis de compléter la documentation exploitable pour mener à bien l’expertise collective. Pour répondre aux questions ayant motivé l’expertise, la publication se développe en trois grandes parties, autour des connaissances et disponibilités des ressources végétales (partie I), du cadre juridique relatif aux SOV (partie II), puis des techniques, pratiques et savoir-faire sur les SOV (partie III), qui conduiront naturellement au volet des recommandations (partie IV). Celles-ci sont organisées autour de quatre grandes thématiques : l’environnement et la préservation de la biodiversité ; la recherche pluridisciplinaire et les formations qualifiantes ; les secteurs d’application et la valorisation des pratiques ; enfin, le développement économique.