Introduction
p. 128-130
Texte intégral
1Au-delà de la compréhension de l’environnement et des outils du secteur de la pêche artisanale en Haïti, il est essentiel de comprendre la filière des produits de la pêche dans son ensemble – « du filet du pêcheur à l’assiette du consommateur ».
2Comme annoncé en introduction, cette expertise s’inscrit dans une approche dépassant une vision de la pêche limitée à l’étude des rapports prédateur/proie. Le système Pêche y tient une place prépondérante, à la charnière entre la géographie, l’halieutique, la biologie des pêches et l’économie. Six systèmes connexes peuvent être distingués. Deux sont des systèmes naturels, il s’agit de l’écosystème aquatique, terme générique qui englobe les biotopes océaniques et côtiers et les biocénoses qu’ils abritent, et de l’espace en tant que support physique de la biosphère. Quatre sont des systèmes anthropiques, il s’agit du trinôme droit/économie/politique, de l’histoire, de la technologie et du binôme culture/société. L’ensemble de ces six systèmes forment l’environnement du système pêche (fig. 28).
3En Haïti, le système Pêche est étroitement associé au système Alimentation, puisque sa finalité première est de nourrir la population et de participer à la sécurité alimentaire du pays. Il semble même envisageable de parler de système Pêche-Alimentation dont la filière des produits de la pêche constitue la colonne vertébrale. Mais cette filière rencontre de nombreuses contraintes et présente de grosses lacunes qui conduisent à une perte d’efficacité des circuits de distribution et à une dégradation de la qualité des produits de la mer au fil de leur distribution. Le poisson frais est en effet une denrée hautement périssable. À l’air libre et à température ambiante, sa chair est rapidement attaquée par la croissance bactérienne qui provoque une dégradation de sa qualité organoleptique avec le développement de mauvaises odeurs, une altération des couleurs et saveurs. Le travail collectif des experts a permis de mettre en lumière deux composantes distinctes dans la filière des produits de la pêche. L’une concerne les poissons de bonne valeur marchande, notamment les grands pélagiques capturés autour des DCP, les espèces démersales profondes et les poissons dits « colorés » qui ont la faveur des consommateurs. La conservation de ces produits par le froid, via l’usage de la glace, est courante. La seconde sous-filière concerne les autres espèces de moindre valeur marchande comme les petits pélagiques et les poissons démersaux de petite taille. Ces poissons ne font l’objet d’aucune conservation par le froid. Ils sont commercialisés en frais et les invendus sont conservés par un processus de « salage-séchage » pour rester sur le marché. En raison de son prix, ce poisson salé séché est souvent l’unique source de protéines d’origine marine accessible aux familles de très faibles revenus.
4Chacune de ces deux filières est sous la contrainte de blocages majeurs, qu’il s’agisse du contexte socio-économique du pays tel que les pénuries chroniques en carburant, en glace, en électricité et le pouvoir d’achat très faible de la majorité des consommateurs ; de la dégradation fréquente du réseau routier ; des problèmes de gouvernance et d’insécurité qui parfois entravent fortement la circulation des produits de la pêche ; des habitudes de consommation et de mauvaises pratiques lors de la manipulation des prises par le pêcheur puis les mareyeurs ; de la défiance de nombreux consommateurs concernant les grands pélagiques perçus comme étant des vecteurs de toxicité. Plusieurs de ces verrous résultent d’un manque de connaissance des consommateurs, c’est la raison pour laquelle l’accent va être placé sur les problèmes de la qualité des produits et les risques écotoxicologiques auxquels les consommateurs peuvent être exposés (voir annexe 4, III.3). Mais les toxines marines n’expliquent guère la diminution de qualité des produits qui est observable tout au long de la filière. L’absence de chaîne de froid et la complexité des circuits de distribution en sont les principales causes. Cette situation nécessite de mieux comprendre les différentes composantes de la filière et les acteurs impliqués.
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