Préface

1Haïti fait face à d’importants défis dans les quatre dimensions de la sécurité alimentaire (disponibilité, accès, stabilité et utilisation), ce qui se traduit par des niveaux élevés d’insécurité alimentaire dans l’ensemble du pays. Les plus touchés sont les ménages ruraux, dont font partie les pêcheurs, et qui représentent 43 % de la population haïtienne. Dans un pays insulaire, le développement du secteur de la pêche revêt donc une importance capitale pour contribuer à la sécurité alimentaire des pêcheurs et plus largement du pays. Principalement artisanale, dominée par les pirogues et canots en bois, la pêche mobilise plus de 45 000 pêcheurs avec près de 600 points de débarquement sur l’ensemble du littoral haïtien et représente 2,5 % du PIB. En aval de la filière, la transformation et la commercialisation des produits de la pêche assurent également une source de revenus à des dizaines de milliers d’acteurs (marchandes, « Madam Sarah », agences, grossistes, etc.).

2Malgré ce rôle essentiel dans l’économie du pays et pour la sécurité alimentaire, la pêche artisanale haïtienne est confrontée à des enjeux de taille qui limitent son développement : faible productivité, manque de connaissances sur l’état des stocks halieutiques et probable surexploitation des ressources côtières, faible valorisation des produits de la pêche et fortes pertes liées aux déficits de conservation, accès limité à des équipements de pêche et à des techniques adaptées, absence de structuration de la filière pour ne citer qu’eux. Pour répondre à ces défis, la Banque interaméricaine de développement (BID) appuie depuis 2016 le gouvernement haïtien, à travers son ministère de l’Agriculture, des Ressources naturelles et du Développement rural, dans la mise en œuvre d’un programme de développement de la pêche artisanale. Ce programme vise notamment à renforcer la gestion institutionnelle du secteur tout en garantissant sa durabilité, à améliorer la structuration de la filière et à augmenter la productivité de la pêche artisanale en réduisant notamment les pertes économiques.

3Le déficit de données sur le secteur ainsi que le cloisonnement des connaissances produites sur la pêche haïtienne constituent néanmoins des obstacles importants à la mise en œuvre de politiques de soutien. Dans ce contexte, cette expertise scientifique collective produite par l’Institut de recherche pour le développement (IRD) est donc un outil indispensable pour le développement du secteur. Avec son approche pluridisciplinaire et appliquée, allant au-delà de l’analyse de la pêche comme simple activité de prélèvement, ce travail permet d’explorer de nouvelles voies pour appuyer le secteur. En effet, ces dernières se concentrent le plus souvent sur la modernisation des moyens de production alors que les réflexions sur l’état des ressources halieutiques et de la demande pour les produits de la mer ne sont pas menées limitant ainsi une approche intégrée de développement du secteur. Les recommandations produites par les experts de l’IRD permettent d’explorer de nouveaux champs d’action à travers notamment l’amélioration de la filière des produits de la pêche (tout au long de la chaîne de valeur), l’intensification écologique du secteur, la réforme de sa gouvernance et le développement de l’aquaculture.

4Ce travail de synthèse scientifique essentiel va donc permettre de nourrir les futures décisions en termes de politiques de développement du secteur. Il constitue un outil essentiel pour le gouvernement d’Haïti et pour la Banque interaméricaine de développement, mais également pour tous les acteurs qui œuvrent pour le développement du secteur. Nous remercions ainsi toutes les équipes du ministère de l’Agriculture et les experts de l’IRD pour leur contribution et leur collaboration précieuses pour l’avenir de la pêche artisanale haïtienne.