Préface

1Le ministère de l’Agriculture, des Ressources naturelles et du Développement rural (MARNDR) d’Haïti a fait l’honneur de confier à l’IRD la réalisation de cette expertise scientifique collective sur la pêche artisanale. Souvent rappelé dans les statistiques de la coopération internationale, Haïti qui a connu dans son histoire récente de nombreux cataclysmes naturels (tremblement de terre, janvier 2010, sécheresse extrême et épidémie de choléra, 2013, ouragan Matthew, 2016, ouragan Irma 2017) est l’unique pays du continent américain à figurer parmi la liste des 47 pays les moins avancés (PMA) de la planète. Il est le seul pays en dehors du continent africain à figurer sur la liste des 19 pays prioritaires de l’aide publique au développement (APD) française. Dans ce contexte, Haïti fait face à de nombreux défis de développement dont, en premier lieu, celui de la sécurité alimentaire.

2La pêche artisanale offre des solutions concrètes sur le long terme pour y répondre, à condition qu’elle soit pensée et pratiquée dans le respect de la durabilité des écosystèmes où elle se pratique. Au-delà de cette limite écologique, elle doit également être envisagée d’un point de vue holistique dans toutes ses dimensions biologiques, économiques, sociales, culturelles et juridiques. Ce sujet est au cœur d’enjeux scientifiques et sociétaux importants, et s’inscrit pleinement dans le cadre de l’agenda 2030 des Nations unies et des Objectifs de développement durable (ODD) : comment conserver et exploiter de manière durable les océans (ODD14), tout en priorisant la sécurité alimentaire et nutritionnelle d’Haïti (ODD2), la santé (ODD3), l’éducation (ODD4), les questions de genre (ODD5), ou encore la pauvreté (ODD1) ?

3C’est précisément dans cet esprit que cette expertise collective a été conduite. Pluridisciplinaire, elle fournit une évaluation détaillée de l’état des connaissances sur la pêche artisanale en Haïti. Elle s’accompagne de recommandations fondées sur les dernières évidences scientifiques qui devraient permettre d’inscrire cette expertise sur une trajectoire de développement durable. Ces recommandations se distinguent par leur niveau de précision et d’opérationnalité, que cela soit à travers des propositions de projets d’aquacultures circulaires dans des environnements pré-identifiés, ou encore la pose de récifs artificiels en réseau avec des aires marines protégées dans une optique d’intensification écologique. Ces recommandations insistent également sur une révision de la filière pêche et de ses chaînes de valeur. Elles donnent des détails sur un volet éducatif et de formation. Elles indiquent les moyens de prendre en compte l’hygiène dans toutes les étapes de la conservation et distribution des produits de la mer et insistent sur l’importance de mettre en place un observatoire sur l’éco-toxicologie. Elles attirent l’attention sur le rôle important des femmes dans toutes les chaînes de valeur et proposent de leur donner un meilleur accès au crédit, à la formation et aux moyens techniques. Enfin, cette expertise met également en évidence des débouchés à l’exportation de nouveaux produits comme les poissons d’aquarium.

4Je suis particulièrement reconnaissante envers le comité d’experts qui a mené ce travail avec professionnalisme et enthousiasme. Les experts haïtiens et français impliqués dans ce travail sont issus de divers horizons : scientifiques et professionnels, agronomes, halieutes, anthropologues, économistes, formateurs, géographes, gestionnaires de l’environnement, tous spécialistes de la pêche dans les îles. Cet ouvrage illustre l’approche stratégique de la science de la durabilité portée par notre institut, et démontre une fois encore en quoi un dialogue entre différentes disciplines scientifiques et différents acteurs de terrain peut permettre de proposer aux décideurs des solutions durables, tournées vers l’action et au bénéfice des citoyens et de leurs territoires.

5Je tiens à remercier l’ensemble des membres du comité des experts pour leurs travaux, le MARNDR et la Banque interaméricaine de développement pour leur appui stratégique, ainsi que l’ensemble des contributeurs pour la qualité de cet ouvrage.

6Au-delà de cette fin d’année 2021 encore marquée par la pandémie, les résultats concrets de cet ouvrage participeront pleinement à la réflexion et à la célébration autour de « l’année internationale de la pêche et de l’aquaculture artisanales » décrétée par les Nations unies en 2022. Ce document permettra, en ce sens, de souligner le rôle crucial que jouent les acteurs de la pêche artisanale et de l’aquaculture et de les soutenir. En effet, ils sont trop souvent oubliés et pourtant leur action est centrale pour le bien-être de milliards de personnes, ainsi que pour celui de notre planète.