Chapitre 5. Cultiver la mer
Enjeux de la conchyliculture dans la planification spatiale marine
Texte intégral
Introduction
1L’activité aquacole mondiale s’est considérablement développée au cours des dernières décennies. Selon le dernier rapport sur la pêche et l’aquaculture (State of fisheries and aquaculture, Sofia) de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la production aquacole totale était de 82,1 millions de tonnes (Mt) en 2018, dont 30,8 Mt pour la mariculture et l’aquaculture côtière (FAO, 2020). Les produits d’élevages marins, allant du saumon et de la truite aux crevettes, huîtres et moules, sont commercialisés à l’échelle mondiale. Ils représentent également une ressource capitale pour les populations côtières, en termes d’accès à la nourriture et de développement économique local (Béné et al., 2015 ; FAO, 2020). Les pratiques aquacoles ne sont toutefois pas sans incidence sur la durabilité des écosystèmes favorisant, entre autres, les maladies en cas de forte densité des stocks, ou l’introduction d’espèces envahissantes lors des mouvements de cheptels. Elles peuvent aussi entraîner une pollution due à une mauvaise utilisation des produits chimiques et des antibiotiques, une augmentation des déchets, plastiques notamment, et une perte de biodiversité due à la conversion des zones côtières (Bostock et al., 2010 ; Bush et al., 2013). La conchyliculture et l’aquaculture côtière sont elles-mêmes menacées, du fait de la compétition croissante pour l’espace et de la pollution provenant d’autres secteurs, comme le tourisme, la pêche, le transport maritime et les infrastructures côtières (Sanchez-Jerez et al., 2016). La gestion de ces problématiques complexes est un véritable défi qui exige une meilleure compréhension des caractéristiques spatio-temporelles de la mariculture et de l’aquaculture côtière : quelles espèces sont cultivées dans quels endroits, quelle saisonnalité, quel système socio-économique, et avec quels impacts environnementaux ? Ces connaissances contribueront à améliorer la gouvernance côtière, afin de minimiser les impacts négatifs sur l’environnement de l’activité conchylicole et d’accroître la qualité des moyens de subsistance et la résilience sociale des communautés côtières (Sanchez-Jerez et al., 2016 ; Nunes et al., 2011).
2Dans cette perspective, la planification spatiale marine (PSM) apparaît comme un outil prometteur (Lester et al., 2018). Selon Ehler et Douvere (2011), la PSM peut être définie comme un processus politique visant à analyser et à répartir les activités humaines dans le temps et l’espace (marin). La planification de l’espace maritime a clairement une orientation spatiale : elle s’intéresse aux questions relatives à la coexistence et aux conflits entre les différentes utilisations de l’espace marin et côtier, y compris les impacts sur l’environnement et les écosystèmes, et vise à cartographier les emplacements, les déplacements et les co-emplacements. En d’autres termes, la PSM aide à (ré)organiser spatialement les zones marines et côtières. Le processus de PSM dépend toutefois de la disponibilité et de la fiabilité des informations concernant l’ensemble des activités humaines en jeu. Cependant, il existe des lacunes importantes en matière de données d’aquaculture, comme le reconnaît également le rapport Sofia 2020 : « L’absence de rapports de 35 à 40 % des pays producteurs, associée à une qualité et une exhaustivité insuffisante des données communiquées, entrave les efforts de la FAO pour présenter une image précise et plus détaillée de l’état et des tendances du développement de l’aquaculture mondiale » (FAO, 2020).
3L’objectif de ce chapitre est de répondre aux attentes et préoccupations autour des activités conchylicoles (pour lesquelles peu de données sont disponibles) en relation avec la PSM. Nous le ferons en explorant le cas de la conchyliculture le long des côtes du Nordeste brésilien. Cette zone côtière, qui est caractérisée par de nombreux estuaires et mangroves, est en effet un cas d’école. Dans cette région, la conchyliculture (huîtres, coques, moules) est en grande partie une activité informelle et non déclarée, qui ne constitue pas une source principale de revenus, mais qui reste vitale pour les communautés côtières. La PSM offre la potentialité d’intégrer l’activité conchylicole dans un espace maritime partagé avec d’autres activités, et de contribuer ainsi à réduire ses impacts environnementaux et augmenter ses bénéfices socio-économiques. Cependant, les caractéristiques de la conchyliculture doivent d’abord être claires afin d’explorer : (1) dans quelle mesure la conchyliculture affecte et est affectée par les conditions environnementales et leur dynamique, ainsi que (2) la manière dont elle influence et est influencée par d’autres activités (première partie de ce chapitre). Ensuite, il est important d’étudier les défis de la conchyliculture dans un contexte spécifique, dans notre cas le Nordeste Brésilien. Enfin, la question de savoir si la PSM peut réellement contribuer à une meilleure organisation des pratiques conchylicoles sous les tropiques sera abordée dans la dernière partie.
Généralités sur la conchyliculture
4D’une façon générale, les bivalves sont essentiels au développement, au fonctionnement et à la durabilité des environnements côtiers. Les bivalves marins, comme les huîtres, les palourdes et les moules, sont cultivés depuis des siècles. Ils sont reconnus comme une ressource durable qui capte leurs aliments dans leur environnement ne nécessitant pas l’apport d’aliments artificiels. Il s’agit en général d’une aquaculture extensive qui permet une production alimentaire durable (Smaal et al., 2019).
Caractéristiques biologiques et écologiques des bivalves
5Les bivalves sont de longue date exploités et cultivés pour leur chair, leur coquille ou les deux. Leurs premières utilisations et exploitations datent du néolithique. Ils sont présents dans tous les habitats marins et sont indispensables au maintien des réseaux trophiques. Ils occupent des niches écologiques extrêmement variées depuis l’intertidal jusqu’aux sources hydrothermales des grandes profondeurs océaniques, depuis l’équateur jusqu’aux pôles.
6Les bivalves sont une des classes de l’embranchement des mollusques souvent rencontrés sur nos tables. Les espèces exploitées de bivalves peuvent être divisées en deux sous-groupes, les espèces épigées vivant à la surface du substrat et les espèces endogées vivant enterrées dans le substrat. Parmi les espèces épigées, on retrouve les huîtres, les coquilles Saint-Jacques, les pétoncles et les moules. Les bivalves endogés (ou fouisseurs) quant à eux regroupent les coques, les praires, les palourdes, les couteaux, les donaces ou les tellines.
7Les bivalves sont des organismes filtreurs. La capture des particules alimentaires et la respiration sont assurées par le même organe, les branchies. Les branchies créent un mouvement d’eau qui permet à l’animal de tirer l’oxygène dissous pour sa respiration et de capturer les particules alimentaires naturellement présentes dans l’eau environnante (bactéries, plancton). Les particules sont piégées par les cils branchiaux et transportées jusqu’à la bouche. Le système digestif est très simple et plus ou moins rectiligne ; une bouche, un estomac, un intestin et un anus. La reproduction des bivalves est généralement externe. Les gamètes mâles et femelles sont libérés dans l’eau où a lieu la fécondation et la formation d’une larve dite pélagique (nageant dans l’eau de mer) qui se fixe au bout de quelques jours sur un substrat.
Qualité de l’environnement et de la structure des habitats
8Les biens et services apportés par la conchyliculture sont particulièrement pertinents à prendre en compte par les décideurs et conseillers politiques de l’aménagement des espaces marins.
9Outre la nutrition humaine, développée ci-après, les bivalves marins fournissent un habitat pour un grand nombre d’espèces, régulent la qualité de l’eau, et séquestrent du carbone et de l’azote. En tant qu’éco-ingénieurs, les bivalves sont utilisés pour la protection et la conservation des lignes côtières. Ces fonctions peuvent être définies comme des biens et services écologiques.
10Grâce à leur capacité de filtration, ils éliminent de l’eau les particules et, dans certaines conditions, quand les nutriments inorganiques ne sont pas limitants, ils augmentent la production de phytoplancton en améliorant la pénétration de la lumière. La capacité de filtration et de clairance de l’eau par les bivalves naturels et cultivés joue aussi un rôle écologique majeur dans le contrôle de la biomasse de phytoplancton. La culture de bivalves peut ainsi fournir des services positifs à l’échelle de l’écosystème en provoquant un appauvrissement des particules en suspension dans de nombreuses zones côtières souffrant d’eutrophisation (Cranford, 2019 ; Lindahl, 2011). Les bivalves marins transforment ainsi la matière organique particulaire (plus particulièrement le phytoplancton) en tissus de bivalves ou en fèces transférées vers le benthos.
11Les bivalves marins font ainsi l’objet d’une attention accrue pour leur contribution à l’extraction de nutriments de l’environnement côtier, limitant ainsi les effets négatifs de l’excédent de nutriments provoqués par les activités anthropiques telles que l’agriculture et le rejet des eaux usées (Petersen et al, 2019). L’extraction des nutriments se fait par deux voies : (i) la récolte/l’élimination des bivalves – ce qui permet de restituer les nutriments à la terre – ou (ii) une dénitrification accrue à proximité d’agrégats denses de bivalves, ce qui entraîne un transfert d’azote vers l’atmosphère.
12De nombreuses espèces de bivalves forment des massifs ou agrégats qui peuvent dans certaines zones recouvrir une grande partie des fonds marins (Craeymeersch et Jansen, 2019). Ces agrégats ou récifs de bivalves sont présents à l’état naturel dans de nombreuses zones subtidales et intertidales du monde entier. Ils sont cependant parfois largement exploités, car constitués d’espèces valorisables, comme les moules et les huîtres. Ces bancs ou récifs de bivalves forment un habitat complexe pour de nombreuses autres espèces et sont d’une grande valeur en termes de biodiversité. La structure physique fournie par les coquilles, enrichies par des bio-dépôts produits par la filtration, attire une forte densité de proies macro-invertébrées. Elle fournit également un abri et un habitat à de nombreuses espèces de bivalves, de crustacés ou de juvéniles de poissons (Hancock et Ermgassen, 2019), dont l’augmentation nette en densité a pu être observée autour de récifs de bivalves, notamment ostréicoles.
Une source de nourriture pour l’homme
13La production totale de l’aquaculture et des pêcheries de bivalves a connu une augmentation régulière, passant de 5 à 16 Mt par an sur la période 1995-2015, soit environ 14 % de la production marine totale dans le monde, comme en témoigne le rapport de la FAO (2020). La majeure partie de la production de bivalves marins (89 %) provient de l’aquaculture et seulement 11 % de la pêche (Wijsman et al., 2019). Les bivalves marins, même s’ils ne reçoivent pas la même attention dans les médias que les poissons pour leurs bénéfices sur la santé, sont appréciés des consommateurs pour leurs bienfaits nutritionnels et leur goût.
14Les bivalves marins sont considérés comme des aliments complets, peu caloriques, toniques, riches en protéines de qualité, en vitamines (A et D) et minéraux (iode, sélénium, calcium). L’excellente qualité nutritionnelle des mollusques marins repose d’une part sur la qualité de leurs protéines et, d’autre part, sur leur richesse en acides gras à longue chaîne hautement insaturés (les fameux oméga 3), principalement le 20:5n-3 et le 22:6n-3, associés à la prévention de nombreuses maladies humaines (Sargent et Tacon, 1999).
15Enfin, contrairement à la pisciculture, la conchyliculture repose sur le phytoplancton présent naturellement dans l’eau et ne nécessite aucun apport extérieur (nourriture, antibiotiques, etc.). La récolte et la production de bivalves pour l’alimentation doivent néanmoins être mises en balance avec la capacité de charge (nourriture disponible sous forme de phytoplancton) et ses implications pour d’autres services, notamment le maintien de la qualité de l’eau et la structure de l’habitat.
Artisanat, décoration et joaillerie
16Les coquilles de bivalves sont aussi utilisées dans un but décoratif ou d’artisanat. La forme et la morphologie générale de ces coquilles varient selon leur mode de vie et/ou leurs habitats. Elles présentent une grande variété de tailles, de formes, d’ornementations, de couleurs qui permettent leur identification et leur classification. Elles peuvent décorer des murs ou des marches ; elles sont quelquefois empilées et collées ensemble pour faire des ornements ou embellir certains objets d’artisanat. Enfin, elles peuvent être transformées ou percées pour créer des bijoux.
17Les perles des bivalves sont formées par la sécrétion de nacre des cellules épidermiques du tissu du manteau des mollusques. Utilisées tout au long de l’histoire de l’humanité, elles ont trois fonctions principales. Elles sont utilisées, comme toutes pierres précieuses, pour décorer, signifiant ainsi statut et richesse matérielle. Ce sont de magnifiques ornements d’objets tels que les couronnes des monarques, symboles d’élégance et de noblesse. Les perles et les coquilles peuvent enfin servir d’objets de collection (Zhu et al., 2019).
Problèmes associés à la conchyliculture
18Les effets de la conchyliculture sur l’environnement sont généralement jugés positifs (Cranford et al., 2012), contribuant à la qualité des écosystèmes (Smaal et Van Duren, 2019). La conchyliculture connaît quelques problèmes, comme les conflits d’usage pour l’espace maritime, la concurrence avec d’autres animaux filtreurs, le surstockage, l’accumulation des bio-dépôts sur le fond, l’introduction d’espèces envahissantes, animales et végétales, lors des transplantations de bivalves, et leurs maladies associées. De plus, l’accumulation de biotoxines ou de pathogènes humains par les coquillages et les conséquences sanitaires pour les consommateurs qui en découlent, représentent également un problème majeur (Wijsman et al., 2019).
Microalgues toxiques et nuisibles
19Les zones de conchyliculture sont régulièrement soumises à des efflorescences de phytoplancton toxique dont l’intensité et la répartition géographique ne cessent de s’accroître (Hallegraeff, 1993 ; Glibert et Burkholder, 2018). Ces efflorescences de micro-algues toxiques sont reconnues pour leurs effets majeurs sur l’écologie des zones côtières marines (Burkholder, 1998). Une efflorescence de phytoplancton toxique peut donc modifier la physiologie ou la biologie (mortalité, susceptibilité aux maladies, parasites, accumulation de toxines, etc.) de certaines espèces ou communautés clés dont les bivalves, mais aussi la chaîne trophique qu’elles supportent entraînant ainsi des changements dans les écosystèmes marins (Harvell et al., 1999). L’accumulation de phycotoxines (produites par les microalgues toxiques) peut ainsi poser des problèmes sanitaires, en contaminant les niveaux trophiques supérieurs, humains compris, suite à la consommation de bivalves. Les phycotoxines décrites sont classées par rapport à leurs effets et symptômes chez l’homme suite à leur ingestion : toxines paralysantes (PSP, paralytic shellfish poisoning), amnésiantes (ASP, amnesic shellfish poisoning), diarrhéiques (DSP, diarrheic shellfish poisoning) et neurologiques ou responsables du syndrome de « la gratte » avec les ciguatoxines.
Pathogènes humains
20La consommation de coquillages, et notamment de bivalves, peut provoquer des maladies infectieuses chez l’homme, qui peuvent être causées par des agents pathogènes microbiens naturellement filtrés par les bivalves puis accumulés dans leurs tissus (tab. 1). Ces agents pathogènes peuvent être des bactéries naturellement présentes dans l’eau (ex. genre Vibrio), ou des virus et des bactéries issus des effluents et eaux usées qui peuvent contaminer les eaux côtières. C’est le cas, entre autres, des coliformes fécaux (Escherichia coli), des salmonelles, du virus de l’hépatite A, des norovirus, etc., et de bactéries comme Vibrio vulnificus ou V. parahaemolyticus, dont la teneur dans l’eau augmente avec la température, et qui peuvent causer en été des problèmes de nausées, diarrhées et vomissements.
Tableau 1. Principaux indicateurs microbiologiques et principaux micro-organismes pathogènes trouvés dans les mollusques bivalves
Bactéries | Virus |
Indicateurs : Escherichia coli, Clostridium perfringens, Salmonella spp. | Indicateurs : bactériophages (anti-mâle, Bacteroïdes fragilis) |
Pathogènes principaux | Pathogènes principaux |
Vibrio cholerae O1 et O139 Vibrio parahaemolyticus | Hépatite A (ssRNA) ; Norovirus (ssRNA) |
Pathogènes secondaires | |
Vibrio vulnificus | Rotavirus (dsDNA), Adénovirus (dsADN) |
Clostridium botulinum | Astrovirus (ssRNA), Poliovirus (ssDNA) |
Pathogènes secondaires | |
Campylobacter jejuni, Shigella spp., Aeromonas hydrophyla, Edwarsiella tarda, Pleisomonas shigelloides, Listeria monocytogenes Yersinia enterocolitica, E. coli O157:H7, S. aureus |
Maladies des mollusques
21Les populations de bivalves sont touchées par des épizooties qui déciment ou affaiblissent les stocks exploités limitant les récoltes aquacoles (Barbosa Solomieu et al., 2015). Les échanges commerciaux entre régions du monde contribuent à l’introduction d’espèces exotiques et, par conséquent, à l’apparition et à la propagation de maladies infectieuses (Andrews, 1980 ; Renault, 1996). Ces maladies sont causées par divers agents infectieux (Zannella et al., 2017), principalement des virus (Arzul et al., 2017), des bactéries (Travers et al., 2015) ou des protozoaires (Robledo et al., 2014).
22Parmi les pathologies des bivalves les plus graves, on peut citer celle due à un virus de la famille des Herpesviridae, appelé « ostreid herpesvirus 1 » (OsHV-1), qui a provoqué des taux de mortalités estivales très élevés chez les huîtres creuses Crassostrea gigas en France depuis le début des années 1990. À partir de 2008, des mortalités graves, de 60 à 100 %, chez les juvéniles de C. gigas, ont été signalées durant l’été en France, entraînant de graves pertes économiques. Ces événements ont été associés à l’émergence d’un nouveau variant du virus appelé OsHV-1 μVar (Segarra et al., 2010). Ce dernier se caractérise par une large distribution géographique, sa présence ayant été détectée dans plusieurs pays (Arzul et al., 2017). Au Brésil, la présence d’OsHV-1 a récemment été signalée chez l’huître cultivée C. gigas et l’huître native C. gasar au sud du pays, ce qui pourrait représenter un risque de surmortalité (Mello et al., 2018).
23Les bactéries les plus pathogènes appartiennent souvent au genre Vibrio. La vibriose est une maladie majeure des bivalves et représente un enjeu important des écloseries d’huîtres et de la production sur le terrain, en causant des dommages aux larves et/ou aux naissains selon les espèces. Les vibrions les plus pathogènes appartiennent aux clades splendidus et harveyi ou aux espèces V. aestuarianus, V. tubiashii, V. coralliilyticus et V. tapetis (Travers et al., 2015).
24Des parasites protozoaires du genre Marteilia sp., Bonamia sp. ou Perkinsus sp., peuvent aussi fortement impacter la production de nombreuses espèces de bivalves. Parmi les plus répandus, on retrouve les parasites du genre Perkinsus, connus pour causer dans le monde des mortalités massives dans les populations cultivées ou pêchées. Plus spécifiquement, P. marinus et P. olseni sont identifiés comme agents étiologiques à déclaration obligatoire par l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE). Ils entraînent régulièrement des mortalités massives respectivement dans les populations d’huître américaine C. virginica aux États-Unis (côte Est et golfe du Mexique) et dans les populations de palourdes en Asie et en Europe, impactant les activités économiques associées.
25Enfin, une maladie observée plus récemment est la néoplasie disséminée (qui s’apparente à un cancer). Elle affecte les bivalves dans le monde entier, y compris de nombreuses espèces commerciales (Carballal et al., 2015), et peut entraîner des mortalités massives. La néoplasie disséminée est une maladie caractérisée par la prolifération excessive de cellules anaplasiques et hypertrophiées dans le système circulatoire et les autres organes (Barber, 2004 ; Carballal et al., 2015). Elle a été associée à des états pathologiques graves chez les bivalves du monde entier, entraînant la mort (Barber, 2004 ; Carballal et al., 2015 ; Díaz et al., 2016), probablement du fait du remplacement des hémocytes par les cellules néoplasiques ; les fonctions vitales, y compris les systèmes de défense, ne sont donc plus assurées.
Contaminants chimiques
26Dans de nombreuses régions côtières, la contamination chimique reste un problème majeur (Ospar, 2010) affectant la qualité de l’eau des milieux marins. La présence inévitable de contaminants chimiques, tels que le mercure et les polluants organiques persistants (POP), peut entraîner leur bioaccumulation par les bivalves et devenir un risque pour la santé des consommateurs.
La conchyliculture au Nordeste du Brésil
27L’activité conchylicole s’est principalement développée dans le Sud du Brésil. L’État de Santa Catarina est le plus grand producteur national de bivalves. En 2019, cet État a compté à lui seul 2 760 t de Crassostrea gigas, 12 294 t de moules Perna perna et 5,2 t de coquilles Saint-Jacques Nodipecten subnodosus. C. gigas a été introduite pour la première fois au Brésil en 1974, à Rio de Janeiro, en provenance du Royaume-Uni (Poli et al., 1990 ; Poli, 2004).
28C’est dans les années 1970, dans l’État de São Paulo, que débutent des études pour la culture d’espèces indigènes d’huîtres, Crassostrea rhizophorae et C. brasiliana (= gasar) (Wakamatsu, 1973 ; Akabosh et Pereira, 1981). La production de ces deux espèces se développe et se concentre maintenant dans les États du Nord et du Nord-Est. On peut aussi noter que, dans le Nordeste, les moules du genre Mytella sont extraites pour la consommation et la vente. Grâce à la présence de nombreux estuaires, le Nordeste brésilien (NE) s’avère particulièrement favorable à la conchyliculture.
État des lieux et tonnage
29Le NE possède de nombreuses zones estuariennes et de mangroves, riches en nutriments et en nurseries. Deux espèces d’huîtres indigènes y sont cultivées, Crassostrea rhizophorae et C. gasar. Cette dernière est connue comme « l’huître noire », du fait de la couleur de sa coquille qui est plus foncée que celle de C. rhizophorae (Scardua et al., 2017). C. gasar vit principalement sur le fond des plans d’eau estuariens et présente de meilleures caractéristiques zootechniques, en raison d’une croissance plus rapide et d’une plus grande taille commerciale (jusqu’à 100 mm) que C. rhizophorae.
30La production d’huîtres est réalisée dans les estuaires, depuis l’embouchure de la rivière jusqu’à relativement loin en amont (8-13 km). Les estuaires avec de grandes superficies de mangroves préservées offrent les meilleures conditions pour le développement de l’ostréiculture. L’huître C. gasar est généralement rencontrée dans les zones à faible salinité tandis que C. rhizophorae préfère les zones à salinité plus élevée. Le naissain d’huîtres est récupéré de deux manières, directement sur le milieu naturel ou sur des collecteurs artificiels (fig. 1A) disposés dans des endroits choisis généralement de façon empirique et selon l’espèce recherchée. Le système de production adopté par les producteurs du NE consiste en des structures suspendues constituées de planches et pieux en bois (palétuviers) ou de tuyaux en plastique (PVC) remplis de béton et fixés sur le fond de l’estuaire dans des zones abritées (fig. 1C et 1D). Les sacs peuvent être posés directement ou suspendus aux piliers de cette structure (fig. 1B).
31Les marées varient entre 2,5 et 5,6 m selon la localisation latitudinale des estuaires. Cela permet l’installation et l’entretien des systèmes de culture. Chaque estuaire possède ainsi ses propres caractéristiques qui vont influencer les performances de la culture des huîtres comme, par exemple, l’apport de sédiments et de nutriments, la présence de prédateurs et le développement de fouling. Le choix des zones de culture est majoritairement empirique du fait du manque d’assistance technique et de données disponibles. Les producteurs testent les emplacements jusqu’à ce qu’ils obtiennent de bonnes performances de croissance et de survie. Néanmoins, le manque de contrôle de la collecte du naissain naturel ou même des adultes semble déjà avoir réduit les stocks naturels d’huîtres, mettant en danger la durabilité de l’ostréiculture dans le NE. La production de naissains en écloserie est possible depuis 20131. Actuellement, l’écloserie a la capacité de produire 6 millions de naissains par an (de mars à mai). Cependant, les coûts de production sont très élevés et la demande de naissains d’écloserie reste faible, car l’activité conchylicole est encore émergente et les producteurs s’appuient essentiellement sur la collecte en milieu naturel.
32Dans les estuaires du NE, la conchyliculture est rarement la source principale de revenus. Pour la plupart des producteurs, c’est une source de revenus complémentaires en plus de ceux issus d’autres ressources naturelles de l’estuaire, comme les crabes et les poissons. Les producteurs d’huîtres sont organisés en collectifs (associations) ou travaillent seuls. Les productions les plus importantes se trouvent actuellement dans les estuaires de la lagune de Guaraíras, la rivière Curimataú dans l’État du Rio Grande do Norte (RN), et la rivière São Miguel-Lagoa do Roteiro dans l’État d’Alagoas (AL). De petites initiatives collectives et individuelles existent par ailleurs dans les estuaires de la rivière Mamanguape (État de Paraíba, PB), les rivières Camarajibe et Coruripe (AL), les rivières São Francisco et Piauí-Piautinga à Sergipe (SE), la baie de Camamú et la Tinharé-Boipeba (Bahia, BA), le delta de Parnaíba (États de Piauí, PI, et de Maranhão, MA) et dans le canal de Santa Cruz (État de Pernambuco, PE) (fig. 2). Certaines espèces, comme Anomalocardia brasiliana, Phacoides Pectinatus connu sous le nom « lambreta » et les moules de mangrove Mytella falcata et M. guyanensis, sont aussi utilisées par les populations locales à la fois comme ressource alimentaire et source de revenus. La production de mollusques, dont les huîtres dans le NE, a été estimée à 133 t en 2018. Mais la quantité réelle produite serait sous-estimée. La production la plus élevée du NE provient du RN, avec 100 t par an. Les deux principaux obstacles à l’ostréiculture à grande échelle dans le NE sont l’absence d’un approvisionnement constant de naissains et d’un contrôle sanitaire des huîtres produites.
Insertion de l’activité dans les zones côtières
33Le NE possède un fort potentiel (importante productivité primaire, climat favorable, géographie) pour le développement de l’ostréiculture de l’huître C. gasar. À ce jour, l’ostréiculture est basée sur la collecte de naissains dans les populations naturelles et sur leur croissance en zones estuariennes, mais sans suivi des performances en termes de croissance et de survie ni sans réel contrôle de leur état de santé (présence de maladies notamment) et de leur qualité nutritionnelle.
34Pour intégrer la conchyliculture dans la PSM, il est essentiel d’identifier les lacunes, les menaces et les indicateurs de résilience les plus appropriés de cette activité économique. Le projet « Planning in a liquid world with tropical stakes » (Paddle) a collecté des connaissances et des données, et a développé des modèles sur la dynamique de ces écosystèmes qui donneront des clés pour un développement durable et raisonné de la conchyliculture au Brésil.
Problèmes présents et futurs associés à la conchyliculture
35La plupart des phycotoxines impliquées dans des intoxications humaines au niveau mondial sont également présentes au Brésil. Elles sont issues des espèces appartenant aux genres Alexandrium, Dinophysis, Gambierdiscus, Ostreopsis, etc., respectivement responsables des syndromes de PSP, DSP, ou produisant des ciguatoxines, etc. Pourtant, à l’heure actuelle, il n’existe aucun suivi systématique de ces efflorescences ou de la contamination des bivalves par ces toxines dans le NE du Brésil. Il est impératif de mieux caractériser la distribution géographique et les conséquences de ces efflorescences sur la conchyliculture au Brésil en termes de santé humaine et de santé des coquillages. Considérant la capacité de propagation de ces micro-algues toxiques, il est fortement recommandé de mettre en place une surveillance régulière des zones ostréicoles et de l’accumulation de toxines dans les populations de bivalves cultivées le long des côtes du NE du Brésil. Un tel suivi existe déjà dans la partie Sud du pays, où se trouvent les plus grandes productions.
36La conchyliculture, qui émerge actuellement dans le NE du Brésil, peut aussi être confrontée à des menaces biologiques telles que les maladies induites par les micro-organismes. Les maladies les plus graves enregistrées chez les huîtres du Brésil sont la perkinsose due à un parasite protozoaire et la néoplasie disséminée. L’étude de la perkinsose des huîtres du Brésil a commencé en 2008 par une enquête sur la présence de Perkinsus spp. dans deux espèces d’huîtres, Crassostrea rhizophorae provenant de bancs naturels sur la côte de l’État du Ceará (CE) dans le NE, de Santa Catarina (SC) dans le Sud de Brésil et C. gigas provenant d’élevages de SC. Perkinsus beihaiensis a été identifié dans des huîtres provenant de CE (Sabry et al., 2009, 2013). Des premières occurrences de P. marinus ont été récemment enregistrées à SC dans les huîtres C. gasar et C. gigas, et de P. beihaiensis chez l’huître C. gasar (Luz Cunha et al., 2019). P. chesapeaki a également été détecté en 2012 dans C. rhizophorae de l’État de CE (Neto et al., 2016). Dans les années qui ont suivi, d’autres études ont été menées, principalement sur la côte des États du NE, sur des populations naturelles et cultivées d’huîtres indigènes (C. rhizophorae et C. gasar). En 2010, P. marinus et P. olseni ont été détectés dans des huîtres C. gasar de populations naturelles et cultivées de l’État de Sergipe (Da Silva et al., 2014). Puis, des échantillons d’huîtres (C. rhizophorae) prélevés en 2011 dans l’estuaire du Paraíba do Norte (PB), ont révélé une prévalence atteignant 100 % et des intensités très élevées de P. marinus (Da Silva et al., 2013), ce qui a mené à la première notification au Brésil d’un parasite à déclaration obligatoire à l’OIE. À l’époque, une ordonnance a été publiée visant à restreindre le mouvement des huîtres du PB. Bien que la dynamique de l’infection des parasites appartenant aux Perkinsus spp. dans le NE du Brésil soit encore peu étudiée, il semble que les salinités plus faibles et les températures plus basses pendant la saison humide dans le NE (hiver dans l’hémisphère Sud) soient défavorables à la prolifération du parasite (Da Silva et al., 2014). La présence de P. marinus dans les régions tropicales n’a pas été associée pour l’instant à la mortalité des espèces hôtes indigènes, les huîtres C. rhizophorae et C. gasar (Da Silva et al., 2016 ; Scardua et al., 2017).
37Un suivi histologique des populations de C. gasar dans l’estuaire de Mamanguape (PB), a révélé la présence de néoplasie disséminée (Da Silva et al., 2018). Malgré une prévalence faible de la maladie dans les huîtres, des cellules néoplasiques ont été retrouvées dans de nombreux tissus et organes des huîtres avec des niveaux d’intensité variable. Pour l’instant, cette maladie ne nuit pas à la production locale d’huîtres.
38Le manque de connaissances sur la perkinsose et la néoplasie disséminée au sein des populations d’huîtres cultivées dans les différentes régions du Brésil, ne permet pas d’en évaluer l’impact réel, peut être sous-estimé. Il apparaît nécessaire de mettre en place un suivi permanent des taux de mortalité des huîtres et de contacter le laboratoire national de référence pour les mollusques en cas de surmortalité élevée, afin d’évaluer l’état de santé de la population. Aujourd’hui, ni la perkinsose ni la néoplasie disséminée ne semblent constituer une menace pour l’ostréiculture au Brésil. Toutefois, l’intensification de la culture pourrait faire évoluer cet équilibre. À titre préventif, il est recommandé de ne pas transférer les huîtres d’une zone d’élevage à une autre pour éviter de disséminer ce parasite dans les zones saines. Il apparaît néanmoins important de mieux caractériser la distribution géographique et les niveaux d’infection et de prévalence de ces maladies afin de surveiller leurs impacts sur les populations sauvages et d’élevage d’huîtres C. gasar.
Pourquoi intégrer la conchyliculture dans la PSM ?
39En général, les activités aquacoles sont perçues comme fortement dépendantes de la PSM. En effet, ces activités sont à la croisée des dynamiques naturelles et des autres activités (économiques), et elles sont soumises à une série de politiques publiques, y compris pour l’autorisation d’utiliser l’espace marin. Comme la conchyliculture gagne, et devrait continuer à gagner, de l’importance pour l’approvisionnement alimentaire mondial et les développements futurs de la croissance bleue (FAO, 2020 ; Brugère et al., 2019), il est nécessaire d’aborder les conflits actuels et futurs concernant l’espace et de prévenir l’introduction d’espèces nuisibles ou pathogènes.
40Adopter une approche holistique de la gouvernance environnementale, c’est-à-dire inclure les impacts environnementaux, économiques et sociaux du développement à court et long termes de l’aquaculture côtière, signifie prendre en compte les biens et services que la conchyliculture peut fournir. La conchyliculture a des effets positifs sur le fonctionnement des écosystèmes en contribuant à maintenir leur intégrité, en soutenant la biodiversité fonctionnelle et structurelle et en réduisant les effets de l’eutrophisation (liés à l’urbanisation et à l’élevage intensif). En outre, dans les zones tropicales comme le NE du Brésil, les pratiques conchylicoles informelles et à petite échelle aident les communautés à générer des revenus supplémentaires pour certains ménages, et ainsi réduire la pauvreté. La conchyliculture représente ainsi une opportunité économique, de soutien des moyens de subsistance et de cohésion sociale des zones côtières et rurales (Shumway et al., 2003). En raison de sa nature marine, la conchyliculture côtière est parfois présentée comme une alternative professionnelle aux pêcheurs, bien que les opportunités (et les contraintes qui y sont liées) doivent être évaluées avec soin (Weeks, 1992). En outre, le développement de la conchyliculture peut préserver et renforcer l’identité culturelle des communautés côtières (de pêcheurs), car il relie étroitement les connaissances et compétences locales à des lieux côtiers et à un espace marin spécifique (Murray et D’Anna, 2015).
41Afin de considérer l’aquaculture dans le cadre de la PSM, il faut tenir compte à la fois de ses effets sur l’environnement et sur les autres activités économiques, et de la manière dont elle-même est affectée par ces dernières. Dans le cas du NE brésilien, la conchyliculture est plus impactée par les autres activités qu’elle n’a d’effets elle-même. Alors que le regroupement de la conchyliculture avec d’autres activités (comme la production d’énergie éolienne) devient une réalité dans certaines régions du monde (p. ex. avec des parcs éoliens off-shore ; Christie et al., 2014), il n’existe pas encore de plans de développement de la conchyliculture dans le NE. Néanmoins, la conchyliculture est potentiellement victime d’autres usages de l’espace marin et côtier. Par exemple, la pollution due au transport maritime et au tourisme côtier peut être une source majeure de conflits, car elle entraîne des risques sanitaires et de biosécurité, et au final, des risques financiers et juridiques pour tous les acteurs impliqués dans l’aquaculture des bivalves. L’évaluation des risques (marée noire par exemple, voir Santos et al., 2013) doit donc être intégrée dans la planification de l’aquaculture afin que les bénéfices socio-économiques de cette activité soient optimaux.
42La stabilité réglementaire est une condition préalable essentielle pour accéder aux marchés aux niveaux régional, national et international. Ainsi, en établissant un cadre politique à la conchyliculture, la PSM peut contribuer à cette stabilité réglementaire et au développement d’opportunités commerciales. Cela pourrait aider également la mise en place de systèmes de certification, qui offrent des voies prometteuses de durabilité de l’aquaculture. On peut citer la norme sur les bivalves de l’Aquaculture Stewardship Council (ASC) et celle des meilleures pratiques aquacoles (Best aquaculture practices, BAP) pour les bivalves (moules) de la Global Aquaculture Alliance (GAA) (ASC, 2019 ; GAA, 2016). Ces normes prennent en compte de multiples dimensions de durabilité, comme l’utilisation des terres et de l’eau, la pollution de l’eau, les effets sur le benthos, les effets sur la biodiversité, et les relations avec les travailleurs et les communautés locales (Boyd et al., 2005 ; Bush et al., 2013). Ces systèmes de certification aident ainsi la PSM à renforcer la durabilité de la conchyliculture. C’est d’ailleurs l’une des recommandations du Plan maritime portugais durable de l’aquaculture (Plano de ordenamento do espaço marítimo) cité par Santos et al. (2014), qui fait référence à la promotion de la « valorisation des produits de la pêche et de l’aquaculture au moyen de programmes de certification (y compris la certification des produits de la mer et de la pêche durable) ».
43Il est cependant crucial de ne pas être trop ambitieux ou trop optimiste quant aux contributions de la PSM dans le développement aquacole. En effet, les réalités locales doivent être prises en compte avec soin. Ainsi, la conchyliculture dans le NE brésilien est très loin d’obtenir la certification ASC ou BAP. Par ailleurs, la conchyliculture étant parfois une activité accessoire, la PSM peut améliorer l’accès (souvent difficile) des produits conchylicoles aux marchés régionaux. La contribution de la PSM aux moyens de subsistance locaux et au développement communautaire doit être suffisamment réelle pour que les acteurs locaux investissent du temps et des efforts pour un tel processus (Nutters et da Silva, 2012). La participation des acteurs locaux est particulièrement importante, car il existe un besoin crucial d’informations, à la fois spécifiques aux espèces et aux sites de production. S’engager dans un processus de PSM implique en effet le partage des connaissances écologiques locales, y compris des informations sur les activités informelles et non déclarées, voire illégales. La PSM doit être conçue de manière à être bénéfique pour les communautés locales (Flannery et Cinnéide, 2008).
Conclusion
44De par leur mode de nutrition (filtreur), les bivalves régulent la qualité de l’eau, la production primaire et la dynamique des nutriments. Cela les rend particulièrement utiles pour atténuer l’eutrophisation, les rejets d’eaux usées, les impacts de la pisciculture et favoriser la séquestration du dioxyde de carbone. Leur capacité à former des structures et des récifs modifie aussi l’environnement physique et peut être utilisée pour renforcer la protection des côtes et favoriser le développement d’autres communautés à l’abri des récifs.
45Afin d’augmenter les productions conchylicoles, quel que soit le lieu, il est primordial de trouver un espace où la capacité de charge peut être exploitée de manière durable et que ces productions soient socialement acceptées dans la zone concernée.
46La conchyliculture joue un rôle dans le défi mondial de sécurité alimentaire pour une population humaine croissante. En plus de contribuer aux besoins alimentaires futurs, la conchyliculture remplit plusieurs fonctions écologiques. Un rapport récent du consortium Science Advice for Policy by European Academies (Sapea, 2017) indique qu’il est essentiel de se tourner vers les produits de mer dont le niveau trophique est inférieur à celui moyen de l’alimentation actuelle. Faire passer la production conchylicole de bivalves de 18 Mt actuellement à 100 Mt dans les vingt prochaines années est l’une des options proposées par SAPEA. Le développement des PSM doit aider à dépasser les limites actuelles au développement de la conchyliculture, notamment les exigences de qualité de l’eau, les mortalités épisodiques, les espèces envahissantes et les interactions avec les stocks sauvages.
47Le développement de la conchyliculture marine doit reposer sur des données socio-économiques complètes et à long terme afin d’évaluer objectivement les meilleurs compromis entre les différentes options de développement et éviter ainsi que son expansion ne se fasse au détriment de la pêche et des autres biens et services écosystémiques (agriculture, navigation et tourisme) et ne mette en péril les moyens de subsistance des populations locales. Les avantages tirés des systèmes conchylicoles ne doivent pas s’éloigner des communautés locales pour le seul profit des parties prenantes opérant au niveau du marché mondial.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Entreprise Primar Aquacultura : https://www.primarorganica.com.br
Auteurs
Biologiste marin, Lemar, CNRS, France.
Politologue, université de Wageningen, Pays-Bas.
Écologue marin, université fédérale de Paraiba, Brésil.
Écologue marin, université de Brasilia, Brésil.
Juriste en droit de l’environnement, Lemar, université de Bretagne occidentale (UBO), France.
Écologue marin, Lemar, CNRS, France.
Écologue marin, laboratoire des sciences de l’environnement marin (Lemar), Centre national de la recherche scientifique (CNRS), France.
Écologue marin, Lemar, CNRS, France.
Écologue marin, Lemar, CNRS, France.
Écologue marin, université fédérale Paraiba, Brésil.
Écologue marin, université fédérale Paraiba, Brésil.
Juriste en droit de l’environnement, Lemar, IRD, France.
Biologiste marin, Lemar, CNRS, France.
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Abdoulaye Dia et Robin Duponnois (dir.)
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La Grande Muraille Verte
Capitalisation des recherches et valorisation des savoirs locaux
Abdoulaye Dia et Robin Duponnois (dir.)
2012
Parcours de recherche à Madagascar
L’IRD-Orstom et ses partenaires
Christian Feller et Frédéric Sandron (dir.)
2010
Pratiques et représentations linguistiques en Guyane
Regards croisés
Isabelle Léglise et Bettina Migge (dir.)
2008
Les sociétés rurales face aux changements climatiques et environnementaux en Afrique de l’Ouest
Benjamin Sultan, Richard Lalou, Mouftaou Amadou Sanni et al. (dir.)
2015
Aires marine protégées ouest-africaines
Défis scientifiques et enjeux sociétaux
Marie Bonnin, Raymond Laë et Mohamed Behnassi (dir.)
2015