Introduction

Philippe Lacombe

p. 10-13


Texte intégral

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Les locaux de l'IRD en Polynésie.

© F. Charleux

1« Cinquante ans de recherche pour le développement en Polynésie française », ce projet est né à partir de constats et de besoins simples : l’IRD (Institut de recherche pour le développement) est régulièrement sollicité par des chercheurs et étudiants certes, mais aussi par des enseignants, ou bien encore par de simples curieux : que faites-vous ? À quoi servent les recherches ? Dans quels domaines ? Quels en sont les résultats ? Comment puis-je m’informer ? Les relations entre la science et la société sont encore ténues, ici en Polynésie, comme partout ailleurs.

2Suite à la célébration en 2011 de « l’année des Outre-mer » où la science et la Polynésie française y ont tenu une modeste place, notre ambition reste ici modeste. Il s’agit de pointer à travers un certain nombre de programmes scientifiques l’intérêt et l’impact que ceux-ci ont pu entretenir en termes de développement. Par ailleurs, notre perspective est didactique : rendre lisibles et accessibles ces bilans. Loin des canons de l’évaluation scientifique, confinée dans des revues destinées aux pairs, nous avons souhaité restituer à la société polynésienne une partie de cet accompagnement durant un demi-siècle.

3Les organismes de recherche ainsi que les universités produisent aujourd’hui, bien souvent en partenariat, des programmes scientifiques ambitieux. Il y a cinquante ans, le paysage n’était pas le même, l’université de Polynésie française n’existait pas, les relations entre la science et la société étaient loin de toute perspective d’intérêts réciproques. Après la Seconde Guerre mondiale, la nécessaire modernisation du pays a exigé de l’État français une forte implication ; celle-ci s’est concrétisée par des courants novateurs à partir du Front populaire. La plupart des organismes de recherche naîtront au début des années quarante, dans un souci de modernisation et donc d’applications au bénéfice de la société et des citoyens. C’est le cas de l’Office de la recherche scientifique et technique Outre-mer (Orstom), dont on a oublié qu’il s’est appelé un temps Office de la recherche scientifique coloniale, devenu en 1998 l’Institut de recherche pour le développement.

4En Polynésie française, cette implantation date de 1963 ; l’IRD s’installa ensuite en Guyane en 1964. Lors de cette décennie, l’État programma de nombreux chantiers et programmes avec pour objectif la promotion de la science et de la technologie, au bénéfice de la société et du plus grand nombre. De ces programmes phares sont nés les moyens de transport modernes sur route, dans les airs, en mer.

5Les caractéristiques singulières et aussi les atouts de la Polynésie française font que son développement ne peut ressembler à aucun autre : une superficie maritime de cinq millions de kilomètres carrés, soit l’équivalent de la surface de l’Europe ; des centaines d’îles – dont beaucoup d’entre elles restent isolées – ne couvrant que 3 500 km² ; une population de 260 000 Polynésiens (répartie dans cinq archipels) soit l’équivalent d’une grande ville en Métropole, distante de près de 20 000 km ! Cet ensemble de caractéristiques ne peut être lu comme un simple empilement de contraintes ; c’est aussi un espace singulier au sens des représentations, des imaginaires, des cultures : la société polynésienne est le produit de peuplements exclusifs dans l’histoire de l’humanité ; les ancêtres navigateurs y sont arrivés – quelle que soit la théorie mobilisée – après de très longues navigations. Quelques découvertes, ou conquêtes, plus tard, et les grands mythes fondateurs (pour l’Occident) étaient en place : cocotiers, vahinés, douceur de la vie... Aux débuts de l’Institut, on peut noter le nom du premier directeur, Paul Ottino. Les sciences humaines et sociales, dès les années 1960, se préoccupent des hommes, de la société, de leurs histoires. Comment une société qui méconnaît son histoire pourrait-elle en effet se développer ? Comme dans les autres Outre-mer, la connaissance du passé semble alors précéder la nécessité du développement futur. Suite à ces recherches en sciences humaines et sociales, les richesses terrestres, flore et faune, ont accompagné par leurs inventaires variés les inventaires géographiques et écologiques. Puis, la maîtrise technologique aidant, l’attrait de l’océan et de ses richesses ont permis de nombreux programmes sur le « Marin ». Enfin aujourd’hui, nous avons compris que l’ensemble des écosystèmes, marins ou terrestres, impose d’y considérer l’homme, et l’ensemble de ses activités : licite ou non, de pêche, de chasse ou de loisirs, industrielles ou touristiques... chacune d’entre elles impacte les interactions hommes/milieux.

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La Polynésie française : 118 îles réparties dans 5 archipels, sur une superficie grande comme l’Europe.

© F. Charleux

6Les programmes présentés ici ne peuvent pas être considérés comme complets et exhaustifs : nous avons mis en œuvre des choix, parmi les centaines de recherches déclinées en Polynésie française en cinquante ans. Tous les programmes de recherche n’aboutissent pas ; toute la science ne sert pas le développement. Tous les développements, scientifiques, technologiques, économiques, sociaux, sanitaires, culturels ne sont pas les produits d’un seul programme, isolé, localisable. Nous avons été contraints à des simplifications car les développements sont la plupart du temps des produits de contexte, des emboîtements successifs, des apports complémentaires, des partenariats inter-organismes. Les quelques exemples retenus, qui s'ap­puient avant tout sur les recherches récentes ou actuelles, tentent donc de montrer comment la recherche scientifique a pu en partenariat et collectivement participer au développement de la Polynésie française entre 1963 et 2013.

7Dans le contrat d’objectifs signé entre l’État et l’IRD, la première priorité est de développer une recherche partenariale avec, et non sur, les pays où l’Institut s’implique. La restitution du dialogue science-société est également au cœur de nos préoccupations. Dans un langage plus accessible je l’espère, et dans une langue familière – les résumés sont tous traduits en langue tahitienne – nous restituons ici une petite partie de cinquante années de recherche pour le développement en Polynésie française. Nous nous réjouissons aussi du soutien de l’État et de la Polynésie française, soutien qui permettra la diffusion du présent ouvrage au plus grand nombre.

De nombreux programmes

En cinquante ans, l’IRD a réalisé de très nombreux programmes scientifiques en Polynésie française et davantage encore d’études, enquêtes... dans différents domaines. La sélection proposée ici ne se veut pas exemplaire ni exhaustive : des aspects limitants sont intervenus tels que la continuité des programmes, l’impact sur le développement ou encore l’intérêt pédagogique. Lorsque l’on interroge les Polynésiens sur leur connaissance des travaux menés depuis des années, deux programmes sont fréquemment évoqués : « l’Atlas de la Polynésie française » (Bonvallot, 1993) ainsi que le « Lexique du Tahitien contemporain » (Lemaître, 1973-1995) qui restent aujourd’hui fort utilisés, notamment par les enseignants.
Au fur et à mesure de l’arrivée des autres organismes scientifiques (seul l’Institut Louis Malardé précède l’IRD en Polynésie), et des changements de thématiques de recherche, et des mobilités des chercheurs, les souvenirs de pans entiers de l’activité du centre se sont estompés : les travaux de géographie urbaine et sur le foncier, ceux en entomologie médicale sur la filariose, les nombreuses campagnes embarquées sur l’Alis en biologie marine, ou encore les travaux initiaux sur la perlicuture… La plupart d’entre eux ont grandement contribué aussi au développement de la Polynésie et de ses habitants. Tous ne pouvaient être détaillés ici ; mais que leurs auteurs soient remerciés, tout autant que les contributeurs qui ont fait que cet ouvrage existe.
C’est enfin l’occasion pour moi de saluer et remercier mes dix prédécesseurs de ces cinquante années, qui permettent cette capitalisation.

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L'étude du milieu marin représente une part importante des missions de l'IRD en Polynésie française.

© J. Orempuller


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