1. Méthodes et données
p. 143-149
Texte intégral

Village sur le lac Nokoué, Bénin.
© IRD/P. Desenne
1Les données utilisées par le présent ouvrage sont originales – sauf information contraire mentionnée et référencée. Elles sont issues de deux enquêtes statistiques organisées par l’UEMOA, déployées respectivement en 2012 dans l’ensemble des huit États de la zone UEMOA – pour le cas de l’enquête de pêche continentale – et en 2014-2015 dans le sous-ensemble de ces États disposant d’une façade maritime, au nombre de cinq, pour ce qui concerne le cas de l’enquête de pêche artisanale maritime. Ces enquêtes peuvent être qualifiées d’enquêtes-cadres, car elles visent une couverture complète des populations de pêcheurs et des embarcations dans les deux types d’ensembles considérés (respectivement continental et maritime), même s’il ne s’agit pas exactement de recensements. Une enquête-cadre est une opération lourde, qui, depuis sa préparation jusqu’à son déploiement de terrain, s’étend sur plusieurs mois et mobilise de nombreux experts, techniciens et enquêteurs. Au sein des huit États de l’UEMOA, les 8 + 5 enquêtes-cadres ont été implémentées par les directions nationales en charge de la pêche, en se conformant à des méthodologies définies en groupe de travail à l’échelle régionale. Les données produites par les enquêtes dans les différents États présentent donc un caractère élevé de comparabilité. Le présent chapitre décrit de façon brève les principales caractéristiques méthodologiques des deux formes d’enquêtes-cadres qui ont été déployées.
Définition des indicateurs
2Il s’agit ici d’identifier, de façon collective et harmonisée à l’échelle de la zone UEMOA, le type de statistiques à produire, en fonction de critères de pertinence et de besoins d’information. Ces statistiques (aussi appelées « indicateurs ») visent la description quantitative des deux secteurs de la pêche continentale et de la pêche artisanale maritime dans les cinq États membres, en s’intéressant plus particulièrement aux aspects « exploitation et capacité de pêche », « commodités et services associés aux activités de pêche », « économie et filière pêche », « communautés, conditions de vie et gouvernance ». C’est ainsi que deux listes de 52 et de 74 indicateurs ont été établies respectivement pour la pêche continentale (PC) et pour la pêche artisanale maritime (PAM). Le présent ouvrage décrit les résultats obtenus pour une partie d’entre eux.
Architecture d’enquête
3Chaque indicateur a impliqué le renseignement des valeurs pour une ou plusieurs variables, celles-ci étant elles-mêmes observées à travers les réponses apportées à des questionnaires d’enquête. L’élaboration des modèles de questionnaires suppose que soit choisi un modèle d’enquête, fondé sur la reconnaissance d’unités d’observations pertinentes et sur une façon d’approcher ces unités d’observations sur le terrain en tenant compte des relations qu’elles entretiennent entre elles. Par exemple, les sites d’habitat, les sites de débarquement, les ménages, les pêcheurs, les embarcations peuvent être considérés comme des unités d’observations potentielles, plus ou moins pertinentes et commodes selon les cas rencontrés.
4Malgré le souhait de suivre, dans la mesure du possible, des approches statistiques harmonisées, il est apparu que la pêche continentale et la pêche artisanale maritime devaient nécessairement être abordées à travers deux modèles d’enquêtes spécifiques, donc différents, tout en veillant à ce que le maximum de similitudes et passerelles entre ces deux modèles puisse autoriser la production d’un grand nombre d’indicateurs comparables. Les raisons qui ont conduit à différencier deux modèles d’enquêtes, respectivement, pour la pêche continentale et la pêche artisanale maritime, découlent du fait que les unités d’observations pertinentes et commodes à repérer et à dénombrer ne sont pas les mêmes selon que l’on se trouve dans le domaine continental ou maritime. Les principales différences sont résumées dans le tableau ci-dessous.
5Ainsi, sur les côtes maritimes, souvent densément peuplées, il est facile d’établir une liste exhaustive des embarcations de pêche – souvent alignées ou presque le long du littoral – alors qu’il serait très difficile et coûteux d’établir une liste de même qualité pour les ménages pêcheurs ou les individus pêcheurs, car une telle opération devrait en pratique être intégrée dans un protocole de recensement général de la population côtière.
Pêche continentale | Pêche maritime | |
Site de référence | Le site d’habitation des pêcheurs, de taille généralement modeste, est situé à proximité du site ou des sites de débarquement. | Le site de débarquement est utilisé par les pêcheurs pour débarquer leurs captures et stationner leurs embarcations. Les pêcheurs logent dans des habitations qui peuvent être situées soit à proximité soit à distance du site de débarquement, dans une ou plusieurs localisations, et ils peuvent être mêlés ou non à la population des non-pêcheurs (ces derniers pouvant être dominants s’il s’agit d’un quartier d’une ville). |
Unité de conduite de l’activité de pêche | Le ménage définit son calendrier d’activité et l’engagement de ses quelques membres dans des actions de pêche, avec ou sans embarcation. | L’embarcation de pêche, conduite par un capitaine, est servie par un équipage parfois composé de nombreux membres, lesquels peuvent appartenir à différents ménages et donc loger dans différentes habitations. |
6Le modèle adopté pour la pêche artisanale maritime, basé sur la désignation de l’embarcation de pêche comme unité d’observations principale (plutôt que le ménage), présente aussi l’avantage d’être conforme aux pratiques des enquêtes-cadres maritimes telles que déployées dans un passé récent par les différents pays, souvent avec l’aide de programmes internationaux, notamment de la FAO (Food and Agriculture Organisation). À l'inverse, le modèle utilisé pour la pêche continentale, basé sur le ménage comme unité d'observation principale, est similaire à celui d'un recensement général.
Stratégie d’échantillonnage
7La taille des univers à étudier et à quantifier, que ce soit celui de la pêche continentale ou celui de la pêche artisanale maritime, a imposé le recours à des approches par échantillonnage, puisque la collecte des données sur la totalité des unités d’observations les plus fines (que celles-ci soient constituées par les embarcations ou bien par les ménages) était, dans les huit États membres, hors de portée des budgets prévus.
8Les stratégies pour approcher les différentes unités d’observations et collecter des données sur celles-ci à travers des questionnaires d’enquête sont décrites dans le schéma ci-après, en différenciant les deux modèles PC et PAM.
9Il apparaît que l’enquête-cadre de pêche maritime est plus complexe et sophistiquée sur le plan logique et statistique, notamment parce qu’elle nécessite de passer par l’enquête d’embarcation ou « unité de pêche » (UP) pour atteindre l’enquête ménage, en passant par l’établissement de la liste des membres d’équipage de l’UP et la sélection (sur un mode raisonné) de l’un d’entre eux qui conduira ensuite à son ménage.
10Enfin, il apparaît que la quasi-totalité des stratégies d’échantillonnage déployées relève de tirages probabilistes, ce qui permet de réaliser des estimations aisées et non biaisées à l’aide de coefficients d’extrapolation adéquats (inverse des probabilités d’échantillonnage). Seul le degré le plus fin de l’enquête PAM (sélection d’un membre d’équipage) fait appel à un tirage raisonné. Cela implique, pour réaliser les estimations à partir des variables issues de ce niveau (questionnaire « membre d’équipage et son ménage »), de faire appel à une procédure de redressement de façon à assurer une représentativité non biaisée des catégories de statuts (capitaine, mécanicien, simple pêcheur...) qualifiant les membres de l’unité de pêche.
11Plus généralement, il est clair que l’écart d’approche entre les deux domaines (PC vs PAM) a pour conséquence que certains indicateurs ne peuvent pas être produits de façon identique ou avec la même facilité de part et d’autre.
Déploiement des enquêtes
12Le déploiement des deux enquêtes-cadres a été précédé par une pré-enquête administrative qui a permis d’obtenir des listes de sites d’habitat de pêcheurs pour l’enquête pêche continentale et des listes de sites de débarquement pour la partie pêche maritime. Dans les deux cas, ces listes produites par les administrations compétentes de chacun des États membres se sont basées sur des recensements antérieurs, avec le cas échéant des actualisations. Dans l’ensemble des huit États membres de l’UEMOA, la collecte des données de l’enquête-cadre pêche continentale s’est déroulée entre février (Guinée-Bissau) et juillet (Togo) 2012, sur des durées variant d’un à trois mois selon les pays. Les nombres d’enquêteurs et de superviseurs impliqués dans la réalisation de cette enquête-cadre sur la pêche artisanale continentale s’élèvent respectivement à 675 et 123 personnes pour l’ensemble des huit pays, soit près de 800 personnes. La quantité totale de travail fournie pour la réalisation de l’enquête PC dans les huit pays peut être estimée à environ 795 enquêteurs.mois.

13La formation des enquêteurs, puis la collecte des données de l’enquête-cadre pêche artisanale maritime ont eu lieu entre juillet 2014 (pour la Côte d’Ivoire) et mai 2015 (pour le Togo). Au total, 187 enquêteurs et 53 contrôleurs, superviseurs et guides ont été mobilisés pendant cette période pour mener cette enquête. La collecte des données sur le terrain a duré de dix jours à un mois en fonction des pays. La quantité totale de travail fournie pour la réalisation de l’enquête PAM dans les cinq pays peut être estimée à environ 200 enquêteurs.mois.
14Pour faciliter le travail sur le terrain des deux enquêtes PC et PAM, des campagnes de sensibilisation et d’information ont été menées par les États membres pour prévenir les professionnels et acteurs de la pêche. Différents moyens ont été utilisés pour ce faire en contactant les responsables locaux et présidents d’associations, en diffusant des communiqués dans les radios communautaires ou encore grâce à la pose d’affiches.
15Quelques pays ont cependant rencontré des difficultés pour le passage de l’enquête en raison de contraintes liées à des crises politiques (Mali par exemple) ou sanitaires (Ebola), voire climatiques rendant difficile l’accès aux zones d’enquêtes.
Volume de données collectées par l'enquête-cadre pêche continentale
16Sur l’ensemble des huit États membres de l’UEMOA, 6 522 sites d’habitation de pêcheurs ont été recensés, c’est-à-dire listés à travers la pré-enquête. Le Mali et la Côte d’ivoire dénombrent à eux seuls 58 % des sites d’habitation de pêcheurs recensés, soit respectivement 2 425 et 1 350.
17Sur les 6 522 sites listés, près de la moitié a été visitée et enquêtée. Dans la plupart des États, le nombre des enquêtes de sites d’habitation réalisées a été assez proche de celui visé par la stratégie d’échantillonnage définie.
18Le nombre total de ménages listés dans les sites enquêtés atteint 68 763 avec des nombres particulièrement élevés au Bénin, au Burkina Faso, ainsi qu’au Mali ou encore en Côte d’ivoire. Enfin, 11 584 ménages ont été enquêtés à travers le questionnaire ménage, soit plus de 1 000 dans chaque État, à l’exception de la Guinée-Bissau.
Pays | Nombre de sites d'habitat recensés (pré-enquête) | Nombre de sites d'habitat enquêtés | Nombre de ménages listés dans sites d'habitat enquêtés | Nombre de ménages enquêtés |
Bénin | 689 | 382 | 28 663 | 1 698 |
Burkina Faso | 747 | 616 | 10 034 | 1 394 |
Côte d'ivoire | 1 350 | 465 | 4 727 | 1 636 |
Guinée-Bissau | 60 | 42 | 562 | 153 |
Mali | 2 425 | 610 | 8 398 | 1 517 |
Niger | 500 | 224 | 4 231 | 1 733 |
Sénégal | 528 | 462 | 8 535 | 2 371 |
Togo | 223 | 217 | 3 613 | 1 082 |
Ensemble UEMOA | 6 522 | 3 018 | 68 763 | 11 584 |
Volume de données collectées par l'enquête-cadre pêche artisanale maritime
19Dans les cinq pays côtiers de l’UEMOA, 515 sites ont été recensés lors de la pré-enquête. Quatre-vingt-sept pour cent d’entre eux ont été enquêtés, après l’élimination des petits sites de moins de trois pirogues. Le Sénégal est le pays qui a supprimé le plus de sites (61 sites) entre la pré-enquête et le passage de l’enquête-cadre.
20L’enquête-cadre a permis d’enquêter 21,5 % des unités de pêche listées, soit près de 3 949 unités de pêche. La part de pirogues enquêtées diffère en fonction des États membres en raison des différentes stratégies d’échantillonnage adoptées par les pays. Ainsi, 94 % des unités de pêche listées ont été enquêtées au Togo, 48 % au Bénin, 31 % en Côte d’Ivoire et en Guinée-Bissau et 15 % au Sénégal (où l’option de plafonnement de la taille d’échantillon a eu un fort effet, du fait de l’existence de nombreux grands sites).
Pays | Nombre de sites de débarquement recensés (pré-enquête) | Nombre de sites de débarquement enquêtés (taille > 2 pirogues) | Nombre d'UP listées dans sites de débarquement enquêtés | Nombre d'UP enquêtées | Nombre de membres d'équipages enquêtés | dont membres d'équipages ayant leur ménage sur place |
Bénin | 48 | 47 | 728 | 350 | 347 | 209 |
Côte d'ivoire | 106 | 105 | 1 608 | 509 | 598 | 395 |
Guinée-Bissau | 134 | 132 | 2 407 | 757 | 764 | 650 |
Sénégal | 204 | 143 | 13 242 | 1 985 | 2 004 | 1 522 |
Togo | 23 | 23 | 370 | 348 | 354 | 232 |
Ensemble UEMOA | 515 | 450 | 18 355 | 3 949 | 4 067 | 3 008 |
Bancarisation, traitement et valorisation des données
21La bancarisation des données collectées, c’est-à-dire leur stockage numérique et ensuite leur valorisation, a constitué une partie importante de chacune des deux enquêtes-cadres. Il s’agissait, en effet, de produire et de diffuser : 1) des données, c’est-à-dire les réponses aux questionnaires ; 2) des indicateurs issus d’un calcul sur les données et d’une mise en forme ; 3) des connaissances produites par la mise en contexte des indicateurs par des experts de chacun des pays. Dans cet objectif un outil commun de saisie des données a été développé et installé au sein des services en charge des enquêtes-cadres, dans chacun des huit pays, et des formations ont été dispensées pour permettre à chaque service de maîtriser cet outil. Les bases de données ont ainsi été centralisées, de façon à permettre leur vérification et leur correction, puis à autoriser la mise en œuvre de procédures automatisées et harmonisées pour calculer les indicateurs et les publier, aussi bien à l’échelle nationale qu’à l’échelle régionale. Cela a conduit à la production d’un atlas en ligne (http://atlas.statpeche-uemoa.org/) par enquête qui a été alimenté au fur et à mesure de l’arrivée des données et qui a servi de référence pour l’écriture des treize (8 + 5) rapports nationaux, des deux rapports régionaux, ainsi que du présent livre.
Auteurs
-
Carole Escaravage
Ingénieure de projet, Oceanic Développement, Concarneau, France
-
Jérome Guitton
Informaticien, Institut Agro, Rennes, France
-
Pierre Morand
Chercheur biostatisticien, IRD, Bondy, France
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
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