Chapitre 3. L’activité de pêche artisanale maritime et son environnement
p. 45-79
Texte intégral

Départ en mer, Bénin.
Les milieux et les sites de débarquement
1Le parc piroguier des cinq États membres de l’UEMOA disposant d’une façade maritime est basé dans 450 sites dédiés au débarquement des captures. Le Sénégal et la Guinée-Bissau sont les deux pays qui abritent le plus grand nombre de sites, avec respectivement 143 et 132 sites, suivis par la Côte d’Ivoire qui possède 105 sites. Plus modestes, le Bénin et le Togo détiennent respectivement 47 et 23 sites de débarquement. L’importance des sites en termes de nombre de pirogues qui y sont stationnées est également assez différente selon les États. Ainsi le Bénin, la Côte d’Ivoire et le Togo, situés le long du golfe de Guinée, abritent des sites dont la plupart (> 60 %) sont de petite taille avec moins de dix pirogues par site. Le Sénégal, situé sur la façade ouest- africaine, est quant à lui celui qui dispose du plus grand nombre de sites abritant plus de 50 pirogues et, singulièrement, quinze d’entre eux sont tout à fait remarquables, car ils abritent plus de 200 pirogues. La Guinée-Bissau, qui se situe géographiquement également sur la façade ouest-africaine entre les deux groupes précédents, se caractérise par le fait que plus d’un site de débarquement sur deux est de taille moyenne avec un parc piroguier compris entre 10 et 50 unités.
Carte 1. Nombre de sites de débarquement de pêche artisanale maritime et importance de leur parc piroguier.


Grands sites, Mbour, Sénégal.
© en Haut !

Petits sites, Palmarin-Ngallou, Sénégal.
© en Haut !

Grands sites, Palmarin-Djfer, Sénégal.
© en Haut !

Petits sites, Ilha de Formosa, Guinée-Bissau.
© en Haut !

Epreuve du passage de la barre, Côte d'Ivoire.
2L’accès au site par la mer est en général perçu comme étant sans contrainte majeure, et cela pour huit sites de débarquement sur dix à l’exception du Bénin et de la Côte d’Ivoire où il est signalé que l’accès à la mer peut être « contraint par moments ». Il faut savoir que dans ces deux pays du golfe de Guinée, la zone côtière, essentiellement sableuse, est concernée par le phénomène de la barre qui consiste en un déferlement permanent et brutal de la longue houle atlantique. Ce phénomène peut en outre être amplifié périodiquement quand il se combine au phénomène de marée et à certaines conditions météorologiques. Contre toute attente, le marnage très important qui prévaut en Guinée-Bissau, et y atteint 5,50 mètres, n’y est pas considéré comme un facteur contraignant les activités de pêche. Phénomène régulier et prévisible, la marée semble totalement intégrée aux pratiques de pêche.
3L’accès aux sites par voie terrestre, quant à lui, est permanent pour l’ensemble des sites du Bénin et du Togo. En revanche, près de quatre sites sur dix en Guinée- Bissau sont situés sur des îles et ne sont jamais accessibles par la terre. C’est aussi, mais de façon moindre, le cas de certains sites au Sénégal (régions de Fatick et Ziguinchor) et en Côte d’Ivoire (région du Sud-Comoé). L’accès terrestre non permanent aux sites de débarquement est signalé au Sénégal dans la région de Kaolack pour des raisons de crue/décrue des bras de mer. De la même façon, en Côte d’Ivoire et en Guinée-Bissau, il est fréquemment indiqué le caractère impraticable des pistes d’accès en périodes de pluie.
Les pirogues et la motorisation
4Le parc piroguier total des cinq États membres de l’UEMOA disposant d’un littoral est estimé à 18 355 pirogues. Il s’agit ici du nombre de pirogues listées sur la base des enquêtes auprès des responsables de sites de débarquement avec un taux de couverture de 100 % de ces sites. La répartition du parc est très inégale puisque 72 % de celui-ci est recensé au Sénégal (13 242 pirogues) suivi par la Guinée-Bissau avec 13 % (2 407 pirogues), la Côte d’Ivoire avec 9 % (1 608 pirogues), le Bénin 4 % (728 pirogues) et enfin le Togo 2 % (370 pirogues). Ces embarcations peuvent être considérées comme majoritairement en capacité d’exercer des actions de pêche, car le taux de pirogues inactives, c’est-à-dire de pirogues n’ayant pas eu d’activité dans les six derniers mois, est d’une sur cent pirogues seulement au sein des réponses données par les responsables de sites de débarquement.
5Le Sénégal constitue donc, et de très loin, le poids lourd de la pêche artisanale maritime de la région couverte par l’étude en termes d’importance du parc piroguier. Comme nous aurons l’occasion de le constater tout au long de cette étude, le Sénégal se démarque pour de nombreuses dimensions relatives à cette activité et rayonne au sein de la région. Le Sénégal représente aujourd’hui et sur le plan historique ce que certains auteurs (Chauveau, 1986) ont nommé un « foyer » de la pêche artisanale maritime en Afrique de l’Ouest.
Carte 2. Importance des parcs piroguiers par pays côtiers de l’UEMOA, types d’embarcations, taux de motorisation et puissance des moteurs installés (en CV).

6Au sein de ce parc piroguier, on distingue quatre grands types d’embarcations dédiées à la pêche.
Les pirogues monoxyles (MO)
7Ce sont des pirogues d’une seule pièce taillées par évidement progressif de troncs d’arbre. Elles sont de dimensions modestes, entre cinq et sept mètres, et leur construction relativement simple est bien maîtrisée par les communautés des vieux villages littoraux. Deux à trois marins montent sur ces embarcations qui sont le plus souvent propulsées à l’aide de pagaies et/ou de voile gréée à la livarde. On rencontre ce type d’embarcations monoxyles surtout en Guinée-Bissau, où elles sont dominantes, et dans une moindre proportion en Côte d’Ivoire et au Sénégal.
Tableau 1. Caractéristiques des différents types de pirogues de pêche artisanale rencontrés selon les pays côtiers de la zone UEMOA.
Pays | Type de pirogue | Longueur moyenne (m) | Nombre moyen de membres d'équipage | Taux de motorisation | Effectif |
Guinée-Bissau | FIB | 7,7 | 2,0 | 10 | |
Sénégal | FIB | 11,7 | 4,8 | 95 | 42 |
Côte d'Ivoire | MEM | 4,0 | 2,0 | 5 | |
Guinée-Bissau | MEM | 12,9 | 3,5 | 68 | 69 |
Sénégal | MEM | 14,5 | 7,2 | 81 | 913 |
Côte d'Ivoire | MO | 6,0 | 2,2 | 4 | 302 |
Guinée-Bissau | MO | 6,9 | 2,5 | 6 | 1803 |
Sénégal | MO | 5,5 | 2,1 | 25 | 965 |
Bénin | MOA | 11,9 | 6,7 | 78 | 509 |
Côte d'Ivoire | MOA | 12,7 | 8,0 | 82 | 1008 |
Guinée-Bissau | MOA | 10,8 | 4,6 | 81 | 282 |
Sénégal | MOA | 10,4 | 3,3 | 61 | 105 |
Togo | MOA | 15,0 | 7,0 | 99 | 361 |
Bénin | PLA | 9,0 | 3,2 | 86 | 219 |
Côte d'Ivoire | PLA | 11,4 | 4,5 | 69 | 283 |
Guinée-Bissau | PLA | 12,9 | 5,2 | 100 | 232 |
Sénégal | PLA | 11,7 | 6,0 | 92 | 11078 |
Togo | PLA | 9,6 | 7,7 | 28 | 9 |
FIB : pirogue en fibre de verre ;
MEM : pirogue à membrures ;
MO : pirogue monoxyle ;
MOA : pirogue monoxyle améliorée ;
PLA : pirogue en planches.
Pour 160 pirogues recensées, le type n'a pas été documenté.
Les pirogues monoxyles améliorées et les pirogues en planches (MOA ou PLA)
8Ces pirogues sont de plus grande taille, elles mesurent en moyenne entre neuf et quinze mètres et peuvent atteindre la taille impressionnante de 25 mètres. Elles sont construites sur la base d’une très grande pirogue monoxyle dont les flancs sont rehaussés à l’aide de planches cloutées, le bordage, qui sont maintenues de part et d’autre de la pirogue par des planches transversales formant des sortes de bancs. Leur construction nécessite à la fois la disponibilité de grands arbres (caïlcédrats) pour assurer la base de la pirogue et aussi le savoir-faire de charpentiers maîtrisant ce type de construction. L’importance relative de la base monoxyle est variable selon la disponibilité de grands arbres dans la région. En effet, si ceux-ci font défaut, comme c’est le cas dans les régions sahéliennes, les charpentiers réduisent alors la base monoxyle à une grande et robuste pièce de bois servant de quille comme c’est le cas au Sénégal. L’essentiel de la pirogue est alors constitué de planches (PLA). En revanche, si de grands arbres sont disponibles, par exemple dans la région soudanienne, la base sera une véritable pirogue monoxyle de très grande taille rehaussée de quelques planches ; ce type de pirogue est alors souvent dénommé pirogue monoxyle améliorée (MOA) ou pirogue ghanéenne par les pêcheurs. Les grands arbres devenant rares et leur coût étant de plus en plus élevé, des essais ont eu lieu au Bénin et au Togo pour remplacer la quille monoxyle par des planches plus ou moins renforcées de plaques métalliques. Aux dires des pêcheurs interrogés, ces essais ne sont pas satisfaisants et ne permettent pas d’atteindre la robustesse requise notamment pour supporter le passage de la barre qui est très éprouvant pour les embarcations. On notera le remplacement progressif du sud au nord des pirogues monoxyles améliorées (MOA) par des pirogues en planches (PLA) qui peut s’expliquer par la moins grande disponibilité de troncs d’arbre de grande taille dans les régions du Nord, plus sèches.

Pirogue monoxyle (MO) propulsée à la pagaie et à la voile (gréement à la livarde). De taille modeste cette embarcation peut embarquer deux à trois marins.
© IRD/P. Morand

Les pirogues à membrures (MEM)
9Les pirogues à membrures, plus anecdotiques dans les pays étudiés ici, sont des pirogues disposant d’une véritable armature composée d’une quille, de membrures et d’un bordé en planches. Leur construction est complexe et nécessite l’intervention d’un charpentier de marine disposant de ce savoir-faire qui est, dans la région, d’origine créole et sierra-léonaise (BOUJU et CHAVANCE, 1999). Ce sont des pirogues d’assez grande taille, treize mètres en moyenne, rencontrées en Guinée-Bissau et au Sénégal. On rencontre ce type d’embarcation de façon dominante hors de la zone d’étude en Guinée Conakry et en Sierra Léone.
Les pirogues en fibre de verre (FIB)
10Peu nombreuses, ce sont des pirogues moulées en résine plastique selon une technologie d’importation récente. Elles appartiennent à deux catégories : les petites (6-8 mètres) non motorisées embarquant une à deux personnes qui sont présentes en Guinée-Bissau et les grandes pirogues (8-19 mètres) qui sont présentes uniquement au Sénégal et qui embarquent trois à sept pêcheurs.

Pirogue monoxyle améliorée (MOA) à Cotonou, Bénin.

Pirogue en planches (PLA) à Cap Skirring, Sénégal.

Pirogue en planches travaillant au filet maillant, Ziguinchor, Sénégal.

Taille d'un tronc d'arbre par des aides charpentiers pour constituer la quille d'une grande pirogue en planches à Saint-Louis du Sénégal.

Pirogue en planches stationnée sur la plage, Saint-Louis, Sénégal.

Pirogue monoxyle en milieu lagunaire, Lahou, Côte d'Ivoire.

Essai de pirogue en planches sans base monoxyle (PLA) afin de pallier le manque de disponibilité de troncs d'arbre suffisamment grands pour assurer la construction de la quille, Bénin.
11La motorisation des embarcations artisanales a débuté dans les années 1950 suite notamment à des projets de développement comme au Sénégal. Cet équipement a profondément modifié le secteur de la pêche artisanale avec en particulier un allongement des temps de pêche et des rayons d’action, la découverte de nouvelles zones d’exploitation et la mise en œuvre de nouveaux engins de pêche comme les sennes tournantes, la capacité de migration d’une région à l’autre et la possibilité de débarquer les produits aux lieux de débarquement les plus favorables (FONTANA et SAMBA, 2013). La motorisation a largement contribué au développement des parcs piroguiers de la région. Le taux de motorisation au niveau de l’UEMOA pour tous les types de pirogues confondus est en 2014 de 78,4 % avec cependant des disparités entre pays assez fortes. Le pays le moins motorisé est la Guinée- Bissau avec un taux de pirogues disposant de moteur de 22,5 % et le plus motorisé est le Sénégal avec un taux de motorisation de 90,5 % suivi de près par le Bénin avec 89,1 %. On notera aussi des disparités régionales internes aux pays illustrées par l’écart entre le taux de la région la moins motorisée et celui de la région la plus motorisée. Ces disparités sont très sensibles en Guinée- Bissau entre la région de Tombali où la motorisation est pratiquement absente et celle de Bissau où toutes les unités sont équipées de moteurs (cf. fiche pays). C’est aussi le cas au Sénégal, de façon plus modérée cependant, entre la région de Kaolack (37 %) et celle de Saint-Louis (100 %).
12Quand les pirogues sont motorisées, elles utilisent toujours des moteurs hors-bord et non in-bord. Trois dispositions dans la moitié arrière de la pirogue sont rencontrées : 1) sur un tableau arrière ; 2) sur un tableau latéral ou bien ; 3) dans un puits. La puissance des moteurs utilisés est assez homogène avec 60 % des moteurs se situant entre 10 et 20 CV. On trouve ensuite de façon significative les moteurs de 40-50 CV. Ces deux types de moteurs, de moyenne ou forte puissance, constituent donc l’équipement de près de neuf pirogues sur dix. Les plus grandes pirogues sont bien entendu celles requérant les plus fortes motorisations. On notera que les pirogues exerçant dans les pays du golfe de Guinée utilisent davantage les moteurs standards de 25 et 40 CV (classes 20-30 et 40-50) et que celles de la côte ouest-africaine préfèrent ceux de 15 CV (classe 10-20).
13Dans tous les pays enquêtés, les pirogues ont été le plus souvent construites après 1996 et ont donc moins de vingt années d’existence. Cette période de deux décennies s’approche vraisemblablement de la durée de vie maximum d’une pirogue en bois de pêche artisanale dans la région. Le Sénégal et la Guinée-Bissau se distinguent par l’importance relative des pirogues ayant moins de cinq années d’existence alors que le Bénin dispose, quant à lui, d’un parc piroguier qui semble se renouveler plus difficilement depuis les cinq à dix dernières années.
Tableau 2. Taux de motorisation moyen des pirogues au sein de l'UEMOA et pour chacun des pays avec indication du minimum et du maximum par région.
Pays | Nombre de pirogues | Nombre de pirogues motorisées | Taux de motorisation | min. | max. |
Bénin | 717 | 639 | 89,1 | 62,3 | 98,9 |
Côte d'Ivoire | 1 568 | 994 | 63,4 | 51,7 | 71,3 |
Guinée-Bissau | 2 327 | 523 | 22,5 | 1,2 | 100,0 |
Sénégal | 12 486 | 11 296 | 90,5 | 37,6 | 100,0 |
Togo | 370 | 239 | 64,6 | 43,5 | 76,2 |
UEMOA | 17 468 | 13 691 | 78,4 | 1,2 | 100,0 |
La motorisation de 887 pirogues est inconnue (absence de réponse à la question lors de l'enquête).
Figure 1. Année de construction des pirogues selon les cinq États membres de l'UEMOA disposant d'un littoral maritime (en rappelant que l'enquête s'est déroulée en fin d'année 2014).

Les pratiques de pêche
Les engins de pêche
14Les engins de pêche mis en œuvre pour piéger les poissons, les crustacés ou les mollusques sont diversifiés. Ils sont le produit de l’ancienneté de cette activité et aussi de la formidable imagination des pêcheurs. On peut cependant pour les décrire les classer en un nombre limité de grands types, on utilise pour cela la nomenclature élaborée par la FAO (Nedelec et Prado, 1990).
15L’enquête auprès des unités de pêche indique qu’une pirogue de pêche artisanale sur deux utilise un filet maillant comme engin principal au niveau de l’ensemble des cinq pays maritimes de l’UEMOA. Cette proportion varie toutefois selon les pays, elle apparaît sensiblement plus forte au Bénin, en Côte d’Ivoire et en Guinée-Bissau. Si l’on prend en considération les sous-types1 de filets maillants déclarés, les filets maillants calés de fond (FMCF) sont les plus courants au Togo et au Bénin et les filets maillants dérivants (FMD) en Guinée- Bissau. En Côte d’Ivoire et au Sénégal, ces deux types se rencontrent selon des fréquences assez proches. Les filets maillants encerclants (FME) semblent plus rares et n’ont été déclarés qu’en Côte d’Ivoire et au Sénégal.
Tableau 3. Nombre de pirogues déclarant un type d'engin de pêche comme engin principal selon l'enquête unité de pêche extrapolée à l'ensemble du parc.
Type d'engin | Bénin | Côte d'Ivoire | Guinée-Bissau | Sénégal | Togo | UEMOA |
Filet maillant calé de fond | 446 | 390 | 27 | 1996 | 114 | 2 973 |
Filet maillant calé de surface | 2 | 84 | 44 | 113 | 18 | 261 |
Filet maillant encerclant | 2 | 109 | 505 | 616 | ||
Filet maillant dérivant | 69 | 399 | 1 593 | 2 679 | 4 740 | |
Ligne | 17 | 72 | 10 | 2 079 | 50 | 2 228 |
Palangre | 139 | 380 | 2 268 | 2 787 | ||
Senne tournante | 106 | 195 | 940 | 110 | 1 351 | |
Senne de plage | 59 | 96 | 7 | 101 | 63 | 326 |
Casier/Nasse/Pot/Barrage | 3 | 38 | 260 | 301 | ||
Epervier | 3 | 17 | 150 | 170 | ||
Filet soulevé | 11 | 11 | ||||
Autres | 7 | 2 | 22 | 1216 | 1 247 | |
Total | 708 | 1 492 | 2 138 | 12318 | 355 | 17011 |
Pour 21 2 embarcations, l'engin est inconnu (absence de réponse à la question lors de l'enquête).
16Le deuxième grand type d’engin le plus utilisé est le groupe des lignes et des palangres qui sont utilisées comme engin principal sur près de 30 % des pirogues. Proportionnellement, cette catégorie d’engin est surtout importante au Sénégal. La répartition détaillée entre les lignes et les palangres selon les pays montre que ce sont les lignes qui sont uniquement utilisées au Bénin et au Togo et les palangres en Guinée-Bissau. La Côte d’Ivoire et le Sénégal utilisent les deux types d’engins de façon équilibrée avec une légère prévalence des palangres en Côte d’Ivoire. Ces deux engins sont en fait fréquemment associés au sein d’une même sortie de pêche comme nous le verrons plus loin.
17Les sennes tournantes représentent 8 % des engins principaux au niveau régional avec une importance relative forte dans les pays du golfe de Guinée. Le Sénégal, compte tenu de l’importance de son parc, reste malgré tout le pays qui dispose du plus grand nombre de pirogues utilisant cet engin (940).
18Les sennes de plage (2,3 % au niveau régional) ne sont fréquentes proportionnellement que dans les pays disposant de longues plages permettant la mise en œuvre de cet engin comme le Bénin, le Togo et la Côte d’Ivoire. Là encore, la remarque concernant le Sénégal et l’importance de son parc doit être faite, car bien que cet engin y soit faiblement représenté proportionnellement, il reste au Sénégal aussi nombreux en absolu que dans tous les autres pays réunis.
19Dans la grande majorité des cas (sept cas sur dix au niveau régional), les unités de pêche n’utilisent qu’un seul type d’engin. Cette spécialisation technique peut s’expliquer par le coût significatif des équipements de pêche comme nous le verrons plus loin et aussi par la spécificité de leur mode de mise en œuvre qui requiert, pour être productif, à la fois savoir-faire et expérience. Certaines unités pratiquent cependant deux types de pêche et en particulier en Côte d’Ivoire et au Bénin. Tous pays confondus, on rencontre dans 20 % des cas d’engins de pêche multiples l’utilisation d’un engin fixe, comme la palangre ou le filet maillant calé, avec des lignes à main qui sont alors utilisées lors d’une même sortie de pêche, les lignes étant mises en œuvre entre la pause et la relève de l’engin fixe. Dans 11 % des cas d’engins multiples, il s’agit d’utilisation d’un filet maillant calé associé avec un filet maillant dérivant, mais, dans ce cas, les engins sont déployés à deux saisons de pêche distinctes avec l’intention de capturer des espèces différentes selon leur plus ou moins grande abondance ou facilité de capture.
Carte 3. Grands types d'engins de pêche déclarés comme engin de pêche principal par les unités de pêche enquêtées et détails par sous-types pour les filets maillants et pour les lignes et les palangres.

Figure 2. Fréquence d’utilisation d’un ou plusieurs engins de pêche selon les pays et au niveau régional.

Les équipages
20Le nombre de personnes embarquant sur les unités de pêche avoisine les 100 000 individus dans les cinq pays maritimes de l’UEMOA. Les pays ont des poids très divers puisque trois pêcheurs sur quatre exercent au sein de la pêche artisanale sénégalaise (74 %) suivie par la Côte d’Ivoire (12 %), la Guinée-Bissau (7 %), le Bénin (5 %) et enfin le Togo (3 %). Dans la très grande majorité des cas, les unités de pêche ne sont utilisées que par un unique équipage, car une pirogue sur dix seulement semble disposer de plusieurs équipes. Le nombre moyen de pêcheurs par pirogue est proche de cinq si l’on tient compte du nombre de pirogues et du nombre de pêcheurs. Ce nombre varie sensiblement d’un peu moins de trois pêcheurs par pirogue en Guinée-Bissau qui est donc le pays disposant d’un équipage moyen le plus réduit contre plus de sept pêcheurs par pirogue au Togo qui dispose d’un équipage moyen le plus nombreux suivi de près par la Côte d’Ivoire qui, elle aussi, dispose d’un équipage moyen proche de sept. Le Sénégal, quant à lui, dispose d’un nombre de pêcheurs moyen légèrement au-dessus de la moyenne régionale.
Les périodes de pêche
21On distingue deux types de cycle saisonnier dans les activités de pêche considérées dans leur ensemble, c’est-à-dire indépendamment des engins de pêche utilisés. Il s’agit, d’une part, du cycle des pays de la côte ouest-africaine comme le Sénégal et la Guinée-Bissau pour lesquels l’activité est soutenue toute l’année avec toujours plus d’une pirogue active sur deux, mais qui indique une sensible baisse d’activité pendant les mois de juillet à octobre. D’autre part, il y a le cycle des pays du golfe de Guinée comme la Côte d’Ivoire, le Togo et le Bénin qui ont une chute d’activité plus importante pouvant réduire à 20 % le parc en activité de février à juin (cas de la Côte d’Ivoire) mais qui présentent au contraire une période de pleine activité de juillet à octobre. Ces deux groupes de pays sont donc pratiquement en opposition de phase quant à leurs saisons de pêche principales. Cela s’explique par les conditions climatiques qui prévalent dans ces deux groupes de pays. Le Sénégal et la Guinée-Bissau appartiennent à la zone sahélienne où alternent une période sèche sans pluie de novembre à mai et une période pluvieuse de juin à octobre. Durant cette saison des pluies, les conditions de navigation et de pêche peuvent ne pas être favorables et, par ailleurs, les travaux aux champs retiennent l’attention de ceux qui sont pêcheurs-agriculteurs. En revanche, pour les pays du golfe de Guinée, la période de juin à octobre est la plus propice aux activités de pêche, car celle-ci correspond sur le plan océanographique à la « grande saison froide » durant laquelle l’upwelling ivoiro-ghanéen est actif et favorise la production de petits pélagiques côtiers en particulier (Durand et al., 1994).
Tableau 4. Nombre total de pêcheurs et nombre moyen de pêcheurs par pirogue dans les différents pays maritimes de l’UEMOA.
Type d’engin | Bénin | Côte d’Ivoire | Guinée-Bissau | Sénégal | Togo | UEMOA |
Nombre de pêcheurs (méthode 1) | 4 305 | 11 002 | 6 475 | 68 175 | 2 640 | 92 597 |
Taux en % | 4,6 | 11,9 | 7,0 | 73,6 | 2,9 | 100,0 |
Nombre de pêcheurs (méthode 2) | 4 198 | 10 290 | 7 328 | 77 013 | 2 364 | 101 193 |
Ratio méthode 2/méthode 1 | 1,0 | 0,9 | 1,1 | 1,1 | 0,9 | 1,1 |
Nombre de pirogues | 728 | 1 608 | 2 407 | 13 242 | 370 | 18 355 |
Nombre moyen de pêcheurs par pirogue (méthode 1) | 5,9 | 6,8 | 2,7 | 5,1 | 7,1 | 5,0 |
Ce nombre a été estimé selon deux méthodes. La méthode 1 se base sur la liste des unités de pêche établie auprès des chefs de port dans les sites enquêtés soit 100 % des sites dans cette enquête.
La méthode 2 se base quant à elle sur les listes de pêcheurs (liste membres d’équipage) établies avec les responsables des unités de pêche enquêtés dont le taux d’échantillonnage est variable selon les pays. Comme l’indique le tableau, ces deux estimations diffèrent de moins de 10 % et ne semblent pas indiquer d’erreur systématique ni dans un sens ni dans l’autre.
Figure 3. Pourcentage d’unités de pêche déclarant que les mois considérés sont des mois d’utilisation de leur engin principal, selon l’enquête unité de pêche.

Les durées de pêche
22À l’analyse, la distinction doit être faite entre les unités de pêche pratiquant, d’une part, une pêche dite « de jour », c’est-à-dire effectuant des sorties courtes généralement à la journée incluant éventuellement une nuit (soit d’une durée inférieure à trente-six heures) et, d’autre part, les unités pratiquant des sorties d’une durée d’au moins deux jours et parfois beaucoup plus (jusqu’à dix jours voire davantage) que l’on qualifie de « pêche de marée ». Ces deux pratiques nécessitent des modes d’organisation radicalement différents tant en ce qui concerne les équipements, les équipages et les ravitaillements. La pêche de jour peut être considérée comme la pratique de base à partir de laquelle s’est réalisée, au cours du temps et impulsée par le phénomène de motorisation, une spécialisation dans les pratiques requises par la recherche et la fréquentation de nouveaux lieux de pêche et la nécessité de durées d’activité plus longues. Plus d’une pirogue sur deux, quel que soit le pays, pratique des sorties « de jour ». Les sorties de type « marée » sont cependant présentes dans tous les pays avec un pourcentage élevé au Togo et au Sénégal où ce taux atteint 50 %. Il est moindre, se situant entre 20 et 30 %, dans les autres pays (Guinée- Bissau, Bénin, Côte d’Ivoire).
Les zones exploitées
23Si l’on considère l’ensemble des pays de l’UEMOA, près de deux unités de pêche sur trois exploitent la zone maritime se situant au-delà des dix mètres de profondeur (large). Une sur quatre explore plutôt la zone côtière, c’est-à-dire les fonds inférieurs à dix mètres, et une sur dix travaille en zone estuarienne. La pêche artisanale maritime est donc une activité qui n’est pas confinée à la zone côtière et peut s’éloigner significativement vers les fonds supérieurs à dix mètres de profondeur. Cette répartition est assez homogène au sein des différents pays à l’exception de la Guinée-Bissau où, du fait de la configuration géomorphologique du pays qui dispose d’un large plateau continental aux forts coefficients de marée (plus de six mètres) et où débouchent plusieurs fleuves importants, la pêche artisanale semble nettement plus côtière et moins encline à exploiter les fonds supérieurs à dix mètres, trop éloignés et hasardeux pour elle.
Figure 4. Proportion de responsables d’unités de pêche déclarant faire de la pêche de jour ou de marée.

Figure 5. Types de milieux exploités par la pêche artisanale maritime en pourcentage de pirogues pour chacun des pays étudiés du nord au sud.

Les principaux types de pêche et les espèces ciblées
24En réalité, les outils de production (embarcation, type de propulsion et engins de capture) et les pratiques de pêche (milieu, durée des sorties, saison…) qui ont été présentés ci-dessus se combinent au sein d’un nombre limité de types de pêche, que l’on peut aussi dénommer métiers, adoptés par un nombre d’unités de pêche plus ou moins important selon les cinq pays étudiés et que nous présentons ci-après de façon détaillée.
25On distinguera en premier lieu le métier de la senne de plage qui est une pêche collective mobilisant jusqu’à une trentaine de personnes qui ne sont pas embarquées précisément sur la pirogue, mais qui participent toutes au halage à terre du filet une fois celui-ci déployé parallèlement au rivage. Ces engins de pêche, de grande dimension (500 mètres pouvant atteindre 2 000 mètres) et de petite maille (28 millimètres), sont mis en œuvre en utilisant des pirogues de taille moyenne (10-12 mètres) qui sont soit largement motorisées comme au Bénin et au Sénégal ou bien assez peu comme en Côte d’Ivoire et au Togo.
26Les moteurs, quand ils sont présents, sont plutôt de forte puissance (40 CV) dans les pays du golfe alors qu’ils sont de puissance plus faible (15 CV) sur la côte ouest-africaine probablement en raison de l’absence de phénomène de barre. Ce sont des pratiques de pêche mises en œuvre pour une journée sauf au Togo où semblent exister des déplacements de pêche pour plusieurs jours de ces unités. Ce procédé est présent toute l’année au Sénégal et au Togo, mais semble marquer une pause sensible d’avril à juillet au Bénin et en Côte d’Ivoire, période qui correspond à la grande saison des pluies lorsque la barre est importante et malmène à la fois les engins et les embarcations (Écoutin et al., 1993). Les sennes de plage sont installées du rivage dans des zones maritimes qui n’atteignent pas les fonds supérieurs à dix mètres de profondeur. La capture de quelques centaines de kilogrammes au maximum (cf. annexe) est essentiellement constituée d’espèces de petits pélagiques côtiers et d’espèces pélagiques en général, ainsi que quelques espèces de poissons démersaux de fonds meubles. Ce sont pour ces derniers groupes principalement des juvéniles qui vivent très près du rivage.
27On dénombre 348 unités pratiquant ce type de pêche dans la zone étudiée, la majorité se situant au Sénégal et en Côte d’Ivoire. Dans ce dernier pays, elles sont utilisées par des Ghanéens et particulièrement dans des campements concentrés entre Grand-Lahou et Abidjan là où les rivages sableux s’y prêtent.
Tableau 5. Caractéristiques techniques des unités de pêche pratiquant la senne de plage dans les cinq pays de la région étudiée. Les deux unités enquêtées en Guinée-Bissau n’ont pas fourni de données jugées représentatives.
Bénin | Côte d’Ivoire | Guinée-Bissau | Sénégal | Togo | UEMOA | |
Type d’embarcation | MOA | MOA | PLA/MEM/MOA | MOA | ||
Taille d’embarcation (m) | 12,5 | 10,2 | 11,4 | 11,1 | 11,1 | |
Nombre moyen de membres d’équipage | 12,4 | 15,0 | 28,5 | 14,7 | 19,9 | |
Taux de motorisation ( %) | 96,6 | 37,0 | 93,6 | 32,1 | 69,1 | |
Puissance des moteurs majoritaires (CV) | 40 | 40 | 15 | 40 | 40 | |
Taux de sortie jour ( % ≤ 2 j) | 97 | 84 | 100 | 64 | 87,5 | |
Période de bonne pêche | 08->01 | 08->02 | 01->12 | 01->12 | ||
Effectif de pirogues listées | 58 | 92 | 140 | 56 | 348 | |
Taux par pays ( %) | 16,7 | 26,4 | 40,2 | 16,1 | 100 |


Sennes de plage, Togo.

28Le métier de la senne tournante consiste à encercler rapidement après repérage visuel une concentration, un banc, d’espèces de petits pélagiques côtiers comme les sardinelles et les ethmaloses. Cette technique nécessite à la fois des engins de grande taille (600 mètres de médiane et 1 600 mètres maximum), des pirogues de grande dimension (médiane 18 mètres et maximum 26 mètres) fortement motorisées pour être en mesure de se rendre rapidement sur les lieux de pêche et d’encercler les concentrations. Elles mobilisent des équipages nombreux de plus de dix personnes (médiane 21 personnes) avec un maximum de 30 personnes. Au Sénégal, cette pratique est très développée et met en jeu fréquemment deux pirogues, l’une servant à transporter le filet et l’autre recevant la capture qui peut être imposante et atteindre 20 tonnes (cf. annexe). Même si certaines sorties ont parfois lieu la nuit quand le phénomène de luminescence du plancton permet de localiser les bancs de poissons dans l’obscurité, la plupart des sorties ont lieu la journée et ne durent pas plusieurs jours. La bonne saison de pêche des sennes tournantes au Sénégal s’étale sur la plus grande partie de l’année à l’exception de la pleine saison des pluies, soit en août et septembre. Dans le golfe de Guinée, la bonne saison de pêche des sennes tournantes débute surtout à cette même période, car c’est la saison de l’upwelling qui est favorable aux espèces cibles de cette pratique. Elle se prolonge jusqu’en début d’année pour le Bénin et la Côte d’Ivoire. Ce type de pêche fréquente toujours des fonds supérieurs à dix mètres. Très sélective en matière d’espèces capturées, cette pêche capture exclusivement des espèces pélagiques et en particulier des petits pélagiques côtiers comme les sardinelles (Sardinella aurita et maderensis) et l’ethmalose (Ethmalosa fimbriata).
Tableau 6. Caractéristiques techniques des unités de pêche pratiquant la senne tournante dans les cinq pays de la région étudiée. L'unité enquêtée en Guinée-Bissau n'a pas fourni de données jugées représentatives.
Bénin | Côte d'Ivoire | Guinée-Bissau | Sénégal | Togo | UEMOA | |
Type d'embarcation | MOA | MOA/PLA | PLA/MEM | MOA | ||
Taille d'embarcation (m) | 16,4 | 13,9 | 21,5 | 16,0 | 17,9 | |
Nombre moyen de membres d'équipage | 13,3 | 7,9 | 23,6 | 11,3 | 19,6 | |
Taux de motorisation ( %) | 98,8 | 77,1 | 89,6 | 100 | 89,3 | |
Puissance des moteurs majoritaires (CV) | >40 | 40 | >40 | 40 | >40 | |
Taux de sortie jour ( % < 2 j) | 100 | 100 | 96 | 64 | 87,5 | |
Période de bonne pêche | 08->01 | 07->02 | 10->07 | 06->l 1 | ||
Effectif de pirogues listées | 82 | 183 | 758 | 115 | 1 139 | |
Taux par pays ( %) | 7,2 | 16,1 | 66,5 | 10,1 | 100 |

Sennes tournantes, Sénégal (ci-dessus) et Togo (ci-dessous).

29Le métier du filet maillant est une pratique de pêche qui consiste à immerger des nappes de filets dans des eaux riches en espèces cibles, puis à attendre que les poissons/mollusques/crustacés soient pris dans les mailles, et enfin à relever les nappes pour démailler les prises à bord de la pirogue. Il existe en Afrique de l’Ouest une grande diversité de sous-types de filets maillants qui se distinguent par le mode de mise en œuvre (fixe ou dérivant ou encerclant, en surface ou sur le fond) et aussi par la taille (petite, moyenne ou grande) des mailles des nappes utilisées pour constituer le filet. Chacun de ces sous-types visant des espèces ou groupes d’espèces différents. La pêche aux filets maillants peut être assez simple à pratiquer et est donc utilisée par un grand nombre d’unités de pêche. Celles-ci sont très variées en termes de taille des pirogues, de nombre de membres d’équipage, ainsi que de taux de motorisation. On trouve en effet au sein de cette catégorie à la fois des unités monoxyles traditionnelles de petites tailles mues à la voile et à la pagaie par une ou deux personnes et sortant exclusivement à la journée et aussi des unités bien plus imposantes utilisant des pirogues de grandes dimensions équipées de caisses à glace manœuvrées par des équipages nombreux et effectuant des marées de plusieurs jours. On notera comme faits marquants dans ce groupe, l’importance relative au Sénégal des grandes unités motorisées avec un taux de sorties par marée proche d’une sur deux et la Guinée-Bissau qui dispose quant à elle, au contraire, plutôt de petites unités monoxyles peu motorisées avec un faible nombre moyen d’équipages sortant surtout à la journée. Les périodes de bonne pêche des unités aux filets maillants sont pratiquement en opposition de phase entre les pays de la côte ouest-africaine (Sénégal et Guinée-Bissau) qui pêchent surtout d’octobre à juillet pendant la saison sèche et les trois pays du golfe de Guinée qui eux pêchent surtout de juillet à février. Ce type de pêche est pratiqué le plus fréquemment sur les fonds supérieurs à dix mètres, mais également à la côte et dans les estuaires notamment en Guinée-Bissau et au Sénégal. Le filet maillant peut déjà par nature capturer des espèces variées, mais du fait que ce groupe rassemble des sous-types mis en œuvre de façons très différentes, sur le fond ou en surface par exemple, l’enquête révèle qu’une grande variété d’espèces pélagiques ou démersales est capturée par ce type de pêche. Les rendements par sortie sont aussi très variables selon ces sous-types allant de quelques dizaines à plusieurs centaines de kilogrammes (cf. annexe).

Filets maillants, Côte d’Ivoire.

Tableau 7. Caractéristiques techniques des unités de pêche pratiquant le filet maillant dans les cinq pays de la région étudiée.

Bénin | Côte d’Ivoire | Guinée-Bissau | Sénégal | Togo | UEMOA | |
Type d’embarcation | MOA/PLA | MOA/PLA | MO/PLA | PLA/MEM | MOA | MO/PLA |
Taille d’embarcation (m) | 9,8 | 12,0 | 8,1 | 12,6 | 10,5 | 10,9 |
Nombre moyen de membres d’équipage | 4,2 | 7,3 | 2,7 | 4,3 | 7,3 | 4,3 |
Taux de motorisation ( %) | 85,7 | 74,9 | 18,7 | 88,5 | 45,3 | 69,5 |
Puissance des moteurs majoritaires (CV) | ≥ 25 | 40 | ≥ 15 | ≥ 15 | ≥ 40 | |
Taux de sortie jour ( % ≤ 2 j) | 86,8 | 80,3 | 75,6 | 55,7 | 71,7 | 68,1 |
Période de bonne pêche | 08->01 | 07->10 | 09->07 | 11->07 | 01->12 | |
Effectif de pirogues listées | 545 | 992 | 2 059 | 4 955 | 150 | 8 701 |
Taux par pays ( %) | 6,3 | 11,4 | 23,7 | 56,9 | 1,7 | 100 |
30La pêche à la ligne ou à la palangre consiste à utiliser des hameçons munis le plus souvent d’appâts montés soit en faible nombre sur des lignes simples qui sont tenues à la main pendant l’opération de pêche (pour l’engin dénommé ligne) ou bien en plus grand nombre (quelques centaines) sur des lignes plus longues et mouillées sur des ancrages pour plusieurs heures (pour l’engin dénommé palangre). La taille des hameçons utilisés varie selon les espèces cibles. Ce type de pêche utilise plutôt des pirogues inférieures à dix mètres avec deux à cinq personnes embarquées. En Côte d’Ivoire et en Guinée-Bissau, on note la coexistence des deux types de pêche à la ligne et à la palangre, il s’agit d’un côté d’une petite pêche côtière peu motorisée avec de petites pirogues sortant à la journée pour des captures de quelques dizaines de kilogrammes et de l’autre d’une pêche plus moderne avec de grandes pirogues plus motorisées équipées de caisses à glace pouvant effectuer des marées de plusieurs jours avec des rendements de quelques centaines de kilogrammes (cf. annexe). Dans les autres pays, c’est la deuxième catégorie qui domine largement et le Sénégal représente près de 90 % de ce type de pêche. Les bonnes périodes de pêche pour ce métier, selon les régions, sont similaires à celles des filets maillants. Les pêcheurs à la ligne et à la palangre fréquentent surtout les zones supérieures à dix mètres, mais aussi les zones de faible profondeur. Selon la façon dont elles sont mises en œuvre, les lignes et les palangres capturent aussi bien des espèces pélagiques que démersales. Ces deux groupes d’espèces se retrouvent dans les résultats de manière équilibrée.
31La zone d’étude, rappelons-le, embrasse près de 12° de latitude et on rencontre de ce fait au nord des zones à pluviométrie faible (500 millimètres/an) et au sud des zones à pluviométrie forte (2 500 millimètres/an). En outre, un fait biogéographique majeur semble être la zone des « Rivières du Sud » qui s’étend du sud du Sénégal à la Sierra Léone actuelle (Cormier-salem, 1999). Dans cette zone où règnent de puissants courants de marée, des fleuves importants arrosent les plaines littorales et constituent de vastes vasières maritimes colonisées par les palétuviers et parcourues par des chenaux de marées. On assiste dans cette zone à un changement substantiel d’espèces marines présentes à la côte et donc exploitées par la petite pêche artisanale maritime. Alors que plus au nord et au sud des « Rivières du Sud », l’exploitation est caractérisée par les espèces de pleine eau (pélagiques) et en particulier les petits pélagiques côtiers (ethmalose et sardinelles), ainsi que par les espèces démersales des fonds durs, la pêche artisanale maritime des « Rivières du Sud » est, quant à elle, marquée par la quasi-absence de poissons démersaux des fonds durs qui sont remplacés par les espèces démersales des fonds meubles et une diversité de groupes d’espèces d’affinité estuariennes ou d’eau douce comme les mulets, les mâchoirons et les Cichlidés.
Tableau 8. Caractéristiques techniques des unités de pêche pratiquant la ligne ou la palangre dans les cinq pays de la région étudiée.
Bénin | Côte d’Ivoire | Guinée-Bissau | Sénégal | Togo | UEMOA | |
Type d’embarcation | MOA | MO | MO | PLA/MEM | MOA | |
Taille d’embarcation (m) | 15,8 | 7,9 | 8,9 | 9,5 | 8,2 | 9,3 |
Nombre moyen de membres d’équipage | 8,8 | 3,7 | 3,0 | 3,7 | 3,7 | 3,7 |
Taux de motorisation ( %) | 100 | 23,0 | 38,4 | 90,0 | 77,6 | 83,6 |
Puissance des moteurs majoritaires (CV) | ≥ 40 | ≥ 40 | ≥ 15 | ≥ 15 | ≥ 25 | |
Taux de sortie jour ( % ≤ 2 j) | 0 | 67,0 | 76,7 | 57,4 | 14,9 | 59,6 |
Période de bonne pêche | 10->05 | 08->12 | 100->07 | 01->12 | 01->12 | |
Effectif de pirogues listées | 33 | 318 | 271 | 4 888 | 49 | 5 559 |
Taux par pays ( %) | 0,6 | 5,7 | 4,9 | 87,9 | 0,9 | 100 |




Exemples d'espèces pêchées par la pêche artisanale maritime :
a) bassine de petits pélagiques côtiers, b) panier de langoustes, c) bassine de poissons Serranidés, d) bassine de mélange de poissons Serranidés et Sparidés.
Figure 6. Espèces cibles des quatre principaux engins de pêche sous-tendant les quatre principaux types de pêche.

L’échelle aux valeurs doubles adoptée pour les sennes tournantes indique que cette pêche est très sélective sur un groupe d’espèces contrairement aux autres types de pêche capturant une plus grande diversité d’espèces.
Figure 7. Communauté d’espèces exploitées par la pêche artisanale maritime du nord au sud de la zone d’étude (fréquence de réponses des deux premières espèces exploitées par l’engin principal) indiquant la particularité estuarienne de la petite pêche en Guinée-Bissau.

Les migrations saisonnières et l’évolution locale des parcs piroguiers
32La migration saisonnière des unités de pêche artisanale à moyenne échelle, dans les eaux nationales, ou bien à plus grande échelle, entre les eaux de pays limitrophes de la région, est un comportement dont on connaît l’existence et qui a déjà fait l’objet d’études ciblées (Haakonsen et Diaw, 1991). L’enquête à passage unique et déclarative adoptée ici présente plusieurs biais tendant à sous-estimer ce comportement migratoire sur le plan quantitatif. Certaines unités de pêches migrantes peuvent, en effet, avoir échappé volontairement aux enquêtes ou, si elles étaient enquêtées, certains responsables d’unités ont pu avoir tendance à éviter de répondre à ces questions migratoires jugées embarrassantes dans certains pays où cette problématique est actuellement source de tension entre États. Gardant cette particularité en mémoire, on notera que selon les résultats de cette enquête, ce comportement est observé dans tous les pays, mais qu’il n’apparaît jamais comme une pratique dominante. C’est au Togo et au Sénégal que la mobilité saisonnière des unités semble la plus fréquente, avec des taux respectifs relativement importants de 47,6 % et 37,3 %. Pour le Togo, ce taux élevé va sans doute de pair avec l’origine ghanéenne des pêcheurs, qui les incite à effectuer chaque année un voyage de quelques semaines vers leur pays d’origine. Au Sénégal, il s’agit davantage de stratégies de déploiement à large échelle de l’activité de pêche, une tradition ancrée chez certaines communautés telles que les Nyominka du Saloum et les pêcheurs saint-louisiens de Guet Ndar. A noter en illustration de nos remarques méthodologiques en préambule qu’en Guinée-Bissau, il n’y a qu’une faible proportion (3,9 %) du parc piroguier présent qui déclare faire des migrations saisonnières, ce qui semble indiquer que les nombreuses unités de pêche migrantes en provenance du Sénégal voisin y ont été sous-enquêtées. Par ailleurs, l’ampleur des non-réponses dans certains pays, notamment au Sénégal, pourrait masquer un recours un peu plus fréquent, dans la réalité, à la migration saisonnière.
Figure 8. Pourcentage de responsables d'unités de pêche déclarant effectuer des migrations saisonnières pour l'activité de pêche.

Figure 9. Pourcentage de sites de débarquement dont les responsables ont déclaré une évolution du parc piroguier ces dernières années.

33L’examen des réponses données par les responsables de sites de débarquement sur leur perception relative à l’évolution des tailles de parc piroguier fait apparaître deux pays avec des tendances nettes, qui sont d’ailleurs opposées : le Sénégal, avec une tendance perçue « en augmentation » pour près de 61 % des sites, et le Bénin, avec une tendance première de « diminution du parc piroguier » qui est perçue au niveau de 45 % des sites. Dans ce dernier pays, cette tendance peut être mise en relation avec celle relative à l’âge moyen des pirogues indiquée plus haut.
34Pour les trois autres pays, la tendance de perception est soit à la stabilité des effectifs du parc (cas de la Côte d’Ivoire) soit à l’équilibre entre le nombre de sites perçus « en augmentation » et le nombre de sites perçus « en diminution » (cas de la Guinée-Bissau et du Togo).
La dimension économique
Les rendements
35Même si on considère des moyennes exprimées par type et par pays, on constate que les prix d’achat des embarcations présentent une très forte variabilité, allant de 100 000 F CFA, pour une pirogue monoxyle en Guinée-Bissau, à plus de onze millions de francs CFA pour une embarcation en fibre de verre au Sénégal. La combinaison de plusieurs facteurs susceptibles d’agir sur le prix rend l’interprétation de cette variabilité difficile. Cependant, une analyse par un modèle statistique (Ancova) permet de montrer qu’une grande taille (longueur) constitue un facteur d’élévation du prix, tout comme la construction en matériau de type fibre de verre. Par ailleurs, on note que les prix des pirogues sont en général moins élevés en Guinée-Bissau que dans les autres pays à l’exception du cas des pirogues en planches.
36Les dépenses moyennes engagées pour réaliser les sorties de pêche de jour, que l’on peut appeler aussi coûts de fonctionnement, sont principalement constituées par les achats de carburant, avec des montants moyens de 37 000 F CFA à 90 000 F CFA qui représentent généralement plus des deux tiers du coût de la sortie. Cette première catégorie de coûts est suivie de loin par les coûts des intrants de conservation et de la nourriture. Les appâts, qui ne sont pas utilisés par tous les types de sorties, car cela dépend de la technique de pêche utilisée, interviennent en dernier lieu dans les coûts moyens de l’activité. On note que les coûts sont généralement plus élevés en Côte d’Ivoire et au Sénégal. Le coût total moyen d’une sortie de pêche de jour, en excluant les coûts salariaux et les coûts d’amortissement des engins et de la pirogue, est ainsi de 119 300 F CFA en Côte d’Ivoire, de 98 250 F CFA au Sénégal, de 67 250 F CFA au Togo, de 56 350 F CFA en Guinée-Bissau et de 45 500 F CFA au Bénin.
Tableau 9. Prix d'achat moyen (en francs CFA) et longueur moyenne des différents types d'unités de pêche (année de référence 2013, enquête 2014).
Pays | Type de pirogue | Prix moyen en FCFAx 1000 | Longueur moyenne | Nombre de réponses |
Sénégal | Fibre de verre | 11 274 | 12 | 23 |
Guinée-Bissau | Fibre de verre | 650 | 7 | 2 |
Sénégal | Pirogue à membrures | 1 907 | 14 | 109 |
Guinée-Bissau | Pirogue à membrures | 634 | 13 | 18 |
Côte d'Ivoire | Pirogue à membrures | 150 | 4 | 1 |
Sénégal | Pirogue monoxyle | 302 | 6 | 245 |
Guinée-Bissau | Pirogue monoxyle | 100 | 7 | 506 |
Côte d'Ivoire | Pirogue monoxyle | 162 | 6 | 45 |
Sénégal | Pirogue monoxyle améliorée | 952 | 10 | 35 |
Guinée-Bissau | Pirogue monoxyle améliorée | 319 | 11 | 93 |
Côte d'Ivoire | Pirogue monoxyle améliorée | 1 447 | 13 | 326 |
Togo | Pirogue monoxyle améliorée | 1 648 | 12 | 333 |
Bénin | Pirogue monoxyle améliorée | 1 608 | 12 | 248 |
Sénégal | Pirogue en planches | 1 443 | 12 | 1 471 |
Guinée-Bissau | Pirogue en planches | 1 021 | 13 | 63 |
Côte d'Ivoire | Pirogue en planches | 1 081 | 10 | 64 |
Togo | Pirogue en planches | 728 | 7 | 6 |
Bénin | Pirogue en planches | 756 | 9 | 77 |
Figure 10. Dépenses moyennes par sortie de pêche pour les unités pratiquant la pêche de jour (en haut) et la pêche de marée (en bas).

37Lorsqu’on considère les sorties de pêche de marée (avec plusieurs jours passés en mer), tous les coûts de fonctionnement sont plus élevés. Comme pour les pêches de jour, ce sont les coûts de carburant qui dominent. Mais les coûts d’achat des appâts font ici presque jeu égal avec les coûts des intrants de conservation (glace et sel), ce qui s’explique par la forte proportion des sorties de pêche avec lignes et palangres parmi les pêches de marée. Le coût total moyen d’une sortie de pêche de marée (en excluant les coûts salariaux et les coûts d’amortissement des engins et de la pirogue) est de 446 400 F CFA en Côte d’Ivoire, de 182 670 F CFA au Sénégal, de 178 470 F CFA en Guinée- Bissau, de 162 140 F CFA au Bénin et de 94 979 F CFA au Togo. Les ordres de grandeur sont donc deux à quatre fois plus élevés que pour les pêches de jour, ce qui s’explique aisément du fait de la durée des sorties. Toutefois, les deux pays les plus « chers » restent les mêmes que pour les pêches de jour : il s’agit là encore de la Côte d’Ivoire et du Sénégal.
Les chiffres d'affaires et les coûts
38Les chiffres d’affaires (C.A.) ou gains moyens monétaires déclarés par sortie de pêche, que celles-ci soient de jour ou de marée, montrent une certaine homogénéité, variant généralement dans la gamme de 120 000 à 270 000 F CFA par sortie. Les valeurs de C.A. des pêches de marée en Côte d’Ivoire font toutefois exception avec près de 560 000 F CFA de C.A. moyen. À l’autre extrémité, les C.A. des pêches de jour en Guinée-Bissau sont particulièrement faibles, inférieurs à 50 000 F CFA. Si l’on compare ces chiffres aux coûts par sortie, hors coûts d’amortissement et de main-d’œuvre, on obtient des ratios qui sont à peine supérieurs à 1 avec, par exemple, 1,16 de ratio C.A./coûts pour les pêches de marée en moyenne sur les cinq pays, ce qui laisse penser à une surdéclaration des coûts dans l’enquête ou bien une sous- déclaration des C.A. En effet, si l’on fait l’hypothèse que l’activité de pêche est économiquement rentable, le C.A. moyen par sortie devrait être systématiquement supérieur aux coûts totaux moyens réels par sortie, c’est-à-dire englobant les coûts de main-d’œuvre et d’amortissement ajoutés aux coûts de fonctionnement. Or, cela ne semble pas toujours être le cas dans les présentes données. À noter que ce constat « troublant et déconcertant pour un analyste financier » est fréquent chez les auteurs (DEME, 2013) ayant étudié les résultats économiques de ce secteur et quelques explications à cette situation peuvent être apportées. En premier lieu, on doit envisager que les calculs de rentabilité financière des unités de pêche artisanale ne suivent pas les normes comptables classiques et en donnent une image erronée. En second lieu, l’incapacité de conduire d’autres activités que la pêche maintient probablement des unités dans des conditions de sous-rentabilité économique effective, ainsi que l’espoir, toujours présent, de meilleurs rendements à venir dans un contexte d’incertitude. Les pêcheurs ont également la possibilité d’adopter un ensemble de stratégies qui leur permette de se maintenir en activité comme l’arrêt temporaire d’activité en période de faible disponibilité de ressources, la mixité d’engins de pêche, la migration temporaire et les innovations technologiques.
Figure 11. Chiffre d'affaires moyen déclaré en milliers de francs CFA par sortie pour l'engin principal pour les pêches de jour et les pêches de marée.

Figure 12. Chiffre d'affaires moyen déclaré en milliers de francs CFA par sortie pour les quatre principaux types de pêche.

39Selon les pays considérés, les types de pêche qui permettent les plus gros C.A. peuvent varier : au Bénin, au Sénégal et au Togo, ce sont les sorties de pêche à la senne (surtout tournante) qui génèrent les plus gros chiffres d’affaires, grâce aux très grandes quantités de petits poissons pélagiques que cette pêche peut capturer rapidement. À l’opposé, en Côte d’Ivoire, c’est la pêche à la ligne et à la palangre qui permet les plus gros gains, parce qu’elle est souvent utilisée en sortie longue (marée) pour capturer des espèces de haute valeur commerciale. La pêche aux filets maillants est généralement associée à des gains moyens, alors que les petites pêches comme celles utilisant les éperviers, les filets soulevés et les casiers/pots/barrages sont des techniques conduisant à de faibles gains.
Figure 13. Mode de rémunération des équipages.

40Pour la rémunération des équipages, les unités de pêche de tous les pays utilisent en premier lieu les systèmes les plus souples, c’est-à-dire ceux qui sont directement fonction de la capture réalisée. Ainsi, au Bénin, en Côte d’Ivoire et au Sénégal domine le système « À la part » qui consiste à distribuer le gain monétaire tiré de la vente du poisson capturé aux membres de l’équipage selon un système de parts individuelles après avoir retiré une fraction destinée au propriétaire et une autre à l’équipement (embarcation, engin, moteur…). En Guinée-Bissau, la rémunération en nature, en part du poisson capturé, est la plus fréquente, probablement en réponse au faible développement du système de mareyage. Notons toutefois que l’on peut aussi rencontrer, particulièrement au Togo et en Guinée Bissau, une proportion non négligeable d’unités de pêche (environ 1/3) qui utilisent des systèmes de rémunération basés, en partie ou en totalité, sur des composantes salariales fixes.
Commodités utiles pour la filière pêche et valorisation de ses produits
41Un site de débarquement peut correspondre à un site d’habitation unique précis, généralement situé à proximité, mais il peut aussi servir de base d’activité à des pêcheurs dont la résidence se trouve dans plusieurs sites d’habitation situés dans les environs. Ces sites d’habitation extérieurs sont alors le plus souvent peu nombreux. Au niveau des cinq pays pris dans leur ensemble, 65 % des sites de débarquement sont associés à un seul site d’habitation et une pirogue sur deux est basée dans de tels sites. Cela correspond à la configuration d’un site de débarquement associé à un village proche où résident les pêcheurs et leur famille. Au Bénin, en Côte d’Ivoire et en Guinée-Bissau, sept sites sur dix sont dans cette configuration. Le Togo quant à lui se démarque nettement de ce point de vue, car la grande majorité des pirogues sont basées sur des sites de débarquement qui sont associés à plusieurs sites d’habitation. Ces sites sont donc des zones dédiées à l’activité professionnelle où les pêcheurs se rendent en provenance de divers sites d’habitation plus ou moins éloignés. Le Sénégal illustre une situation intermédiaire avec quatre sites sur dix associés à un site d’habitation et 47 % de ses unités de pêche basées dans de tels sites.
42Les commodités et services liés à la pêche les plus fréquemment rencontrés sur les sites de débarquement sont, par ordre décroissant pour l’ensemble de la région, les ateliers de charpente (20 %), les sites de transformation aménagés (18 %), les ateliers de réparation mécaniques (13 %), les points d’approvisionnement en carburant (12 %), les points d’approvisionnement en glace ou la disposition de glacière (9-12 %) et les boutiques de matériel (10 %). Ces taux de présence sont donc notoirement faibles en général et le Sénégal apparaît, une fois encore, être le pays le mieux doté dans ce domaine en comparaison des autres pays où les taux correspondants sont toujours au moins deux fois inférieurs. Comme indiqué précédemment, pour disposer d’une juste appréciation des bénéfices réels tirés de ces infrastructures et services par les pêcheurs, il faut examiner ce taux d’accès en tenant compte de l’importance du parc piroguier basé sur chacun des sites. Dans ce cas, on constate qu’il y a une nette concentration des commodités et services dans les sites disposant du plus grand nombre de pirogues.
Figure 14 a) Pourcentage régional de sites et de pirogues qui ont accès aux différentes commodités liées à la pêche ;
b) présence et accessibilité sur les débarcadères des services et commodités liées à la pêche.

43Les débarcadères aménagés, c’est-à-dire déclarés comme disposant d’un quai de pêche, sont au nombre de 37 sur l’ensemble des cinq Etats membres soit une proportion de huit sites sur cent. Ce résultat indique que les activités de pêche artisanale sont mises en œuvre dans de nombreuses localités qui ne sont pas particulièrement aménagées pour cela. En revanche, on note de façon assez significative que les sites aménagés concentrent une part importante des parcs piroguiers. Au niveau régional, on trouve que près d’une pirogue sur deux (43 % exactement) est basée dans un site aménagé. Le phénomène de concentration est donc très sensible. Quand on l’examine au niveau de chacun des Etats membres, on note que cet effet de concentration est particulièrement fort au Bénin et au Togo, mais aussi que la Côte d’Ivoire et la Guinée-Bissau sont les deux Etats membres où les taux de pirogues bénéficiant des facilités d’un site aménagé sont les plus bas, avec 3 % et 16 % respectivement.
Figure 15. Pourcentage de sites et de pirogues concernés par des débarcadères aménagés indiquant l'effet de concentration du parc piroguier sur ces sites.


Charpentiers au travail, Grand-Lahou, Côte d'Ivoire.

Fabrique de glace, Ziguinchor, Sénégal.
44Dans tous les pays à façade maritime, les quantités de poissons débarqués sont en majorité vendues en frais dans une proportion allant de 52 % à 76 % de la capture totale. L’utilisation de la caisse à glace embarquée, de plus en plus répandue depuis les années 1990, favorise ce type de valorisation. Toutefois en Côte d’Ivoire et en Guinée-Bissau, une part significative de la capture (environ 1/3) est transformée avant d’être vendue. On note par ailleurs que 10 % à 20 % de la capture n’entrent pas dans les circuits commerciaux puisqu’ils sont destinés à l’autoconsommation au bénéfice des pêcheurs et de leurs ménages ou bien à des dons. Enfin, on notera que la part de poissons débarqués qui est déclarée comme « quantité perdue » est faible, de l’ordre de 1,5 à 4 % selon les pays, indiquant que cette petite pêche gaspille peu les produits qu’elle prélève dans le milieu.

Site de débarquement aménagé, port de pêche de Cotonou, Bénin.
Figure 16. Modalité de valorisation de la capture en pourcentage selon les déclarations des responsables d'unités de pêche.

Figure 17. Importance relative des types d'opérateurs venant sur les sites prenant du poisson frais.

45Un décompte des opérateurs intervenant sur les sites de débarquement pour acheter du poisson frais aboutit à des valeurs totalisées de 6 170 au Bénin, de 7 882 en Côte d’Ivoire, de 586 en Guinée-Bissau, de 14 136 au Sénégal et de 1 228 au Togo. Ces décomptes peuvent toutefois être supérieurs aux effectifs totaux d’opérateurs dans chacun des cinq pays, car un opérateur intervenant comme acheteur sur deux ou trois sites sera comptabilisé deux ou trois fois. Cependant, les chiffres donnent une idée du poids du premier segment des filières post-capture dans chacun des pays. Une analyse de la composition relative de ces opérateurs-acheteurs de poisson frais montre de grandes différences inter-pays, avec une prédominance des transformatrices au Sénégal et en Côte d’Ivoire tandis que les mareyeuses et micromareyeuses additionnées dominent dans les trois autres pays. A noter l’absence apparente des mareyeuses en Guinée-Bissau, au profit d’un fort développement des micromareyeuses, ce qui pourrait être le signe d’une prédominance des circuits de commercialisation locaux dans ce pays. Enfin, il faut remarquer que les acheteurs pour les usines sont très peu nombreux et ne se rencontrent qu’au Sénégal et au Togo même si l’on sait que les flux accaparés par ces acheteurs d’usines sont importants et en augmentation, notamment pour les petits pélagiques.

Unité de transport de poisson frais, Mbour, Sénégal.

Transport à moto, port de Lomé, Togo.
46Le décompte, totalisé sur l’ensemble des sites, du nombre d’expéditions de poisson frais réalisées par semaine en haute saison fournit une certaine appréciation du flux de poissons frais au départ des sites. On observe ainsi les plus fortes valeurs pour les pays ayant la plus forte production halieutique. Mais les chiffres doivent être tempérés par l’examen des types de transport utilisés. Ainsi, les mareyeuses du Sénégal utilisent majoritairement des camions, autorisant des possibilités de fortes cargaisons, alors qu’au Togo et au Bénin les deux roues sont de loin les engins de transport les plus utilisés. Les engins terrestres dominent partout et l’on ne rencontre des pirogues transporteuses que dans les deux pays, Guinée-Bissau et Sénégal, qui sont dotés de nombreuses îles.
47Le décompte, totalisé sur l’ensemble des sites, du nombre d’expéditions de produits transformés par semaine en haute saison indique que les voyages sont ici moins nombreux que ceux visant à transporter du poisson frais, ce qui montre tout l’intérêt de la transformation en tant que procédé permettant d’obtenir un produit moins périssable, ne nécessitant pas un écoulement en continu vers les lieux de commercialisation et consommation.
Figure 18. Nombre d’expéditions par semaine et types de moyens de transport de produits frais (gauche) ou transformés (droite) en haute saison exprimé en pourcentage de réponses des responsables de sites de débarquement.

48On retrouve ici en tête les pays leaders en production halieutique, mais avec une valeur étonnamment modeste pour le Sénégal, largement devancé par la Côte d’Ivoire. Il faut interpréter cela comme le signe de la maturation du système post-capture au Sénégal, favorisant l’expédition de cargaisons de forts volumes unitaires, le plus souvent en taxi ou en camion, et réduisant du même coup le nombre de transactions et de voyages. Comme pour les produits frais, on observe au Bénin et au Togo une utilisation importante des deux roues. Les pirogues ne jouent un rôle significatif que là où il y a beaucoup d’îles, c’est-à-dire en Guinée-Bissau et, dans une moindre mesure, au Sénégal.
49Les produits de la pêche sont hautement périssables et la transformation est une pratique très ancienne qui permet une meilleure conservation et facilite le conditionnement des produits pour leur transport vers les lieux de consommation qui sont parfois fort éloignés des lieux de capture. La transformation est accomplie principalement, mais pas seulement, par les femmes dans des endroits dédiés à cette activité souvent proches des sites de débarquement. On rencontre cinq procédés principaux de transformation dans la zone étudiée.
50Le poisson « fumé » qui est déshydraté par l’action de la chaleur et de la fumée d’un feu de bois entretenu dans des fours en ciment ou en tôle. Le poisson est simplement posé côte à côte sur le dessus des fours sur des claies horizontales en bois ou en métal parfois recouvertes de cartons et cela pour une durée plus ou moins longue selon la durée de conservation recherchée avec distinction d’un fumage court de quelques heures ou d’un fumage plus long pouvant atteindre quelques jours.
51Le poisson « salé-séché » est, quant à lui, simplement exposé au soleil à même le sol, sur des claies en métal ou bien sur un filet après traitement au sel ou pas selon la taille des spécimens.
52Le poisson « fermenté-séché » est mis à fermenter dans de la saumure pendant plusieurs jours avant d’être mis à sécher au soleil.
53Le poisson « braisé », dénommé kéthiakh au Sénégal, est cuit par recouvrement d’une épaisseur de végétal (paille de mil, feuilles de filaos, herbes sèches...) qui est enflammé et laissé refroidi quelque temps sous la cendre.
54Le poisson « frit » est jeté quelques instants dans la friture (huile de palmier à huile) avant d’être égoutté à l’aide d’une grande écumoire.
55L’examen de la disponibilité à l’achat de ces différents types de produits transformés sur les sites montre que le poisson fumé est le produit le plus répandu, présent selon les pays dans 25 % (Guinée-Bissau) à 70 % (Bénin) des sites de débarquement. Le poisson salé-séché est également présent dans tous les pays, avec des fréquences de présence allant de 15 % à 68 % des sites. Tous les autres produits présentent de fortes spécificités de répartition au sein de la géographie régionale : le poisson fermenté-séché se rencontre rarement en dehors des sites du Sénégal et de la Côte d’Ivoire ; le poisson braisé ne s’observe que sur un petit nombre de sites du Sénégal et du Togo et le poisson frit se rencontre de façon éparse sur quelques sites au Togo, au Bénin et au Sénégal. Pour finir, on constate que le Sénégal est le seul pays à offrir globalement la totalité de la palette des types de produits transformés, en plus ou moins grande fréquence.
Figure 19. Types de transformation utilisée exprimés par le pourcentage de sites dont les responsables déclarent la pratique sur le site.


Poisson séché avec traitement ou non au sel au préalable.
© IRD/P. Morand





Exemples de transformation des produits de la pêche. Une grande diversité de types et de tailles de poissons, osseux ou cartilagineux, sont susceptibles d’être fumés soit en entier, fendus et ouverts ou bien en morceaux :
a) poissons après fumage,
b) claies de fumage en bois,
c) opération de salage du poisson,
d) poissons entiers en cours de fumage,
e) ramassage de petits poissons après séchage au sol.
Les conflits et les problèmes de gestion dans la pêche maritime
56En matière de conflits évoqués par les responsables de sites de pêche artisanale, ceux avec la pêche industrielle sont les plus fréquents. Il s’agit d’une concurrence d’usage de l’espace maritime qui se matérialise soit par des avaries ou des pertes d’engin de pêche (filets fixes ou palangres) qui sont emportés par des chalutiers, plus gravement, par des collisions entre les pirogues et les bateaux de pêche industrielle en opération ou en transit. Ces situations sont signalées sur plus de 70 % de sites en Côte d’Ivoire et au Bénin, alors qu’en Guinée-Bissau on méconnaît pratiquement ce type de problème, sans doute du fait des caractéristiques géomorphologiques de son plateau continental qui maintient la pêche industrielle bien au large des zones d’activité de la pêche artisanale. Les conflits entre différents groupes de pêcheurs artisans sont enregistrés dans tous les pays à une fréquence légèrement moindre que les précédents. Ils dominent largement le secteur au Sénégal, mais ils sont peu fréquents en Côte d’Ivoire et en Guinée-Bissau (moins de 20 % de sites concernés). Enfin, il peut exister des conflits entre les pêcheurs et les acteurs du segment post-capture de la filière pêche artisanale par exemple sur les questions de prix ou d’enlèvement des produits débarqués, mais ces incidents sont sensiblement moins fréquents et se limitent au Togo, au Bénin et, dans une moindre mesure, au Sénégal. Globalement, la Guinée-Bissau apparaît comme le pays où les activités, aussi bien celles de la pêche que celles du segment post-capture, se déploient dans la plus grande tranquillité sociale et professionnelle.

Les navires de pêche industrielle qui s’approchent des zones côtières sont fréquemment cités par les responsables de sites de débarquement comme source de conflits (perte d’engins de pêche voire collisions) avec les pêcheurs artisans.

La pollution est un obstacle à l’activité des pêcheurs artisans fréquemment citée par les responsables de sites de débarquement.

L'érosion côtière est également citée comme entrave sérieuse à l'activité de la pêche artisanale obligeant certains sites de débarquement à se déplacer pour éviter la destruction ou bien interdisant l'accès à certains sites (Togo).
Figure 20. Types de conflits déclarés par les responsables sur les sites de débarquement par pays exprimés en nombre de sites concernés.

Figure 21. Taux de sites affectés par une dégradation de l’environnement par pays selon les responsables de sites de débarquement.

Figure 22. Nombre de citations par les responsables d'unités de pêche des différents types d'accidents par pays.

Figure 23. Nombre d’unités de pêche dotées d’équipements de sécurité par pays.

57Parmi les dégradations de l’environnement ressenties le plus durement par les populations de pêcheurs, l’érosion côtière est mentionnée de façon très régulière puisqu’elle affecte environ deux sites sur trois et cela dans tous les pays étudiés. La pollution vient en second lieu, avec toutefois des contrastes très forts entre les pays : le Togo et le Bénin sont très touchés proportionnellement, sans doute à cause de la proximité du grand port industriel de Lomé et de l’usine de phosphates de Kpémé, alors que la Guinée-Bissau apparaît presque indemne de pollutions.
58Quant aux coupes de bois de mangrove, elles ne semblent affecter, aux dires des responsables, qu’une petite proportion de sites dans les différents pays.
59Des incidents et accidents plus ou moins graves peuvent affecter la sécurité des unités de pêche lorsqu’elles sont en mer. Ceux qui surviennent le plus fréquemment sont les pannes de moteur, qui dans la plupart des pays touchent au moins une fois par an plus d’un quart du parc des unités de pêche, sauf en Guinée-Bissau qui est aussi, rappelons-le, le pays le moins motorisé. Les intempéries (tempêtes), qui obligent à rentrer à terre, viennent ensuite par rang d’incidence. Les naufrages sont heureusement un peu moins fréquents, mais au Togo et au Bénin ils touchent annuellement respectivement 40 % et 27 % des unités. Les collisions ne sont importantes qu’au Togo (33 % d’incidence annuelle) et dans une moindre mesure en Côte d’Ivoire. Le pays globalement le plus sûr par rapport aux incidents et accidents de mer est la Guinée-Bissau, sauf pour les intempéries qui y sont présentes comme partout ailleurs. Le pays globalement le moins sûr est le Togo, suivi de la Côte d’Ivoire et du Bénin. La façade du golfe de Guinée, marquée par l’omniprésence du phénomène de barre, semble donc globalement plus dangereuse pour la pêche artisanale que la façade ouest-atlantique.
60Au nombre des équipements et dispositifs pouvant contribuer à une meilleure sécurité en mer, le téléphone portable, arrivé au début des années 2000, est aujourd’hui très répandu. Il est, entre autres, utilisé par les pêcheurs pour se communiquer des informations sur les bonnes zones de pêche. Son taux de présence sur les unités de pêche atteint, selon les pays, entre 73 % (au Togo) et 90 % (au Sénégal et au Bénin). Les feux de signalisation sont assez souvent utilisés (par 30 % à 60 % des unités), sauf au Togo. Les gilets de sauvetage ne sont utilisés systématiquement qu’au Sénégal et dans une moindre mesure, pour un petit tiers des unités, en Guinée- Bissau. Les GPS ne sont fréquents qu’au Sénégal alors qu’ils sont rares ou absents partout ailleurs. Les pharmacies de bord ne sont pratiquement jamais présentes sur les pirogues, sauf en Côte d’Ivoire (51 % de présence). Dans l’ensemble, les unités de pêche sénégalaises sont, de loin, les mieux outillées en matière de sécurité. À l’opposé, celles du Togo sont quasiment dépourvues d’équipement de sécurité, mis à part le téléphone. Cela est d’autant plus déplorable que les pirogues du Togo sont aussi celles qui subissent le plus d’incidents et d’accidents de toutes sortes en mer.

Phénomène d’érosion côtière, Saloum, Sénégal.
© en Haut !
Notes de bas de page
1 A noter que la ventilation en sous-catégories d’engins doit être analysée avec prudence car il est possible que des engins aient été mal classés.
Auteurs
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Pierre Chavance
Chercheur biologiste, retraité de l’IRD, Six-Fours-les-Plages, France
-
Pierre Morand
Chercheur biostatisticien, IRD, Bondy, France
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
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