Introduction
p. 15-16
Texte intégral

1Les pêches artisanales, continentales et maritimes, tiennent une place importante en Afrique de l’Ouest et en particulier dans les huit pays membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo) où elles contribuent à la sécurité alimentaire et aux revenus de nombreuses populations disséminées le long des cours d’eau, lacs, retenues, mares, lagunes, estuaires et littoral des différents pays (cf. carte, p. 14). Malgré cette appréciation très largement partagée par tous les acteurs de la société, les bailleurs de fonds, les organisations internationales comme la FAO (2012) et la Banque mondiale (BM, FAO et WFC, 2010), ainsi que les gouvernements de ces pays déplorent, depuis de nombreuses années, le manque d’informations statistiques (à la fois fiables et actualisées) sur le secteur économique que constituent les pêches, en particulier ce qui concerne leur composante artisanale aussi bien maritime que continentale. Une des explications à cette situation paradoxale est que les pêches artisanales sont très peu prises en considération par les opérations de recensement général de l’agriculture (RGA) qui sont périodiquement conduites par les services statistiques nationaux. Les pêches artisanales présentent en effet des spécificités qui les rendent difficiles à appréhender, telles qu’un niveau très approximatif d’enregistrement administratif (quand il en existe un), une forte ampleur des phénomènes migratoires, une fréquence élevée de pratique parallèle d’autres activités professionnelles comme l’agriculture, etc. Ces particularités font que les pêches artisanales sont généralement sous-estimées tant en termes de poids économique que d’empreinte environnementale. Elles sont en outre perçues comme un secteur d’activité complexe où les approches d’aide au développement ont souvent conduit par le passé à des échecs ou bien, dans de rares cas, à des réussites mais en dehors des effets prévus. En conséquence, bien que considérées comme dynamiques et pleines d’avenir, et requérant à ce titre de l’appui et de l’encadrement, les pêches artisanales ont beaucoup de mal à trouver leur place au sein des politiques de développement.
2L’UEMOA a pris la mesure de cette situation et a, dans le cadre de son Plan d’aménagement concerté des pêches et de l’aquaculture, mis en œuvre le « Programme régional de renforcement de la collecte de données statistiques des pêches dans les États membres et la création d’une base de données régionale ». Ce programme, débuté en 2011, a conduit à la formulation d’une méthodologie régionale à la fois de réalisation d’enquêtes-cadres à large focus sur les pêches artisanales et de centralisation des données issues de ces enquêtes. Cette méthodologie a été appliquée une première fois en 2012 au domaine de la pêche continentale de tous les pays de l’UEMOA, puis, en 2014-2015, aux cinq pays disposant de pêches artisanales maritimes. Les résultats obtenus par ce programme sont apparus très cohérents et apportent des informations qualitatives et quantitatives importantes sur ces domaines méconnus. Il a donc été convenu avec l’UEMOA de produire un document scientifique, de type atlas, visant à valoriser les acquis originaux de ce programme tant sur le plan de la méthodologie que sur celui des résultats obtenus, lesquels concernent une large palette de thèmes autour de la description de la pêche artisanale continentale et maritime en Afrique de l’Ouest.
3Quelle est l’importance de la pêche artisanale, en nombre de pêcheurs, de ménages, de pirogues, et comment se répartit-elle géographiquement ? Quels sont les types de pêches pratiqués et quelles sont les modalités de valorisation des produits les plus utilisés ? Quelle contribution cette activité apporte-t-elle aux revenus des ménages et plus généralement à la sécurité alimentaire des pays ? Quelles conditions de vie et de production prévalent sur les sites et quels sont les niveaux de scolarisation des pêcheurs ? Quelles sont, selon les régions et les pays, l’importance et l’intégration des pêcheurs migrants et quelles sont les principales difficultés ressenties par ces communautés de pêcheurs ? Voilà, pour n’en citer que quelques-unes, les multiples questions que se posent ceux qui travaillent sur ces communautés basant leur existence sur cette petite pêche et que l’on est à même de rencontrer dans tous les recoins de l’Afrique de l’Ouest, confins reculés ou bien quartiers encombrés des centres urbains, pour peu qu’il y ait un plan d’eau avec du poisson à proximité.
4Bien dans son rôle de moteur de l’intégration régionale, l’UEMOA a retenu pour ce programme une approche transversale reposant sur une méthodologie commune mais adaptable, scientifiquement et statistiquement fondée, et qui soit maîtrisée par des équipes nationales en mesure de les mettre en œuvre de façon récurrente et de les faire évoluer. Sur le plan scientifique, ce programme est une occasion de conduire une analyse approfondie et coordonnée sur un sujet qui a fait jusqu’à présent plutôt l’objet d’approches nationales sur le plan géographique, ponctuelles ou partielles sur le plan thématique étant orientées tantôt sur la seule dimension halieutique (ressources et pêche), tantôt sur la dimension économique et commerciale, voire parfois sur la dimension anthropologique et culturelle.
5En corollaire à cette volonté de voir large, ce programme présentait de sérieux défis tant sur les plans méthodologiques, informatiques que de mise en œuvre, du fait de l’étendue de l’espace et des populations concernées : huit pays côtiers et sahéliens, plus de 110 millions d’habitants, 3 500 126 km2, 1 600 km de littoral, plusieurs grands fleuves (Sénégal, Niger) et de nombreuses rivières et plans d’eau. Du point de vue de la méthode, la diversité des questions et des acteurs, le choix des unités d’observation, la nécessité de procéder à des échantillonnages, l’identification et la construction d’indicateurs ont mobilisé une grande partie des réflexions en début du programme. Puis la mise en œuvre de cette méthodologie avec l’aide des équipes nationales a nécessité la rédaction de guides et de formulaires d’enquêtes, la formation des équipes d’enquêteurs, le suivi des opérations de terrain. Enfin, il s’est agi de concevoir des bases de données, de les utiliser dans chaque pays pour saisir les informations collectées sur le terrain, de valider ces bases, de calculer les indicateurs et de les analyser pour la rédaction de rapports nationaux et régionaux, tous disponibles sur le site de l’UEMOA et associés à un atlas dynamique (http://atlas.statpeche-uemoa.org).
6Dès la conception du programme, que l’on pouvait considérer à certains égards comme risqué ou trop ambitieux, ces difficultés et ces étapes multiples ont été identifiées et affrontées. Une architecture de compétences a été mise en place qui, avec le recul, s’est avérée être à l’origine de la réussite des enquêtes de terrain et de la grande cohérence des résultats. Cette organisation a, en effet, permis l’articulation : 1) d’expertises scientifiques et méthodologiques ; 2) de compétences informatiques ; 3) d’un appui d’ingénieurs de projet et 4) d’experts nationaux des secteurs des pêches, tout cela sous la coordination générale de la Direction des ressources animales et halieutiques de la Commission de l’UEMOA.
7L’ouvrage privilégie les aspects factuels, restituant sous forme de tableaux, cartes et graphiques, les principaux résultats issus des enquêtes et dressant une vue large de ce secteur. L’atlas expose pour commencer trois chapitres régionaux. Le premier d’entre eux s’intéresse aux pêcheurs artisans continentaux et maritimes en décrivant leurs effectifs, leurs activités, leurs niveaux d’éducation et leurs conditions de vie. Dans les deuxième et troisième chapitres, consacrés au milieu continental et au milieu maritime respectivement, sont décrites les activités de pêche elles-mêmes, leur environnement et conditions de déploiement. Y sont explorés les milieux et les sites de débarquement, les principales caractéristiques des types de pêches, la dimension économique de ces activités, la disponibilité des commodités utiles pour la pêche et la valorisation des produits, les modes de transformation et quelques aspects clés concernant la gestion et la sécurité de la pêche. Après ces trois chapitres thématiques, le quatrième chapitre régional présente un essai de synthèse. Il décrit les poids respectifs des deux sous-secteurs de la pêche artisanale, leur contribution conjointe à la sécurité alimentaire, les grands traits de conditions de vie et d’insertion sociale des populations impliquées, et enfin les performances halieutiques et économiques des deux sous-secteurs en comparaison avec les chiffres du reste du monde. Ces quatre chapitres régionaux sont complétés par huit fiches pays rédigées principalement par les experts nationaux. Elles offrent, à échelle plus fine, une vision résumée mais complémentaire de la situation des pêcheurs et des pêches artisanales au sein des principales divisions administratives nationales. En annexe de l’ouvrage sont décrites la méthodologie et les données utilisées dans le cadre de ce programme ; un choix éditorial dicté par la volonté de mettre en avant les résultats thématiques de ce programme tout en permettant aux lecteurs intéressés de mieux comprendre l’origine de l’information. En annexe, le lecteur trouvera également un exercice original d’estimation des productions annuelles des pêches artisanales continentales et maritimes effectuée à partir des données de ces deux enquêtes à passage unique.
Auteurs
-
Pierre Chavance
Chercheur biologiste, retraité de l’IRD, Six-Fours-les-Plages, France
-
Pierre Morand
Chercheur biostatisticien, IRD, Bondy, France
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Territories and urbanisation in South Africa
Atlas and geo-historical information system (DYSTURB)
Frédéric Giraut et Céline Vacchiani-Marcuzzo
2009
Ouagadougou (1850-2004)
Une urbanisation différenciée
Florence Fournet, Aude Meunier-Nikiema et Gérard Salem (dir.)
2008
Hà Nội, future métropole
Rupture dans l’intégration urbaine des villages
Sylvie Fanchette (dir.)
2015
Atlas des pêcheries thonières de l’océan Atlantique / Atlas of Atlantic Ocean Tuna Fisheries / Atlas de pesquerías de túnidos del océano Atlántico
Alain Fonteneau
2009
Atlas des pêcheries thonières de l’océan Indien / Atlas of Indian Ocean Tuna Fisheries
Alain Fonteneau
2010
Atlas des pêcheries côtières de Vanuatu / Coastal Fisheries Atlas of Vanuatu
Un bilan décennal pour le développement / A 10-year Development Assessment
Espérance Cillaurren, Gilbert David et René Grandperrin
2002
Hà Nội, a Metropolis in the Making
The Breakdown in Urban Integration of Villages
Sylvie Fanchette (dir.)
2016