Le potentiel du monde du dessous

1L’écologie des sols est longtemps restée la parente pauvre de l’écologie, pour des raisons tant méthodologiques qu’historiques. En effet, tous les organismes souterrains (ou presque) sont microscopiques et vivent dans un milieu dense, opaque et très hétérogène. Leurs traits de vie et leurs interactions sont donc difficiles à étudier. De plus, les théories écologiques se sont construites principalement avec le monde « du dessus » sans prendre en compte les spécificités du monde « du dessous ». Or c’est en grande partie cette vie souterraine qui, via ses différentes fonctions (dégradation de la matière organique, maintien de la structure du sol, cycle des nutriments) confère au sol ses propriétés.

2Aujourd’hui, la vision essentiellement productiviste de l’agriculture a atteint ses limites environnementales (dégradation des sols, érosion, pollution, etc.). Aussi les scientifiques manifestent-ils un intérêt croissant pour la vie du sol, qui héberge plus de 25 % de la biodiversité totale. Pour préserver et restaurer cette biodiversité menacée par les pratiques comme le labour ou l’épandage de produits phytosanitaires, il convient de mieux cerner les fonctions et/ou services écosystémiques qu’elle assure. Or ces fonctions sont très souvent issues des interactions entre les différents éléments de cette faune, interactions qui dépassent le cadre de l’inventaire taxonomique. Mesurer la santé biologique des sols implique donc de développer une approche plus holistique prenant en compte ce niveau.

••• Des chercheurs tentent de comprendre comment la faune du sol lui permet de fonctionner •••

3Pour la recherche, l’objectif à terme serait de développer des approches plus fonctionnelles de la biodiversité du sol pour mieux cerner le lien entre interactions et/ou assemblages biologiques et fonctionnement du sol. Cela permettrait de proposer des solutions pour améliorer la santé des sols tout en maintenant leur productivité via des stimulations indirectes (apport de « cocktail » de matières organiques qui vont modifier les assemblages biologiques) ou directes (réensemencement biologique) de cette biodiversité. À Madagascar par exemple, l’introduction pendant trois années successives de vers de terre dans certaines parcelles de riz pluvial a permis d’améliorer le rendement des récoltes de 44 %. Cette action est principalement due à une meilleure libération de nutriments (et notamment de phosphore, très limitant dans ces sols) disponibles pour les plantes.

4Si l’approche en est encore à ses débuts, elle permet pour la première fois d’appréhender la complexité du système souterrain. Le défi sera de préserver cette biodiversité et d’orienter son fonctionnement pour une agriculture qui concilie durabilité et productivité.