Une nature luxuriante protège des pandémies
p. 42-43
Résumé
La crise planétaire engendrée par la Covid 19 pose la question de l’émergence de plus en plus fréquente de maladies provenant des animaux, les zoonoses. Et si le maintien de la biodiversité était notre meilleur rempart contre ces phénomènes menaçant aussi bien la santé que l’économie mondiales ?
Texte intégral

Zone déforestée pour plantation de caféiers, Indonésie.
© ird / P. Levang
1Depuis les années 1950, la fréquence des maladies transmises par les animaux à l’humain a presque doublé. Plusieurs explications peuvent être avancées pour expliquer ce phénomène, comme l’intensification des transports de marchandises et de personnes, et le changement climatique qui étend l’aire de distribution de certains vecteurs de maladies comme les moustiques. Mais depuis les épidémies de SRAS et de H5N1 dans les années 2000, les chercheurs sont de plus en plus nombreux à réfléchir à des explications moins évidentes, liées notamment aux réservoirs animaux sauvages.
2Il semblerait en effet que la perte de biodiversité d’un écosystème soit un facteur favorisant l’émergence des zoonoses. L’hypothèse, contre-intuitive, est la suivante : dans la nature, les virus ont tendance à cibler les espèces les plus abondantes. Lorsque la biodiversité s’érode, ces espèces aptes à transmettre les pathogènes disparaissent moins vite que les autres, et leur proportion relative croît, augmentant le niveau de transmission et les risques de passage à l’homme. À l’inverse, lorsque la biodiversité est florissante, la présence des autres espèces dilue les populations dominantes, créant un effet de dilution qui peut limiter jusqu’à 80 % les risques de propagation du virus. Des études comparatives s’intéressant aussi bien à la maladie de Lyme (transmise entre espèces de mammifères par des tiques) qu’aux hantavirus (virus transmis entre différentes espèces de rongeurs) ou encore au virus du Nil Occidental (transmis entre espèces d’oiseaux par des moustiques) ont montré que les zones abritant une plus forte biodiversité connaissaient une circulation du pathogène beaucoup plus faible, protégeant ainsi les populations humaines avoisinantes.
••• La perte de biodiversité peut être un facteur favorisant la propagation des zoonoses •••

Ducs à aigrettes, Équateur.
© ird / O. Dangles et F. Nowicki
3Pour tester cette théorie, les chercheurs développent plusieurs approches : ils utilisent les bases de données et observent les relations entre la perte de biodiversité et l’apparition de zoonoses ; ils modélisent le système afin de comprendre l’impact de l’effet de dilution sur la propagation des maladies ; enfin, ils observent les situations à l’échelle locale.
4Ainsi, depuis trois ans, une équipe observe les relations entre la biodiversité et les virus au Mexique, dans un milieu très hétérogène en termes de gestion de l’environnement. L’objectif est de voir comment les différentes stratégies de conservation de la biodiversité impactent la propagation et la diversité des virus entrant en contact avec les populations humaines. De quoi imaginer un jour des approches de protection de la nature capables de jouer un rôle de prévention dans l’apparition des zoonoses.
Partenaires
Université nationale autonome du Mexique (UNAM), Mexico City, Mexique
Institut national d’anthropologie et d’histoire (INAH), Mexico City, Mexique
EcoHealth Alliance, New York, USA

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