Pour que réglementation rime avec appropriation

1Établir une politique de gestion des espaces naturels et des espèces, c’est bien. Mais faire en sorte que cette politique soit appropriée et appliquée par les populations locales, c’est mieux. Les trois provinces de la Nouvelle-Calédonie expérimentent différentes approches pour construire des politiques environnementales mieux ajustées aux enjeux sociaux et écologiques locaux.

2Les codes de l’environnement des provinces Nord (2008) et Sud (2009) intègrent des systèmes de dérogation pour le prélèvement d’espèces protégées à des fins de « cérémonies coutumières ». Ces dérogations marquent une reconnaissance des valeurs et pratiques locales accordées à certaines espèces, comme la tortue verte Chelonia mydas. Toutefois, l’application de ce droit n’est simple ni pour les autorités coutumières en charge de faire remonter les demandes, ni pour les agents techniques des provinces qui ont la responsabilité de les évaluer : comment définit-on une cérémonie coutumière ? Combien d’individus peuvent être prélevés ? Qui est légitime pour formuler une demande ?

3Pour apporter des réponses légitimes à ces questions, la recherche devait être en mesure de fournir une description et une analyse précises des valeurs variées accordées à l’environnement capables de nourrir les débats. Ainsi, en province Sud, en amont de la mise en œuvre de concertations locales, une étude réalisée par des anthropologues et des géographes, basée sur des entretiens semi-directifs longs avec les habitants et les agents provinciaux, a permis de préciser pour quels événements une ou plusieurs tortues sont attendues et pourquoi, et d’appréhender les raisons qui conduisent à des changements dans ces pratiques au cours du temps. L’enquête a aussi permis de rendre compte de la diversité des malentendus et quiproquos qui peuvent conduire à des conflits. La restitution de cette étude auprès des habitants, conjointement avec celle d’une étude menée par une biologiste, qui montre le déséquilibre de la population de tortues, a permis d’engager deux ans plus tard une concertation entre les autorités provinciales et coutumières pour préciser la réglementation et discuter de la taille des individus à prélever.

••• En Nouvelle-Calédonie, des approches reposant sur des dialogues entre chercheurs et acteurs de la gestion que sont les institutions provinciales, les autorités coutumières et les populations locales sont testées pour réglementer les usages de l’environnement, sur terre comme en mer •••

4Quant à la Province des îles Loyauté, plus innovante encore dans sa récente démarche, elle a opté pour que la culture et les modes de vie kanak soient le socle de son code de l’environnement. Pour ce faire, elle a fait appel à des juristes de l’environnement et à une large expertise scientifique, afin de concilier les normes de gestion locale déjà existantes et les normes constitutionnelles et internationales.

5Intégrer les savoirs et les savoir-faire locaux et co-construire les règles dans une démarche négociée permet des choix plus durables, de consensus plutôt que de compromis, appropriés et intégrés dans les modes de vie des populations.