Le protocole de Nagoya, entre ambition et efficacité
p. 22-23
Résumé
La fin de l’exploitation sans contrepartie des ressources biologiques et des savoirs des pays du Sud est un objectif majeur que les accords internationaux peinent à mettre en œuvre concrètement.
Texte intégral

Collecte en forêt de plantes endémiques par des scientifiques, Pérou.
© ird-unap/C. Amasifuen
1Apparues dans les années 1980, la prise de conscience des menaces sur la biodiversité, les perspectives économiques ouvertes par les avancées des biotechnologies, les premiers brevets sur le vivant et la montée des revendications politiques des peuples autochtones aboutissent à l’adoption en 1992 de la Convention sur la diversité biologique (CDB). Cet accord encadre pour la première fois l’accès aux ressources biologiques, jusque-là considérées comme un patrimoine commun de l’humanité. Désormais, elles seront sous la souveraineté des États qui en contrôleront l’accès. Et, en cas d’utilisation, elles donneront lieu à un « partage juste et équitable des avantages » entre fournisseurs et utilisateurs. Ce partage peut être d’ordre monétaire, tel que celui de bénéfices commerciaux, ou non monétaire, tel que le partage de connaissances, le transfert de technologies ou le renforcement de capacités.
2Mais ce principe vertueux peine à être appliqué. Après vingt ans de négociations, une extension de la CDB est adoptée en 2014. Il s’agit du protocole de Nagoya, qui précise notamment la notion d’APA (Accès aux ressources génétiques et Partage juste et équitable des Avantages découlant de leur utilisation) et rend cet engagement contraignant pour les États signataires. Désormais, pour chaque utilisation de ressources génétiques et de connaissances traditionnelles associées, voire pour chaque demande d’accès, il faut établir un contrat entre le pays fournisseur et l’utilisateur de la ressource ou de la connaissance traditionnelle, en appliquant la réglementation du premier. Un vrai casse-tête juridico-administratif puisque chaque État a ses propres modalités de mise en œuvre du protocole de Nagoya.
3Si les chercheurs adhèrent à l’éthique de l’APA et pratiquent couramment le partage d’avantages non monétaires, la complexité des procédures les décourage. Elle apparaît en décalage avec l’urgence des enjeux et la fluidité des échanges de matériel biologique et d’information dans une recherche mondialisée. Un important travail d’appui et de sensibilisation est donc nécessaire en amont, mené par des instituts de recherche comme l’IRD pour lesquels l’APA s’inscrit dans la vision d’un partenariat éthique et responsable.

Collecte de fougères, pharmacopée traditionnelle malgache.
© ird / S. Carrière
••• La complexité des réglementations et le décalage avec les pratiques de recherche entravent l’efficacité d’un accord pourtant essentiel •••
4D’autres acteurs souhaitent une plus grande efficacité du système actuel. En termes financiers, les gains globaux obtenus par les États ou les peuples autochtones détenteurs des ressources et savoirs sont en effet dérisoires à l’aune des espérances initiales. Les prochaines discussions à la COP 15 sur l’inclusion des données de séquençage génétique dans les ressources soumises aux réglementations APA illustreront ces tensions.
5Il est souhaitable que ces discussions soient aussi l’occasion de réfléchir à faire de l’APA un instrument contribuant véritablement à la sauvegarde de la biodiversité.
Partenaires
Fondation pour la recherche sur la biodiversité, Paris, France
Muséum national d’Histoire naturelle, Paris, France
Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, Paris, France

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