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Les moustiques de l’île de La Réunion

 | 
Philippe Bousses
, 
Jean-Sébastien Dehecq
, 
Didier Fontenille

Annexes

Annexe 2

Texte intégral

Principaux arbovirus à risque de santé publique pour La Réunion

1Arbovirus signifie arthropod-borne virus : virus transmis/porté par un arthropode. Les arthropodes vecteurs peuvent être des moustiques, des phlébotomes, des culicoïdes ou des tiques.

2Le nombre d’arbovirus actuellement répertoriés dans le monde atteint six cents. Une centaine d’entre eux sont potentiellement pathogènes pour l’Homme. Ils se répartissent essentiellement entre cinq familles : Bunyaviridae, Flaviviridae, Reoviridae, Rhabdoviridae et Togaviridae (Alphavirus).

3Dans ce document, nous n’abordons que les arbovirus transmis par les moustiques. Après le repas de sang du moustique sur un vertébré porteur du virus, le virus se multiplie en 3 à 10 jours, selon la température, le vecteur et le virus, dans le corps du moustique jusqu’à gagner les glandes salivaires, puis il est transmis lors d’une nouvelle piqûre à un nouveau vertébré, éventuellement l’Homme.

BBKV – virus Babanki (Togaviridae : Alphavirus), Afrique

4Cet Alphavirus a été isolé pour la première fois en 1969 au Cameroun dans la forêt de Babanki sur l’espèce Mansonia africana. Il a depuis été isolé de nombreuses autres espèces des genres Aedes, Culex, Eretmapodites et Lutzia. Il est répandu dans la région afrotropicale, y compris à Madagascar. Il a été détecté chez des rongeurs ainsi que chez des chauves-souris, mais c’est avant tout un virus affectant les oiseaux et qui peut infecter l’Homme. Il provoque alors chez ce dernier fièvre, arthralgie, douleurs articulaires et éruption cutanée. Le virus Babanki est très proche du virus Sindbis. À La Réunion, le BBKV pourrait être transmis par Cx. quinquefasciatus, Cx. neavei et Lt. tigripes.

CHIKV – virus Chikungunya (Togaviridae : Alphavirus), ubiquiste

5Isolé de Tanzanie en 1952 le virus Chikungunya circulait originellement dans les forêts d’Afrique entre primates et moustiques Aedini. Les moustiques vecteurs transmettant le virus à l’Homme sont, entre autres, Ae. aegypti, Ae. albopictus et Ae. africanus. Ce virus a vu son aire d’endémicité s’étendre récemment à tous les continents ainsi qu’à l’océan Indien et aux Caraïbes. La fièvre à virus Chikungunya est une maladie généralement bénigne qui s’exprime dans sa forme usuelle par une fièvre brutale, élevée, durant environ trois jours, suivie d’un érythème, de courbatures très douloureuses et d’arthralgies pouvant persister pendant plusieurs mois. La guérison est la règle malgré une convalescence marquée par une asthénie importante et des arthralgies pouvant persister quelques semaines à quelques mois. L’épidémie de fièvre à virus Chikungunya de 2005-2006 a touché 38,4 % de la population de l’île avec un total de 231 600 malades et de 258 décès, le plus souvent rapportés chez des personnes âgées (âge médian 79 ans), liés directement ou indirectement au virus.

6Le moustique vecteur fut Aedes albopictus. Ce Stegomyia est un excellent vecteur du virus Chikungunya.

DENV – virus de la dengue (Flaviviridae : Flavivirus), ubiquiste

7Le virus de la dengue comprend cinq sérotypes différents (DENV-1, DENV-2, DENV-3, DENV-4 et DENV-5,, qui n’est pas pathogène pour l’Homme dans l’état actuel des connaissances), tous transmis par les moustiques Aedes. Chaque sérotype déclenche une réponse immunitaire spécifique (pas d’immunité croisée), l’immunité étant acquise à vie après l’infection. La dengue affecte annuellement 50 à 100 millions de personnes selon l’OMS. Elle sévit dans toutes les régions tropicales et subtropicales, et plusieurs épidémies ont traversé le sud-ouest de l’océan Indien. La dengue est une maladie généralement bénigne se traduisant par des symptômes de type grippal, se résolvant sans séquelles ou demeurant asymptomatique dans 40 à 75 % des cas. Une forme grave dénommée dengue hémorragique sévit en Asie et en Amérique latine, mais n’est pas encore parvenue à La Réunion. La forme hémorragique touche chaque année 500 000 personnes, avec 2,5 % de décès, essentiellement des enfants. Les symptômes de la dengue sont : fièvre, céphalée intense, douleur rétro-orbitaire musculaire et articulaire, adénopathie et éruption cutanée. Dans la forme hémorragique se rajoutent des douleurs abdominales, des vomissements persistants, des saignements et des difficultés à respirer. Il n’existe actuellement aucun vaccin opérationnel (OMS, 2015). Cet arbovirus est transmis par les moustiques Aedini et 11 des 15 espèces vectrices relèvent du sous-genre Stegomyia, dont Ae. aegypti et Ae. albopictus, espèces présentes dans la plupart des îles du sud-ouest de l’océan Indien. La Réunion est sous la menace constante d’une épidémie de dengue, comme le montre celle qui sévit depuis 2018 avec 18 000 cas de dengue signalés entre le 1er janvier et le 20 octobre 2019. Au cours du premier semestre 2020, plus de 16 000 cas autochtones ont été rapportés, avec 618 hospitalisations, 1 600 passages dans les services d’urgence et 19 décès, dont 9 directement liés à la dengue. Le sérotype majoritaire circulant est DENV-2 avec une circulation moindre de DENV-1 et DENV-3. Cette recrudescence a entraîné de la part des autorités la publication d’arrêtés préfectoraux avec le déclenchement du niveau 4 du plan Orsec.

RVFV – virus de la fièvre de la vallée du Rift (Bunyaviridae : Phlebovirus), Afrique

8Ce Phlebovirus a été isolé pour la première fois en 1930 chez des agneaux malades d’une ferme de la vallée du Rift au Kenya. Il infecte le bétail ruminant (ovins, caprins, bovins), induisant une forte mortalité des animaux, en particulier des nouveau-nés, ainsi que des avortements. L’Homme n’est infecté qu’occasionnellement et la maladie n’entraîne des complications que dans 1 à 2 % des cas, avec des signes cliniques hépatiques, encéphaliques et hémorragiques pouvant déboucher sur le décès. Il est présent en région afrotropicale dont Madagascar et Mayotte. La transmission à l’Homme se fait directement au contact de l’animal infecté (90 % des cas) et plus rarement par la piqûre d’un moustique (10 % des cas). Une trentaine d’espèces relevant de neuf genres dont Aedes, Anopheles, Coquillettidia, Culex, Eretmapodites et Mansonia ont été retrouvées infectées par ce virus, soit au laboratoire, soit en milieu naturel. La transmission du virus de la femelle à sa descendance (transmission verticale) a été démontrée chez des Aedes.

9À La Réunion, le RVFV pourrait être transmis par Cx. quinquefasciatus, Cx. neavei, Cx. tritaeniorhynchus, Ae. fowleri, An. arabiensis et An. coustani.

JEV – virus de l’encéphalite japonaise (Flaviviridae : Flavivirus), Asie

10Cette arbovirose a tout d’abord été décrite au Japon en 1871. Le virus responsable de la maladie est transmis par les moustiques du genre Culex. Elle est actuellement présente dans toute l’Asie du Sud et de l’Est, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, et dans l’extrême partie nord de l’Australie (Queensland), où elle provoque plusieurs dizaines de milliers de cas chaque année. Le virus infecte de nombreuses espèces d’oiseaux (sauvages ou domestiques) et certains mammifères (dont l’Homme). Le réservoir de virus le plus important est le porc domestique.

11La période d’incubation est de 5 à 15 jours. Les premiers signes cliniques sont des frissons, des céphalées fébriles et des malaises suivis par une rigidité de la nuque, une cachexie, une hémiparésie, des convulsions, une forte fièvre et des syndromes méningés. Environ 25 % des cas cliniques graves ont une issue mortelle et 30 à 50 % de ceux qui survivent gardent des séquelles neurologiques ou psychiatriques définitives.

12À La Réunion, le JEV pourrait être transmis principalement par Cx. tritaeniorhynchus, Cx. neavei et Cx. quinquefasciatus.

ONNV – virus O’Nyong-Nyong (Togaviridae : Alphavirus), Afrique

13Cet Alphavirus a été observé pour la première fois en Ouganda en 1959, transmis par Anopheles funestus et An. gambiae sl. Il a la particularité d’avoir comme vecteurs des espèces du genre Anopheles. Le réservoir naturel animal de ONNV reste inconnu. Il fut responsable d’une pandémie importante en Afrique de l’Est (Ouganda, Tanzanie, Kenya, Malawi) qui toucha 2 à 5 millions de personnes durant la période 1959-1962. Il est proche du virus Chikungunya, avec les mêmes effets cliniques sur l’Homme. Les signes cliniques sont un syndrome aigu fébrile avec une arthralgie sévère des bras et jambes caractéristique de l’infection, suivis d’une éruption cutanée maculo-papuleuse et d’une conjonctivite, associée parfois à un énanthème buccal ou à des saignements du nez ou des gencives. À La Réunion, le ONNV pourrait être transmis par An. arabiensis et An. coustani.

SINV – virus Sindbis (Togaviridae : Alphavirus), ubiquiste

14Il a été isolé pour la première fois en 1952 de Culex pipiens et de Culex univittatus collectés à Sindbis, village alors au nord du Caire, en Égypte. Ce virus est largement distribué en Afrique, Eurasie, Océanie et Australie. Les oiseaux sont ses hôtes réservoirs principaux. Ses vecteurs sont des moustiques des genres Culex, Anopheles et Aedes. Il est proche du virus Babanki. Des six génotypes connus, seul le génotype SINV-I a été associé à une infection chez l’Homme. Il provoque des fièvres, des douleurs musculaires et articulaires, des exanthèmes pouvant perdurer plusieurs années.

USUV – virus Usutu (Flaviviridae : Flavivirus), Afrique - Europe

15Cet arbovirus africain a été isolé pour la première fois en 1959, en Afrique du Sud, de Culex neavei capturé aux abords de la rivière Usutu qui lui a donné son nom. Il est proche du virus West Nile et du virus de l’encéphalite japonaise. Son réservoir principal est constitué par les oiseaux des milieux aquatiques ainsi que par les volailles. Il s’est implanté à partir des années 2000 dans l’avifaune européenne via des oiseaux migrateurs africains, y provoquant une forte mortalité aviaire. Le virus USUV est essentiellement transmis par des moustiques ornithophiles, mais il est également transmis par les moustiques aux chevaux, aux rongeurs, à des chauves-souris ainsi qu’à l’Homme. L’infection USUV chez l’Homme est le plus souvent asymptomatique ou n’entraîne que de légers signes cliniques tels que fièvre et éruption cutanée. Néanmoins, quelques cas de complications neurologiques telles qu’encéphalite ou méningo-encéphalite ont été rapportés.

16À La Réunion, le USUV pourrait être transmis par Cx. quinquefasciatus, Cx. neavei et Cx. tritaeniorhynchus.

WSLV – virus Wesselsbron (Flaviviridae : Flavivirus), Afrique

17Cet arbovirus pathogène pour les animaux a été isolé d’un agneau mort en Afrique du Sud près de Wesselsbron en 1955, suite à une épidémie dans un élevage. Un large éventail de mammifères domestiques a été trouvé infecté : chameaux, bovins, porcs, ânes et chevaux. Ce virus est membre du groupe du virus de la fièvre jaune. Par sa pathogénicité, il se rapproche du Rift Valley fever virus. WSLV est largement répandu sur le continent africain. La transmission à l’Homme résulte d’une piqûre par le moustique ou du contact avec la carcasse d’un animal infecté. Les principaux moustiques vecteurs sont du genre Aedes, mais il a également été détecté chez des Anopheles, Culex et Mansonia. La durée d’incubation chez l’Homme est estimée à 2 à 4 jours. La plupart des infections semblent bénignes. Les cas cliniques se caractérisent par des symptômes aigus évoquant la grippe : fièvre, maux de tête, arthralgies et myalgies. Si la fièvre disparaît généralement après 2-3 jours, les douleurs musculaires persistent bien plus longtemps. Des signes neurologiques ont été signalés chez un cas et une déficience visuelle a été rapportée dans un autre cas.

18À La Réunion, le WSLV pourrait être transmis par Cx. quinquefasciatus, Cx. neavei, Cx. tritaeniorhynchus, An. arabiensis, An. coustani, Ae. albopictus.

WNV – virus du Nil occidental (West Nile virus) (Flaviviridae : Flavivirus), ubiquiste

19Le virus a été initialement isolé en 1937 en Ouganda chez une femme présentant une forte fièvre. Depuis, le WNV a été identifié sur tous les continents. Il est endémique dans le pourtour méditerranéen, en Europe centrale et en Amérique du Nord (depuis les années 2000) où il est responsable de nombreux cas humains mortels. Le WNV est la cause de l’une des plus importantes zoonoses affectant les oiseaux sauvages et domestiques, les chevaux et les Hommes. Les moustiques vecteurs dominants sont du genre Culex, mais le virus a été isolé de nombreuses espèces de différents genres. Chez l’Homme et le cheval, le WNV provoque un large éventail de symptômes (de l’éruption fébrile à l’encéphalite mortelle) et est essentiellement une maladie neuro-invasive. La pathogénicité du WNV chez les oiseaux diffère selon la souche virale et les espèces aviaires touchées. À La Réunion, le WNV pourrait être transmis par Cx. quinquefasciatus.

YFV – virus de la fièvre jaune (Flaviviridae : Flavivirus), Afrique - Amérique du Sud

20Cet arbovirus a son origine en Afrique, où il circule chez les singes en forêt. Il est présent en Afrique et en Amérique intertropicale. Il est absent des îles du sud-ouest de l’océan Indien, et il n’a jamais touché l’Asie Des épidémies urbaines surviennent régulièrement en Afrique. Il est à l’origine de fièvres hémorragiques graves, son taux de mortalité est élevé. Il existe un excellent vaccin contre la fièvre jaune. En Afrique, le vecteur responsable d’épidémies chez l’Homme est Ae. aegypti. En Amérique du Sud, ce sont principalement des moustiques du genre Haemagogus. À La Réunion, le YFV pourrait être transmis par Ae. aegypti et Ae. albopictus.

ZIKV – virus Zika (Flaviviridae : Flavivirus), ubiquiste

21Cet arbovirus africain a été isolé la première fois en 1947 d’un singe macaque de la forêt Zika en Ouganda, puis du moustique Aedes africanus dans ce même lieu. En Afrique, outre les primates, d’autres mammifères seraient des réservoirs potentiels (buffle, éléphant, hippopotame, lion, gnou, zèbre…). Aedes aegypti est le principal vecteur de ce virus. Aedes albopictus a été démontré vecteur en Afrique centrale. La transmission de ce virus peut également se faire par voie sexuelle ou périnatale de la mère au fœtus ou par transfusion sanguine. Le virus Zika a provoqué des épidémies en Afrique, en Asie, en Océanie et en Amérique latine. Les symptômes induits sur l’Homme évoquent la dengue : fièvre, céphalée, éruption cutanée, fatigue, douleurs musculaires et articulaires. Son impact est faible sur la santé, à l’exception des fœtus chez lesquels ce virus est à l’origine de microcéphalie, cause d’un retard mental irréversible. Des syndromes de Guillain-Barré lui ont aussi été imputés. Il n’existe ni traitement spécifique, ni vaccin. À La Réunion, le ZIKV pourrait être transmis par Ae. aegypti et Ae. albopictus.

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