Baobab (Adansonia digitata), arbre « sacré » dont les feuilles, fruits et graines sont utilisés dans la médecine traditionnelle, Sénégal.

1Le statut des ressources biologiques a particulièrement évolué dans la dernière décennie du xx^e siècle. En effet, après une période où les ressources dans leur ensemble étaient considérées comme un bien commun de l’humanité, leur statut a changé au début des années 1990. La Convention sur la diversité biologique (CDB), adoptée le 22 mai 1992 et entrée en vigueur le 29 décembre 1993, puis le protocole de Nagoya (PN), adopté le 29 octobre 2010 et entré en vigueur le 12 octobre 2014, ont totalement changé la donne sur les ressources biologiques, mais aussi sur les connaissances traditionnelles associées à ces ressources. En particulier, le protocole de Nagoya constitue un accord historique dans la gouvernance internationale de la biodiversité et concerne divers secteurs commerciaux et non commerciaux engagés dans l’utilisation et l’échange des ressources génétiques. Le protocole de Nagoya repose sur les principes fondamentaux de l’accès et du partage des avantages consacrés par la Convention sur la diversité biologique. Ces principes nécessitent l’obtention, par les utilisateurs potentiels de ressources génétiques, du consentement préalable donné en connaissance de cause du pays dans lequel la ressource est située, ainsi que la négociation et l’établissement de conditions convenues d’un commun accord déclinant les conditions d’accès et d’utilisation de cette ressource. Cet accord doit inclure le partage des avantages découlant de l’utilisation de cette ressource entre le fournisseur et l’utilisateur. Inversement, les pays qui fournissent des ressources génétiques et connaissances traditionnelles associées doivent prévoir des règles et procédures d’accès à leurs ressources génétiques justes et non arbitraires.

2La CDB et le PN ont ainsi permis que les pays se réattribuent la gestion de leurs ressources biologiques et de leurs connaissances associées. Les pays ont donc la responsabilité, avec l’aide des instruments internationaux et des règlements régionaux et nationaux, de faire en sorte de maintenir, gérer et maîtriser l’utilisation des ressources et des connaissances traditionnelles associées, souvent gérées par des communautés locales. De nombreux pays ont mis en place, ou sont en train de mettre en place, des mesures législatives et réglementaires sur l’accès et l’usage de leurs ressources biologiques et des connaissances traditionnelles qui y sont associées.

3La gouvernance des ressources et des environnements et écosystèmes qui les abritent est donc un enjeu primordial pour de nombreux pays, responsables de la biodiversité de leurs territoires, de leur maintien, de leur gestion, de leurs échanges et de leur utilisation. Cette gouvernance se fait toujours en lien avec les communautés locales qui vivent dans ces écosystèmes variés mais souvent soumis à des pressions importantes, qu’elles soient démographiques, climatiques ou liées à l’évolution des modes de vie des habitants, et à une urbanisation toujours croissante.

4La gouvernance environnementale, objet de cette sous-partie, recouvre ainsi de nombreux aspects liés à la gestion des ressources et des connaissances associées dans leur environnement et pour des communautés locales identifiées.

5Le premier d’entre eux concerne le maintien des écosystèmes. En effet, tous les écosystèmes, associés à un lieu, à des hommes et à une biodiversité particulière, sont soumis à des pressions importantes. Certains écosystèmes sont très fragiles (zones humides, pression démographique), et des prélèvements importants effectués dans ces écosystèmes, pour le besoin des populations ou pour des projets de recherche et de développement à l’échelle du pays et avec des acteurs divers, peuvent déstabiliser ces zones. On peut y ajouter, bien sûr, les évolutions climatiques qui influent souvent sur ces systèmes métastables. Une bonne gouvernance environnementale est ainsi primordiale pour maintenir les écosystèmes, ce qui se fait toujours avec les habitants de ces zones.

6Avec le maintien des écosystèmes, c’est une valorisation durable et respectueuse de l’environnement qui doit faire l’objet d’une gouvernance ciblée. Pour cela, il est important que tous les acteurs du développement et tous les utilisateurs des ressources soient impliqués. Les autorités politiques ont, bien sûr, un rôle prépondérant pour fixer le cadre réglementaire. Les populations locales, qui vivent de ces ressources, sont les mieux placées pour en mesurer l’évolution qualitative et quantitative. Ces populations utilisent en effet ces ressources dans leur environnement depuis de nombreuses générations, grâce à des systèmes traditionnels qui perdurent et qui constituent des facteurs de stabilité. Leurs usages sont nombreux (alimentaire, cosmétique et médicinal). Enfin, les utilisateurs de ces ressources à des fins de recherche et de développement doivent être également associés à cette gestion environnementale, qu’ils soient chercheurs, développeurs ou industriels. Le développement économique pourra permettre, par un retour ciblé vers les populations détentrices des ressources et les autorités nationales du pays concerné, la mise en place d’une gestion durable et respectueuse de ces écosystèmes.

7Un autre aspect de la gouvernance environnementale concerne la définition de stratégies à moyen et long termes, avec une approche globale de la diversité des ressources et de leur utilisation. Ces stratégies de long terme peuvent se décliner en trois grandes approches.

• Une approche d’urgence pour les espèces menacées d’extinction, pour lesquelles des mesures fortes de conservation doivent être prises tout en prenant en compte la valeur environnementale des écosystèmes. Cette dernière pourra être appréciée par exemple en termes de carbone ou d’eau. Cette gouvernance d’urgence n’est pas toujours facile à mettre en place si l’environnement est très dégradé, ou si la pression démographique ou climatique est très forte, mais elle est indispensable pour éviter la disparition d’espèces et assurer la pérennité des écosystèmes.
• La deuxième approche, mise en lumière par la pandémie de coronavirus Covid-19, est une approche globale de la santé, appelée « one health ». Cette approche, qui associe la « santé » des plantes, des animaux et des hommes, est intégrative et affirme le rôle primordial de l’environnement animal, végétal et humain dans la gouvernance des écosystèmes anthropisés.
• Enfin, la troisième approche est celle de la formation, l’information et l’éducation des personnes concernées. C’est là un enjeu fondamental pour une gestion durable des écosystèmes et de leur diversité. Les populations locales, les décideurs, les chercheurs, les développeurs et les industriels doivent être associés à la gouvernance environnementale avec une connaissance suffisamment claire des enjeux et des risques, à court, moyen et long termes.

8C’est grâce à ces différentes approches et axes d’actions qu’une véritable gouvernance environnementale pourra se mettre en place aux échelles locale, nationale et régionale, afin de garantir des écosystèmes préservés durablement, pour le bénéfice de tous.