1Les plantes occupent une place fondamentale dans notre monde et en particulier dans les écosystèmes terrestres. Elles assurent la production primaire, construisent des couverts végétaux, élaborent et structurent les sols. Elles participent aussi fortement à la régulation du climat et au cycle de l’eau. En matière de contributions à la nature, leur rôle est donc primordial. Nous n’imaginons pas un paysage sans les plantes, au point d’appeler désert ou minéral un environnement dans lequel le couvert végétal est réduit ou presque absent.

2Derrière l’appellation générale de plantes se cache une diversité évolutive colossale, dont l’origine remonte à des centaines de millions d’années. Ce terme désigne des groupes d’organismes aussi divers que les algues vertes, rouges, bryophytes, ptéridophytes, gymnospermes et angiospermes. La capacité des plantes à produire de la matière organique trouve son origine dans une ancienne symbiose permettant la photosynthèse, un processus fondamental du fonctionnement de la biosphère. Comme pour tous les êtres vivants, l’autonomie des plantes est toute relative, puisqu’elles sont le plus souvent associées à des champignons (mycètes sensu stricto) pour leur nutrition et dans leur rapport au sol.

3Il n’est donc pas étonnant que l’espèce humaine en tire des bénéfices directs, outre toutes les contributions indirectes (couvert terrestre, sol et climat) que nous venons de citer. Les plantes nous apportent avant tout une nourriture, aujourd’hui surtout à travers les espèces que nous avons domestiquées et que nous cultivons (céréales, légumes, fruits, huiles et graisses végétales, ainsi que condiments). Il en est de même avec des boissons et breuvages, dont beaucoup (café, thé, cacao, vin, bière, etc.) sont élaborés à partir de substances extraites de végétaux. Les animaux d’élevage ou sauvages herbivores, qui entrent dans notre alimentation, sont eux aussi dépendants de leur nourriture végétale. Les plantes nous fournissent également toutes sortes de produits dont nous dépendons directement, qu’il s’agisse des fibres ou des couleurs pour nos étoffes, des matériaux comme le bois pour nos outils et habitations ou du latex pour le caoutchouc, et, bien sûr, des nombreuses substances actives qu’elles recèlent, utilisées notamment en médecine. En effet, la plupart des médicaments sont initialement élaborés à partir de plantes.

4Il est utile aussi de rappeler une évidence que nous avons tendance à oublier : le bois des plantes (ainsi que les huiles dans une moindre mesure) a été, et est encore, une des grandes sources d’énergie et de chauffage (en particulier pour la cuisson des aliments), dont l’humanité s’est servie avant l’utilisation massive des carburants fossiles (eux aussi d’origine principalement végétale !) et le début de l’ère industrielle. Nous redécouvrons la roue puisque, aujourd’hui, les biocarburants sont à nouveau issus des plantes, et les arbres sont appelés à la rescousse dans nos centres urbains, notamment en tant que régulateurs de microclimats.

5La diversité biologique des plantes est gigantesque : environ quatre cent mille espèces de plantes terrestres sont ainsi déjà connues pour la science, et chaque année apporte son tribut de nombreuses espèces nouvelles découvertes par les chercheurs. Mais cette diversité de plantes n’est pas également répartie à la surface du globe. Comme pour l’ensemble de la biodiversité, elle est beaucoup plus grande dans les régions tropicales, qui subissent une importante pression anthropique sur les milieux naturels. Ces régions sont, en outre, celles où les populations humaines sont en grand besoin de connaissances et de formation sur l’état, le devenir, l’usage et les possibilités de valorisation de cette biodiversité.

6Toutes les initiatives d’évaluation (listes rouges de l’Union internationale pour la conservation de la nature, UICN ; évaluations de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques, IPBES ; ou celles de la Convention sur la diversité biologique, CDB) en témoignent. La biodiversité, y compris celle des plantes, va mal, confrontée aux deux crises du dérèglement climatique et de l’extinction des espèces. L’IPBES, réunie sous l’égide des Nations unies, a clairement diagnostiqué cinq grandes causes au déclin de la biodiversité : la conversion des milieux conduisant à la destruction des habitats naturels (déforestation, assèchement des zones humides, etc.), les extractions d’organismes (foresterie, chasse, etc.), les pollutions chimiques et organiques, le changement climatique, les espèces exotiques envahissantes introduites volontairement ou involontairement. La crise de la biodiversité est donc complexe, avec une causalité certes multiple mais toujours anthropique. S’il n’y a pas extinction immédiate des milliers d’espèces citées dans les listes rouges, l’état déclinant et ravagé de leurs populations est tel que la situation ne sera pas différente ou meilleure dans quelques décennies. Bien évidemment, le grand déclin ou la disparition de cette biodiversité n’est pas seulement un problème éthique lié à la perte de leur valeur intrinsèque, mais aussi une perte certaine de services écosystémiques. Combien d’espèces parfois encore inconnues auront-elles ainsi disparu avant même que nous n’apprenions les avantages précieux que nous aurions pu en retirer ?

7Cette grande richesse et ces problèmes de conservation, de gestion durable et de capacité d’usage des plantes, dans un contexte de crise globale, constituent un enjeu majeur que nos sociétés doivent prendre en considération. Toute avancée en la matière ne pourra se faire qu’en se basant sur un partage équitable entre l’ensemble des parties concernées des avantages découlant de la connaissance et de l’utilisation de cette biodiversité, comme cela a été formalisé par le protocole de Nagoya, adopté dans le cadre de la CDB et entré en vigueur le 12 octobre 2014. Dans ce même cadre, d’autres mesures ont été adoptées qui montrent combien le programme « Sud Expert Plantes Développement Durable » (SEP2D), porté par des institutions françaises, se positionne opportunément dans un contexte politique international. En effet, les activités du programme SEP2D en matière de conservation, de gestion durable et de formation sur la biodiversité végétale s’intègrent parfaitement dans les objectifs de la stratégie mondiale pour la conservation des plantes (SMCP), élaborée en tant que question transversale à la CBD dès 2002. Dans ce même cadre international, les activités portées par le programme SEP2D viennent aussi contribuer aux objectifs d’Aichi ainsi qu’à un grand nombre d’objectifs de développement durable prouvant, si besoin en était, la pertinence de ce réseau pour tous les États qui en font partie.

8Le programme SEP2D a stimulé et initié des partenariats scientifiques multiples concernant les savoirs sur les plantes, leurs usages, leurs transmissions et leur conservation aux niveaux nationaux, régionaux et internationaux. Les 37 projets de recherche et actions de formation mis en œuvre dans le cadre de SEP2D ont permis de forger ou de mettre à disposition des connaissances directement utiles aux sociétés et à la conservation et valorisation de la biodiversité dans vingt pays francophones d’Afrique, de l’océan Indien et d’Asie. Ce programme est aussi profondément intersectionnel, mettant en contact savoirs traditionnels et savoirs scientifiques, enseignants, chercheurs, techniciens, conservateurs, jardiniers, praticiens et société civile.

9Ces objectifs internationaux auront été poursuivis en 2021, une année décisive s’il en est en la matière, avec la définition d’une nouvelle stratégie mondiale pour la conservation des plantes encore davantage intégrée dans le cadre du plan stratégique de la CDB. Le programme SEP2D s’est inscrit donc de manière particulièrement harmonieuse dans les projets de la Conférence des Parties à la CDB, et il est aujourd’hui une sorte de modèle pour la continuation et l’évolution de ces préconisations internationales.

10Le présent ouvrage a pour objectif de rendre compte des efforts entrepris et des résultats obtenus dans le cadre de ce programme SEP2D. Il s’articule autour des thématiques suivantes, toutes complémentaires et mises en cohérence au sein du programme : connaître la biodiversité, valoriser la biodiversité, gérer durablement les écosystèmes, exercer la gouvernance environnementale. Ce livre constitue un véritable témoignage de l’engagement et de la contribution du programme SEP2D, et des institutions françaises qui le portent, en faveur de la biodiversité. En soutenant la recherche, l’expertise, la production de données, en encourageant le partage juste et équitable des bénéfices issus de la biodiversité, le programme SEP2D participe aux efforts de mise en œuvre de l’agenda de la biodiversité, de la stratégie mondiale pour la conservation des plantes et des objectifs de développement durable.