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Dynamique et usages de la mangrove dans les pays des rivières du Sud, du Sénégal à la Sierra Leone

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Marie-Christine Cormier-Salem

Groupe de travail 6. Systèmes actuels d'exploitation

La planification côtière de Guinée-Bissau

J.

Texte intégral

LES MANGROVES DE GUINÉE-BISSAU

HISTORIQUE

1Les mangroves de l’ouest africain font partie des ressources vivantes naturelles les plus importantes du territoire, qui cependant sont très vulnérables, à cause de leur grande accessibilité.

2La Guinée-Bissau, avec une superficie territoriale de 36 125 km2, était recouverte à l’origine de 4 760 km2 de mangrove.

3Actuellement son extension est de 2 484 km2, concentrée sur le grand plateau littoral, incluant l’Archipel des Bijagos.

4La zone côtière représente une grande richesse pour la Guinée-Bissau. L’existence de nombreux estuaires bordés par les forêts de mangrove explique l’importance de ses ressources halieutiques et en particulier des crevettes. La majeure partie de la population de Guinée-Bissau, environ 65 %, est localisée dans cette zone et maintient depuis des siècles une étroite relation avec la mangrove. Cette dernière présente un équilibre et une transition entre les milieux terrestres et marins et supporte de nombreuses chaînes alimentaires, principalement marines, grâce à sa haute productivité primaire.

5Les mangroves sont responsables pour 70 % (directement ou indirectement) du potentiel de pêche estimé à 181 500 000,00 $ US /an, par sa fonction de berceau et de nurserie pour les poissons et crustacés. En outre, elle est une source directe ou indirecte d’une grande variété de biens pour la population (poissons, crustacés, mollusques, sels, médicaments, miel, bois de feu, bois de construction, etc.). Ses terrains ont aussi une fonction d’apport en sols agricoles pour la riziculture.

UTILISATIONS ET RESSOURCES :

6Les principales utilisations de la mangrove et des ressources sont :

  • Riziculture
  • Exploitation du bois
  • Pêche
  • Cueillette
  • Autres

Riziculture :

7La plus grande partie de la production nationale provient de la culture sur sol de mangrove. Elle est surtout pratiquée par les ethnies balant, grands spécialistes de la riziculture de mangrove et felup du Nord, qui se voient de plus en plus obligés de se tourner vers d’autres activités à cause du déficit pluviométrique.

8Les superficies exploitées avec ce système étaient estimées ainsi : (Seminârio Nacional de elaboraçäo do Piano Director de Gestäo dos recursos Naturais, 1993)

91976 : 70 000 ha

101978 : 58 000 ha

111990 : 8 760 ha

12On a constaté une dégradation considérable et continue des bolanhas, surtout au nord et au centre à cause de la situation climatique entre autre.

13Le riz a une importance primordiale pour la population côtière. Pour 55 % des villages de la côte (Planification Côtière, 1992), la culture du riz de bolanha est la principale activité.

14Toute l’organisation de leur vie se fait en fonction de la production du riz. Le riz remplit les rôles fondamentaux suivant :

  • alimentation de base
  • capital et monnaie de troc
  • produit culturel pour les cérémonies
  • réserve de semence pour la continuation de la production.

15Le rendement de la bolanha dépend de :

  • structure du sol
  • position de la parcelle
  • niveau d’acidité
  • toxicité ferrique et aluminique
  • respect du calendrier cultural
  • quantité d’eau douce reçue
  • variété utilisée.

16La situation foncière dépend du rapport qui existe entre deux éléments essentiels :

  • l’élément terre, dont la situation est stationnaire, proche de la saturation dans de nombreux villages,
  • l’élément nombre de personnes, qui au contraire ne cesse d’augmenter. Le manque de moyens est généralisé et concerne les domaines suivants :
  • crédits, variétés de semences améliorées, matériel agricole, engrais.

Exploitation du bois

17— bois de chauffe (Rhizophora et Avicennia) et charbon.

1870 % des tabancas (village) de la zone côtière (Planification Côtière, 1992) coupent du bois de chauffe dans la mangrove. En revanche, la pratique de faire du charbon à partir de Rhizophora n’est pas encore très courante en Guinée-Bissau.

19Le bois de mangrove est aussi largement utilisé pour le fumage de poisson et le chauffage de la saumure pour la production de sel.

20— bois de construction, clôture :

21Le bois de Rhizophora peut aussi fournir des perches de bonne taille et du bois de construction très résistant et durable. Il est largement utilisé pour la construction de maison. 43 % des moranças (famille) interrogées l’utilisent pour les perches de soutien des maisons (Planification Côtière, 1992).

Pêche :

22La pêche artisanale, bien qu’étant peu ancrée dans les coutumes, représente la principale source de protéine pour les populations côtières et contribue de manière significative à l’économie familiale.

23La pêche est surtout pratiquée par les Papel, (pour la subsistance et la vente), les Felup, mais moins par les Balant (ou seulement pour la subsistance).

2470 % des moranças interrogées pratiquent la pêche artisanale.

25On peut distinguer la pêche dans les rias et les estuaires et la pêche dans les bolanhas.

26Les principaux poissons sont :

27Bentana (cichlidae)

28Tainha (mugilidae)

29Djafal (clupeidae)

30Bagre (aridae)

31Corvina (scianidae)

32Barbo (polinemidae)

33Barracuda (sphiranidae)

34La pêche de crevettes (Penaeus notiolis) a aussi une importance considérable, surtout à proximité de Bissau, où les crevettes sont de plus en plus commercialisées.

Cueillette :

35La cueillette de mollusques et crustacés est une activité généralisée sur toute la côte, dans la mangrove, bancs de sable et vasières. Elle est effectuée essentiellement par les femmes et les enfants, et constitue une importante source de protéine.

36Les principales ressources de la cueillette sont :

37Huîtres (ostreidae)

38Coquillage (arcidae)

39Couteau (solenidae)

40Crabe, care (ocypolidae)

41Crabe, caranguejo (potunidae)

42Les huîtres sont de plus en plus destinées à la commercialisation surtout à proximité de Bissau, où il y a risque de surexploitation.

Autres

43La mangrove a aussi une valeur médicinale. Les populations connaissent les arbres. Nous avons pu constater des connaissances dans son utilisation contre la galle et les maladies vénériennes.

44Les fruits d’Avicennia servent d’alimentation de réserve en cas de famine. Enfin la mangrove a une grande valeur traditionnelle, comme lieu de diverses cérémonies, avec la présence de forêts sacrées. Ces zones traditionnelles de protection nécessitent une attention particulière et doivent être définies comme zone de préservation totale.

CAUSES ET CONSÉQUENCES DE LA DÉGRADATION DE L’ÉCOSYSTÈME DE MANGROVE

45La mangrove est un écosystème extrêmement fragile qui réagit à toute modification du milieu naturel et il ne faut parfois que quelques années pour la détruire de façon irréversible. La dégradation de la mangrove peut résulter de facteurs naturels (baisse des précipitations, tannification naturelle) ou anthropiques (conversion en terrain rizicole, exploitation forestière, modification du régime hydrique ou sédimentaire, construction de routes).

Facteurs naturels : changements climatiques

46Le déficit pluviométrique peut provoquer un abaissement de la nappe phréatique, la salinisation des sols et des eaux et favoriser l’assèchement des sols et le contact avec l’oxygène. L’oxydation des sols peut alors avoir lieu, ayant pour conséquence une augmentation de l’acidité.

47La mangrove de Guinée-Bissau est moins affectée par les changements climatiques que d’autres régions (Sénégal ou Gambie). Ainsi pour la Guinée-Bissau, il n’existe pas encore de situation préoccupante, la salinité ne dépassant pas 35 ‰.

48Mais il est nécessaire de prévoir un programme de contrôle de l’évolution de la salinité dans les différents rias et estuaires du pays et ce à différentes hauteurs.

Facteurs anthropiques : conversion en terrain rizicole

49Le défrichement des aires de mangrove pour la production de riz a très souvent provoqué l’apparition de tannes. De même la construction de nombreux barrages au centre et au nord du pays a rarement eu d’effets positifs sur la production et s’est souvent terminée par la transformation de ces terrains en de vastes aires acidifiées et stériles.

Fig. 1 : Schéma de la dégradation de la mangrove

MANGROVE ET CONSERVATION

50Sans parler de la productivité alimentaire et forestière, les forêts de mangroves de même que les rizières et les marigots renferment une riche faune naturelle. Le littoral de la Guinée-Bissau constitue une aire spécifique pour l’avifaune et notamment pour les oiseaux migrateurs.

51Dans les rizières, environ 30 à 50 % de la population ouest-européenne de la barge à queue noire hivernent. Aussi sont-elles d’une grande importance internationale (Attenburg et Van Der Kamp, 1985). La richesse de l’avifaune en Guinée-Bissau, reconnue sur le plan international, peut contribuer largement à un tourisme spécifique.

52L’importance des mangroves et marigots comme lieux d’incubation pour les poissons de mer et les crustacés, nous oblige à insister sur la valeur de ces mangroves dans la conservation de la richesse en poissons, aussi bien sur le littoral qu’en mer. En outre, il ne faut pas oublier l’importance des mangroves pour la protection des berges digues de bolanhas.

53Pour concilier conservation et développement durable dans les zones côtières, le gouvernement de la Guinée-Bissau a mis en place un bureau de la Planification Côtière dont les initiatives sont les suivantes :

  • Proposition d’un plan d’aménagement et de gestion dans la zone côtière, et plus particulièrement de la mangrove.
  • Création de parcs nationaux. Parmi les cinq parcs proposés pour le pays, 3 sont en relation avec la préservation de la mangrove.

54Le « Parc National des mangroves de rio Cacheu », d’une superficie totale d’environ 500 km2 a pour objectif spécifique la préservation de l’écosystème de mangrove qui recouvre environ 38 000 ha dans le parc (environ 14 % de la surface totale de mangrove du pays). Dans ce parc, 28 650 ha de mangrove sont destinés à la préservation totale, 7 422,50 ha à la gestion durable et 2 402,50 ha à l’étude d’impact anthropique.

55Le principe retenu pour la création de ce parc national tire une leçon des échecs vécus dans d’autres pays africains qui ont en règle générale déplacé les populations à l’extérieur des parcs. Il est au contraire positif de négocier avec eux la création du parc et de les associer, afin qu’ils en deviennent tout à la fois les défenseurs et les premiers bénéficiaires. Pour que cela soit possible, il faut que l’exploitation de certaines ressources, soit soutenue par des projets de développement à caractère productif ou social et qu’en contrepartie les populations s’engagent à respecter et faire respecter les règles du futur parc.

56On trouve également de la mangrove en bon état dans d’autres régions. Ainsi dans l’Archipel des Bijagos, le groupe d’îles d’Orango abrite une mangrove bien conservée, en de nombreux endroits, haute et luxuriante. Le futur parc des îles d’Orango contient environ 170 km2 de mangrove.

57Au sud, le parc national de Cantahes contient également une importante surface de mangrove.

58En supplément des aires de mangrove protégées dans le cadre de parcs nationaux, la Planification Côtière a proposé dans sa première phase tout un réseau de réserves forestières, incluant des forêts de mangrove, qui sont destinées à une protection partielle. L’unique restriction d’utilisation de ces aires est qu’elles ne doivent pas être défrichées. En conséquence l’ouverture de nouveaux terrains rizicoles ne doit pas être tolérée, et les activités d’exploitation ne doivent pas conduire à la disparition de l’écosystème.

59Le choix de ces aires a été fait selon deux critères :

601- répartition d’aires protégées sur toute la côte et non seulement au nord dans le parc de Cacheu ;

612- exploitation de bolanha et pression d’ouverture de nouveaux terrains rizicoles réduits.

62Il est nécessaire d’étudier la viabilité et le bien-fondé du choix de ces sites face à la pression croissante des besoins en terrains rizicoles. Une grande partie des ensembles homogènes de mangrove de la zone côtière font partie soit d’un parc national, soit d’un réseau proposé de réserves forestières.

633- Une législation pour la conservation et la gestion rationnelle des mangroves de Guinée-Bissau est en élaboration.

644- Formation de l’EPEEC (Équipe Plurisectorielle d’Études d’Écosystèmes Côtiers).

PROPOSITIONS DE MISE EN VALEUR

65Les mangroves assurent un ensemble de fonctions essentielles, de la protection contre l’érosion jusqu’à la production de ressources halieutiques (en particulier les crevettes), tout en étant le milieu le plus systématiquement exploité par les populations côtières pour leur besoins alimentaires quotidiens. Avant que la pression sur les ressources de la mangrove ne devienne excessive, notamment en conséquence de la croissance démographique et de la disparition progressive des ressources de la partie continentale du pays, il importe de faire prendre conscience de sa valeur et de contribuer à l’élaboration d’instruments nécessaires à la conservation, dont :

  • Création du Parc National de Mangroves du rio Cacheu.
  • Proposition d’un plan d’aménagement et de gestion de la mangrove.
  • Élaboration d’un programme d’éducation, de vulgarisation et de formation.
  • Élaboration d’un programme de recherche appliquée et création d’un centre national d’études de la mangrove.
  • Élaboration d’une proposition de loi sur l’utilisation de la mangrove et de ses ressources.

CONCLUSIONS

66Pour finaliser, il est donc possible d’affirmer aujourd’hui que la préoccupation du développement durable est largement partagée en Guinée-Bissau. Même si cette préoccupation paraît encore opportuniste de la part du gouvernement, elle est au contraire tout à fait sincère de la part d’une élite intellectuelle, surtout au niveau des ONG’s (Organizaçoes nao governamentais), INEP (Instituto Nacional de Estudos e Pesquisas) et DHAS (Departamento Agricola Hidraulica e Solos)...

67On peut y voir pour une grande part l’influence de notre projet tout en reconnaissant que le contexte est aujourd’hui plus favorable qu’autrefois, suite au sommet de la terre de Rio et aux prises de position des agences internationales (encore trop souvent purement verbales), et grâce à l’appui « politique » qui nous est accordé directement par l’ambassade de Suisse à Dakar ou par la représentation de la DDA à Praia République du Cap Vert et justement par l’UICN en Guinée-Bissau. Il n’en reste pas moins vrai que la route à parcourir est encore longue avant de voir apparaître un changement en profondeur du modèle de développement suivi par la Guinée-Bissau.

Table des illustrations

Légende Fig. 1 : Schéma de la dégradation de la mangrove
URL http://books.openedition.org/irdeditions/docannexe/image/3887/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 113k

Auteur

Biologiste, Planification Côtière UICN/MDRA-DCFC-BISSAU

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Cette publication numérique est issue d’un traitement automatique par reconnaissance optique de caractères.
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