Chapitre 4
Les « vulnérabilisations en miroir » de professionnels du travail social d’un Programme de réussite éducative (2005-2017)
p. 117-140
Résumé
L’engagement entre une université et une ville est l’occasion depuis plusieurs années de faire travailler ensemble les professionnels d’un Programme de réussite éducative (PRE) et deux chercheures. Les observations montrent que l’accompagnement éducatif d’êtres humains vulnérables fragilise en miroir ces professionnels. Ceux-ci témoignent de ressources insuffisantes et de découragement face à certaines situations auxquelles ils sont exposés. Sept sources d’exposition sont identifiées. Mais la contribution analyse aussi la créativité professionnelle (apprentissage du travail en réseau, mutualisation des compétences, partage de savoirs…) et les ressources plus personnelles (valeurs, engagement…) qu’ils essayent de mobiliser.
Texte intégral
1Nous empruntons « vulnérabilisations en miroir » à Gaucher, Ribes et Ploton (2003).
1. Un cadre de travail entre des professionnels du PRE et deux chercheures
2Un engagement entre une université et une ville est l’occasion depuis plusieurs années de faire travailler ensemble les professionnels d’un Programme de réussite éducative (PRE) et deux chercheures du CIRNEF (Centre interdisciplinaire de recherche normand en éducation et formation). Dans quatre quartiers prioritaires classés en PRE, selon la loi de cohésion sociale de 2005 dite loi Borloo, des équipes pluridisciplinaires travaillent auprès d’enfants de 2 à 16 ans en relation avec leur famille. Elles comprennent des accompagnatrices PRE, des techniciennes de l’intervention sociale et familiale, des assistantes de service social, des éducatrices spécialisées, des personnels du Centre communal d’action sociale, une infirmière, une psychologue, une coordinatrice de Réseau d’éducation prioritaire de l’Éducation nationale, des agents de développement de centres socio-culturels de la Caisse d’allocations familiales, des responsables de centres aérés et de centres d’animation et des responsables d’associations. Ces équipes proposent à l’enfant un parcours personnalisé, qui peut conjuguer des actions dans le domaine des apprentissages, de la santé, des loisirs, du social et de l’accompagnement des parents.
3À l’origine de la coopération, on trouve une demande d’accompagnement et de formation des professionnels, formulée par la directrice et par la coordinatrice du PRE. Il s’agissait de répondre à leur difficulté à travailler avec des populations de plus en plus vulnérables en les aidant à analyser leur activité. Notre proposition a consisté à recueillir auprès des professionnels des récits de situation de travail qui sont devenues des données de terrain à partir desquelles nous avons pu préparer des journées de formation. Nous avons imaginé un dispositif de co-construction des contenus qui a stimulé la confrontation de nos réflexions et nous a permis d’apprendre à travailler ensemble. Chaque année, un thème de travail est choisi à partir des besoins exprimés par les professionnels. Des journées sont organisées sur site, couplées avec la journée scientifique annuelle sur l’enfance au quotidien organisée par le Centre interdisciplinaire normand de recherche en éducation et formation (CIRNEF). Cette journée annuelle a été repensée en intégrant les thématiques susceptibles d’intéresser les professionnels de la région. Elle réunit des chercheurs, des étudiants et des professionnels et bénévoles du territoire normand dans le domaine de l’éducation, du social, de la culture et de l’animation1. Deux autres journées ont également été mises en place dans le but de concevoir un outil d’évaluation qualitative des actions des professionnels auprès des familles.
4Ces journées sont donc l’occasion d’évoquer, d’une part, les transformations des métiers (les évolutions des publics et du contexte social, les évolutions des relations des professionnels avec les bénéficiaires, les procédures de travail mises en œuvre, les modalités de coopération avec les familles) et, d’autre part, les enjeux des collaborations interprofessionnelles dans le travail éducatif et social, les relations de travail en équipes ainsi que les modalités de coordination avec les partenaires institutionnels (Caisse d’allocations familiales, Conseil départemental, Centre communal d’action sociale, direction éducation, Conseil régional, Mission locale, association Habitat…). Cela permet une réflexion sur l’activité professionnelle en inventant des modalités participatives partant des besoins des professionnels et en sollicitant leurs témoignages. Au cours des journées, nous avions observé qu’ils insistaient surtout sur leurs échecs, c’est pourquoi la démarche de repérage et d’analyse de la réussite est devenue un fil rouge d’une journée à l’autre. À travers le suivi d’une famille identifiée comme ayant réussi, il s’agissait d’étudier les mécanismes de cette réussite et de découvrir les indicateurs subjectifs et objectifs de celle-ci et ainsi de favoriser la prise de conscience de leurs compétences.
5Au-delà des journées, nous avons eu l’autorisation d’assister à des réunions d’équipe PRE, organisées régulièrement dans chacun des quartiers classés. Nous avons pu ainsi à partir d’une prise de notes croisée des deux chercheures, mieux approcher les manières de travailler entre professionnels d’institutions et de cultures professionnelles différentes. Ce sont des extraits de ces récits et de ces notes qui sont mobilisés pour étayer notre propos.
6Au-delà d’une demande de formation, apparaissait une recherche de visibilité et de reconnaissance, sous-tendue par le ressenti d’un manque de considération. La volonté de collaboration nous est apparue comme une nécessité politique pour aborder des situations sensibles au niveau des politiques éducatives et sociales de la ville. Dès le départ, les objectifs déterminés avec les responsables du PRE se sont donc avérés divers : explorer les caractéristiques des populations accueillies, mieux comprendre les modes de fonctionnement des partenariats des professionnels, faciliter la réorganisation ou le réajustement de pratiques professionnelles. L’objectif recherché était de valoriser le dispositif pour renforcer la cohésion des équipes et lutter contre l’absence de reconnaissance du travail auprès « d’acteurs faibles », tels que les définit Payet, empruntant « faible » à Michel de Certeau (1980).
2. Problématique théorique et mode d’analyse des données
7Pour Nicolas Sirven, la vulnérabilité est le rapport entre exposition et capacité de réaction : « La capacité de réaction prend en compte les ressources qui peuvent être mobilisées et les stratégies qui peuvent être mises en œuvre pour limiter les dommages que causerait un aléa spécifique » (Sirven, 2007, p. 17). Selon Hélène Thomas (2013), la vulnérabilité est la zone par laquelle une blessure peut arriver, celle de la fêlure d’une part (cette zone sensible d’exposition à la blessure), et la blessure d’autre part (qui concrétisera la vulnérabilité). Marc-Henry Soulet désigne lui aussi la vulnérabilité comme « une potentialité à être blessé » (Soulet, 2014). La notion ne concerne plus seulement des considérations quantitatives économiques de seuil de pauvreté, mais permet de penser la vulnérabilité comme processus de fragilisation. C’est un temps de bascule entre mobilisation sociale et incapacité de réaction, entre risques et sentiment de désenchantement ou d’indignité. Pour ces auteurs, chacun de nous serait potentiellement vulnérable à un moment de sa vie ou dans certaines conditions ; cependant, certaines populations sont plus exposées que d’autres, moins disposées et moins en capacité de réagir. La notion de vulnérabilité permettrait alors d’examiner plus globalement d’un point de vue politique, les conditions d’une société plus équitable, plus « équilibrée », plus démocratique, tant au niveau des publics que des professionnels qui les accompagnent (Garrau, 2018).
8Le bilan du PRE entre 2005 et 2015, que nous avons effectué avec sa coordonnatrice à partir des bilans annuels, des fiches de suivi des enfants et des témoignages des professionnels, a fait apparaître trois grandes évolutions qui traduisent les transformations des problématiques d’accompagnement éducatif et d’intervention sociale :
- a. De l’accompagnement à la scolarité à un accompagnement éducatif global ;
- b. D’actions sur l’enfant dans sa famille à des actions de responsabilités partagées avec les parents ;
- c. De situations fragiles avec une ou deux difficultés à des « situations de survie » avec cumul de difficultés.
9Nous avons essayé, à la suite d’Axelle Brodiez-Dolino, de penser la vulnérabilité dans sa dimension diachronique, comme processus, et dans sa dimension synchronique, pluricausale et multifactorielle : « À l’image du mille-feuille, l’individu porte en lui une succession de couches diverses, dont il convient d’analyser la nature autant que le mode de superposition. Et ce, pour démêler les processus par lesquels les vulnérabilités s’enchaînent l’une l’autre, en meurtrissant les plus touchés » (Brodiez-Dolino, 2014). Le bilan fait également état d’une démultiplication des familles monoparentales (le plus souvent des femmes seules avec plusieurs enfants, sans emploi ou avec des emplois très précaires), de l’arrivée de publics issus de l’immigration avec des besoins très variables en fonction du pays d’origine et du parcours de vie. Pour autant, si la vulnérabilité est devenue une catégorie des politiques publiques (Brodiez-Dolino, 2015), la notion elle-même n’est pas utilisée par les professionnels. Quand ils parlent des populations avec lesquelles ils travaillent, ils emploient les termes de « désenchantement », de « déclassement », de « décrochage », de « déscolarisation », de « précarité », de « dépression », de « perte de repères », de « désocialisation », « d’exposition à la crise ».
10Nous avons observé que cet accompagnement éducatif de personnes vulnérables fragilise en miroir les professionnels :
« Les enjeux lourds et contraignants de l’accompagnement des personnes infiltrent cette rencontre humaine et généreuse, au point de l’invalider et, pour le moins, de la rendre difficile et très douloureuse […]. Les fragilités réciproques peuvent être vécues en miroir et contribuer à provoquer des souffrances, mais aussi des complicités apaisantes et réductrices d’angoisse » (Gaucher, Ribes et Ploton, 2003, p. 148).
11Les professionnels témoignent de ressources insuffisantes face à certaines situations, par exemple, dans le cas de familles cumulant logement insalubre, troubles psychiques de la mère, handicap d’un des enfants et apprentissages difficiles pour les autres… Ils évoquent leur découragement parfois, parce que les parcours complexes de suivi s’inscrivent dans des temporalités trop courtes. Cependant, ils rendent compte d’un réel engagement, se sentant investis d’une mission d’aide générant parfois de la culpabilité. Du fait de la conscience que « l’intensité de la vulnérabilité ne dépend pas uniquement d’un état physiologique ou physique ; elle est aussi fonction d’une position relationnelle et sociale, et, plus particulièrement, de la manière dont nos besoins sont pris en charge par les autres » (Tronto, cité par Garrau, 2018, p. 69). Par ailleurs, la nécessité d’apprendre à travailler en réseaux, à échanger sur des approches complémentaires et à mutualiser des compétences, est apparue indispensable aux équipes de réussite éducative. La diversification des partenaires constitue la richesse du PRE, mais en complique également le travail : elle donne lieu à des confrontations d’identités professionnelles et engendre négociations et partage de savoirs. Par exemple, les accompagnatrices du PRE déclarent davantage solliciter par téléphone des informations auprès des autres partenaires intervenant avec les enfants ou les familles : orthophonistes, infirmières scolaires, associations, organismes publics. Elles ressentent le besoin de provoquer et de participer à des réunions de concertation en équipes éducatives dans chaque quartier, au cours desquelles chaque situation est analysée de manière croisée.
12La contribution vise donc à mieux cerner comment les mutations sociales et la complexification du travail avec des personnes vulnérables fragilisent en miroir les professionnels du PRE, mais les amènent aussi à trouver des ressources pour surmonter les épreuves. Robert Castel relie la notion de vulnérabilité versus vulnérabilisation à celle de désaffiliation, moins piégée, pour lui, que celle d’exclusion : « La notion de désaffiliation désigne une vulnérabilité créée par la dégradation des relations de travail et des protections qui y étaient attachées […]. On a affaire à un processus, une “vulnérabilisation” ou une “marginalisation” » (Castel, 2009). Ce processus de « vulnérabilisation en miroir » traduit bien les sentiments d’isolement, d’invisibilité et de non-reconnaissance exprimés par les professionnels pour eux-mêmes. Les analyses développées le sont à partir du postulat de Nicolas Sirven selon lequel : la vulnérabilité est le rapport entre l’exposition à une situation et la capacité de réaction des professionnels exposés à un contexte et des conditions de travail de plus en plus difficiles qui fragilisent leur capacité de réaction. C’est précisément dans ce décalage entre exposition et capacité de réaction, quand les dispositions et les ressources ne permettent pas ou plus de surmonter les risques de l’exposition, que les épreuves commencent, mais aussi qu’apparaissent inventivité, détournement, solidarité dans les solutions.
13Nous déplierons ici chacune des sept situations d’exposition identifiées : le passage de la précarité au précariat, les nouvelles temporalités professionnelles, la difficulté à faire face à l’incertitude de la proposition d’intervention sociale, la multiplication des prises en charge cloisonnées, le manque de formation, le sentiment de mal travailler, l’insuffisante reconnaissance. Pour chacune, il s’agira à la fois d’analyser les difficultés d’action des professionnels, mais aussi d’identifier leur créativité et les ressources mobilisées combinant empathie et rapport d’engagement personnel, culture professionnelle ou associative de la solidarité et formation au travail en équipe.
3. Le passage de la précarité au précariat
14Nous avons évoqué le bilan qui faisait état du passage de situations de vie fragiles avec une ou deux difficultés à des « situations de survie », avec cumul de difficultés. Robert Castel explique que « la précarité actuelle des publics ne peut plus être conçue seulement comme une situation provisoire dont on sort en général. […] Ce phénomène nouveau qui ne l’est pas complètement est une sorte d’installation dans la vulnérabilité » (Castel, 2009, p. 24). Les récits des professionnels des EPRE2 évoquent des propos de personnes qui expriment des sentiments d’abandon, le manque de perspective. Ils expliquent que les situations se dégradent parce que des familles ne parviennent plus à se projeter dans un avenir, même proche. Cette logique de survie est souvent difficilement compatible avec le temps des rendez-vous, des projets, des responsabilités et de l’éducation qui nécessitent la capacité à anticiper, à organiser le temps. Or les familles doivent montrer qu’elles sont responsables, notamment dans l’arbitrage des orientations de leurs enfants, ou qu’elles n’oublient pas les rendez-vous médicaux ou scolaires. Ils témoignent :
« La réalité matérielle de ces derniers mois nous a obligés à gérer plus de situations en urgence. Il y a dégradation. On observe des comportements de survie. »
« Les familles ont des difficultés pour anticiper les faits auxquels elles doivent faire face. De ce fait, elles agissent fréquemment dans l’urgence. »
« Nous sommes face à des situations plus détériorées. »
« J’ai pu noter également la nécessité d’un nombre d’accompagnements individuels plus conséquent en raison d’une précarité grandissante. »
« Le public est de plus en plus jeune et précarisé. »
« Les familles sont de plus en plus nombreuses et de plus en plus jeunes. »
« J’observe moins de suivi scolaire, un désengagement des soins des enfants, peu d’éveil et d’épanouissement. »
« On observe des manifestations d’évitement, de laisser-faire ; il s’agit de ne pas voir, d’attendre jusqu’à ce que la situation à la maison explose. »
« Les parents sont peu apaisés. »
« Les familles ont un sentiment de solitude face à leurs difficultés. »
15Comment faire face sans se résigner à un processus de vulnérabilisation qui semble inéluctable pour certains publics, à une pérennisation de la précarité ? Comment faire évoluer l’accompagnement quand « les frontières se brouillent entre travail et assistance » (Castel, 2009, p. 25). Dans leur capacité à agir, les professionnels déclarent se trouver parfois totalement submergés ou développer un excès d’empathie qui déborde sur tous leurs temps de vie de travailleur social. Ils tentent malgré tout de faire des propositions :
« Les familles ont de multiples besoins : démarches administratives, troc de vêtements, orientation professionnelle, accès aux soins… Il faut tout considérer. »
« Les familles demandent à être écoutées, non jugées et trouvent des solutions parfois modestes. »
« [Par rapport aux populations jeunes], l’idéal, ce serait un système de “dérogation” pour que l’accompagnement d’un jeune sur le long terme puisse parfois se poursuivre quand il atteint l’âge limite de la tranche d’âge 2-16 ans. »
« Il faudrait augmenter la cible pour les 16-18 ans, pour les enfants en décrochage scolaire, cela pourrait leur permettre de renouer avec une réussite ou, du moins, avec une ouverture dans un domaine culturel ou sportif. Cela pourrait permettre de regagner la confiance perdue. »
4. Les nouvelles temporalités : le poids de l’urgence
16Les tâches demandées aux professionnels dans le cadre du PRE sont de prévenir la vulnérabilité, alors qu’aujourd’hui ceux-ci expliquent que leur principale activité professionnelle est de gérer l’urgence sociale. Sirven indique que « l’anticipation de la pauvreté à partir de la vulnérabilité n’est pas aisée du fait de l’aspect multiforme et multidimensionnel, mais surtout de la difficulté d’évaluer les différents dommages » (Sirven, 2007, p. 17). Nous avons évoqué cet aspect multi-causal des situations rencontrées. Les professionnels expliquent que les temporalités se sont accélérées, entraînant une transformation de leurs prises en charge sur des temps de plus en plus courts et une insatisfaction professionnelle liée à l’injonction d’efficacité ou de rentabilité des dispositifs. Leurs témoignages soulignent des tensions entre l’intervention dans l’urgence et/ou la construction de la confiance dans la longue durée :
« La réalité matérielle de ces derniers mois nous a obligés à gérer plus de situations en urgence. »
« Le travail de fond devrait être la règle. Je n’avais jamais mené un tel travail d’urgence avec le PRE. Par son cadre et son fonctionnement, le PRE devrait amener à une démarche d’élaboration, de réflexion et d’anticipation avec la famille. »
« Les effets positifs du travail dans la durée, c’est que la famille bénéficie d’un accompagnement global autour de la réussite éducative de son ou ses enfants. Tous les aspects peuvent être abordés, des questions matérielles aux problèmes éducatifs ou psychologiques, avec réponse ou orientation en fonction des besoins. »
17Si tout devient urgence sociale et qu’il n’y a plus de moyens d’intervenir en fonction de réelles priorités, alors tout s’inscrit dans une temporalité d’intervention d’immédiateté et d’accélération. L’action à moyen ou à long terme, la prévention, l’accompagnement, la dimension éducative, constitutifs de l’identité professionnelle des travailleurs sociaux sont relégués au second plan, parce que moins prioritaires ou produisant une surcharge de travail. Une des ressources des professionnels est de travailler en réseaux afin de mieux s’emparer ensemble, au niveau d’une responsabilité collective, de ces « paradoxes de l’urgence sociale » (Vidal-Naquet, 2005). Au niveau des temporalités, beaucoup de professionnels « essayent que le temps imparti au travail d’urgence et au travail de fond soit équilibré. ». Ils parient alors sur la proximité et la réactivité :
« Certaines familles ont besoin de proximité et de réactivité. »
« Les familles ont besoin de soulagement de difficultés immédiates (garde, prise de RDV…) »
« La démarche à domicile est importante ; aller vers eux, sur leur territoire. »
18La réactivité3 moyenne est pour eux de 16,3 jours (incluant juillet et août, mois au cours desquels il n’y a pas de réunion des équipes pluridisciplinaires) ; la moyenne nationale est de 19 jours4. Mais dans le même temps, ils parient sur une continuité qui facilite la compréhension des problématiques sur la durée, le partage d’outils, et l’apprentissage d’une démarche de travail commune et complémentaire :
« Nos relations avec les parents se sont construites dans la continuité, ce qui nous permet aujourd’hui d’avoir une bonne connaissance globale des familles. »
« Des projets à long terme sont nécessaires avec les enfants pour les impliquer davantage et les sensibiliser à certaines actions. Il faut accueillir les enfants dans la continuité. »
5. Le désenchantement des familles face à l’incertitude de la proposition d’intervention sociale
19La relation du professionnel de l’intervention sociale avec la personne concernée est de plus en plus difficile pour les deux parties. Les professionnels du PRE témoignent d’actions proposées, d’encouragements à entrer dans des dispositifs de formation ou d’accompagnement éducatif qui ne peuvent être suivis d’effets au niveau d’une insertion professionnelle ou d’une remobilisation d’études ou encore d’une formation. La réparation semble souvent compliquée ou impossible. Castel donne l’exemple : « Remettre quelqu’un à niveau pour qu’il soit capable de travailler est une réussite. Mais que faire si la personne ne trouve pas de travail ? » […] « À quoi sert un travail d’insertion s’il ne débouche pas sur l’insertion professionnelle ? » (Castel, 2009, p. 25). Les professionnels du PRE évoquent des questions politiques :
« Comment sortir du dispositif quand il n’y a pas de relais de même nature dans le droit commun ou dans l’insertion professionnelle ? »
« Le dispositif d’aide est victime de son succès, toutes les demandes ne peuvent pas être satisfaites, il faut faire des choix… prioriser ; mais quels choix ? »
20De plus, la proposition d’un travail d’insertion, de formation ou d’accompagnement du travailleur social peut nécessiter des temps longs, alors que les familles espèrent une résolution au plus vite de leur difficulté :
« Les effets sont positifs si on propose un accompagnement adapté aux difficultés rencontrées, si on permet de lever des freins financiers qui parasitent souvent toutes les sphères de la vie personnelle et familiale, si on oriente vers des professionnels adaptés en fonction des problématiques identifiées. »
21Comment travailler dans cette incertitude ? Jusqu’où prendre des risques, d’autant qu’au niveau des ressources pour agir et réagir, de plus en plus souvent, le professionnel a peu de solutions à proposer. Une préconisation du ministère consiste à anticiper, se rapprocher jusqu’à faire participer les personnes aux dispositifs transitoires qui les concernent, parce que « l’intervention sociale n’est plus seulement un système de protection collective » (Castel, 2009, p. 27). Les professionnels essayent autant que faire se peut de tenir cette double logique, en constituant le réseau d’accompagnement éducatif global le plus pertinent pour travailler avec les familles et non les assister ou faire à leur place :
« Le PRE permet de définir avec la famille des objectifs communs et d’identifier ensemble la démarche et les moyens pour répondre à une problématique identifiée. En parallèle, l’objet est également d’inscrire la famille dans le cadre d’un réseau social et professionnel plus élargi. » Alors certes il s’agit de « saisir les difficultés des familles et d’y répondre en étant au plus près des besoins exprimés, mais il faut être attentif à ne pas trop multiplier les intervenants, ce qui pourrait avoir un effet contre-productif pour les familles ».
22Pour les professionnels, la bienveillance éducative consiste à reconnaître le rôle et la réelle compétence éducative des parents sans les mettre en cause :
« Parce qu’ils transmettent l’intelligence de la vie. »
« Au fil du temps, l’implication des parents a évolué. En effet, au sein du centre de loisirs, les familles ont la possibilité de participer à la vie du centre avec leurs enfants. Face à cette forte implication des familles, un nouveau conseil d’administration a été constitué en grande partie de parents. Par conséquent, notre méthode de travail a évolué et l’équipe pédagogique considère les parents comme des partenaires. »
6. La multiplication des prises en charge cloisonnées face à l’approche globale du PRE
23Il convient désormais de faire travailler ensemble des professionnels avec des cultures, des statuts, des formations professionnelles différentes. Certaines institutions s’estiment plus légitimes et imposent leur intervention comme prioritaire, d’autres se retranchent derrière le secret professionnel et empêchent les partages d’informations. Comment essayer de rendre claires, cohérentes, convergentes et non-concurrentielles les diverses propositions bénéfiques pour les populations accompagnées ?
24Malgré ces difficultés, dans une approche globale, des complémentarités apparaissent entre les institutions. Par exemple, après quelques années d’expérience commune, l’Éducation nationale, par l’entremise des Réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté notamment, sollicite le PRE sur des questions éducatives (soutien à la fonction parentale, ouverture culturelle, accès aux loisirs, médiation scolaire, orthophonie…) De son côté, le PRE sollicite la Caisse d’allocations familiales, le Centre communal d’action sociale, la Protection maternelle et infantile, la Protection judiciaire de la jeunesse, les associations… sur des questions d’accès aux droits, de problèmes administratifs et financiers, d’accès aux soins, de santé mentale. C’est là un des effets de la vulnérabilité que d’avoir fait se rapprocher, voire se confondre, des domaines d’intervention séparés. Castel explique que « le problème du travail social est, à la limite, de ne pas rester dans le social » (Castel, 2009, p. 26). Les professionnels le comprennent de mieux en mieux et même cela s’impose à eux. Ils témoignent de l’intérêt de la mutualisation des compétences des acteurs et de la nécessité d’articuler les différentes actions, de travailler ensemble sur des solutions plus adaptées, d’avoir un souci permanent de croisement de regards et d’analyses avec leurs collègues :
« Il nous faut fédérer les énergies auprès des enfants présentant des signes de fragilité. »
« Travailler ensemble sur des solutions peut-être plus adaptées à leur enfant a plus de sens. »
« Le travail en réseau permet de mieux aider les familles. »
« Un partenariat est également mis en place avec les écoles du quartier. »
25Ils engagent une veille éducative globale, concertée et partagée :
« Nous avons la chance d’avoir plusieurs leviers pour approcher les familles et les accompagner : loisirs, vacances, culture, remobilisation vers l’emploi… »
« Les regards croisés des équipes tendent toujours vers l’articulation des différents versants ; les équipes essayent d’être bienveillantes quant à la cohérence des différents champs… La présence de la psychologue est pertinente, ses compétences apportent une grande richesse professionnelle. »
7. Le manque ou le désajustement des formations
26Les obstacles dans le développement de nos journées de formation renforcent la vulnérabilisation des professionnels. Les professionnels du PRE semblent de plus en plus fragilisés, culpabilisés, démotivés par empêchement de participer aux formations, « pour des raisons de service ». De nouvelles contraintes sont apparues aujourd’hui, liées à une dégradation très rapide, en moins de 5 ans, des conditions de travail. Les professionnels peuvent ainsi au dernier moment ne pas être autorisés à participer à la journée de formation sur site ou à la journée d’études à l’université (environ 80 professionnels présents en 2012-2013/quasiment autant d’inscrits, mais moins de 30 présents en 2017). Les journées de formation sur site s’appauvrissent et le découragement gagne. Et pourtant les témoignages des professionnels soulignent les difficultés pour décoder les implicites de l’organisation : manque d’informations ou sources contradictoires, multiples interlocuteurs, multiples dossiers, informatisation des demandes, absence d’accompagnement, méconnaissance des droits… Il est aussi question de comprendre l’émergence de problématiques sociales nouvelles sur/pour lesquelles le professionnel n’est pas formé. Ainsi, par exemple, la prise en charge pour un projet d’accompagnement éducatif de familles en Obligation de quitter le territoire français (OQTF) parce que considérées comme n’étant plus en danger dans leur pays. Là encore comment appréhender la tension entre le développement d’un projet de vie et la résolution d’une situation de survie ?
27Les conditions de travail qui se dégradent empêchent les professionnels de partir en formation, mais elles provoquent aussi des initiatives et des réactions de la part des professionnels pour faire face à l’émergence des nouvelles problématiques sociales. Ils inventent des modes de coopération qui pourront peut-être constituer pour eux des modes de protection, des ressources pour s’entraider, pour se sentir moins déstabilisés, pour mieux comprendre comment s’adapter aux mutations. Les relations avec leur institution se tendent : se constituer un réseau d’échanges entre partenaires semble alors être rassurant. Cela joue un rôle de formation pour mieux analyser des situations qui se complexifient et cela permet de mettre en œuvre collectivement des mesures d’accompagnement.
8. Souffrance morale et dissonance émotionnelle
28Cette « dissonance émotionnelle » (Soares, 2003) est provoquée par la tension entre d’un côté l’injonction d’efficacité professionnelle, de rentabilité des parcours, d’évaluation quantitative avec les nouveaux logiciels comptables et, d’un autre côté, le travail d’accompagnement de proximité des personnes basé sur la préséance de l’accueil, telle que la définit Érik Prairat (2012) : hospitalité (accueillir et partager avec l’Autre), sollicitude (prendre soin de la relation à l’Autre), créer et entretenir une relation de confiance que j’accorde et que l’on m’accorde. C’est ce travail d’accompagnement de proximité que les professionnels évaluent qualitativement et pour lequel ils estiment recevoir peu de reconnaissance. Selon Corinne Saint-Martin, « les professionnels du travail social sont aujourd’hui confrontés à des transformations de leurs conditions d’exercice qui sont imputables non seulement à l’évolution de la situation des publics, en lien avec la crise sociale et économique, mais également à une transformation profonde des organisations du travail et de leurs modes de management, se développant au sein même du secteur médico-social et social. L’injonction à la performance qui accompagne ces évolutions interroge, dans les enjeux sociaux et politiques qui la portent, […] la définition professionnelle du travailleur social » (Saint Martin, 2012, p. 97). Or les professionnels avec lesquels nous travaillons font état d’un réel engagement dans l’action, d’une grande proximité vis-à-vis de la personne vulnérable. C’est la marque de ces métiers de la relation, mais cela est aussi plus largement imposé par le contexte d’urgence sociale dans lequel les travailleurs sociaux sont amenés à improviser et à inventer.
29La tension est bien présente entre « des référentiels gestionnaires de l’organisation mis en place par les institutions » (Saint Martin, 2012, p. 99) qui ne reconnaissent pas ou peu l’aspect qualitatif des savoir-faire des travailleurs sociaux dans ces métiers de la relation. Nous observons, au niveau du PRE, que les institutions ont une faible connaissance du terrain, qu’elles méconnaissent les problématiques spécifiques des différents territoires et des quartiers et, par conséquent, qu’elles ont tendance à standardiser leurs décisions. De leur côté, les professionnels essaient de tenir ensemble le travail de (re)création de lien social, d’écoute et d’aide, par eux « considérées comme efficaces, car permettant de donner de la ressource sociale à des personnes fortement fragilisées » (Saint Martin, 2012, p. 98), et les contraintes imposées par une « exécution des directives, à partir d’une rationalité procédurale » (Saint Martin, 2012, p. 98) : au niveau du PRE, cela se traduit, par exemple, par le renseignement d’un logiciel quantitatif national de traitements de données. Les professionnels parient sur la confiance difficilement quantifiable :
« Il n’y a pas d’obligation à venir nous rencontrer, donc les familles sont d’abord réservées, puis, quand elles sont en confiance, elles acceptent les accompagnements ou orientations vers l’extérieur plus facilement. »
« Mes relations avec les familles n’ont pas changé, si ce n’est qu’après plus de quatre ans de présence sur le quartier, j’ai une lecture plus fine des situations. Une relation de confiance s’est instaurée et permet de faciliter l’échange autour des difficultés. »
30Il faut cependant envisager que la dissonance émotionnelle puisse se travailler. Hochschild a défini la maîtrise des émotions comme un « travail émotionnel », c’est-à-dire « la compréhension, l’évaluation et la gestion de ses propres émotions, ainsi que des émotions d’autrui » (Hochschild, 1983 et 1993, cité par Soares, 2003). Dans le cadre des réunions d’équipes éducatives de quartier, nous avons observé l’accompagnement des professionnels du PRE par une psychologue qui les aide à réguler leur implication en les amenant à analyser l’expression verbale et non-verbale de leurs émotions dans le cadre de leur activité.
9. Le manque de reconnaissance
31Les professionnels ont besoin de reconnaissance. Axel Honneth « envisage la vulnérabilité comme une capacité fondamentale à être blessé, induite par le déni de reconnaissance. Selon lui, la reconnaissance conditionne la viabilité de l’existence sociale des individus, dont l’identité est constituée par les relations avec les autres » (Honneth, cité par Sang Ong-Van-Cung, 2013, p. 39). L’invisibilité des publics qu’ils accompagnent semble contaminer publiquement les professionnels du PRE. Ils expriment le besoin de se sentir soutenus auprès de leurs hiérarchies. Ils ne comprennent pas pourquoi ils doivent régulièrement faire leurs preuves, défendre la pertinence de leur activité d’accompagnement, justifier leurs interventions, argumenter sur le bien-fondé des interventions longues. À cet égard, Castel explique que des professionnels deviennent à leur tour vulnérables, parce que « leur puissance d’agir est mise au défi » (Castel, 2009, p. 140). Sang Ong-Van-Cung développe ce point en précisant que « les individus séparés de leur puissance d’agir tombent dans l’isolement, dans la tristesse et la résignation » (Sang Ong-Van-Cung, 2013, p. 54). Cette invisibilité couplée au fait d’être soumis à une remise en question de leur légitimité professionnelle déstabilise les identités professionnelles. Elle provoque du repli sur soi, un sentiment de mépris, une perte de confiance, de la résignation. Comme l’explique Sang Ong-Van-Cung, l’insuffisance, voire l’absence de reconnaissance, fragilise le rapport à soi, d’autant que les professionnels ont souvent le sentiment que leur responsabilité individuelle est engagée :
« L’attitude que le sujet entretient à l’égard de soi émerge socialement dans la rencontre avec l’attitude des autres à son égard. La confiance en soi, le respect de soi et l’estime de soi ne sont ni des croyances ni des états émotionnels, mais des propriétés émergentes qui sont parties prenantes du procès dynamique, dans lequel les individus sont amenés à faire l’expérience d’eux-mêmes socialement, comme susceptibles de sollicitude, comme des agents responsables et comme solidaires de projets communs. Le rapport à soi est produit et est conditionné socialement » (Sang Ong-Van-Cung, 2010, p. 124).
32Que se passe-t-il quand la sphère de reconnaissance du/par le travail ne reconnaît peu ou pas leur contribution à la société5 ? Fragilisée et ayant le sentiment d’avoir été « ignorée », une coordinatrice du PRE a démissionné en 2015, et deux accompagnatrices, piliers du PRE depuis de nombreuses années, ont également démissionné en janvier 2019.
33À défaut de la reconnaissance de leurs hiérarchies, les professionnels déclarent être sensibles à la reconnaissance de leurs pairs et des personnes qu’ils accompagnent (quand celles-ci s’expriment) et la rechercher. Partager les situations au cours des équipes de réussite éducative, échanger, avoir une parole entendue, pouvoir proposer à moindre risque une intervention à ses pairs semble permettre de « compenser » une difficile reconnaissance par l’institution. La psychologue qui régule les temps de travail en équipe joue un rôle apaisant en repérant les petits signes positifs de reconnaissance que les professionnels ne parviennent plus à identifier. Et puis, apprendre à travailler sur des situations réussies, apprendre à accueillir des remerciements de la part des publics vulnérables et les considérer comme des encouragements à agir peut redonner confiance en soi. Une autre piste de reconnaissance dont témoignent les professionnels dans leur activité est l’importance du travail avec une équipe stable qui rendrait possible une meilleure interconnaissance et la construction d’une confiance réciproque. S’interpeller entre professionnels sur des situations sensibles deviendrait plus aisé et moins culpabilisant et la stabilité pourrait alors être garante d’une efficacité collective des équipes :
« L’équipe pluridisciplinaire du PRE a trouvé une stabilité qui est très appréciable : elle facilite la compréhension des problématiques sur la durée, le partage d’outils et une démarche de travail commune et complémentaire. »
« La stabilité existe ; la stabilité est garante de l’efficacité des équipes de professionnels. »
« L’équipe est relativement stable. C’est un avantage, puisqu’un travail en équipe de bonne qualité implique que les professionnels se connaissent, se fassent confiance et situent bien les champs d’intervention des uns et des autres. »
« La question de la stabilité des équipes est essentielle. Elle permet de travailler dans un climat de confiance réciproque et de pouvoir s’interpeller par la suite entre professionnels sur des situations qui nous questionnent. »
« La stabilité de l’équipe est très importante, elle permet une bonne connaissance des besoins du quartier et des familles. »
10. Conclusion : de l’inventivité et de la créativité professionnelle
34Si les professionnels sont largement vulnérabilisés par le sentiment d’être empêchés d’agir ou d’être contraints dans leur activité professionnelle, ils développent cependant d’autres moyens d’intervention. Ainsi, nous avons observé des initiatives et des réactions de la part des professionnels qui présagent de nouvelles formes d’engagements. En leur proposant de travailler sur leurs actions professionnelles réussies, nous leur avons permis d’identifier une inventivité et des ajustements professionnels dont ils ne mesuraient pas la valeur. Nous les avons autorisés, en tant que chercheuses, à valoriser la manière dont ils font face. Nous avons favorisé à partir des récits d’expérience et des analyses de pratiques, le partage d’actions réussies et le débat sur leur travail au quotidien. Les temps de formation ou les journées d’études ont également été des occasions de vivre ensemble en interprofessionnalité avec moins de sentiment d’isolement, d’invisibilité ou de menace. Nous avons quant à nous été en contact avec ce que Florent Champy (2012) dénomme des « pratiques professionnelles prudentielles », c’est-à-dire les activités où complexité et singularité s’additionnent avec pour conséquence l’irréductible incertitude des résultats du travail professionnel. Des savoirs partageables restent encore à construire pour que les professionnels apprennent à mieux agir ensemble et des chantiers de réflexion, fruits des échanges lors des différentes journées, restent à ouvrir afin d’aborder des problématiques vives. À court terme : la régulation des entrées dans le PRE ; l’évaluation qualitative des parcours mis en place ; le repérage plus fin et les évolutions des besoins pour permettre la mise en place d’actions collectives plus adaptées. À moyen terme : l’amélioration des outils de travail quotidien (information, partage, régulation…) de l’équipe du PRE ; la priorisation et la simplification des documents à produire pour d’éventuels financements de l’État. À plus long terme : le développement de temps d’analyse réflexive de pratiques des professionnels des EPRE à propos de la cohérence éducative ; le travail des articulations du PRE avec le droit commun ; la complémentarité des compétences du PRE et de l’Éducation nationale. Champy souligne combien la formation a un rôle à jouer en formant des professionnels en mesure de faire face aux contextes de travail dans lesquels ils interviennent, c’est-à-dire à se sentir armés face au monde bureaucratisé et aux valeurs auxquels ils seront confrontés dans leur travail au quotidien. Mais pour que la dimension prudentielle du travail soit préservée, il précise également qu’il faut former ces professionnels à être attentifs à la singularité de leur objet de travail (Champy, 2014).
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Notes de bas de page
1 En 2012, le premier thème a initié une réflexion sur comment faire « avec » les familles et non « à la place » de celles-ci. En 2013, les journées ont porté sur les transformations de la vulnérabilité et de la précarité. En 2014, ont été abordées les manières de travailler avec des familles originaires d’autres cultures et les questions d’altérité qui en découlent. En 2015, le choix s’est porté sur le thème de l’enfant en situation d’urgence, les représentations et l’évaluation de l’urgence sociale. En 2016, le travail a porté sur la nature et la durée des parcours d’accompagnement des projets de vie des familles et de leurs enfants, la coopération et le partage des responsabilités entre familles et institutions. En 2017, il a été question des interventions socio-éducatives face à la montée de nouvelles formes de précarité. En 2018, le thème retenu a porté sur les conditions d’une continuité éducative réussie. En 2019, l’actualité a amené à retenir la problématique des expériences migratoires des enfants et des jeunes.
2 Statut des professionnels enquêtés : coordonnateur réseau de réussite scolaire - Éducation nationale ; agent de développement social - centre socioculturel, CAF ; éducateur Conseil départemental ; directeur maison de quartier ; assistant de service social au Conseil départemental ; psychologue du travail ; accompagnatrices du PRE ; techniciennes de l’intervention sociale et familiale.
3 La réactivité est le nombre de jours qui s’écoulent entre la date d’entrée dans le dispositif (fiche de liaison signée par la famille) et le premier examen de la demande par l’équipe pluridisciplinaire de quartier.
4 Source : enquête PRE 2013-Agence indépendante Acsé/trajectoires.
5 Honneth distingue « trois sphères de reconnaissance : l’amour, où sont confirmés nos besoins affectifs fondamentaux ; le droit, où est reconnue la valeur égale des personnes ; et le travail, où se trouve reconnue notre contribution à la société » (Honneth, cité par Sang Ong-Van-Cung, 2010).
Auteur
Maîtresse de conférences en sciences de l’éducation à l’université de Caen Normandie, chercheure au Centre interdisciplinaire de recherche normand en éducation et en formation (CIRNEF, EA 7454)

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