1Les importants changements survenus au cours du XX^e siècle en termes de scolarisation (Galland, 1995), d’accès à l’emploi pour les femmes, et de maîtrise de la fécondité (de Guibert-Lantoine et Leridon, 1998 ; Leridon et al., 2002) ont impliqué de profonds bouleversements dans le processus d’entrée dans l’âge adulte (Galland, 1995, 2000).

2Au fil des générations, l’âge de fin des études a fortement augmenté. Cet allongement de la durée des études s’est accompagné d’une hausse de la part des femmes les plus diplômées, qui ont moins d’enfants en moyenne que les peu diplômées (Daguet, 2000) et d’une augmentation de l’activité féminine. Les évolutions au fil des générations sont toutefois contrastées. Notamment, l’augmentation de l’âge de fin des études ne s’est accompagnée d’un recul de l’âge à la première maternité qu’à partir des générations nées après 1940 : ce recul n’est donc pas une conséquence directe de l’allongement des études. L’âge au premier enfant a en effet peu évolué sur une période longue (Daguet, 2002), cachant deux mouvements principaux : un mouvement de retard de l’âge au premier enfant (Prioux, 2001) qui s’est effectué des générations nées après le baby-boom jusqu’aux générations les plus récentes, et ce de manière d’autant plus précoce que les femmes étaient plus diplômées (Daguet, 2000) ; ce mouvement a succédé à un mouvement de rajeunissement pour les générations plus anciennes. Le nombre d’enfants a quant à lui diminué et le modèle à deux enfants s’est largement diffusé au sein de la population, quel que soit le niveau d’études. Derrière ce processus général se cachent des disparités : l’arrivée du premier enfant se fait à des âges différents selon l’âge à la sortie du système éducatif, mais un nouveau comportement s’est généralisé aujourd’hui : une période de vie à deux avant l’arrivée du premier enfant, quel que soit l’âge de fin des études.

3Ces évolutions conduisent à s’interroger sur le lien entre niveau d’études et nombre d’enfants mis au monde. Quitter le système éducatif à un âge plus avancé pourrait réduire la période de vie féconde (appréciée ici comme la période de vie en couple avant l’âge de 45 ans pour les femmes et de 47 ans pour les hommes), si les premières unions se forment plus tardivement.

4L’objectif de l’article est de mettre en évidence des différences en termes de calendrier de constitution des familles pour les femmes et les hommes selon l’âge de fin des études et les générations, et d’intensité de la conjugalité et de la fécondité, afin de mieux comprendre l’évolution de la fécondité au fil des générations et les écarts observés en termes de descendance finale selon l’âge à la sortie du système éducatif.

5Le principe retenu est de décomposer les années vécues avant l’âge de 45 ans pour les femmes et de 47 ans pour les hommes (âge limite retenu pour la fécondité) entre différentes étapes, concernant l’arrivée des enfants, mais également la vie conjugale, peu de naissances ayant lieu sans union. L’accent est mis sur les différences de calendriers et d’intensités concernant les mises en couple et l’arrivée des enfants selon l’âge à la sortie du système éducatif au fil des générations, entre les générations nées au début du siècle et celles nées dans les années 1970. Les données de l’enquête « Étude de l’Histoire familiale » de 1999 réalisée par l’Insee et l’Ined permettent pour la première fois de retracer ces évolutions sur une longue période aussi bien pour les femmes que pour les hommes, et d’observer les modifications entre les générations qui ont fait le baby-boom, celles qui ont connu la révolution contraceptive, et les plus récentes pour lesquelles entrée en sexualité, mise en couple et arrivée du premier enfant sont des étapes dissociées.

6L’originalité de cette étude par rapport aux études précédentes (Galland, 1995 et 2000 ; Daguet, 2000 ; Ekert-Jaffé et al., 2002) réside à la fois dans une approche comparative entre hommes et femmes, par génération et niveau d’étude comparable entre générations (en utilisant un indicateur fondé sur l’âge de fin des études relatif, différence entre l’âge de fin des études des personnes et la moyenne pour leur génération), mais également par une approche des comportements de vie en couple et pas seulement de fécondité. Enfin, l’utilisation de l’enquête « Étude de l’Histoire familiale » de 1999 permet de compléter l’analyse des comportements sur des générations plus récentes que celles observées jusqu’alors.

I. – L’âge de fin des études, une notion relative à sa génération

7La durée des études a fortement augmenté entre les générations nées au début du siècle et les générations nées dans les années 1970. De 14,5 ans pour les femmes nées dans les années trente, l’âge médian à la fin des études est passé à un peu plus de 16 ans pour les générations 1940 et il dépasse 20 ans pour les femmes nées en 1970 ou après (figure 1). L’évolution est similaire pour les hommes. Désormais, pour les générations nées après 1970, plus d’un jeune sur deux est encore étudiant après l’âge de 20 ans.

Figure 1. – Âges médians à la fin des études, à la formation du premier couple et à l’arrivée du premier enfant, par sexe et génération

8L’âge à la sortie du système éducatif1 est considéré ici principalement comme un indicateur de l’âge à partir duquel certains événements sont vécus (départ de chez les parents pour d’autres raisons que la poursuite d’études, installation avec un conjoint dans un logement autonome, naissances d’enfants…) et permet alors de prendre en compte cet élément important sur les calendriers de constitution des familles.

9L’allongement de la durée des études modifie la notion d’études courtes ou longues au fil des générations, et, de ce fait, l’âge auquel certains événements commencent à être vécus évolue également. Quitter le système éducatif à l’âge de 21 ans n’a pas la même signification et n’a a priori pas le même effet sur le franchissement des étapes vers la constitution des familles si tout le monde finit ses études à cet âge ou si au contraire ce phénomène est encore rare. Une approche par âge de fin des études relatif des individus, défini comme la différence entre l’âge de fin des études des personnes et la moyenne observée pour leur génération, est donc privilégiée. Faire des études courtes ou longues devient alors une notion relative, en comparaison avec ce qu’ont vécu les autres personnes de la même génération. L’âge de fin des études relatif reflète également des différences en termes de niveau d’études entre les individus d’une même génération et résume les dispersions entre catégories sociales au sein de chaque génération, éléments qui influent aussi sur les calendriers de constitution des familles.

10Pour comparer les évolutions des comportements en fonction de la durée des études au fil des générations, 3 groupes ont été distingués : études relativement courtes, si la personne finit ses études au moins 2 ans avant la moyenne de sa génération, comme la moyenne si son âge de fin des études coïncide avec celui de sa génération à plus ou moins 1 an, études plus longues que la moyenne si l’âge de fin des études est supérieur de 2 ans au moins à celui de sa génération2. Cette répartition partage la population de chaque génération en trois groupes d’effectifs assez proches et suffisamment importants pour pouvoir à chaque fois différencier les calendriers de vie en couple et de fécondité par sexe, âge de fin des études relatif et génération3. Les comportements4 sont étudiés jusqu’à l’âge de 45 ans pour les femmes et 47 ans pour les hommes, ce décalage de 2 ans étant introduit pour prendre en compte les écarts d’âge entre conjoints.

II. – Durée de vie en couple et niveaux d’étude : des différences plus marquées pour les femmes

1) Des unions à un âge plus avancé pour ceux quittant tardivement le système éducatif

a) Fort raccourcissement des durées entre la fin des études et la première union, surtout chez les plus diplômés

11Avec l’allongement des études, les calendriers de constitution des familles se sont profondément modifiés. La durée passée entre la fin des études et la formation du premier couple n’a pas cessé de diminuer. La moitié des femmes nées avant les années 1930 n’avait toujours pas vécu en couple 8 années après la fin des études alors que cette durée médiane est de 3 ans pour les femmes nées après 1960. Ces durées sont respectivement de 10 et 6 ans pour les hommes.

12La baisse du nombre d’années écoulées entre la fin des études et la formation du premier couple est constatée pour tous les niveaux d’études, aussi bien pour les femmes que les hommes (figure 2). Pour toutes les générations, cette durée demeure la plus courte pour les femmes et pour les personnes poursuivant des études plus longues que la moyenne de leur génération. Ainsi, la moitié des femmes ayant fait des études plus longues que la moyenne n’ont jamais vécu en couple 6 années après la fin des études pour les générations nées avant 1930 alors que cette durée médiane est inférieure à 2 ans pour celles nées entre 1960 et 1964. Pour les peu diplômées, ces durées sont respectivement de 10 ans et 4 ans. Pour les hommes, la durée médiane entre ces étapes est passée de 6 ans à 3 ans entre les générations nées avant 1930 et celles nées entre 1960 et 1964 pour les plus diplômés, et de 12 ans à 8 ans pour ceux ayant fait des études courtes.

13Les contrastes selon le niveau d’études sont cette fois plus marqués chez les hommes, qui sont plus âgés que les femmes lorsqu’ils se mettent en couple.

14Les différences observées par niveau d’études pourraient résulter d’un effet d’âge ou de différences en termes d’accès à l’emploi. Les plus diplômés, quittant le système éducatif à un âge plus avancé que les moins diplômés, pourraient souhaiter vivre plus rapidement en couple une fois leurs études achevées. Ils accéderaient aussi plus rapidement à une situation professionnelle stable, ce qui favoriserait par ailleurs l’installation avec un conjoint. À l’inverse, la nécessité d’avoir un emploi stable avant de s’installer se traduit par des durées de vie seul après la fin des études beaucoup plus longues pour les hommes les moins diplômés.

15Les écarts observés selon le sexe reflètent vraisemblablement pour partie l’existence de normes sociales différenciées. Alors que la norme voudrait que les hommes s’établissent professionnellement avant de s’engager dans la vie en couple, cette contrainte s’exercerait moins fortement pour les femmes (Galland, 1995), qui forment ainsi plus souvent une union lorsqu’elles sont encore étudiantes (figure 3), surtout si elles s’installent avec un homme plus âgé, qui a déjà une situation professionnelle stable.

Figure 2. – Durées médianes entre la fin des études et la première union, par sexe, génération et âge de fin des études relatif

Figure 3. – Part des hommes et des femmes ayant formé leur première union avant la fin des études, par génération et âge de fin des études relatif

b) Des entrées en union nettement différenciées selon le niveau d’études et le sexe

16L’âge à la sortie du système éducatif a augmenté pour toutes les personnes, qu’elles soient relativement peu diplômées ou très diplômées, et la durée médiane entre fin des études et première union a de ce fait diminué pour tous (figure 2). Ces évolutions similaires selon le niveau d’études masquent de grandes différences sur la nature des changements qui se sont opérés : plus d’unions pendant les études et/ou raccourcissement des périodes de vie sans conjoint une fois les études achevées (figures 2 et 3).

17De manière générale, la part des femmes et des hommes formant leur première union alors qu’ils sont encore étudiants est passée de moins de 1 % pour les générations nées avant 1935 à respectivement 6 % et 11 % pour les hommes et les femmes nés entre 1965 et 1969 (figure 3). Cette hausse pourrait résulter d’un effet d’âge, l’âge de fin des études augmentant au fil des générations, les jeunes poursuivant plus longtemps des études. Parmi celles qui n’avaient pas vécu avec un conjoint pendant leurs études, la moitié des femmes nées avant 1930 n’avaient toujours pas partagé leur vie avec un conjoint 8 années après la fin des études, alors que la durée médiane entre sortie du système éducatif et formation de la première union est inférieure à 4 ans pour les générations nées après 1955. Chez les hommes, l’évolution est également forte : de près de 11 ans pour les générations les plus anciennes, cette durée médiane est passée à 6 ans pour les hommes nés entre 1955 et 1959. Mais ces évolutions sont contrastées selon le niveau d’études.

18Pour les femmes poursuivant des études longues, la durée écoulée entre la fin des études et la première union, pour celles n’ayant pas vécu en couple alors qu’elles étaient étudiantes, s’est stabilisée dès les générations 1945 et semble avoir atteint une valeur plancher d’environ 3 ans (durée médiane). Par contre, les unions pendant les études ont fortement augmenté, et c’est ce type de changement qui domine désormais. Les femmes finissant leurs études comme la moyenne suivent un profil proche des plus diplômées, mais de façon moins marquée. À partir des générations 1950, la baisse de la durée médiane entre fin des études et première union pour les femmes n’ayant pas vécu en couple pendant les études se ralentit et cette durée semble tendre vers une valeur d’un peu plus de 3 ans, proche de celles des plus diplômées. La part des femmes ayant formé une union en cours d’études augmente également pour ce niveau d’études, même si elle demeure nettement moins forte que pour les plus diplômées (5 % pour les femmes des générations 1965-1969 diplômées comme la moyenne, contre 27 % pour les plus diplômées). Pour les femmes peu diplômées au contraire, la vie de couple est presque toujours entamée après la fin des études.

19Pour les hommes, le calendrier de constitution du premier couple s’est fortement accéléré chez les plus diplômés nés entre les années 1935 et 1950 pour ensuite se stabiliser : plus d’unions chez les étudiants et fort raccourcissement des durées de vie seul après la fin des études pour ceux qui n’ont jamais vécu en couple pendant leurs études. De 4 % pour les générations nées avant 1930, la part des hommes les plus diplômés ayant formé une union lorsqu’ils étaient étudiants est passée à 20 % pour les générations 1945-1949 et demeure relativement stable à ce niveau jusque pour les générations 1970- 1974, dernières générations ayant fini leurs études observables en 1999. Pour les autres niveaux d’études, les changements ont porté exclusivement sur un raccourcissement des durées de vie seul après la fin des études, les unions formées par des étudiants peu diplômés ou diplômés comme la moyenne étant rares.

c) Les plus diplômés sont plus âgés lorsqu’ils forment leur première union

20Pour toutes les générations, les plus diplômées forment leur première union à un âge plus avancé que les autres (voir également l’article de Prioux, chapitre 9), et ce malgré des durées écoulées entre la fin des études et la première union beaucoup plus courtes et des unions formées en cours d’études plus fréquentes (figure 4). Les hommes sont toujours plus âgés que les femmes lorsqu’ils se mettent en couple, et, de ce fait, les écarts selon le niveau d’études sont moins marqués que pour les femmes. Notamment, les hommes peu diplômés et ceux ayant un niveau d’études proche de la moyenne de leurs générations ont sensiblement le même âge médian à la première union et ceci ne provient pas de différences sur la fréquence des hommes ne vivant jamais en couple5.

21Ceci pourrait résulter du fait que les hommes devraient acquérir une situation professionnelle stable avant de former une union (Galland, 1995), ce qui se traduit par des durées écoulées entre la fin des études et la première union beaucoup plus longues pour les peu diplômés et des écarts alors faibles sur les âges à la première union.

2) Les plus diplômés vivent moins d’années en moyenne en couple aux âges féconds

a) Les plus diplômées sont plus nombreuses à ne jamais vivre en couple, alors que chez les hommes, ce sont les moins diplômés qui vivent le moins souvent en couple

22La part des femmes n’ayant jamais vécu en couple à 45 ans a légèrement diminué au fil des générations, passant de 10 % pour les femmes nées avant 1930 à moins de 7 % pour celles nées après 1940. Elle est restée assez stable pour les hommes avant l’âge de 47 ans, autour de 8 %. Mais les évolutions et les niveaux sont très contrastés selon l’âge à la sortie du système éducatif.

23Chez les femmes, ce sont les plus diplômées qui forment le plus rarement une union, même si les écarts selon le diplôme ont tendance à diminuer : la part des femmes n’ayant jamais vécu en couple diminuant plus fortement pour celles poursuivant des études longues que pour les autres niveaux d’études (figure 5a). Près de 15 % des femmes nées avant 1930 ayant fait des études plus longues que la moyenne de leur génération n’avaient jamais résidé avec un conjoint avant l’âge de 45 ans, contre 7 à 9 % pour les générations nées après 1940. Pour les peu diplômées, ces pourcentages ont peu varié, passant de 8 % à 6 %.

Figure 4. – Âges médians des femmes et des hommes à la première union, par génération et âge de fin des études relatif

24Chez les hommes au contraire, ce sont les moins diplômés qui forment le moins souvent une union : près de 15 % des hommes peu diplômés nés entre 1950 et 1954 ne se sont jamais installés avec une compagne avant l’âge de 47 ans, contre 11 % pour les plus diplômés.

Figure 5. – Part des femmes (respectivement des hommes) n’ayant jamais vécu en couple avant l’âge de 45 ans (resp. 47 ans) et part des femmes (resp. des hommes) ayant rompu leur première union avant l’âge de 45 ans (resp. 47 ans), parmi les personnes ayant vécu en couple, par génération et âge de fin des études relatif

b) Des ruptures plus fréquentes chez les plus diplômés

25Les séparations6 ont fortement augmenté au fil des générations. Parmi les femmes ayant vécu en couple, moins de 9 % avaient rompu une union avant l’âge de 45 ans chez les femmes nées entre 1930 et 1935 contre 25 % pour celles nées entre 1950 et 1954.

26Pour toutes les générations, les ruptures sont un peu plus fréquentes chez les plus diplômées : pour les générations les plus récentes par exemple, la part des femmes ayant rompu une union avant l’âge de 45 ans s’élève à 29 % pour les plus diplômées contre 23 % pour les moins diplômées (figure 5). Les ruptures sont également plus précoces, et ce quel que soit le niveau d’études : parmi l’ensemble des femmes de 30 ans ayant vécu en couple, 20 % des femmes nées dans les années 1965-1969 ont déjà connu une rupture contre 4 % seulement pour celles nées avant 1940.

27Chez les hommes, les ruptures sont également plus fréquentes chez les plus diplômés, mais de façon moins marquée que pour les femmes. Elles demeurent toujours moins fréquentes que pour les femmes (2 points de moins en moyenne pour l’ensemble des niveaux d’études) : ces différences entre hommes et femmes pourraient résulter d’une déclaration des unions rompues différente d’un sexe à l’autre dans l’enquête.

28Les ruptures plus fréquentes se sont accompagnées de remises en couple plus fréquentes également au fil des générations (tableau 1), à partir des générations 1940, sans différence notable selon le niveau d’études pour les femmes, mais avec une fréquence plus élevée chez les plus diplômés pour les hommes. La moitié des femmes nées entre 1950 et 1954 qui avaient rompu une union ont vécu une nouvelle union avant l’âge de 45 ans, contre 42 % pour les générations 1930-1950. Chez les hommes ayant connu une séparation, les remises en couple sont plus fréquentes que chez les femmes : 60 % des hommes nés entre 1950-1954 avaient reformé une union avant l’âge de 47 ans, contre 53 % pour ceux nés entre 1930 et 1940. Les ruptures sont devenues plus nombreuses mais surtout plus précoces, ce qui permet de reformer plus souvent une nouvelle union. Les chances de reformer une union sont en effet plus grandes quand les personnes se sont séparées à un âge jeune (Robert-Bobée, chapitre 33).

29Quels que soient les générations et les niveaux d’études, les hommes forment plus souvent que les femmes une union après une rupture (Cassan, Clanché, Mazuy, chapitre 10). Le fait que les enfants vivent le plus souvent avec leur mère après la séparation des parents implique des différences selon le sexe. Les enfants symbolisent l’existence d’une union passée et représentent aussi une contrainte financière, affective ou temporelle (moins de temps libre pour rencontrer un nouveau conjoint…) qui limite les chances de remise en couple rapide chez les femmes. Les hommes leurs préféreraient des conjointes plus jeunes, sans enfant (Bozon, 1990), et les mères séparées attendraient que leurs enfants grandissent avant de former une nouvelle union (Villeneuve-Gokalp, 1994). Chez les hommes au contraire, les pères ayant la garde des enfants reformeraient plus rapidement que les autres parents une nouvelle union (voir le texte de C. Barre, chapitre 13), ce qui accentue encore les différences entre hommes et femmes.

c) À 45 ans, les femmes les plus diplômées ont vécu en moyenne 4 années de moins en couple que les moins diplômées et chez les hommes, les différences selon l’âge de fin des études sont de moindre ampleur

30Pour toutes les générations, la durée de vie passée avec un conjoint à des âges féconds décroît avec la durée passée dans le système éducatif (tableau 2a). Moins de femmes ayant vécu en couple, des unions plus tardives pour celles qui s’installent avec un conjoint, plus de ruptures sans remises en couple plus fréquentes (Robert-Bobée, 2003) que pour les autres niveaux d’études : les femmes les plus diplômées vivent donc moins d’années en couple avant 45 ans. En moyenne pour les générations 1940-1954, les femmes finissant leurs études relativement tard passent 17,7 années de leur vie avant l’âge de 45 ans avec un conjoint, contre environ 21,7 années pour celles finissant leurs études relativement tôt, soit un écart de 4 ans entre ces niveaux d’études (tableau 2b). Cet écart ne traduit pas uniquement le fait que les plus diplômées sont plus nombreuses à ne jamais vivre en couple. Parmi les femmes ayant vécu en couple, les variations des durées de vie passée avec un conjoint avant l’âge de 45 ans avec le niveau d’études sont atténuées (3,3 ans au lieu de 4 ans), mais elles demeurent importantes7.

Tableau 2a. – Durée moyenne de vie en couple avant l’âge de 45 ans pour les femmes, avant 47 ans pour les hommes, par génération et âge de fin des études relatif. Pour tous, qu’ils aient ou non vécu en couple

Tableau 2b. – Décomposition de la durée de vie avant 45 ans pour les femmes, avant 47 ans pour les hommes, entre temps passé en couple et non en couple, selon l’âge de fin des études relatif. Générations 1940-1954. Pour tous, qu’ils aient ou non vécu en couple

31Les différences selon la durée des études sont beaucoup moins marquées chez les hommes, et ce sont les diplômés dans la moyenne qui ont la durée de vie en couple la plus forte : 20,1 ans en moyenne, soit un an de plus seulement que les plus diplômés et 0,5 an de plus que les peu diplômés.

32Les différences sont plus marquées chez les femmes car les intensités et les calendriers de constitution des unions tendent à réduire la durée de la vie en couple aux âges féconds pour les plus diplômées, alors que chez les hommes tous les éléments ne jouent pas dans le même sens. Ainsi, les femmes les plus diplômées sont plus nombreuses à n’avoir jamais vécu en couple, si elles forment une union, cette union est formée à un âge avancé et est plus souvent rompue que chez les peu diplômées. Chez les hommes par contre, ce sont les plus diplômés qui forment le plus souvent une union et non les moins diplômés.

III. – Calendriers et intensités de naissances : des différences toujours plus marquées chez les femmes

1) De la première union au premier enfant : une étape plus longue et moins souvent franchie par les femmes ayant fait le plus d’études

a) Les femmes les plus diplômées sont moins souvent mères que celles ayant fait des études courtes

33En moyenne, 10 % des femmes nées entre 1935 et 1954 n’ont jamais eu d’enfant et ce pourcentage a peu varié entre générations. Il varie par contre fortement selon le niveau d’études. Ce sont toujours les femmes ayant fait plus d’études que la moyenne qui deviennent moins souvent mères. Près de 15 % des femmes les plus diplômées nées entre les années 1945 et 1949 n’avaient pas d’enfant à l’âge de 45 ans, contre respectivement 9 % et 7 % pour les femmes ayant fini leurs études à un âge intermédiaire ou précoce. Ces différences selon le niveau d’études ne proviennent pas seulement d’une plus forte proportion de femmes n’ayant jamais vécu en couple chez les plus diplômées. Parmi les femmes ayant vécu en couple, les écarts selon le diplôme entre la part des femmes sans enfant diminuent, mais cette part reste toutefois la plus élevée chez les femmes poursuivant des études longues (10 % environ pour les plus diplômées nées entre 1930 et 1954, contre 5 % pour les peu diplômées).

34Pour les hommes, ne pas avoir de descendance est un peu plus fréquent que chez les femmes. Pour les générations 1935-1954, près de 15 % n’étaient toujours pas père à 47 ans. Contrairement aux femmes, l’absence d’enfant est plus fréquente chez les peu diplômés, et ceci provient surtout du fait qu’ils vivent moins souvent en union. Parmi les hommes ayant vécu une union, les différences selon le niveau d’études sont en effet très faibles. À même niveau d’études, les comportements des hommes et des femmes diffèrent nettement, sauf pour les plus diplômés. Ceci est peut-être dû au fait que les femmes les plus diplômées vivent plus souvent avec des hommes également fortement diplômés.

b) Allongement des durées de vie en couple sans enfant

35Une période de vie en couple sans enfant semble s’imposer au fil des générations : l’arrivée d’un enfant peu de temps après la première mise en couple a ainsi fortement diminué au fil des générations (figure 6), aussi bien pour les femmes que les hommes.

36Bien qu’entrées en union à un âge plus avancé, les femmes les plus diplômées mettent plus de temps avant d’avoir leur premier enfant. Parmi les femmes ayant vécu en couple, la part de celles ayant déjà eu un enfant moins de 2 ans après la formation de la première union décroît en effet avec le niveau d’études, quelle que soit la génération (figure 6). Il en est de même 5 années après la formation du premier couple. Ce constat se retrouve chez les hommes, avec des différences moins marquées entre les peu diplômés et les diplômés comme la moyenne de la génération.

37Pour les femmes ayant eu des enfants, la durée moyenne entre la formation du premier couple et l’arrivée du premier enfant est plus longue pour les plus diplômées. Les écarts selon le niveau d’études étaient faibles pour les femmes nées avant 1945 et ont fortement augmenté ensuite au fil des générations. La durée moyenne entre la première mise en couple et la naissance du premier enfant est de 4,1 ans pour les plus diplômées nées dans les années 1960-1964, contre 2,8 ans pour les moins diplômées des mêmes générations.

c) Les plus diplômés ont été les premiers à retarder l’arrivée du premier enfant

38Ce sont les plus diplômées qui les premières ont retardé l’arrivée du premier enfant, suivies rapidement par les diplômées dans la moyenne. Les peu diplômées ont suivi ce mouvement, mais nettement plus tard. Après une période de baisse, les durées de vie en couple sans enfant sont restées stables autour de 2 ans pour les femmes ayant formé leur première union entre les années 1940 et 1960. Ces durées étaient un peu plus longues pour les plus diplômées, mais les écarts selon le niveau d’études étaient faibles (moins de 0,5 année). La durée de vie en couple sans enfant a ensuite augmenté, dès les promotions d’unions formées dans les années 1955-1960 pour les plus diplômées, les promotions 1960-1964 pour les diplômées dans la moyenne et les promotions 1965-1969 pour les peu diplômées. L’adoption de la loi Neuwirth en 1967 a autorisé la diffusion de moyens de contraception médicalisée et a permis aux femmes de maîtriser plus facilement leur contraception à partir de la fin des années 1960. La durée de vie en couple sans enfant a augmenté fortement dès les promotions d’unions formées à la fin des années 1960 pour les plus diplômées. L’allongement des calendriers d’arrivée du premier enfant s’est poursuivi pour tous les niveaux d’études entre les promotions d’unions formées dans les années 1970 et celles formées au milieu des années 1980, avec toujours des durées plus longues pour les femmes les plus diplômées. Les écarts entre niveaux d’études sont désormais plus importants que pour les promotions d’unions formées avant les années 1960, avec une différence de plus d’un an entre les femmes les plus diplômées et les peu diplômées pour les promotions 1980-1984 (durée moyenne entre la première union et la première naissance de 4,2 ans pour les femmes les plus diplômées ayant formé leur premier couple entre 1980 et 1984, contre 2,9 ans pour les peu diplômées).

Figure 6. – Part des femmes et des hommes ayant déjà un enfant respectivement 2 ans et 5 ans après la formation du premier couple, par génération et âge de fin des études relatif

39Une fois en couple, hommes et femmes ont des comportements de fécondité très proches. Les durées de vie sans enfant plus longues et la hausse plus précoce de cette durée pour les plus diplômés se retrouvent donc également pour les hommes.

40Les naissances d’enfants pendant les études restent rares. Les femmes et les hommes qui ont commencé leur première vie de couple lorsqu’ils étaient étudiants ont ainsi des durées moyennes entre la formation de l’union et l’arrivée du premier enfant plus longues (figure 7), comme si la durée à prendre en compte en termes de fécondité débutait plutôt à la fin des études qu’à la date de formation du couple. La plus forte fréquence des unions formées chez les étudiants pour les plus diplômés explique donc en partie les durées de vie sans enfant plus longues pour les femmes et les hommes faisant le plus d’études. Mais, même parmi les seuls parents ayant formé leur première union une fois les études achevées, l’arrivée des enfants reste la plus tardive pour les plus diplômés, aussi bien chez les femmes que les hommes. Les écarts avec les diplômés dans la moyenne semblent se resserrer, mais seulement pour les générations les plus récentes.

41Les différences de calendriers en termes d’arrivée du premier enfant dans un couple selon le niveau d’études pourraient alors refléter des différences en termes d’accès, de coût, ou de maîtrise de la contraception (Valabrègue, Treiner, 1996). Elles pourraient également refléter des valorisations différentes de la vie en couple avec un conjoint avant d’avoir un enfant et du statut de parent selon le diplôme. Notamment, les femmes les plus diplômées pourraient accorder une place importante à l’accès à une situation professionnelle stable avant d’avoir un enfant, pour limiter les éventuelles conséquences d’une grossesse sur leur carrière professionnelle. D’après l’enquête « intentions de fécondité » réalisée en 1998 par l’Insee et l’Ined, il ressort que ce sont plutôt les moins diplômés qui citent le plus fréquemment le fait d’avoir un emploi stable comme facteur très important avant de devenir parent : 65 % des femmes peu diplômées considèrent ce facteur comme très important avant de devenir mère, contre 53 % pour les femmes les plus diplômées. On retrouve ce même constat chez les hommes : 88 % des hommes peu diplômés pensent qu’il est très important d’avoir un emploi stable avant de devenir père, contre 63 % chez les plus diplômés8. Ce sont donc les personnes les plus directement confrontées à la précarité de l’emploi et les plus vulnérables à la conjoncture économique qui pensent qu’occuper un emploi stable est une condition importante à remplir avant de devenir parent, et non les plus diplômés, qui se sentent sans doute moins directement concernés par les problèmes d’emploi.

Figure 7. – Durée moyenne entre la première union et l’arrivée du premier enfant, par génération et âge de fin des études relatif

2) Du 1^er au 2^e enfant : des espacements plus importants et une inversion des calendriers pour les plus diplômés

42Pour les hommes et les femmes, le nombre moyen d’années écoulées entre la naissance des deux premiers enfants a augmenté sensiblement entre les promotions de premières naissances 1945 et 1975. Les écarts selon le niveau d’études ont fortement augmenté au fil des générations (figure 8).

43Ainsi, les écarts d’âge entre enfants sont restés stables autour de 3 ans (un peu moins pour les peu diplômées et un peu plus pour les diplômées dans la moyenne et les très diplômées) avant d’augmenter fortement pour les diplômées dans la moyenne et les peu diplômées, pour les femmes ayant eu leur premier enfant à la fin des années 1960. La hausse a été beaucoup plus modérée pour les plus diplômées, et les écarts d’âge entre enfants sont désormais un peu plus faibles pour les plus diplômées, pour les mères ayant eu leur premier enfant après 1970, même si les écarts sont de faible ampleur (3,5 ans en moyenne lorsque le premier enfant est né dans les années 1975-1979 si la mère est très diplômée, contre 3,8 et 3,9 pour les autres niveaux d’études).

44Désormais, les calendriers de fécondité sont nettement différents selon l’âge à la sortie du système éducatif. Les personnes ayant fait des études longues vivent nettement plus longtemps en couple sans enfant, mais une fois le premier enfant né, elles auraient assez rapidement leur deuxième enfant. Au contraire, les personnes ayant fait peu d’études ont plus rapidement un premier enfant une fois en couple, mais le second enfant arrive nettement plus tard. Finalement, les calendriers d’arrivée des enfants sont inversés entre les peu diplômés et les très diplômés : la durée moyenne de vie en couple avant l’arrivée du premier enfant est plus faible que la durée moyenne écoulée entre les deux premières naissances pour les parents peu diplômés alors qu’elle est plus forte pour les plus diplômés.

3) Concentration plus forte autour des familles à deux enfants pour les plus diplômés et les diplômés dans la moyenne

45Les répartitions des pères selon le nombre d’enfants eus sont très proches de celles des mères, pour chaque niveau d’études et seule la distribution pour les femmes est présentée (figure 9).

46Pour tous, le modèle des familles à deux enfants s’est généralisé au fil des générations, mais de façon plus précoce et plus rapide pour les personnes les plus diplômées. En 20 ans, entre les générations 1930 et 1950, la part des mères ayant exactement deux enfants à 45 ans est passée d’un tiers à près de la moitié, parmi les femmes finissant leurs études deux ans ou plus après la moyenne de leur génération. Dans le même temps, la part des mères avec trois enfants a légèrement diminué, et celle des mères de familles nombreuses avec au moins quatre enfants a fortement baissé, de 22 % à 8 %.

Figure 8. – Durées moyennes entre la formation du premier couple et l’arrivée du premier enfant, par promotion d’union, et durées moyennes entre les naissances des deux premiers enfants, par année de naissance du premier enfant et par âge de fin des études relatif. Femmes (les résultats sont identiques pour les hommes et n’ont pas été reproduits ici)

47Ce mouvement vers des familles plus concentrées autour de deux enfants et vers une forte diminution des familles nombreuses s’observe également chez les femmes ayant un niveau d’études intermédiaire (proche de celui de leur génération). Il s’est étalé un peu plus dans le temps. La part des mères de deux enfants est passée de 28 % pour les générations 1930-1934 à 46 % pour les femmes nées après 1950. Les familles nombreuses ont fortement diminué, de 28 % à 9 %.

Figure 9. – Répartition des mères selon le nombre d’enfants à 45 ans, par génération et âge de fin des études relatif

48Pour les femmes les moins diplômées, la concentration autour des familles à deux enfants est nettement moins marquée. La part des femmes avec deux enfants exactement est passée de 28 % à 37 %. Les familles avec trois enfants ont continué à se développer : 22 % à 26 % des mères entre les générations 1930 et 1954. Elles ne sont pas devenues moins fréquentes, contrairement à ce qui s’est passé pour les autres niveaux d’études. C’est seulement la part des familles très nombreuses, avec au moins 4 enfants, qui a diminué, et dans des proportions moins fortes que pour les autres niveaux d’études : 33 % des mères nées dans les années 1930 à 17 % des mères nées après 1950.

4) Moins d’enfants pour les plus diplômés, qui deviennent parents plus tardivement que les peu diplômés

a) Les femmes les plus diplômées ont moins d’enfants en moyenne, mais l’écart avec les diplômées intermédiaires se resserre

49Plus de femmes sans enfant, moins de familles nombreuses : les plus diplômées ont donc en moyenne moins d’enfants que les peu diplômées, et ce, quelle que soit la génération (figure 10). L’écart entre les plus et les moins diplômées s’est maintenu au fil des années : 0,7 enfant en moyenne de moins pour les femmes les plus diplômées à 45 ans par rapport aux peu diplômées.

50Par contre, la différence de descendance finale (nombre moyen d’enfants à 45 ans ici) s’est réduite entre les plus diplômées et les diplômées dans la moyenne : – 0,4 enfant en moyenne par femme pour les plus diplômées nées entre 1930-1934 par rapport aux femmes ayant un niveau d’études intermédiaire, et – 0,2 pour les générations 1945-1954.

51Notamment, si on ne prend en compte que les femmes ayant eu des enfants, les nombres moyens d’enfants par mère à 45 ans se rapprochent entre les mères les plus diplômées et les diplômées dans la moyenne. Pour les générations les plus récentes ayant terminé leur période féconde, les descendances finales par mère sont identiques entre ces deux niveaux d’études.

b) Chez les hommes, les écarts de descendance finale selon le niveau d’études sont moindres

52Contrairement aux femmes, la descendance finale des hommes diffère peu selon le niveau d’études, quelles que soient les générations : entre 2,2 et 2,4 enfants par homme pour les générations 1930-1934 selon qu’ils sont très ou peu diplômés, et entre 2,0 et 2,1 pour les générations 1950-1954. Pour les générations les plus jeunes notamment, les hommes très ou moyennement diplômés ont eu le même nombre d’enfants au cours de leur vie. La part des hommes n’ayant pas de descendance varie peu avec le niveau d’études. Les descendances moyennes par homme et par père sont alors très proches.

53Alors que l’allongement des études s’est toujours accompagné d’un raccourcissement des durées passées sans conjoint entre la sortie du système éducatif et la formation du premier couple, les changements sur les calendriers d’arrivée des enfants sont très différenciés selon les générations et semblent alors plus liés à des effets de périodes qu’à un effet direct de l’allongement des études. La diffusion de la contraception médicalisée s’est accompagnée d’une durée de vie en couple sans enfant plus longue pour tous les niveaux d’études, mais surtout pour les plus diplômés. Les espacements entre les enfants suivants ont également augmenté, mais un certain rattrapage semble s’opérer chez les plus diplômés pour les générations les plus récentes : la durée de vie en couple sans enfant est toujours plus forte pour les plus diplômés, mais l’espacement entre les deux premières naissances est plus faible.

Figure 10. – Nombres moyens d’enfants par femme à 45 ans et par homme à 47 ans, par mère à 45 ans et par père à 47 ans, par génération et âge de fin des études relatif

54Toutefois, calendriers et intensités de vie en couple et de fécondité jouent en faveur d’une descendance finale plus faible pour les femmes les plus diplômées. Plus souvent sans conjoint (jamais d’unions, ou ruptures d’unions), elles vivent moins d’années en couple à des âges féconds, deviennent moins souvent mères, même lorsqu’elles ont vécu en couple, et, lorsqu’elles ont des enfants, elles les ont plus tard et elles sont moins souvent mères de familles nombreuses que les femmes relativement peu diplômées. Toutefois, les différences entre les plus diplômées et les diplômées dans la moyenne sont souvent faibles, ces dernières ayant adopté les comportements des plus diplômées, avec un certain retard.

55Les différences selon le niveau d’études sont toujours moins marquées chez les hommes, les facteurs ne jouant pas tous dans le sens d’une moindre descendance pour les plus diplômés. Notamment, pour les hommes, ce sont les moins diplômés qui vivent le moins souvent en couple, et deviennent de ce fait moins souvent pères, et non les plus diplômées).

56Finalement, les plus diplômés ont en moyenne moins d’enfants, et ce sont aussi eux qui commencent leur maternité ou paternité le plus tardivement. On peut donc s’interroger sur le lien complexe qui existe entre âge au premier enfant, âge de fin des études et nombre d’enfants finalement mis au monde. Notamment, il existe une forte hétérogénéité des âges au premier enfant selon la descendance réalisée. Pour toutes les générations, les femmes et les hommes les plus féconds ont eu leur premier enfant jeune, même chez les plus diplômés. L’âge au premier enfant et la descendance finale sont donc très corrélés, mais il est difficile de savoir si c’est pour réaliser leur souhait d’avoir beaucoup d’enfants que les parents de familles nombreuses ont commencé relativement tôt à donner naissance à des enfants, même lorsqu’ils sont très diplômés, ou si c’est l’arrivée d’un premier enfant à un âge jeune qui a permis d’avoir beaucoup d’enfants, et a rendu une descendance nombreuse possible, même si elle n’était pas anticipée au plus jeune âge. L’âge à la sortie du système éducatif semble influer fortement l’âge à l’arrivée des enfants, et donc indirectement la descendance finale. Mais les différences peu marquées entre le nombre d’enfants par mère et par père entre les très diplômés et les diplômés dans la moyenne et la forte hétérogénéité observée entre les personnes ayant le même niveau d’études laissent penser que d’autres facteurs jouent également fortement.