La construction des différences entre filles et garçons
p. 153-154
Texte intégral
1Cette seconde partie aborde la question de la construction des différences entre filles et garçons de trois points de vue : celui de la société (les parents, les institutions), celui de l’individu lui-même (ici l’enfant) et celui du chercheur dans le processus de production même de ses données. Bien sûr, cette différence touchant le genre ainsi postulée ou présupposée doit être validée par l’opération cognitive puis méthodologique qui unit tous les chapitres, à savoir la comparaison, elle-même dépendante des conditions de comparabilité. Ces trois points de vue sont tour à tour illustrés par les chapitres 6 à 10 qui adoptent des approches spécifiques mais toujours compatibles.
2Le chapitre 6 nous plonge au cœur de la « fabrique » des représentations sociales sur la construction des différences genrées, à travers les personnages mis en scène dans les textes proposés par les manuels de mathématiques aux professeurs et aux enfants. Elisa Abassi et Carole Brugeilles s’intéressent ainsi, de façon comparative en France, au Cameroun, en Côte d’Ivoire et en Tunisie, aux manuels scolaires en ce qu’ils révèlent et alimentent en retour des figures ou des images sexuées qui ne promeuvent pas l’égalité.
3Sont ensuite abordés, au chapitre 7, les fondements des statistiques produites au Sud sur la scolarisation des enfants. À partir de deux études réalisées dans des contextes africains différents, à Madagascar et au Burkina Faso, Marie-Christine Deleigne et Marc Pilon proposent ainsi une réflexion critique sur la production des données et sur les biais dont elles sont affectées par le caractère incertain ou discutable – c’est-à-dire qui mérite discussion – de certaines catégories d’usage courant.
4Le chapitre 8 permet de prolonger cette réflexion à travers un autre objet et d’autres méthodes. Marie Lesclingand, Marc Pilon, Mélanie Jacquemin et Véronique Hertrich analysent l’évolution et la complexité des migrations enfantines au Mali, par un croisement de méthodologies sociologique et démographique offrant à la fois une dimension longitudinale et une discussion sémantique fine et contextualisée sur les catégories retenues et leur contenu.
5Enfin, les deux derniers chapitres de cette partie, qui revendiquent leur caractère anthropologique, prennent place dans l’institution scolaire française, dans une relation directe avec les enfants en rapportant ce qu’ils ont à dire sur la différence des sexes ou en observant leur comportement. Pour Christine Tichit, la famille construit les rôles sexués dans la répartition des activités domestiques entre chacun et chacune (chapitre 9). Virginie Vinel, plus proche de la sémiologie, présente les atours comme des signes inscrivant le corps de chacun comme étant celui d’une fille ou d’un garçon (chapitre 10).
6Par la diversité des méthodologies en usage et leur analyse critique, les cinq chapitres regroupés dans cette seconde partie nous invitent à pousser et à partager nos réflexions sur les différentes façons d’aborder le double questionnement de l’enfance et du genre qui fait l’objet de cet ouvrage. Les terrains et les populations approchés dans ces études concernent la France et l’Afrique, principalement l’Afrique de l’Ouest mais aussi le Maghreb, l’Afrique centrale et Madagascar. Les spécificités propres à chacune de ces situations et cultures sont abordées par une contextualisation et une historicisation des processus observés, qui n’alourdissent cependant pas le propos des auteur-e-s. Les questions touchant l’école ou la scolarité sont au cœur de la réflexion : les figures sexuées des manuels scolaires (africains et français), le calcul des taux de scolarisation comparés entre les filles et les garçons, les questions touchant aux migrations juvéniles au Mali dans leur rapport à la scolarisation, les enquêtes effectuées en milieu scolaire en France sur des pratiques de socialisation familiale ou de mise en scène des corps par la coiffure ou le maquillage. Toutes ces thématiques témoignent dans leur diversité d’une volonté de mise en partage et de réflexion commune sur ce qui fait la spécificité de l’enfance et plus largement des « jeunes ».
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Être fille ou garçon
Regards croisés sur l’enfance et le genre
Mélanie Jacquemin, Doris Bonnet, Christine Deprez et al. (dir.)
2016
La famille à distance
Mobilités, territoires et liens familiaux
Christophe Imbert, Éva Lelièvre et David Lessault (dir.)
2018
Précarités en eau
Un état des lieux en Europe
Lucie Bony, Claire Lévy-Vroelant et Marie Tsanga Tabi (dir.)
2021
Procréation et imaginaires collectifs
Fictions, mythes et représentations de la PMA
Doris Bonnet, Fabrice Cahen et Virginie Rozée (dir.)
2021
Le monde privé des femmes
Genre et habitat dans la société française
Anne Lambert, Pascale Dietrich-Ragon et Catherine Bonvalet (dir.)
2018
Le mariage dans la société française contemporaine
Faits de population, données d’opinion
Louis Roussel
2025