1Peu institutionnalisée jusqu’au début de la Troisième République, l’aide sociale, centrée sur la notion d’assistance devient à ce moment-là l’enjeu de la politique républicaine. Témoin de l’importance qu’elle prend : la création d’une Direction au sein du ministère de l’Intérieur et d’un Conseil supérieur de l’Assistance publique. Mais, avant même la fin de la Première Guerre mondiale, le concept d’assistance est concurrencé par celui de prévoyance sociale qui retient l’attention des milieux politiques : les Républicains entendent désormais prévenir plutôt qu’assister. Ces changements de configurations sont lourds de conséquences pour ceux qui sont chargés de l’application et du contrôle des mesures assistancielles notamment les inspecteurs de l’Assistance publique. Ils entraînent une redéfinition de la fonction d’inspection et de contrôle.

2Dans les années 1810, au moment où émergent les premières inspections qui dépendent des préfectures, l’administration napoléonienne est fortement centralisée afin de répondre à deux objectifs. D’une part, il s’agit d’assurer pleinement l’autorité de l’État en lui offrant la possibilité de connaître la situation de l’ensemble du territoire. En 1812, le ministre de l’Intérieur, Montalivet, écrit qu’« il faut qu’au centre on sache tout ce qui se fait ». D’autre part, il s’agit d’imposer partout le respect de la loi et des règlements pour construire une réelle unité territoriale, gage de cohésion. Cette centralisation conduit à l’extension de la puissance administrative par l’accroissement des fonctions publiques, particulièrement dans le domaine de l’inspection. Plusieurs corps d’inspecteurs sont ainsi créés : les inspecteurs généraux d’universités, les inspecteurs d’Académie ou encore les inspecteurs des Forêts1. L’inspection des Enfants assistés est aussi née de cet intérêt pour une vue panoptique de la société, notamment de ses marges. À partir des années 1870, la fonction administrative de surveillance, qui est à l’origine de l’inspection des Enfants assistés, se double d’une fonction de protection de l’enfance et de l’adolescence. C’est aux logiques et aux processus qui ont conduit à la transformation des valeurs attachées à la notion d’inspection et de contrôle que nous nous intéressons ici. L’accent mis sur la mission de protection des inspecteurs donne en effet à leurs fonctions une dimension politique et démographique d’autant que les progrès du malthusianisme au xix ^e siècle sont allés de pair avec un plus grand souci de l’enfant, de sa santé, de son bien-être et de ses droits. C’est cette plus grande attention accordée à l’enfant qui a suscité la mise en place d’une politique de protection que les inspecteurs sont chargés d’appliquer. Ils incarnent donc l’action républicaine sur ce terrain.