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    Plan

    Plan détaillé Texte intégral I. Le meilleur des mondes, surpopulation et dystopie I. De l’optimisme scientiste au désenchantement II. Huxley, un guide pour penser le progrès scientifique ? Bibliographie Notes de bas de page Auteur

    Procréation et imaginaires collectifs

    Ce livre est recensé par

    • Thomas Michaud, Lectures, mis en ligne le 9 novembre 2021. URL : https://journals.openedition.org/lectures/52049 ; DOI : https://doi.org/10.4000/lectures.52049
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    Table des matières

    Chapitre 2

    Sommes-nous dans le Meilleur des mondes ? Passé, présent, futur des technologies de reproduction assistée

    Erika Dyck

    p. 41-52

    Texte intégral Bibliographie Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1L’adaptation en série télévisée du roman La servante écarlate (The Handmaid’s Tale) de la Canadienne Margaret Atwood a permis de faire découvrir à un nouveau public une œuvre de 1985 où il est question d’un régime totalitaire qui, pour faire face à un effondrement de la natalité, réorganise entièrement les interactions humaines afin de produire des enfants, tout en maintenant intacte la hiérarchie sociale. Le genre littéraire dans lequel s’inscrit le roman – la science-fiction dystopique – est ouvertement politique : il s’agit notamment de montrer combien les nouvelles technologies, surtout quand elles concernent la procréation, bouleversent inévitablement les repères moraux établis et réinterrogent les relations entre pouvoir et individus.

    I. Le meilleur des mondes, surpopulation et dystopie

    2L’ouvrage le plus emblématique de la littérature dystopique, Le meilleur des mondes (Brave New World) d’Aldous Huxley, a été publié pour la première fois en 1932, et ses thèmes principaux ont été approfondis dans un essai de 1958 : Retour au meilleur des mondes (Brave New World:  Revisited), ainsi que dans le dernier roman de l’auteur, Île (Island), paru en 1962. Le meilleur des mondes décrit un système totalitaire situé au viie siècle « après Ford » et dont le but fondamental est d’assurer un ordre social immuable :

    « Les gens qui gouvernent le meilleur des mondes peuvent bien ne pas être sains d’esprit […] mais ce ne sont pas des fous, et leur but n’est pas l’anarchie, mais la stabilité sociale1. »

    3À cette fin, le régime s’appuie de manière systématique sur les dernières avancées de la science et de la technologie, « comme si l’homme devait être asservi à elles2 ».

    Jaquette de la première édition anglaise de Brave New World, 1932

    Image

    Illustration de Leslie Holland (1907-2005), collection privée © Christie’s Images/Bridgeman Images. Reproduite avec l'autorisation de Matt Holland.

    4Avant d’écrire son œuvre maîtresse, Aldous Huxley avait publié de nombreux textes pointant les enjeux sociétaux de la science de son époque. Mais dans Le meilleur des mondes, c’est vers le futur qu’il se tourne : il y questionne la manière dont la surpopulation, combinée à une volonté d’organiser « rationnellement » la société, pourrait évoluer vers une forme organique (et organiciste) de tyrannie. Ce que cherchent les dirigeants de « l’État mondial », c’est à réduire les êtres humains à une vie d’insectes, à créer une société de termites. Les humains sont donc asservis à la science – plus exactement à une version technocratique de la science aveugle à tout questionnement éthique.

    5Convaincu que l’une des conditions de la réussite est de parvenir à ce que les gouvernés développent « l’amour de leur servitude », l’État mondial octroie à la population une liberté sexuelle totale et encourage les individus à consommer un euphorisant léger, le soma3. Sexuellement, pharmacologiquement et culturellement4 maintenus dans une agréable léthargie, libérés des douleurs du corps vieillissant, les habitants (ou la majorité d’entre eux) traversent en somnambules une vie conformiste, insignifiante et « paisible ». Comme chez Atwood, et bien sûr chez Orwell (1984), la tension narrative naît des problèmes qui surgissent lorsque certains individus ne veulent plus se conformer à la norme.

    6Huxley conçoit ce postulat de départ comme l’une des conséquences possibles de l’application, sans doute inévitable, de la science à tous les domaines de la vie :

    « Le désir d’imposer l’ordre à la confusion, de faire naître l’harmonie de la dissonance et l’unité de la multiplicité est une sorte d’instinct intellectuel, une tendance originelle et fondamentale de l’esprit5. »

    7C’est un désir dont il faut tout particulièrement se méfier lorsqu’il concerne la vie sociale, politique et économique : « C’est dans le domaine social, en politique et en économie, que la volonté d’ordre devient vraiment dangereuse6 ».

    8Contrairement à celui qu’a imaginé Atwood dans La servante écarlate, le régime mis en scène dans Le meilleur des mondes n’est pas confronté à la sous- mais à la sur-population. Huxley décrit minutieusement comment l’État mondial orchestre à ses propres fins le contrôle de la fécondité et la stérilisation. La « surorganisation » (over-organization), puisque c’est le terme dont se sert Huxley pour désigner le gouvernement totalitaire, est associée à une gestion scientifique et industrielle de la reproduction humaine, plaçant en symbiose biologie et gouvernance 7. L’État sélectionne les spermatozoïdes et les ovocytes issus des « meilleurs » spécimens humains et applique un procédé permettant de maximiser le nombre de fœtus produits à partir d’un œuf unique. Les trois quarts des fœtus de sexe féminin sont soumis à un traitement hormonal stérilisateur empêchant les futures femmes de concevoir : « La civilisation, c’est la stérilisation ». Tous les membres de cette société de caste ont droit à la liberté sexuelle, homosexualité comprise, mais les actes charnels ne doivent pas être procréatifs8.

    9Au cœur du roman, une petite pilule chimique dont le pouvoir, à la fois matériel et symbolique, est capable d’infléchir radicalement le cours de l’évolution humaine.

    10Plusieurs des technologies imaginées par Huxley sont devenues des réalités au cours du xxe siècle. L’entreprise Searle introduit la pilule Enovid en 1961 (Watkins, 1998). En 1978, Louise J. Brown devient le premier bébé conçu dans une boîte de Petri (PBS, 2006). On pourrait même avancer que la prescription médicale massive de substances psychoactives dans le monde actuel a quelque chose du soma ; du moins peut-on interpréter cette offre légale de drogues comme un moyen d’atténuer les angoisses humaines et d’apaiser le sentiment général de mal-être face à l’état du monde (Healy, 2004 ; Courtwright, 2019). Autour de ces diverses innovations technologiques, certaines des questions morales soulevées par Huxley il y a près d’un siècle, semblent toujours d’actualité ; la PMA, en particulier, soulève de nombreuses interrogations : « Combien de temps peut-on garder les embryons congelés ? » ; « Qui est propriétaire des embryons en cas de divorce ? »

    11De même, les enjeux de la stérilisation et la charge de la fécondité continuent de susciter de nombreux débats éthiques, sociaux et économiques, que Huxley aurait certainement abordés sous l’angle du pouvoir et de la gouvernance.

    I. De l’optimisme scientiste au désenchantement

    12Les sciences biologiques forment le socle de référence de l’œuvre de Huxley. Ce dernier est très au fait des recherches et des débats scientifiques de son temps : l’évolution humaine, la science de l’hérédité, l’eugénique et la génétique planent en permanence sur l’arrière-plan du récit. La fascination de l’auteur pour ces sujets est manifeste. Avant même Le meilleur des mondes, Aldous Huxley était reconnu comme un écrivain et un penseur progressiste, passionné de littérature et de philosophie, mais son réseau relationnel – y compris familial – très riche l’avait également conduit à s’intéresser à la biologie et à l’étude des mœurs.

    13Son grand-père paternel, Thomas Henry Huxley, était un célèbre biologiste, surnommé le « bouledogue de Darwin » (« Darwin’s bulldog ») du fait de son ardent soutien à la théorie de l’évolution, et un apôtre du rôle de la science comme mode de rationalisation de la société. Sa mère, Julia Frances, était la fille du révérend Thomas Arnold et la nièce du poète et critique victorien Matthew Arnold. Mary, la sœur de Julia, était une anti-suffragiste qui publiait des romans sous le nom de Mrs Humphry Ward. Le frère aîné d’Aldous, Julian, était un prestigieux biologiste qui allait devenir le premier directeur général de l’Unesco en 1946 et le premier président de la British Humanist Association en 1963. Fait chevalier de l’Empire britannique en 1958, Julian était aussi un eugéniste notoire, qui présida la British Eugenics Society de 1959 à 1962 (Kenneth Waters, 1992). On comprend donc pourquoi Aldous était si bien informé et comment sont nés ses principaux centres d’intérêt.

    14T.H. Huxley, déjà, avait fait part de la menace que représentait à ses yeux la « surpopulation ». En 1888, il écrivait :

    « Il y a actuellement 36 millions de gens dans nos îles, et chaque année bien plus de 300 000 personnes en plus. C’est-à-dire qu’à peu près toutes les cent secondes, un nouvel être réclamant sa part de ressources se présente à nous. Actuellement, le produit du sol ne suffit pas à nourrir la moitié de la population […] Ne nous faisons donc pas d’illusion. Tant qu’une multiplication illimitée sera à l’œuvre, aucune organisation sociale actuellement existante […] ne pourra délivrer la société de la tendance à se détruire par sa propre reproduction9. »

    15Dans l’entre-deux-guerres, l’inquiétude face à l’augmentation rapide de la population mondiale, en partie sous l’effet des avancées scientifiques et technologiques, était répandue chez les intellectuels de nombreux pays. C’est le cas, au Royaume-Uni, du philosophe Bertrand Russell (autre influence majeure de Huxley), du biologiste J.B.S. Haldane et de la pionnière du birth control Marie Stopes, tous liés avec la famille Huxley. Bon nombre d’ouvrages publiés au Royaume-Uni entre 1924 et 1931 en témoignent. L’essai Dédale ou la science de l’avenir (Daedalus : or Science and the Future) publié en 1924 par Haldane annonçait un avenir radieux, bénéficiant de l’approche scientifique des problèmes humains, du contrôle des naissances, de l’eugénisme et même de l’« ectogenèse » (gestation par utérus artificiel) (Bowler, 2009, p. 139 ; Dronamraju, 2016, p. 54-76 ; Rosen, 2003, p. 67-76).

    16En 1926, une nouvelle de Julian Huxley intitulée Le roi de la culture des tissus (The Tissue-Culture King) traitait également des perspectives qu’ouvrait la biologie expérimentale appliquée à la société humaine. Plusieurs essais d’Aldous Huxley rédigés à cette période reflètent eux aussi des préoccupations démographiques, eugénistes et favorables au contrôle des naissances10. L’écrivain se réfère même positivement au très controversé généticien Ronald A. Fisher et à son ouvrage The Genetical Theory of Natural Selection (1930)11. Dans Retour au meilleur des mondes, il écrira encore : 

    « À notre manière anarchique et chaotique, nous ne sommes pas seulement en train de surpeupler notre planète, nous sommes aussi, semble-t-il, en train de faire en sorte que ce nombre croissant d’habitants soit d’une qualité biologique inférieure12 ».

    17La conception qu’avait Aldous, comme son frère Julian, de l’hérédité et de l’intelligence différait cependant de l’approche racialiste de Fisher et des adeptes ultérieurs de l’eugénisme raciste.

    18En 1933, dans son essai The Race Racket, Aldous réfute les « assertions dogmatiques » du philosophe allemand d’origine britannique Houston Chamberlain, dont les écrits antisémites influencèrent Hitler. Huxley y développe la critique, approfondie plus tard par son frère Julian, de la notion de « race » : 

    « On peut conclure des données disponibles que les différents types européens proviennent d’un seul et même stock et que les Européens en général constituent une très ancienne variation de l’espèce Homo […]. Les nazis, les nationalistes, les chauvins recourent tous à la philosophie, dont la fausseté est démontrable, de la différence et de la supériorité raciales comme moyen de monter une partie des êtres humains contre les autres13. »

    19Considérant que l’intelligence est distribuée d’une manière relativement constante d’un groupe à l’autre, il conteste toute idée d’une supériorité de la « souche » européenne :

    « Aucune branche de la race blanche ne détient le monopole de l’intelligence […]. Ce que les services de l’immigration devraient empêcher d’entrer, ce n’est pas la race (sauf dans les cas où le métissage produit des résultats biologiquement indésirables) mais la stupidité. Le premier besoin d’un pays ce sont de bons cerveaux, pas des yeux bleus14 ».

    20Les Huxley comptent parmi les voix qui, dans les années 1930, s’élèvent contre l’utilisation de la théorie biologique à des fins de déshumanisation de groupes raciaux ou de minorités15. Le véritable problème selon Aldous, était que la majorité des humains naissaient dans la privation et n’avaient pas vraiment les moyens de s’épanouir. Pour autant, il adhérait à l’idée – typiquement eugéniste – selon laquelle les plus pauvres (sur le plan économique ou génétique) se caractérisaient par une fécondité plus élevée. La plupart des êtres humains n’avaient selon lui d’autre espoir qu’une vie, aurait dit Hobbes, « dégoûtante, animale et brève ».

    21À l’instar d’un grand nombre de féministes et de socialistes de son époque, Huxley avait été séduit par l’eugénisme, théorie qui passait encore, à l’aube du xxe siècle, pour relativement consensuelle. Mais dès les années 1930, il avait pressenti que cette doctrine servait de plus en plus de justification à un contrôle totalitaire des corps humains.

    22Publié durant la Grande Dépression, Le meilleur des mondes exprime un fort sentiment de désespoir et de désillusion, qui n’est pas propre à l’écrivain. La Grande Guerre a balayé l’optimisme européen du xixe siècle et favorisé un culte du pouvoir renforcé par le développement des armes chimiques et d’une technologie désormais capable de détruire la vie à grande échelle16. Une vie humaine réduite à l’expression de la maîtrise technologique, manifestation ultime d’une Nature dominée par l’Homme : Le meilleur des mondes entre en résonnance avec le pessimisme ambiant, ce qui contribue à expliquer qu’il ait si profondément marqué le public. La vie humaine, dans ce roman, n’est pas plus noble que celle du personnage kafkaïen de La métamorphose qui se réveille en cafard, ni que celle décrite dans les pages qu’Alfred Döblin consacre aux abattoirs dans Berlin Alexanderplatz (Döblin, 1929).

    23Selon le professeur de littérature Jay Clayton, le livre de Huxley a « plus profondément influencé le débat public sur la génétique qu’aucune autre œuvre littéraire, à l’exception peut-être de Frankenstein » (Clayton, 2016), autre ouvrage explorant le genre de l’utopie scientifique.

    24Avec la Seconde Guerre mondiale, le pessimisme de Huxley, perceptible dans sa collection d’essais de 1958, n’a fait que croître de plus belle. Bien que les espoirs des eugénistes aient été relancés par la découverte de l’ADN, l’essor de la génétique médicale et la chute de la mortalité infantile, il devenait difficile de nier que la science de l’évolution humaine selon Darwin et T.H. Huxley et l’eugénisme de Galton avaient servi de justification au totalitarisme, à la guerre totale et à l’extermination.

    II. Huxley, un guide pour penser le progrès scientifique ?

    25Dans Retour au meilleur des mondes, Huxley anticipe l’arrivée d’une pilule contraceptive et pose en termes clairs le dilemme éthique auquel la civilisation moderne devra faire face :

    « Nous avons le choix entre la famine, les épidémies et la guerre d’un côté, le contrôle des naissances de l’autre. La plupart d’entre nous optons pour le contrôle des naissances ― et aussitôt nous nous trouvons devant un casse-tête à la fois physiologique, médical, sociologique, psychologique et même théologique. La “pilule” n’a pas encore été inventée, mais si elle l’est, comment pourra-t-on la distribuer aux centaines de millions de femmes susceptibles d’être mères (ou si c’est une préparation qui agit sur les hommes, aux pères potentiels) qui devront en faire usage si on veut diminuer la natalité de l’espèce17 ? »

    26Le passage, précédé de la classique question « Que faire ? », apparaît dans le chapitre final de l’essai de 1958. La prédiction de Huxley, formulée deux ans avant la mise sur le marché de la première génération de pilules contraceptives, se situe sur un registre théorique mais attire l’attention sur les implications globales du contrôle des naissances et sur la nécessité de reconnaître combien cette petite pilule aurait de conséquences pour les relations de genre, l’économie et la gouvernance : « bien-sûr, elle ne créerait » pas un contrôle des naissances, qui lui préexiste, mais constituerait une solution scientifique, discrète et pratique (sous contrôle féminin) pour atteindre la « stérilisation » de la sexualité, telle qu’y réfléchissait depuis longtemps Huxley. Elle pourrait également préluder à une stérilisation totale digne de l’objectif de l’État mondial dans Le meilleur des mondes.

    27Il y a lieu de penser que c’est ce désenchantement à l’égard de la science eugéniste qui a poussé Huxley, dans les années 1950, à explorer le mysticisme, la parapsychologie, les sagesses indigènes et le psychédélisme18. Les critiques littéraires se sont efforcés de démontrer la cohérence de sa carrière et de ses écrits, notamment après son « virage psychédélique ». Mais le désespoir qui habitait ses œuvres d’avant-guerre semble l’avoir poussé à se tourner vers d’autres organisations sociales, en quête d’un sens nouveau et incorruptible. Le fait d’observer des rituels de guérison indigènes, et d’y participer, lui apporta un certain réconfort et l’aida à entrevoir des perspectives alors qu’il passait du rôle de commentateur engagé de son époque, souhaitant peser activement sur les débats, à celui de philosophe plus détaché et méditatif. Malgré sa fascination croissante pour ces confins au-delà de la science, Huxley a continué d’étudier l’évolution humaine et de disséquer les systèmes et les forces technologiques, politiques et économiques qui s’opposent à l’autonomie de l’individu au nom de l’efficacité de l’organisation, du pouvoir et de l’argent. Et la question populationnelle n’a jamais cessé de le préoccuper. Les progrès de l’hygiène, de la santé et de l’alimentation, permis par la science, ont contribué à un accroissement démographique bien plus important que celui observé par T.H. Huxley il y a plus d’un siècle dans « nos îles19 ». Cet effet pervers de la science, estimait Aldous, ne pouvait être compensé que par la science elle-même, d’où la nécessité d’adhérer au birth control défendu par des militantes comme Annie Besant et Margaret Sanger (Bashford, 2014 ; Connelly, 2008).

    28Les lecteurs contemporains du Meilleur des mondes continuent de chercher dans le roman des réponses aux questions éthiques du présent, en matière de PMA, de génétique ou de génomique. Ami et confident de Huxley, Gerald Heard estimait que les origines d’Aldous lui avaient conféré à la fois une grande autorité intellectuelle et une responsabilité morale (Bedford, 1974). Mais l’enchevêtrement si complexe de la science et de la morale qu’illustre Le meilleur des mondes ne délivre aucune réponse simple et prête à l’emploi face aux incertitudes éthiques d’aujourd’hui.

    29S’il devait y avoir dans ce roman un seul enseignement certain, ce serait au fond le suivant : le spectre du contrôle – des individus ou des populations – rend difficile de célébrer la maîtrise de la procréation sans reconnaître en même temps que les outils qui améliorent notoirement la vie de l’humanité pourraient aussi être utilisés contre l’humanité.

    Bibliographie

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    10.9783/9780812209266 :

    Notes de bas de page

    1 « The people who run the Brave New World may not be sane […]; but they are not madmen and their aim is not anarchy but stability. » Huxley, 1950[1932)], p. 10. La citation provient de la préface de l’auteur à l’édition de 1950 : « Stability, said the Controller, stability, No civilization without social stability. No social stability without individual stability ». (« La stabilité, dit l’Administrateur, la stabilité. Pas de civilisation sans stabilité sociale. Pas de stabilité sociale sans stabilité individuelle. »), Huxley, op. cit. p. 44.

    2 « As though man were to be adapted and enslaved to them. » (Huxley, op. cit. p. 8.)

    3 Huxley, op. cit. p. 13.

    4 « Constamment distraits par des amusements gratuits » (Huxley, 2006).

    5 « The wish to impose order upon confusion, to bring harmony out of dissonance and unity out of multiplicity, is a kind of intellectual instinct, a primary and fundamental urge of the mind. » Huxley aurait souscrit aux propos de Stephen Gaukroger : « L’un des traits les plus caractéristiques de l’émergence d’une culture scientifique dans l’Europe moderne est l’assimilation progressive de toutes les valeurs cognitives aux valeurs scientifiques. » (« One of the most distinctive features of the emergence of a scientific culture in modern Europe is the gradual assimilation of all cognitive values to scientific ones ») (Gaukroger, 2006, p. 11).

    6 « It is in the social sphere, in the realm of politics and economics, that the Will to Order becomes really dangerous. » (Huxley, 1958, p. 20.)

    7 Huxley, op.cit., p. 16-27 ; Huxley fut influencé par l’ouvrage de William Whyte, L’homme de l’organisation (1956) qui décrit l’apparition d’une nouvelle éthique sociale en vertu de laquelle l’organisation est plus importante que les individus.

    8 « Civilization is Sterilization » (Huxley, 1935). Ce mantra est récité p. 92 et p. 99, tandis que le processus de fécondation in vitro et de stérilisation est décrit dans le chapitre d’ouverture.

    9 « There are now 36,000,000 of people in our islands, and every year considerably more than 300,000 are added to our numbers, that is to say, about every hundred seconds, or so, a new claimant to a share in the common stock or maintenance presents him or herself among us. At the present time, the produce of the soil does not suffice to feed half its population […] Let us be under no illusions, then. So long as unlimited multiplication goes on, no social organization which has ever been devised […] will deliver society from the tendency to be destroyed by the reproduction within itself. » (T.H. Huxley, 1948[1888], p. 68-69.)

    10 Dans son essai de 1927, A Note on Eugenics, Huxley écrit : « La technique biologique va bientôt atteindre un point tel que les scientifiques réussiront à faire ce que le Dr. Erasmus Darwin et miss Anna Seward (le cygne de Lichfield) [surnom de cette poétesse] ont, dit-on, essayé sans y parvenir : ils vont apprendre à produire des bébés dans des bouteilles ». Voir aussi Baker et Sexton, 2001, p. 283.

    11 En janvier 1932, dans une émission de la BBC (« Science and Civilization »), Huxley cite avec enthousiasme le « travail admirable » de Fisher, qui avait alerté sur le risque de « rapide détérioration de la souche ouest-européenne […] en l’absence de mesures ». Dans l’essai Are We Growing Stupider? (1932), il évoque le livre « très important » de Fisher dans lequel ce dernier met en relation taux de natalité et niveau d’intelligence (in Baker et Sexton, 2001, p. 153 ; p. 323-324).

    12 « In our random and unregulated way we are not only over-populating our planet, we are also, it would seem, making sure that these greater numbers shall be of biologically poorer quality. » (Huxley, 1958, p. 13.)

    13 « From the available evidence it must be concluded that the various European types are all of one stock and that Europeans in general are a very ancient variation of the species Homo […] Nazis, Jingos, Chauvinists – all use the demonstrably untrue philosophy of race-difference and race-­superiority as a means for exciting one set of human beings against their fellows. » (The Race Racket [1933], in Baker et Sexton, 2001, p. 374.) Dans Racial History (1934), il écrit : « Reconnaissons franchement que la politique menée par les Blancs à l’égard des races de couleur n’est souvent dictée que par l’égoïsme, la peur et l’arrogance ? » (« Let us frankly admit that the policy pursued by white men towards the colored races is often dictated by nothing higher than selfishness, fear, or arrogance »), (Racial History (1934), op. cit., p. 377.)

    14 « No branch of the white race has a monopoly of intelligence […] The thing that immigration officers should discriminate against is not race (except in those cases where miscegenation leads to biologically undesirable results), but stupidity. A country’s first need is good brains, not blue eyes. » (Ibid.)

    15 Voir les essais classés dans la section « Huxley the statesman of science » in Water, 1992, p. 193-262.

    16 En 1924, Bertrand Russell évoquait les perspectives sinistres que laissaient entrevoir les dérives de la science : « La science n’a pas donné aux hommes plus de self-control, plus de bonté, plus de pouvoir de réfréner leurs passions ou d’apprécier un plan d’action […]. Elle menace de causer la destruction de notre civilisation […]. Peut-être, au vu de la stérilité de l’Empire romain, que l’effondrement de notre civilisation serait finalement préférable à cette alternative. » (Russell, 1924, p. 60-62).

    17 « We are given two choices ― famine, pestilence, and war on the one hand, birth control on the other. Most of us choose birth control ― and immediately find ourselves confronted by a problem that is that is simultaneously a puzzle in physiology, pharmacology, sociology, psychology and even theology. “The Pill” has not yet been invented. When and if it is invented, how can it be distributed to the many hundreds of millions of potential mothers (or, if it is a pill that works upon the male, potential fathers) who will have to take it if the birth rate of the species is to be reduced? » Huxley, 1960, p. 109-110.

    18 Voir Huxley, La philosophie éternelle (1945) et Les diables de Loudun (1952) ; voir aussi Psychedelic Prophets (1977).

    19 Au cours de l’existence d’Aldous Huxley, la population mondiale s’est accrue de plus d’un milliard d’habitants (Maddison, 2007, p. 376).

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    • Erika Dyck
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    1 « The people who run the Brave New World may not be sane […]; but they are not madmen and their aim is not anarchy but stability. » Huxley, 1950[1932)], p. 10. La citation provient de la préface de l’auteur à l’édition de 1950 : « Stability, said the Controller, stability, No civilization without social stability. No social stability without individual stability ». (« La stabilité, dit l’Administrateur, la stabilité. Pas de civilisation sans stabilité sociale. Pas de stabilité sociale sans stabilité individuelle. »), Huxley, op. cit. p. 44.

    2 « As though man were to be adapted and enslaved to them. » (Huxley, op. cit. p. 8.)

    3 Huxley, op. cit. p. 13.

    4 « Constamment distraits par des amusements gratuits » (Huxley, 2006).

    5 « The wish to impose order upon confusion, to bring harmony out of dissonance and unity out of multiplicity, is a kind of intellectual instinct, a primary and fundamental urge of the mind. » Huxley aurait souscrit aux propos de Stephen Gaukroger : « L’un des traits les plus caractéristiques de l’émergence d’une culture scientifique dans l’Europe moderne est l’assimilation progressive de toutes les valeurs cognitives aux valeurs scientifiques. » (« One of the most distinctive features of the emergence of a scientific culture in modern Europe is the gradual assimilation of all cognitive values to scientific ones ») (Gaukroger, 2006, p. 11).

    6 « It is in the social sphere, in the realm of politics and economics, that the Will to Order becomes really dangerous. » (Huxley, 1958, p. 20.)

    7 Huxley, op.cit., p. 16-27 ; Huxley fut influencé par l’ouvrage de William Whyte, L’homme de l’organisation (1956) qui décrit l’apparition d’une nouvelle éthique sociale en vertu de laquelle l’organisation est plus importante que les individus.

    8 « Civilization is Sterilization » (Huxley, 1935). Ce mantra est récité p. 92 et p. 99, tandis que le processus de fécondation in vitro et de stérilisation est décrit dans le chapitre d’ouverture.

    9 « There are now 36,000,000 of people in our islands, and every year considerably more than 300,000 are added to our numbers, that is to say, about every hundred seconds, or so, a new claimant to a share in the common stock or maintenance presents him or herself among us. At the present time, the produce of the soil does not suffice to feed half its population […] Let us be under no illusions, then. So long as unlimited multiplication goes on, no social organization which has ever been devised […] will deliver society from the tendency to be destroyed by the reproduction within itself. » (T.H. Huxley, 1948[1888], p. 68-69.)

    10 Dans son essai de 1927, A Note on Eugenics, Huxley écrit : « La technique biologique va bientôt atteindre un point tel que les scientifiques réussiront à faire ce que le Dr. Erasmus Darwin et miss Anna Seward (le cygne de Lichfield) [surnom de cette poétesse] ont, dit-on, essayé sans y parvenir : ils vont apprendre à produire des bébés dans des bouteilles ». Voir aussi Baker et Sexton, 2001, p. 283.

    11 En janvier 1932, dans une émission de la BBC (« Science and Civilization »), Huxley cite avec enthousiasme le « travail admirable » de Fisher, qui avait alerté sur le risque de « rapide détérioration de la souche ouest-européenne […] en l’absence de mesures ». Dans l’essai Are We Growing Stupider? (1932), il évoque le livre « très important » de Fisher dans lequel ce dernier met en relation taux de natalité et niveau d’intelligence (in Baker et Sexton, 2001, p. 153 ; p. 323-324).

    12 « In our random and unregulated way we are not only over-populating our planet, we are also, it would seem, making sure that these greater numbers shall be of biologically poorer quality. » (Huxley, 1958, p. 13.)

    13 « From the available evidence it must be concluded that the various European types are all of one stock and that Europeans in general are a very ancient variation of the species Homo […] Nazis, Jingos, Chauvinists – all use the demonstrably untrue philosophy of race-difference and race-­superiority as a means for exciting one set of human beings against their fellows. » (The Race Racket [1933], in Baker et Sexton, 2001, p. 374.) Dans Racial History (1934), il écrit : « Reconnaissons franchement que la politique menée par les Blancs à l’égard des races de couleur n’est souvent dictée que par l’égoïsme, la peur et l’arrogance ? » (« Let us frankly admit that the policy pursued by white men towards the colored races is often dictated by nothing higher than selfishness, fear, or arrogance »), (Racial History (1934), op. cit., p. 377.)

    14 « No branch of the white race has a monopoly of intelligence […] The thing that immigration officers should discriminate against is not race (except in those cases where miscegenation leads to biologically undesirable results), but stupidity. A country’s first need is good brains, not blue eyes. » (Ibid.)

    15 Voir les essais classés dans la section « Huxley the statesman of science » in Water, 1992, p. 193-262.

    16 En 1924, Bertrand Russell évoquait les perspectives sinistres que laissaient entrevoir les dérives de la science : « La science n’a pas donné aux hommes plus de self-control, plus de bonté, plus de pouvoir de réfréner leurs passions ou d’apprécier un plan d’action […]. Elle menace de causer la destruction de notre civilisation […]. Peut-être, au vu de la stérilité de l’Empire romain, que l’effondrement de notre civilisation serait finalement préférable à cette alternative. » (Russell, 1924, p. 60-62).

    17 « We are given two choices ― famine, pestilence, and war on the one hand, birth control on the other. Most of us choose birth control ― and immediately find ourselves confronted by a problem that is that is simultaneously a puzzle in physiology, pharmacology, sociology, psychology and even theology. “The Pill” has not yet been invented. When and if it is invented, how can it be distributed to the many hundreds of millions of potential mothers (or, if it is a pill that works upon the male, potential fathers) who will have to take it if the birth rate of the species is to be reduced? » Huxley, 1960, p. 109-110.

    18 Voir Huxley, La philosophie éternelle (1945) et Les diables de Loudun (1952) ; voir aussi Psychedelic Prophets (1977).

    19 Au cours de l’existence d’Aldous Huxley, la population mondiale s’est accrue de plus d’un milliard d’habitants (Maddison, 2007, p. 376).

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    Dyck, Erika. « Sommes-nous dans le Meilleur des mondes ? Passé, présent, futur des technologies de reproduction assistée ». In Procréation et imaginaires collectifs, édité par Doris Bonnet, Fabrice Cahen, et Virginie Rozée. Paris: Ined Éditions, 2021. https://doi.org/10.4000/books.ined.17194.
    Dyck, Erika. « Sommes-nous dans le Meilleur des mondes ? Passé, présent, futur des technologies de reproduction assistée ». Procréation et imaginaires collectifs, édité par Doris Bonnet et al., Ined Éditions, 2021, https://doi.org/10.4000/books.ined.17194.

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    Bonnet, D., Cahen, F., & Rozée, V. (éds.). (2021). Procréation et imaginaires collectifs (1‑). Ined Éditions. https://doi.org/10.4000/books.ined.17119
    Bonnet, Doris, Fabrice Cahen, et Virginie Rozée, éd. Procréation et imaginaires collectifs. Paris: Ined Éditions, 2021. https://doi.org/10.4000/books.ined.17119.
    Bonnet, Doris, et al., éditeurs. Procréation et imaginaires collectifs. Ined Éditions, 2021, https://doi.org/10.4000/books.ined.17119.
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