1Ce document traite des tensions – conceptuelles, politiques ou organisationnelles – qui existent entre les organisations non gouvernementales (ONG) et les « mouvements sociaux ». […] La question centrale que nous posons est de savoir si les mouvements sociaux (de résistance de masse) peuvent absorber et réorienter les ONG, ou si nous allons être témoins de l’ONGisation des mouvements et des politiques. Il ne s’agit pas ici de condamner ou d’approuver en bloc, car beaucoup d’ONG font un travail de grande valeur en collaboration avec les mouvements. On peut considérer que tous les acteurs font partie de la « société civile », mais ce terme est aussi un sujet de conflit, en particulier quand les notions de civil – comme modèles d’analyse et d’action – sont aussi façonnées par les structures de pouvoir existantes et la résistance qu’elles engendrent.

2Nous devons donc aller au-delà de la perspective de la « société civile » pour affiner les distinctions politiques : nous allons évaluer les phénomènes contemporains des ONG et des mouvements sociaux dans un contexte politique plus vaste. Ceci étant dit, la distinction Nord-Sud a une importance analytique car les ONG les plus puissantes dans le monde aujourd’hui, et en particulier les ONG internationales, sont surtout établies dans le Nord, alors que les mouvements sociaux les plus puissants se trouvent dans le Sud. L’identification politique coïncide donc, dans une large mesure, avec l’identification géographique ; pour autant, nous n’entendons pas nier la croissance des ONG dans le Sud et l’apparition de mouvements sociaux dans le Nord.

3Les définitions posent un problème. Les descriptions sont plus adéquates, et le rapport des Nations unies (ONU) sur l’engagement de la société civile, aussi appelé le rapport Cardoso, fait une caractérisation utile des ONG : « Organisation non gouvernementale (ONG). Les organisations présentant de l’intérêt pour l’ONU qui ne sont pas des gouvernements centraux ou n’ont pas été créées par décision intergouvernementale comprennent les associations d’entreprises, de parlementaires et d’autorités locales. Ce terme est source de grande confusion dans les milieux de l’ONU. Ailleurs, le terme ONG en est venu à désigner les ONG d’intérêt public, autrement dit, un type d’organisation de la société civile (OSC) expressément constituée pour venir en aide au grand public ou à la population en général en sensibilisant ou en fournissant des services. En font partie les organisations qui luttent pour l’environnement, le développement, les droits de l’homme et la paix, et leurs réseaux internationaux. Ces organisations peuvent ou non s’appuyer sur des membres. La Charte des Nations unies prévoit que des consultations doivent avoir lieu avec les ONG » (Nations Unies 2004 :13).

A qui appartiennent les ONG ?

4D’après le Rapport mondial sur le développement humain de 2002 du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), presque un cinquième des 37 000 ONG du monde ont été fondées au cours des années 1990. De façon très semblable aux mouvements sociaux, les ONG ont disputé des espaces occupés auparavant par des syndicats et des partis politiques, sur la scène politique mais aussi sur la scène sociale. Leur présence grandissante et leur nombre croissant sont censés faire partie intégrante de l’avènement de la société civile – et des organisations de la société civile (OSC) – au niveau national et international.

5Les ONG sont en général perçues comme des entités indépendantes et critiques des gouvernements, mais il ne faut pas être naïf. Des gouvernements puissants utilisent voire créent des ONG – des GONGOs ou Government-organised Non-Governmental Organisations – pour promouvoir les intérêts de l’Etat. Les ONG soutiendraient indéfiniment qu’elles sont indépendantes, mais il se pourrait bien que la réalité soit très différente, soit parce que les pouvoirs en place exercent un contrôle direct sur elles, soit parce qu’ils ont établi le cadre politique, financier ou même idéologique. Il se peut que même les gouvernements prétendent que les ONG avec lesquelles ils travaillent sont indépendantes ; mais leurs étroites relations de travail sur de nombreux sujets font douter.

6D’autres gouvernements ne s’embarrassent pas de ces questions. Par exemple, le gouvernement des Etats-Unis n’exprime aucun scrupule à utiliser l’« aide humanitaire » des ONG, quand il se trouve qu’elle sert aussi les objectifs politiques et militaires de Washington. Cette prétendue neutralité dévoile son vrai visage lorsque les activités militaires et de secours s’entrecroisent, ce qui peut non seulement coûter sa réputation à l’organisme d’aide, mais aussi coûter la vie à certains travailleurs humanitaires.

7[…]

8Andrew S. Natsios, administrateur de l’Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID), a été encore plus explicite et a déclaré que les organismes de secours des ONG qui reçoivent le soutien financier des Etats-Unis sont un « bras du gouvernement des Etats-Unis ». Les organisations qui ne s’associeraient pas clairement à la politique étrangère de Washington ne laisseraient d’autre choix à USAID que de rompre leur contrat et de trouver de nouveaux partenaires (Burnet 2004).

9Pour leur part, de puissantes sociétés multinationales, qui font habituellement l’objet de critiques de la part de mouvements sociaux et de nombreuses ONG, comptent aussi sur des amis « à but non lucratif » qu’elles financent. Certaines des principales ONG travaillant dans le domaine de la santé reçoivent de l’aide des plus importantes sociétés de ce même domaine.

10[…]

11Le rapport sur les ONG créées par des entreprises cite d’autres exemples, comme la Fondation pour le progrès vers un air propre (Foundation for Clean Air Progress – financée par des sociétés pétrolières, des transporteurs et des sociétés chimiques), la Coalition pour la santé des animaux (Coalition for Animal Health – financée par des entreprises bovines, porcines et agroalimentaires) et le Centre pour la liberté des consommateurs (Center for Consumer Freedom – financé à l’origine par Philip Morris, mais désormais financé par des chaînes de restaurants et de bars, bien qu’il refuse de divulguer les noms de ses contributeurs). Le monde académique n’échappe pas non plus à cette situation, puisque le rapport identifie quelque 30 centres de recherche universitaires qui reçoivent des aides importantes de certaines entreprises, y compris des centres universitaires de sylviculture financés par des industries du bois et du papier, ou des centres de nutrition financés par des industries alimentaires et agroalimentaires (Common Dreams News Center 2003).

12[…]

ONG de développement : contre des acronymes ou contre l’injustice ?

13Au cours des années 1980, de plus en plus d’ONG de développement ont intégré le concept de partenariat avec les bénéficiaires de leur travail. Cela peut sembler tout à fait progressiste, sauf si on tient compte du fait que de nombreux services fournis par les ONG ont relevé le gouvernement de ses propres responsabilités sociales, et renforcé ainsi le modèle néolibéral de recul de l’Etat. Pour leur part, les agences donatrices nationales et internationales considèrent les ONG comme des agences chargées de mettre en œuvre un modèle et un programme de « développement » prédéfinis. En un mot, les instruments des pratiques et des politiques qui sont définies dans le Nord n’ont que peu, ou pas de « partenariat » au niveau des décisions.

14L’échec des politiques, d’une part, et la pression des mouvements sociaux, d’autre part, ont obligé à changer le style et la rhétorique politiques officielles. Pour rédiger ses Documents de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP), la Banque mondiale a fait appel à ce qu’elle a dénommé des OSC pour effectuer des consultations et aider à l’« appropriation nationale ». Mais les discussions sur le cadre méthodologique et les politiques étaient très étroitement contrôlées. Il n’était pas question de remettre en cause le modèle plus vaste de développement, l’enrichissement extrême de certains, et l’inégale répartition des revenus qu’il entraîne. Au bout de deux ans, et d’après différentes études comparatives, il est devenu évident que les organisations communautaires et leurs consultations n’avaient que peu ou pas d’impact sur le développement des Stratégies de Réduction de la Pauvreté, sans parler des sacro-saints cadres macro-économiques soutenus par les institutions financières internationales et la communauté donatrice en général. Une étude danoise a conclu : « Il n’y a que peu de directives concernant la participation de la société civile, et elles ne sont formulées que vaguement ; on ne cherche pas vraiment à identifier les groupes qui constituent des participants légitimes au processus – et pourquoi. Il est difficile de savoir à l’avance quelles organisations vont être impliquées dans le développement des politiques, et le choix est largement fondé sur des relations non formelles » (Possing 2003 : 68).

15Toutefois, le problème n’est pas d’avoir des directives ou d’être impliqué dans les processus de développement des politiques. Les processus peuvent varier, mais la politique a été largement prédéterminée à Washington et dans les ministères des finances locaux. Il n’est donc pas étonnant que d’importants mouvements sociaux et des syndicats aient refusé de participer ou d’être dans la liste des « consultés ». Bien au contraire, les mouvements et le réseau d’ONG qui les soutient ont maintenu une position ferme envers les institutions financières internationales et les programmes d’ajustement structurel (PAS), et ont affirmé – et le temps leur a donné raison – que les DSRP n’étaient que du vieux vin dans de nouvelles bouteilles. Les voix critiques ont été exclues du processus de consultation, en particulier lorsque celui-ci visait simplement à établir un consensus entre le gouvernement et la société civile sur des programmes de « réduction de la pauvreté » qui n’abordaient pas les sujets de l’enrichissement illicite et de la réduction des services sociaux. Ces voix ont insisté pour dire que le problème était plutôt celui de « l’appauvrissement » que celui de la pauvreté : une stratégie de la réduction de la pauvreté ne devait pas se substituer à une stratégie de développement national, et la réduction de la pauvreté devait être accompagnée d’une réduction de la cupidité. Comme l’a montré cette même étude, « dans de nombreux cas, la « participation » a été limitée pour permettre de sélectionner soigneusement les OSC ; le processus a souvent été plus exclusif qu’inclusif » (Possing 2003 : 69).

16Il n’est pas surprenant que les mouvements sociaux aient été exclus, ou se soient exclus eux-mêmes, de ces processus et d’autres exercices censés établir un « consensus » sur des versions atténuées de développement néolibéral. Ce n’était pas seulement une question de résistance, c’est aussi que l’implication dans les DSRP et dans les autres initiatives de « société civile » lancées par des donateurs avait un prix, qu’elle a toujours. Des programmes sociaux essentiels, demandant souvent une large unité, ont été sacrifiés. Un clivage est apparu entre les ONG intellectuelles établies dans les villes et les majorités urbaines et rurales pauvres. Une analyse comparative des processus de DSRP en Afrique, en Amérique latine et en Asie entreprise par trois ONG indépendantes a montré que : « Du point de vue des OSC les plus proches des intérêts des pauvres, le vrai problème était de savoir si cet espace pouvait être utilisé efficacement pour contester l’ajustement structurel et l’injustice structurelle et globale. Une autre question n’a cessé de revenir dans les différents ateliers : il s’agissait de savoir si les OSC détournaient consciemment ou inconsciemment des ressources humaines et organisationnelles, déjà insuffisantes, du travail essentiel de développement et de mobilisation, ou si elles émettaient des signaux confus quant à leur position face à la mondialisation menée par les entreprises… Là où des formations de la société civile ont atteint un certain degré de maturité, leurs activités militantes couvrent un vaste spectre de sujets, et comprennent, le plus souvent, la défense de politiques qui défient directement celles qui ont été dictées par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale (BM). Beaucoup en ont conclu que, lorsque les gouvernements s’allient au FMI/BM pour fermer toute possibilité de négociation sur les réformes économiques prescrites, les termes de véritable participation, vaste consultation, appropriation citoyenne et même de processus démocratique ne peuvent plus avoir aucun sens » (Centro de Estudios Internacionales et al. 2001).

17Eurodad, un réseau sur la dette et le développement établi en Belgique et financé par la Commission européenne, a résumé le dilemme en posant la question suivante : « Nous – les ONG et autres partisans du changement dans l’industrie du développement – sommes peut-être en train de gagner quelques luttes politiques dans notre bataille contre les acronymes, mais ne sommes-nous pas en train de perdre la guerre pour une justice sociale et économique ? » (2003 : 9).

18Ironiquement, la voie est maintenant libre pour les mouvements sociaux qui vont pouvoir déployer leurs projets d’organisation pour ne pas simplement « entendre » les « voix des pauvres », comme le voudrait la Banque mondiale, mais pour permettre à ces voix de s’organiser, de façon à non seulement être entendues, mais aussi à faire passer des changements. Le soutien aux organisations locales ne figurait pas parmi les priorités des gouvernements, encore moins dans celles des institutions financières internationales, mais c’était le cœur du programme de mobilisation des mouvements. Cela menait, constamment, à s’engager dans des débats interdits par les institutions financières internationales mais essentiels au développement et à l’autodétermination, sur des sujets tels que les politiques commerciales, la privatisation, la réglementation des investissements étrangers, la souveraineté alimentaire, la protection, les politiques du travail, entre autres, et, peut-être surtout, sur la recherche de l’autodétermination économique comme moyen d’affirmer une véritable souveraineté.

19[…]

Mouvements sociaux et campagnes

20Il existe de nombreuses définitions des mouvements sociaux, mais peu s’appliquent exactement à la réalité du terrain. Il vaut peut-être mieux travailler avec les définitions faites par les mouvements eux-mêmes, comme celle du Mouvement des Travailleurs sans Terre au Brésil, l’une des principales forces sociales de la politique brésilienne, et l’un des moteurs du mouvement transnational de travailleurs agricoles et de paysans, Via Campesina. Gilmar Mauro, membre de la direction nationale du mouvement, décrit l’organisation comme « un mouvement de masse, à caractère populaire, mais aussi un mouvement syndical et politique qui lutte pour la terre, les réformes agraires et des transformations sociales ».

21Comme en Amérique latine et ailleurs, soutient-il, au Brésil, la lutte pour la terre et la réforme agraire cherche à donner une voix aux populations pour atteindre rapidement les objectifs dans le domaine agraire, tout en reconnaissant « que la lutte ne doit pas être circonscrite au secteur purement économique ». Compte tenu de la nature de l’élite et de la société brésilienne, on ne peut pas dissocier la lutte pour la réforme agraire et les autres luttes sociales des questions de pouvoir politique ; c’est pourquoi, en 2004, Mauro a déclaré : « Dès le début, nous avons organisé notre mouvement en tenant compte du fait que le bénéfice est au cœur du système capitaliste, et qu’il passe par l’exploitation des travailleurs et la défense de la propriété privée. Pour être durables, les changements dans la propriété de la terre devront s’accompagner de changements sociaux plus vastes, et ceci n’aura lieu qu’au terme d’une lutte des masses. Ce n’est pas que nous désapprouvions l’idée de négociation… mais les négociations sont possibles parce que des forces s’accumulent au cours de la lutte, et non grâce au talent d’un leader en particulier… les négociations sont le fruit de la lutte du peuple… Il est important d’articuler les programmes et les moyens de la lutte pour la solidarité avec la politique à l’échelle continentale, comme on le fait, par exemple, pour la lutte contre l’accord sur la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA). »

22Bien sûr, tous les mouvements sociaux ne désignent pas aussi explicitement le système capitaliste – bien que ce soit le cas de la plupart en Amérique latine. Mais, globalement, tous font la même analyse du néolibéralisme et de la mondialisation néolibérale qu’ils mettent en accusation. Et avec les technologies générées par la mondialisation, les ONG et les mouvements sociaux se sont organisés et font du lobbying à l’échelle internationale. Il existe, néanmoins, d’énormes différences entre d’une part les « campagnes mondiales » ponctuelles qui visent des objectifs spécifiques et d’autres parts les réseaux gérés par les mouvements qui entreprennent des changements systémiques.

23Ces contradictions ont créé d’importantes tensions entre les ONG et les mouvements. Elles ne sont pas inévitables, mais elles sont fréquentes avec la polarisation de l’économie et des politiques internationales qui a caractérisé la dernière décennie. L’émergence des soi-disant « campagnes mondiales » pose un problème. Ces campagnes sont en général lancées au Nord et cherchent à appliquer leur méthodologie descendante au Sud, ce qui nuit parfois à l’organisation de mouvements locaux, empêche une plus grande prise de conscience ou une compréhension systémique. Les sujets et les objectifs de la campagne sont définis dans le Nord, et les partisans sont recrutés au Sud.

24Le but de tous est peut-être de faire évoluer les politiques sociales – ou les politiques menées dans le domaine politique ou économique et qui ont un impact social – mais les stratégies diffèrent, en particulier dans l’établissement d’alliances. Ces dernières dépendent de la base sociale que peut prétendre représenter une organisation. Les mouvements sociaux développent donc une dynamique d’organisation bien différente du travail en réseau effectué par des organismes qui se consacrent essentiellement à l’action en faveur de certaines politiques, à l’offre de certains services, et au suivi, autant d’activités caractéristiques de nombreuses ONG. Cette délimitation, ou l’absence d’une base sociale, détermine à son tour le degré de dépendance du financement externe, ainsi que la liberté de contrarier les bailleurs de fonds. La réforme de la politique peut être la première étape, mais elle peut être reléguée à la dernière place si le cadre analytique et organisationnel ne permet pas de parler des causes structurelles et mondiales de la pauvreté, des inégalités et de la violence.

25On peut, dans ce contexte, étudier les différentes « campagnes » qui ont périodiquement agité la communauté internationale, et dont les ONG du Nord ont été les forces directrices. Des campagnes sur les mines antipersonnel, les enfants soldats, les armes légères, la dette extérieure, le commerce équitable, le réchauffement de la planète, la Cour pénale internationale, la corruption, la gouvernance, la famine, sont perçues comme des campagnes pour lesquelles les ONG ont réussi à obtenir l’appui de différents organismes de l’ONU et des « puissances intermédiaires » pour exiger des actions sur la scène internationale.

26On a souvent considéré que beaucoup de ces campagnes avaient été des succès, mais selon quels critères ? Les critiques, qui viennent habituellement du Sud, affirment que la portée limitée des campagnes tend à dévier l’attention des problèmes plus vastes du développement et de la paix – des slogans simplistes renforcent et reflètent des analyses simplistes. Les crises humanitaires ont aussi leurs racines politiques, et les réactions ont tendance à être sélectives et influencées par les médias, en particulier lorsque des intérêts stratégiques sont en jeu. Il est bien plus facile de réagir aux images publiques du problème qu’à l’essence même du conflit, en particulier au rôle des structures du pouvoir mondial, passées et présentes, qu’aucun gouvernement riche ne souhaite sérieusement réformer.

27Ainsi, le débat entre les campagnes et les mouvements ne porte pas autant sur les formes d’organisation que sur les objectifs politiques. Le politique façonne l’organisationnel. Dans quelque société que ce soit, la plupart des regroupements « radicaux » – au Nord, mais surtout au Sud – pensent que seul un changement systémique et structurel ouvrira la voie à la démocratie et à une société d’égalité et de non-discrimination. Il ne s’agit pas de rejeter la réforme en faveur de la révolution, il s’agit plutôt d’admettre les limites de la réforme tout en s’efforçant, sur les deux fronts, d’obtenir des changements plus profonds et une meilleure prise de conscience. L’organisation et la « conscientisation » durables de la population – par opposition à des sursauts momentanés de mobilisation – commencent donc avec les éléments les plus marginalisés qui créent toujours, lentement mais sûrement, des formes de contre-pouvoir pour défier les élites locales et mondiales.

28Le point de vue est très différent pour ceux qui croient, surtout au Nord mais aussi au Sud, que le système peut être influencé ou poussé à changer par un bon lobbying stratégique. Selon cette vision, les campagnes doivent être très « professionnelles » et très ciblées. On fait appel à des spécialistes du marketing et des médias pour garantir que la population victime touchera le public, avec des images larmoyantes et dégradantes de victimes du Sud, dans l’espoir d’inspirer de la honte aux cercles gouvernementaux, et des réactions charitables parmi la population de leurs pays. Avec un peu de chance, les gouvernements eux-mêmes leur attribueront des fonds pour se donner une légitimité et le prestige d’une image progressiste. Il faut fixer des objectifs à court terme, avec des échéances ; une fois terminée, la campagne sera dissoute et on passera à une nouvelle cause.

29Les différences entre les campagnes et les mouvements – que nous avons beaucoup simplifiées ici, pour les besoins de l’analyse – sont donc politiques et contextuelles. Les campagnes peuvent aider à créer des mouvements si elles sont conçues explicitement pour former les populations sur les éléments systémiques et sur la nécessité d’une mobilisation durable. Sinon, les campagnes empêchent la création de mouvements en limitant la participation à une contribution financière dans un but précis, à une présence pour assister à un sympathique concert de rock, ou à une manifestation le dimanche après-midi. Tout cela dépend, bien sûr, du contexte : culturel, mais aussi politique, puisqu’il présuppose l’existence de gouvernements qui réagissent à de telles pressions (habituellement dans le Nord), par opposition à ceux qui ne réagissent pas (généralement dans le Sud) ou, pis encore, répondent par la répression. La contradiction n’est pas inévitable et il est clair que les campagnes peuvent se dérouler de telle façon qu’elles contribuent à mieux comprendre les dynamiques politiques, économiques et mondiales.

30Les campagnes peuvent faire évoluer les politiques et provoquer une prise de conscience publique, mais ces changements et cette prise de conscience ne seront peut-être pas ceux que l’on attendait et dont ont besoin les personnes les plus vulnérables dans le Sud, ou les opposants victimes des effets du militarisme du néolibéralisme mondial. Pour savoir si l’on a réussi, un éditorial favorable dans les principaux médias ne devrait pas suffire et on devrait plutôt chercher à voir si des changements positifs se sont produits dans les bidonvilles de Managua, de Manille ou de Maputo.

31Il ne s’agit pas d’instaurer la paix pour avoir la stabilité, mais d’instaurer la justice comme condition préalable à une paix véritable.

32Faute de changement substantiel, une grande partie du Nord a suivi la trace du Sud, et est « descendu dans la rue » pour protester contre la violence institutionnalisée protégée et promue par les organismes de Bretton Woods, l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) et le groupe des huit (G8). A Seattle, Prague, Cancun et Gênes, on a fait campagne par une présence dans les rues et par l’utilisation de la puissance de la non-violence. A mesure que les gouvernements du Nord abandonnent les uns après les autres leurs politiques « douces », et cèdent aux exigences des Etats-Unis pour s’unir à la « coalition », les rapports entre certaines ONG et leurs gouvernements se crispent alors qu’ils étaient détendus. Globalement, cette évolution est peut-être saine puisque la polarisation a aussi apporté un démenti à ceux qui, dans le Nord, prétendaient abusivement que les pauvres sans voix du Sud avaient en quelque sorte besoin d’un porte-parole bienveillant du Nord.

33[…]

Renforcement des capacités ou mobilisation des capacités ?

34Beaucoup d’ONG spécialisées voudraient nous faire croire que la « connaissance » est la clé du développement durable, et que la connaissance ou l’expertise se trouve au Nord et doit être transférée au Sud par le « renforcement des capacités ». Parfois, les ONG les plus modestes reconnaissent que le processus d’apprentissage fonctionne dans les deux sens, mais quand on y regarde de plus près, on se rend compte que ce principe n’est pas souvent mis en œuvre.

35L’organisation de recherche, British Overseas NGOs for Development (BOND) a montré que : « alors que l’accent semble maintenant avoir été mis sur l’importance de l’apprentissage, les attitudes et les pratiques dominantes des ONG ne semblent pas avoir évolué beaucoup. Quelques domaines essentiels d’apprentissage, notamment ceux qui relèvent de partenariats entre le Nord et le Sud – par exemple, l’expérience locale, les perspectives locales, les différences historiques, la pauvreté, etc. – sont encore très sous-évalués » (2003).

36Encore pire, une « pratique “pas si rare” du Nord consistait à prendre au Sud des idées et des informations, à les analyser, leur donner un nouvel emballage et à les présenter ensuite comme les siennes » (Ludin 2003). On retrouve aussi cette pratique chez les chercheurs.

37Le plus souvent, le renforcement des capacités Nord-Sud se traduit par l’adoption par les acteurs du Sud – habituellement des ONG locales – de prescriptions et de méthodologies du Nord qui ont très souvent été financées par des agences donatrices du gouvernement. Il suffit de constater l’uniformité des diagnostics et des remèdes politiques adoptés partout dans le Sud – dans le développement, la résolution de conflits, la formation pour la prise en compte des questions de genre et l’éducation aux droits de l’homme – expliqués selon un schéma d’apprentissage commun venu du Nord. Le colonialisme était, évidemment, le modèle original ; mais, désormais, le Nord fournit les manuels pour résoudre beaucoup des problèmes qu’il a causés lui-même. Alors que des ministres des finances dans le Sud adoptent fidèlement les prescriptions du FMI pour stimuler la « croissance », de nombreuses ONG se chargent du travail de lutte contre la pauvreté, lui aussi prescrit par le FMI et la Banque mondiale pour réduire l’impact social de la politique de croissance économique. Dans une division virtuelle du travail, les ONG – du Nord et du Sud – développent des stratégies d’adaptation pour aider les sociétés civiles à accepter les mesures macro-économiques qui sont imposées, mais non pas pour changer ces mesures. On invite les ONG et les OSC à assumer des fonctions dont la responsabilité dépendait auparavant de l’Etat prénéolibéral.

38La dimension et l’impact de la pensée hégémonique du Nord sur le Sud n’est pas simplement le fait des gouvernements, elle est aussi devenue manifeste avec l’apparition de nombreuses ONG dans les pays en développement au cours des années 1990. De nombreuses ONG définissent leurs politiques en se positionnant clairement par rapport aux mouvements, aux partis et au gouvernement. D’autres prétendent être non politiques et ne pas chercher la confrontation. Dans la pratique, tout n’est pas aussi simple. Des observateurs critiques considèrent que la plupart des ONG, étrangères et nationales – parfois, la différence n’est pas évidente, ce qui fait partie du problème – contribuent à la dépolitisation de la pauvreté en adoptant le discours et le point de vue des bureaucrates technocrates de la Banque mondiale et des ministères des finances, qui prétendent aussi être non-politiques, mais qui, bien sûr, ne le sont pas.

39Ainsi, certaines ONG sont heureuses de se limiter à l’espace qui leur est assigné par les institutions multilatérales et le gouvernement, pas nécessairement pour influencer la politique mais pour montrer la « participation » de la société civile dans le cadre de politiques qui ont été en grande partie définies à Washington. D’après la même vision critique, l’image que les organisations ont d’elles-mêmes est celle de « partenaires » du gouvernement, respectant les rôles qui leur ont été assignés de défenseurs des pauvres, de moniteurs et de fournisseurs de services, mais aussi de sous-traitants rémunérés qui aident à assurer la « participation de la société civile » et l’organisation des « consultations » qui améliorent l’image des gouvernements et des multilatérales. C’est ce qui s’appelle aussi « l’appropriation » par les pays en développement (des politiques et des cadres venus du Nord).

40Bien sûr, la participation des ONG locales et étrangères aux services et aux programmes de lutte contre la pauvreté s’intégrait très bien dans les « nouveaux » programmes de mobilisation de la Banque mondiale. La participation est censée éviter la confrontation, voire établir une complémentarité dans la mesure où les ONG ont perdu l’indépendance dont elles ont besoin pour contester ouvertement les politiques défavorables aux pauvres. Les prises de positions publiques ont pris la forme de recommandations qui évitent à tout prix de parler des principales causes structurelles de la pauvreté. Le résultat est une confusion dans les milieux populaires puisqu’on dit aux populations que le langage de l’efficacité et de la compétitivité devrait diluer les exigences de changements et de justice. Ces acceptions réduisent, en effet, l’espace laissé à la désobéissance civile et à la résistance des masses, et permettent d’accepter une « normalité » qui, dans le monde entier, tue et appauvrit des populations. Le « réalisme » a un coût : la fragmentation de la colère populaire porteuse de changements politiques importants (Barya 2001). Roy (2004) déclare : « Les ONG, en agissant de cette façon, altèrent la conscience publique. Elles transforment les gens en victimes dépendantes, et émoussent la résistance politique. Les ONG forment une espèce d’amortisseur entre le sarkar et le public. Entre l’Empire et ses sujets. Elles sont devenues les arbitres, les interprètes, les entremetteuses. »

41De façon plutôt tragique, l’image altruiste des ONG peut attirer l’énergie politique des nouvelles générations qui ne consacrent pas beaucoup de temps et n’ont que peu de respect pour les partis politiques. Il n’y a pas toujours de mouvement social alternatif, ou qui soit attrayant du point de vue politique. Le résultat est que l’activisme potentiel est neutralisé tandis que les ONG deviennent une « alternative » à la politique. Ainsi, la société politique est de plus en plus éloignée de la société civile, comme les ONG sont de plus en plus éloignés des mouvements sociaux.

La construction d’un pouvoir d’opposition à l’hégémonie

42Bien que cela paraisse lointain aujourd’hui, l’époque de l’après Guerre froide a ouvert de nouveaux espaces pour des alliances inédites entre les pouvoirs de la « société civile » et ce que le ministre des affaires étrangères du Canada de l’époque, Lloyd Axworthy, a appelé la « puissance douce » (soft power) des gouvernements d’inspiration libérale. Un des principaux exemples de ces alliances est la Campagne internationale pour l’interdiction les mines antipersonnel qui a collaboré très étroitement avec les gouvernements du Canada, des pays nordiques et de la Suisse pour rédiger une convention, indépendamment de l’approbation des Etats-Unis et des autres puissances. Une autre coalition du même genre, dirigée par la société civile, a aidé à trouver un accord pour le Protocole de Rome pour la création de la Cour pénale internationale. Des résolutions importantes et des conférences des Nations unies ont fait entrer ces causes humanitaires directement dans les arènes internationales alors même que des campagnes contre les armes légères et les enfants soldats n’arrivaient pas aux mêmes avancées sur le plan juridique.

43Mais à la fin des années 1990, il était clair que la lune de miel entre les « puissances intermédiaires » – les Nations Unies et la communauté des ONG du Nord (c’est-à-dire la « société civile ») – touchait à sa fin. Pour le commerce international et les finances internationales, les puissances « douces » ont manifesté un grand attachement aux principes néolibéraux et au consensus de Washington. En effet, « l’aide au développement » a continué, en grande partie, à être conditionnée par l’exécution des mesures d’ajustement structurel et par l’application stricte de principes macro-économiques « sains », quelles qu’en soient les conséquences sociales. Le mantra défini par la Banque mondiale était que la pauvreté ne pouvait reculer que grâce à la croissance économique, qui, de son côté, ne pouvait être que le résultat de l’élimination de presque toutes les limitations à l’investissement privé, en particulier aux investissements étrangers.

44Beaucoup d’ONG du Nord ont rejeté l’orthodoxie, mais ont continué à recevoir des financements pour aider les projets de « développement » dans le Sud, y compris pour la diffusion du « savoir-faire » en matière de multilatéralisme. L’hypothèse était qu’il n’y avait pas d’alternative à l’engagement. A ce moment, le mot « coopération » a laissé la place au mot de « solidarité », les puissances populaires ont été remplacées par la société civile, et la « création de bénéfices » et le recouvrement des coûts sont devenus la règle pour le développement. Peu à peu, un changement idéologique s’est produit au cours des années 1990, provoquant souvent des divisions internes au sein des ONG les plus importantes – « des œuvres de bienfaisance » en Grande-Bretagne et en Irlande – entre les responsables de la politique au siège et le personnel responsable de la programmation sur le « terrain ».

45De plus en plus de ressources ont été consacrées à la « mobilisation » (advocacy), souvent aux dépens des projets, mais les différents volets de la mobilisation ont surtout visé des objectifs politiques particuliers comme l’allègement de la dette, l’augmentation de l’aide au développement ou l’accès aux marchés pour les produits d’exportation des pays en développement. Le fait que d’importants agents des ONG aient accepté des emplois dans les agences de développement des gouvernements et même à la Banque mondiale en dit long sur les changements de tendances – tandis que les gouvernements et les institutions financières internationales cherchaient adroitement à collaborer avec les militants et à renforcer leurs départements « société civile ».

46Etait-on en train de renforcer la société civile aux dépens de l’Etat ? La réponse était positive pour de nombreuses ONG du Nord disant que le recul de l’Etat était une réalité irréversible, que la bonne gouvernance impliquait la création de bonnes conditions pour l’entreprise et les bénéfices privés, et que les fonctions et les entreprises de l’Etat devaient être transférées au secteur privé. Du point de vue des mouvements sociaux, ces prémisses étaient inacceptables. Beaucoup défendirent avec insistance les notions de souveraineté populaire et de bien-être social comme principes directeurs de l’Etat. Il ne fallait pas demander aux ONG d’accueillir les miséreux ni de se substituer aux fonctions de l’Etat. Si les ressources étaient plus rares, il ne fallait pas se soumettre mais plutôt organiser des ordres nationaux et internationaux alternatifs. Il y a en tout cas un rapport indéniable entre l’avènement du néolibéralisme et l’explosion du nombre d’ONG.

47La construction d’un monde différent commença avec la construction d’un espace politique où les différentes organisations purent établir un dialogue et une planification. C’était le Forum Social Mondial (FSM). Pour participer à la discussion, il fallait être opposé au néolibéralisme, et les mouvements sociaux étaient privilégiés. Selon la charte de 2001 du FSM, le forum devait être un espace pluriel et diversifié, non confessionnel, non gouvernemental et non partisan pour les « instances et mouvements de la société civile qui s’opposent au néolibéralisme et à la domination du monde par le capital et toute forme d’impérialisme ». Le FSM se définissait lui-même comme un processus et non simplement comme un événement.

48Les ONG du Nord pour le développement et pour la paix se sont rendu compte qu’elles ne pouvaient pas être absentes du processus du FSM (Forum Social Mondial), mais beaucoup d’entre elles se sont senties obligées de réviser leurs propres politiques pour y prendre part. Bien sûr, l’échec parallèle des tendances sociales démocratiques à ralentir les effets sociaux négatifs de la mondialisation et des politiques militaristes consécutives aux attentats du 11 septembre 2001 contre les Etats-Unis ont aidé à orienter la mobilisation vers la gauche. Les partis politiques traditionnels ont aussi été remis en question, et on leur a demandé de reconnaître la montée des mouvements sociaux, dans les principes et dans la pratique. La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si le terrain se prépare pour faire naître une nouvelle unité ou des actions communes, points de départ d’une politique nouvelle et d’une résistance efficace. Ou si, comme nous prévient Roy : « avec l’ONGisation de la politique, la résistance risque de devenir une promesse de carrière, digne, rémunérée, raisonnable, un emploi de bureau. Avec ses avantages sociaux. La véritable résistance a de véritables conséquences… et elle ne rapporte pas de salaire » (2004).

49Une fois réunis, les participants du FSM ont été plus explicites et plus radicaux dans leurs discussions sur les stratégies de résistance et de lutte contre ce qui était de plus en plus identifié comme le système capitaliste et impérialiste. Ce milieu planétaire a soutenu des principes fondamentaux contre l’oppression des femmes, pour la reconnaissance du choix de sexualité, pour l’environnement durable et pour l’alliance des acteurs locaux, nationaux et internationaux, y compris des partis politiques, des syndicats, des mouvements et des ONG. Toute nouvelle politique qui n’incluait pas ces principes n’avait en fait rien de nouveau. La difficulté est d’arriver à partager des idées nouvelles, de portée planétaire, et à trouver de nouvelles formes d’organisations qui intègrent le particulier dans les luttes universelles. Les mouvements sociaux et les ONG pourraient-ils travailler ensemble, ou au moins dans un même sens, et s’associer aux partis politiques pour développer des formes d’action collective nouvelles et/ou diverses dans le cadre de principes s’opposant au néolibéralisme et, de plus en plus, à la guerre ?

50Le débat permanent au sein des forums, et au sujet des forums, s’inscrit dans une réflexion plus générale sur les moyens de créer, en partant d’une perspective commune critique radicale du néolibéralisme, des espaces d’inclusion susceptibles à la fois d’approfondir la réflexion et de mieux définir la critique, les alternatives et la stratégie d’opposition au modèle néolibéral : comment faire du FSM un outil utile de coordination des mouvements et des luttes pour s’opposer au néolibéralisme et à la guerre (Nicholson et Egireun 2004 : 92).

51Mais la diversité au sein du forum est un problème autant qu’une qualité. Le FSM n’a de sens et de futur que s’il renforce et aide les luttes contre la mondialisation néolibérale. Il doit combiner des espaces de « non délibération », par exemple des conférences, des séminaires et des tables rondes, avec des espaces de délibération, par exemple les activités promues par différents mouvements sociaux. Parmi ces activités, l’Assemblée des Mouvements sociaux a été une référence dans la lutte contre la mondialisation néolibérale car elle a joué un rôle important pour les mobilisations sociales comme celles de Québec contre la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA), de Cancun contre l’OMC, de Gênes contre le G8, et la marche mondiale contre la guerre. Ces actions auront contribué à faire connaître le FSM comme référence dans la lutte contre « le système ». C’est quand elles ont mis l’accent sur le rapport entre le « social » et le « politique » que les mobilisations sociales ont eu le plus grand impact, et quand la relation entre les mouvements sociaux, les partis politiques et les institutions a été mise au centre du débat (Nicholson et Egireun 2004 : 92, 94).

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