Version classiqueVersion mobile

La régulation sociale des risques de catastrophe

 | 
Fabien Nathan

Documents annexes

Annexe 2 – Recommandations

Texte intégral

1Il semble important de proposer quelques recommandations pour la gestion des risques à La Paz qui ont émergé de l’étude. Elles ne sont, bien entendu, pas exhaustives, et sortent du cadre strictement scientifique pour aller vers le normatif. Toutefois, elles prennent appui sur la connaissance accumulée au cours de cette recherche. On ne revient pas sur les mesures communes de gestion du risque (ouvrages de protection, campagnes de conscientisation, etc.) mais plutôt sur certains éléments qui paraissent à la fois importants et négligés.

1. Protéger et étendre les espaces publics

2L’empiètement des espaces publics par la propriété privée est apparu comme une des conditions de possibilité de l’établissement des habitants en zone exposée aux aléas naturels. La municipalité devrait donc recenser et protéger davantage les espaces publics, notamment les espaces verts, contre les agressions des spéculateurs et des nouveaux venus. Un système de protection des espaces verts, ou d’arborisation à fonction sociale et écologique, est envisageable, en collaboration étroite avec les juntas d’habitants.

2. Une gestion écologique plus cohérente

3La canalisation de portions de rivières ou la pose de murs de gabions sur une fraction réduite d’un versant semblent constituer davantage des facteurs de vulnérabilité que d’atténuation des risques. Il semble donc indispensable de procéder à une gestion de bassin complète. Il serait cohérent de faire un plan général de drainage des eaux souterraines et de surface au niveau de l’agglomération La Paz-El Alto et de ses environs.

3. Rendre l’information géologique publique et sa prise en compte obligatoire

4Dobrovolny préconisait déjà en 1956 d’instaurer un conseil géologique permanent, sur le modèle de ce qui existait dans certaines grandes villes d’Europe et d’Amérique (Dobrovolny, 1962), afin de mettre à jour en permanence les cartes géologiques de la ville, informer sur les possibilités techniques de construction, etc. La carte de constructibilité du BRGM pourrait être mise à jour et acquérir force de loi pour toute nouvelle construction (Demoraes, 1998). On limiterait ainsi la vulnérabilité technique mise en évidence au cours de cette recherche.

4. Renforcer la qualité des ouvrages : moins, mais mieux

5La vulnérabilité technique se construit également en sous-investissant dans les contrôles de qualité et la supervision des ouvrages, aboutissant à leur détérioration rapide. Il serait donc nécessaire de donner les moyens aux sous-traitants de la municipalité de faire un travail de qualité et d’investir davantage dans les contrôles et la supervision. Il paraît nécessaire d’instaurer des normes précises de qualité minimale d’ouvrages, exigées lors de toute nouvelle construction.

5. Intervenir dans le marché de l’immobilier et améliorer la condition des locataires

6Cette recherche a mis en évidence une des causes-racines de la construction du risque à La Paz : la difficulté pour les classes populaires de vivre en tant que non-propriétaire, aggravant considérablement la pression foncière sur les espaces vacants, y compris les zones extrêmement dangereuses. Des mesures correctives visant à améliorer la condition des locataires apparaissent donc comme des solutions de gestion préventive des risques.

7D’une part, des mesures visant à éviter la spéculation et à tirer les prix de l’immobilier et les loyers vers le bas semblent nécessaires. D’autre part, il faut absolument améliorer la condition du locataire afin qu’il puisse vivre décemment sans avoir obligatoirement à chercher à acquérir un bien immobilier ; la pression foncière sur les espaces restants ou existants s’en trouverait considérablement réduite. A cet égard, une suggestion du syndicat de locataires de la Zona Norte en 1956 pourrait être reprise ; il proposait qu’à chaque contrat de location de biens immeubles (voire de vente) soit apposé un timbre d’un pourcentage de la valeur de la location ou de la vente. Les sommes iraient grossir un fonds de logement social destiné à financer à la construction de logements pour les locataires. En parallèle, il paraît important de mieux réglementer le droit des locataires, d’élargir considérablement leurs droits économiques, sociaux, civils et politiques, et de leur assurer une protection effective et efficace contre les abus des propriétaires, avec la création d’organisations spécifiques auxquelles ils pourraient recourir facilement. Tout cela s’accompagnerait de campagnes de sensibilisation à la condition du locataire dans les quartiers populaires.

6. Améliorer la gestion des catastrophes

8La gestion des catastrophes et en particulier des victimes à La Paz comprend des insuffisances graves qui compromettent la résilience des personnes affectées. Il est important de ne pas abandonner les victimes de catastrophes qui ont du mal à se rétablir après la perte de leur maison. On pourrait imaginer de créer une caisse de compensation pour les victimes ou un système d’assurance contre les catastrophes à base communautaire. Parallèlement, il semble important de prévoir le relogement des victimes présentes et futures, dans des conditions leur permettant de reconstruire leurs réseaux économiques et sociaux.

7. Métropoliser la gestion des risques et des catastrophes

9Pour de multiples raisons évoquées dans cette étude, la gestion des risques et des catastrophes ne peut se cantonner au territoire de l’administration municipale de La Paz. El Alto, par exemple, fait partie de la même métropole que La Paz (Urquizo, 2006b) et constitue même la seule zone d’expansion viable.

10Un plan de drainage ne peut se limiter à La Paz et doit comprendre les municipalités voisines, étroitement connectées du point de vue de l’hydrologie. De même, le relogement des victimes et des personnes les plus exposées est possible à El Alto, à condition de doter les nouveaux lotissements de services publics de qualité et d’assurer un suivi. La coordination avec El Alto, mais également Achocalla, Palca et Mecapaca par exemple, semble donc indispensable à une solution durable et soutenable au problème des risques de catastrophes à La Paz.

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Acheter

Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search