Version classiqueVersion mobile

Interprétations de la politique étrangère d’Hitler

 | 
René Schwok

Troisième partie. L'attaque allemande contre la Pologne : une analyse comparative

Chapitre XI. Approches de tendance idiographique

Texte intégral

  • 1 Marlis Steinert a justement fait remarquer qu’une des premières questions que l’on doit se poser en (...)

1L’attaque allemande contre la Pologne (1939) figure parmi les principales décisions de politique étrangère de l’Allemagne nationale-socialiste.1 Les ouvrages et articles consacrés à cet événement sont innombrables. Les historiens ont énoncé de nombreux points de vue différents. En présentant leurs perspectives, nous essayerons d’illustrer les éléments et les catégories que nous avons dégagés dans les précédents chapitres.

2Pour comparer les différentes manières par lesquelles les historiens ont analysé le processus ayant amené l’attaque allemande, l’idéal serait de prendre une grille d’analyse exhaustive englobant l’ensemble des éléments qui auraient pu théoriquement être déterminants. En procédant de la sorte, nous pourrions soumettre les textes analysés à une observation rigoureuse et objective.

3Cependant, la pratique montre qu’un tel travail est non seulement fastidieux, mais qu’il engendre de surcroît le risque d’éluder les questions qui posent problèmes. Ainsi, il nous semble que le plus intéressant consiste à souligner « les marques de fabrication », les inclinaisons et les tendances des différents travaux d’historiens. Nous ne chercherons donc pas à établir un inventaire systématique des facteurs qui n’ont pas été mentionnés par tel ou tel auteur.

1. La théorie de la « démonie »

4Friedrich Meinecke, Gerhard Ritter et Ludwig Dehio n’ont pas beaucoup écrit sur les origines de l’attaque allemande contre la Pologne. Golo Mann est le seul qui ait fourni une analyse des événements de l’année 1939.

5Cet historien n’est pas très représentatif dans la mesure où il a dû s’exiler pendant le national-socialisme et qu’il n’a jamais éprouvé la moindre complaisance pour son régime ou pour certaines de ses idées. Si nous présentons quand même son analyse, c’est que nous pensons qu’elle donne un aperçu d’une forme d’écriture de l’histoire qui a été très répandue dans les années 1950 et qu’elle continue d’être appréciée par une partie du grand public.

6Golo Mann ne propose pas un récit linéaire des origines de l’attaque allemande contre la Pologne et de la guerre générale qui s’en est suivi. Par conséquent, nous analyserons son interprétation en la présentant par thèmes.

Une caractérisation méta-historique de Hitler

7C’est le fil conducteur de l’analyse de Golo Mann : « H. » veut la guerre pour la guerre. Aucune crise, aucune condition économique ou politique ne la justifiait. Ni les autres nations ni le peuple allemand n’y songeaient. La guerre a été déchaînée par un « être » créé pour la faire. C’est un démon dont le seul programme est d’exterminer les autres peuples, particulièrement ceux qui refusent de se plier à son chantage et à sa soif de domination. Le brave peuple polonais n’a pas cédé, il a été la première victime de son appétit de conquête.

8« H. » n’avait que quelques idées simples : la nature est cruelle et l’homme en fait partie ; il doit se conduire bestialement. La vie est une guerre perpétuelle où les peuples se dévorent comme des animaux.

  • 2 Golo Mann. Deutsche Geschichte des 19. und 20. Jahrhunderts. Frankfurt, 1969, p. 921. La première v (...)
  • 3 Ibid. « Das erwählte Opfer war nun Polen » p. 893.

9Pour acquérir la sécurité, l’Allemagne doit exterminer ses voisins. Depuis 1933, « H. » avait voulu déjà une douzaine de fois la guerre.2 Cette fois, la victime fut la Pologne, le premier pays qui avait osé dire non.3 « H. » n’avait pas de plan de guerre. Ses objectifs consistaient simplement à en finir avec toutes les nations européennes, en isolant ses proies et en les dépeçant une à une. C’est avec volupté que le rapace se jeta sur la Pologne. Il éprouva un plaisir diabolique à en exterminer la population :

  • 4 Ibid., p. 919.
  • 5 Ibid., p. 920. Souligné par nous.

« H. n’avait pas de plan de guerre. Il s’en est tenu aux objectifs de « liquidation » de tous les Etats européens (...) en évitant une guerre sur plusieurs fronts. »4« Ses ordres concernant la Pologne n’ont été connus que d’un très petit nombre. Il a lui-même pris plaisir à l’époque à les décrire comme étant diaboliques.5

10« H. » ne voulait pas ménager les Occidentaux. Ses déclarations du 23 mai 1939 sont à interpréter littéralement ; elles illustrent sa soif de sang. Comme mû par l’instinct d’une bête sauvage, il proclame sa volonté d’assaillir la France et la Grande-Bretagne :

  • 6 Ibid., p. 913. Egalement pp. 890 et 907. Souligné par nous.

« Il a voulu la guerre, il l’a faite (...) On ne pouvait plus obtenir d’autres succès sans verser du sang. « L’expression », « assaillir » les occidentaux, qu’il a utilisée dans la même conférence, caractérise son esprit. Il se voyait, il voyait son Allemagne comme une bête sauvage. »6

11Golo Mann ne rattache pas l’origine de l’intérêt de « H. » pour la Pologne à une volonté d’élaborer une alliance en vue d’une attaque de l’Union soviétique. Ses propositions d’apparence tolérable n’étaient qu’un prétexte, un parmi d’autres, pour dissimuler sa frénésie de conquête et de destruction. Il n’y avait là rien de sincère. On ne peut qu’admirer la bravoure du peuple polonais qui a su résister. Cela n’a pas de sens pour l’historien de chercher une logique à la folie meurtrière de « H. » :

  • 7 Ibid., pp. 889-990. Souligné par nous. Gerhard Ritter partage le même point de vue dans Die Dämonie (...)

« (...) Mais cela a-t-il seulement un sens de parler de possibilités raisonnables, là où tous les arguments n’étaient que des prétextes derrière lesquels se dissimulaient la folie d’un pouvoir sans bornes et une volonté de destruction ! »7

12Pour Golo Mann, les dernières hésitations de l’été 1939 sont à mettre en parallèle avec celles qui ont précédé les opérations d’occupation de l’Autriche et de dépeçage de la Tchécoslovaquie. S’il a retiré son ordre d’attaque le 25 août, c’est uniquement parce que Mussolini l’avait averti qu’il ne pourrait pas participer aux hostilités. Quant aux dernières propositions aux Anglais et aux Polonais, elles ne devaient servir que d’alibi envers un peuple allemand qui ne voulait pas la guerre. « H. » promettait que la récupération de Danzig serait sa dernière exigence, mais ce n’était que du bluff. Il avait si souvent menti et trompé. Les Occidentaux ne se faisaient plus d’illusions. C’était une question d’honneur, comment ne pas les approuver ? :

  • 8 Ibid., pp. 895-896.

« Il semble qu’il ait espéré jusqu’aux derniers jours que les Puissances occidentales se tiendraient à l’écart (...) Ça ne marchait plus. Il avait trop souvent menti. (...) Quand quelqu’un dit qu’il veut faire la guerre, et la fait, quand les autres disent qu’ils attaqueront, au cas où il la fait et qu’ils attaquent effectivement ; quand quelqu’un répète et répète le même jeu de polémique, de menace, d’offres fallacieuses, de musique de paix et de cris de guerre, d’où devrait encore venir la tension ? »8

Une propension exagérée à absoudre la population allemande

13Pour la « théorie » de la « démonie », « H. » est un « être » étranger à la nation allemande. Ses objectifs lui sont contraires, même ceux de « Grossdeutschland » et de « Lebensraum ». Il ne s’enracine pas dans cette tradition :

  • 9 Ibid., p. 846. Souligné par nous. On remarque aussi que Golo Mann n’analyse pas la notion de « Lebe (...)

« Ses seules pensées et ses seuls sentiments lui sont tous venus de quelque part d’autre ; d’Autriche sa haine des Juifs et des Slaves, le pangermanisme ; de l’époque de la guerre la notion d’Espace vital, celle proche de conquête sans bornes et dans toutes les directions et particulièrement à l’Est (...) »9

14Le peuple allemand aurait été comme violé. Il fut forcé d’aller à une guerre qu’il n’aurait jamais souhaitée. Afin de renforcer au maximum son argument, Golo Mann en vient même à affirmer que les généraux désiraient encore moins la guerre que la population allemande :

  • 10 Ibid., p. 915. Gerhard Ritter partage le même point de vue que les Allemands, particulièrement les (...)

« A part Hitler et ses complices, personne n’avait vraiment envie d’une deuxième guerre, et seul le Tyran savait, dans les couches les plus profondes de son âme, vers quoi il s’engageait là. (...) Les Allemands ont commencé la guerre ; mais ils n’en avaient pas la moindre envie, ni les civils, ni les soldats, et encore moins les généraux. »10

15Golo Mann prétend que le peuple allemand a été complètement trompé et berné par le système totalitaire nazi. Les Allemands auraient été convaincus que les Polonais, perçus comme fanatiques et cruels, avaient voulu attaquer l’Allemagne, que l’invasion du premier septembre était en fait une opération de légitime défense, les Allemands ne se seraient jamais réjouis, pas même de la victoire contre la Pologne. Ils ne portent aucune responsabilité pour le déclenchement de la guerre :

  • 11 Ibid., pp. 896-897. Souligné par nous.

« Ils ont vraiment cru qu’une offre acceptable avait été faite au dernier moment et que les Polonais aveugles et fanatiques l’auraient refusée. Ils croyaient aussi véritablement à une attaque polonaise (...) Après six années d’une domination nationale-socialiste toujours plus profondément ancrée : un seul pouvait ordonner ce qu’il voulait (...) Les victoires n’apportent aucune joie (...) La « question de la responsabilité de la guerre » (« Kriegsschuldfrage ») n’existe pas pour le début de la deuxième guerre mondiale. »11

16Golo Mann se contredit dans la mesure où il reconnaît que le peuple allemand désirait déchirer le Traité de Versailles et reconstituer un « Grossdeutschland ». Comment un peuple doté de telles pensées aurait-il pu ne pas éprouver quelque plaisir à la suite des victoires sur la Pologne et de la reconquête de Danzig, cette ville allemande arrachée au Reich ? :

  • 12 Ibid., p. 885. On retrouve chez Gerhard Ritter le même genre d’arguments. Nous les avons déjà cités (...)

« La liberté pour l’Autriche et pour la Bohême allemande de décider elles-mêmes de leur existence étatique, c’était sur le papier des demandes justes dans le sens de la tradition anglo-saxonne. »12

  • 13 Ibid., p. 889. Pour Golo Mann, Staline est la seule personne qui possède une part de responsabilité (...)

« Le prétendu « corridor », qui séparait la Prusse orientale du Reich était un avorton, la réalité de la justice abstraite méprisante, la « ville libre » de Danzig était de la plus pure inconvenance, la ville était allemande. »13

17On retrouve ainsi chez Golo Mann les principaux éléments de la « théorie » de la « démonie » :

  • une caractérisation méta-historique de Hitler. Il ne serait pas un homme mais un « être » possédé par des forces maléfiques, assoiffé de sang, de conquête et de domination. Tel un esprit transcendant, son nom est ineffable. « H. » n’est pas un homme d’Etat doté de raison politique. Golo Mann refuse toute analyse en termes rationnels et politiques des actions de Hitler. Si le tyran hésite, c’est une feinte ; s’il fait des propositions de paix, c’est du bluff. L’attaque allemande contre la Pologne ne s’explique pas en fonction d’un quelconque programme ; sa seule raison c’est la guerre. La Pologne avait pour principal tort de se trouver trop proche. Elle n’a pas voulu obtempérer, elle devait être éliminée. Les discours de « H. » le prouvent, ils doivent être interprétés dans leur sens littéral. Les Occidentaux ont voulu l’empêcher d’agir, ils devaient être abattus, si possible l’un après l’autre, en se ruant sur une proie à la fois.

  • une propension à absoudre au-delà de toute mesure la responsabilité partielle de la population allemande tout en justifiant un révisionnisme qui se serait limité à une remise en question de « l’inique Traité de Versailles ». Le « démon » ne s’enracinerait dans aucune tradition germanique. Ses objectifs n’auraient aucun rapport, même partiel avec ceux du révisionnisme allemand que partageait la population dans son ensemble. Mais, comment Golo Mann peut-il affirmer que les Allemands n’éprouvèrent aucune satisfaction à recouvrer Danzig, tout en assurant que cet objectif était populaire et justifié ?

2. L’approche intentionnaliste

Alan Bullock

  • 14 Alan Bullock. Hitler. A Study in Tyranny. London, 1952, 776 p. Sur les conseils de Hugh Trevor-Rope (...)

18Alan Bullock est le premier historien à avoir donné une présentation globale, précise et documentée des origines de l’attaque allemande contre la Pologne. Son récit, tel qu’il a été publié en 1952,14 donne l’impression que Hitler voulait la guerre pour la guerre. Alan Bullock insiste particulièrement sur le bellicisme du dictateur allemand, sur sa façon de jouer le tout pour le tout en vue de parvenir à ses fins de conquête et de destruction. C’est surtout le style « va banque » de la personnalité de Hitler qui ressort de l’analyse de Alan Bullock.

19Cela signifierait-il qu’Alan Bullock ait sous-estimé la ligne directrice de l’ambition expansionniste de Hitler ? Aurait-il négligé de souligner les aspirations de conquête d’un « Lebensraum » à l’Est du dictateur allemand ? En fait, Alan Bullock a bien mentionné cet élément, mais sans en tirer la conclusion de la poursuite d’un programme rigide, particulièrement par rapport à la Grande-Bretagne :

  • 15 Op. cit., p. 470. Voir également pp. 469, 513 et 599. Gerhard Weinberg écrit de même : « L’espace d (...)

« L’objectif de Hitler était encore, comme il l’avait toujours été, une expansion continentale vers l’Est. »15

  • 16 Alan Bullock utilise très rarement les termes « USSR », « Soviet Union » ou « Soviet Russia ». Sa v (...)
  • 17 « Hitler était soucieux de s’assurer le soutien polonais pour sa politique antirusse. » Alan Bulloc (...)

20La direction générale de l’expansionnisme hitlérien est bien indiquée, mais l’analyse est surtout focalisée sur les tactiques, les hésitations, le machiavélisme et le bellicisme de Hitler. Pour Alan Bullock, la principale faiblesse de la politique hitlérienne, comme celle de Napoléon, fut son incapacité à s’arrêter. Après son succès de Munich, le dictateur allemand aurait pu attendre que les divisions de ses adversaires tournent à son profit. Mais il était trop pressé de préparer sa guerre contre la Russie.16 Dans cette perspective, la Pologne, grâce à son animosité traditionnelle envers la Russie,17 pouvait faire figure d’allié privilégié.

21Pour obtenir cette alliance, Hitler avait posé comme condition le retour de Danzig à l’Allemagne et la construction d’une route et d’une ligne de chemin de fer à travers le Corridor. Alan Bullock partage le point de vue des Polonais que ces propositions allemandes étaient inacceptables, non seulement parce qu’elles auraient réduit la Pologne au rang de simple satellite, mais parce qu’elles n’étaient qu’une étape vers la décomposition de l’Etat polonais :

  • 18 Ibid., p. 454. Souligné par nous.

« Hitler avait limité ses demandes, mais pas un seul Polonais ne croyait que, une fois qu’ils y auraient cédé, Hitler n’aurait pas demandé l’abandon des provinces de Poznan et de la Silésie polonaise. Beck n’a pas non plus du tout considéré sérieusement la Russie dès qu’il vit assez correctement que cela aurait réduit la Pologne au statut subalterne de satellite de l’Allemagne. »18

22Alan Bullock poursuit son récit en rappelant la directive secrète du 24 novembre 1938 visant à une occupation de Danzig par les forces navales allemandes. La décision britannique du 31 mars 1939 d’accorder une garantie à la Pologne est justifiée par le démembrement de la Tchécoslovaquie et par les rapports alarmants concernant les préparatifs allemands d’attaque immédiate contre Danzig.

23La Grande-Bretagne devient le principal obstacle aux ambitions hitlériennes. Certes, Alan Bullock rappelle que l’objectif principal de Hitler reste l’expansion à l’Est, mais la situation doit l’amener à engager la guerre avec l’Angleterre. La France n’est plus l’ennemi premier comme dans Mein Kampf :

  • 19 Ibid., p. 470. Souligné par nous. Gerhard Weinberg écrit de même : « Il était assez explicite sur l (...)

« Le principal obstacle à ses plans, il le voyait maintenant avec l’Angleterre, non avec la France comme dans Mein Kampf (...). Hitler était convaincu que la guerre entre l’Allemagne et la Grande-Bretagne ne pouvait pas être évitée. »19

24Face à la détermination britannique et française, Hitler savait qu’il ne pourrait attaquer la Pologne qu’en s’assurant de la neutralité bienveillante de la Russie. Cette dernière a répondu favorablement aux propositions allemandes pour des raisons purement stratégiques. Alan Bullock ne reproche pas à la Russie son attitude. Il ne l’attribue pas à des motivations idéologiques et n’insiste pas trop sur la partie secrète du pacte germano-soviétique :

  • 20 Ibid., p. 473.

« Ça aurait dû lui permettre de gagner du temps au dépend de la Pologne, et si possible de mettre en sûreté des avantages territoriaux et stratégiques importants en Europe de l’Est (...) »20

25Cependant, malgré le coup de poker provoqué par le pacte avec la Russie, Hitler n’était toujours pas persuadé que les deux puissances occidentales n’interviendraient pas. Alan Bullock décrit un Hitler hésitant, incapable de se décider :

  • 21 Ibid., p. 493. Gerhard Weinberg tient moins compte des hésitations de Hitler. Il assure qu’à partir (...)

« A chaque crise de sa carrière - en 1932, en juin 1934, en septembre 1938, autant que maintenant - il a eu de la difficulté à se faire une opinion, hésitant, écoutant d’abord un argument, ensuite un autre, attendant quelques impulsions soudaines pour le porter en avant (...). Ça pourrait bien être une erreur dans ces circonstances d’essayer d’attribuer trop de signification à tout ce qui a été dit et fait durant ces journées. »21

26Cependant, Alan Bullock affirme aussi que les efforts de Hitler pour dissuader Londres et Paris, par l’intermédiaire de Dahlerus et de Henderson, n’étaient pas sérieux ni même ses dernières propositions à la Pologne qui sont qualifiées de propagande. Le gouvernement britannique n’allait pas renouveler ses erreurs de Munich. Les avertissements de Chamberlain étaient clairs et Alan Bullock les approuve.

27Hitler, se lançait-il dans une guerre contre la Pologne en sachant que cette action rendrait inévitable une guerre généralisée en Europe ? Hitler hésita comme souvent dans sa carrière, surtout après la défection italienne et le renouvellement des garanties britanniques. Mais il prit le risque calculé d’attaquer, en partie sous la pression de Ribbentrop et parce que ses généraux lui demandaient de se décider d’une manière ou d’une autre.

28Alan Bullock n’écrit pas que Hitler s’attendait à une déclaration de guerre de Londres et de Paris. Il n’affirme pas non plus que ce fut une surprise pour lui. Il souligne simplement que le dictateur allemand a refusé de faire la moindre concession et qu’il a fallu deux jours aux Français et aux Britanniques pour tenir leurs engagements.

29Alan Bullock insiste surtout sur le fait que Hitler était décidé à affronter les Français et les Britanniques dès que possible après qu’il ait eu mis un terme à sa campagne de Pologne, ce qui ne changeait rien à son intention finale de conquérir un « Lebensraum » à l’Est :

  • 22 Ibid., p. 513.

« Ni l’accord avec la Russie ni la décision d’attaquer à l’Ouest n’ont représenté de changement dans l’intention ultime de Hitler de découper l’Espace vital allemand à l’Est. »22

30L’analyse de Alan Bullock donne à la fois un aperçu de la volonté fanatique des intentions expansionnistes de Hitler et de ses hésitations. Il ne cherche pas à opposer l’intentionnaliste et l’opportuniste. C’est précisément parce que Hitler savait où il se dirigeait qu’il a pu moduler sa tactique.

31Alan Bullock est intentionnaliste dans la mesure où il montre la constance des desseins expansionnistes de Hitler à l’Est. Mais son analyse des événements de l’année 1939 ne donne pas l’impression que le dictateur allemand ait eu une vision très claire de ses ambitions envers la Pologne. De plus, Hitler est décrit comme étant hésitant face à la perspective de devoir affronter les Puissances occidentales.

32Il n’est donc pas étonnant que quelques-unes des thèses proposées par Alan Bullock aient été reprises par des historiens révisionnistes tel Alan John Percival Taylor. Il est également assez logique que certains chercheurs « programmologues » lui aient reproché de présenter Hitler comme étant un être dénué d’objectifs.

  • 23 Dès 1955, Alan Bullock avait synthétisé son analyse dans un texte intitulé « The Political Ideas of (...)

33Ces « récupérations » ou ces critiques sont exagérées. Mais le simple fait qu’elles aient été émises illustre les dangers d’un récit trop événementiel. L’approche diplomatique traditionnelle privilégie la description des acteurs internationaux comme étant des êtres homogènes, dotés d’une manière de raisonner globalement semblable. Cette écriture de l’histoire ne tient pas assez compte des composantes idéologiques et fanatiques dans le personnage de Hitler. Même si Alan Bullock n’a jamais manqué de souligner ces aspects, son style narratif normalise le dictateur allemand. De plus, l’absence de conceptualisation empêche Alan Bullock d’éclaircir son point de vue et de ramener ses conclusions dans une présentation synthétique.23

Walther Hofer

34L’analyse de Walther Hofer se situe à mi-chemin entre Golo Mann et Alan Bullock. L’accent est mis sur la volonté de Hitler de conquérir la Pologne et de provoquer une guerre européenne à tout prix. Hitler fait figure de fanatique décidé, prêt à poursuivre ses objectifs malgré les avertissements clairs et justifiés de la Grande-Bretagne et de la France.

35Le récit des événements de 1939 n’est pas intégré dans une perspective plus vaste, celle de la volonté de Hitler de conquérir un « Lebensraum » en Union soviétique. Mein Kampf est un programme de politique étrangère, mais pas au sens où le conçoivent les « programmologues ». Ce n’est pas un recueil de buts concrets mais un ensemble de mots d’ordre visant à légitimer une politique de domination par la force :

  • 24 Walther Hofer. Die Enlfesselung des Zweiten Weltkrieges. Frankfurt, 1964, p. 15. Dans le chapitre c (...)

« Nous avons déjà dit que le programme de politique étrangère tel qu’il fut annoncé par Hitler et par d’autres membres du Parti avant 1933, était bien vague et peu clair, qu’il y avait plus de slogans que d’objectifs concrets. »24

36Pour Walther Hofer, l’agressivité de Hitler contre la Pologne est la marque de sa volonté de conquérir l’Europe. Le terme de « Lebensraum » ne désigne pas les territoires de l’Union soviétique, mais un slogan pour dissimuler toutes les ambitions racistes et expansionnistes de Hitler sur le Continent :

  • 25 Ibid., p. 11. Egalement p. 49.

« C’est pourquoi il y a eu la guerre de 1939 (...) car elle correspondait à ses « mœurs » (« Ethos ») d’utilisation de la violence et de la guerre (...). Les Puissances occidentales étaient bien inspirées de se douter de ce qui se cachait derrière les exigences allemandes vis-à-vis de la Pologne. Hitler l’avait déjà avoué, quand il disait qu’il allait combattre la Pologne non pour Danzig, mais pour « arrondir l’Espace vital à l’Est ». »25

37Hitler ne cherchait pas à associer la Pologne à ses plans de conquête de l’U.R.S.S. Son but était de démembrer la Pologne, comme il l’avait fait pour la Tchécoslovaquie, par des revendications fondées apparemment sur le droit à l’auto-détermination, pour les dissimuler sous un vernis moins agressif, il les camoufla en une proposition d’alliance anticommuniste :

  • 26 Ibid., p. 47.

« Les dirigeants nationaux-socialistes avaient donc porté leur intérêt vers la « question polonaise » directement après la liquidation du « reste de la Tchécoslovaquie ». Les exigences étaient les mêmes qu’en automne 1938 : le retour de Danzig au Reich ainsi que des liaisons ferroviaires et routières exterritoriales (...) On a offert pour cela à la Pologne une association avec l’Empire allemand sous le signe même de l’antibolchévisme. »26

38Après l’action dirigée contre la Tchécoslovaquie, la guerre était inévitable, car Hitler la voulait et rien ne pouvait l’en détourner, ni ses erreurs de calcul ni les menaces proférées par les autres puissances européennes :

  • 27 Ibid., p. 45. Souligné par nous.

« C’est une connaissance historique incontestable que la guerre était devenue finalement inévitable, à partir du moment où on la ramenait à la volonté belliciste indomptable de Hitler. C’était typique de la mentalité de cet homme (...). »27

39Les garanties britanniques à la Pologne étaient normales dans la mesure où Hitler ne visait pas à obtenir quelques révisions territoriales, mais à conquérir une partie de son « Lebensraum » en Pologne, en détruisant cet Etat :

  • 28 Ibid., p. 49.

« La guerre devenait inévitable à partir du moment où Hitler ne voulait pas une révision raisonnable des frontières mais au contraire la conquête d’un « nouvel Espace vital ». Car cet objectif n’était atteignable qu’à travers la destruction de l’Etat polonais. »28

40Walther Hofer insiste particulièrement sur l’exposé secret de Hitler du 23 mai 1939. La Pologne y apparaît comme un pays à attaquer dès la première occasion favorable. Pour y parvenir, il faut se débarrasser de l’Angleterre, l’ennemi numéro un qu’elle a toujours été. Le combat entre l’Allemagne et les puissances occidentales sera une lutte à mort. Ce discours montre que Hitler veut la guerre européenne ; même s’il ne sait pas bien quand, comment et contre qui, il veut la mener dans un délai plus ou moins proche :

  • 29 Ibid., p. 51. Souligné par nous.

« Il y a cependant un point sur lequel Hitler s’est exprimé tout à fait clairement : que l’Angleterre était après comme avant le principal ennemi (...) Quoiqu’il ait parlé de liquider les puissances occidentales avec « moins de coups destructifs », il a qualifié d’autre part une telle guerre entre l’Allemagne et les Puissances occidentales comme une guerre à « la vie et à la mort ». »29

  • 30 Voir chapitre consacré à l’interprétation totalitariste.

41Les puissances occidentales ont bien essayé de maintenir le statu quo en Europe par des pourparlers avec l’U.R.S.S., mais Staline a fait échouer les négociations.30 Le fanatisme idéologique des Soviétiques et leurs ambitions territoriales rendaient impossible toute négociation avec la France et la Grande-Bretagne. Hitler a réussi à obtenir de Staline le feu vert pour déchaîner sa guerre en Europe.

42Même dans les derniers jours du mois d’août 1939, Hitler n’a pas cherché à s’entendre avec l’Angleterre, son ennemi principal et héréditaire. Tout au plus a-t-il tenté de circonvenir son action pendant son attaque contre la Pologne par un mélange de menaces et de « grandioses propositions » :

  • 31 Ibid., p. 273. Souligné par nous.

« (...) Rien que dans les harangues de Hitler aux officiers supérieurs du 23 mai et du 22 août 1939, l’Angleterre apparaît comme l’ennemi principal et héréditaire avec lequel la guerre est inévitable. »31

43Hitler a attaqué la Pologne pour déchaîner la guerre en Europe. Il a non seulement pris le risque d’un affrontement avec la France et la Grande-Bretagne, il voulait les combattre dès que possible :

  • 32 Ibid., p. 31.

« Il est risible de vouloir concéder à Hitler qu’il ait véritablement cru que les Puissances occidentales n’interviendraient pas dans cette guerre. (...) Le dictateur avait assez souvent exposé que le risque d’une grande guerre devait être accepté, puisque la confrontation avec les démocraties occidentales était de toute façon inévitable. »32

44L’analyse de Walther Hofer est de type intentionnaliste, mais n’est pas « programmologue ». Mein Kampf est certes une indication précieuse sur le fanatisme belliciste et expansionniste de Hitler, mais il n’est pas un manuel des objectifs de politique étrangère du dictateur. Hitler n’est pas un homme d’Etat ordinaire, c’est un extrémiste aussi bien dans ses buts de conquête que dans sa méthode. La notion de « Lebensraum » ne désigne pas un territoire précis en Union soviétique, mais une métaphore qui dissimule une volonté agressive de guerre et de dévastation. Par sa position géographique, la Pologne était la victime toute désignée après le démembrement de la Tchécoslovaquie.

  • 33 Walther Hofer utilise beaucoup de termes empruntés au vocabulaire psychologique et psychanalytique (...)

45Hitler n’a jamais cherché à ménager les puissances occidentales. La Grande-Bretagne demeure son ennemi héréditaire et l’affrontement avec elle était inévitable. Poussé par son orgueil de psychopathe,33 Hitler veut la guerre européenne et il la déchaîne grâce au feu vert des Soviétiques. A la première occasion favorable, il se lance sur la France et l’Angleterre.

3. L’analyse révisionniste

46Alan John Percival Taylor est incontestablement l’historien révisionniste le plus connu. Sa notoriété vient de son style caractéristique où le glissement de paradoxes en fausses analogies tient lieu de démonstration. Il cherche avant tout à prendre le contre-pied des thèses défendues par Lewis Namier et Winston Churchill. Ces derniers soutenaient qu’il eût fallu dès le début résister à Hitler puisqu’il avait planifié une guerre européenne. En même temps, Alan John Percival Taylor désire réfuter les arguments des historiens allemands et des « appeasers » qui auraient trouvé dans l’explication unique par Hitler un moyen bien commode de décharger l’Allemagne.

  • 34 Alan John Percival Taylor. The Origins of the Second World War. London, 1961, p. 17.

47Alan John Percival Taylor se propose donc d’écrire un récit sans héros et même sans vilains,34 où la guerre apparaîtrait comme le résultat d’une série d’erreurs :

  • 35 Ibid., p. 219.

« La guerre de 1939, loin d’être préméditée, était une erreur, le résultat de part et d’autre de gaffes diplomatiques. »35

48Alan John Percival Taylor vise ainsi à réécrire une histoire des origines de la Deuxième Guerre mondiale qui puisse donner l’impression au lecteur que celle-ci fut la conséquence d’inattentions de part et d’autre. Un résumé de la thèse de Alan John Percival Taylor reste très problématique dans la mesure où son objectif n’est pas de sérier les facteurs et les responsabilités principales par ordre d’importance. De plus, toute affirmation est toujours suivie par une phrase qui vise à la modérer, si ce n’est à la contredire.

  • 36 Ibid., p. 44. Hansjoachim Koch partage globalement l’analyse de Alan John Percival Taylor. Il est m (...)

49Une lecture attentive laisse quand même entrevoir un certain fil conducteur. Un des thèmes généraux de Alan John Percival Taylor est de montrer que la Deuxième Guerre mondiale fut par bien des aspects une répétition de la première. La politique de Hitler n’a pas été différente de celles de ses prédécesseurs. Il ne cherchait ni la guerre ni l’annexion de territoires. Il visait principalement à restaurer la position naturelle de l’Allemagne en Europe qui avait été altérée artificiellement par les Traités de 1919. Alan John Percival Taylor n’écrit pas clairement que ce serait l’iniquité du Traité de Versailles qui aurait été la cause du deuxième conflit mondial, mais au détour d’une phrase, il ne manque pas d’affirmer que « les réparations auraient, plus que toute autre chose, frayé la voie à la Deuxième Guerre mondiale ».36

50Pourquoi Hitler s’est-il attaqué à la Pologne ? Alan John Percival Taylor nous assure non seulement que le dirigeant allemand n’était pas hostile à ce pays, il va même jusqu’à ajouter qu’il lui vouait sa plus grande amitié :

  • 37 Ibid., p. 195. Norman Stone suit également l’analyse de Alan John Percival Taylor. Il le fait avec (...)

« (...) il a probablement éprouvé plus d’amitié pour les Polonais qu’il n’en a jamais eue pour les Italiens. »37

51L’origine des difficultés entre l’Allemagne et la Pologne semble être plutôt liée aux propositions allemandes d’alliance en vue d’une attaque contre l’Union soviétique. Alan John Percival Taylor rappelle les propos de Ribbentrop à l’ambassadeur polonais Lipski qui visaient à une action commune contre la Russie, au nom du Pacte anti-Komintern :

  • 38 Ibid., p. 195. On a là une des plus importantes contradictions de Alan John Percival Taylor. D’un c (...)

« Si les questions de Danzig et du corridor avaient été réglées, on aurait pu avoir « une politique conjointe face à la Russie sur la base du Pacte anti-Comintern ». »38

  • 39 Ibid., p. 210. On retrouve de nouveau un même type de contradiction. Hitler qui est décrit comme un (...)

52L’obstacle à cette coopération germano-polonaise est venu de Danzig, symbole à la fois pour les nationalistes allemands (pas pour Hitler) et pour les Polonais. « L’objectif de Hitler était une alliance avec la Pologne, non sa destruction. »39

53Danzig est devenu une pierre d’achoppement essentiellement à cause des Polonais et des Britanniques. Alan John Percival Taylor semble approuver le point de vue allemand par rapport à la « ville libre » :

  • 40 Ibid., p. 215.

« Danzig était la plus justifiée des doléances allemandes : une ville exclusivement composée par une population allemande qui désirait manifestement retourner dans le Reich et ce à quoi Hitler ne se restreignait qu’avec difficulté. »40

54Hitler apparaît comme celui de tous les diplomates qui est le plus attaché à trouver une solution pacifique à la crise de Danzig :

  • 41 Ibid., p. 216. Hansjoachim Koch écrit qu’en été 1939 : « Hitler s’était décidé pour une solution éq (...)

« La destruction de la Pologne ne faisait pas partie de son projet primitif. Au contraire, il avait désiré résoudre la question de Danzig d’une façon telle que l’Allemagne et la Pologne pourraient rester en bons termes. »41

55Le malheur, c’est que toutes les parties auraient voulu arriver à un accord diplomatique sur Danzig, mais seulement après une victoire dans une guerre des nerfs. Hitler a très peu contribué à l’évolution diplomatique entre avril et août 1939. Comme dans d’autres occasions antérieures, il s’était contenté d’attendre que les obstacles veuillent se désintégrer devant lui. Le drame est venu de l’évolution à Danzig même. Comme dans l’affaire des Sudètes et dans celle d’Autriche, la tension est montée sans intervention de Hitler. Les nazis tenaient déjà sous leur contrôle l’ensemble de la société. Il étaient prêts à demander le rattachement à l’Allemagne. Les Polonais n’auraient pas hésité à intervenir avec leurs alliés occidentaux. Vu la situation stratégique, cela aurait amené à une guerre totale, Danzig étant à la merci des Polonais :

  • 42 Ibid., p. 248.

« Si les Nazis de Danzig avaient défié ouvertement le traité en votant pour l’incorporation à l’Allemagne, les Polonais auraient été libres d’intervenir avec l’approbation de leurs alliés occidentaux (...) Il n’y aurait pas eu de tiédeur dans l’aide allemande à Danzig, seulement une guerre totale (...) »42

56Hitler est entraîné dans une situation qu’il n’aurait pas voulue avant août 1939. Mais, comment se fait-il que le 23 mai 1939, il ait commandé à ses généraux de préparer la guerre contre la Pologne ? Alan John Percival Taylor se sort mal de la contradiction. Il répond en affirmant que, comme pour le Protocole Hossbach, l’objet de cette réunion n’était pas de dévoiler les plans d’agression de Hitler, mais d’impressionner les généraux allemands.

57Alan John Percival Taylor n’est cependant pas convaincant car il laisse tomber, au détour d’une phrase, peut-être par oubli, que Hitler songeait bien à une guerre contre la Pologne :

  • 43 Ibid., p. 250. Hansjoachim Koch partage le point de vue de Alan John Percival Taylor que le discour (...)

« A partir du 23 mai, il ne parlait plus seulement de la guerre qu’il avait sérieusement envisagée contre la Pologne (...) »43

58Il y a là une contradiction avec les affirmations précédentes d’Alan John Percival Taylor selon lesquelles Hitler n’avait pas voulu la guerre contre la Pologne.

59Jusqu’à la dernière minute, le dirigeant allemand aurait désiré trouver une solution diplomatique à la crise de Danzig. Sans l’obstination polonaise, il y serait peut-être parvenu. Le 31 août, il aurait encore espéré que les négociations commencent. Contre son gré, elles durent échouer :

  • 44 Ibid., p. 273. Norman Stone est encore plus direct : « Quelques Britanniques commencèrent à songer (...)

« Hitler ne l’avait pas prévu. Il s’était attendu à ce que les négociations commencent : et il a eu alors l’intention de les rompre du fait de l’obstination polonaise. »44

  • 45 Ibid., p. 276.

60Finalement, Hitler, prisonnier de son propre horaire, fut obligé d’engager les hostilités contre la Pologne. Cependant, la guerre généralisée n’était pas du tout inévitable. La preuve, la France et la Grande-Bretagne ont mis deux jours pour déclarer la guerre à l’Allemagne.45 Alan John Percival Taylor assure qu’elles étaient alors favorables à ce que Danzig soit restitué à l’Allemagne. Cependant, par peur que le cabinet britannique ne soit renversé, Chamberlain a cherché à pratiquer une surenchère nationaliste, entraînant une montée aux extrêmes :

  • 46 Ibid., p. 277.

« Des ministres, menés par Halifax, avaient averti Chamberlain que le gouvernement tomberait à moins que ne soit envoyé un ultimatum à Hitler avant que la Chambre ne se réunisse à nouveau. Chamberlain devait fléchir. »46

61Hitler était emporté dans une guerre générale qu’il n’aurait au grand jamais désirée.

  • 47 Timothy Mason. « War Origins Again » in Esmonde M. Robertson. The Origins of the Second World War. (...)

62Les critiques des thèses de Alan John Percival Taylor ont abondé depuis 1961, date de la parution des Origins of the Second World War. Nous n’avons pas voulu reprendre les arguments pertinents exposés par de nombreux historiens.47

  • 48 Ibid., p. 191. « Bénès était le véritable vainqueur de Munich dans le long terme. »

63Nous avons surtout cherché à souligner les exagérations et les contradictions internes au récit de Alan John Percival Taylor. Celles-ci son nombreuses. Ainsi, lorsqu’il proclame que Hitler vouait une réelle admiration aux Polonais. On aurait pu aussi souligner cette phrase où il affirme que le Président tchécoslovaque Bénès fut le véritable vainqueur de la Conférence de Munich48. Alan John Percival Taylor n’est pas conséquent lorsqu’il prétend à la fois que Hitler n’avait pas de plans d’attaque contre l’Union soviétique et qu’il visait à entraîner la Pologne contre elle. L’historien anglais se contredit aussi par rapport à son affirmation selon laquelle Hitler n’aurait jamais eu d’objectifs dans sa vie. Désirer une alliance avec un pays, n’est-ce pas poursuivre un but politique ? Comment est-il aussi possible de prétendre qu’en août 1939, Hitler n’avait jamais songé à la guerre et d’écrire qu’en mai de cette même année, il a donné des ordres en vue de la préparer.

64Nous avons aussi voulu montrer que Alan John Percival Taylor n’est pas resté fidèle à son objectif consistant à présenter les origines de la Seconde Guerre mondiale de manière impartiale.

65En effet, Hitler n’apparaît jamais comme le responsable de la montée aux extrêmes, sans même parler de la guerre elle-même. Les termes comme obstination, naïveté, nationalisme exagéré sont toujours réservés aux Polonais, aux Anglais ou même à certains Allemands, mais rarement à Hitler. Il ressort que les vainqueurs de 1918 ont eu le tort d’exiger des réparations de l’Allemagne, ce qui aurait ouvert la voie à la guerre, que les Polonais n’ont jamais compris la bonne volonté allemande, qu’ils ont failli menacer les Allemands de Danzig qui étaient dans leur bon droit et que les Occidentaux auraient pu ne pas déclarer la guerre, si le cabinet britannique n’avait pas été poussé à une surenchère nationaliste.

66Nous avons enfin voulu relever que Alan John Percival Taylor n’est pas arrivé à négliger Hitler. Même s’il a voulu présenter un récit où celui-ci n’en aurait pas été le centre. Le résultat est que son nom est mentionné à presque toutes les pages, qu’il est encore plus omniprésent que dans d’autres récits d’historiens.

4. Les « programmologues »

67Andreas Hillgruber et Klaus Hildebrand sont des intentionnalistes dans la mesure où ils établissent que Hitler était le seul preneur de décision de l’Allemagne nationale-socialiste et que la guerre mondiale est due essentiellement à sa volonté impérialiste, expansionniste et belliciste.

68Cependant, Andreas Hillgruber et Klaus Hildebrand traitent les événements de l’année 1939 d’une manière très différente de Alan Bullock, de Gerhard Weinberg ou de Walther Hofer. En effet, leur propos consiste essentiellement à établir que Hitler possédait un « programme » de conquête d’un « Lebensraum » en Union Soviétique et que la condition indispensable à sa réalisation passait par une alliance ou une neutralité bienveillante de la Grande-Bretagne. La Pologne ne devait pas être un ennemi de l’Allemagne, mais éventuellement un « Juniorpartner » au moment où l’Allemagne se lancerait contre l’URSS et un voisin tranquille pendant la phase de « destruction du potentiel militaire français. ».

69Le but de Andreas Hillgruber et de Klaus Hildebrand n’est donc pas d’expliquer l’origine de l’attaque allemande et de la déclaration de guerre franco-anglaise qui s’en est suivi. Leur objectif est de montrer que Hitler ne voulait pas mener une guerre dans les conditions qui furent celles de l’été 1939. On arrive ainsi à la situation paradoxale où le récit des événements ayant précédé l’attaque allemande contre la Pologne donne l’impression que Hitler n’avait pas voulu dans une première étape envahir la Pologne et qu’il y a été amené contre son gré. De plus, toute l’analyse est émaillée de réflexions sur le fait que Hitler ne souhaitait pas la guerre avec la Grande-Bretagne et qu’il fut entraîné à son corps défendant dans le conflit européen de 1939.

70Andreas Hillgruber et Klaus Hildebrand ne sont pas convaincants lorsqu’ils abordent les raisons pour lesquelles Hitler s’en est pris à la Pologne. En effet, ils n’attribuent pas l’origine du conflit entre la Pologne et l’Allemagne à une volonté de révision du Traité de Versailles ou à un désir de réunir tous les Allemands au sein du Reich hitlérien. Si le dictateur allemand se tourne vers la Pologne dès la fin de l’année 1938, c’est pour lui proposer de l’inclure comme « Juniorpartner » dans une alliance militaire dirigée contre l’URSS :

  • 49 Klaus Hildebrand. Deutsche Aussenpolitik 1933-1945 Kalkül oder Dogma ? Stuttgart, 1971, p. 85. Soul (...)

« Lors de sa visite en 1939, il exposa à Beck, le Ministre polonais des Affaires étrangères, son plan pour abattre l’Union soviétique de concert avec la Pologne. En 1939, il semblait s’être décidé pour qu’il soit réalisé au cours de sa première étape consistant d’abord à marcher vers l’Est, URSS incluse, et ensuite vers l’ouest contre la France (...) »49

  • 50 Klaus Hildebrand n’explique pas comment il en arrive à affirmer que Hitler aurait voulu envahir l’U (...)

71Une lecture attentive de la phrase citée ci-dessus montre que Klaus Hildebrand laisse supposer que Hitler aurait abandonné son objectif programmatique consistant à marcher en premier lieu contre la France pour sécuriser ses arrières en vue d’une attaque contre l’Union Soviétique.50

72Les garanties britanniques à la Pologne ne sont pas interprétées comme prouvant la volonté d’assurer l’intégrité des frontières de la Pologne et d’affronter l’Allemagne dans l’hypothèse de leurs violations. Le discours de Chamberlain à Birmingham, le 17 mars 1939, ne doit pas être compris comme signifiant un tournant de la politique étrangère britannique, comme la marque de l’abandon de la politique d’« appeasement ». L’Angleterre n’était simplement pas préparée à permettre à Hitler de poursuivre une politique expansionniste sans limites. Mais la Grande-Bretagne aurait été prête à laisser au « Grossdeutschland » une suprématie politique et économique en Europe centrale. Elle ne se serait donc pas non plus opposée à certaines révisions de frontières comme celles que Hitler exigeait par rapport à Danzig. Hitler pouvait à juste titre penser que la Grande-Bretagne ne ferait pas obstacle à sa politique en Europe :

  • 51 Andreas Hillgruber. Op. cit., p. 88. Klaus Hildebrand est encore plus clair : « Le gouvernement bri (...)

« La garantie britannique à « l’indépendance » (non aux frontières) de la Pologne correspondait aussi à la vieille (...) disposition du gouvernement Chamberlain, d’atteindre par d’autres (...) concessions à large vue le but poursuivi depuis longtemps, d’insérer la « grande Allemagne » dans un ordre défensif des grandes puissances européennes dirigé contre l’Union soviétique. »51

73Hitler n’aurait jamais souhaité un affrontement avec la Grande-Bretagne durant l’année 1939, à ce stade de la réalisation de son « programme ». Ainsi, la dénonciation de l’Accord naval anglo-allemand et la constitution d’une grande flotte (Plan Z, sous-marins) ne sont pas des preuves supplémentaires que le dictateur allemand voulait en découdre, mais au contraire une marque de sa volonté d’éviter à tout prix un affrontement avec la Grande-Bretagne :

  • 52 Andreas Hillgruber. Ibid., p. 83. Klaus Hildebrand. Ibid., p. 88. Klaus Hildebrand a développé cett (...)

« La décision de construire à long terme une grande flotte impliquait logiquement la conséquence politique que (...) tout risque d’une guerre contre la Grande-Bretagne devait être absolument évité. »52

74Le discours de Hitler, le 23 mai 1939, ne constitue-t-il pas quand même une indication crédible que le dictateur allemand était prêt à affronter la Grande-Bretagne très rapidement ? Au contraire, Andréas Hillgruber et Klaus Hildebrand interprètent les paroles de Hitler comme signifiant qu’il voulait rassurer les officiers présents, à moins qu’il n’ait fait allusion au conflit futur envisagé avec la Grande-Bretagne :

  • 53 Klaus Hildebrand. Deutsche Aussenpolitik. Op. cit., p. 89. Souligné par nous.

« Quand le « Führer » parlait de passer par une longue guerre, qui pouvait tourner en une guerre d’usure contre l’Angleterre, cette remarque était bien plus pensée comme un tranquillisant pour les officiers présents, comme une possibilité pour un avenir lointain, quand l’Allemagne, en possession d’un énorme Empire continental et maritime, pourrait offrir des Paroli à l’Angleterre et mettre en danger les arrières de l’Empire. »53

75Quant aux fameuses « prophéties » de Hitler à Cari Burckhardt, le Haut Commissaire de la SDN à Danzig, elles sont acceptées littéralement dans leurs parties concernant l’objectif de conquête d’un Lebensraum en URSS, mais pas dans celles ayant trait aux puissances occidentales. Andreas Hillgruber et Klaus Hildebrand n’y voient pas la preuve que Hitler était prêt à en découdre avec la Grande-Bretagne :

  • 54 Klaus Hildebrand. Ibid., p. 91. Andreas Hillgruber. Op. cit., p. 91. Certains historiens proches de (...)

« « Tout ce que j’entreprends est dirigé contre la Russie ; si l’Occident est trop bête et trop aveugle pour le comprendre, je serai forcé de m’entendre avec les Russes, pour frapper l’Occident et après sa défaite me tourner avec mes forces rassemblées contre l’Union soviétique ». »54

  • 55 Andreas Hillgruber. Ibid., p. 91.

76L’expression « den Westen zu schlagen » ne veut pas dire que Hitler était disposé à affronter les Occidentaux au cas où ils n’obtempéreraient pas à ses propositions. Pour Andreas Hillgruber, elle signifie que le dictateur allemand visait à écraser la France et à éloigner l’influence anglaise sur le continent européen.55

77De plus, ces paroles doivent être prises en parallèle avec son « offre grandiose » du 25 août 1939. Celle-ci n’est pas seulement interprétée comme un moyen tactique pour éloigner l’Angleterre pendant que l’Allemagne vainc la Pologne, mais elle est également analysée comme une preuve supplémentaire du souhait de Hitler de revenir à ses intentions programmatiques d’atteindre son vieil objectif d’alliance avec la Grande-Bretagne :

  • 56 Klaus Hildebrand. Op. cit., pp. 91-92. Souligné par nous.

« Peut-être devrait-on examiner une fois ces paroles de Hitler (à Carl Burckhardt R.S.) en relation avec son « offre grandiose » du 25.8.1939. (...) Hitler fit sa dernière « offre grandiose » à la Grande-Bretagne avec un mélange de tactique et de vérité, afin d’atteindre son vieil objectif d’alliance avec l’Angleterre. »56

  • 57 Voir le chapitre consacré à la théorie du totalitarisme. Infra, pp. 173-177.

78Ainsi, par sa politique et grâce au feu vert de Moscou,57 Hitler a été entraîné le 3 septembre 1939 dans une guerre qu’il n’avait pas voulue dans ces conditions. Andreas Hillgruber et Klaus Hildebrand défendent donc l’opinion que le dictateur allemand a été forcé d’affronter la Grande-Bretagne contre son gré :

  • 58 Andreas Hillgruber. Op. cit., p. 98. Hildebrand intitule directement le chapitre consacré à l’année (...)

« Hitler se trouvait depuis le 3 septembre 1939 dans une grande guerre, qu’il n’avait envisagée ni à ce moment ni dans cette constellation donnée. C’est dans cette mesure, mais dans cette mesure seulement, que la thèse d’une guerre « imposée » (« aufgezwungenen ») (...) se justifie d’une certaine manière. »58

  • 59 Andreas Hillgruber. Ibid., p. 103.

79En conclusion, il apparaît que Andréas Hillgruber et Klaus Hildebrand affirment que Hitler n’avait pas voulu abattre la Pologne dès le début et qu’il avait tout fait pour éviter de devoir affronter la Grande-Bretagne. Andréas Hillgruber59 reconnaît que si l’on devait évaluer la responsabilité de Hitler dans le déclenchement de la guerre mondiale seulement à partir du conflit de l’été 1939 (guerre européenne), celle-ci serait effectivement assez limitée. Car c’est dans l’attaque contre l’Union soviétique que Hitler a montré son vrai caractère et sa culpabilité :

« La responsabilité de Hitler dans la guerre serait insuffisamment soulignée si l’on ne regardait que sa participation au « déchaînement » de la guerre européenne d’août/septembre 1939. »

80Ainsi, assez paradoxalement, Andreas Hillgruber et surtout Klaus Hildebrand qui comptent parmi les farouches opposants aux thèses défendues par David Hoggan, Alan John Percival Taylor ou Hans Mommsen présentent une analyse des événements de l’année 1939 qui n’est pas complètement différente de certaines conceptions révisionnistes.

81L’analyse de Andreas Hillgruber et de Klaus Hildebrand soulève aux moins deux problèmes épistémologiques :

  1. il y a une réification de l’outil heuristique « programme » quand on s’obstine à voir une politique d’amitié envers l’Angleterre dans nombre d’actions qui ne semblent pas présenter ce caractère ;

  2. rien ne justifie d’interpréter tel segment d’une phrase de Hitler comme étant une expression de ses intentions profondes et tel autre comme étant la marque d’un effet oratoire destiné à impressionner son auditoire.

Notes

1 Marlis Steinert a justement fait remarquer qu’une des premières questions que l’on doit se poser en étudiant les origines de la Seconde Guerre mondiale, est celle de la date de son commencement : premier septembre 1939, avancent la grande majorité des historiens, 3 septembre 1939 ont longtemps affirmé les nationaux-socialistes qui voulaient souligner que c’est l’entrée en guerre des Français et des Anglais qui avait transformé une affaire locale en une guerre généralisée. Pour Andreas Hillgruber, le passage de la guerre européenne à une guerre véritablement mondiale ne s’effectue qu’à partir de 1941, année de l’agression hitlérienne contre l’URSS. Pour d’autres historiens, ce sont plutôt l’attaque japonaise contre les Etats-Unis, le 8 décembre 1941 ou les déclarations de guerre italo-allemandes du 11 décembre qui seraient les véritables marques du caractère mondial du conflit. Le raisonnement pourrait être étendu à d’autres dates, 1937, attaque japonaise au pont Marco Polo etc. L’important est surtout de constater « un glissement graduel vers la guerre globale, dont il est difficile de déterminer la date exacte de départ » (p. 8). Marlis Steinert. Les origines de la seconde guerre mondiale. Paris, 1974 ; 136 p.

2 Golo Mann. Deutsche Geschichte des 19. und 20. Jahrhunderts. Frankfurt, 1969, p. 921. La première version date de 1959. Les pages que nous citons ici n’ont pas été modifiées par rapport à l’édition originale.

3 Ibid. « Das erwählte Opfer war nun Polen » p. 893.

4 Ibid., p. 919.

5 Ibid., p. 920. Souligné par nous.

6 Ibid., p. 913. Egalement pp. 890 et 907. Souligné par nous.

7 Ibid., pp. 889-990. Souligné par nous. Gerhard Ritter partage le même point de vue dans Die Dämonie der Macht. München, 1948, p. 160. « (...) Cet itinéraire à la Amok n’avait plus rien à faire avec un quelconque art politique, avec une raison d’Etat continentale. La mise en scène de la Deuxième Guerre mondiale ne peut pas être comparée avec des éclatements de guerres antérieurs, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’histoire allemande. »

8 Ibid., pp. 895-896.

9 Ibid., p. 846. Souligné par nous. On remarque aussi que Golo Mann n’analyse pas la notion de « Lebensraum » comme désignant un espace précis dans un pays déterminé, mais il utilise plutôt ce terme comme une métaphore visant à dissimuler une soif de conquête tous azimuts. Gerhard Ritter procède à la même interprétation dans un article intitulé : « Historical Foundations of Rise of National-Socialism » in UNESCO (éd.) The Third Reich. London, 1955. p. 391. La notion de « Lebensraurn » est mise en relation avec la montée du matérialisme, des masses et du socialisme. Dans cet article, Gerhard Ritter établit minutieusement que les origines historiques du « Reich hitlérien » n’appartiennent pas à l’histoire allemande : « (...) les origines historiques de l’Hitlérisme doivent être trouvées en dehors du Reich. » p. 414. On notera que Gerhard Ritter reconnaît, contrairement à Golo Mann, que les Allemands détestaient les Polonais : « Seuls les Polonais étaient haïs, pas les Russes, et cela seulement après les amères expériences allemandes de l’après-guerre. » p. 414.

10 Ibid., p. 915. Gerhard Ritter partage le même point de vue que les Allemands, particulièrement les généraux auraient même été épouvantés à l’idée de libérer Danzig : « Parmi nous, à part Hitler, aucun homme n’était acharné à la guerre ou à la conquête. Encore moins les plus hauts dirigeants de l’armée (...). La perspective d’une guerre, qui se profilait à l’horizon dès 1939 n’a provoqué, comme on le sait, aucun enthousiasme dans notre peuple, elle n’a suscité au contraire que de l’épouvante. » Gerhard Ritter. Das deutsche Problem. München, 1962, p. 198. Souligné par nous.

11 Ibid., pp. 896-897. Souligné par nous.

12 Ibid., p. 885. On retrouve chez Gerhard Ritter le même genre d’arguments. Nous les avons déjà cités dans notre deuxième partie p. 65. Gerhard Ritter. Die Dämonie der Macht. Op. cit., p. 159.

13 Ibid., p. 889. Pour Golo Mann, Staline est la seule personne qui possède une part de responsabilité en dehors de celle de Hitler. Il a rendu la guerre possible : « Le tyran de l’Est avait laissé le champ libre au tyran du Centre, principalement à l’Ouest, jusqu’à une limite inconnue à l’Est. » p. 894.

14 Alan Bullock. Hitler. A Study in Tyranny. London, 1952, 776 p. Sur les conseils de Hugh Trevor-Roper et à la suite des controverses provoquées par Alan John Percival Taylor, Alan Bullock a publié une nouvelle édition en 1963 qui insiste plus sur le « programme » de Hitler. Nous nous servons ici de la première édition. Gerhard Weinberg offre une analyse très proche de celle de Alan Bullock. Son ouvrage est une vaste présentation, extrêmement minutieuse de la politique étrangère allemande pendant les années 1930. Gerhard Weinberg se différencie légèrement d’Allan Bullock au moins de trois manières : 1. Il accorde une moindre attention aux hésitations, à l’opportunisme et au machiavélisme de Hitler ; 2. Il possède des sources beaucoup plus complètes : 3. Il insiste particulièrement sur l’hostilité de Hitler par rapport à la Grande-Bretagne en 1939. Gerhard Weinberg. The Foreign Policy of Hitler’s Germany. Chicago, 1970, 397 p. pour le premier volume (I), années 1933-1937 et 1980, 728 p. pour le deuxième volume (II), années 1937-1939.

15 Op. cit., p. 470. Voir également pp. 469, 513 et 599. Gerhard Weinberg écrit de même : « L’espace dont l’Allemagne avait besoin devait d’abord être trouvé à l’Est, en Russie. » Op. cit., (I) p. 12.

16 Alan Bullock utilise très rarement les termes « USSR », « Soviet Union » ou « Soviet Russia ». Sa vision traditionnelle des relations internationales l’amène à privilégier le mot « Russia ».

17 « Hitler était soucieux de s’assurer le soutien polonais pour sa politique antirusse. » Alan Bullock. Op. cit., p. 452. Gerhard Weinberg expose plus clairement l’objet des propositions allemandes à la Pologne. Leur but était d’assurer un front calme à l’Est afin d’être en mesure d’attaquer la France et l’Angleterre puor pouvoir dans une troisième étape entamer la guerre décisive contre l’URSS : « Commencer une guerre à l’Ouest impliquait cependant l’assurance d’une tranquillité à l’Est (...) Le plan devant assurer que tout était calme sur le front Est échoua. Les Hongrois s’étaient alignés mais les Polonais avaient simplement refusé. » Op. cit., p. 675.

18 Ibid., p. 454. Souligné par nous.

19 Ibid., p. 470. Souligné par nous. Gerhard Weinberg écrit de même : « Il était assez explicite sur le t’ait que l’Angleterre était le principal ennemi et devait être de toute façon vaincue tôt ou tard. » Op. cit., p. 580, souligné par nous.

20 Ibid., p. 473.

21 Ibid., p. 493. Gerhard Weinberg tient moins compte des hésitations de Hitler. Il assure qu’à partir du printemps 1939, le dictateur allemand était décidé à envahir la Pologne dès le premier moment favorable. Pour cela, il avait tout tenté pour éviter des négociations : « Hitler était tellement déterminé à la guerre avec la Pologne qu’il avait donné instructions au début avril à ses diplomates de ne pas engager la moindre négociation avec Varsovie. » Op. cit., p. 579. Egalement pp. 638 et 639.

22 Ibid., p. 513.

23 Dès 1955, Alan Bullock avait synthétisé son analyse dans un texte intitulé « The Political Ideas of Adolf Hitler » in UNESCO (éd.) The Third Reich. London, 1955 ; pp. 350-380.

24 Walther Hofer. Die Enlfesselung des Zweiten Weltkrieges. Frankfurt, 1964, p. 15. Dans le chapitre consacré à l’approche totalitariste, nous reprenons une partie de l’analyse de Walther Hofer. Infra pp. 175-177. Nous nous servons ici de l’édition remaniée de 1964. Celle-ci contient une introduction qui n’existait pas dans l’ouvrage de 1954. Cela correspond aux pages 9 à 42.

25 Ibid., p. 11. Egalement p. 49.

26 Ibid., p. 47.

27 Ibid., p. 45. Souligné par nous.

28 Ibid., p. 49.

29 Ibid., p. 51. Souligné par nous.

30 Voir chapitre consacré à l’interprétation totalitariste.

31 Ibid., p. 273. Souligné par nous.

32 Ibid., p. 31.

33 Walther Hofer utilise beaucoup de termes empruntés au vocabulaire psychologique et psychanalytique pour éclairer les offres de Hitler à la Grande-Bretagne à la fin du mois d’août 1939. Il refuse de chercher un raisonnement aux propositions du dictateur : « Nous devons aussi naturellement nous préoccuper de la question des motivations du dictateur allemand dans cette action sans exemple dans l’histoire des relations internationales. Mais nous nous gardons de chercher trop de rationalité et de volonté de paix constructive, là où étaient mis en œuvre avant tout une ruse instinctive, une arrogance pathologique, des sentiments mélangés qui étaient exposés dans un grand pathos d’acteur. » Ibid., p. 274. Souligné par nous. « Il est certain qu’il avait la capacité de beaucoup de psychopathes de croire lui-même à ce qu’il venait de proclamer à l’instant (...). » p. 272. Souligné par nous.

34 Alan John Percival Taylor. The Origins of the Second World War. London, 1961, p. 17.

35 Ibid., p. 219.

36 Ibid., p. 44. Hansjoachim Koch partage globalement l’analyse de Alan John Percival Taylor. Il est même plus extrémiste car il tend à justifier l’ensemble de la politique révisionniste de l’Allemagne nazie et il nie que Hitler ait voulu autre chose que la révision légitime des traités de 1919 : « Jusqu’en 1939, Hitler a poursuivi une politique de restitution nationale. » Hansjoachim Koch. « Hitler and the Origins of the Second World War: Second Thoughts on the Status of Some of the Documents » in Esmonde M. Robertson. The Origins of the Second World War. London. 1971. p. 167. Souligné par nous.

37 Ibid., p. 195. Norman Stone suit également l’analyse de Alan John Percival Taylor. Il le fait avec peu de subtilité, moins encore que Hansjoachim Koch. Par exemple, à propos des Polonais : « Hitler a fait une entrée triomphale à Varsovie. Il n’était pas lui-même violemment antipolonais ; il était un Autrichien, et, traditionnellement, les catholiques autrichiens regardaient les Polonais avec bienveillance. » Norman Stone. Hitler. Boston, 1980, p. 95.

38 Ibid., p. 195. On a là une des plus importantes contradictions de Alan John Percival Taylor. D’un côté, comme dans la phrase susmentionnée, il établit que le but principal de Hitler était d’attaquer l’Union soviétique, et, d’autre part, il affirme que Hitler n’a jamais eu d’objectifs, en tout cas pas celui d’occuper une partie de l’Union soviétique : « En bref, l’Espace vital n’a pas conduit l’Allemagne à la guerre. » p. 106 (...) « Cela aurait pu avoir un sens pour Hitler de planifier une grande guerre contre la Russie soviétique. Mais quoiqu’il en ait souvent parlé, il ne l’avait pas projetée. » p. 219. Souligné par nous. On trouve à peu près la même phrase chez Hansjoachim Koch : « Il n’existait aucun plan de campagne militaire en Russie. » Op. cit., p. 165.

39 Ibid., p. 210. On retrouve de nouveau un même type de contradiction. Hitler qui est décrit comme un être n’ayant pas de buts bellicistes, s’assigne un objectif : celui d’attirer la Pologne dans une alliance en vue d’une guerre contre l’Union soviétique. Rappelons une phrase très connue de Alan John Percival Taylor : « Hitler n’envisageait pas de guerre générale, et n’avait peut-être pas projeté de guerre du tout. » p. 218.

40 Ibid., p. 215.

41 Ibid., p. 216. Hansjoachim Koch écrit qu’en été 1939 : « Hitler s’était décidé pour une solution équitable précoce (fairly) de la question polonaise. » Op. cit., p. 176. Souligné par nous.

42 Ibid., p. 248.

43 Ibid., p. 250. Hansjoachim Koch partage le point de vue de Alan John Percival Taylor que le discours de Hitler n’aurait eu pour seul but que d’impressionner ses généraux : « La suggestion de Taylor, que Hitler parlait pour l’effet, semble extrêmement plausible. » Op. cit., p. 174.

44 Ibid., p. 273. Norman Stone est encore plus direct : « Quelques Britanniques commencèrent à songer à un compromis ; mais les Polonais n’auraient pas bougé. Le premier septembre, en réponse à cela, Hitler envahit la Pologne. » Op. cit., p. 92. Comme de nombreux martyrs, la Pologne a beaucoup fait pour provoquer son destin. » p. 95.

45 Ibid., p. 276.

46 Ibid., p. 277.

47 Timothy Mason. « War Origins Again » in Esmonde M. Robertson. The Origins of the Second World War. London, 1971. pp. 105-136. Hugh Trevor-Roper. « A.J.P. Taylor. Hitler and the War » in Encounter. xvii, July 1961. pp. 88-96. Wallher Hofer. « « Entfesselung »oder « Ausbruch » des Zweiten Weltkrieges ? » in die Entfesselung des Zweiten Wellkrieges. Frankfurt. 1964, 4e édition augmentée, pp. 419-450.

48 Ibid., p. 191. « Bénès était le véritable vainqueur de Munich dans le long terme. »

49 Klaus Hildebrand. Deutsche Aussenpolitik 1933-1945 Kalkül oder Dogma ? Stuttgart, 1971, p. 85. Souligne par nous. On trouve à peu près la même phrase chez Andreas Hillgruber. Deutschlands Rolle in der Vorgeschichte der beiden Weltkriege. Göttingen. 1967, p. 88. Nous préférons certaines fois citer d’après les phrases de Klaus Hildebrand qui sont plus claires et plus courtes. Si, par commodité pour le lecteur, nous nous appuyons plus volontiers sur les textes de Klaus Hildebrand, il reste que c’est bien Andreas Hillgruber qui, le premier, a énoncé la plupart des thèses que nous analysons ici.

50 Klaus Hildebrand n’explique pas comment il en arrive à affirmer que Hitler aurait voulu envahir l’URSS avant la France. A la p. 26, il avait pourtant établi que Hitler avait pour « programme » d’abord d’anéantir la France, « Frankreich zu « vernichten » »et ensuite de détruire la Russie. Charles Bloch ne semble pas partager le point de vue de Klaus Hildebrand : « Certains historiens croient qu’au milieu des années 30, (...), et après la défaite de 1940, il aurait songé à un compromis, voire à une collaboration avec ce pays (la France R.S.) qui ne l’aurait plus sérieusement gêné. Nous ne pouvons pas accepter cette thèse. » Charles Bloch. Le IIIe Reich et le inonde. Paris, 1986. p. 54.

51 Andreas Hillgruber. Op. cit., p. 88. Klaus Hildebrand est encore plus clair : « Le gouvernement britannique avait souligné par une menace claire qu’il voulait garantir l’existence de la Pologne et défendre la souveraineté nationale de ce pays. Cela ne signifiait pas en effet, ce qui sera parfois négligé, une garantie à tout prix des frontières de la Pologne. » Op. cit., pp. 86-87.

52 Andreas Hillgruber. Ibid., p. 83. Klaus Hildebrand. Ibid., p. 88. Klaus Hildebrand a développé cette thèse dans Vom Reich zum Weltreich. NSDAP und die koloniale Frage 1919-1945. München. 1969 ; 955 p. Un autre étudiant de Andreas Hillgruber confirme aussi l’interprétation des « programmologues » : Jost Dülffer. Weimar. Hilter und die Marine : Reichspolitik und Flottenbau 1920-1939. Düsseldorf, 1973: 616 p.

53 Klaus Hildebrand. Deutsche Aussenpolitik. Op. cit., p. 89. Souligné par nous.

54 Klaus Hildebrand. Ibid., p. 91. Andreas Hillgruber. Op. cit., p. 91. Certains historiens proches des thèses des « programmologues » sont plus prudents. Eberhard Jäckel. par exemple, souligne que les propos de Hitler du 23 mai 1939 ne souffrent pas d’ambiguïté ; leur interprétation est sans équivoque, à savoir que Hitler soulignait que les prochains succès ne pourraient pas être atteints sans que le sang soit versé, et que les plans d’alliance avec la Grande-Bretagne étaient définitivement enterrés : « (...) le 23 mai 1939, il expliqua sans équivoque à ses principaux officiers « qu’on ne pourrait pas susciter des succès ultérieurs sans verser du sang. » (...) Les plans d’alliance avec l’Angleterre, « le moteur dirigé contre l’Allemagne », étaient définitivement enterrés. » Eberhard Jäckel. Frankreich in Hilters Europa. Stuttgart, 1966, p. 28. Joseph Henke insiste également sur la décision de Hitler de s’opposer à l’Angleterre. England in Hillers polnischen Kalkül 1935-1939. Boppart am Rhein, 1973; 346 p.

55 Andreas Hillgruber. Ibid., p. 91.

56 Klaus Hildebrand. Op. cit., pp. 91-92. Souligné par nous.

57 Voir le chapitre consacré à la théorie du totalitarisme. Infra, pp. 173-177.

58 Andreas Hillgruber. Op. cit., p. 98. Hildebrand intitule directement le chapitre consacré à l’année 1939 : « La crise polonaise et « la guerre imposée » (der « aufgezwungene Krieg »). » Tübingen, 1961 ; 893 p.

59 Andreas Hillgruber. Ibid., p. 103.

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Cette publication numérique est issue d’un traitement automatique par reconnaissance optique de caractères.
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search