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Le Pakistan, don de l’Indus

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Gilbert Etienne

Introduction

Texte intégral

1« Le Pakistan vit dans l’ombre de ses deux voisins, l’Inde et la Chine », me disait un industriel étranger à Karachi en 1985, voulant expliquer par là l’intérêt limité que suscite ce pays au sein des multinationales. On pourrait hélas en dire autant de bien d’autres milieux à commencer par les universités. S’il existe un nombre limité d’ouvrages sur ce pays en langue anglaise, le dénuement est quasi total dans les pays francophones.

2Ces lacunes sont troublantes, à voir la place du Pakistan sur l’échiquier de l’Asie occidentale, en particulier depuis la chute du Shah d’Iran et l’intervention directe des troupes soviétiques dans la guerre d’Afghanistan en 1979.

3Le Pakistan mérite de retenir l’attention aussi à d’autres titres. Depuis 1985, il s’est engagé dans un processus de démocratisation, caractéristique des courants qui soufflent sur l’ensemble de l’Asie. Les peuples, chacun à sa manière, sont profondément las de la dictature, qu’elle soit celle du prolétariat, des militaires, de petites élites oligarchiques ! Mais ces aspirations restent encore vulnérables à bien des aléas.

4Du point de vue économique, le Pakistan se situe dans ce groupe de pays qui suivent les Etats industriellement avancés : les « quatre dragons » d’Extrême Orient, les deux poids lourds que sont la Chine et l’Inde. Dans ce pays de plus de 100 millions d’habitants, l’agriculture a connu un gros essor et l’industrie, embryonnaire en 1947, commence à acquérir une taille respectable. Le pays s’ouvre sur l’extérieur, vers le Moyen Orient depuis le choc pétrolier de 1973, et plus récemment vers l’Extrême Orient.

5Quelles que soient les péripéties de l’histoire ancienne ou contemporaine, le Pakistan constituerait une sorte de vide s’il n’était pas fécondé par l’Indus et ses affluents, d’où le titre de cet ouvrage. Mais encore fallait-il que les hommes tirent parti du don qui leur était offert. Depuis près de cinq mille ans, des structures politiques et administratives fort élaborées existent, des aménagements de canaux et de puits d’irrigation transforment le désert en espace vert. L’agriculture va de pair avec l’existence de villes importantes, centres de négoce interne et international.

6Tout un réseau de voies de communications relie de longue date le bassin de l’Indus au monde méditerranéen d’une part, au reste du monde indien de l’autre. C’est pourquoi il paraît opportun de retracer les grandes étapes de l’histoire qui aboutissent à la présence du plus formidable ensemble de terres irriguées du globe.

7Autre particularité du Pakistan, il se trouve à la charnière de deux aires culturelles brillantes entre toutes : les civilisations indienne et iranienne. Les Anciens déjà, Grecs et Romains, l’avaient bien perçu, lorsqu’ils plaçaient sur l’Indus la frontière des deux mondes.

8Si la partie la plus peuplée du Pakistan est proche du monde indien, dans quelle mesure en fait-elle partie ? Question capitale au cœur des débats et des luttes qui ont conduit au partage de 1947. En fait, les Etats du sous-continent sont marqués par un double héritage commun : l’interpénétration – mais non la fusion – des civilisations, hindoue et islamique, fruit des invasions musulmanes et, plus tard, l’impact de la colonisation britannique.

9La population pakistanaise est composée dans sa grande majorité d’Hindous convertis à l’Islam au fil des siècles. Toutefois une large partie des élites est originaire de l’Asie centrale, de l’Afghanistan et de l’Iran. En substance, aujourd’hui comme hier, l’étranger qui traverse l’Indus à Attock trouve des traits de civilisation communs à l’Inde et au Pakistan, mais aussi des différences qui tendent à s’accentuer depuis le départ des Britanniques.

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10L’accent majeur de cet ouvrage est mis sur le développement économique. Cependant, celui-ci ne saurait être isolé de son contexte politique, interne et international, ainsi que des facteurs démographiques et socio-culturels.

11Après avoir tracé le cadre général de la planification, de l’industrialisation, des infrastructures, nous consacrons plusieurs chapitres au secteur rural. En effet, malgré la forte poussée de l’économie urbaine, les campagnes où vivent dans les 70 % de la population exercent, et exerceront encore longtemps, un gros poids sur l’économie et l’emploi.

12Il s’agit de situer le monde rural dans sa globalité et dans ses aspects spécifiques, ce qui nous conduit à un long itinéraire dans le temps, par des enquêtes qui se succèdent de 1952 à 1986, et dans l’espace à travers les plaines du Sind et du Panjab, sur les plateaux du Baluchistan, dans les montagnes du nord-ouest. Observations des cultures, discussions avec les paysans (facilitées par la connaissance de l’urdu), entretiens avec les autorités locales et dans les ministères à Islamabad permettent de saisir la complexité des données socio-politiques et technico-économiques.

13Après avoir évoqué l’expérience du Pakistan, il convient de situer celle-ci dans le cadre de l’Asie. La plupart des pays de ce continent affichent un bulletin de santé relativement favorable, comparé aux graves embarras financiers de l’Amérique latine et au destin si inquiétant de nombreux pays d’Afrique au sud du Sahara.

14L’idée est de dégager quelques similitudes et différences entre les politiques de développement suivies en Asie, tout en insistant sur les réformes économiques en cours. Du Pakistan à la Chine, en passant par l’Inde et l’Asie du sud-est, la rhétorique, le dogmatisme et les chimères sont en plein recul, cédant la place à une vision beaucoup plus lucide des enjeux économiques et sociaux. La partie n’est pas encore gagnée, mais les premiers résultats qui s’esquissent sont plutôt encourageants.

15Trois Rods, Boudry

16fin juin 1988

17P.S

18La dramatique fin du président Zia ul Haq le 17 août 1988 marque-t-elle la fin d’une étape dans la vie du Pakistan ? Quel que soit l’avenir, ce livre essaye d’éclairer les enjeux économiques et politiques que devront affronter les dirigeants du pays.

19fin août 1988

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