La Commission interaméricaine des droits de l’homme et le développement de sa compétence par le système des pétitions individuelles
|Préface
Texte intégral
1Immédiatement après la proclamation de la Déclaration universelle des droits de l'homme, il devint évident qu'une protection individuelle efficace de ces droits serait difficile à réaliser sur le plan universel, et l'idée germa d'instituer des procédures adéquates dans un cadre régional. Cette formule devait permettre de tenir compte des conceptions sociales et des traditions juridiques différentes, tout en les mettant au service d'une garantie adéquate des droits de l'homme dans les États de la région considérée.
2En Europe occidentale, le conseil de l'Europe offrait les structures et la base politique nécessaires ; sur le continent américain, c'était l'Organisation des États américains - qui, la première parmi les Organisations internationales, avait voté une Déclaration des droits de l'homme, le 2 mai 1948. L'Europe et les États américains s'abreuvaient aux mêmes sources et aux mêmes traditions philosophiques et juridiques ; le règlement juridictionnel des conflits leur était familier, ainsi que la notion de droit individuel ; rien d'étonnant donc à ce que l'idée d'un système de protection des droits civils et politiques, droits individuels par excellence, prenne forme dans les deux continents, tout d'abord en Europe, puis, bien plus tard il est vrai, en Amérique.
3Le présent ouvrage, tout en donnant une idée générale du système américain de protection et de développement des droits de l'homme, est consacré essentiellement à l'étude de ce qui en est, selon l'auteur, « la pierre angulaire », la Commission interaméricaine des droits de l'homme. Mme Bertha Santoscoy est particulièrement qualifiée, de par les fonctions de juriste qu'elle exerce au sein du secrétariat de la commission, pour nous faire mieux connaître cette institution complexe et nous initier à son fonctionnement. Sous sa houlette, nous assistons au développement fascinant de la commission qui, d'organe de l'Organisation des États américains, devient également organe de la Convention américaine des droits de l'homme, cumulant l'une et l'autre fonction selon une formule que l'on aurait qualifiée dans le droit international classique d'Union personnelle, et que l'auteur préfère appeler plus simplement une dualité de fonctions. Fascinante également la façon dont la commission, à travers cette dualité, a su unifier et élargir le champ d'application des droits de l'homme dans le cadre de l'Organisation des États américains en interprétant la Déclaration américaine de 1948 dans le même esprit et selon les mêmes principes de la convention. Ici, comme pour la Convention européenne, la requête individuelle s'affirme comme l'élément essentiel de tout système de protection digne de ce nom et ce n'est pas sans raison qu'une bonne partie de l'ouvrage est consacrée aux différents aspects de cette question.
4Mais l'auteur ne se contente pas de déployer devant nous, dans un exposé dont il faut d'ailleurs louer la clarté, l'historique et les diverses facettes de l'activité de la commission, ainsi que ses rapports avec la Cour interaméricaine des droits de l'homme. Consciente de la parenté existant entre la Convention américaine et la Convention européenne, la seconde ayant dans une certaine mesure servi de modèle à la première, elle compare toujours de nouveau l'une avec l'autre, dégageant similarités et différences, qui, les unes comme les autres, jettent une lumière significative sur les motifs profonds, de caractère historique, sociologique, culturel ou politique, qui font que le législateur international a préféré telle ou telle solution à telle autre. Typique est par exemple, la différence dans la réglementation du droit de saisir la commission, ou encore quant à la suite donnée au rapport de la commission en l'absence de saisine de la Cour, l'affaire n'aboutissant pas dans le système américain, à une décision obligatoire, contrairement à ce qui se passe dans le système européen où un autre organe, le comité des ministres, prend le relais.
5On saluera donc avec satisfaction la parution du présent ouvrage qui, rendant compte, jusqu'à une date récente, de l'évolution et de la jurisprudence d'une institution aussi importante que l'est la Commission interaméricaine, comble une lacune de la littérature juridique, de langue française tout au moins, et dont ce n'est pas un des moindres mérites que de fournir matière à réflexion sur les conditions d'exécution des règles du droit international dans une société aussi décentralisée que l'est encore, malgré tout, la société internationale. Par son analyse lucide des forces et des faiblesses du système américain, ce livre apportera certainement sa contribution au développement et à l'affermissement des droits de l'homme sur le continent américain et au-delà.
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