« Cette carence de la vie de groupe contrariait la formation de féminismes qui supposent des sociabilités préalables. » [Perrot Michelle, 1995, p. 111.]

« C’est en démêlant les relations qu’elles entretiennent les unes avec les autres que l’on pourra pour chaque moment historique “comprendre comment une culture féminine se construit à l’intérieur d’un système de rapports inégalitaires, comment elle en masque les failles, réactive les conflits, jalonne temps et espaces, comment enfin elle pense ses particularités et ses rapports avec la société globale”. » [Dauphin Cécile, Farge Arlette, Fraisse Geneviève et alii, 1986 ; Chartier Roger, 1993.]

1La première partie de cette étude présentait les trajectoires individuelles de femmes insérées dans un contexte historique et des transformations sociales particulières se tournant politiquement vers le PCB ; nous observions alors la disparité de ce groupe, les profils divers qui le composaient, ainsi que la manière dont ces femmes d’origines distinctes se retrouvaient membres, ensemble, d’un même parti. Il importe désormais d’examiner leurs activités au sein de ce parti, à l’aune du croisement de plusieurs critères.

2Le genre, compris comme analyse des rapports entre les hommes et les femmes, nous a d’ores et déjà permis de pointer la manifestation de rôles différenciés pour les uns et pour les autres dans les parcours conduisant à adhérer au PCB. Ainsi, les possibilités nouvelles offertes alors aux femmes d’agir comme sujets politiques ne se traduisaient pas, par exemple, par l’occupation de postes à la direction du PCB. Et le discours moral de celui-ci reflétait par ailleurs l’ensemble des injonctions faites aux femmes en général.

3Cependant, cette catégorisation présente plusieurs limites ; il s’agit en effet de comprendre : 1) les pratiques concrètes des femmes dans les conditions de cette époque ; 2) l’incidence de variables autres que le sexe dans le déroulement de ces activités ; 3) l’évolution de ces pratiques et activités au cours de la période. En effet, les marqueurs chronologiques de l’histoire politique nationale brésilienne en général, et de celle du PCB en particulier, ont aussi un impact sur la manière dont les femmes s’impliquaient. Les militantes n’étaient pas soustraites aux modifications des directives partisanes (même si celles-ci ne les concernaient pas directement en tant que femmes ou qu’elles ne prenaient pas part à leur élaboration), et les événements qui dépassaient leur champ d’action immédiat ponctuaient également leur histoire.

4Cette seconde partie tente donc d’articuler plusieurs dimensions. Il s’agit d’observer les actions lancées par les femmes au-delà des recommandations de la direction du PCB à leur égard, mais aussi en fonction des situations particulières de chacune et des ruptures du contexte historique dans lequel elles évoluèrent. Trois chapitres voudraient rendre compte de ces évolutions. Le premier correspond au moment pendant lequel le PCB jouissait d’un statut légal et poursuivait une politique d’union nationale et de compromis démocratique à travers le jeu électoral. Le PCB fut interdit en 1947, mais c’est en 1948 seulement que les mandats de ses membres prirent fin. Le second chapitre commence donc à cette date, et s’attache à toute la période pendant laquelle le PCB se radicalisa et se maintint dans la clandestinité, soit jusqu’en 1957. Enfin, le dernier chapitre conclut sur la situation qui découla des années antérieures, dans le contexte des révélations du xx^e Congrès du Parti communiste de l’Union soviétique (PCUS), de l’élection à la tête du PCB de Juscelino Kubitschek et d’une nouvelle politique menée par ce parti, « anti-impérialiste, anti-féodale, nationale et démocratique1 ».