La région moyenne du Haut Rio Branco, Brésil
|Chapitre cinquième. Conclusions générales
Texte intégral
L’ÉVOLUTION GÉOMORPHOLOGIQUE DE LA RÉGION MOYENNE DU HAUT RIO BRANCO
1L’étude que nous venons de faire va peut-être nous permettre de mieux poser les problèmes de l’histoire géomorphologique de la région.
- 1 Bibliographie no 17.
2Il est jusqu’à présent admis qu’une première phase de formation du sous-sol se place à l’Archéen. Ceci concerne peu la zone de notre étude, car les affleurements de gneiss et de micaschistes y sont certainement très rares. Il nous semble difficile d’y rattacher les granites que nous avons vus. Leur mise en place semble avoir été postérieure, à l’exception peut-être de quelques affleurements des archipels montagneux de la plaine. Il est évident que des études pétrographiques minutieuses seraient nécessaires pour établir la chronologie relative des granites et pour la mettre en relation avec les distinctions établies par M. Choubert en Guyane1.
3Une grande phase de sédimentation, puis de métamorphisme vient ensuite. Elle est jusqu’à présent attribuée à l’Algonkien, et considérée comme contemporaine des séries de Minas et d’Itacolomi puis des phases diastrophiques qui les ont affectées. Des quartzites, des phyllades ainsi que des itabirites les représentent et forment la série du Rio Branco. Nous avons vu que des témoins en apparaissaient encore au Sud du Massif montagneux, dans la zone orientale, et sans doute dans la Serra do Banco sur la rive droite du Surumu.
- 2 Bibliographie no 57.
4Il est probable que se place alors la grande éruption des porphyres quartzifères et des kératophyres. Leur apparition paraît complexe à cause des caractères particuliers qu’ils offrent : forme de dômes mais aussi schistosité, crêtes concentriques et asymétriques. La présence de sodium dans la roche ainsi que les déformations affectant sans doute un magma encore plastique permettent de penser que les éruptions volcaniques ainsi que les actions de métamorphisme datent d’une phase sous-marine2. De grands mouvements de failles ont lieu d’autre part, dans lesquels trois directions principales apparaissent :
- 3 Bibliographie no 54.
5NNE-SW ou NNE-SSW : direction brésilienne3 ;
6NW-SE : direction caraïbe ;
7E-W : direction amazonienne.
8Il s’y ajoute une direction secondaire : WNW-ESE.
9Au cours d’une phase d’émersion, l’érosion a façonné de grands aplanissements, visibles encore au contact des séries sédimentaires, ainsi que dans le massif de kératophyre lui-même.
10Des phases d’érosion et de sédimentation se succèdent sans doute ensuite depuis le Dévonien jusqu’au Crétacé.
- 4 Bibliographie no 2.
11Dans la formation Suapi attribuée au Dévonien Inférieur4, se marque de plus l’influence de mouvements de failles E-W, postérieurs à des injections de quartz.
12C’est pendant les périodes suivantes qu’ont lieu les grandes éruptions de dolérite qui n’intéressent qu’une petite partie de notre zone, et, d’après M. José Raymundo Ramos, les sills de gabbro dateraient peut-être du Crétacé Supérieur, mais aucun élément précis ne permet de l’affirmer.
13De grands mouvements de blocs faillés associés à des plis de fond affectent tout le continent Sud Américain après le Crétacé. Ils atteignent les séries sédimentaires, et, au Nord de notre région, le synclinal du Quinô témoigne du rôle qu’ils ont joué.
14C’est sans doute au Tertiaire que se forme l’effondrement de la zone plane et c’est alors que commencent les phénomènes d’accumulation et d’érosion dont l’évolution se continue au Quaternaire.
- 5 Bibliographie no 2.
15M. José Raymundo a signalé d’autre part des affleurements de laves spilitiques et mélaphyriques couvrant la pénéplaine, à Nova Olinda, au Sud de notre région. Des éruptions volcaniques auraient donc eu lieu au Quaternaire, mais aucun indice de ce genre n’apparaît dans notre zone5.
16C’est en tous cas un relief plissé, haché, fracturé et faille, dans lequel la schistosité de la roche imprime une marque particulière au paysage, qui existe déjà à la fin du Tertiaire. Après la formation du grand bassin tectonique, l’hydrographie est tributaire du réseau amazonien et il n’est pas exclu que les changements de niveau de base soient en rapport par son intermédiaire avec les mouvements eustatiques du Quaternaire.
17Des alternances de phases pluviales et relativement plus sèches que le climat actuel, commencent à laisser des traces dans les formes du relief. Des croûtes fossilisent certaines surfaces et donneront peut-être la possibilité d’établir des datations. Leur apparition, dans le massif de kératophyre, n’est cependant que sporadique. D’importantes phases de dépôt ont envahi des pédiments formés durant plusieurs phases successives de climats plus contrastés. Mais il faut souligner l’extension de cette grande « baixada », en particulier sur la rive gauche du Cotingo où elle atteint presque le pied du massif.
18Notre étude est loin d’être assez complète pour permettre une chronologie de ces différentes périodes. Comme nous l’avons dit cependant, les traces de deux phases plus contrastées et d’un pluvial intercalé, apparaissent nettement. Elles ont permis les formations de certains pédiments, le transport et le dépôt des sédiments, mais des variations de niveau de base s’y associent qui ont provoqué les reprises d’érosion dont les traces sont visibles dans toute la zone.
- 6 Bibliographie no 7.
19C’est peut-être à la dernière phase plus sèche qu’il faut attribuer la formation de la savane. Les îlots arbustifs qui se trouvent disséminés dans cette région recouverte dans l’ensemble d’une végétation herbacée, entourée au Nord et au Sud par la grande forêt, semblent en effet indiquer un pays déboisé6. Or, il semble difficile que ce phénomène puisse être anthropique, car la zone, surtout dans le Nord, n’a sans doute jamais eu une population abondante. Le climat actuel, avec sa saison sèche accentuée, ne favorise pas la reprise de la forêt, mais on peut penser que la savane est un héritage.
20Dans ce cas, il faut expliquer la présence de la forêt sur la bordure occidentale. Si l'on admet que la sécheresse relative de cette zone soit due principalement à un effet de foehn derrière le massif des Guyanes, il faudrait aussi s’assurer que le régime des pluies n’augmente pas vers l’Ouest. De grandes trouées apparaissent de ce côté dans la zone montagneuse et elles peuvent favoriser la venue de pluies du Nord-Ouest et de l’Ouest. Nous manquons actuellement de données météorologiques pour trancher cette question.
21L’érosion et la sédimentation continuent à jouer leur rôle dans l’évolution de ce relief. Dans la montagne, les multiples torrents qui ravinent les versants profitent du jeu des fractures et des failles et transportent en général un matériel relativement grossier pour une zone tropicale. A la sortie du massif, c’est encore un matériel essentiellement sableux, même parfois graveleux, que déposent les rivières, mais une évolution apparaît dans les courbes des fractions sableuses qui, plus fines, se rapprochent de celles de la zone plane. A ces différenciations, il faut ajouter celles que présente la hiérarchisation du réseau hydrographique, si accentué dans la zone plane. Alors que, dans la montagne, les grandes rivières sont les seules à transporter des galets, elles prennent dans la plaine des profils transversaux caractéristiques des pays tropicaux et présentent des faciès de dépôts liés au régime de crues auquel elles sont soumises. Enfin, il faut noter l’allure très typique qu’adoptent tous les dépôts graveleux pris sur des terrasses ou dans des sédiments actuels, dénotant sans doute un dépôt brutal, par excès de charge qui est encore la preuve d’un régime torrentiel. Nous avons tenté de grouper ces différents faciès de sédimentation dans les figures nos 95 à 101.
22Mais dans les interfluves de la zone plane, l’érosion est principalement soumise à l’action des nappes pluviales ruisselantes qui accentue l’imperméabilité des zones basses et la sécheresse de la surface des « tesos ». Ceci, complété par les processus illuviaux, le ravinement des grandes rivières en saison des pluies et peut-être la porosité de certains grès, augmente sans doute l’évolution d’un relief dont la planitude pourrait faire croire à une complète stabilité.
***
- 7 Bibliographie no°8.
23Nous avons groupé dans les figures suivantes les courbes granulométriques de quelques sédiments fluviatiles afin d’en dégager les caractères généraux. Il est bien évident que ceci n’est qu’un schéma et qu’une étude plus complète ferait apparaître de beaucoup plus nombreuses variations. Il serait nécessaire de chercher les relations avec des mesures de courant. Comme l’a signalé M. Bakker7 les problèmes de sédimentation sont particulièrement complexes dans ces grandes rivières tropicales, soumises aux crues et aux décrues des saisons pluvieuses et sèches et disposant d’un matériel déjà préparé par la désagrégation des roches-mères. Il s’y ajoute dans notre région les différences de relief entre la zone de sources montagneuses et la zone plane qui impriment aux cours d’eau des rythmes divers. Enfin, des comparaisons entre les alluvions anciennes et actuelles seraient indispensables.
24Les figures nos 95 et 96 représentent les alluvions des cours d’eau principaux : Surumu, Mau, Cotingo. On remarquera l’allure très redressée illustrant le bon classement des sédiments sableux des lits mineurs, près des rives, dû à une influence locale. Les alluvions d’inondation sont au contraire plus complexes, montrant plusieurs « phases » et si les levées sont encore formées de sédiments grossiers, le pourcentage des particules fines grandit graduellement derrière la contre-pente.
25La figure no 97 présente l’aspect typique qu’affectent toutes les courbes des sédiments gravelo-sableux. Ils ont une similitude de faciès certaine, et la dispersion de la fraction sableuse est en général beaucoup plus importante que celle de la fraction grossière, ce qui est lié au régime des crues.
26Les figures 98, 99 et 100 montrent les courbes des cours d’eau secondaires dans la montagne, à la sortie du massif et dans la zone plane. Une évolution assez nette se fait sentir, les sédiments de la plaine étant, comme il est normal, les plus fins. Cependant, les alluvions récoltées près des archipels montagneux (Paracauaru) se rapprochent beaucoup de ceux du contact entre la zone plane et le massif. Pour les autres échantillons d’autre part, la fraction sableuse seule présente souvent le même faciès de dépôt que dans la zone de contact, comme on peut le constater dans la figure no 101.

Fig. 95. — Courbes granulométriques d’alluvions du lit mineur des cours d’eau principaux (prélevés près des berges)

Fig. 98. — Courbes granulométriques d’alluvions déposées par des cours d’eau secondaires dans la montagne

Fig. 99. — Courbes granulométriques de sédiments déposés par des cours d’eau secondaires, à la sortie du massif

Fig. 100. — Courbes granulométriques de sédiments déposés par des cours d’eau secondaires, dans la plaine
Notes
1 Bibliographie no 17.
2 Bibliographie no 57.
3 Bibliographie no 54.
4 Bibliographie no 2.
5 Bibliographie no 2.
6 Bibliographie no 7.
7 Bibliographie no°8.
Table des illustrations
![]() | |
---|---|
Légende | Fig. 95. — Courbes granulométriques d’alluvions du lit mineur des cours d’eau principaux (prélevés près des berges) |
URL | http://books.openedition.org/iheal/docannexe/image/7764/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 251k |
![]() | |
Légende | Fig. 96. – Courbes granulométriques d'alluvions d'inondation des cours d'eau principaux |
URL | http://books.openedition.org/iheal/docannexe/image/7764/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 275k |
![]() | |
Légende | Fig. 97. — Courbes granulométriques de sédiments fluviatiles grossiers |
URL | http://books.openedition.org/iheal/docannexe/image/7764/img-3.jpg |
Fichier | image/jpeg, 242k |
![]() | |
Légende | Fig. 98. — Courbes granulométriques d’alluvions déposées par des cours d’eau secondaires dans la montagne |
URL | http://books.openedition.org/iheal/docannexe/image/7764/img-4.jpg |
Fichier | image/jpeg, 250k |
![]() | |
Légende | Fig. 99. — Courbes granulométriques de sédiments déposés par des cours d’eau secondaires, à la sortie du massif |
URL | http://books.openedition.org/iheal/docannexe/image/7764/img-5.jpg |
Fichier | image/jpeg, 240k |
![]() | |
Légende | Fig. 100. — Courbes granulométriques de sédiments déposés par des cours d’eau secondaires, dans la plaine |
URL | http://books.openedition.org/iheal/docannexe/image/7764/img-6.jpg |
Fichier | image/jpeg, 268k |
![]() | |
Légende | Fig. 101. — Courbes granulométriques des sédiments déposés par les cours d’eau secondaires, à la sortie du massif et dans la plaine (fraction grossière)— sortie du massif----- plaine |
URL | http://books.openedition.org/iheal/docannexe/image/7764/img-7.jpg |
Fichier | image/jpeg, 262k |
© Éditions de l’IHEAL, 1959