Version classiqueVersion mobile

Mexique : Aménagement et colonisation du tropique humide

 | 
Jean Revel-Mouroz

Cinquième partie. L’impact de la colonisation

A. Nouvelles organisations de l’espace

Texte intégral

1) L’expansion spatiale d’économies marginales

1Nous considérons comme marginales deux types d’économies : l’une est l’économie des populations de colons pratiquant une agriculture d’autosubsistance, à très faibles excédents commercialisés : ces populations sont en situation marginale par rapport à l’économie monétaire, spéculative, commercialisée et capitaliste développée surtout dans le cadre des grandes plantations, des ranchs d’élevage, de l’agriculture irriguée. Le second type d’économies que nous considérons comme marginales, le sont par rapport à une véritable croissance des régions où elles se développent : ce sont les activités de cueillette et surtout les exploitations forestières à caractère prédateur.

a. Les communautés de colons agricoles marginaux

2Dans les IIIe et IVe parties, nous avons vu que ce type de colons se rencontre parmi les éjidos de la "frontière" du Veracruz, et parmi les communautés indigènes descendues, soit des sierras du Oaxaca, soit des Altos de Chiapas.

3Ces deux types de colons sont grands consommateurs d’espace les éjidatarios de la région de Playa Vicente, ceux de la Chontalpa avant réaménagement, les tzeltal des vallées de l’Usumacinta et de ses affluents, pratiquent une agriculture sur brûlis ; les sols suexploités pendant deux ou trois ans sont rapidement épuisés, et le défrichement ronge à nouveau la forêt, déplaçant sans cesse les zones agricoles ; derrière l’agriculteur, l’éleveur installe ses pâturages sur les anciennes zones cultivées.

4L’espace de ces communautés est donc peu homogène, mouvant, sujet à désorganisation (cf. les mouvements d’abandon de terroirs par des communautés entières, dans le Papaloapan. Cf. IIIe partie A.). Ces terroirs de frontière ne sont pas créateurs d’organismes urbains pour deux raisons :

  • chez les communautés indigènes, l’organisme urbain n’appartient pas à l’univers indien, mais à la civilisation exploitatrice du ladino ; les communautés descendant des Altos dans la zone d’Ocosingo, avec une technique donnant de faibles excédents agricoles, trop extensive pour permettre un peuplement dense, n’atteignent guère que le niveau de la rancheria. Là encore on retrouve ce problème des densités rurales, liées à certaines techniques agricoles, à certaines données socio-ethniques.
  • chez les éjidatarios et petits colons marginaux, le même problème d’une grande consommation d’espace par rapport à la population est un obstacle à l’établissement d’un réseau serré de petits centres, de gros villages ; les éjidos, les colonies peuvent atteindre 500 à 2 000 personnes, mais ne dépassent pas ce niveau, et demeurent isolées.

5Ces espaces marginaux sont des espaces dépendants de l’extérieur en ce qui concerne les faibles excédents, le crédit, (ex. éjidos du rio Candelaria). Ce sont aussi parfois des espaces assistés, quand une organisation comme l’Institut National Indigéniste essaye de promouvoir certaines activités.

6Il y a donc dans leur cas "frontière agricole", mais frontière d’espaces traditionnels, reconstitution dans un milieu naturel différent de la société et de l’utilisation du sol de la zone d’origine des colons. Ces espaces ne peuvent être qualifiés de "pionniers".

b. Les économies spéculatrices qui ne colonisent pas

7L’exploitation forestière soucieuse avant tout de tirer le plus rapidement possible un maximum de bénéfice de la forêt, la saccage pour en extraire quelques troncs de caoba deoedro.

8L’espace de ce type économique est pénétré par un réseau de pistes (ex. celles du Quintana Roo, avec ses pistes pour tracteurs chemillés), parcouru par de petits groupes très spécialisés (bûcherons), dont le seul but est de faire parvenir un arbre, qui ne sera pas remplacé, au port d’exportation. L’activité économique est ici dirigée, commandée de l’extérieur, mais elle n’est pas créatrice d’un espace organisé au bénéfice de la région qui subit l’exploitation ; cet espace n’est, pas non plus un espace pionnier où a lieu un peuplement.

9D’autre part, les activités prédatrices de l’abattage forestier ou de la cueillette du Chicle (quand on saigne l’arbre à mort) tient l’espace originel, le rendent stérile.

10Sans organisation d’une reconstitution de la forêt, sans une modération du désir de profit immédiat, ces activités sont condamnées à être éphémères, comme cela est déjà le cas dans le Campeche, et comme cela menace de l’être dans le Quintana Roo.

  • 28 Pierre Monbeig, dans sa thèse, p. 172, soulignait le fait que la décomposition de l’espace pouvait (...)

11Communautés marginales, activités prédatrices, ne sont pas créatrices de véritables régions.28

2) Les économies pionnières et la formation de régions

12L’ouverture de nouvelles terres et leur peuplement ont pour conséquences l’apparition de nouvelles régions dans le Golfe et le surgissement de villes. Mais la colonisation modifie-t-elle toutes les organisations de l’espace préexistantes, modifie-t-elle en particulier les organisations administratives ?

a. L’évolution des trames administratives

131) Les mouvements de colorisation, d’occupation de terres neuves entraitent-ils un remaniement administratif, voire politique dans les terres chaudes mexicaines ? Assiste-t-on ici à l’avancée d’une "frontière suivie d’un quadrillage administratif selon le modèle des États-Unis ?

14La Constitution fédérale de 1824, calquée sur celle des États-Unis, puis celles rie 1857 et de 1917 ont toutes prévu le passage de la catégorie de Territoire de la Fédération, à celle d’État libre et souverain, en fonction des progrès du peuplement. À une autre échelle le municipe libre enregistre de manière plus fine cette même diffusion du peuplement. Mais à la différence des États-Unis ces divisions politiques étaient déjà fixées pour l’essentiel au milieu du XIXe siècle, et en ce qui concerne le Golfe du Mexique, dès 1824. À la suite d’une longue période de colonisation espagnole caractérisée par une forte implantation administrative, le Mexique Indépendant manquait d’espaces ouverts capables de recevoir de nombreux États Nouveaux. La création de divisions administratives de premier ordre est exceptionnelle, et la vague de colonisation du XIXe et du XXe siècles est plutôt caractérisée par la création de municipes. Depuis 1930 d’ailleurs, la trame administrative est remarquablement stable. Cette stabilité nous confirme dans l’opinion que l’essentiel de la colonisation d’espaces ouverts a eu lieu avant cette date. La carte administrative actuelle enregistre mal les effets des migrations pionnières (agricoles, du pétrole) postérieures à 1930.

152) Les quelques exemples de créations de Territoires, d’États depuis un siècle et demi, à l’exception de celles du Mexique Central, montrent que les législateurs ont reconnu l’individualité régionale des terres chaudes. Les terres tropicales humides du Colima et du Nayarit ont été détachées du Michoacan at du Jalisco (respectivement en 1824 et en 1917), la façade côtière du Mexico et du Puebla a donné naissance au Guerrero. Sur la façade du Golfe et des Caraïbes ce sont les différents types de mise en valeur, et la volonté du gouvernement central d’affirmer son autorité qui se combinent et amènent la création de territoires et États plus ou moins éphémères.

16Dans la péninsule yucatèque par exemple, un dualisme économique apparut, opposant Campeche à Mérida, les régions de grande exploitation forestière de l’Ouest aux régions d’élevage et d’agriculture d’exportation du Nord-Est. Le gouvernement fédéral utilisa cet antagonisme pour mieux rattacher le Yucatan au Mexique, en créant un nouvel État, le Campeche, et en amputant ainsi le territoire contrôlé par Mérida et ses élites autonomistes et centrifuges. Le département de Campeche devient État en 1862. Cette division du Yucatan avait été envisagée dès 1824, quand un député de Campeche écrivait :

  • 29 Lettre d’un député de Yucatan originaire de Campeche, citée dans : "Campeche en la Historia", p. 2 (...)

17... Campeche vie ne una tendencia irresistible a la union con Mexico, porque haae tode su comercio con los puertos de Veracriz, Alvarado y Τampico. Mérida ae dirige siemprs hacia la Habana, porque en toque Inercado ae consune n todos los productos de sus partidos Formense dos Estados en Yucatan, uno de Oriente y otro de Occidente y e sta sera la ne dida prudente que afianzara la tranquilidad de aque l’Estado y ase gurara su indisoluble union a México."29

18Dans ce cas l’acquisition du statut d’État précéda largement le peuplement et la colonisation du territoire. Mais ce décalage fut dissimulé par des manipulations dans les recensements. En effet, "gale mares pollard’, même si le peuplement n’a lieu que sur le papier. Grâce à l’imagination des dirigeants du département de Campeche, le recensement de 1861 enregistra des municipes et localités fantômes ou exagérément prolifiques. Ceci permit de dénombrer une population de 86 000 personnes, suffisante pour justifier constitutionnellement la création d’un nouvel État. Cette exagération initiale de la population entraîna pendant trois quarts de siècle une stagnation apparente de l’État de Campeche, qui ne comptait toujours que 84 630 habitants au recensement de 1930. Les progrès réels du peuplement tardaient à atteindre le niveau fictif de 1861. Bien que la Constitution de 1917 ait exigé une population minimale de 120 000 habitants pour accéder à la catégorie politique d’État, le Campeche demeurait un État souverain avec 90 460 habitants en 1940, alors que la Basse Californie du Nord, plus peuplée, restait au rang de Territoire Fédéral.

19Trois facteurs jouent donc en faveur de la création de nouvelles unités politiques de première grandeur : la croissance de la population à la suite de progrès dans l’utilisation de l’espace, l’apparition d’un fait régional, ou régionaliste, fondé sur des intérêts économiques et politiques différent de ceux de la capitale régionale antérieure, et surtout l’intérêt stratégique du gouvernement centra

  • 30 cf. Edmundo O’Gorman. "Histories de las divisiones territoriales de Mexico". Mexico, 1966.

20Le gouvernement mexicain crée ainsi en 1853 deux territoires : le territoire de l’Isthme de Tehuantepec, capitale Minatitlan, et le territoire de l’Isla del Carmen30 ; disparus en 1857, ces deux territoires étaient caractérisés par une mise en valeur particulière : l’exploitation des bois précieux et tinctoriaux, par un trafic maritime intense avec l’étranger ; il s’agissait également de deux zones où la souveraineté espagnole puis mexicaine avait eu des difficultés à s’établir : l’Isla del Carmen était restée aux mains des pirates anglais jusqu’en 1716, avait été occupée par les nord-américains en 1847 ; le traité de paix de Guadalupe Hidalgo reconnaissait aux États-Unis le libre passage commercial et militaire à travers l’Isthme de Tehuantepec. En créant des territoires administrés directement par le gouvernement fédéral, il s’agissait d’y renforcer la souveraineté mexicaine.

21On retrouve ce problème d’une souveraineté chancelante à rétablir dans le cas du Quintana Roo. Le gouvernement fédéral entend d’une part défendre ses droits territoriaux aux confins de Belize et du Guatémala, d’autre part rétablir effectivement son autorité dans une vaste zone contrôlée par des cheferies mayas indépendantes de facto depuis la Guerre des Castes. Pour mener à bien une pacification entamée par les troupes fédérales, pour diminuer également le poids politique d’un Yucatan toujours centrifuge, le Territoire de Quintana Roo est créé en 1902 (cf. chapitre sur les flus et reflux de la colonisation dans la Péninsule Yucatèque). Territoire Fédéral, le Quintana Roo est divisé en quatre délégations, et est administré par un gouverneur nommé par le Président de la République. Frontière indienne, Territoire Fédéral, composé en grande partie de terres nationales en voie de colonisation par des immigrants, le Quintana Roo s’achemine aujourd’hui vers le statut d’État Fédératif ; il devrait en effet franchir le cap des 120 000 habitants entre 1970 (91 044 habitants) et 1980.

  • 31 cf. D.A.G. Waddel. "British Honduras. A Historical Contemporary Survey", Oxford University Press. (...)

22Il faut enfin évoquer un cas limite, celui de Belize, territoire qui échappa à la mouvance espagnole, colonie anglaise dont les limites se modifièrent en suivant les progrès de la colonisation forestière31

23Dès le XVIe siècle, le territoire compris entre le Yucatan et son antenne de Bacalar d’une part, les établissements dominicains de la Vera-Paz d’autre part, échappa au contrôle des espagnols. Dans ce créneau sur les Caraïbes s’établirent des boucaniers et flibustiers anglais (au milieu du XVIIe siècle) qui exploitèrent le "logwood", le long des rives des rios qui abondent au sud de l’actuel Quintana Roo. Au XVIIIe siècle les espagnols ne purent chasser ces anglais comme ils l’avaient fait dans le Tabasco et le Campeche, et durent leur reconnaître des concessions : entre le rio Hondo et la Belize River en 1783, entre cette dernière et le Sibun River en 1786.

24La "frontière" des forestiers progresse ensuite hors de ces limites officielles, sautant de fleuve en fleuve pour atteindre sa limite méridionale définitive sur le rio Sarstun, en 1826. À l’apogée de la puissance anglaise le Guatemala (en 1859) et le Mexique (en 1893) signèrent des traités reconnaissant pour frontières du Honduras Britannique (Belize) le rio Hondo au nord, le rio Sarstun au sud, et une verticale nord-sud suivant à peu près la ligne des sources des fleuves se jetant dans les Caraïbes. Ces frontières matérialisaient donc le fait forestier, étroitement lié aux fleuves.

25Autonome, peut-être indépendant bientôt, malgré les revendications guatémaltèques, le Belize actuel est une mosaïque de populations (descendants de jamaïcains et de caraïbes noirs, yucatèques réfugiés pendant la Guerre des Castes, mayas autochtones, colons Mennonites). Vivant de ses exportations (boi chicle, bananes) et jusques ici des subsides de la métropole, Belize s’apparente beaucoup à une Antil continentale.

263) Le démarrage de nouveaux mouvements de colonisation, le déplacement du centre de gravité du peuplement peuvent déterminer le changement de capitale administrative ou de frontière entre États.

  • 32 cf. Pedro A. Gonzalez. "Situacion, extension y limites del estado de Tabasco". Boletin de la Socie (...)

27Ainsi les limites politiques entre Veracruz et Tabasco s’établissaient, depuis la conquête, sur l’arroyo Tortuguero. Le district d’Ahualulco, compris entre cet arroyo et le rio Tonala, appartenait à la zone veracruzaine commandée par Minatitlan, centre d’exportation de bois précieux. Mais au début du XIXe siècle un mouvement de colonisation agricole, orienté vers l’Ouest, progressa à partir du Tabasco le long de la côte et du rio Coatajapan.32 Les colons agricoles, partis de Huimanguillo et de Comalcalco, étendirent vers l’ouest les cultures vivrières et les plantations de cacao. A la suite de ce peuplement, le district d’Ahualulco fut rattaché au Tabasco en 1357. Ce changement frontalier ratifiait politiquement l’existence et l’origine du mouvement pionnier.

28Dans l’État de Chiapas en revanche, le mouvement de colonisation caféière du début du XXe siècle, dans les vallées limitrophes du Tabasco, n’a pas été suivi d’un rattachement politinue à cet État. Pourtant Villahermosa contrôlait et continue de contrôler le commerce des plantations (dont celles de cacao) de la zone allant de Reforma à Palenque. Ce qui changea dans le Chiaoas, c’est la capitale d’État. La capitale administrative était depuis la conquête San Cristobal (de las Casas), ville située dans les terres hautes tempérées, dans la zone de plus fort peuplement tzotzi1-tzeltal. Mais avec l’avancée d’un front pionnier d’haciendas sur le Moyen Grijalva, au début du XIXe siècle, avec la colonisation de terres nationales dans la Sierra Madre del Sur dans les années 1880, et le boom des fincas de café de la côte Pacifique, les terres chaudes prennent la première place dans l’économie du Chiapas. Cette valorisation des terres chaudes a pour conséquence le transfert de la canitale, en 1892, de San Cristobal à Tuxtla Gutierrez.

29Dans l’ensemble des cas énumérés, les modifications ou créations d’unités territoriales de premier ordre (État, Territoire) sont déjà anciennes, et datent toutes de plus d’un demi-siècle. Pourtant les mouvements de colonisation se sont poursuivis et se poursuivent encore ; mais leur impact sur la géographie administrative et politique est plus réduit : il se traduit surtout par la création de nouveaux municipes.

304) De 1930 à 1960, vingt-six municipes sont créés dans les cinq États du Golfe et du Sud-Est. Il n’y a cependant aucune création de municipe dans le Tabasco et le Campeche, sept créations dans le Veracruz (sur 193 municipes), dix dans le Yucatan (sur 106 municipes), neuf dans le Chiapas (sur 111 municipes). Première constatation : 6 % seulement des municipes ont été créés après 1930. Les mouvements de migration vers des zones comme celles du Papaloapan, de l’Isthme de Tuhantepec, de l’ouest du Tabasco n’ont pas été accompagnés de créations massives de municipes : un seul municipe est créé dans le bassin du Papaloapan (Angel R. Cabada), aucun dans l’Isthme (mais celui de Las Choanas est créé en 1962), aucun dans l’Ouest du Tabasco. Paradoxalement, ce ne sont pas les zones de Nouveaux Centres de Peuplement Ejidal, de Colonies, ou bien celles des plantations, des Ingenios, qui accueillent les nouveaux municipes, mais les zones de peuplement indigène et d’économie vivrière traditionnelle du Yucatan, du Chiapas ou des Sierras du Veracruz.

31La colonisation agricole de type éjidal ou privé s’intégre dans un cadre administratif préexistant. Les caleceras de municipes sont identiques à celles de l’époque porfirienne ; les bourgs ou petites villes comme Acayucan, Playa Vicente, San Juan Evangelista, Cosamaloapan (Veracruz), Cardenas et Huimanguillo (Tabasco), Tuxtepec (Oaxaca), Ciudad del Carmen et Champoton (Campeche), Cintalapa (Chiaoas) maintiennent leur contrôle sur des municipes qui ont pourtant de qrandes dimensions et une population pionnière en plein développement. Il est significatif que la croissance d’une vi1le-ingenio comme San Cristobal n’ait pas entraîné la division du municipe de Cosamaloapan. La création d’éjidos véritables (et non la légalisation de droits communautaires) ne s’accompagne pas de l’octroi de l’indépendance municipale ; tout se passe comme si une volonté de contrôle politique naralvsait la naissance de centres de décision autonomes. La politique gouvernementale semble distinguer deux situations bien distinctes : celle des communautés agraires (éjidos, colonies) intégrées à l’économie commerciale et dans un réseau de petites villes et de capitales mercantiles, et celle des communautés indigènes traditionnelles, qui essaiment des colonies ou revendiquent leur autonomie par rapport aux bourgs des ladinos ; dans le premier cas la création de nouvelles communautés agraires, comme celles de la Chontalpa, s’effectue dans le cadre d’un municipe existant (Cardenas, Huimanguillo par exemple) et n’altère pas son statut ; dans le secon cas, celui de Oxchuc (Chiapas) par exemple, la formation d’une nouvelle communauté indigène s’effectue aux frais d’un municipe déjà organisé (Ocosingo).

  • 33 cf. Robert Redfield. "A village that chose Progress. Chan Korn revisited". The University of Chica (...)

32Le passage de la colonie indigène au municipe est particulièrement illustré par le cas de Chan Kom, Yucatan33.

Tableau no 51. CREATION DE MUNICIPES DE 1930 A 1960 DANS LES ÉTATS DU GOLFE ET DU SUD-EST

ÉTATS

Période 1930-1940

Période 1940-1950

Période 1950-1960

VERACRUZ (+)

Angel R. Cabada (1)

-

Poza Rica de Hidalgo (3)

Chalma (2)

Chumatlan (2)

Fortin (3)

Manlio Fabio Altamirano (1)

Tenochtitlan (2)

TABASCO

CHIAPAS

Amatenango del Valle (2)

Acacoyagua (1)

Chanal (2)

Chicoasen (2)

Oxchuc (2)

Sitala (2)

Reforma (1)

Tumbala (2)

Tzimol (2)

CAMPECHE

YUCATAN

Chan Korn (2)

-

Chikindzonot (2)

Dzan (2)

Kaua (2)

Kopoma (2)

Mayapan (2)

Quintana Roo (1)

San Felipe (1)

Sudzal (2)

Tekal (2)

(+) depuis 1960 un nouveau municipe, Las Choapas, a été créé par la division du municipe de Minatitlan ; le nouveau municipe comprend la zone de colonisation récente développée
par le Président Lopez Mateos.
(1) municipe créé à la suite d’une colonisation agricole (colonias, nuevos centros de poblacion
ejidal....)
(2) municipe créé à la suite de l’essaimage de communautés indigènes.
(3) le développement rapide d’un noyau urbain entraîne la création d’un nouveau municipe.

33Créé vers 1880, le settlement de Chan Kom est tout d’abord un simple appendice de la communauté mère d’Ebtun, située entre Chichen Itza et Valladolid. Le nouveau hameau, installé au milieu de la forêt, à 50 kilomètres environ au sud de sa métropole, défriche une zone abandonnée pendant la Guerre des Castes. Ses fondateurs, fuyards des haciendas, mais surtout personnes entrées en conflit avec les autorités d’Ebtun, refusèrent tout d’abord tout statut politique impliquant de nouveaux liens de dépendance, et Chan Kom demeura une rancheria autonome jusqu’en 1926. À cette date, pour obtenir une légalisation de la colonisation et du défrichement réalisés, les habitants de Chan Kom demandèrent et obtinrent la statut de pueblo et une dotation éjidale. Le nouveau pueblo dépendait du chef-lieu municipal, Cuncunul. Ce changement administratif marguait l’intégration du hameau pionnier indigène au système politique des deules, des blancs des villes, et coupait les relations traditionnelles avec Ebtun. Mais soucieux toujours d’indépendance, Chan Kom chercha immédiatement à obtenir la catégorie de municipe. Le facteur décisif qui emporta la décision du gouvernement fut l’ouverture, en 1934, de la route Mérida-Chichen Itza, qui orienta définitivement le commerce de Chan Kom vers Mérida, et brisa toute relation avec Cuncunul. Chan Kom obtint ainsi le statut de municipe en 1935.

34On retrouve ce désir d’indépendance dans des communautés indigènes sans caractère pionnier, mais désireuses d’échapper au contrôle des petites villes ladinas : Chaîna se sépare de Platon Sanchez dans la Huastèque, Chanal de San Cristobal dans les Altos de Chiapas, Tzimol de Comitan dans la même zone.

35Mais pourquoi le gouvernement accorde-t-il l’autonomie municipale à des communautés indigènes, mais non pas aux ejidos des zones de colonisation métisse, ou aux colonies Drivées, nous sommes incapables de répondre en nous basant sur des faits. De toute façon, on observe un ralentissement dans la création de municipes nouveaux : 21 entre 1930 et 1940, 3 entre 1940 et 1950, 2 entre 1950 et 1,960. La carte administrative et politique se fige.

36Pourtant la taille de certains municipes de colonisation, leur population, ou leur dessin parfois extravagant (comme celui d’Ocosingo dans le Chiapas) appelleraient de nouvelles divisions, Dans le Yucatan, les municipes de colonisation voisins du Quintana Roo, de Tekax à Tizimin, pourraient ainsi perdre leurs marges méridionales et orientales ; l’ancien no-man’s land séparant Yucatan des haciendas et Yucatan des indios bravos a bien été occupé, mais les chefs-lieux municipaux sont toujours situés dans la première des deux zones.

37Dans l’ensemble, l’inertie des structures administratives classiques est donc grande à l’époque contemporaine. Les mouvements de colonisation, les spéculations dans l’élevage et les plantations, les migrations pionnières se traduisent finalement plus par l’organisation de régions d’aménagement, de régions bancaires, dans la création de réseaux commerciaux, que par des modifications de la carte administrative. C’est que de plus en plus le développement d’une communauté défend plus de l’intervention de l’État et des crédits privés que des moyens financiers réduits d’un municipe, ou même d’un État Fédératif.

385) Dimensions et population des municipes.

39Un simple examen de la division municipale des États du Sud-Est (cf. carte des nouveaux municipes créés fig. no 68) révèle une opposition entre des zones de municipes de petites dimensions, situés en général au centre des États (cas du Yucatan et du Chiapas) et des zones de grands municipes, situés à la périphérie. En simplifiant un peu les choses, on peut affirmer que la première catégorie correspond aux zones de peuplement indigène et de colonisation ancienne, et la seconde catégorie à des zones où la colonisation est inachevée.

40La taille d’un municipe varie ainsi de 10-20 kilomètres carrés dans certaines zones de forte concentration humaine (sierras de Veracruz, Valle de Oaxaca) à plus de 5000 ou même 10 000 km2 (soit le tiers de la Belgique) dans l’Isthme de Tehuantepec ou la Lacandonie. De même la population municipale varie entre 400-500 habitants, soit l’effectif d’une petite communauté indigène du Oaxaca, et 70 000 habitants (si l’on exclut les municipes comprenant une grande ville) dans le Veracruz. Mais dans le cas de la population, les municipes de colonisation en cours n’occupent pas le haut de l’échelle ; en raison de leurs plus fortes densités de population, ce sont des municipes de colonisation déjà ancienne (du XIXe siècle par exemple), comme Martinez de la Torre, Papantla, Huimanguillo, qui sont les plus peuplés.

41À notre avis, la grande taille des municipes de colonisation agricole (ou d’élevage) du Sud - Est du Veracruz, de l’Ouest du Tabasco ou du Chiapas, du Mord-Est du Oaxaca, ne tient pas uniquement à un peuplement plus récent et à une densité de population plus faible qu’ailleurs. Ces grandes dimensions sont plutôt la conséquence, le signe du rôle moteur de petits centres urbains, chefs-lieux municipaux, dans la mise en valeur de nouveaux espaces. En revanche, dans le cas où la colonisation s’effectue sous forme d’essaimage de communautés indigènes, moins intégrées aux systèmes politiques et commerciaux des villes, le municipe se confond avec la communauté agraire de base. Cette communauté peut d’ailleurs occuper, dans les terres chaudes, dix fois plus de terres que dans les terres tempérées. Cependant, le "municipe agraire" indigène de colonisation est toujours au moins cinq fois plus petit que le municipe de colonisation métisse à centre urbain.

Tableau no 52. TAILLE, POPULATION, DENSITE COMPAREES DE DIVERS TYPES DE MUNICIPES DES ÉTATS DU GOLFE ET DU SUD - EST

ÉTATS MUNICIPES

SUPERFICIE

POPULATION 1960

DENSITE

VERACRUZ

Zone des Sierras

M. Escobedo

104 km2

5 631 habit.

54 hab/km2

Atlahuilco

65

2 695

42

Texcatepec

154

4 064

32

Chalma

199

7 639

33

Sochiapa

21

1 218

57

Zone de colonisation séculaire

Martinez de la Torre

315

37 111

46

Tecolutla

471

12 239

26

Papantla

1 199

67 660

56

A.R. Cabada

493

15 024

30

San Andre Tuxtla

919

6Q 664

65

Cosamaloapan

960

61 544

64

Frontière du Sud-Est

Playa Vicente

2 122

23 459

11

San Juan Evangelista

903

31 781

35

Jesus Carranza

4S6

6 954

5

Minatitlan

6 975

68 314

10

TABASCO

Zone de colonisation ancienne

Comalcalco

427

49 910

117

Jalpa

376

22 273

59

Centro (Villahermosa)

1 766

104 798

6Q

Zone de colonisation cours

Balancan

3 233

14 534

5

Huimanguillo

3 588

33 699

11

Centla

3 246

32 776

10

CHIAPAS

Zone indigène des Altos

San Cristobal

4B4

27 198

66

Chamula

82

26 789

327

Tenejapa

QQ

9 768

98

Mitontic

32

4 677

57

CHIAPAS (suite)

Zone de colonisation caféière : Soconusco

Tuxtla Chico

65 km2

16 685

257

Tapachula

357

35 064

an

Huehuetan

313

13 106

42

Huixtl a

335

19 990

52

Zone de colonisation indigène et de plantations

Solusuchiapa

363

3 000

3

Pichucalco

1 078

13 137

12

Simojovel

477

13 300

23

Zone de la frontière

Cintalapa

2 405

25 256

11

Ocozocoautla

2 477

15 273

6

Palenque

1 223

12 416

11

Ocosingo

10 692

19 800

1,9

Las Margaritas

5 713

24 689

4

YUCATAN

Zone du henequen

Uman

434

11 041

25

Tixkokob

160

7 441

47

Conkal

58

3 337

59

Kanasin

73

4 312

66

Zone de colonisation

Chan Kom

133

2 490

13

Cuncunul

316

1 043

3

Dzilam de 3ravo

241

337

4

Peto

3 136

9 569

3

Tekax

3 773

12 476

3

OAXACA

Hautes terres (Valle)

San Juan Teitipac

12

2 701

235

San Pablo Etla

33

2 137

64

Cuilapan

50

5 343

108

Sierras orientales

Natividad

23

1 079

33

Yalalag

36

3 117

87

OAXACA (suite)

Sierras orientales

Yavesia

3B km2

1 630

44

Huautla

71

21 665

303

Municipes indigènes de terre chaude

Jalapa de Diaz

154

7 774

50

San Jose Independencia

59

1 347

31

Cosolomapa

149

5 195

35

Santiago Zacatepec

143

3 315

27

Santiago Ixcuintepec

102

642

6

Ayotzintepec

170

2 016

12

"Bajos" de colonisation

Tuxtepec

625

2° 345

47

Loma Bonita

588

14 314

25

Santiago Yaveo

1 315

3 723

3

Matias Romero

1 460

15 349

11

Santiago Jocotepec

732

3 523

5

Source : Recensement de Population de 1960. Volumes par États.

b. Les archipels développés

42La lenteur de la colonisation et de la mise en valeur moderne des terres chaudes du Golfe et du Sud-Est, qui sont encore inachevées après un siècle d’application de politiques de colonisation, l’hétérogénéité des formes de colonisation, des populations engagées dans ce mouvement, les différences de productivité des divers systèmes de cultures des colons ont pour conséquence de juxtaposer ou surimposer divers types d’espaces et de régions plus ou moins organisés, Tout l’espace des terres chaudes du Golfe n’est pas encore occupé, il subsiste des lacunes entre zones de peuplement. Tous les espaces colonisés, peuplés, ne sont pas développés. On distingue ainsi :

  • 34 cf. John C. Hotchkiss. "Infancia y conducta en Teopisca, Chiapas". "Accion Indigenista". Boletin M (...)

431. Les vieilles régions de peuplement ancien, ancrées au milieu des terres chaudes. Ce sont le massif des Tuxtlas, les sierras du Oaxaca oriental, les Altos de Chiapas, la Huastèque intérieure. Elles présentent tous les caractères des régions déprimées, comme le surpeuplement par rapport à la terre cultivable disponible, la tendance à l’émigration, le bas niveau du revenu familial, aggravés par la dominante indigène du peuplement et la mauvaise intégration culturelle et économique que cela suppose. Dans ces régions mal articulées, la ville des ladinos, ou plutôt la petite bourgade, s’oppose aux communautés indigènes qu’elle exploite grâce à l’activité commerciale. L’organisme urbain est ici une enclave culturelle, un relais économique entre l’économie commerciale des grandes villes et l’économie largement autarcique des indigènes. Un bon exemple nous en est fourni par Teopisca, petite localité de 3 600 habitants, située sur la route Panaméricaine, dans les Altos de Chiapas, entre San Cristobal de Las Casas et Comitan. La copulation formée de ladinos et de "indios ladinizados"34, descendants d’indiens réfugiés de la zone de Huistan, à l’époque des troubles révolutionnaires, est composée aux trois quarts d’agriculteurs, possédant une petite milpa et travaillant également comme salariés agricoles chez les grands éleveurs et planteurs, Le reste de la population vit du commerce, L’activité commerciale se hiérarchise à trois niveaux :

  • 35 J.C. Hotchkiss. op.cité.

44d’abord, un commerce local, qui a pour cadre un marché hebdomadaire, ou "dia ά plaza", là sont échangés les produits des terres froides et ceux des terres chaudes, directement de producteur S producteur. Ensuite, Teopisca est un marché de gros pour la zone comprise entre Chanal au nord et Venustiano Carranza-Las Rosas au sud. Les commerçants de la bourgade achètent aux petits agriculteurs leurs faibles excédents de maïs, haricot, café et leur petit bétail (porcs), pour les revendre ensuite à San Cristobal, Comitan ou Tuxtla Gutierrez ; les commerçants reçoivent de ces mêmes villes l’outillage, les ustensiles ménagers, les vêtements dont la population rurale a besoin, Enfin, les propriétaires des grandes "misce lana as" sont à la fois propriétaires fonciers (éleveurs), prêteurs, commerçants, et "e orredores". Ils vont jusqu’en terres chaudes pour acheter café et bétail aux paysans isolés, "pour les revendre directement i México"35, ce qui est surprenant.

45Dans les vieilles régions dont la population indigène a été submergée par le métissage sur place ou l’immigration de métis, comme dans le cas des Tuxtlas, la ville des administrateurs et des propriétaires fonciers a accaparé toutes les fonctions commerciales et la petite industrie de transformation des produits agricoles, comme San Andrés Tuxtlas et ses fabriques de cigares,

46La faiblesse des excédents de production commercialisables, la médiocrité des revenus et la consommation des agriculteurs et la survie des cadres traditionnels d’échanges des civilisations indigènes limitent ici le développement urbain. Les capitales traditionnelles de ces vieilles régions progressent très peu. Ainsi San Cristobal de Las Casas et Comitan, dans le Chiapas ne gagnent respectivement que 9181 et 5113 habitants de 1900 à 1960, passant de 14 162 â 23 343 habitants, et de 10 296 â 15 409 habitants.

47"La création d’un marché régional est ici le point ά départ ά toute organisation urbaire. En effet, parfois des possibilités d’exploiter des ressources nouvelles s’existent, en particulier dans te-domaine agricole : ά s masse s paysannes restées ὶ l’écart de viendraient productrices et par là même consommatrice s : le processus est en cours dans la facade diquastèque et véracruz aine ; il s’amorce au Chiapas et au Tabasco. Mais souvent aussi tout progrès nécessite la transformation en consommateurs de paysans pour lesquels une production rémunératrice est ban difficile ὶ imaginer : par exempte, sur les Hautes Terres du Chiapas..." (35)

482. Les régions de colonisation arrivées au stade de la maturité

49Dans ces régions que l’on pourrait appeler des pays et qui s’appellent Sotavento, Soconusco, Chontalpa, dans la basse Huastèque et le pays Totonaque également, la plantation (grande exploitation capitaliste ou petite exploitation), le breficio, le réseau d’évacuation ferré et routier, structurent l’espace de manière diffuse. L’économie de marché y est presque uniformément répandue, et le niveau de vie est plus élevé que dans les zones d’agriculture traditionnelle. Un maillage de petites villes organise ces régions, elles les relient à l’extérieur et fournissent des services beaucoup plus complets que les bourgades des zones indigènes : banques, ateliers de réparation automobile, petit hôpital, grossistes, et détaillants, marché couvert. Les villes ont ici entre 6000 et 20 000 habitants, comme Martinez de la Torre dans le pays totonaque, Teapa et Comalcalco dans le Tabasco, Cosamaloapan et Tierra Blanca dans le Papaloapan, Acayucan et Matias Romero dans l’Isthme. Ces petites villes sont la base d’une nouvelle phase de l’industrialisation du complexe agricole, liée à l’élevage (abattoirs, frigorifiques, transformation du lait), à la forêt (papeteries).

50Mais ces pays de colonisation animés par de petites villes sont-ils intégrés dans un réseau urbain hiérarchisé ? Font-ils partie de régions polarisées ?

51Dans les régions de mise en valeur ancienne, arrivées à un stade de sénilité de la colonisation, on trouve bien un deuxième échelon urbain avec des centres de commerce de gros, qui ont essentiellement un rayonnement commercial (collecte du café par exemple, et en échange approvisionnement de petits centres en produits industriels). Dans le Veracruz, Jalapa commande ainsi la région de Misantla-Coatepec, Cordoba celle de Huatusco et de la Sierra de Zongolica.

52Dans les régions de mise en valeur plus récente, quelques villes polarisent l’espace, grâce à des banques autochtones, des grossistes et surtout des services personnels ou administratifs. On trouve dans ce groupe des villes moyennes comme Villahermosa dans le Tabasco, capitale d’État, point d’union de trois régions agricoles comme la Sierra et la Chontalpa, pétrolière comme celle de Macuspana ; Tapachula, capitale caféière du Soconusco ; Tuxtla Gutierrez, capitale du Chiapas et tête de la région du Valle de Chiapas. Mais en dehors de Veracruz, porte du Mexique, et de Mérida, capitale d’une population particulariste, la seule grande ville animant véritablement une région, c’est Tampico. La chance de cette ville est de commander plusieurs types d’espaces et d’économies pionnières : espace des éleveurs et des planteurs avec leurs petites villes (Tempoal, Tantoyuca), espace des pétroliers, zone de colonisation récente du coton (Chapacao, Manuel) ; Tampico est en outre un port pour le San Luis Potosi, le Nuevo Leon, le Tamaulipas, et un centre de transformation du pétrole d’importance nationale. Il existe une région de Tampico, à cheval sur le Tamaulipas, San Luis Potosi et Veracruz, avec des villes moyennes (Ciudad Mante, Ciudad Valles, Tuxpan) et un échelon de petites villes agricoles ou nétrolières.

533. Zones-frontière et noyaux pionniers

54Là où la mise en valeur est en cours, dans les régions forestières du Veracruz-Sud oriental, dans l’Isthme, dans la péninsule yucatèque, l’isolement des groupes pionniers est tel qu’il n’apparaît pas de vie régionale ; il existe une vie locale, reliée ou non au marché national.

55Selon le type d’économie pionnière on peut distinguer deux types d’espaces :

56D’abord, les groupes de colons agricoles, situés en "première liagne", dans les municipes de Playa Vicente ou San Juan Evangelista, dans le Veracruz, ou bien à l’intérieur du Campeche, petits colons privés ou éjidatarios des nouveaux centres de peuplement de ces zones, qui manquent de communications aisées et de surplus de production abondants, qui pratiquent largement encore une agriculture vivrière, qui sont dispersés en communautés dans la forêt, donnent finalement un support économique médiocre aux petites villes commercialisant les productions, et situées en général sur les voies ferrées : San Juan Evangelista, Villa Azueta dans le Veracruz ne dépassent guère 5000 habitants. Dans les zones les plus isolées, il n’y a même aucun organisme urbain, la gare suffisant aux relations avec l’extérieur ainsi dans le Tabasco oriental, dans le municipe de Balancan où la forêt assiège et écrase les communautés pionnières. (cf. fig. no 69bis). On ne peut donc pas parler dans ce cas de noyaux développés.

57Au contraire, la construction de barrages, la recherche du pétrole font naître des noyaux pionniers qui ont immédiatement une physionomie urbaine et une population à revenu élevé. La zone de Poza Rica, celles de Coatzacoalcos-Minatitlan, de Macuspana-Ciudad Pemex illustrent à des niveaux divers ce dynamisme des noyaux pétroliers, où l’on passe du campement autour du Duits à la petite ville groupant pompes, cuves de stockage, petite raffinerie, et enfin la ville moyenne avec ses grandes raffineries et son industrie dérivée (engrais, produits chimiques....).

58Les villes plus éphémères des barrages (Ciudad Aleman près de Temazcal, Veracruz, ou Malpaso dans le Chiapas sur le Grijalva) ont toutefois l’avantage de fixer une activité urbaine sur un réseau de communications modernes, favorisent la colonisation agricole, qui est ici induite. Dans le Veracruz, dans le Tabasco, ranchs et plantations se fixent le long des routes ouvertes par Pemex ; l’élevage laitier s’installe autour d’Acayucan pour alimenter le marché voisin des grandes villes de l’Isthme. Dans la région de Poza Rica, la croissance des immigrants dans l’activité agricole est aussi rapide que celle des immigrants dans la ville pétrolière.

59De même d’autres activités non agricoles travaillant pour un marché national ou même international peuvent être les meilleures chances du développement de la colonisation agricole et de l’organisation de régions nouvelles : la pêche industrielle à Ciudad del Carmen, le tourisme dans le Yucatan et le Quintana Roo ont créé des noyaux urbains, eux-mêmes créateurs d’emplois, qui rassemblent de nouveaux consommateurs de produits agricoles.

60A la frontière agricole d’aujourd’hui, avec son peuplement diffus et son niveau de vie médiocre, avec ses toutes petites villes ; s’opposent des noyaux pionniers urbains qui, en 1970, atteignent 121 000 habitants à Poza Rica, 70 000 à Coatzalcoalcos, soit autant ou plus que les capitales de régions comme Jalapa (122 000), Villahermosa (100 000) ou Tuxtla (67 000). Le développement urbain des terres chaudes n’est donc pas à attendre forcément de la croissance agricole ou de la formation de régions à réseau hiérarchisé.

Tableau no 53. TYPES DE REGIONS ET DEGRES DE DEVELOPPEMENT 1960

Zones (1)

% de population urbaine (2)

% de population active primaire

revenu mensuel par travailleur (3)

valeur de la production agricole par travailleur agricole

NOYAUX PIONNIERS :

84 Minatitlan-Coatzacoalcos

75,9 %

25,4 %

927 pesos

1 013 nesos

44 Poza Rica

70,6 %

30,0 %

346 "

1 559"

105 Carmen (Campeche)...

44,3 %

52,7 %

590 II

17 854 (avec pêche)

ZONES DE COLONISATION AGRICOLE

81 Papantla-Martinez de la Torre

18,0 %

70 %

539 II

10 433

83 Sotavento

31,1 %

79,9 %

439 II

3 277

101 Chiapas. La Costa

22,1 %

69,2 %

497 II

4 372 "

ZONES DE PEUPLEMENT ANCIEN

82 Veracruz. La Sierra

43,9 %

45,1 %

513 II

6 508 "

107 Campeche Norte

15,9 %

67,2 %

343 II

2 602 "

42 Huastèque. Potosin et Hidalguense

9,2 %

74 %

353 II

1 076 "

100 Chiapas. Centro

17,3 %

82,9 %

420 II

1 934

94 Sierra de Juarez Oaxaca

0

82,1 %

240 II

1 899 "

(1) Les zones sont celles de la Comision Nacional de los Salarios Minimos, qui a tenté de diviser
le Mexique en régions homogènes.
(2) La population urbaine retenue est celle qui vit dans les localités de 5000 habitants et plus.
(3) Le revenu mensuel est celui déclaré au recensement de 1960 (un quart environ de la population n’a pas répondu à ce sujet). Les travailleurs sont ceux du recensement de population.

61Si Ton met à part la zone du Veracruz-Sierra, qui inclut des villes comme Orizaba et Cordoba et un important secteur industriel, on constate que :

  1. la population urbaine est plus développée dans les zones pionnières et de colonisation récente que dans les zones de peuplement ancien.
  2. Sauf dans les zones du pétrole, la population active primaire occupe une place comparable dans les deux types de régions.
  3. Le revenu mensuel par travailleur est minimal dans les zones traditionnelles.
  4. Les zones de colonisation récente, où domine la plantation, ont une production par travailleur très supérieure à celle des zones de production vivrière.

c. Les générations de villes pionnières

  • 36 C. Bataillon. "Les régions géographiques au Mexique" p. 199.

62A chaque type de région pionnière, à chaque nouvelle phase de colonisation moderne correspond une forme d’urbanisation et une certaine taille de ville. En observant la croissance des localités qualifiées d’urbaines par les recensements mexicains, dans les Terres Chaudes, on voit surgir à certains moments des comètes urbaines, A quelles époques surgissent-elles, que deviennent-elles ?36Nous avons examiné pour répondre à ces questions les villes de la période 1900-1960.

631) Les villes pionnières nées de rien sont extrêmement rares. Sur 63 villes de plus de 6000 habitants en 1960 (dans le Veracruz, Tabasco, nord-Chiapas, terres chaudes du Oaxaca, Campeche et Quintana Roo), seules 18 sont nées de rien ou de localités de moins de 1000 habitants en 1900. Et sur ces 18 villes, seules 7 dépassent 10 000 habitants : Las Choapas, Salina Cruz, Matias Romero et Minatitlan dans l’Isthme, Tierra Blanca dans le Papaloapan, Chetumal dans le Quintana Roo, et Poza Rica dans le nord du Veracruz.

64Toutes les autres grandes villes pionnières, comme Coatzacoalcos, Acayucan, Ciudad del Carmen, Tuxoan, Papantla, Martinez de la Torre, Cosamaloapan, existaient déjà en l900.

65La colonisation a donc largement utilisé un filet "urbain" déjà en place sous le Porfiriat.

662) On observe des cycles de croissance rapide, de stagnation et même de recul des villes.

67Ainsi la génération des villes pionnières du Rorfiriat, comme les bourgades du Veracruz sud-oriental (cf. fig. no 72)dont Sayula, comme Tuxpan dans le nord du Golfe, Tehuantepec dans l’Isthme ou bien comme Chetumal, ont leur croissance brisée net par la période révolutionnaire.

68L’influence des cycles économiques est également visible : la grande crise des années 30 semble provoquer un blocage ou un recul des villes des zones de plantations :

69Cosamaloapan perd la moitié de ses habitants entre 1921 et 1940, la ville-ingenio de Carlos A. Carrillo passe de 2500 à 500 habitants entre 1930 et 1940. Les villes du café, comme Coatepec ou Huatusco stagnent, celle de la vanille et du café, Papantla, recule.

70Des cycles liés au boom d’un produit puis à son effondrement existent aussi. Ainsi le Dort de Frontera, dans le Tabasco, troisième ville de cet État en 1900, croît brusquement après 1921, quand les plantations de bananes et les exportations de ce fruit vers les États Unis connaissent leur apogée. Le déclin du port s’amorce entre 1940 et 1950, quand les exportations de bananes disparaissent à la suite de maladies du bananier, et se confirme après 1950, quand une nouvelle route reliant Villahermosa à Coatzacoalcos fait de ce dernier port le poumon du Tabasco, Dans le nord du Veracruz, ce sont Panuco et Alamo, villes pionnières du pétrole dès le Porfiriat, qui regressent à partir de 1930, quand les puits se tarissent, puis quand Cardenas nationalise les compagnies d’exploitation.

713) La croissance des villes des zones de colonisation s’est accélérée depuis 1950.

72Martinez de la Torre triple presque sa population, Cosamaloapan la double, Minatitlan et Coatzacoalcos en font autant.

73Le désenclavement des terres chaudes, l’explosion démographique, l’accélération des migrations gonflent les effectifs urbains. Mais l’accroissement de la population urbaine reste inférieur à celui des campagnes. Ainsi dans le Chiapas, de 1950 à 1960, les campagnes absorbent 258 000 personnes, les villes (de plus de 10 000 habitants) 46 000, et l’émigration ne touche que 38 600 chiapanèques.

74Le mouvement généralisé de croissance urbaine dans les terres chaudes est beaucoup plus faible dans les étages tempérés voisins. Ainsi dans le Oaxaca (cf. fig. no 76) c’est entre 1940 et 1960 que les villes des terres chaudes de l’Isthme et du Papaloapan dépassent les villes et bourgades traditionnelles du Valle de Oaxaca et des sierras.

754) L’opposition terres chaudes - terres tempérées. Exemple Oaxaca.

  • 37 Pierre George, dans la discussion suivant le Colloque : "Le rôle des villes dans la formation des (...)

76Nous avons distingué dans cet État, en 1960, deux classes d’agglomération urbaines : des petites villes, ayant de 8000 à 20 000 habitants, de 800 à 2200 personnes employées dans le secteur tertiaire, au moins une banque, une école secondaire et une clinique ; et des bourgs, de 3000 â 7600 habitants, avec moins de 750 actifs tertiaires, sans équipement bancaire et sans les services précédents.37

77Sur les 9 petites villes identifiées, 8 sont situées au cœur des terres chaudes (Papaloapan, Isthme, côte du Pacifique) ; des 9 bourgs, 3 appartiennent à l’étage tempéré, en particulier au Valle de Oaxaca et à ses ramifications, et Huautla est au contact des zones tempérées et chaudes, dans l’étage caféier.

78Cette distribution selon le climat et la topographie recouvre des facteurs humains bien différenciés. Les bourgs correspondent à la zone la plus anciennement peuplée, zone surpeuplée actuellement, où le niveau de vie est bas, et où c’est la capitale de l’État, Oaxaca, qui canalise ressources et population.

79Les petites villes correspondent au contraire aux zones pionnières : terres neuves du Panaloapan et de l’Isthme, district d’irrigation de Tehuantepec. Là le peuplement indigène en communautés traditionnelles n’est plus majoritaire, et Oaxaca est suffisamment éloignée (à 250 kilomètres de Tehuantepec, à 220 de Tuxtepec) pour permettre à ces villes de conserver une certaine autonomie, en particulier dans le domaine bancaire : Tuxtepec est une agence autonome du 3anco Ejidal, Juchitan (dans la zone de Tehuantepec) est à la tête d’une zone directe de cette même banque. Alors que les bourgs du Valle appartiennent au réseau urbain dominé par Oaxaca, comme le montre le tracé en étoile des communications, les petites villes des terres chaudes forment un chapelet Périphérique relié par le fil conducteur du chemin de fer, et plus proche du Veracruz que du Oaxaca central.

80Tuxtepec, Loma Bonita, Villa Azueta, Isla, Matias Romero, Ixtepec et Salina Cruz, sont les "filles" du chemin de fer.

81L’évolution démographique de ces villes et bourgs est marquée par un trait dominant : après une période de crise de 1910 à 1940 (impact quoique réduit de la Révolution, conséquence de la répartition des terres et du déclin d’une classe de propriétaires fonciers, crise économique, déclin du rôle international de l’Isthme après l’ouverture de Panama), vient une période de croissance démographique à partir de 1940 : l’amélioration des conditions sanitaires, la baisse de la mortalité, la reprise des cours des produits tropicaux, l’ouverture d’un district d’irrigation, les grands ouvrages du Papaloapan, les nouvelles liaisons routières expliquent ce renouveau. Mais ce renouveau ne touche pas également petites villes et bourgades. Il y a un renversement de la hiérarchie urbaine : en 1900, seules deux localités de terres chaudes apparaissent dans le groupe des petites villes ou bourgades ; en 1960, la proportion est de 7 sur 8. Alors que les villes des terres chaudes augmentent leurs effectifs, Huautla, Tlaxiaco, Zaachila ont moins d’habitants en 1960 qu’en 1900.

82Au total, l’opposition en 1960 des petites villes et bourgades correspond à l’opposition entre espaces tropicaux encore ouverts, où l’agriculture commercialisée progresse, où des industries s’installent (sucrerie, papeterie à Tuxtepec, conserveries d’ananas à Loma Bonita.,.) alors que stagne l’économie traditionnelle des vallées tempérées et des sierras.

83Dernière conclusion : en-dessous de l’espace quadrillé par les petites villes, de l’espace semé de bourgades, il existe encore un vaste quadrilatère, Huajuapan-Tuxtepec-Matias Romero-Tehuantepec, qui inclut les sierras peuplées de Huautla, de Juarez, Mixes) et oui est caractérisé par l’absence de villes et par la présence d’une seule bourgade marginale, Huautla.

84Les circuits commerciaux de cette zone s’établissent à deux niveaux :

85a) échanges de village à village, de producteur à producteur, grâce aux tianquis (marchés indinènes. en général hebdomadaires) qui se tiennent dans des villages ou même de simples hameaux ; là ont lieu des échanges locaux de produits de consommation immédiate ; b) exploitation des zones indigènes et de leurs productions commercialisables (café, tabac…) à partir de bourgades situées en dehors de la zone ; les commerçants de ces bourgades font office d’intermédiaires entre le grand commerce et les agents de collecte. Ainsi Tlacolula, bourgade des terres tempérées, est la base des commerçants du café de la zone chaude Mixe. La fonction urbaine existe, mais est localisée à l’extérieur de la région productrice.

86Les générations des villes pionnières sont liées à la fois au type de peuplement particulier des zones de colonisation, et aux phases de développement économique, reposant tantôt sur une spéculation de plantation, tantôt sur une fonction de transit, tantôt sur l’exploitation des richesses du sous-sol,

87Mais il est important, du point de vue régional, que l’agriculture pionnière des terres chaudes n’a jamais été encore la source d’une grande capitale régionale, ou tout simplement d’une grande ville. La croissance de Tampico repose sur le pétrole, celle de Veracruz sur son port et son industrie. On ne trouve rien de comparable, par la dimension, aux grandes villes pionnières agricoles du Nord-Ouest mexicain, comme Ciudad Obregon, Los Mochis, Mexicali. Cette différence entre Nord et Golfe tient sans doute au fait que dans les zones semi-arides le peuplement est rattaché aux zones d’irrigation, et se concentre en agglomérations urbaines dès le départ. Dans ces districts d’irrigation la totalité de la production est destinée à la commercialisation, et une bonne part des produits sont transformés sur place. Les districts d’irrigation, avec leur agriculture mécanisée, moderne, donnent un rôle essentiel à la ville, centre de crédit, de commercialisation massive des engrais, des machines agricoles. Dans le Golfe, au contraire, le peuplement est plus diffus, l’agriculture vivrière et d’autosubsistance plus importante, les secteurs indigènes plus nombreux, c’est là l’explication de la faiblesse relative des organismes urbains.

Notes

28 Pierre Monbeig, dans sa thèse, p. 172, soulignait le fait que la décomposition de l’espace pouvait se produire aussi dans les zones de colonisation agricole trop intensive ; "l’avance du café avait été la conséquence d’un mouvement exclusivement optimiste et si l’on peut dire, impérialiste". Là est la clé du problème : les activités prédatrices, les entreprises qui les dirigent, se comportent de manière impérialiste par rapport aux populations et aux espaces colonisés (au sens politique du terme).

29 Lettre d’un député de Yucatan originaire de Campeche, citée dans : "Campeche en la Historia", p. 290, Luis F. Sotelo Regil. Mexico,1963,

30 cf. Edmundo O’Gorman. "Histories de las divisiones territoriales de Mexico". Mexico, 1966.

31 cf. D.A.G. Waddel. "British Honduras. A Historical Contemporary Survey", Oxford University Press. 1961,

32 cf. Pedro A. Gonzalez. "Situacion, extension y limites del estado de Tabasco". Boletin de la Sociedad Mexicana de Geografia y Estadistica. no 31, 1912. pp 467-481.

33 cf. Robert Redfield. "A village that chose Progress. Chan Korn revisited". The University of Chicago Press. 4°Edition 1967. 187 p.

34 cf. John C. Hotchkiss. "Infancia y conducta en Teopisca, Chiapas". "Accion Indigenista". Boletin Mensual del Instituto Macional Indigenista. Enero de 1967. no 163.

35 J.C. Hotchkiss. op.cité.

36 C. Bataillon. "Les régions géographiques au Mexique" p. 199.

37 Pierre George, dans la discussion suivant le Colloque : "Le rôle des villes dans la formation des régions en Amérique Latine". B.A.G.F. no 332-383, juin-nov. 1970, p. 220, déclare : "Une typologie des petites villes pourrait être mise en rapport avec un système de rapports économiques, à l’échelle régionale, ou à l’échelle d’un marché international. Ici interviendrait la caractérisation dans un "système" ou un "cycle" économique, et par voie de conséquence, la différenciation entre villes créées dans un système aujourd’hui dépassé, plus ou moins réintégrées dans un autre système, ou dans un système procédant de la dynamique actuelle".

© Éditions de l’IHEAL, 1972

Licence OpenEdition Books

Cette publication numérique est issue d’un traitement automatique par reconnaissance optique de caractères.

Acheter

Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search