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Changement et continuité chez les Mayas du Mexique

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Henri Favre

Deuxième partie. L’organisation sociale des Tzotzil-Tzeltal

L’organisation sociale des Tzotzil-Tzeltal

Texte intégral

1Il a été nécessaire d’évoquer le cadre historique et le contexte dans lequel se trament actuellement les rapports sociaux, afin de situer avec une certaine précision les changements survenus à l’intérieur de la société tzotzil-tzeltal. Mais ces changements, quels sont-ils ?

2En premier lieu, notons que les sources historiques dont nous nous sommes déjà servi, ne nous aident guère à les repérer. Rares sont en effet les textes touchant à l’organisation sociale des communautés, aux clans, aux lignages, à la parenté par exemple, qui soient suffisamment précis et qui puissent ainsi permettre de placer en parallèle la situation aujourd’hui observable et la réalité d’hier. Les chroniques espagnoles, les récits des voyageurs et des folkloristes locaux du siècle dernier, les documents administratifs plus récents, sont pour la plupart inutilisables à ce niveau d’analyse. Quand bien même certains offriraient des données à caractère ethnologique, celles-ci demanderaient à être sérieusement critiquées avant d’être reçues. Or, les éléments de cette critique font précisément défaut.

3Toutefois, si nous ne pouvons reconstruire le passé, nous avons encore la possibilité de le reconstituer partiellement, et cela de deux manières. D’abord, la multiplicité et la diversité des communautés ouvrent un champ très vaste à de fructueuses comparaisons qui, dans les limites étroites que nous avons signalées, sont susceptibles de faire apparaître les grands axes des changements. Mais c’est surtout par l’étude des distorsions et des contradictions de structure à l’intérieur de chacune de ces communautés que nous parviendrons à isoler et à définir les changements eux-mêmes. Toute société comporte des éléments structurels qui, tout en pouvant former des ensembles fonctionnels, sont contradictoires ou tout au moins logiquement incompatibles, et dont l’hétérogénéité porte témoignage de l’événement. En confrontant ces éléments non contemporains qui relèvent de modèles ou de systèmes différents, en les classant aux niveaux temporels qui leur correspondent, bref, en établissant l’ordre de leur séquence, nous pouvons dégager une perspective diachronique hors de laquelle les changements risquent d’apparaître comme des modifications superficielles issues de « contacts » et orientées vers l’« acculturation ».

4Au cours des chapitres suivants, nous aurons l'occasion de montrer de quelle manière la société tzotzil-tzeltal se remanie selon les pressions extérieures auxquelles elle est exposée ; comment elle s’ajuste constamment à la société ladina qui l’investit et la domine ; comment elle répond au système colonial et aux modifications de ce système, en fonction de ses propres ressources et de sa propre dynamique. Nous nous référerons plus particulièrement à cinq communautés : Chamula, Chenalho, Oxchuc, Aguacatenango et Tenejapa. Mais il va sans dire que nous ne limiterons pas l’étude à cet échantillon et que chaque fois que cela nous sera possible, nous ferons appel aux données recueillies par les chercheurs qui nous ont précédé ou accompagné sur le terrain.

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