Production sidérurgique

1Au Mexique, la production de fer date de l’époque de la domination espagnole. Les premières fonderies furent installées de préférence aux endroits où l’on disposait à la fois, de minerai de fer et de forêts touffues pour la fabrication du charbon de bois nécessaire à la réduction du minerai. On employait alors la forge catalane et le four à loupe, et les produits ainsi obtenus étaient affinés plus tard dans des fours à puddler où on les transformait en fer doux. La production était faible et pouvait juste satisfaire les besoins de la ferronnerie, la fabrication de ferrures artistiques, et d’outillage professionnel, agricole ou métallurgique.

2Étant donné que la fabrication primitive du fer ne pouvait en aucune façon satisfaire la demande de matériel ferroviaire ni d’autres articles spéciaux, la création de nouvelles usines était indispensable. C’est pour cette raison que fut créée en 1900 la Compania Fundidora de Fierro y Acero de Monterrey, S. A., qui débuta en 1903, avec un haut fourneau de 350 tonnes. Ce haut fourneau fournissait, pour la première fois dans l’histoire du Mexique, de la fonte obtenue avec du coke selon les techniques les plus avancées de l’époque.

3En 1943, la Compania de Monterrey possédait seulement le haut fourneau construit lors de sa fondation pour la production de fonte. Mais le développement de l’activité industrielle, alors à son apogée, exigeait beaucoup plus de produits sidérurgiques, et c’est ce stimulant qui donna naissance au deuxième haut fourneau, d’une capacité quotidienne de 550 tonnes.

4On se trouva alors en face d’une augmentation de la consommation de produits laminés plats : palastres, tôles et fer-blanc, qui n’étaient pas fabriqués dans le pays et qu’il était difficile d’obtenir à l’étranger à cause de la guerre. Cette situation favorisa l’établissement d’une nouvelle usine appartenant à la société Altos Hornos de Mexico, S. A. qui s’installa à Monclova, Coah, et commença à fonctionner en 1944 avec un haut fourneau de 400 tonnes. Cette usine fut fondée sous les auspices de la Nacional Financiera, organisme gouvernemental de développement.

5Simultanément à la production du fer de première fusion commença, en 1903, la fabrication d’acier en fours Martin-Siemens. Ce type de production resta le seul jusqu’à 1922, date à laquelle commença au Mexique la fabrication d’acier au four électrique.

6La situation resta stationnaire jusqu’en 1938 où la fabrication de l’acier subit un changement notoire grâce à l’agrandissement de l’acierie de la Cia Fundidora de Fierro y Acero de Monterrey, et à la création d’une nouvelle compagnie, la Consolidada, avec son installation mixte de fours Martin-Siemens et électriques, alimentés en ferrailles.

7En 1940, la production totale d’acier fut de l’ordre de 150 000 tonnes. A partir de cette date commença l’installation accélérée d’un groupe de petites usines.

8De 1950 à 1954 naissent sept compagnies consacrées à la fabrication d’acier électrique et leur apport à la production de lingots élève celle-ci à plus de 590 000 tonnes.

9En conséquence, l’acier électrique, qui, en 1938, ne représentait qu’un vingtième de la production totale d’acier, fournit en 1954 le tiers de la totalité.

10En raison de l’activité réduite du marché des aciers spéciaux au Mexique, l’emploi du four électrique n’est pas ce qu’il devrait être, parce que dans la plupart des cas, il sert seulement à la production d’aciers d’une teneur médiocre en carbone, ce qui rend son utilisation assez onéreuse.

11Le groupe des produits formé par les profils commerciaux, les barres et les poutrelles, est assez intéressant en raison de sa production très développée.

12A partir de 1945 la demande de produits plus variés, résultant du développement général du pays, a pour résultat l’agrandissement des usines existantes ainsi que l’établissement de nouvelles usines, et de ce fait, certains produits qui auparavant n’étaient pas fabriqués au Mexique, font actuellement partie de la production nationale et concurrencent les produits étrangers. Tel est le cas des produits laminés plats dont la fabrication dans le pays est assez récente (1940) et qui représentaient alors 1,6 % du total. Ce pourcentage s’éleva régulièrement jusqu’à atteindre 50 % de la production totale actuelle.

13Malgré le développement rapide de la production sidérurgique, les besoins dépassèrent rapidement la production, ce qui accrut la demande de certains produits d’importation. Il fallut en particulier importer davantage de rails et d’essieux pour le relaminage.

14Il existe actuellement au Mexique deux usines métallurgiques intégrées, une troisième étant partiellement en voie d’intégration.

15La plus ancienne est la Cia Fundidora de Fierro y Acero de Monterrey, S. A., qui produit de la fonte pour la fabrication de l’acier, notamment sous forme d’aciers laminés en profils spéciaux et commerciaux, des barres, des « ronds » pour béton armé et des rails, et également certaines pièces moulées en fer et acier. Cette compagnie possède aussi plusieurs sections de fabrication de produits finis. Ses deux hauts fourneaux travaillent la plupart du temps alternativement.

16L’usine de Monterrey possède, en plus, deux convertisseurs Bessemer acides de 15 tonnes et deux mélangeurs de 150 tonnes chacun.

17Cette compagnie n’a pas néanmoins une capacité équilibrée en fonte, acier et laminage, ce qui limite sa production ; la capacité de ses hauts fourneaux correspond à 400 000 tonnes d’acier par an, tandis que sa production réelle est de beaucoup inférieure pour diverses causes, particulièrement en raison de ses moyens de laminage insuffisants. Pour cette raison et compte tenu de la demande croissante, la compagnie pense installer plusieurs trains de laminage plus modernes.

18La deuxième usine intégrée, Altos Hornos de México, située aussi dans la région au Nord de la République, à Monclova, s’occupe exclusivement des laminages de plats, tôles, fer-blanc, etc. ; mais elle produit aussi des tubes de fer centrifugés et pense augmenter la gamme de ses produits dans l’avenir.

19Actuellement, elle exploite un haut fourneau de 800 à 1 000 tonnes qui a été inauguré l’année dernière ; c’est le plus grand du Mexique.

20Elle possède aussi un mélangeur de 400 tonnes et quatre fours Martin-Siemens de 120 à 130 tonnes chacun, et il est très probable que sous peu sa production atteindra 500 000 tonnes d’acier par an.

21La troisième usine importante, la Consolidada, possède une usine de fabrication d’acier à Piedras Negras, Coahuila, près de la frontière des États-Unis ; cette usine comporte deux fours Martin-Siemens d’une capacité totale de 90 000 tonnes annuelles, en plus d’un haut fourneau de 150 à 200 tonnes récemment installé.

22Il existe aussi d’autres usines, plus ou moins importantes qui produisent la plupart des aciers commerciaux pour laminage dans des fours à arc dont la capacité unitaire varie de 0,5 à 30 tonnes et dont la capacité totale est déjà assez importante.

23Il est nécessaire que nous citions l’une d’entre elles, l’usine de Hojalata y Lamina, S. A., de Monterrey, N. L., avec ses quatre fours électriques et une production totale de 120 000 tonnes d’acier par an, employées exclusivement dans la fabrication de produits plats laminés.

24Un autre aspect intéressant de cette entreprise est la fabrication expérimentale d’éponges de fer, dont le succès paraît probable comme matière première de substitution de la ferraille, pour alimenter les fours d’aciérie. Elle exploite en plus des gisements de fer, afin de parvenir à une intégration complète.

25Il existe, de plus, trois autres petites usines qui emploient des convertisseurs de 1 et 2 tonnes à boîte à vent latérale.

26Toutes ces petites entreprises satisfont en grande partie la demande de produits laminés et moulés ordinaires, mais la grenaille du pays est insuffisante et l’on doit en importer de fortes quantités à des prix toujours plus élevés.

Aspects économiques

27L’industrie sidérurgique primaire emploie à peu près 13 000 personnes dont les traitements, salaires et prestations s’élèvent à plus de 150 000 000 de pesos. Pour un pays où l’industrialisation se propose, entre autres buts, de donner du travail à l’excédent de la population agricole employée seulement en partie dans les champs, ces chiffres ne sont pas particulièrement impressionnants, mais l’importance réelle de la sidérurgie provient de sa caractéristique fondamentale d’industrie de base.

28Sa contribution de 0,5 % au produit national, qui fut en 1955, d’environ 84 milliards aux prix courants ne paraît pas non plus impressionnant à première vue.

29L’industrie sidérurgique est cependant actuellement d’une importance considérable, et elle a surtout une valeur potentielle énorme due à sa faculté multiplicatrice, à sa capacité créatrice d’activités secondaires et tertiaires, presque illimitées, au fur et à mesure du développement économique. Une grande partie de ses produits sont des biens d’investissement ou des matières premières pour d’autres activités, et ils sont le signe d’un progrès de l’industrialisation. Il faut signaler l’importance que certaines industries ont acquise récemment au Mexique, mais pour lesquelles il n’existe pas encore de statistiques officielles, telles que la construction de moteurs Diesel, de wagons de chemin de fer, de pompes pour liquides et d’appareils métalliques en général.

30Les demandes d’acier suivent un rythme ascendant lié au revenu national, mais si on les observe par produits, on trouve de fortes variations selon l’importance du volume relatif des investissements publics et privés.

31La consommation per capita, qui était seulement de 13,3 kg. en 1939 s’est élevée à 32,3 en 1954 et à 38,4 kg. en 1955. Ce dernier chiffre correspond au cinquième de la consommation française et au dixième de celle de l’Angleterre, qui n’est à son tour que la moitié environ de celle des États-Unis. Nous parlerons plus loin de la consommation de l’Amérique latine au sein de la famille des nations.

32Durant la Réunion d’Experts en Sidérurgie, qui a eu lieu à Bogota en novembre 1952, la Commission Économique pour l’Amérique latine présenta plusieurs études concernant les points essentiels de l’industrie sidérurgique. Ces études et leurs commentaires furent publiés en 1954 dans un important mémoire dont les points principaux sont les suivants :

1. l’influence des éléments locaux,
2. l’influence de la grandeur des marchés,
3. le rôle de l’industrie sidérurgique dans le développement de l’Amérique latine.

33Dans ce document, on essaye, avec les éléments disponibles et à partir de certaines hypothèses qui permettent la comparaison des calculs, d’examiner les aspects économiques de la plupart des usines sidérurgiques intégrées d’Amérique latine et en outre, de celles qui étaient en projet, ou en cours de réalisation ; on y étudie également une usine des plus modernes des États-Unis, huit en tout. L’usine choisie pour le Mexique fut celle de Altas Hornos à Monclova (nous croyons que celle de Monterrey se trouve dans des conditions similaires).

34Le plan de recherche était basé sur l’hypothèse d’une capacité de production uniforme de 250 000 tonnes par an pour toutes les usines, compte tenu de la localisation de chacune d’elles et de leurs caractéristiques propres, cette capacité de production (qui est supérieure à celle que l’on considère comme économiquement avantageuse2) représente la capacité moyenne en Amérique latine. Dans une analyse postérieure, l’hypothèse change et l’on suppose pour chaque usine une capacité égale aux besoins nationaux. On compare l’usine mexicaine avec une usine des États-Unis dont la capacité serait d’un million de tonnes. Cette seconde hypothèse sert à mesurer la valeur économique de la production sur une grande échelle, même quand, pour l’usine des États-Unis, la capacité potentielle reste inférieure à la réalité. Dans le cas du Mexique, il existe une tendance (qui s’explique par des raisons géographiques) à disséminer les usines, mais ne permet pas d’utiliser au maximum les avantages d’un marché en voie de développement. La situation est néanmoins satisfaisante comme l’on peut s’en rendre compte par ce qui suit.

35Le document de la C. E. P. A. L. analyse les coûts de transport des matières premières, ceux de leur transformation en fonte, ceux d’affinage pour la production d’acier, ceux de laminages, etc. En ce qui concerne l’approvisionnement et le prix de revient des matières premières, Monclova jouit d’une position médiane entre les deux cas extrêmes, entre Belencito en Colombie qui se trouve à la source même des matières premières et San Nicolas, projet argentin qui représente un effort considérable pour vaincre les difficultés naturelles et satisfaire les besoins sidérurgiques du pays. Selon les index calculés, 114 correspond au Mexique, 53 à la Colombie et 250 à l’Argentine.

36Le prix de revient total de la fonte au Mexique, évalué en dollars et compte tenu des frais en capital, est 36,12, légèrement supérieur à celui de Sparrows Point ; celui de Belencito est de 28,56 et de San Nicolas, en Argentine, de 79,24. En ce qui concerne la production d’acier et celle des produits laminés, il faut signaler que dans les diverses phases du processus, qui part de la fonte et va jusqu’au laminage, notre production tend à s’aligner sur les groupes les plus avantagés. L’étude de la C. E. P. A. L. renferme d’autres apports importants tels que la détermination de la valeur ajoutée aux matières premières ; l’acier produit par heure-homme (dans ce cas, le Mexique se trouve dans une position inférieure, Belencito occupant la place la plus favorable ; néanmoins, la différence entre les extrêmes n’est que légèrement supérieure à 10 %). En ce qui concerne les tonnes d’acier produites pour chaque 100 dollars d’investissement, Monclova et Belencito sont les moins favorisés ; les États-Unis occupant la première place avec un avantage d’à peu près 30 %.

37L’étude en question renferme d’autres chapitres très intéressants en ce qui concerne l’analyse économique ; la révision et la mise à jour des chiffres pour le Mexique est en voie de réalisation, ce qui explique que nous ne puissions être plus précis en ce moment. Parmi les résultats fournis par la C. E. P. A. L. le plus intéressant est peut-être la conclusion qui indique que dans un pays sous-développé comme le nôtre, les frais de transport des matières premières influent moins sur les résultats définitifs que la manipulation de grands volumes de production, ce qui confirme dans la nécessité d’installer des unités à grande capacité. Malheureusement, cette installation ne peut s’effectuer sans la garantie d’une demande suffisante pour absorber la production de ces unités ; c’est pour cela que l’examen des marchés et le développement futur de la consommation sont d’une énorme importance. Notre consommation par habitant était légèrement supérieure à 38 kg. en 1955, au moment de l’étude de la C. E. P. A. L. elle était de 28 kg., c’est-à-dire presque la moyenne des pays du continent les moins favorisés et de 62 et 77 tonnes au Venezuela et en Argentine qui sont des nations à revenu national élevé et à faible densité démographique. Les recherches de la C. E. P. A. L. montrent les corrélations très importantes qui existent entre le revenu national per capita, l’importation de biens capitaux et la consommation de ciment d’une part, et la consommation d’acier par habitant d’autre part. Les calculs effectués avec les formules qui fournissent ces corrélations s’approchent très près de la réalité ; il convient néanmoins de signaler que les déviations les plus marquées vers des consommations supérieures à celles calculées, correspondent aux cas du Mexique, du Chili, du Brésil, et d’autres pays qui possèdent déjà une industrie sidérurgique nationale. Ceci nous oblige à conclure qu’une telle existence est un stimulant à la consommation, particulièrement pour les nations qui souffrent d’une pénurie de devises étrangères et de difficultés au sujet de leur balance externe.

38La fabrication de produits en fer et en acier réduit la pression en déséquilibre dans la balance de paiements. Une autre conclusion encourageante vient du fait que nos pays peuvent affronter, avec des usines à capacité excellente, la concurrence des produits d’importation, celle-ci étant seulement atténuée par les frais de transport.

39Au point de vue technique dont les conséquences économiques sont énormes, le développement de la civilisation moderne est le passage de l’emploi de l’énergie animée (hommes et animaux) à l’énergie inanimée (moteurs et machines).

40Ce processus s’accéléra rapidement pendant l’étape que l’on nomme « révolution industrielle », grâce à l’emploi de combustibles (charbon et plus tard pétrole), transformés en vapeur ou en électricité pour faire fonctionner les machines. Le charbon et le fer ont été l’âme de cette profonde transformation libératrice de l’humanité, le fer étant jusqu’à un certain point un corollaire du charbon. La machine permet la transformation et l’utilisation du combustible en énergie mécanique.

41Pour son fonctionnement le haut fourneau exige un combustible et un réducteur comme le coke qui doit supporter un énorme chargement de minerai de fer sans s’écraser et être à la fois perméable au courant d’air qui attise les réactions. Le coke, dérivé d’un charbon spécial, est par conséquent un facteur primordial.

42Le charbon cokéfiable n’est pas réparti équitablement sur la surface du globe ; sa présence a toujours été un stimulant de l’industrialisation, ou bien la cause occulte des guerres modernes. Le Mexique en possède, d’une qualité qui n’exige aucun mélange, dans le bassin houiller de Sabinas à l’extrême Nord de la République. On en recherche actuellement dans l’État de Oaxaca, dans la région Centre-Sud du pays.

43La sidérurgie est une industrie lourde, de production de masse. Pour que le haut fourneau atteigne un rendement économique maximum, il doit avoir une grande capacité qui dans la pratique actuelle ne doit pas être inférieure à 500 tonnes par jour, et qui de préférence doit lui être supérieure.

44Le minerai de fer et le charbon doivent s’associer dans des conditions assez économiques pour produire d’abord du fer ou de la fonte, et ensuite de l’acier. En principe, sans cette combinaison féconde, il n’y a aucune possibilité de produire ni les machines modernes, ni les éléments de transport, si nécessaires au développement économique.

45A son tour, l’industrie sidérurgique même dépend de la résolution d’un triangle de forces qui est formé par :

1. le coût de transport du charbon,
2. celui du minerai de fer (indispensable pour assurer cette combinaison),
3. celui des produits finis (afin de les envoyer sur les marchés où se réalisent de nouvelles transformations grâce aux industries secondaires, ou bien sur les lieux même de la consommation finale). Nous avons signalé ailleurs la la situation au Mexique en ce qui concerne les divers éléments de ce problème, ainsi que les combinaisons actuelles et les possibilités futures.

46Étant donné que les frais de transport des produits finis sont plus élevés que ceux des matières premières (le double au Mexique), il y a maintenant tendance à situer les usines près des centres de consommation importants, particulièrement quand les sources de minerai et de charbon sont éloignées les unes des autres et des centres de consommation. Quand il s’agit de la localisation, l’influence du minerai de fer est pratiquement la même que celle du charbon. Même dans le cas du Mexique dont les minerais contiennent de fortes proportions de fer, il faut transporter beaucoup plus de minerai que de charbon et naturellement que de coke. Cependant, les usines sont souvent attirées vers les bassins houillers, particulièrement quand ils se trouvent près d’importants marché et parce que le charbon et le coke peuvent se détériorer pendant leur transport et leur emmagasinage.

47Il faut analyser également le problème des transports au point de vue national, en s’efforçant d’équilibrer le trafic en le rendant plus souple et socialement plus économique.

48D’ailleurs, le problème d’une localisation optima ne dépend pas seulement du transport : il faut en outre mieux employer la population, intégrer, coloniser, ouvrir de nouveaux marchés, mieux répartir la densité économique.

49Presque toutes les usines qui ont été construites dans le monde pendant la dernière décade ont été installées au bord de la mer là où, en principe, les facilités d’acheminement des matières premières sont les plus grandes, et où l’on peut envisager plusieurs alternatives d’approvisionnement, soit en ayant recours à l’étranger quand les ressources nationales ne sont pas suffisantes ou lorsque l’on doit obtenir des mélanges spéciaux (Brésil), soit que l’on désire développer les marchés du littoral, comme c’est le cas pour la côte du Pacifique, au Mexique. Dans chaque cas, les conditions particulières qui se présentent doivent s’imposer par elles-mêmes et on ne peut en aucune façon faire une théorie générale.

50Étant donnée la situation des plus riches gisements de fer dans la région centrale de la côte du Pacifique, loin des bassins de charbon cokéfiable, et étant donnée la concentration de la population et des marchés dans le centre de la République, l’étude de la localisation la plus satisfaisante des nouvelles usines à hauts fourneaux et la recherche des procédés non classiques (c’est-à-dire n’exigeant pas de charbon cokéfiable, ou bien pouvant employer des matières premières de qualité inférieure ou meilleur marché3) sont d’une importance considérable pour le développement futur de l’industrie sidérurgique nationale. Les pays neufs doivent suivre attentivement les évolutions techniques modernes, en raison de leurs conditions particulières.

51La ferraille, particulièrement la ferraille obtenue in situ, utilisée en grande proportion dans le four Martin-Siemens, ce qui n’était pas possible dans le convertisseur Bessemer, augmente le rendement du haut fourneau et constitue un grand progrès pour réduire le poids des matières premières que l’industrie sidérurgique transporte et emploie, et dont le poids est au Mexique, trois ou quatre fois supérieur à celui du produit fini.

52Cette ferraille est une matière première à demi élaborée qui supporte mieux les frais de transport ; elle est en outre renouvelable à un certain degré.

53Les fours électriques qui, comme nous l’avons vu, ont atteint un grand développement dans le pays, ont joui plus spécialement des avantages qu’offre la ferraille qui leur permet de s’installer dans les centres mêmes de consommation, quand ceux-ci possèdent de l’énergie électrique à bon marché.

54Malheureusement, le Mexique n’a pas encore atteint un degré de développement industriel tel qu’il lui permette d’obtenir une production abondante et régulière de ferraille et, en outre, le monde entier manque à l’heure actuelle de cette matière première très recherchée et dont les prix sont par conséquent toujours en hausse.

55Nous rappellerons que pour produire de la fonte à bon marché, il faut avoir des usines à grande capacité, bien situées, et qui fonctionnent à grands rendements, en utilisant les techniques et les procédés les plus appropriés.

56Un des éléments les plus importants pour améliorer l’efficacité des usines sidérurgiques est le maintien de l’équilibre entre les diverses unités de production, et entre leurs départements.

57L’effort (qui se réalise au Mexique en ce moment tend vers ce but, mais il convient de remarquer que l’industrie sidérurgique est très dynamique, qu’elle doit évoluer par à coups, au moyen de grandes unités de production. C’est pour cela que, même quand il s’agit d’un développement normal, il peut y avoir à un certain moment un excès de capacité, spécialement en ce qui concerne le haut fourneau. Il s’agit cependant d’une situation transitoire ; cet excédent de capacité doit donner naissance à une grande variété de produits, à la découverte de nouvelles applications et à l’agrandissement des marchés. Dans l’industrie sidérurgique, le coefficient d’utilisation de l’équipement a en général un effet plus marqué que les autres éléments économiques sur les résultats définitifs.

58Au Mexique, les entreprises sidérurgiques tendent à s’intégrer verticalement en comprenant dans leur intégration la possession et l’exploitation des gisements de fer et de charbon. Tel est le cas de la Fundidora de Monterrey, de la Consolidada et actuellement de Altos Hornos.

59Également dans son effort pour varier sa production et étendre ses ventes, l’industrie sidérurgique tend à s’intégrer horizontalement en tendant vers la consommation finale.

60L’économie de calories est un des chapitres les plus importants de l’efficacité des grandes usines sidérurgiques, et elle exige l’emploi de réchauffeurs, de mélangeurs, en général l’emploi de la fonte à l’état liquide, l’utilisation des gaz du haut fourneau et de la cokerie qui souvent se trouve annexée au centre sidérurgique, ceci afin d’obtenir toujours un parfait équilibre thermique. En conséquence, le problème des réfractaires présente une importance considérable.

61Un des phénomènes actuels les plus impressionnants en liaison avec le développement de l’industrie sidérurgique des pays plus avancés est celui de ses relations avec l’industrie automobile ; celle-ci est, en effet, le secteur de consommation le plus important, et elle occupe la place qui appartenait autrefois aux chemins de fer. Malheureusement, la fabrication d’automobiles proprement dite n’existe pas au Mexique, malgré la présence de nombreuses usines de montage, et c’est à peine si l’on commence à construire maintenant certains équipements pour chemins de fer.

62D’après certaines données, on peut supposer que les profits des diverses entreprises sidérurgiques ont été assez élevés et que la plupart ont été à nouveau investis pour l’agrandissement des installations.

63L’opportunité de cette capitalisation, si l’on considère les possibilités de développement d’une industrie secondaire importante et diversifiée qui utiliserait des produits à bas prix comme matières premières, est sujette à discussion.

Possibilités de développement de l’industrie sidérurgique

64Les progrès réalisés jusqu’à maintenant par l’industrie du fer et de l’acier, sont la conséquence d’une combinaison d’éléments favorables parmi lesquels se trouvent : la demande toujours plus grande de ses produits, soit pour les employer directement soit pour les transformer dans les nombreuses industries secondaires qui ont surgi ; les exemptions fiscales et la protection de l’État par les droits de douane, comme on l’a déjà noté, les prix relativement élevés des produits sidérurgiques, les apports de capitaux et les crédits offerts par les institutions privées ou de l’État et enfin d’autres raisons provenant du développement même de l’économie.

65La localisation des sources de matières premières constitue un élément important pour le développement de l’industrie sidérurgique. Les usines intégrées qui fonctionnent au Mexique sont situées, pour éviter les frais de transport, généralement à proximité des centres de consommation où ils produisent des articles très demandés et d’une fabrication relativement simple, tels que fers ronds pour béton armé, profilés commerciaux et pièces moulées.

66Le moment de l’expansion de notre industrie sidérurgique est donc arrivé, de fait, il a déjà commencé si l’on tient compte de la meilleure utilisation de nos installations actuelles et des projets de construction de nouvelles unités à capacité optima par rapport au développement du marché dans un proche avenir et en outre, situées en fonction de la localisation des ressources ferreuses. Si ces usines s’établissent sur des bases solides, elles détermineront sans doute certains changements dans la structure actuelle de l’industrie sidérurgique.

67L’établissement de ces projets a été précédé de certains calculs de caractère théorique et pratique effectués pour servir de base à la recherche de la capacité additionnelle qui doit être créée, ainsi que pour déterminer le moment précis de sa réalisation.

68Nous avons calculé ainsi les quantités de fonte nécessaire (sachant que 1 700 kg. de fonte se transforment en 1 000 kg. d’acier) et nous avons pu établir en ce qui concerne la production de la fonte une série de prévisions que l’on confrontera ensuite avec les calculs de développement de l’industrie sidérurgique, en tenant compte des éléments de hase dont elle dispose, c’est-à-dire des hauts fourneaux, des usines intégrées ou en voie d’intégration, ainsi que de l’évolution indispensable et équilibrée avec d’autres éléments de la production : fours d’affinage et trains de laminage..

69Les résultats de ces calculs montrent qu’en 1959 ou en 1960, un nouveau haut fourneau devra s’installer. Selon sa capacité, on peut prévoir la date à laquelle une nouvelle augmentation de la capacité sera nécessaire dans les mêmes lieux ou ailleurs.

70Sans doute, quand les produits finis provenant d’une nouvelle usine intégrée de capacité suffisante pour satisfaire les besoins du marché, seront offerts sur le marché concurrentiel, la parabole qui représente le développement de la production d’acier au four électrique aura tendance à s’aplatir, donnant naissance à une demande additionnelle de hauts fourneaux et, par conséquent, les dates fixées pour les agrandissements auront tendance à se rapprocher.

71Dans une nation comme la nôtre, où règne l’initiative privée, il est difficile de parler de planification sans provoquer certaines appréhensions dans les milieux qui soutiennent encore le culte d’une économie libérale ; étant donné le manque d’investissement (caractéristique des pays neufs) et le besoin d’un développement harmonieux et équilibré, il faut penser à une programmation et à une orientation minima qui permettraient une économie de ressources et une meilleure satisfaction des besoins nationaux, grâce à un système d’amélioration équilibrée du standard de vie de la population.

72Pour cela, les industries essentielles et particulièrement la sidérurgie, ont un rôle de promotion fondamental qui exige une intervention de l’État ou des accords privés ou mixtes, afin qu’elles ne restent pas stationnaires ni ne grandissent au hasard. Il faut examiner les différents éléments qui doivent les supporter et d’autre part, faire tout le possible pour lier la sidérurgie à toutes les industries au bénéfice du groupe industriel entier et de l’économie en général.

73Dans ce processus de création et de développement, les ressources naturelles représentent l’élément originel, essentiel et matériel qui sert de base à l’édifice ; à l’extrême opposé se trouvent les besoins que l’on doit satisfaire, les marchés, et entre les deux la technique et la géographie avec ses problèmes de localisation et de transport. Voyons quelle est en ce moment la situation de l’industrie sidérurgique au Mexique.

74Vers le centre de la République, du côté du golfe du Mexique, il y a du pétrole en abondance ; on trouve aussi du gaz naturel presque à l’extrême Nord de la République et dans la région du golfe vers le Sud.

75Le pays possède de 6 à 8 millions de chevaux en ressources hydrauliques dont 10 % seulement sont utilisés, mais il existe heureusement de grands projets, ambitieux, en voie de réalisation pour la production d’électricité.

76Comme nous l’avons déjà vu, le patrimoine de la nation en minerai de fer n’est pas très considérable, mais il est néanmoins d’une grande valeur pour le développement du pays. Dans la région du Pacifique Central, à peu près à la latitude de la ville de México, il existe une concentration très importante de minerai de fer.

77Nous savons déjà que les deux tiers du marché du fer et de l’acier de la Nation se trouvent au centre de la République, dans une zone dont le centre est la ville de México.

78Par ailleurs, les propriétaires et les concessionnaires des gisements de fer veulent vendre à l’étranger, faisant tort ainsi à l’exploitation future de l’industrie sidérurgique. Le gouvernement fait d’ailleurs le nécessaire pour éviter des exportations nuisibles.

79Étant donné ces considérations, on a abouti à une formule de développement de l’industrie sidérurgique dont les traits principaux seraient :

1. Intégrer et équilibrer les usines du Nord au maximum de capacité de leurs hauts fourneaux.
2. Créer en vue du développement économique de la Nation, un nouveau centre sidérurgique important qui utilise les ressources en fer du Pacifique avec participation et orientation du gouvernement. Cette nouvelle source de matières premières réduirait la pression qui a existé pour exporter les minerais de cette région ; l’usine s’installerait près du minerai de fer, s’éloignerait considérablement du charbon et du coke mexicains, mais aurait tendance à se rapprocher du marché. Cette tendance varierait en raison de la localisation, au fur et à mesure que l’on irait des côtes vers l’intérieur. Dans le premier cas, on pense à un port relié à l’intérieur par chemin de fer, Manzanillo. Les avantages de ce projet sont la possibilité de s’approvisionner par mer en matières premières, la facilité d’accès du minerai de fer des gisements situés près de la côte et enfin la possibilité de distribuer les produits finis le long de la côte du Pacifique, en employant les voies maritimes, pour stimuler un marché actuellement stationnaire mais qui s’agrandirait rapidement, surtout dans le Nord où se développe, à un rythme accéléré, une riche agriculture d’exportation et de consommation, grâce à un programme d’irrigation grandiose. Cette localisation permettrait en outre, l’accès des produits de l’usine projetée, sur le marché intérieur de la nation, dans des conditions au moins aussi avantageuses que pour les produits actuellement fabriqués dans les usines du Nord.

80L’autre cas consiste à créer une usine à l’intérieur du pays, dans un endroit où l’on disposerait d’eau en abondance, de préférence sur un réseau de chemin de fer qui permettrait un approvisionnement aisé en minerai de fer, lequel se trouverait plus éloigné que dans le cas précédent. Cette usine serait plus près du bassin houiller de Sabinas et naturellement des principaux marchés existants, c’est-à-dire plus près du centre de la République où la population s’est établie, où l’on dispose aisément d’une main-d’œuvre qualifiée et où les conditions de vie sont plus satisfaisantes.

81Quoique le choix entre ces deux projets n’ait pas encore été fait, l’entreprise qui doit les réaliser est en voie d’organisation. Elle sera créée avec la coopération d’éléments privés et de l’État, grâce à la Nacional Financiera, et une importante banque française, le Crédit Lyonnais, va financer ce projet sous la garantie du Gouvernement mexicain.

82Outre cet appui monétaire, l’entreprise jouira de l’aide technique et de l’expérience française. Une autre compagnie, en partie française, doit être créée dans une branche voisine de la sidérurgie ; elle construira des installations pour la fabrication des engrais azotés pour fertiliser nos terres et en élever les rendements. Son usine utilisera les gaz de la cokerie de Monclova. La compagnie française Saint-Gobain étudie actuellement les problèmes techniques de ce projet. Nous espérons que la coopération entre nos deux pays s’intensifiera dans l’avenir pour perpétuer une aimable tradition à bénéfices communs.