L’économie du Mexique d'aujourd'hui
|Les aspects démographiques du Mexique1
Texte intégral
- 1 Conférence faite le jeudi 12 avril 1956, à l’Institut des Hautes Études de l’Amérique latine.
1Au cours des dernières cinquante années la population du monde a augmenté plus rapidement qu’en n’importe quelle autre de ses étapes historiques, grâce au développement de l’hygiène, à l’asepsie, à l’antisepsie et à la prophylaxie. Les prévisions font espérer qu’un tel accroissement continuera à un rythme accéléré, au moins pendant les trente prochaines années, sauf l’éventualité de quelque désastre imprévu.
2En 1950, la population mondiale totale a été évaluée, en chiffres ronds, à 2 milliards et demi d’habitants. Pour 1980, les prévisions sont de presque 4 milliards d’habitants. L’augmentation envisagée (1 milliard et demi) excède l’actuelle population totale de l’Asie.
3En prévision du rapide accroissement de la population et du désir de réaliser l’amélioration de son niveau de vie, on peut se demander s’il sera possible de satisfaire aux besoins en alimentation et en matières premières, indispensables si l’on veut arriver à l’amélioration tant désirée, en face d’une augmentation de population si rapide. C’est-à-dire, sera-t-il possible, non seulement de maintenir l’équilibre actuel entre population et ressources, mais encore de l’améliorer ?
4La technique et le progrès ne demeurent pas statiques. L’offre, en matière d’alimentation, s’est développée de façon importante et sans doute continuera-t-elle dans cette voie. Au cours de ces dernières années (1952-1953) elle a augmenté au rythme de 2 % par an, c’est-à-dire, 50 % de plus que le rythme d’accroissement de la population au cours de la même période. Cependant cela ne signifie pas que, clans toutes les parties du monde, la population s’alimente mieux. Les augmentations les plus importantes dans la production de denrées alimentaires sont enregistrées, généralement, dans les pays les plus développés, où l’accroissement de la population est relativement lent. Il faut admettre, par ailleurs, que l’augmentation de la production en aliments ne se réalise pas toujours là où elle est nécessaire ou au moment où elle se révèle nécessaire.
5Le nouvel équilibre démographique a été atteint avec une natalité plus faible, mais avec une mortalité beaucoup moindre. Sans doute ces changements n’ont-ils pas été réalisés de façon égale dans le monde entier. Il y a des pays qui atteignent à peine les limites de la transition démographique. La santé et la médecine ne se sont pas améliorées, dans leurs applications pratiques, au même rythme dans tous les pays. Le développement commercial non plus, ni la mécanisation de l’agriculture ou l’amélioration des transports.
6Parmi les pays dont la population est à mi-chemin d’une rapide étape d’accroissement, remportant des victoires sur la mortalité qui compensent largement et pour de nombreuses années de possibles réductions de sa natalité, figure le Mexique. On y a réduit considérablement la mortalité et la natalité s’y est maintenue à un niveau qu’on a appelé démodé. Pour cette raison, la population du Mexique, avec un pourcentage actuel d’accroissement d’environ 3 %, figure parmi celles qui augmentent le plus rapidement.
7Dans certains pays, en dépit d’une meilleure application de la technique existante, la production totale de biens ne suffira pas à permettre une amélioration du niveau de vie et, en même temps, une augmentation rapide de la population. Il y a, pourtant, des contrées qui, si l’on y fait une meilleure application de la technique existante en utilisant des procédés plus économiques de production et en utilisant les ressources de façon plus intensive, peuvent subvenir aux besoins d’une population plus nombreuse que celle qu’ils comptent actuellement. Dans ces pays, le développement des ressources humaines n’est pas limité par les ressources naturelles, mais par le capital indispensable pour permettre une utilisation plus économique et plus rationnelle de semblables ressources. Il n’y a pas et il n’y aura pas de problème réel de surpopulation tant que le développement économique se maintiendra à un rythme qui permette l’augmentation de la production per capita, et cela est possible grâce à la présence de ressources naturelles suffisantes. Tel est le cas du Mexique.
8Le problème du Mexique est, comme celui d’autres pays, le problème d’une économie en voie de transition, le problème de l’insuffisance du capital par rapport à la population et aux ressources ; et non de l’insuffisance des ressources et du capital par rapport à la population. Ainsi l’augmentation et le rythme de croissance de celle-ci sont-ils étroitement liés au développement économique, car si ce dernier dépend de la formation du capital, une telle formation est puissamment influencée par le volume du marché, et par la capacité d’épargne de la population.
Total de la population
9La population actuelle du Mexique, qui représente environ 1 % de la population mondiale, atteint presque 30 000 000 d’habitants, la dernière évaluation officielle étant de 29 679 000. D’un point de vue démographique, le Mexique est le troisième pays du continent américain, soit 8 % de sa population totale et 16 % de celle de l’Amérique latine.
10La population mexicaine est d’importance moyenne, si on la compare à celle des autres pays du monde. Mais cela, en soi, n’a pas une grande signification. L’importance d’un pays dépend principalement de la qualité de sa population. Les pays les plus importants sont ceux qui, ayant d’importants revenus per capita, ont une population totale élevée.
11La plus grande préoccupation de l’économiste, en ce qui concerne la population, est de savoir si cette population peut fournir un marché qui permette des opérations économiques rentables. Le marché, qui représente le plus fort encouragement aux investissements, peut être insuffisant, soit parce que la population est trop faible, soit parce que le pouvoir d’achat de cette population est lui-même insuffisant. L’idéal serait donc d’obtenir un chiffre de population qui assure le meilleur équilibre avec les ressources et la technique existantes à un moment donné. Mais cela reste purement théorique, car la population, qu’elle soit très grande ou très petite, ne peut être aisément et rapidement ajustée aux possibilités d’un pays, du moins si l’on s’en tient à des méthodes qui respectent la morale et les sentiments humanitaires.
12Cependant, on parle souvent de minimum ou de maximum de population permettant d’obtenir les meilleurs résultats possibles. On estime qu’une population de 20 000 000 d’habitants ou encore une puissance de travail de 10 000 000 d’hommes est suffisante pour utiliser et obtenir tous les avantages d’une production sur une grande échelle. Mais ces chiffres ne peuvent s’appliquer de la même façon à tous les pays ; cela dépendra du volume de ressources naturelles, de leur distribution, etc., mais si l’on fait abstraction de ces éléments, le chiffre me paraît acceptable et applicable au cas du Mexique. Notre pays atteignit une population de 20 millions d’habitants en 1940 et c’est à ce moment-là — peut-être par pure coïncidence — que le développement économique du Mexique prit de l’essor. En tout cas, ce chiffre peut être pris en considération si l’on analyse le progrès économique du pays. Pour ce qui est du chiffre de 10 000 000 de personnes — considéré en tant que puissance de travail minimum — ce chiffre est actuellement atteint. Ainsi tous les avantages de la division du travail et les méthodes plus économiques de production pourront-ils être atteints ? ceci, naturellement en comptant que nous soyons capables d’utiliser au mieux nos ressources naturelles.
Causes de l’accroissement de la population
13L’accroissement rapide de notre population a commencé il y a vingt-cinq ans, au rythme d’environ 3 % par an. En 1900, la population du Mexique était de 13 600 000 habitants. Elle était, en 1930, de 16 500 000 d’habitants, c’est dire qu’au cours de cette période on a enregistré une augmentation de 1 % par an. Actuellement, nous l’avons déjà dit, on estime que la population s’élève à 30 000 000 d’habitants, ce qui représente un accroissement d’un peu plus de 80 % dans un quart de siècle.
14Cet accroissement a été obtenu grâce à une réduction impressionnante de la mortalité. Dans la période qui va de 1900 à 1910 les décès s’élevaient à 33 ‰. En 1941, ce chiffre descendit à 22 et, en 1950 à 16 ‰. C’est dire qu’en comparant les chiffres de la période 1900-1910 à ceux de l’année 1950 on constate une réduction de 50 % en chiffres ronds. Actuellement, le taux de mortalité est d’environ 15 ‰.
15La mortalité infantile, qui est considérée comme l’indice le plus exact du niveau d’hygiène et de santé d’une population, s’établit à 102 décès pour 1 000 naissances pour les années 1946-1950. Si on compare ces chiffres à ceux de la France — pour la même période — et qui sont 40 % moins élevés, on voit qu’il nous reste encore beaucoup à faire dans ce domaine. Mais il semble que l’on doive plutôt établir une comparaison avec les chiffres obtenus au Mexique pour des périodes antérieures. De 1900 à 1910, les décès furent de 300 ‰ ; de 1931 à 1940 de 131 ‰, c’est-à-dire 30 % de plus qu’au cours de la période 1946-1950.
16La mortalité infantile et la mortalité générale iront sans cesse en diminuant au Mexique grâce aux efforts réalisés en matière de salubrité, d’hygiène, de médecine, les assurances sociales réalisant chaque jour une œuvre très efficace dans ce domaine. Mais de toute façon la réduction de la mortalité ne sera certainement pas plus rapide qu’au cours des étapes antérieures, le niveau élevé de la mortalité à cette époque permettant des réductions spectaculaires.
17Dans le monde, le taux minimum de mortalité s’établit aux environs de 10 pour 1.000 habitants. Je pense qu’au cours des vingt ou trente prochaines années le Mexique pourra difficilement atteindre un tel chiffre, mais le nombre de ses décès se situera probablement au niveau de celui des pays accusant un taux de 13 ‰ ou un peu moins.
18Le taux de natalité, au Mexique, est d’environ 45 ‰ et peut être considérée comme l’un des plus élevés du monde. Il ne paraît nullement devoir diminuer, bien que l’on commence à constater, surtout dans les classes moyenne et élevée, une tendance à la formation de « petites familles ».
19Le professeur Davis estime que la population d’Amérique latine augmentera très rapidement jusqu’en 1970 et que, à partir de cette date, le taux de développement se réduira. Mais il est probable que cette probabilité ne s’appliquera pas au Mexique, dont le point de fléchissement de la natalité ne sera atteint que quelques années plus tard.
20Si l’on en juge par les tendances qui se manifestent actuellement dans le mouvement naturel de la population, au cours des vingt-cinq ou trente prochaines années on devrait pouvoir compter sur un taux de mortalité d’environ 13 ‰ et sur un taux de natalité moyenne de 43 ‰, et il s’établira, entre ces deux facteurs, une autre forme d’équilibre qui portera l’accroissement à près de 3 % par an. Ainsi, le maintien de ce rythme d’accroissement doublera-t-il notre population dans les vingt-cinq années à venir.
21Le Mexique se trouve actuellement dans une étape d’expansion démographique initiale où la mortalité est en voie de réduction. Mais ce n’est là qu’une étape de transition, transition démographique et économique. Lorsque l’on aura atteint un niveau économique plus élevé l’aspect démographique subira de profonds changements. Le Mexique n’a pas toujours eu le taux d’accroissement actuel. Cette étape est relativement récente dans notre pays et, à en juger par l’histoire démographique des autres nations, elle ne sera pas éternelle. Dès que l’on aura atteint le niveau suivant d’évolution démographique, on verra les taux des naissances se réduire plus rapidement que ceux de la mortalité, ce qui amènera un ralentissement dans l’accroissement de la population. Mais je crois qu’un tel niveau ne pourra pas être atteint d’une manière naturelle si l’on ne parvient pas à donner à l’évolution économique un essor plus rapide. Et la rapidité de cet essor déterminera le moment où l’on entrera dans la nouvelle étape démographique.
22Il est certain que l’indice des naissances diminue à mesure que l’économie d’un pays se développe, au moins dans la phase avancée de son développement et non pas dans la période initiale, pendant laquelle, cela est naturel, la plus grande production per capita et les meilleurs systèmes de distribution amènent une augmentation de la natalité. En un mot, l’augmentation de la population au Mexique, tant que durera l’actuel développement économique, ne sera pas limitée par les difficultés de production des aliments, mais par la volonté humaine. La limitation ou l’accroissement de la population mexicaine seront plutôt dictés par le souci du confort et du bien-être, car une des lois démographiques semble être que la natalité diminue à mesure que les niveaux de la culture et du bien-être s’élèvent.
23Les pays qui, comme le Mexique, passent par une phase à la fois de natalité très élevée et de régression de la mortalité, doivent en payer le prix sur le plan économique. La population qui n’a pas atteint l’âge de travailler représente un fort pourcentage par rapport à la totalité. Un poids considérable pèse sur la population adulte économiquement active.
24Avant de pouvoir commencer à produire, cette partie de la population consomme ; et cette augmentation de la natalité grève dans l’immédiat les possibilités de formation du capital. L’augmentation de la population, en effet, ne produit pas le capital ; bien au contraire, elle nécessite, au cours des premières années, un surcroît de consommation et d’investissement ; investissement pour la formation de spécialistes, pour l’éducation et l’amélioration de la santé publique.
25Dans tous les pays où l’on enregistre une rapide augmentation de la population, une réduction de celle-ci permettrait une augmentation du revenu per capita et, par là même, un développement économique plus rapide. Mais le contrôle des naissances, ou le « family planning », ne peut pas toujours être utilisé là où il serait le plus utile, c’est-à-dire dans le milieu de la population du pays qui s’accroît le plus, et qui se trouve généralement être celle de revenus économiques faibles et de culture peu élevée, par exemple, la population rurale.
26Pour le Mexique, entre la solution qui consiste à ajuster l’accroissement économique à celui de la population et celle consistant à ajuster l’augmentation de la population au développement économique, je préfère la deuxième, car notre pays est en train d’augmenter sa production agricole à un rythme accéléré, exportant en quantités suffisantes pour permettre les importations de biens d’équipement. D’autre part, nos importations en produits alimentaires se sont réduites. La production réelle nette per capita a augmenté annuellement de 4 1/2 % pendant la période 1939-1954, ce qui permet de considérer le Mexique comme un pays où le développement économique est rapide et constant, en dépit de son accroissement démographique considérable.
27La pyramide d’âge de la population mexicaine repose sur une large base d’enfants et de jeunes gens et elle donne une idée de la phase d’accroissement démographique vigoureux dans laquelle se trouve actuellement le pays. Le pourcentage des moins de 15 ans est de 42 %, alors qu’en France, par exemple, il est seulement de 22 %. Par contre, la population du Mexique en âge de travailler, entre 15 et 59 ans, est de 53 %, celle de la France de 62 %. Dans notre pays, les personnes de plus de 60 ans représentent seulement 5 % de la population totale, tandis qu’elles atteignent en France 16 %.
28Cette comparaison donne une idée claire de la jeunesse de la population mexicaine. Or, les différentes répartitions des groupes d’âges provoquent nécessairement des différences dans les perspectives économiques et sociales des pays. Le Mexique verra une rapide augmentation de sa puissance de travail au cours des prochaines années. Le nombre des demandes d’emploi sera très supérieur à celui des places disponibles par suite de décès ou de retraites. Le problème immédiat est donc la préparation technique et la possibilité de donner un emploi au grand nombre de jeunes gens qui atteignent l’âge de travailler. Il y a, dans notre pays, une pénurie au sein de l’abondance, du fait que l’ensemble de la puissance de travail se trouve constitué en majorité par des individus sans spécialisation ou de faible spécialisation. Mais il n’existe aucun facteur ou usage culturel qui s’oppose à leur formation professionnelle en vue de leur adaptation aux disciplines industrielles, indispensables aux procédés de production moderne.
29Les populations qui décroissent ou qui s’accroissent lentement n’ont aucune difficulté à maintenir leur capacité productive per capita ou à l’augmenter. Par contre, dans le cas du Mexique, le problème se complique du fait que, pendant les années où son développement continuera à être très rapide, il possédera une quantité croissante d’enfants encore inaptes aux activités productives. Une population à l’accroissement vertigineux tendra en général à l’arrêt forcé, au chômage latent, tant que l’accroissement de son activité économique ne sera pas égal ou supérieur à celui de sa population.
30De plus, cette distribution par âges de la population influence dans une certaine manière l’offre et la demande. Ainsi, dans les pays comptant une population jeune, il y aura une demande croissante d’articles pour la jeunesse comparativement supérieure à celle des produits consommés par les adultes.
31Les habitants d’un pays ne travaillent pas tous à des occupations productives. Le total de la population détermine le nombre d’individus capables de participer aux activités économiques. Et le degré de développement économique détermine, à son tour, le pourcentage d’utilisation de ces ressources humaines. L’accroissement du pourcentage de travailleurs au sein de la population augmente la division du travail d’un pays et produit des « économies internes » et « externes ». Plus les industries se spécialisent et plus l’activité économique s’améliore.
- 2 1946. Statistical Year Book.
32Au Mexique, seuls 32 % de la population totale participent à des activités économiques, tandis que dans d’autres pays plus développés, on enregistre des pourcentages élevés. Une moyenne prise dans les 21 pays économiquement les plus développés nous donne un chiffre voisin de 46 % ; dans d’autres, comme la France, ce pourcentage atteint 48 %2. Avec le développement économique, la proportion de la population qui participe à la vie économique s’élève. Le faible pourcentage de la population actuellement employée dans des activités économiques rémunérées, au Mexique, s’explique en partie par un niveau économique plus bas, ainsi que par un moindre pourcentage de population adulte comparée à celui des pays que je viens de mentionner.
33Le Mexique, non seulement a un faible pourcentage de forces de travail, mais celles-ci sont en grande partie consacrées à des activités primaires, ce qui est le fait de tous les pays sous-développés, où les aliments nécessaires sont fournis par une grande partie de la population alors que c’est le cas absolument opposé pour les pays très développés. Ceux-ci ont presque toujours, en effet, un pourcentage de population plus élevé occupé à des activités secondaires et tertiaires. Ainsi aux États-Unis, les activités primaires comprenant l’agriculture, l’élevage et la pêche absorbèrent dans la période de 1925 à 1934 seulement 19 % des forces de travail ; en France, 25 % et au Mexique — au cours de l’année 1950 — presque 58 %. Cette situation n’est cependant pas statique et l’on a noté quelque diminution par rapport aux étapes antérieures. En 1930, le pourcentage des forces de travail occupées dans des activités primaires au Mexique était légèrement supérieur à 70 %.
34D’autres pays, comme par exemple les États-Unis, ont également passé par des transitions semblables. En 1870, 52 % de la population de ce pays s’adonnait à l’agriculture ; en 1940, ce pourcentage n’était plus que de 17 %.
35Un autre aspect important de la main-d’œuvre au Mexique est la petite participation que prend la femme aux activités productives. Dans la population économiquement active du Mexique les femmes représentaient, en 1950, 13 %. Dans d’autres pays de plus grand développement, comme l’Allemagne, la France, le Japon, ce pourcentage est supérieur à 35 %. Cependant chaque jour la participation de la femme à la vie économique augmente : en effet, sa collaboration qui, en 1940, équivalait à 7 % n’était que de 4 % en 1930.
36En résumé, on peut dire que le Mexique, par rapport à des pays plus développés, a une proportion relativement basse de sa population occupée à des activités économiques ; que, d’autre part, un très petit pourcentage en est fourni par les femmes ; et que, dans la distribution par groupe d’activités économiques, la plus grande partie de la population se consacre à l’agriculture.
37Ce pourcentage élevé de la population occupée à l’agriculture pourrait faire croire que c’est cette branche d’activité qui produit la proportion la plus élevée du revenu national. Mais les activités agricoles au Mexique, bien qu’elles absorbent les trois cinquièmes (3/5) de la population productive, ne produisent que le quart du revenu national. Ceci signifie que sa production est très basse et qu’il existe un problème de sous-emploi.
Distribution de la population
38La plus grande partie de la population mexicaine vit dans le centre du pays. Ce n’est pas là le résultat d’un caprice mais bien du fait que les bonnes conditions du climat et l’abondance des terres cultivables amènent la population à vivre dans cette région. La partie centrale du pays, qui représente environ 14 % de l’étendue totale du pays, possède 38 % des terres cultivables.
39Dans l’examen de la répartition de la population mexicaine, la redistribution de cette population dans la zone centrale et son rapide accroissement dans le nord du pays méritent d’être signalés.
40La zone centrale, qui comprend les États d’Aguascalientes, Guanajuato, Hidalgo, Jalisco, México, Michoacán, Morelos, Puebla, Querétaro et le District Fédéral comptait, en 1950, une population équivalente à 48 % de la population totale, tandis qu’en 1900 elle était un peu supérieure à 50 %. C’est-à-dire que, bien que la population totale de la partie centrale du pays se soit accrue de façon notable, sa part, dans cet accroissement s’est légèrement réduite. De toute façon, elle continue d’être, et de beaucoup, la partie la plus peuplée du Mexique. Cependant, l’accroissement ne s’est pas réparti d’une façon uniforme au cours des dernières années. Tous les États qui constituent cette zone ont vu réduire leur pourcentage par rapport au total, tandis que celui du District Fédéral a augmenté de façon spectaculaire. En effet, en 1900, la population du District Fédéral qui, dépassant de quelque peu un demi-million d’habitants, représentait environ 4 % de cette totalité a vu, en 1950, sa population dépasser 3 000 000 en chiffres ronds, arrivant à représenter, de la sorte, 12 % de la population totale du pays. D’après les dernières informations la population du District Fédéral s’élève déjà à 4 000 000 d’habitants.
41Le Nord du pays — dont l’économie était traditionnellement fondée sur les activités minières et sur l’élevage — se modifie de façon remarquable.
42De nouvelles terres ont été gagnées à la culture et permettent d’assurer une prospérité agricole sans précédent. C’est au cours des dernières années du xixe siècle que la zone nord commença à se développer de manière sensible, bien que ce ne soit que depuis 1940 que ce développement ait pris des proportions véritablement très importantes. Je crois que quelques chiffres sur l’accroissement de certaines villes frontières permettront de donner une idée de la situation actuelle. De 1940 à 1950 la ville de Nuevo Laredo a vu sa population augmenter de 100 %, celle de Ciudad Juárez de 149 %, celle de Matamoros de 170 %, celle de Mexicali de 240 % et celle de Tijuana de 259 %. Qu’on ne croit surtout pas qu’il s’agit ici de toutes petites villes où, naturellement, on peut enregistrer des accroissements spectaculaires. Parmi celles que nous avons citées, il n’y en a qu’une qui compte moins de 50 000 habitants, trois en comptent de 50 à 100 000 et une plus de 100 000. Ces chiffres prouvent l’important processus d’urbanisation que traverse le Mexique et qui a été obtenu par d’importants mouvements migratoires internes.
43Les changements économiques enregistrés dans les trente dernières années ont apporté l’amplification ou la réduction, dans certains cas, des différences économiques entre les diverses parties ou zones du pays. Toutes participent, généralement, à un niveau de vie plus élevé. Cependant, certaines concentrations urbaines, comme le District Fédéral, Monterrey, Guadalajara et Torreón, par exemple, sont très au-dessus, dans les revenus per capita, d’autres villes du centre ou du sud. L’activité commerciale et manufacturière s’est principalement concentrée dans le District Fédéral et dans les grands centres urbains ci-dessus énumérés.
44D’après les chiffres du recensement commercial de 1945, la capitale groupait 34 % de tous les établissements commerciaux dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 10 000 pesos et presque 50 % des investissements du Mexique. Du point de vue industriel et pour cette même année, le District Fédéral comprenait 32 % des établissements industriels, 28 % des investissements de cette activité et 30 % du personnel employé. Il est certain que, dans l’ensemble mexicain, l’activité économique du District Fédéral représente environ 20 % de la totalité.
45Il est naturel que l’énorme majorité des migrants internes (peut-être plus de 80 %) se dirigent vers le District Fédéral où il existe de plus grandes possibilités de travail et des salaires généralement plus élevés, en plus des autres attraits propres aux grandes villes, ce qui également compte beaucoup.
46Si nous examinons le total des mouvements migratoires internes de 1940 à 1949, nous voyons que seule la zone du Pacifique Nord a gagné en population par suite des migrations internes, outre le noyau du District Fédéral, et que la zone qui en a perdu davantage, si l’on exclut toujours le noyau du District Fédéral, est celle du Centre du pays.
47Les diminutions de population par migrations intérieures sont fondamentalement enregistrées dans les États de plus grande densité démographique ou bien dans ceux où les paysans ne peuvent compter sur des terres suffisantes, cependant que les zones qui acquièrent le plus de population, par suite des migrations, sont celles qui possèdent les meilleurs salaires réels et des qualités d’hygiène et de services publics élevés.
48Tout ceci semble indiquer qu’un fort processus de redistribution de la population commence au Mexique, allant des zones de plus grande densité de population — exception faite pour le District Fédéral — vers celles qui présentent de nouvelles caractéristiques de développement·, mais le plus important mouvement est celui de la campagne vers la ville.
49On pourrait être tenté de mesurer le développement économique national par la modification et le changement qu’ont subi et que subissent les pourcentages de la population rurale et urbaine mexicaine. Si l’on considère comme population rurale celle qui réside dans des localités inférieures à 2 500 habitants, le recensement de 1940 permet de l’évaluer à 65 %, cependant qu’au début du siècle elle devait être d’environ 72 %. Pour 1950, la population rurale a été réduite à 57 % de la population totale. Bien que dans les zones rurales, l’accroissement de la population soit plus élevé, on remarque une diminution du pourcentage, ce qui prouve que le processus d’urbanisation est, non seulement suffisamment élevé pour absorber les différences existant entre l’accroissement rural et l’accroissement urbain, mais aussi pour réduire l’importante participation de la population rurale dans la population totale du pays. La population urbaine comptait respectivement en 1921, 1930, 1940 et 1950 les suivants pourcentages : 23, 26, 28 et 43 %.
50En 1900, il n’y avait dans le pays que deux villes comptant plus de 100 000 habitants : México et Guadalajara. En 1950, il y en avait déjà 10. En 1900, les villes dépassant 50 000 habitants étaient au nombre de 6. En 1950 il y en avait 24.
51En conclusion, le Mexique fait partie des pays dans lesquels, grâce à une meilleure application de la technique existante, la population actuelle peut grandir.
52Le pays se trouve à mi-chemin d’une rapide étape d’accroissement démographique. Sa population est suffisante pour permettre la constitution d’un vaste marché dans lequel seront utilisés et obtenus les avantages de la production sur une grande échelle.
53L’augmentation rapide de la population a été obtenue grâce à une forte réduction de la mortalité infantile. Le Mexique n’a pas toujours connu un rythme d’accroissement aussi rapide qu’aujourd’hui, et ce rythme ne sera pas éternel.
54La limite de son accroissement ne lui sera pas imposée par l’insuffisance de production alimentaire, mais par le développement économique, puisque lorsque le niveau de vie s’élève la natalité tend à se réduire.
55Le Mexique paye actuellement le prix de sa très haute natalité. Le pourcentage de sa population inférieure à 15 ans, qui est 100 % plus élevé que dans de nombreux pays européens, pèse sur la population adulte économiquement active.
56Comme preuves du développement économique, nous pouvons souligner les tendances favorables suivantes :
- Diminution du pourcentage de la population économiquement active consacrée à des activités primaires.
- Augmentation du pourcentage de la participation de la femme mexicaine aux activités économiques, qui a presque doublé dans la période 1940-1950.
- Existence d’un fort courant migratoire interne allant de la campagne vers la ville, avec pour conséquence l’augmentation du processus d’urbanisation, sans compter un certain déplacement vers la zone nord du pays à la recherche de plus hauts niveaux de salaires et d’un meilleur standing de vie.
57Pour nous Mexicains, le développement économique, étroitement lié au nombre et à la qualité de nos hommes, ne constitue pas un objectif, mais un moyen d’atteindre des niveaux supérieurs de confort et de culture. Nous souhaitons que chaque individu soit un véritable citoyen.
58Nous n’oublions pas qu’il est moins difficile de réduire la mortalité que de produire, de maintenir et d’intensifier le développement économique.
59Le Mexique lutte sur deux fronts. Les résultats commencent à être sensibles.
Notes
1 Conférence faite le jeudi 12 avril 1956, à l’Institut des Hautes Études de l’Amérique latine.
2 1946. Statistical Year Book.
© Éditions de l’IHEAL, 1957