Le « processus de changement » en Bolivie
| ,Deuxième partie. (re)Positionnement dans l'espace régional latino-américain et sur la scène internationale
Introduction
Texte intégral
- 1 A.-L. Amilhat Szary, « Frontières et intégration régionale en Amérique latine : sur la piste du cha (...)
1Depuis l’arrivée au pouvoir d’Evo Morales en 2006, la position et la stratégie de la Bolivie en Amérique du Sud ont sensiblement évolué dans un contexte d’intégration régionale en mouvement. En 2006, l’adhésion de la Bolivie à l’Alliance bolivarienne pour les Amériques (Alba), puis la nationalisation des hydrocarbures ont démontré la volonté du gouvernement bolivien de redéfinir ses relations sur la scène internationale, en particulier avec les pays de la région. À l’instar de ses voisins, la Bolivie tente de tirer son épingle du jeu face à la multitude et à la superposition des projets d’intégration qui caractérisent l’Amérique latine et qui impliquent des stratégies « néo-régionalistes » ou « plurilatérales » par la multiplication d’accords bilatéraux et l’insertion dans des espaces d’intégration de plus en plus vastes1.
2Le « virage à gauche » de l’Amérique du Sud a été marqué en effet par la création de nouveaux traités, accords et marchés venant s’ajouter à des aires d’intégration déjà existantes en situation de crise, traversées par de multiples conflits bilatéraux ou par manque d’ossature institutionnelle et politique. Cette dynamique régionale s’organise autour d’une réorientation des projets énergétiques et d’infrastructures, mais aussi autour d’une intention partagée de soutenir une unité politique régionale, laquelle est restée néanmoins de l’ordre de la mystification. Cette reconfiguration présente la particularité de se réaliser sous un régime d’actions intergouvernementales, aucune de ces entités sud-américaines n’étant dotée d’institutions supranationales.
- 2 L. Perrier-Bruslé, « Le gaz bolivien : la Bolivie face à son avenir », Outre-terre, no 18, 2007 ; A (...)
3Pourvue d’importantes réserves de gaz naturel, membre de la Communauté andine des nations (CAN), de l’Association latino-américaine d’intégration (Aladi), de l’Union des nations sud-américaines (Unasur), de la Communauté des États latino-américains et caribéens (Celac), de l’Initiative pour l’intégration de l’infrastructure régionale sud-américaine (Iirsa) et enfin membre associée au Marché commun du Sud (Mercosur), la Bolivie idéalement située au centre de l’Amérique latine souhaite se placer à la croisée du plus grand nombre de projets régionaux, qu’ils soient politiques ou économiques. Depuis les guerres du Pacifique (1879-1883) et du Chaco (1932-1935) qui lui ont infligé des pertes territoriales considérables et stratégiques, cet objectif apparaît comme permanent et la Bolivie n’a cessé de négocier son désenclavement en échange de ses ressources naturelles, d’abord minières, puis gazières et agricoles2.
4Au-delà de cette constante, la politique extérieure régionale de la Bolivie connaît plusieurs réorientations importantes sous le mandat du président Evo Morales. Tout d’abord, un basculement progressif semble s’opérer de la CAN vers le Mercosur, non sans une profonde hésitation liée à de nombreuses incertitudes commerciales, juridiques et politiques qui se traduit par une position ambiguë, voire contradictoire, à l’égard des deux blocs régionaux. D’autre part, l’amélioration des relations avec le Chili par l’ouverture historique d’un dialogue bilatéral au cours des premières années de la présidence de Morales, un dialogue aujourd’hui refermé depuis que les deux pays se sont affrontés par dossiers interposés au tribunal international de La Haye. Enfin, le rapprochement avec le Venezuela chaviste s’est caractérisé par une participation active à l’Alba et le développement des relations avec les pays dits « non alignés ».
- 3 H. Constant Rosales (dir.), Fundamentos filosóficos de la nueva integración del Sur, Caracas, Edici (...)
5Ces orientations s’inscrivent en grande partie dans le cadre d’une « diplomatie des peuples » proposée par Evo Morales depuis le sommet de Mar de Plata en novembre 2005 avant même son investiture. Celle-ci cherche à démocratiser le champ des relations diplomatiques monopolisé par les États en assurant une participation active de secteurs organisés de la société civile (mouvements sociaux, entrepreneurs, peuples autochtones, etc.) dans les discussions et les accords internationaux3. De manière symbolique ou effective, le gouvernement d’Evo Morales applique cette nouvelle forme de diplomatie pour mener à bien ses objectifs de politique extérieure dans la région et au-delà.
Notes
1 A.-L. Amilhat Szary, « Frontières et intégration régionale en Amérique latine : sur la piste du chaînon manquant », in C. Flaesch-Mougin et J. Lebullenger, Regards croisés sur les intégrations régionales Europe/Amériques, Bruxelles, Bruylant, coll. « Rencontres européennes », 2010.
2 L. Perrier-Bruslé, « Le gaz bolivien : la Bolivie face à son avenir », Outre-terre, no 18, 2007 ; A. Seoane Flores, « La inserción de Bolivia en la economía mundial: una mirada crítica al post-neoliberalismo », Umbrales, no 17, 2008, p. 57-92.
3 H. Constant Rosales (dir.), Fundamentos filosóficos de la nueva integración del Sur, Caracas, Ediciones del Instituto de Altos Estudios Diplomáticos Pedro Gual, 2007.
Table des illustrations
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Titre | Carte 1. Processus d’intégration régionale en Amérique latine en 2018 |
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