Le « processus de changement » en Bolivie
| ,Première partie. Les principales caractéristiques et actions du gouvernement d’Evo Morales
Introduction
Texte intégral
1L’élection en 2005 d’Evo Morales à la présidence de l’État bolivien a fait l’objet de nombreux commentaires et a souvent suscité un sentiment de surprise. Pourtant, si l’on considère les événements sociaux et les évolutions politiques des dernières décennies, la montée en puissance d’Evo Morales et de sa formation politique, le Movimiento al Socialismo s’inscrit dans un scénario relativement prévisible.
2Le changement de modèle économique et politique amorcé dans les années 1980, au moment même où la population bolivienne retrouve le chemin de la démocratisation, va constituer le terreau de la Bolivie actuelle et ouvrir la voie au projet de refondation du pays porté par le MAS. Des ajustements structurels liés à la libéralisation agressive et accélérée de l’économie bolivienne va surgir un puissant mouvement social emmené par les producteurs de feuilles de coca luttant pour la souveraineté nationale. De l’adoption du multiculturalisme libéral suscité en grande partie par un réveil autochtone et l’instauration de politiques néo-indigénistes, découle l’insertion au premier plan de la dimension identitaire dans le champ politique. De la décentralisation participative émergent des formations politiques paysannes et autochtones qui occupent une place croissante sur la scène électorale locale puis nationale.
3Tous les ingrédients sont réunis pour voir émerger un mouvement politique des secteurs sociaux, dont le leadership apparaît peu à peu en la figure du syndicaliste paysan Evo Morales. Le cycle d’instabilité sociale et politique qui s’amorce au début des années 2000 va en effet favoriser la consolidation du MAS, né dans les années 1990, et son accès au pouvoir. Depuis 2006, cette formation politique, qui se réclame d’un genre nouveau, gouverne la Bolivie et engage ce pays dans un « processus de changement » annoncé comme profond et radical. Celui-ci s’opère principalement par un retour de l’État qui redéfinit le cadre du développement national, régule le marché et y intervient à l’occasion, se réapproprie les secteurs économiques définis comme stratégiques par leur nationalisation, redistribue plus largement au sein de la population les richesses générées par la hausse des taxes et des impôts sur l’exploitation des ressources naturelles qui s’intensifie toujours plus. Si l’orientation étatiste impulsée par le MAS est constatée et clairement établie par bon nombre d’observateurs, la politique générale du gouvernement d’Evo Morales s’avère, à l’inverse, difficile à cerner et à étiqueter. De même, la question du changement de modèle politique, économique et social reste posée et discutée.
© Éditions de l’IHEAL, 2019