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Séville et l'Atlantique, 1504-1650 : Structures et conjoncture de l'Atlantique espagnol et hispano-américain (1504-1650). Tome II, volume 2

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Pierre Chaunu

Cinquième partie. La grande dépression (1623-1650)

Chapitre VII. Le cycle des ruptures (1632-1641). La seconde fluctuation primaire (1635-1638)

Texte intégral

1Au-delà de 1634, un changement se dessine, qu’une vue superficielle et rapide des choses risquerait de laisser échapper. Malgré la tendance plus rapidement décroissante que jamais, l’expansion cyclique réussit à contrebattre, sur trois ou quatre ans, la vague de fond de la dépression.

2Il suffit de rappeler quelles sont les moyennes annuelles du mouvement lors des deux premières fluctuations. A l’Aller, 59 navires, de 1632 à 1634, 69,75 navires, de 1635 à 1638, 16 470 toneladas et 17 150,75 toneladas. Au Retour, 40,3 navires et 39 navires, mais 11 840 toneladas et 12 652,5 toneladas. En Allers et retours, 99,3 navires, de 1632 à 1634, 108,75 navires, de 1635 à 1638, 28 310 toneladas de 1632 à 1634, 29 803,25 toneladas, de 1635 à 1638.

3On peut dire qu’à la limite, l’expansion cyclique décennale est tellement dominante qu’elle masque à peu près totalement la fluctuation plus courte et, dans une moindre mesure, la tendance majeure, elle-même.

I. — 1635 : SITUATION CONTRADICTOIRE, MAIS REPRISE QUAND MÊME

4Il en va, ainsi, dès 1635, comparé aux années qui viennent, le mouvement semble, en 1635, dessiner un creux. Une bonne partie des traits de la dépression — ce n’est pas douteux — sont conservés. Pourtant, si, dépassant les apparences du découpage annuel, on tient compte des défis que le négoce a eu à surmonter, en 1635, on sera tenté, malgré les difficultés à le comprendre, à placer alors les premiers signes sûrs de la reprise.

LA LEÇON DES CHIFFRES

5On ne saurait. attendre, en 1635, une réponse ferme des mouvements globaux, en raison de l’ampleur des défis, auxquels la Carrière des Indes a à faire face et de la complexité des phénomènes qui interfèrent.

1. L’équilibre Allers et Retours

6L’année 1635 est placée sous le signe d’une double distorsion, quantitative et qualitative, des Allers et des Retours. En nombre, les Allers l’emportent sur les Retours : 64 navires au départ, 50 navires à l’arrivée ; en tonnage, par contre, les Retours pèsent plus lourd : 17 674 toneladas (20 325,1 tonneaux) contre 15 700 toneladas (18 055 tonneaux) pour les Allers.

  • 1 Cf. t. V, p. 273.

7Cette distorsion s’explique par un gros dénivellement du tonnage unitaire : 245,3 toneladas à l’Aller, 353,48 toneladas au Retour. Ce dénivellement, qui caractérise la seconde fluctuation primaire du cycle, est dû à la mise en mouvement d’un vieux stock immobilisé aux Indes et, surtout, peut-être, aussi, à l’apparition, à l’Aller, seulement, de navires étrangers1, plus petits, qui coupent court au Retour. A la limite, il impliquerait donc la liquidation d’un très vieux stock immobilisé aux Indes et un commencement de désorganisation des vieux circuits de navigation... Ne signale-t-on pas comme n’étant plus exceptionnels des navires étrangers qui, au lieu de rentrer à Séville faussent compagnie aux convois sur le chemin du Retour ? Mais il ne faut rien exagérer encore.

  • 2 Cf. t. VI1, table 159, p. 356 ; t. VII, p. 52-53.

8Le déséquilibre Allers et retours s’exprime en un chiffre, le pourcentage des Retours au total, soit 52, 96 %2. Ces 52,96 % constituent une belle anomalie positive des Retours — le procédé graphique employé dans la table 159 du tome VI1, impression en caractères gras plus gros que la normale, le montre du premier coup d’œil. La portée de cette anomalie positive est à peine diminuée par la légère anomalie négative de 1634 (pourcentage des Retours, 30,95 %). Elle se trouve considérablement renforcée, par contre, si on replace le mouvement dans la perspective des années suivantes. De 1635 à 1637, sur trois ans, une forte anomalie positive des Retours s’affirme ; en tonnage, sinon en unités, le mouvement des Retours arrive à équilibrer, pratiquement, celui des Allers, 154 navires, 50 450 toneladas, au Retour, contre 207 navires et 50 803 toneladas à l’Aller. C’est là un élément explicatif décisif de la forte conjoncture des Allers de 1636 à 1638. Cette conjoncture s’exprime par un niveau très fort de 215 navires et 52 903 toneladas, soit un niveau annuel de 71 2/3 navires et 17 634 1/3 toneladas. Il suffira pour l’apprécier de le reporter aux moyennes du cycle, soit, respectivement, 57,2 navires et 15 329,2 toneladas. On appréciera mieux, ainsi, l’importance Je l’anomalie positive des Allers. Cette anomalie positive, qui brave la tendance majeure manifestement décroissante, est à porter intégralement à l’actif d’une puissante expansion cyclique.

9Mais pour apprécier la position très forte de 1635, c’est le rapport Retours 1634-Allers 1635 qu’il faut établir. Il est, particulièrement édifiant. Il dégage un fort excédent des Allers de 42 navires et de 7 590 toneladas, soit de 191 % sur le mouvement unitaire et de 93,5 % sur le mouvement en tonnage.

2. Allers

  • 3 Cf. ci-dessus p. 1723.

10Ce rapport, il faudra l’avoir toujours présent à l’esprit, pour apprécier exactement la position de 1635 sur le mouvement. Quel que puisse être le niveau vrai du volume des échanges, en 1635, il ne faut pas perdre de vue le rapport des dépassements par les Allers des Retours de l’année précédente. Ce dépassement relatif était, en tonnage, de 40 % en 1633, de 25 % en 16343, il atteint 93,5 % en 1635 — il est même de 191 % sur le mouvement unitaire Allers de 1635 et Retours de 1634. En fait, les chiffres expriment, simplement, plus encore qu’un état de santé intrinsèque, l’ampleur des défis qu’il a fallu surmonter. Faible en 1634, le défi a été particulièrement fort en 1635.

  • 4 Cf. ci-dessus p. 1714,.. 1723.

11C’est lui qui explique, certainement, au premier chef, le comportement, a priori, médiocre, du mouvement Allers. De 65 navires à 64 navires, on peut parler d’une égalité à peu près parfaite, tassement de 1,5 % seulement, en tonnage, par contre, de 17 714 toneladas à 15 700 toneladas, de 20 368,8 toneladas à 18 055 tonneaux, le tassement plus considérable est de l’ordre de 11,4 %. Ce tassement est dû, par conséquent, à peu près uniquement, à une importante modification du tonnage unitaire passé de 274,5 toneladas à 272,5 toneladas4 en 1633 et 1634, à 245,3 toneladas, seulement, en 1638.

  • 5 Cf. ci-dessus, p. 1729-1730 et t. VI1, table 17, p. 176-177.
  • 6 Cf. t. VI1, table 17 ; de 9 ans 9 mois lors de la demi-décade 1631-1635, l’âge moyen présumé du sto (...)

12Cette modification du tonnage unitaire est d’autant moins dépourvue de signification qu’elle est moins isolée. Elle s’applique, en effet, à l’ensemble de la fluctuation primaire médiane du cycle, de 1635 à 1638 : 245,9 toneladas, au lieu de 279,1 toneladas et 304,1 toneladas, à l’Aller, de 1632 à 1634 et de 1639 à 1641. Elle s’accompagne, en outre, d’une importante distorsion entre le tonnage unitaire des Allers et celui des Retours (tonnage unitaire des Allers en 1635, 245,3 toneladas, de 1635 à 1638, 245,9 toneladas, de 1635 à 1637, 245,4 toneladas, de 1635 à 1638). Cette distorsion est un signe non négligeable de reprise à la limite. Parce qu’elle implique la nécessité devant laquelle le négoce s’est trouvé placé de faire appel à un matériel naval de second plan. Parce que le fléchissement du tonnage unitaire masque, dans une certaine mesure, le gonflement cyclique du trafic (moyenne annuelle de la fluctuation 1632-1634, à l’Aller, 59 navires, de 1635 à 1638,69 3/4 navires). Cette distorsion traduit, aussi, la mise hors circuit, d’un très vieux matériel arrivé à bout de souffle5. On ne trouve pas, tout de suite, de quoi le remplacer. D’où, en même temps, une première ébauche de rajeunissement encore timide du matériel naval6. Rajeunissement — à peine perceptible — qui est largement payé par une réduction massive du niveau global des navires, au terme de ces quelques années.

13Autrement dit quels que soient les éléments de médiocrité du niveau de 1635, que le fléchissement par rapport au trend (100,79 % à 97,65 %) exprime et peut-être exagéré, le jugement qu’il faut porter sur l’année n’est pas simple.

3. Retours

  • 7 Cf. t. V, p. 276.
  • 8 Cf. t. V, p. 278.

14Le comportement des Retours est très différent. Le mouvement fait ici, par contre, un énorme saut en avant, de 22 à 50 navires, de 8 110 toneladas à 17 674 toneladas, de 9 326,5 tonneaux à 20 325,1 tonneaux. Il s’agit, au premier chef, en partie, mais en partie seulement, d’un nœud qui se dénoue. Sans cet élément de rétention et de désaccumulation, on ne pourrait imaginer un tel saut en avant, de 127 % sur le mouvement unitaire et de 117,9 % sur les tonnages. La preuve en est fournie dans la chronologie même des Retours : on trouve, dans les Retours de 1635, comme dans tous les Retours de structure analogue, bénéficiant d’un effet de récupération, les deux strates chronologiques, le convoi combiné qui rentre à Cádiz le 10 juin 16357 et celui qui fait son entrée à San Lúcar, le 18 décembre8.

  • 9 Cf. t. VI1, table 161, p. 466.

15La mutation, toutefois, que l’on observe sur les Retours, à la charnière de la première et de la seconde fluctuation primaire, est une mutation d’une certaine ampleur. Les écarts à la moyenne le prouvent. Après quatre ans de ce qu’on peut considérer, avec un certain recul, comme une anomalie négative, 14,78 %, 101,4 %, 108,1 % et 66,62 % de 1631 à 1634, on débouche, sur trois ans d’anomalie manifestement positive, 151,1 %, 154,6 % et 126,1 % de 1635 à 16379. On en a une contre-épreuve en comparant la moyenne annuelle des Retours de 1635-1637, soit 51 1/3 navires et 16 816,6 toneladas aux moyennes, soit de la première fluctuation, 41,9 navires, 11 840 toneladas, soit de l’ensemble du cycle, 43,4 navires, 11 715,6 toneladas. La mutation des Retours de 1634-1635 est, donc importante, dans la mesure où elle débouche sur un plateau de trois ans. La grande poussée cyclique centrale du trafic est donc accompagnée, mieux précédée par la poussée cyclique des Retours, selon un schéma souvent répété.

4. Allers et retours

16La mutation des Retours est telle qu’elle commande sans hésitation, la mutation des globaux, Allers et retours. De 87 navires à 117 navires, de 25 824 toneladas à 33 374 toneladas (de 29 495,1 tonneaux à 38 980 tonneaux), on est en présence d’un fort élan en avant, de 34,5 % sur le mouvement unitaire et de 29 % en tonnage.

  • 10 Cf. ci-dessus p. 1735-1736.

17Cette mutation s’accompagne d’un léger tassement du tonnage unitaire moyen de 296,8 toneladas en 1634 à 285,2 toneladas en 1635, soit un niveau intermédiaire entre le tonnage unitaire moyen de 1632-1633 (273,3 toneladas et 277 toneladas) et celui de 1634 (296,8 toneladas). Ce tassement n’est pas, d’ailleurs, de grande portée, en raison de la distorsion extrême au cours de ces années de reprise qui oppose le tonnage unitaire des Allers et celui des Retours. Le très léger glissement observé est dû au comportement des Allers qui passent de 272,5 toneladas à 245,3 toneladas et aussi au mouvement concordant des Retours, de 368,6 toneladas10 à 353,48 toneladas. Le glissement, d’ailleurs, très minime des Retours n’a aucune signification de longue durée en raison de la position exceptionnelle des Retours de 1634. En fait, c’est l’ensemble des Retours de 1634 et de 1635 qu’il faut observer globalement — en raison des triages qui se sont produits dans la répartition des Retours des deux années, le premier convoi de 1635 est, d’abord, un convoi de 1634 différé — et retenir, seulement, le niveau très considérable du tonnage unitaire des Retours, soit pour l’ensemble des Retours de 1634 et de 1635, 358,1 toneladas. Cette situation confère sa plénitude à l’écart extrêmement important des tonnages unitaires à l’Aller et au Retour.

  • 11 Cf. t. VI1, table 164, p. 363.

18Ces éléments, dans l’ensemble, concordants, sont responsables de la marche en avant des Allers et retours, dont le décrochement est bien souligné par le rapport à la moyenne11, soit de 86,35 % à 116,32 %, en palier entre le creux de 1634 et le sommet de 1636.

LES CONFIRMATIONS PARALLÈLES

  • 12 Cf. ci-dessus p. 1724-1725.. et 1735.

19Nous avons été tentés, d’emblée, en présence du trafic de 1635 et en raison du rapport Retours de 1634/Allers de 163512 de considérer, malgré certains signes contradictoires, le trafic de 1635 comme placé sous le signe de la reprise. En réalité, l’expansion cyclique — cette expansion cyclique qui n’aura jamais été, peut-être, aussi évidente malgré tout ce qui peut aller à l’encontre et contribuer à en atténuer rapidement les effets — commence, timidement, bien sûr, mais n’en commence pas moins dans le cours de l’année 1635. On en a une bonne preuve dans les séries-valeurs.

1. Les valeurs

  • 13 Cf. t. VI1, table 222, p. 469 ; cf. t. VI1, table 132, p. 330.
  • 14 Cf. t. VI1, table 183, p. 388-391 et cf. ci-dessus p. 145-146.

20Faute de mieux, on se reportera, une fois de plus, à la série complémentaire du maravedí al millar13. On a dit combien elle était limitée, tronquée et douteuse. Elle fournit, pourtant, de bons termes de référence internes. Sous cet angle, elle corrobore l’hypothèse d’un commencement contrecarré d’expansion à partir de 1635. 1635, en effet, avec un volume, au départ, des Allers, moindre que 1634 et 1633 (15 700 toneladas, seulement, au lieu de 17 714 toneladas et 18 396 toneladas), avec un volume des navires marchands partant de Séville bien moindre, surtout, en 163514 qu’au cours des années précédentes (5 070 toneladas, seulement, au lieu de 7 924 toneladas et 9 901 toneladas), n’en a pas moins une présomption de niveau-valeur supérieur à celui des années précédentes..., d’autant plus sûrement, qu’on a, sinon la preuve formelle, du moins, de fortes présomptions de penser à une aggravation du processus de démolition de l’ad valorem, dans le rapport minimum, donc, de 436,6 millions de maravedís pour 1633, 354,8 millions de maravedís pour 1634 et 505,3 millions de maravedís pour 1635.

  • 15 Cf. ci-dessus p. 1735,.. 1737.
  • 16 Cf. ci-dessus p. 1724-1725.

21Cette mutation en valeur est, en réalité, parfaitement logique et très bien éclairée par un large contexte. Elle va de pair avec le fléchissement à l’Aller du tonnage unitaire15 et le fort cœfficient d’expansion des Allers par rapport aux Retours de l’année précédente. Elle tendrait à prouver qu’il y a eu frein du dehors — en raison de la faiblesse quantitative des Retours de 163416, du caractère d’extrême vétusté des navires, de la difficulté de se procurer, comme la Casa de la Contratación le prouve, du matériel naval — et que le négoce a dû, pour y faire face, prendre, suivant les grandes lignes du schéma classique — une modalité plus qualitative que quantitative.

  • 17 Cf. ci-dessus p. 1716-1717 et p. 1726-1727.
  • 18 Cf. t. VI1, table 227, p. 473. On ne peut attribuer à l’année 1637, seule, le chiffre extraordinair (...)

22Modalité qualitative de portée immédiate limitée en raison de l’extrême médiocrité, nous l’avons vu, de nos termes de référence, 1633 et 163417. Modalité qualitative de portée plus lointaine capitale, en raison de l’extraordinaire importance de la flambée cyclique qualitative. Pour la dernière fois au cours de son histoire, un peu après déjà, le sommet d’expansion volumétrique maximale du cycle, à la hauteur des années 1636-1637, 1637, surtout18, le trafic atteint, en valeur, une altitude qu’il ne retrouvera jamais plus. Le niveau annuel moyen des valeurs en 1636-1637 — présumable, sans critique préalable, des données brutes de l'averia — s’élève à 2 392,9 millions de maravedís, chiffre énorme, proprement monstrueux, si on veut bien le rapprocher du niveau annuel moyen calculé dans les mêmes conditions, lors de l’apogée volumétrique du mouvement, en 1608-1609, soit 2 157,7 millions de maravedís, ou encore la moyenne annuelle calculée dans des conditions identiques, de 1592-1593, soit 2 166,8 millions de maravedís.

  • 19 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 198-200, 215-216.
  • 20 Cf. ci-dessous p. 1740-1749.

23Même, compte tenu de l’évolution des prix19, très faible depuis 1608-1609, assez mince depuis 1592-1593, ce niveau constitue, sinon le niveau record sûr, du moins, un des trois niveaux records possibles de la courbe des valeurs. Un peu perdu en avant-garde, bien sûr, on essaiera20 d’en dégager, plus tard, la signification, cette poussée du mouvement en valeur confère un poids tout particulier au décrochement du mouvement de 1634-1635. Il montre, en effet, que la modification survenue sur le mouvement valeur est une modification durable. En fait, c’est l’ébauche d’une énorme poussée valeur qualitative qui précède la poussée quantitative. Cette poussée est sans précédent, sous l’angle de la valeur unitaire du mouvement. On peut affirmer que c’est, entre 1635 et 1637, plus sûrement, en 1636, 1637 et peut être, en 1637, que, toute pondération monétaire étant faite, la valeur unitaire maximale du mouvement est atteinte. Jamais la tonelada Allers n’aura, économiquement, pesé aussi lourd.

2. Structure des Allers

  • 21 Cf. t. VI1, table 183, p. 388-391.

24Cette pesanteur est d’autant plus significative que la structure des départs21 ne paraît pas, a priori, la favoriser. On constate, en effet, une grosse réduction du volume des navires marchands de Séville, de 40 unités en 1633 à 37 unités en 1634, puis 25 navires en 1635, de 9 901 toneladas en 1633 à 7 924 toneladas en 1634 et 5 070 toneladas en 1635, une chute puis une stabilisation des navires marchands de Cádiz, 6 navires, 2 480 toneladas (1633), 3 navires, 1 550 toneladas (1634), 4 navires, 1 600 toneladas (1635).

25Le résultat le plus clair est une descente de près de 50 % du volume des navires marchands des deux axes les plus importants, 46 navires, 12 381 toneladas, en 1633, 40 navires, 9 474 toneladas en 1634, 29 navires, 6 670 toneladas en 1635. Cette réduction massive du volume des axes vitaux du trafic n’empêche pas, on l’a vu, une croissance des valeurs. Cette croissance des valeurs désolidarisées des volumes est un signe tangible de la reprise conjoncturelle qui commence.

  • 22 Cf. t. V, p. 264-265.
  • 23 Cf. t. V, p. 266-267.

26Elle s’accompagne d’un véritable laminage des flottes. Une flotte de Nouvelle Espagne squelettique22, une flotte de Terre Ferme réduite au-delà de tout ce qu’il est possible d’imaginer23 à ce volume de 1 500 toneladas. Telle est la situation. Mais ce laminage a été imposé comme du dehors, par la pression de la guerre — guerre avec la France dont les effets ne seront pas immédiats, mais qui vient et que l’on sent venir ; la question qui se pose, d’une Armada de Barlovent, dénote la conscience d’un danger croissant. La pénurie de navires entraînée par la chute des Retours de 1634, a contribué, aussi, au laminage des flottes.

27Les armadas se maintiennent, par contre, dans le même temps à un niveau élevé, en retrait peut-être, par rapport à 1634, mais en progrès par rapport à 1633. Ce maintien à un niveau élevé est un signe défavorable qui limite la portée des chiffres globaux.

28On notera, par contre, la dernière flambée officielle des négriers. L’interprétation, comme pour le trafic d’armada, n’en est pas simple. On peut n’être sensible qu’à l’aspect négatif et ne retenir que la répercussion d’une pareille flambée sur les globaux. Une forte proportion d’éléments réputés, a priori, moins bons jetterait un discrédit sur la partie économique de l’ensemble, si on n’avait pas, par ailleurs, une irréfutable dénégation dans les séries valeurs. La poussée des valeurs, quand même, permet de supposer un formidable tri, en faveur des seules marchandises les plus chères. C’est un signe de l’importance de l’expansion cyclique. En outre, on peut se demander dans quelle mesure le maintien des armadas à un niveau élevé, et, plus sûrement encore, la flambée des négriers n’est pas, aussi, un peu un signe de santé, la montée négrière surtout.

  • 24 Cf. t. V, p. 264 ; cf. ci-dessous p. 1958-1978.

29Le trafic négrier officiel se fait avec de plus petits bateaux, plus faciles à se procurer. Il peut être un moyen, dans une certaine mesure, de crever le goulot physique qui gêne l’expansion du trafic. Il est riche, porteur d’avenir. Le trafic négrier fait passer en Amérique des biens d’investissement. La poussée négrière suit, très exactement, la poussée des exportations du mercure dont elle prend, en quelque sorte, la relève, en 1635. 1635, en effet, avec 3 220 quintales de mercure, seulement, marque un fléchissement capital du niveau des exportations24. Mais les investissements de mercure sont largement relevés par des investissements négriers. L’un et l’autre, l’un après l’autre, ils relèvent du même esprit d’entreprise, d’un même dynamisme, d’une même ouverture sur l’avenir.

3. Structure du trafic

  • 25 Cf. t. VI1, table 167, p. 366 ; t. VII, p. 66-67, 68-69.

30La répartition du trafic, selon les grands axes géographiques du mouvement25, corrobore ce qui précède. On note un affaiblissement radical de la Nouvelle Espagne en 1635 (14 navires, 4 270 toneladas), consécutif à l’élimage de la flotte, un anéantissement de la Terre Ferme, malgré les apparences (21 navires, 7 500 toneladas), si on retranche l'amada (2 250 toneladas), en raison de la quasi disparition de la flotte de Terre Ferme. Elle représente, en 1635, sous le commandement du Capitaine Général Roque Centeño y Ordenez, une mince pellicule de quelques quinze cents toneladas, à peine.

  • 26 Cf. ci-dessus p. 1738-1739.

31Presque plus symptomatique, encore, la disparition (2 navires, 380 toneladas) des îles. Disparition, — le mot n’est pas trop fort, — plus évidente encore en valeur relative qu’en volume absolu. Cette disparition a une signification structurelle sur laquelle il n’y a pas à revenir. En conjoncture, on peut se demander si elle n’entre pas, jusqu’à un certain point, dans le tableau classique de la reprise, d’une pression conjoncturelle qui se réveille et qui est obligée d’adopter une modalité qualitative pour se faire entendre. Cette modalité qualitative s’exprime par les valeurs26. Elle s’exprime, en outre, par l’élimination, jusqu’à la caricature, de la catégorie des îles. Au moment de la reprise, en période d’insuffisance physique et technique de l’armement, l’abandon des îles par le commerce officiel nous apparaît à peu près total. La caractéristique peut, à son tour, être retournée et se voir conférer la valeur d’un indice, à l’intérieur d’une sémiologie du cycle.

4. L’importance des défis

32Les médiocres réussites de 1635 ne prennent toute leur valeur qu’en raison de l’importance des défis auxquels le trafic aura été soumis, au cours de l’année.

33C’est tout d’abord et pour l’essentiel, le renforcement du carcan que la guerre impose au trafic. Il est difficile, d’une manière précise et quantitative, d’en évaluer, môme très relativement, l’incidence.

  • 27 Cf. t. VI1, table 611, p. 871.

34a. Pertes. — Les séries des pertes de la Carrière des Indes ne disent pas tout. Sont-elles complètes ? On ne saurait l’affirmer d’une manière concrète. On n’en attendra guère que des hiérarchies, des ordres de grandeur. De plus la perte physique du navire, de sa cargaison n’est pas — il s’en faut de beaucoup, — la seule incidence que la guerre peut avoir sur la marche du trafic, ni môme, vraiment, toujours la plus pesante. Mais peu importe. En 1633 et : en 163427, les pertes — elles sont imputables, médiatement ou immédiatement, à la guerre, — ont pesé lourd. Et c’est au début de 1635, sur la séri telle qu’elle est établie, qu’on peut s’attendre à l’effet cumulatif maximal des pertes sur le négoce.

  • 28 Cf. t. V, p. 268.

35b. Chronologie. — Mais cet effet — encore une fois — n’est pas le seul. Un autre facteur plus important, aura joué, la gêne, toujours accrue, (pries opérations militaires, l’insécurité imposent au trafic. En 1635, au lendemain de la prise de Curaçao par les Hollandais28, cette gêne aura, selon toute vraisemblance, atteint son paroxysme.

  • 29 Cf. ci-dessus p. 1739-1741 et t. V, p. 232-256.

36Il en découle, pour le trafic en 1635, une situation curieuse, dont il est difficile de sous-estimer l’importance : le départ, ensemble, en un seul convié. — conséquence, évidemment, de la guerre et l’insuffisance reconnue d— moyens de défense — des deux flottes et de l'armada29. En 1634, une fois de plus, l’unanimité s’est faite — on a vu comment — autour de la nécessité d’avoir 20 navires d'armada dans la Carrera, pour assurer au trafic le minimum indispensable de protection. Mais, pas plus en 1635 qu’en 1634, on est arrivé à dépasser le cap d’une couverture, à 50 %, seulement, de ce besoin essentiel 1. Ou, plus exactement, le cap effectif. Puisque, autant qu’on en peut juger, ! besoin senti d’un supplément de défense alimente le sempiternel projet ! d'Armada de Barlovent. On parle beaucoup, en 1635, de l'Armada de Barlovent. Chose normale : n’est-on pas encore sous le coup de la prise de Curaçao ? Et bien dans la ligne de l’insuffisance reconnue des moyens défensifs au service de l’Atlantique de Séville.

  • 30 Cf. t. V, p. 271 et t. VIII, p. 4179-l85 et plus spécialement p. 484-185, note 3.

37La concentration, en une seule fois, de tous les départs, armada, flotte de Nouvelle Espagne, flotte de Terre Ferme, procède de cette insuffisance. On comprend, sans pouvoir exactement le mesurer, ce que comporte de sacrifie une telle organisation. Elle multiplie, en gros, par deux, les inconvénients de la flotte biennale. Elle explique le caractère squelettique des convois30 de 1635, elle diminue les possibilités de cargaison. Elle allonge systématiquement les temps de chargement et de déchargement, diminue l’efficacité d’un rythme de rotation déjà normalement très long. Le passage du rythme biennal au rythme annuel, en diminuant l’efficacité d’emploi du matériel d’armement, contribue à renforcer le goulot d’étranglement du tonnage. Il accroît le coût relatif de l’armement, dans une proportion d’autant plus considérable que les temps d’arrêt sont, pour le matériel naval, dans les mers chaudes, surtout, plus dommageables encore pour la coque que ne le sont les temps de navigation.

38c. La déclaration de guerre du 19 mai 1635. — A la guerre maritime hollandaise, 1635 verra s’ajouter le défi de la guerre française. Au vrai, la date du 19 mai 1635, sous l’angle de la conjoncture économique de la Carrière des Indes, doit être maniée avec une certaine prudence. Elle ne modifie pas la situation du tout au tout : dès avant le 19 mai et bien avant 1635, la France, par le biais de la guerre couverte et par ses énormes subsides, pesait lourdement déjà, dans le camp des adversaires de l’Espagne. Avant le 19 mai, on s’attendait à une rupture, inscrite depuis longtemps dans la nature des choses inévitables. En outre, les opérations militaires ne commenceront pas avant neuf à dix mois, du moins, sur une grande échelle, mais, il est vrai, quelle échelle : bientôt l’ouverture d’un nouveau front en Flandre, puis, en Comté et sur la frontière pyrénéenne. Pour les charges militaires impériales de l’Espagne, un surcroît énorme de difficultés.

  • 31 Cf. t. V, p. 271-272.

39Pour le moment, le passage de la guerre couverte à la guerre ouverte franco-espagnole se marque, dans la Carrera, de la manière suivante. Une difficulté énorme d’approvisionnement des convois31. Rien d’irrémédiable, puisque l’on trouvera assez rapidement accommodements et circuits de remplacement. Mais le choc est rude, dans la mesure où la France — Albert Girard l’avait bien vu et tout récemment encore, Henri Lapeyre — jouait un rôle énorme, en tant que fournisseur de la matière première des échanges au commerce avec les Indes. Avant que les solutions, qui permettent le commerce, malgré la belligérance, ne soient trouvées et leurs mécanismes installés puis mis en route, un cap difficile devra être doublé. Il n’est pas peu paradoxal, de prime abord, que ce cap corresponde, sur le trafic, à une période évidente, de très grande expansion cyclique.

  • 32 Cf. t. V, p. 272.
  • 33 Momentanément, au stade de notre recherche.
  • 34 Cf. t. V, p. 273.

40Enfin, dès 1635, la guerre franco-espagnole amènera une autre difficulté : la nécessité d’un renforcement des escadres qui assurent32, face au Nord, la protection des côtes de la Péninsule. Les éléments font défaut33, pour chiffrer exactement le surcroît de charge que l’événement entraîne. Il peut être de l’ordre de l’Armada de la Guardia. Cette masse, certes, à la différence de l’Armada de la Guardia ou de la lancinante Armada de Barlovent, n’est pas directement prélevée sur le corps même de la Carrière des Indes. Mais rien ne prouve, pour autant, qu’elle soit, pour elle, beaucoup moins pernicieuse. Tout au contraire. En effet, à la différence de l'Armada de la Guardia, voire de toutes les armadas qui ont été amenées à naviguer entre l’Espagne du Sud et la Méditerranée américaine, sur les routes de l’Atlantique de Séville, les armadas, face à la France, ne sont pas en partie, récupérées et remodelées pour les besoins du trafic avec les Indes. Mais surtout, le stock des navires disponibles est limité, le volant des gens de mer [inexistant, la matière première de chantiers navals très rare, le monde de la mer dans la péninsule, ibérique non fractionnable. Malgré des cloisonnements purement fictifs n’est-ce pas, à la limite, sur la Carrière des Indes que repose l’effort naval espagnol contre la France ? Il aura encore accru les tensions qui y régnent. C’est la raison pour laquelle, sans doute, en 163534, plus que jamais, on se plaint de la multiplication des étrangers dans la Carrera, navires, équipages, maîtrise. D’où la multiplication des fuites sur la route du Retour. Et c’est sous cet angle, que les plaintes les plus véhémentes s’élèvent. Dans la mesure, précisément, où le négoce subit, de ce fait, une perte.

41La reprise du mouvement-valeur, modalité qualitative d’une impossible reprise en volume est, donc, parfaitement logique en présence d’un tel schéma.

HYPOTHÈSES

42Ce qu’il faut essayer de comprendre, c’est, précisément, ce commencement de reprise qui, dès 1635, se manifeste, avant de culminer, en 1636 et en 1637.

1. Guerre et prospérité

43Ainsi se trouve posé, une fois de plus, dans le concret, le problème complexe des rapports de la conjoncture économique et de la conjoncture politique. Les données du problème ont été rarement aussi clairement et ouvertement étalées que durant ces années. Il faut en profiter ; la leçon qu’on en tirera risque d’avoir une portée valable pour d’autres époques et d’autres situations, moins richement étayées.

44En effet, la première conclusion qui s’impose, ici, en présence d’une chronologie ferme et précise, est celle d’une indépendance de la conjoncture économique du trafic de l’Atlantique de Séville, à l’égard de la conjoncture politique et militaire, au sens le plus large. L’indépendance, une large indépendance, dans une première phase, s’établit commodément par l’antériorité. La prospérité cyclique, malgré les défis qui la briment ou mieux, l’obligent à s’exprimer selon certaines modalités, commence en 1635, culmine en 1636 et en 1637. La guerre française n’intervient en rien, n’entrave rien, n’empêche rien. Tout au plus, impose-t-elle, on l’a vu, une modalité, plus qualitative que quantitative, à l’expansion cyclique. Le fait qu’elle se déploie, ici, au moment précis où la pression politique et militaire s’accroît démesurément, renforce l’impression de totale indépendance, d’indépendance, jusqu’à la bravade, de l’économique à l’égard du politico-militaire. Dans une première phase, du moins, et au cours de ces années trente.

45On peut se demander, en outre, dans quelle mesure l’indépendance, dans ce sens, ne cohabite pas avec une dépendance dans l’autre sens, entendez du politico-militaire à l’égard de l’économique.

46Cette poussée cyclique, qui ramène dans le secteur économique dominant une dernière bouffée anachronique de prospérité, donne, peut-être, une des clefs de la surprise de Corbie. Elle justifie Richelieu de l’impossible accusation d’imprévoyance. Ce qui surprend, lors de l’affaire de Corbie — ce qui surprend l’historien, après avoir surpris, en France et en Europe, les techniciens de la politique et au premier chef, le grand Cardinal, lui-même — qu’est-ce, sinon l’extraordinaire vitalité d’une Espagne que tout pouvait autoriser à penser, brisée ? Bien d’autres éléments peuvent l’expliquer, des éléments lourds et comme de structure, mais tout d’abord, peut-être, une surprise de la conjoncture. Une phase d’expansion cyclique, indépendante de la guerre, mais non sans influence sur elle, dont nul ne pouvait prévoir l’ampleur et l’amplitude, puisque paradoxale. Elle aura retardé de deux ou trois ans, peut-être, l’inéluctable, entendez les échéances fatales des années 40. Précédant Corbie, comme elle précède la double rupture de 1640, on retrouve, troublante, dans ses deux phases successives d’expansion, d’abord, de contraction, ensuite, la conjoncture décennale de l’Atlantique de Séville. Elle est là, elle rythme, elle situe, un peu comme si elle se chargeait d’assumer le détail de la chronologie.

47Ce primum mobile de la conjoncture cyclique de l’Atlantique de Séville, n’empêche pas, même dans ce cas concret, un deuxième temps où elle devra subir, à son tour, le contre-coup du politique. La conjoncture Atlantique a pu contribuer au paradoxe des victoires espagnoles de 1636 et des opérations blanches de 1637..., la défaite, qui vient logique, dans son existence, paradoxale, dans son retard, a pu, par la suite, précipiter au-delà de 1637-1638, la phase descendante du cycle.

48Tout comme la contraction cyclique amorcée, puis accélérée, est appelée à influencer, à son tour, le rythme catastrophique d’événements politiques dont les plans de clivage mûrissaient en structure, depuis de nombreuses années.

49De cette analyse découle, pour ce cas limité, un primat certain de l’économique, dans le cadre de la conjoncture décennale, établi par l’antériorité. Ce primat ne met pas la conjoncture économique à l’abri, ensuite, des contrecoups du politico-militaire. Dans la mesure, toutefois, assez faible, où des interférences se produisent, on les voit plus agir, d’abord, de l’économique vers le politique que dans l’autre sens. Il y a, peut-être, dans ce point de vue, une large part imputable à la situation particulière de notre champ d’observation, nécessairement, partial et restreint.

2. Le choc de la reprise. — Prix des grains. — Trafic

50A l’origine de la réaction en chaîne d’événements lourds de sens, qui va de Corbie au double effondrement de 1640, on concède un rôle important à la forte poussée cyclique de 1636-1637, et à sa retombée, il importe d’en éclairer, parfaitement, les commencements qui ne vont pas d’eux-mêmes.

51L’expansion cyclique décennale de 1635-1636, 1637-1638 ne va pas sans poser quelques graves problèmes. La covariation prix-trafic est parfaite, à la hauteur de 1636-1637 et 1638. Faut-il renoncer, pour autant, faute de trouver dans les prix les échos qu’on attendrait, à l’interprétation proposée ?

52Certainement pas.

  • 35 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., 215.

53On ne peut raisonnablement invoquer le fait qu’à partir du creux de 163435, la série des prix andalous reprend sa marche ascendante : la reprise, de 1634 à 1635, de l’indice 96,10 à l’indice 98,42, non orchestrée par des mouvements analogues sur les secteurs géographiques voisins de la Nouvelle Castille et de la Vieille Castille-Léon, peut difficilement être retenue, en raison de la simultanéité des phénomènes et de la médiocrité d’un dénivellement de 2,5 %. On peut se demander si, pour une fois, il n’y a pas eu anticipation du mouvement des Allers de Séville, par rapport aux prix andalous. Si la liaison prix-trafic est douteuse à la hauteur de l’année 1635, du moins, car, à partir de 1636, elle est évidente, le problème des premiers signes d’expansion cyclique que nous avons cru déceler, sur le trafic Allers dès 1635, reste entier.

  • 36 Cf. t. V, p. 273.
  • 37 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 392.

54La correspondance de la Casa de la Contratación nous propose une liaison36 qu’on aurait tort de rejeter. Elle évoque la bonne, l’excellente récolte de 1634 en Andalousie, comme un élément favorable que le négoce aura su utiliser comme moteur de ses comportements. On retiendra d’autant plus l’indication qualitative qu’elle est moins suspecte, d’une part, qu’elle est confirmée, d’autre part, par les éléments quantitatifs contenus dans Hamilton37.

55La série des indices des prix des grains en Andalousie de E.J. Hamilton montre que la récolte de 1634 a dû être une excellente récolte, si on juge par les prix relativement bas qui ont été pratiqués (indice 135,88 en 1634, contre les indices 149,05 de 1633 et 173,52 de 1635, sans parler d’écarts positifs exceptionnels, comme les indices 250,68 de 1627, 283,24 de 1636, les 317,67 ou 332,36 de 1647 et 1650).

56La relation est, a priori, d’autant plus surprenante qu’on avait été accoutumé, à une époque où, pourtant, le meilleur des exportations vers l’Amérique était constitué par des produits agricoles, à considérer une trop bonne récolte déprimante pour les prix, comme un facteur dépressif. Il y aurait donc, dans cette constatation, un élément doublement contradictoire.

57En fait, tout peut facilement se concilier et la constatation sera, au contraire, extraordinairement éclairante. Nous savons, par ailleurs, mais cette relation suffisait à le confirmer, que la participation des grands propriétaires andalous au capitalisme du commerce du Monopole est moins grande qu’elle ne l’était vraisemblablement au milieu du xvie siècle, avant que la Carrera ait été envahie par les maisons étrangères, simples filiales d’entreprises dont la tête est ailleurs. D’où la possibilité de corrélations fort différentes.

58En effet, si on admet le schéma établi pour la France de l’Ancien Régime, d’une manière définitive, par Ernest Labrousse, — il est, aussi bien, valable pour l’Espagne des xvie et xviie siècles — on peut estimer que la prospérité de la grande propriété et de la propriété seigneuriale, la seule qui ait pu être impliquée dans le grand commerce colonial, est liée à la conjoncture des prix des grands produits agricoles par une corrélation positive simple. Le fait, dans ces conditions, qu’une très bonne récolte, avec l’action dépressive sur les prix que le travail de Hamilton confirme, puisse constituer un élément favorable, pour le trafic, au départ du complexe portuaire, un élément susceptible de l’aider à surmonter les durs défis auxquels le soumet le contexte politique et militaire, suppose, qu’à la différence de ce qui se passait au tout début de cette histoire, cette grande propriété ne soit plus, au même titre qu’au début, motrice, dans l’affaire. Elle fournit une matière première pour l’exportation, elle vend des vivres pour les équipages, tandis que les capitaux semblent venir d’ailleurs. Si les éléments qui prennent les décisions, les capitaux qui s’engagent dans l’entreprise des Indes sont indépendants de la grande entreprise agricole andalouse, l’élément de corrélation négative, conjoncture du trafic au départ, prix des grains andalous devient très plausible. Les grains andalous, élément second dans les exportations, mais matière première importante de l’entreprise générale de l’armement, constituent un élément dont la plus ou moins grande abondance, la plus ou moins grande facilité à les trouver à bon compte sur le marché joue seule. D’où l’élément de corrélation observée. Telle nous apparaît le premier groupe de leçons qu’il est possible de tirer de ce rapprochement.

59Mais le jugement se doit d’être nuancé. En effet, une observation attentive de la série des indices des prix des grains andalous de EJ. Hamilton montre, d’une part, que la corrélation ancienne, la corrélation en gros positive est toujours, dans ses plus grandes lignes, valable. Il suffit, pour s’en convaincre, d’observer ce qui se passe à la hauteur de 1636 et 1637, pour les grains (1634 : indice 135,88 ; 1635 : indice 173,52 ; 1636 : indice 283,24 ; 1637 : indice 247,67 ; 1638 : indice 170,5 ; 1639 : indice 128,16 ; 1630 : indice 107,27).

60En gros donc, on observera qu’une anomalie extrême, comme celle de 1636, conserve un pouvoir tonique — il y a, du moins, une forte présomption en faveur d’une action dans ce sens — qui s’exerce sur le trafic, à moins d’un an d’intervalle. Indices du prix des grains, indice 283,24 en 1636, indice 247,67 en 1637, 1636, pointe d’expansion cyclique volumétrique maximale du trafic de la Carrera, 1637, pointe d’expansion cyclique qualitative maximale du trafic de la Carrera, — il s’agit, peut-être, du sommet du mouvement valeur pour toute la période d’un siècle et demi que nous avons étudiée.

61Une extrême dépression des prix des grains, par contre, comme celle de 1640 (indice 107,27), se répercutera sur le trafic, l’année suivante, par un creux très profond..., qui a d’autres causes, d’ailleurs et se prolonge sur deux ans en 1641 et 1642. Ces corrélations entre les extrêmes des prix et ceux du trafic tendent à prouver qu’il subsiste des liens entre les grandes propriétés andalouses et le capital engagé dans la Carrière des Indes.

62Il existe, d’ailleurs, une grande différence entre l’indice de 1634, 135,88 et l’indice de 1639-1640, 128,16 et 107,27. Le premier implique une bonne récolte dont nos documents se sont faits les échos, le troisième, surtout, une chute des prix catastrophiques, imputable, sans doute, à une production abondante, mais, peut-être, aussi, à d’autres facteurs.

  • 38 Cf. ci-dessus p. 1741-1744.

63L’indice de 1634 a impliqué facilités pour le chargement et les préparatifs des convois, qui pouvaient être rendus si difficiles, par ailleurs, par toute une série d’entraves qu’on a déjà analysées38. Facilités pour le chargement et pas nécessairement chute verticale du revenu des grands propriétaires. L’indice 135,88 a pu représenter, ainsi, l’élément favorable de l’abondance sans la pléthore, de facilités matérielles d’approvisionnement, sans amener le tarissement complet d’une source éventuelle de capitaux.

64Il a pu contribuer, ainsi, à faire démarrer, un an plus tôt, les mécanismes d’une expansion cyclique nécessaire et dont seule, la chronologie précise restait à fixer.

3. L’expansion nécessaire

  • 39 Outre le contexte des prix, il y avait, en outre, le contexte du coût relatif de la main-d’œuvre qu (...)

65En fait, tout ce que l’on peut attribuer au choc de la bonne récolte de 1634, c’est la localisation du point de départ de l’expansion cyclique. Cette expansion cyclique, on en connaît l’automatisme, après un long terme de contraction. Elle devait donc se produire, engendrée par la contraction elle-même. Le contexte des prix tendait plutôt à la situer en 163639. Le choc de la bonne récolte de 1635 aura donné, en gros, aux premiers signes de la reprise, un an d’avance.

66Mais c’est en 1636, seulement, au moment attendu, que se place l’expansion cyclique.

II. — 1636 : LA GRANDE EXPANSION CYCLIQUE DES VOLUMES

671636 et 1637, avec des modalités diamétralement opposées, sont au sommet d’une extraordinaire expansion cyclique. Elle n’efface pas, bien sûr, les caractéristiques profondes de la phase longue de la contraction. L’expansion cyclique est telle, toutefois, qu’elle redonne, un instant, à l’antique Carrera, ce lustre d’un passé que l’on pouvait croire révolu.

LA LEÇON DES CHIFFRES

68On peut prendre à peu près au pied de la lettre, cette fois, et écouter attentivement la leçon des chiffres du mouvement global.

1. Le rapport Allers-Retours

  • 40 Cf. ci-dessus p. 1736-1737.

69L’expansion régulière, moindre sur les Retours, en position déjà très faible en 1635, que sur les Allers ne modifie pas l’équilibre Allers et Retours, sensiblement, d’une année sur l’autre. L’anomalie positive des Retours se poursuit. L’extraordinaire expansion cyclique des années 1636-1637 est commandée, on l’a vu, par une poussée des Retours40, par un déblocage brutal, en quelque sorte, des navires accumulés aux Indes. Il en est allé souvent, ainsi, à la veille, notamment, on s’en souviendra, de l’invincible Armada, lors de la grande expansion cyclique des années 1584-1586.

  • 41 Cf. ci-dessus p. 1734-1735 et 1736-1737.
  • 42 Cf. t. VI, table 159, p. 356 ; t. VII, p. 52-53.

70L’anomalie positive des Retours (avec 54 navires, 18 710 toneladas, 21 516,5 tonneaux, au Retour, en 1636, contre 80 navires et 19 100 toneladas, 21 965 tonneaux à l’Aller) s’atténue légèrement, par rapport à 163541. La part des Retours, par rapport au mouvement Allers et retours de l’année42, passe en tonnage Je 52,46 % en 1635 à 49,49 % en 1636 (soit une anomalie positive des Retours, de toute manière, par rapport aux moyennes cycliques de la fluctuation et bi-séculaires, respectivement de 43,4 %, 42,5 % et environ 42 %/43 %). Si on prend l’ensemble des années 1635 et 1636, on se trouve en présence d’une anomalie positive continue dessinée avec une extraordinaire vigueur, 104 navires au Retour contre 144 à l’Aller, certes, mais 36 381 toneladas, contre 34 800 toneladas, seulement, soit 51,2 % pour les Retours, en tonnage par rapport à l’ensemble.

71Il est une autre caractéristique, encore, que 1636 partage avec 1635 : le dénivellement des tonnages unitaires. On avait opposé, déjà, en 1635, le tonnage unitaire moyen des Retours, 353,48 toneladas, à celui des Allers, 245,3 toneladas, on pourrait faire de même, en 1636, 238,75 toneladas à l’Aller et 346,5 toneladas au Retour. L’écart reste identique, de l’ordre de 100 toneladas et du tiers des Retours. Toutes les conséquences qu’on a cru pouvoir tirer de cette situation en 1635, sont, naturellement applicables à 1636.

72La seule modification importante qui oppose d’une manière plus apparente que réelle, la situation, sous l’angle des équilibres Allers et Retours de 1636 à 1635, est la réduction de l’écart d’expansion des Allers de 1636 aux Retours de 1635. L’écart d’expansion des Allers de 1636 aux Retours de 1635 est limité par rapport à l’écart de 1635, par rapport à 1634, tant en valeur absolue qu’en valeur relative. Le dépassement des Allers de 1635 sur les Retours de 1634 était de 42 navires et 7 590 toneladas, il n’est plus pour les Allers de 1636, sur les Retours de 1635, que de 30 navires et 1 426 toneladas. Le dépassement relatif des Allers, pourtant médiocres, de 1636 était de 191 % pour le mouvement unitaire, de 93,5 %, pour le tonnage, le dépassement relatif des Allers considérable de 1636 n’est plus, respectivement, que de 60 % et 8 %, soit, moins qu’en 1634 et en 1633, où le dépassement en tonnage s’élevait encore respectivement à 25 % et 40 % contre 93,6 % en 1635 et 8 % seulement, en 1635.

  • 43 Cf. t. VI1, table 164, p. 363 ; t. VII, p. 52-53.

73Il ne faudrait pas tirer de ce mouvement de freinage des dépassements relatifs des Allers, des conséquences hâtives quant à la conjoncture de l’année. Dans la mesure où les différents éléments constitutifs majeurs du mouvement s’approchent du sommet d’expansion cyclique, en phase longue de contraction, à plus forte raison, la marge possible de dépassement se trouve singulièrement réduite. Possibilité de dépassement réduite par l’excellence même des position ? du mouvement, comme le prouvent les pourcentages à la moyenne43, 154,1 % pour les Retours en 1635, 124,41 % pour les Allers en 1636.

2. Allers

74Malgré ces possibilités médiocres de dépassement des Allers de 1636, par rapport aux Retours de 1635, les Allers de 1636 replacés dans leur contexte n’en constituent pas moins un sommet incontestable d’expansion cyclique volumétrique.

  • 44 Cf. t. VI1, table 132, p. 330.

751636 dépasse largement, non seulement 1635, mais toutes les années de la fluctuation primaire précédente, la première fluctuation du cycle44. Pour trouver en tonnage un niveau comparable, il faut remonter jusqu’en 1630 et sur le mouvement unitaire, jusqu’en 1626 et 1624. Le niveau de 1636 sera égalé, deux fois encore, en tonnage, mais il ne le sera jamais plus sur le mouvement unitaire. Ces quelques coordonnées classent parfaitement la situation du trafic en 1636.

76Par rapport à 1635 le progrès est, naturellement, considérable, de 64 navires à 80 navires, de 15 700 toneladas à 19 100 toneladas, de 18 055 tonneaux à 21 965 tonneaux, soit des croissances respectives de 40,6 %, pour le mouvement unitaire et de 21,7 % pour le mouvement en tonnage. Même par rapport à la précédente pointe d’expansion de la première fluctuation primaire du cycle, la marge reste suffisante pour écarter tout risque d’erreur. Par rapport à 1633, la marge d’expansion de 1636 reste substantielle, 43,3 % sur le mouvement unitaire, 3,8 % sur le mouvement en tonnage.

  • 45 Cf. t. VI1, table 17, p. 176-177.

77Outre la confirmation du mouvement ascensionnel, on trouvera dans cette confrontation, un autre élément, la chute non fortuite du tonnage unitaire, tombé de 279,1 toneladas (moyenne de la fluctuation, 1632-1634) à 245,3 toneladas en 1635 et à 238,75 toneladas, seulement, en 1636. Cette chute du tonnage unitaire est la conséquence évidente de la reprise de l’expansion. Elle résulte de l’ouverture de la Carrière des Indes à un matériel nouveau concurremment au plus vieux matériel, ou à une plus large fraction de matériel léger, le matériel négrier, en l’occurrence. C’est là une simple question de dosage. Une plus large ouverture au matériel exogène, utilisé par les négriers, notamment. Sans cette aide du dehors corroborée par la tendance nouvelle au rajeunissement du stock global des navires45, l’expansion eût été, techniquement, impossible.

  • 46 Cf. t. VI1, table 152, p. 349, table 164, p. 363.

78L’ascension en flèche du mouvement unitaire, par rapport au tonnage qui s’essouffle par derrière sans parvenir à la rejoindre, est une caractéristique de la période et d’une expansion cyclique particulièrement tendue. L’expansion est très sensible également par rapport à la tendance majeure46 rapidement décroissante au cours de ces années. On passe, en effet, de 100,79 % en 1634, 97,65 % en 1635 à 124,41 % en 1636.

3. Retours

  • 47 Une moyenne mobile arrière de deux ans, donnerait, en effet, sur les Retours la série suivante :

79Beaucoup plus surprenante, à plus d’un égard, la croissance des Retours dans le même temps. Les Allers, en effet, étaient dans un creux relatif en 1635, tandis que les Retours avaient déjà atteint un sommet en 1635. L’accroissement plus limité des Retours, de 50 navires à 54 navires, soit 8 % sur le mouvement unitaire, de 17 674 toneladas à 18 710 toneladas, de 20 326,1 tonneaux à 21 516,5 tonneaux, soit 5,8 % et par rapport à la tendance majeure de 154,1 % à 154,6 %, n’en est pas moins plus significatif encore, comme le montrerait, très bien, d’ailleurs, une moyenne mobile arrière de deux ans expulsant l’accidentel de guerre et de mer47.

  • 48 Cf. ci-dessus p. 1724,.. 1736 et 1732.

80La moyenne mobile arrière de deux ans, tout en conservant au mouvement l’essentiel de sa sensibilité, fait apparaître le facteur cumulatif qui joue à plein en faveur de 1636 et qui, tout au contraire, jouait contre 1635.Depuis 1634, le mouvement Retours est en expansion mais le décrochement le plus important ne se situe plus entre 1634 et 1635, comme dans l’hypothèse précédente. Elle ne tenait pas compte du creux de 1634 et du fait qu’une bonne partie des Retours de 1635 sont simplement des Retours de 1634 différés. Cette rectification montre un coefficient d’expansion de 16 % seulement, de 1634 à 1635 et de 41 % de 1635 à 1636. Beaucoup plus vrais que ceux calculés sur les chiffres bruts non pondérés du découpage annuel48. 1636 marque bien, en outre, le point culminant des Retours au-delà duquel jusqu’en 1638 et presque sans solution de continuité, jusqu’en 1640, il y a décroissance.

811636 marque bien, sans conteste possible, le sommet cyclique des Retours, de Retours qui jouent dans la vie générale du trafic, à ce moment, un rôle particulièrement important.

4. Allers et retours

  • 49 Cf. t. VI1, table 138, p. 336 et table 142, p. 340 ; t. VII, p. 44-47.

82Cette concordance parfaite des Allers et des Retours commande le point culminant des Allers et retours, point culminant du cycle et point culminant des vingt dernières années de l’histoire de la Carrera49.

83De 117 navires à 134 navires, de 33 374 toneladas à 37 810 toneladas, de 38 980,1 tonneaux à 43 481,5 tonneaux, il y a progrès considérable, sur un mouvement global aux fluctuations, à l’ordinaire, de moindre amplitude, que les Allers et les Retours pris séparément, de l’ordre, respectivement, de 14,5 % sur le mouvement unitaire et de 13,3 % sur le mouvement en tonnage.

  • 50 Cf. ci-dessus p. 1751-1752.

84Le tassement du tonnage unitaire se poursuit presque imperceptiblement, de 296,8 toneladas en 1634 à 285,2 et 282,15 toneladas en 1635 et 1636. Ce tassement presque imperceptible est la résultante d’un mouvement concordant sur50 les Allers et sur les Retours (de 245,3 toneladas à 238,75 toneladas en Allers, de 353,48 toneladas en Retour à 346,5 toneladas). Pas plus qu’en 1635, le tonnage unitaire moyen des Allers et retours n’est pourvu, d’ailleurs, d’une bien grande signification, en raison, caractéristique dominante, de l’écart extrêmement considérable, de plus de 100 toneladas, qui sépare le tonnage unitaire moyen des Allers de celui des Retours.

  • 51 Cf. t. VI1, table 164, p. 363.
  • 52 Cf. t. VII, p. 52-53.

85L’expansion, non seulement s’affirme en valeurs absolues mais plus sûrement encore, en valeurs relatives51 De 1634 à 1636, en effet, le mouvement Allers et retours passe de 86,35 % à 137,80 % par le stade intermédiaire de 116,32 % en 1635. Cette expansion cyclique ne sera jamais plus égalée. Elle n’a été égalée ou dépassée qu’un nombre limité de fois, six fois tout au plus, au cours de près d’un siècle et demi d’histoire recensée52.

86Nous sommes bien en présence, par conséquent, d’un phénomène cyclique d’une exceptionnelle ampleur. Toute une série de confirmations parallèles vont l’éclairer.

CONFIRMATIONS PARALLÈLES

87Si on fait la somme, en effet, des signes de conjoncture positive et négative de l’année 1636, on s’aperçoit que les premiers l’emportent de beaucoup sur les seconds. Ces derniers sont, tout au plus, ce que la tendance majeure véhicule, nécessairement, en profondeur, malgré les agitations en surface d’une conjoncture plus courte, plus visible, peut-être, mais moins vraie.

1. Les valeurs

  • 53 Cf. t. VI1, table 222, p. 469.
  • 54 Cf. t. VI1, table 227, p. 473.

88Le mouvement de 1636 est, sous cet angle, absolument indissociable de celui de 1637. Le maravedí al millar53, pour une raison qui nous échappe, semble s’éloigner de la réalité, sans conteste, mieux saisie par l'avería54, sur laquelle on s’appuiera. L'avería révèle, en 1636, un niveau considérable face à la médiocrité des dernières décades, mais face à l’ensemble du mouvement, les 655,55 millions de maravedís, minimum présumable de 1636, ne forment qu’un niveau relativement médiocre.

89En réalité, une fois de plus, et selon un schéma bien connu et souvent décrit, un phénomène de triage se sera produit entre le sommet d’expansion volumétrique de 1636. et le sommet d’expansion qualitative de 1637. Les modalités et les raisons d’une telle permutation sont trop connues pour qu’il faille insister. Ajoutons qu’en outre, il est possible que l’opposition, presque trop spectaculaire, des 655,5 millions de maravedís de 1636 pour 80 navires et 19 100 toneladas et les 4 140,2 millions de 1637 pour 65 navires, seulement et 15 998 toneladas, soit due, en partie, à un report de comptes d’une année sur l’autre. Le caractère excessif de la contribution de 1637 est, en outre, prouvée par l’effondrement injustifié de 1638 (106,7 millions de maravedís pour 72 navires et 17 800 toneladas).

90Une chose, toutefois, demeure hors de discussion : 1636-1637 et 1638 envisagées globalement, constituent, tant en volume qu’en valeur, la dernière et la plus considérable des expansions cycliques du xviie siècle, le dernier lustre de prospérité, avant la catastrophe finale.

2. La structure des Allers55

  • 55 Cf. t. VI1, table 183, p. 338-391 et t. VII, p. 61-65.

91On retiendra deux aspects, sous cet angle, de la situation de 1636, tous deux favorables. D’une part, l’importance relative des secteurs justement réputés les plus lourds du trafic, navires marchands de Séville et de Cádiz (33 navires pour Séville, 5 pour Cádiz, 8 710 toneladas, d’un côté, 1 670 toneladas de l’autre, soit au total, 38 navires et 10 380 toneladas pour l’axe dominant), tandis qu’il y a léger recul, de la série armada, de 9 à 8 unités, de 5 260 à 4 720 toneladas.

92Second facteur, nettement positif dans le contexte de l’année, l’énorme flambée négrière de 1636. 1636 constitue, sous l’angle négrier, avec 1638, le point record du cycle (30 navires et 4 000 toneladas en 1636, 31 navires et 4 050 toneladas en 1638) et le point le plus élevé des trente et une dernières années recensées de l’histoire de la Carrière des Indes. Cet élément est, ce n’est pas douteux, ici, doublement positif, même si la valeur unitaire présumable du trafic négrier est inférieure à celle des navires marchands qui partent de Séville et de Cádiz. Les nègres constituent, en effet, un peu au même titre que le mercure et un peu selon un processus analogue, un investissement à long terme. Quand le mouvement négrier atteint, paradoxalement, à cette époque un niveau aussi décisif — il frôle, pour la dernière fois, des niveaux presque comparables aux niveaux triomphants du début du siècle — il est impossible qu’il n’indique pas, d’une manière certaine, une conjoncture très haute, une option optimiste sur l’avenir de la vie économique des Indes.

3. Les grands axes du trafic

  • 56 Cf. t. VI1, table 167, p. 366 ; t. VI2, table 332, p. 560 ; t. VII, p. 66-67 et 88-89.

93La répartition des navires entre les différents secteurs géographiques des Indes56 corrobore ce point de vue. Elle montre, en effet, une flambée de la Nouvelle Espagne et plus particulièrement de la Vera Cruz/San Juan de Ultra et par opposition un fléchissement de la Terre Ferme. Il y a eu, en effet, en 1636, un mouvement non négligeable en faveur de la Nouvelle Espagne.

94L’équilibre Nouvelle Espagne-Terre Ferme éclaire la structure interne de la poussée cyclique du sommet relatif de 1636-1638. Ces années qui constituent les sommets quantitatifs du mouvement, sont des années de trafic à tendance nouvelle espagnole dominante. En 1636, 26 navires représentant 7 330 toneladas vont en Nouvelle Espagne contre 19 seulement et 5 990 toneladas en Terre Ferme, en 1638, la part de la Nouvelle Espagne est plus forte encore, 23 navires, seulement mais 7 620 toneladas contre 12 unités et 5 060 toneladas vers la Terre Ferme. Ces proportions — des sommets quantitatifs, non suivis sur les valeurs — sont anormales à l’intérieur du cycle, puisqu’en tonnage, à l’Aller, de 1632 à 1641, la Nouvelle Espagne représente 30,7 % seulement et la Terre Ferme, 46,8 % en tonnage de l’ensemble des départs. Les proportions étaient plus accusées encore, au cours de la première fluctuation de 1632 à 1634, soit, respectivement, 29,3 % et 51,6 %. En 1637, par contre, année par excellence, de l’expansion qualitative, il y a inversion avec 11 navires et 4 050 toneladas pour la Nouvelle Espagne, 29 navires et 8 360 toneladas pour la Terre Ferme.

95Le niveau des îles est un peu moins médiocre, enfin, qu’il ne l’était l’année précédente, il constitue, même en unités marchandes, un des records présumables du cycle.

96De ces quelques remarques, se dégagent, donc, quelques-unes des caractéristiques de l’année, année d’expansion quantitative et de relatif effacement qualitatif, année d’expansion relative des îles, des négriers polyvalents et surtout de la Nouvelle Espagne et du relatif effacement de la Terre Ferme.

1. Autres signes d’expansion

97On trouvera, sans peine, dans l’histoire de l’année, toute une série de signes concordants d’expansion.

  • 57 Cf. t. V, p. 281 à 286.

98a. La chronologie des départs. — La chronologie des départs indique, au tout début de l’année, une intensité extrême de l’activité portuaire telle qu’on n’avait rien vu de comparable depuis bien longtemps. La quasi-totalité des départs, à l’exception des négriers, soit plus de quinze mille toneladas, s’effectue en un temps record57, de Cádiz, entre le 5 mars 1636 — date de départ de la flotte de Nouvelle Espagne exceptionnellement protégée de Don Luis Fernandez de Córdoba et Don Diego Brochero — et le 15 avril 1636 — date de départ combiné de l'Armada de la Guardia de Don Carlos de Ibarra et de la flotte de Terre Ferme de Luis de Aguilar.

  • 58 Cf. t. V, p. 284.

99b. Le départ de la Nouvelle Espagne. — Toutes choses étant égales — la pression extérieure étant sensiblement identique en 1635 et en 1636 — la solution adoptée est très différente. En 1636, un seul départ, sous la protection d’une seule armada, avec tout le lourd cortège de contraintes, et d’accroissement des coûts que cela impliquait. En 1636, par contre, on revient à la solution riche des deux départs avec, pour la Nouvelle Espagne, cette solution coûteuse à laquelle la Carrera n’a eu recours qu’à titre tout à fait extraordinaire, d’un convoi partant tôt, sous la protection d’une armada exceptionnelle58. Cette solution est, sous l’angle de l’efficacité du négoce, meilleure, puisqu’elle assure une rotation rapide et qu’elle facilite, jusqu’à un certain point, en raison de la proximité des dates du 5 mars et du 15 avril, le chargement au départ. Elle est, pourtant, une solution coûteuse. Elle nécessite pour se réaliser, un volume suffisant du négoce et du trafic. Son adoption en 1636 constitue par rapport à 1635, un incontestable progrès.

  • 59 Cf. ci-dessus p. 1754-1755.

100Dans le même ordre d’idées, on peut faire intervenir le gonflement déjà signalé59 des négriers de 1636 par rapport au niveau négrier des années précédentes.

101c. Réaction militaire. — Ce court vent d’optimisme est intimement lié au développement d’une contre-offensive militaire des Ibériques sur l’océan. Curieuse année 1636, où, sur terre comme sur mer, le vieux géant blessé se redresse, une dernière fois, et fait victorieusement face, sur tous les fronts d’attaque.

  • 60 Cf. t. V, p. 291, note 4.
  • 61 Cf. t. VI1, table 330, 340, 388, 391.
  • 62 Cf. t. V, p. 292, note 4.

102C’est la reprise de Curaçao, l'armada combinée luso-espagnole de Don Lope de Hoces y Cordoba60 qu’on n’a pas cru devoir compter dans le mouvement de la Carrera parce qu’elle lui appartient à peine, au risque de sous-estimer l’importance de l’année, comme le font nos chiffres globaux — il faut en tenir compte dans la lecture des tables 132, 140 et 183, surtout61 — c’est aussi le projet lancinant d’une Armada de Barlovent62 pour essayer de freiner la perte des îles, dont on prend conscience, dont on commence, à Séville, depuis Matanzas et la chute, cette fois, éphémère de Curaçao, à sentir de plus en plus la gravité et le danger, non que l’on déplore la perte d’un espace, à l’intérieur d’un monde en état permanent d’indigestion d’espace, mais bien, plus simplement, que l’on vienne de mieux saisir le danger que la perte virtuelle des Antilles fait peser en permanence sur les communications impériales au sein de l’Atlantique de Séville.

  • 63 Cf. t. V, p. 290, note 4.
  • 64 Cf. ci-dessus p. 1743-1744.

103d. La France et la Carrière des Indes. — La rapidité avec laquelle on sut parer aux difficultés, que l’état de guerre avec la France ne pouvait manquer de susciter63, doit être portée, aussi, à l’actif de la vitalité conjoncturelle des réactions de Séville. Déjà la déclaration de guerre du 19 mai 1635, on l’a vu, avait constitué, pour la Carrière des Indes, un véritable défi. Très vite — la correspondance de la Casa de la Contratación le laisse entendre — un modus vivendi s’était établi64, permettant de maintenir les relations commerciales indispensables. Mais peu importe, l’état de guerre avec la France, en cette année du Cid et de Corbie, n’en subsiste pas moins — et c’est la seule réalité qui compte, le défi, dirons-nous — il n’a pu entraver l’expansion dont on a vu l’ampleur et les modalités.

  • 65 Cf. t. V, p. 292-293, note 4.
  • 66 Cf. t. V, p. 293, note 4.

104e. Le matériel naval. — Une autre preuve de cette attitude tournée vers l’expansion sera trouvée dans le problème qui se pose du matériel naval. 1636 aura été une année de crise intense du tonnage. Pour faire face aux besoins de la défense et du trafic, il faut des navires que l’on n’a pas65 Sur la nécessité d’accroître le matériel naval disponible, voire par l’importation massive de navires anglais et hanséates, malgré les dangers qu’un tel recours comporte, il y a unanimité. De cette insuffisance, le fléchissement du tonnage unitaire fournit un peu comme la preuve quantitative — que l’unanimité cesse au moment où l’on envisage les moyens de financement et que l’optique de la Casa de la Contratación porte-parole des marchands66 ne soit plus celle du Consejo, rien là qui puisse surprendre, rien là qui retire tant soit peu de force à l’argument. 1636 nous place, à tous égards, au cœur d’une grave crise d’insuffisance de l’armement face aux besoins combinés de la défense et du négoce. Il n’est pas besoin de rappeler ce qu’une telle situation implique en conjoncture.

105f. Essai d’une conjoncture différentielle. — La correspondance de la Casa de la Contratación, en outre, permet de faire, en 1636, une différence entre la Nouvelle Espagne et la Terre Ferme.

  • 67 Cf. ci-dessus p. 1756 et 1741.
  • 68 Cf. t. VI1, table 167, p. 366 ; t. VII, p. 86-87.
  • 69 Cf. t. VI2, table 332, p. 560 ; t. VII, p. 86-87.

106Il n’est pas facile de comprendre ce qui a pu motiver l’engouement du négoce dans ce sens. Quantitativement la Nouvelle Espagne domine, on l’a vu67. Peut-être simplement la faiblesse sur deux ans des départs en direction de la Nouvelle Espagne68 et plus particulièrement en direction de la Vera Cruz69 : 16 navires, en 1634, 4 830 toneladas, 15 navires en 1635 et 4 050 toneladas, 17 navires en 1636 et 5 260 toneladas. Pour l’ensemble de la Nouvelle Espagne, le décrochement est plus considérable encore, puisqu’il oppose aux 21 navires et 14 navires, 5 980 toneladas et 4 270 toneladas de 1634 et 1635, les 26 navires et 7 330 toneladas de 1636.

  • 70 Cf. t. VI1, table 19, p. 180-181 ; t. VII, p. 24-27.
  • 71 Sur quarante convois dont la date de départ de San Lúcar est connue (le convoi de 16,36 n’en est pa (...)
  • 72 Cf. t. V, p. 294.

107Ce gonflement est d’autant plus sensible que le départ de 1636 est d’autant plus précoce. La date de départ de Cádiz, le 6 mars 1636, est proprement insolite. La statistique des départs recensés des convois en un siècle le prouve. Sur trente-neuf convois allant en Nouvelle Espagne, dont la date de départ de Cádiz est connue70, le plus précoce est celui de 1636, deux partent en avril, quatre en mai, onze en juin, vingt en juillet, un en août71. D’où des difficultés de chargement que la saison comporte72 et dont il serait dangereux de tirer des conséquences hâtives.

  • 73 Ibid., p. 294.
  • 74 Cf. ci-dessus p. 1317-1318,.. 1332-1334. Sinon célèbre, du moins, la plus lourde de conséquences.

108Au tout début de 1636, à la fin même de 1635, on est en présence d’une flambée bien caractérisée d’optimisme conjoncturel dont la hâte des préparatifs et la ruée en direction de la Nouvelle Espagne du matériel naval et des marchandises semblent fournir, sinon l’explication, du moins, la certitude formelle. Il est non moins certain que cette flambée conjoncturelle du négoce sévillan dans l’axe nouvel espagnol du trafic n’a pas été de longue durée. Les nouvelles qui parviennent du marché de la Vera Cruz semblent prouver73 l’ampleur du contresens qui a été commis. Une erreur qui — toutes proportions gardées — rappellerait un peu, de très loin, celle célèbre de 160974. Elle n’en a ni l’ampleur, ni la portée. Elle est assez rare, toutefois, pour valoir d’être notée. Cette erreur tendrait à prouver un déphasage, assez exceptionnel, entre la situation du marché aux Indes telle qu’on la prévoit de Séville et la réalité aux Indes. Il est exceptionnel qu’il en aille ainsi et l’on en peut tirer, au moins, deux conclusions ou, plus exactement, deux présomptions.

  • 75 Cf. ci-dessus p. 853-1525.

109N’y aurait-il pas, dans ce déphasage, une présomption de dissociation grave d’un marché qui, pendant longtemps, a formé un tout commandé de Séville et fortement centré sur elle ? Ne serait-ce pas un autre signe, il nous avait semblé en percevoir quelques-uns au moment du renversement de la tendance majeure75, d’une relative indépendance ou d’une indépendance plus grande que par le passé, du négoce et de la conjoncture créole par rapport au négoce et à la conjoncture sévillane ?

  • 76 Cf. t. V, p. 296.
  • 77 Cf. t. V, p. 308. Elle sera pour l’essentiel, avec une solution de secours pour le transport du mer (...)

110Toujours est-il que cette déception va provoquer des réactions en chaîne76 et provoquer, à Séville, de la part des forces traditionnelles du négoce ou de ce qu’il en reste, des réactions de méfiance et d’hostilité à l’égard du marché de la Nouvelle Espagne. On voit, non sans quelque surprise, tout au long de l’automne de 1636, l’opération punitive anti-Nouvelle Espagne77 : conçue selon le schéma traditionnel des meilleurs réflexes « malthusiens » elle nous ramène plusieurs années en arrière.

111Or, en phase longue d’expansion, un tel symptôme eût été considéré comme un élément annonciateur de la crise, sinon la crise elle-même, délimitant sûrement le passage de l’expansion à la contraction. En phase longue de contraction on peut se demander s’il n’en va pas tout à l’opposé, d’autant que le mécompte est, pour une fois, étonnamment localisé au seul axe nouvel espagnol du trafic.

112Cette dissociation des comportements, pour une fois, des marchés de la Terre Ferme et de la Nouvelle Espagne vus de Séville est un symptôme supplémentaire de l’hétérogénéisation, osera-t-on dire, de l’espace économique, autrefois un, de l’Atlantique de Séville. En effet, l’espoir qui renaît à Séville de peser sur le destin récalcitrant du marché de la Vera Cruz par une action concertée, même si l’action se moule, une fois de plus, dans le schéma absurde du « malthusianisme » avant la lettre, qu’est-ce, à la limite sinon une prise de position optimiste ? Depuis que, inexorables, les catas trophes des derniers lustres d’avant 1620, depuis Matanzas, surtout, en 1628, annonciatrice d’irréversible, s’étaient abattues sur la Carrera, celle-ci, soudainement passive, comme résignée à son destin, avait semblé admettre implicitement l’impossibilité, pour elle, d’échapper à sa ruine.

113Pour la première fois depuis longtemps, pour la dernière fois, un peu avant 1636, au début de 1636 et pendant la plus grande partie de l’année et les premiers mois de l’année suivante, on va assister au curieux spectacle de groupes marchands relativement homogènes et conscients, autant qu’on en puisse juger, qui se lancent, d’abord, à un rythme anormalement rapide dans l’aventure d’une très grande flotte et puis, qui, furieux mais non découragés de leur échec — un échec rançon d’une sympathique démesure — refusent de l’accepter comme inévitable, complotent et décident d’agir, mal, bien sûr, et suivant les moules d’un passé orgueilleux et caduc. Tout cela en 1636 paraît étrange. Tout cela semble anachronique, tout cela est plein d’un désuet tissé de rêve et de grandeur. En phase longue de contraction, cela suppose la plus forte flambée conjoncturelle cyclique décennale que l’on puisse imaginer et que l’on puisse jamais observer.

114Or ce schéma est d’autant plus vrai et les conséquences qu’on en tire, plus légitimes, qu’il est étroitement limité au seul négoce de la Nouvelle Espagne. Le plus simple passage d’un marché ouvert à un marché contracté, avec les réactions en chaîne que ce changement de climat suscite, affecte uniquement l’axe du commerce de l’Espagne avec la Nouvelle Espagne. Il en va tout autrement, par contre, de la Terre Ferme dont le rôle d’espace économique dominant se trouve confirmé et dont la conjoncture est fort différente.

  • 78 Cf. t. V, p. 295.

115Le volume des exportations de 1636 en direction de la Terre Ferme a été gêné, dans son essor, par la date insolite du départ de la flotte de Nouvelle Espagne. Entre 1636 et 1637, alors qu’il y a contraction volumétrique des départs en direction de la Nouvelle Espagne (de 26 navires à 11 navires, de 7 330 toneladas à 4 050 toneladas) il y a expansion volumétrique des départs en direction de la Terre Ferme (de 19 navires à 29 unités, de 5 990 toneladas à 8 366 toneladas). Il y a bien plus encore — mais cela entre dans la ligne de ce que l’on a toujours observé et plus spécialement depuis quinze ans de la dominance de l’axe du trafic Espagne-Terre Ferme, fantastique expansion qualitative. Or, on notera, en direction de la Terre Ferme, à Séville, en 1636, un fait proprement inouï et dont la signification conjoncturelle ne peut, quoi qu’on fasse, être surestimée : le Consulado78 des marchands pousse à la flotte de Terre Ferme contre les réticences du Conseil des Indes, avant tout soucieux de pourvoir en tonnage ses innombrables armadas. De telles attitudes reportées, vingt ou trente ans, plus tôt, paraîtraient absolument folles. Elles ont, de toute manière, le double mérite de montrer, d’une part, avec un éclat exceptionnel, le rôle dominant de l’axe Espagne/Terre Ferme dans l’ensemble de moins en moins homogène du vieil Atlantique du Monopole. La folle poussée qualitative de 1637 — elle s’explique, dans la mesure où il y a eu goulot extérieur sur les possibilités de développement en volume de ce trafic capital — le prouve plus clairement encore.

116Elles ont, en outre, et beaucoup plus sûrement le mérite de caractériser la conjoncture étonnante de 1636. Séville vient d’être reprise d’un vent d’optimisme et d’entreprise que l’on comprend, certes, mais dont on s’explique mal l’ampleur. A tel point que le Consulat prêche la hardiesse — dans la direction nouvellement, de plus en plus dominante de la Terre Ferme —, à un Consejo modérateur. Les positions sont tellement antithétiques et insolites qu’elles définissent une conjoncture haute dans le cadre du cycle décennal, d’une manière presque caricaturale, tellement, sachant ce que Ton sait, elle est inespérée.

117On peut difficilement rêver d’une reprise conjoncturelle plus parfaitement définie. Reste, désormais, cette expansion, à l’expliquer, du moins, à l’éclairer.

HYPOTHÈSES

118Pour éclairer la localisation de ce phénomène, sinon toujours son extraordinaire amplitude, on possède toute une série d’indices concordants qui situent bien entre 1635 et 1636, le coup de buttoir conjoncturel.

1. Les prix

  • 79 Cf. t. VI1, table 164, p. 363.
  • 80 Cf. t. VI1, table 164, p. 363, col. III et IV et t. VII, p. 52-53.

119On retrouve, avec une vigueur extraordinaire, le dessin de la corrélation positive traditionnelle. Même le mauvais réactif, à cette époque, des indices des prix-argent pour l’ensemble de la péninsule ibérique79 donne, entre 1635 et 1636, un très sensible plan de clivage : de l’indice 126,81, point bas en 1635 à l’indice 136,92, point haut en 1637, en passant par la position intermédiaire de l’indice 131,74 de 1636. Mais ce plan de clivage est encore beaucoup plus sensible80 si on considère non plus les chiffres absolus mais des écarts relatifs, en raison du mouvement, dans l’ensemble, descendant de la tendance majeure, de 96,28 % en 1635, 102,68 % en 1636 et 106,49 % en 1637.

  • 81 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 215-216.

120Beaucoup plus significative encore, à plus d’un égard, la seule série des indices des prix andalous81, puisqu’on part du creux de l’indice 96,10 en 1634 à l’indice 98,32 en 1635 et surtout les indices 105,24 en 1636 et 118,30 en 1637. La seule discordance régionale à la hauteur des années 1635 et 1636 se situe en Vieille Castille-Léon, en Nouvelle Castille, il y a décrochement, comme en Andalousie, mais quelque peu atténué, à Valence, décrochement aussi, mais, à l’inverse, accentué.

2. Prix des grains

  • 82 Ibid., p. 392.

121Si on se réfère, par contre, aux prix des grains82, on constatera l’anomalie prodigieusement positive de 1636 (l’indice 283,24 en 1636 contre l’indice 135,88 en 1634). Il faudra bien, d’ailleurs, ne pas se hâter de conclure. Le point haut presque extrême du prix des grains en Andalousie, en 1636, impliquerait, selon le schéma raisonnablement admis, la vraisemblance de gros bénéfices pour les grands propriétaires fonciers et la propriété noble de l’Andalousie. Dans la situation du milieu du xvie siècle, c’eût été un facteur plutôt favorable. Nonobstant, toutefois, la difficulté que cette cherté ne pouvait pas manquer d’avoir pour l’approvisionnement en vivres des navires, le facteur n’est pas nécessairement négatif.

122Mais l’argument décisif est ailleurs. Étant donné la date extrêmement précoce des départs de 1636, dont les préparatifs se déroulent entre l’extrême fin de 1635 et les tout premiers mois de 1636, ils ne sont pas sous le coup des prix hauts des grains de 1636, même compte tenu de la date des moissons, en Andalousie, plus précoce qu’en France, fin mai, début juin, en gros. Les départs de 1636 sont donc placés sous le coup des prix des grains de 1635, soit une position moyenne, 173,52, certainement favorable à un certain niveau d’expansion quantitative puisque favorable à une production moyenne de capitaux dans la grande propriété, susceptible de s’investir dans le négoce transatlantique, sans frapper pour autant de paralysie les préparatifs en les soumettant au défi d’un coût d’approvisionnement prohibitif.

123L’indice du prix des grains de 1635, soit l’indice 173,52, constitue un facteur favorable pour un sommet d’expansion cyclique à accentuation quantitative, tandis que le sommet de 1636, soit l’indice 283,24 constitue un facteur favorable pour un sommet d’expansion cyclique à accentuation qualitative en 1637. L’indice 173,52 des grains en 1635 entre donc dans le contexte des 19 100 toneladas de 1636 tandis que l’indice 283,24 des grains en 1636 participe au contexte des 4 140,2 millions, minimum présumable de l'avería en 1637.

3. Prix relatif de la main-d’œuvre

  • 83 Ibid., p. 278-279.

124Le prix relatif de la main-d’œuvre83 constitue le dernier élément positif que nous puissions retenir pour éclairer le contexte de l’expansion des départs.

125Il y a décrochement depuis le point haut relatif de 1635 (l’indice 114,60), entre 1635 et 1636, de l’indice 114,60 à l’indice 111,63, il y aura décrochement, surtout de 1636 à 1637, au seuil du sommet d’expansion qualitative maximale, de l’indice 111,63 à l’indice 105,83. En 1636, 1637, pour une fois encore, on aura noté l’existence d’une corrélation selon le schéma traditionnel, entre prix de la main-d’œuvre et trafic. Il n’en ira plus exactement de même, lors de la grande crise des années 40.

  • 84 Cf. t. V, p. 288-291.
  • 85 Cf. t. V, p. 308-309

1261636, d’ailleurs, ne termine rien. Malgré le grand hiatus chronologique qui se situe, si on excepte quelques négriers84, sueltos et avisos85, entre le 15 avril 1636 et le 1er mai 1637 — cet intervalle est d’autant plus surprenant et intrinsèquement important que 1636 est une année à deux convois et 1637, une année à un seul départ groupé, — il serait dangereux de dissocier l’unité profonde du mouvement sur ces deux ans. Quelles que soient, d’abord, les premières apparences, 1637 prolonge, sous une modalité essentiellement qualitative, l’expansion cyclique essentiellement quantitative de 1636.

III. — 1637 : LA GRANDE EXPANSION CYCLIQUE DES VALEURS

  • 86 Cf. ci-dessus p. 1756,.. 1758-1761.

127Malgré un hiatus chronologique (15 avril 1636-ler mais 1637) qu’il serait dangereux, pourtant, de négliger, les modalités très particulières du trafic de 1637 découlent intégralement des décisions prises en 1636 par le corps des cargadores, pour une fois, encore, à nouveau, extraordinairement solidaire. 1637 est dominée, à la suite des mécomptes du marché de la Vera Cruz86 par la volonté concertée d’obtenir un renversement de la tendance des prix sur ce marché par une pénurie organisée. Ce barrage artificiel loin de contrarier, en profondeur, l’élan du mouvement se borné à lui conférer des modalités particulières, les modalités propres de l’année 1637, c’est-à-dire une accentuation du mouvement en direction de la Terre Ferme et une poussée en valeur. Les deux aspects sont, d’ailleurs, étroitement, solidaires. Ils définissent très bien les réussites de l’année.

LA LEÇON DES CHIFFRES

128Il ne faudra pas les perdre de vue pour apprécier, à sa juste valeur, la leçon des chiffres du mouvement global.

1. L’équilibre Allers-Retours

  • 87 Cf. t. VI1, table 159, p. 356.

129L’équilibre interne non sensiblement modifié des Allers et des Retours en 1637 souligne la participation de 1637 à la période d’expansion commencée en 1635 et 1636. En effet, le tassement quantitatif des Allers et des Retour de 1636 à 1637 s’est opéré à un rythme grossièrement synchrone. De 80 navires - à 65 navires, de 19 100 toneladas à 15 998 toneladas, de 21 965 tonneaux à 18 397,6 tonneaux, pour les Retours, de 54 unités à 47 unités, de 18 710 toneladas, 21 516,5 tonneaux à 14 066 tonceladas, 16 178,9 tonneaux. Dans le cadre du découpage annuel du mouvement, il y a maintien de l’anomalie positive des Retours, malgré une légère réduction normale de 1636 à 1637, exprimée par le pourcentage des Retours aux globaux, de 52,96 % en 1635. 49,49 % encore en 1636 et 46,79 % en 163787. La condition clef de l’expansion est donc maintenue, encore, au cours de l’année 1637 et au terme de l’année, entendez dans les premiers mois de 1638.

  • 88 Cf. ci dessus p. 1719-1730, p. 1734-1735... 1724.

130Si on fait le rapport des Retours de 1636 aux Allers de 1637, selon un schéma plusieurs fois utilisé déjà88 on constatera que, pour la première fois depuis six ans, depuis 1631 très exactement, les Allers de 1637 sont par rapport aux Retours de 1636 exprimés en toneladas, en état de contraction relative. Il ne faut pas tirer de cette expansion négative des conclusions hâtives. En effet, 1637 se trouve au terme d’une longue anomalie positive des Retour-, dont les effets, nécessairement, s’émoussent. Il y aurait beaucoup de naïveté à penser, d’autre part, que le matériel rentré dans le Guadalquivir est immédiatement et simplement réutilisable dans le mouvement à l’Aller.

  • 89 Cf. t. V. 1635-1637A, 1636-1633R. t. V. p. 264 à 341.
  • 90 Cf. t. VI1, tables 14 à 17, p. 170-177.
  • 91 Cf. t. V, P. 314-315 et p. 292-293 notamment.
  • 92 Cf. t. VI1, table 12D et 12E, p. 164-167 ; t. VII, p. 34-35 et t. V, p. 314.

131Outre l’analyse détaillée des tableaux89, la vétusté du matériel et le déséquilibre des tonnages unitaires le laissent facilement à penser. La vétusté du matériel est bien établie90 C’est bien au terme de la demi-décade 1631-1635 que le stock des navires est le plus vieux, c’est à la charnière des demi-décades 1631-1635 et 1636-1640 que se place, dans ce domaine, le renverse - ment de la tendance majeure. A partir de 1636, commence un gros effort de renouvellement du matériel naval. C’est pourquoi, la correspondance de la Casa de la Contratación est pleine, depuis plusieurs années :, des échos d’un grande pénurie de navires5 Cette pénurie de navires peut apparaître paradoxale, a priori, compte tenu de l’anomalie positive des Retours prolongée. La contradiction disparaît si on admet que les gros navires qui reviennent des Indes sont de gros navires91 à bout de souille, qui, souvent sont voués aux chantiers de démolition — l'extraordinaire poussée des chantiers créoles et la déconfiture des chantiers de l’Espagne du Nord ont pu modifier quelque peu les équilibres auxquels92 on a été habitué en d’autres temps. L'al traves ne joue plus forcément à sens unique comme par le passé. Les gros navires rentrés des Indes peuvent être absorbés aussi par les besoins de la défense maritime européenne friande nécessairement en gros navires dont la Carrera est particulièrement bien pourvue à cette époque, comme elle l’a été presque de tout temps.

132Cette hypothèse, l’hypothèse du non-réensemencement de la Carrière des Indes, en navires, à l’Aller, par le matériel excédentaire des Retours se trouve confirmée par la disparité continue des tonnages unitaires : 245,9 toneladas, à l’Aller, de 1635 à 1638, 324,4 toneladas au Retour, dans le même laps de temps. Le raisonnement reste pleinement valable en 1637, malgré une tendance certaine à la réduction, de 1635 à 1637, des écarts des tonnages unitaires moyens : en 1635, Allers, 245,3 toneladas et Retours, 353,48 toneladas, en 1636, Allers 238,75 toneladas et Retours 346,5 toneladas, en 1637, l’écart, bien que sensiblement réduit, reste encore très fort ; 246,12 toneladas, tonnage unitaire moyen des Allers, contre 299,3 toneladas pour le tonnage unitaire moyen des Retours.

133On s’explique, ainsi, que la longue anomalie positive des Retours ait pu avoir un effet positif sur la conjoncture du négoce, sans détendre, un seul instant, la tension qui s’exerce sur l’armement ni distendre le goulot d’étranglement du tonnage. Malgré une anomalie positive à long terme dont on a mesuré facilement l’importance en comparant, par exemple, les Retours de 1635-1636 aux Allers dans la ligne de 1636 et 1637, voire aux Retours de 1635 à 1637, les Allers de 1636 à 1638, puisque dans le premier cas, on a face aux 145 navires, aux 35 098 toneladas des Allers, les 104 navires et 36 384 toneladas des Retours correspondants, dans le second cas face aux 217 navires et 52 898 toneladas des Allers, les 151 unités et 50 450 toneladas des Retours.

2. Allers

  • 93 Cf. t. VI1, table 164, p. 363 ; t. VII, p. 52-53.

134Le glissement quantitatif des Allers de 1636 à 1637, de 80 navires à 65 navires, Je 19 100 toneladas à 15 998 toneladas, de 21 965 tonneaux à 18 397,5 tonneaux, est de l’ordre de 18,7 % sur le mouvement unitaire et de 16,24 % sur les séries tonnage, avec une légère atténuation du creux du tonnage unitaire moyen de 238,75 toneladas à 246,12 toneladas, soit un retour à la position du tonnage unitaire de 1635 (245,9 toneladas). Ces oscillations sont assez faibles pour qu’on puisse, raisonnablement, en tirer grands arguments, si ce n’est celui au cours de ces années d’une certaine stabilité dans la dépression relative du tonnage unitaire. Par rapport à la moyenne93, la position des Allers passe de 124,41 % à 108,92 %.

  • 94 Cf. ci-dessus p. 1736-1737.

135Le creux est sensible, puisqu’il amène les Allers à un niveau sensiblement comparable à celui de 1635, dont on avait dit, à son heure, la médiocrité94 65 navires, 15 998 toneladas en 1637, 64 navires, 15 700 toneladas en 1635, 246,12 toneladas en 1637, 245,9 en 1635).

  • 95 Cf. ci-dessus p. 1758-1761.
  • 96 Cf. t. VI1, table 152, p. 349 ; t. VII, p. 50-51.
  • 97 Cf. t. VI1, table 164, p. 363 ; t. VII, p. 52-53.

136Ces analogies vont plus loin encore, puisque, dans un cas comme dans l’autre, on est en présence d’une structure analogue des départs reposant sur un seul convoi et une protection unique. La raison du recul quantitatif de 1637 est évidente, trop même, pour permettre des généralisations hâtives : l’échec de la flotte de Nouvelle Espagne ou plus exactement la suppression calculée, voulue et préméditée de la flotte de Nouvelle Espagne95. La raison en est assez claire et permet, tout de suite, une différenciation très sensible entre 1635 et 1637, les deux mouvements Allers dont les analogies extérieures avaient, d’abord, frappé. Rien de commun entre le régime des deux flottes réduites de 1635 et partant ensemble et la suppression volontaire de la flotte de Nouvelle Espagne. Rien de commun, non plus, malgré les apparences sur le plan de la Terre Ferme. Par rapport à une moyenne rapidement décroissante96, la position relative des mouvements globaux Allers, sensiblement équivalents de 1635 et 1637, a beaucoup baissé (97,65 % en 1635, 124,41 % en 1636 et 108,92 % en 163797

3. Retours

  • 98 Cf. t. VI1, table 156, p. 352 ; t. VII, p. 50-51.
  • 99 Cf. t. VI1, table 161, p. 363.

137Le synchronisme est frappant. Le repli, toutefois, est un petit peu plus accentué que pour les Allers. De 54 à 47 navires, de 18 710 toneladas à 14 066 toneladas (de 21 516,5 tonneaux à 16 178,9 tonneaux), le recul est respectivement, suivant le critère adopté, de 7 navires et 4 644 toneladas (pour les Allers, dans le même temps, le repli est respectivement de 15 navires et 3 102 toneladas), soit en valeurs relatives, un repli respectivement de 12,9 % sur le mouvement unitaire et de 24,8 % sur le mouvement en tonnage. Même par rapport à une moyenne décroissante de 1636 à 163798, le repli relatif est sensible, de 154,6 % à 126,1 %99. Il s’accompagne, en outre, d’un recul considérable du tonnage unitaire de 353,48 toneladas en 1635, 346,5 toneladas en 1636 à 299,3 tonneladas en 1637.

  • 100 Cf. t. V, p. 318.

1381637 marque bien, par conséquent, sur le mouvement Retours, au même titre que 1638, en Allers, une frontière, le terme de quelque chose : le terme de l’anomalie positive des Retours. Extérieurement, la mutation apparaît, de plusieurs manières, par la réduction sensible, quand même, du volume (le recul est de 24,8 % en tonnage par rapport à 1636 et de 20,4 % encore par rapport à 1635), par la structure des Retours : à nouveau, après deux années consécutives sous le régime du double convoi, on arrive en 1637 au régime normal d’un seul convoi, en l’occurrence, tardif, puisqu’il rentre avec une masse inusitée, à Cádiz, à la date tardive du 25 novembre 1637100 ; par la chute, enfin, du tonnage unitaire. Elle tend à impliquer, après une longue anomalie positive dont on a vu les conséquences sur le tonus général du trafic, un retour à la normale. Cette anomalie tend, à nouveau, à se résorber et le trafic à retrouver son point d’équilibre ancien. La résorption de l’anomalie des Retours aura naturellement les plus grandes conséquences sur le passage, à partir de la dernière fluctuation primaire, de l’expansion à la contraction cyclique.

4. Allers et retours

139L’étroite solidarité, malgré tout, qui unit le comportement des Allers et des Retours se retrouve naturellement dans les globaux Allers et retours. On les retrouve en contrebas de 1635, assez sensiblement en retrait par rapport à 1636.

  • 101 Cf. t. VI1, table 138, p. 336, table 142, p. 340, table 164, p. 363 ; t. VII, p. 50-53.

140Le mouvement global101, en 1635, à mi-pente de la phase ascendante du cycle, de 1634 à 1636, totalisait 117 unités et 33 374 toneladas (38 980,1 tonneaux). En 1637, le niveau est analogue, un peu en contrebas, pourtant, avec 112 navires, 29 064 toneladas et 34 573,6 tonneaux. Par rapport au sommet de l’expansion quantitative de 1636, le recul s’est nettement accusé, puisqu’il est de 16,4 % sur le mouvement unitaire de 134 navires à 112 navires, de 23,1 % sur la série des tonnages, de 37 810 toneladas (43 481,5 tonneaux) à 29 064 toneladas (34 573,6 tonneaux). Commandé par le plan de clivage du tonnage unitaire, des Retours, il y a mutation considérable également sur le volume du tonnage unitaire global, de 282,16 toneladas à 259,5 toneladas.

  • 102 Cf. t. VI1, table 158, p. 355, table 164, p. 363.

141Par rapport à une tendance majeure rapidement décroissante102, la chute relative du mouvement se trouve considérablement atténuée, de 137,80 % en 1636 à 116,31 % et, fait important, malgré l’important dénivellement vrai relevé entre 1635 et 1637, l’égalisation est obtenue par rapport au trend entre ces deux années quelque peu différentes, 116,32 % en 1635, 116,31 % en 1637.

142La seule analyse des mouvements quantitatifs globaux, à la différence de ce qui se produit souvent, ne permet pas de rien conclure de définitif. On est frappé, tout de suite, de la distorsion qui oppose volumes et valeurs. 1637, en fait, loin de constituer un ensellement dans l’expansion est, en réalité, le prolongement et l’accomplissement sous la forme qualitative la plus ambitieuse d’une période d’expansion cyclique décennale sans équivalent dans l’histoire de la Carrière des Indes.

CONFIRMATIONS PARALLÈLES

143En fait, c’est plus, cette fois, que de simples confirmations, mais bien plutôt une élaboration qu’il faudra chercher en dehors des séries quantitatives globales. Au tout premier chef, dans la série valeur.

1. Valeurs

  • 103 Cf. ci-dessus p. 1754,.. 1738,.. 1726..
  • 104 Cf. t. VI1, table 227, p. 473.
  • 105 Cf. t. VI1, table 226, p. 472.
  • 106 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 96-97, 197-198, 215-216.

144C’est évidemment, malgré les prudences indispensables103, la série avería104 qui est, ici, la série capitale. Non seulement, l’ensemble non critiquable du mouvement Allers sur trois ans de 1636 à 1638 constitue un des paradoxaux points hauts de tout le mouvement Allers. Seules, les deux dernières décades du xvie siècle105 peuvent aligner des fragments de trois ans comparables. Deux facteurs contradictoires permettent la comparaison. D’une part, la poursuite de la révolution des prix relayée par la flambée inflationniste106 tend à minimiser la portée des valeurs du xviie siècle par rapport à celles du xvie siècle. D’autre part, par contre, la plus qu’évidente débandade des mécanismes de l'ad valorem tend à valoriser la signification des impôts du xviie siècle par rapport à ceux du xvie siècle. Il n’est pas impossible que les deux facteurs divergents réussissent à s’annuler à peu près parfaitement et qu’une comparaison brutale, sans artifice, maravedí contre maravedí, ne serre de plus près la réalité que de longues et incertaines pondérations.

145Cette comparaison simpliste — mais non illégitime — place le couple indissociable du mouvement Allers, 1636-1637, a égalité, voire en position de supériorité inégalée, avec les précédents records du mouvement-valeur, 1608-1609, 1596-1597, 1592-1593. Étalée sur trois ans, 1636-1638, la poussée doit céder de peu le pas devant 1608-1610, 1596-1598, 1590-1592, 1592-1594. Considérée dans sa seule entité, 1637, malgré tous les scrupules et toutes les critiques qu’on peut formuler à son encontre, constitue, sans conteste possible, le record du mouvement-valeur sur près d’un siècle et demi d’histoire recensée de la Carrera.

  • 107 Cf. t. VI1, tables 226-227, p. 472-473.

146Nous sommes bien en face du plus parfait schéma de triage volume-valeur que l’on puisse imaginer, sur trois ans107. Poussée quantitative en 1636 : 19 100 toneladas et 655,5 millions de maravedís, de valeur minimale présumable de l’avería. En 1637, le goulot d’étranglement des tonnages entraîne un léger ensellement des volumes mais le sommet record de toutes les valeurs : soit 65 navires, 15 998 toneladas et 4 140,2 millions, minimum présumable de l'avería. En 1638, par contre, l’expansion est morte. Elle bénéficie, uniquement, semble-t-il, d’une vitesse acquise. On liquide les pondéreux laissés pour compte à l’origine du goulot de l’armement de 1637, l’expansion ne se maintient plus que par un artifice, 72 navires, 17 800 toneladas mais 106,7 millions, minimum présumable de l'avería. Le mouvement peut être atténué par une critique légitime — il est possible de contester, par exemple, le rapport 4 milliards, 100 millions ; on peut légitimement arguer du fait que la lourde contribution de 1636 aura contribué à baisser au-delà du terme exact du rapport des valeurs vraies, le rendement de l’averia en 1638 — mais les amplitudes sont telles qu’aucune hésitation n’est possible quant à l’ordre des facteurs et à l’importance des dénivellements. Le schéma est valable, comme jamais, sur trois ans de 1636 à 1638.

147A l’appui de l’hypothèse, les confirmations abondent.

2. Ventilation au départ et répartition géographique

  • 108 Cf. ci-dessus p. 1756-1763.

148Toute la clef de la poussée qualitative de 1637 est contenue dans les décisions de 1636108.

  • 109 Cf. t. VI1, table 183, p. 388-389 ; t. VII, p. 72-73.

149La ventilation des navires au départ109 pourrait, d’abord, ne pas donner une bonne indication de la distorsion quantitatif-qualitatif qu’on a précédemment observée. Ou, si on veut, elle aboutirait à tendre, encore, au-delà du raisonnable le paradoxe.

  • 110 Cf. ci-dessus p. 1754-1755.

150En effet, si on compare l’ensemble des seuls secteurs réputés économiquement les plus lourds, c’est-à-dire les navires marchands de Séville et de Cádiz entre 1636 et 1637, on aura la surprise d’un creux110 qui, loin d’être atténué, se trouve, au contraire, accentué par rapport au mouvement des globaux. De 33 navires à 31 navires, mais de 8 710 toneladas à 5 420 toneladas pour les seuls navires marchands de Séville, de 5 unités à 2 unités, de 1 670 à 650 toneladas pour les navires de Cádiz, de 38 navires à 33 navires, de 10 380 toneladas à 6 070 toneladas pour l’ensemble des navires marchands de Séville et de Cádiz, le décrochement de 41,5 % excède beaucoup celui des globaux en tonnage, qui n’était que de 16,24 %. Cette disparité n’est pas due aux négriers. On observera, en effet, qu’entre les 30 navires et 4 000 toneladas de 1636, et les 31 navires et 4 050 toneladas de 1638, les 17 navires et 2 132 toneladas de la série négrière en 1637 épousent très sensiblement un mouvement très proche de celui des marchands de Séville et de Cádiz. L’élément distordant est, donc, ailleurs : c’est, une fois de plus, la série armada, soit 15 navires, 7 796 toneladas entre 8 et 8 unités, 4 720 et 4 640 toneladas.

  • 111 Cf. t. V, p. 308-309.
  • 112 Cf. ci-dessus p. 1749-1763 et notamment p. 1754-1755 ; cf. t. VI1, table 167, p. 366.

151L’élément distordant et la cause éventuelle d’erreurs. Un simple coup d’œil, en effet, sur les tableaux111, un retour sur les précisions de 1636112 montrera que le mouvement d'armada n’a pas en 1637 la même fonction qu’en 1636. En 1637, le mouvement d'armada assume une partie du travail de la flotte volontairement défaillante de la Nouvelle Espagne. Le contenu économique de la catégorie armada se trouve, de ce fait, en grande partie modifié.

  • 113 Cf. t. VI2, table 332, p. 560.
  • 114 Cf. t. VI2, table 364, p. 585.
  • 115 Cf. t. VI2, table 369, p. 587.

152Un autre facteur, par contre, joue beaucoup plus sûrement et, sans hésitation, dans le sens d’un renforcement de la position qualitative du mouvement de 1637 : la part respective du départ de la Terre Ferme et de la Nouvelle Espagne113. Tandis que les îles se maintiennent à un niveau correct eu égard aux normes du temps, de 5 unités à 8 unités et de 1 780 toneladas à 1 450 toneladas, il y a permutation circulaire, à peu de choses près, des rôles respectifs de la Nouvelle Espagne et de la Terre Ferme. La Nouvelle Espagne glisse de 26 unités à 11 unités, de 7 330 toneladas à 4 050 toneladas, et encore ce dernier niveau est le fait à peu près exclusif de l’armada supplétive. Les entrées des navires marchands à San Juan de Ulúa en rendent mieux compte, puisqu’on tombe, sur cette série, de 1636 à 1637, de 17 à 2 navires, de 5 260 toneladas à 470 toneladas. La Terre Ferme s’accroît d’autant de 19 unités à 29 unités, de 5 990 toneladas à 8 360 toneladas. Que la Terre Ferme soit, au meilleur sens du mot, sur un point haut, on en a d’autres preuves indirectes. Test utile, par exemple, les entrées des navires marchands dans le port de Puerto Belo114 : les entrées passent, en effet, par un point haut relatif de 8 navires et 2 000 toneladas en 1636 (6 navires, 1 840 toneladas en 1635, 3 navires, 1 100 toneladas en 1634) à 10 navires et 2 590 toneladas en 1637. Point haut également pour l’armada qui passe, dans le même temps, à Puerto Belo, de 6 à 10 navires, de 3 520 à 5 216 toneladas115. Cette substitution de la Terre Ferme à la Nouvelle Espagne à la tête du trafic est un événement de tout premier plan. On a déjà vu comment et pourquoi. Il est réconfortant et parfaitement conforme à tout ce qui a été jusqu’ici posé, de constater que la flambée qualitative du mouvement en 1637 correspond très exactement à une flambée de la Terre Ferme.

3. Le mercure

  • 116 Cf. t. V, p. 308 et ci-dessous Appendice, p. 1958-1978.

153A l’appui de cette double constatation, l’accentuation en valeur du mouvement et l’accentuation en direction de la Terre Ferme du mouvement en 1637 trouvent leurs échos dans l’exportation du mercure. La masse de mercure exportée est considérable, 5 745 quintales, signe d’une conjoncture haute et d’une certaine confiance dans l’avenir — une ventilation interne n’est pas facile — la totalité, toutefois, semble bien destinée à la Terre Ferme116. Forte poussée, donc, du mercure, à destination de la Terre Ferme et de la Terre Ferme seule à l’exclusion d’une Nouvelle Espagne silencieuse. La politique du mercure que l’on mène à Séville souligne le caractère dominant des valeurs et de la Terre Ferme dans la conjoncture de l’année.

4. Ambitions et goulot du tonnage

  • 117 Cf. t. V, p. 314, note 7.
  • 118 Cf. t. VI1, tables 181 à 183, p. 381, 385, 389.

154Il y a deux éléments, au moins, que Ton peut invoquer, encore, en faveur de cette thèse. La fabuleuse évaluation à 20 000 toneladas117 par le rapport du 13 septembre 1637 de la Junte de guerre, des besoins de défense de la Carrera. Une telle proposition dont un coup d’œil sur la série armada118 permet de mesurer, d’entrée de jeu, l’extravagance, ne doit pas être prise, bien sûr, au pied de la lettre. Le simple fait qu’elle ait pu être émise n’est pas indifférent. C’est le chiffre le plus élevé qui ait jamais été, à notre connaissance, avancé. On aura noté qu’il Ta été en période de conjoncture haute.

  • 119 Cf. t. V, p. 314-315.
  • 120 Cf. ci-dessus p. 1764-1765,.. 1749-1751,.. 1734-1735..

155Deuxième élément, la crise du navire bat son plein119. Jamais, peut-être, au terme pourtant d’une longue anomalie positive des Retours120, on aura relevé autant de signes sûrs de l’insuffisance du stock naval à faire face aux multiples besoins qu’on attend de lui. Il y a, bien sûr, dans cette situation, autant de signes de contraction de longue durée du volume des navires, autant, donc, de pénurie tendancielle de l’armement que d’expansion conjoncturelle du négoce. Toutes choses étant égales, et les conditions aussi peu favorables que possible à l’émergence des structures de la pénurie des tonnages, l’indication est, en conjoncture, pleinement valable. Il faut donc la considérer comme un indice qui vient s’ajouter à d’autres indices et achève de préciser la conjoncture de l’année 1637, comme la conjoncture de l'expansion cyclique décennale qualitative maximale de toute l’histoire de la Carrera.

HYPOTHÈSES

156Si on était resté centré sur les apparences du découpage volumétrique annuel, la liaison avec le contexte d’histoire économique espagnole aurait présenté quelque difficulté. Compte tenu, par contre, de la réalité du mouvement qualitatif, la liaison avec un large contexte d’histoire économique espagno le représente plus aucune difficulté.

1. Un accident localisé. — Une prise de position « malthusienne »

  • 121 Cf. ci-dessus p. 1754-1763.

157Toute la conjoncture de 1637 tient dans quelques explications très simples121. Un accident, qu’on a vu, dans la conjoncture du marché de la Vera Cruz, preuve d’une certaine hétérogénisation de l’espace Atlantique de Séville et une série de réactions en chaîne qui découlent d’une erreur de calculs à la hase. Cette erreur de calculs a incité le négoce de Séville, dans une prise de position collective, à faire basculer son effort du marché douteux de la Nouvelle Espagne en direction de la Terre Ferme, c’est-à-dire d’un espace traditionnellement ouvert, encore, à des marchandises de moindre prix au profit d’un espace ouvert, seulement, aux exportations de plus grande valeur.

  • 122 Cf. ci-dessus p. 1751-1763,.. 1765-1768.

158A cette première difficulté s’en ajoute une autre : la pénurie croissante des navires, par la mutation du matériel qu’on a cru déceler122. D’où un goulet d’étranglement et une solution essentiellement qualitative.

2. Les prix

159Une fois l’expansion admise, le contexte est clair. Le contexte des prix, notamment, domaine des corrélations positives traditionnelles.

  • 123 L. J. Hamilton, 1601-1650, op. cit p. 403 ; t. VI1, table 164, p. 363.
  • 124 Bien sensible sur le graphique, t. VII, p. 55.

160a. Prix-argent. — Les prix-argent globaux culminent en 1637, avec l'indice 136,83123. Ce point culminant se détache de l’ensemble avec une vigueur étonnante. On est en présence, en effet, sur les prix-argent, d’une phase ascendante continue qui part du creux de 1635 (indice 126,81) et culmine en 1637 (indice 136,93), puis descend, d’un mouvement presque uniformément accéléré, de 1637 (indice 136,93) à 1610 (indice 101,45). Le point culminant (indice 136,93) de 1637 est le plus élevé sur une période exactement décennale de 1633 inclusivement à 1642124.

  • 125 Cf. t. VI1, table 164, p. 363.
  • 126 Cf. t. V, p. 308 sq.

161En valeurs relatives125 le mouvement est beaucoup plus accusé encore, puisqu’on part du creux relatif de 1633-1634-1635 (99,70 %, 96,76 % et 96,28 %) au sommet relatif de 1636 (106,76 %), en passant par la position moyenne de 1635 (102,68 %), puis il y a pente régulièrement descendante de 1637 à 1642, 106,49 %, 103,76 %, 98,38 %, 94,65 % 90,44 % et 78,17 % seulement en 1642. Le sommet d’expansion des prix-argent est plus prononcé, encore, en valeur relative qu’il ne l’est en chiffres-indices absolus. Puisque l’écart relatif positif de 1637, soit 6,49 % est le plus considérable de toux ceux qui furent observés en quatorze ans entre 1629 et 1643. Il est particulièrement frappant que le sommet de l’expansion cyclique des prix-argent corresponde exactement au sommet d’expansion qualitative du trafic Allers, sans même que l’on retrouve le décalage chronologique habituel. La date, toutefois, des départs des convois126 le 1er mai 1637 de San Lúcar, est assez tardive pour que l’on puisse parler de corrélation. Les préparatifs et le départ auront baigné dans l’atmosphère des prix très hauts de 1637. La corrélation, de ce fait, malgré la disparition du décalage chronologique habituel et, suivant les normes d’un schéma un peu différent du schéma habituel, n’est pas douteuse. L’extrême poussée des prix métalliques correspond à une extrême poussée qualitative du mouvement. Il faudra s’en souvenir.

  • 127 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 215-216.

162b. Prix nominaux. — La corrélation est identique pour les prix nominaux127 pour les prix nominaux dans l’espace qui compte, l’espace andalou.

163Depuis le creux de 1634, les prix nominaux andalous sont emportés dans un vaste mouvement ascensionnel et dans un mouvement — ce qu’il faut retenir, surtout — uniformément accéléré. Entre l’indice de 1635 et celui de 1634, l’écart positif est de 2,30 points (indice 96,10 en 1634, indice 98,42 en 1635), soit un décrochement relatif de l’ordre de 2,50 %, de 1635 à 1636, l’écart positif par rapport à la moyenne est de 6,82 % et de 6,90 %, de 1636 à 1637, l’écart positif est plus fort encore de 13,06 % (1635 : indice 98,42 et 1636 : indice 105,24) et le décrochement relatif de 13 % environ. Le sens de la série est donc très net : 2,3 %, 2,5 %, 6,9 %, 13 %.

164La corrélation est on ne peut plus évidente. On sera sensible à l’identité troublante des mouvements, la progression du mouvement-valeur en Allers suit exactement celle des prix réels andalous. Tout est respecté, jusques et y compris la hiérarchie respective des décrochements interannuels. Au-delà, il y a retombée jusqu’en 1640.

165Cette vérité de la série andalouse n’est pas partagée par les séries voisines, la Nouvelle Castille et la Vieille Castille/Léon culminant en 1638 avec un an de retard par rapport à l’Andalousie et à la courbe du trafic Allers. Bien que l’année 1638 soit encore, dans une certaine mesure, et sous une forme purement quantitative, période d’expansion, la corrélation, dans ce ca3, est beaucoup plus discutable. Cette constatation prouverait, si besoin en était, le primat des prix andalous dans l’explication des phénomènes du trafic de Séville.

166On aura constaté, par contre, pour une fois — sans que l’on puisse rien tirer d’un rapprochement purement anecdotique, vraisemblablement — que le comportement de la série Valencienne est très proche de celui de la série andalouse. Point haut en 1637, ici comme là, mais avec une amplitude très amortie. Simple constatation qui ne prétend rien déduire de cet imprévisible renfort méditerranéen.

  • 128 Ibid., p. 96-97.

167c. Inflation. — Cette expansion des prix — celle des prix-argent et celle des prix nominaux andalous surtout — aura eu un effet d’autant plus moteur qu’elle était moins directement commandée par l’inflation telle que la mesure Hamilton128. Cette inflation, en effet, continue à se développer, tendanciellement, certes, entre les deux flambées de 1626-1628 et de 1642, mais à un rythme apparemment acceptable. A tel point qu’elle n’empêche pas de part et d’autre de cette croissance tendancielle de l’inflation, un rythme des prix commandé par d’autres facteurs, pratiquement indépendants de la lente et presque imperceptible poussée inflationniste.

168Sur la série andalouse, par exemple, la poussée des prix est parfaitement indépendante de la lente poussée inflationniste, puisque de 1634 à 1637, les indices andalous passent de l’indice 96,10 à l’indice 98,42 puis à l’indice 105,24 et à l’indice 118,30, tandis que la prime de l’argent en terme de billon décrit dans le même espace une fluctuation différente, 1634, 27,38 %, 1635, 25,31 %, 1636, 25,15 %, 1637, 29,39 % et qu’au-delà de 1637, la chute des prix nominaux andalous, de 118,30 à 107,29 s’accompagne d’une petite flambée de l’inflation, de 25,15 (1636) 29,39 % (1637) à 35,75 % (1638).

169On mesure, ainsi, parfaitement, la nature des relations existantes entre les indices des prix et l’inflation. Jusqu’à un certain niveau, l’inflation est assimilable et elle n’entre que comme un facteur entre plusieurs dans l’élaboration de l’indice. C’est au-delà d’un certain seuil d’accélération, seulement, qu’elle cesse d’être assimilable et devient composante majeure dans l’élaboration de l’indice des prix-argent, des prix nominaux andalous, dans la vie des États et de la fiscalité, et partant, par ricochet, une composante majeure de la conjoncture du trafic dans l’Atlantique de Séville.

  • 129 Ibid., p. 271-273.

170d. Salaire. Main-d’œuvre. — Le coût relatif de la main-d’œuvre129 — il dépend, pour l’essentiel, des facteurs précédemment analysés — constitue, peut-être, le principal atout du contexte de l’année 1637. C’est entre 1636 et 1637, en effet, que se produit le décrochement le plus important puisqu’il fait passer le niveau relatif des prix de 111,11 %, 113,47 %, 114,60 % et 111,63 % en 1633, 1634, 1635 et 1636, soit un plateau élevé et relativement régulier à 105,83 % (1637) et 105,86 % en 1638.

171Peut-on ajouter, enfin, mais à titre de simple hypothèse, dans la conjoncture du trafic de 1637, en tant que facteur tonique général, susceptible par le biais du psychisme collectif, de créer une prédisposition à l’entreprise, les échos des succès politiques de l’année de Corbie ? La conjoncture haute, qui aboutit à la poussée qualitative unique du trafic de 1637, se situe, chronologiquement, entre les derniers mois de 1636 et les premiers mois de 1637. On sait la lenteur avec laquelle les sociétés de l’Ancien Régime réagissent devant les événements extérieurs, qu’elles n’ont pas, comme nous, les moyens de connaître immédiatement, d’analyser, de méditer. Ainsi la vague d’optimisme de Corbie — participer, même de loin, à un corps politique qui triomphe est beaucoup plus exaltant qu’appartenir à l’avilissement et à la défaite — arrive à son paroxysme à Séville, avec le temps de transmission et d’assimilation nécessaire, à la fin 1636 et au début 1637, au cours de ces mois qui ont préparé et réalisé la poussée triomphante, dominante, sans précédent, des valeurs des Allers consignées par l'avería.

IV. — 1638 : LA FIN DE L'EXPANSION

  • 130 Cf. ci-dessous p. 1772-1775.

1721638 est, à tous égards, une année frontière. Elle liquide les restes de l’expansion, d’une expansion cyclique manifestement en perte de vitesse. Elle est indissociable, pourtant, des événements des années passées 1636-1637, puisqu’elle est incompréhensible en dehors du schéma volume/valeur que nous avons proposé130 1638 nous amène donc, d’une manière presque insensible, de la fluctuation centrale de l’expansion cyclique maximale à la fluctuation de la catastrophe finale.

LA LEÇON DES CHIFFRES

173La ligne de frontière est immédiatement perceptible, moins sur les Allers qui ne sont pas affectés que sur les Retours et plus encore sur l’équilibre Allers-Retours, au sein du découpage annuel.

1. L’équilibre Allers-Retours

  • 131 Cf. t. VI1, table 159, p. 356 ; t. VII, p. 52-53.

174On a vu que la persistance d’une forte anomalie positive des Retours et un remarquable équilibre des deux faces essentielles du mouvement constituaient une caractéristique majeure de la fluctuation centrale — le pourcentage annuel des Retours aux totaux131 était resté de 1635 à 1637, particulièrement fort et particulièrement constant, soit 52,96 % en 1635, 49,49 % en 1636 et 46,79 % en 1637. On peut même parler, dans une certaine mesure, d’une anomalie positive des Retours et d’une relative constance du mouvement Retours de 1632 à 1637 inclusivement, sur six années consécutives (377 navires à l’Aller totalisant 100 213 toneladas, contre 275 unités, totalisant 85 970 toneladas au Retour, soit 45,4 % des globaux).

  • 132 Cf. ci-dessus p. 1777-1788.

175C’est avec cette double définition que le trafic de 1638 paraît en rupture. En rupture, pour diverses raisons que l’on analysera, plus tard132, avec le mouvement Retours qui en est responsable. En effet, non seulement la part des Retours dans l’ensemble des globaux Allers et retours se modifie gravement pour la première fois, pratiquement, depuis six ans, en passant brusquement de 46,79 % à 0,90 %, mais la part des Retours dans l’ensemble du mouvement Allers et retours tombe, avec 2 navires, seulement et 160 toneladas sur un total de 174 unités et 17 965 toneladas, tombe à la proportion, particulièrement dérisoire, en tonnage, de 0,90 %.

  • 133 Cf. ci-dessus p. 1764-1765,.. 1749-1751,.. 1734-1735.

176Cette brutale rupture marque une frontière fermement dessinée qui ne peut être considérée comme illusoire. En effet, elle marque le passage, indépendamment de tout accident stratégique d’une anomalie positive des Retours, très vigoureusement marquée de 1635 à 1637133 (207 navires, 50 803 toneladas ; 151 navires, 50 450 toneladas, de 1635 à 1637, en Retours, soit pour les Retours un peu plus de 49,8 % du total) à une anomalie négative non moins vigoureusement affirmée, de 1638 à 1640 (169 navires, 49 906 toneladas pour les Allers ; 62 navires, 20 020 toneladas pour les Retours, soit pour les Retours, un peu plus de 28,6 %). La part moyenne des Retours à l’ensemble des globaux Allers et retours passe donc d’une première à une seconde période de 49,8 % à 28,6 %, la participation relative à l’ensemble du mouvement varie, donc, du simple au double, d’une période triennale à la suivante. On ne peut donc écarter, dans ces conditions, d’un simple revers de main, comme étant dépourvu d’autre signification qu’accidentelle, le passage de 1637 à 1638 de la part relative des Retours en tonnage, de 46,79 % à 0,90 %. Le dénivellement est exagéré, amplifié, mais le sens de l’évolution est conservé.

2. Allers

  • 134 Cf. t. VI1, tables 132, 142, p. 330-340.
  • 135 Cf. t. VI1, table 164, p. 363.
  • 136 Cf. ci-dessus p. 1735,.. 1751,.. 1765.

177De 1637 à 1638, il y a sensible reprise des Allers. De 65 à 72 unités, de 15 998 à 17 800 toneladas, de 18 397,5 à 20 475,75 tonneaux134, les décrochements positifs sont de l’ordre respectivement de 10,7 % sur le mouvement unitaire et de 11,27 % sur le mouvement en tonnage. Par rapport à la moyenne135, il y a confirmation sensible du volume des Allers, de 108,92 % à 120,45 %. Le tonnage unitaire ne varie pas beaucoup136, de 245,9 toneladas en 1635, 238,75 toneladas en 1636, 246,12 toneladas en 1637, on passe à 247,22 toneladas en 1638, soit le tonnage unitaire le plus élevé de toute la fluctuation. On retiendra cette indication parce qu’elle marque l’ébauche d’une reprise et fait très timidement l’esquisse d’une reprise vers les niveaux plus élevés de la dernière fluctuation — le tonnage unitaire moyen des Allers passe, en effet, de la deuxième à la troisième fluctuation, de 245,9 toneladas à 304,1 toneladas. A cet égard, 1638, en Allers, marque une combien timide ébauche d’évolution.

  • 137 Cf. ci-dessus p. 1769-1770 et 1772.

178Au point de vue quantitatif, la position de 1638 est une position intermédiaire entre le point relativement haut de 1636 (80 unités, 19 100 toneladas) et le point relativement bas de 1637 (65 unités, 15 998 toneladas). En réalité, ces presque égalités sont des égalités superficielles. 1637 est une année, on a vu pourquoi137, sans flotte de Nouvelle Espagne. Dans ces conditions, il n’est pas possible de faire une comparaison utile entre 1638 et 1637, puisqu’il s’agit de trafics de structure différente. D’autant plus que 1638 bénéficie de ce qu’il faut bien appeler un effet de récupération. La comparaison s’impose, par contre, avec 1636 ; elle est parfaitement légitime, puisqu’elle s’établit entre éléments parfaitement comparables. Elle révèle, plus conforme à la réalité conjoncturelle, un phénomène sensible de tassement, de 80 unités à 72 unités, de 19 100 toneladas à 17 800 toneladas (21965 tonneaux à 20 475,75 tonneaux), soit un repli respectif de 10 % (mouvement unitaire) et de 6,7 % (mouvement en tonnage). Cet écart démontre clairement qu’en 1638 — nous en avions de multiples autres preuves — le mouvement de repli est bien commencé.

3. Retours

  • 138 Cf. t. VI1, tables 135, 142, p. 333-340.
  • 139 Cf. t. VI1, table 159, p. 356 ; t. VII, p. 52-53.
  • 140 Cf. t. V ; p.335-336.
  • 141 Cf. t. V ; p.340-341.

179C’est là, évidemment, que se situe la plus spectaculaire des ruptures. De 47 à 2 navires, de 14 066 toneladas à 160 toneladas (16 178,9 à 184 tonneaux)138. Les Retours ne représentent plus, on l’a vu, que 0,90 % des totaux Allers et retours139 c’est-à-dire le point le plus bas de toute l’histoire recensée de la Carrera (les positions les plus proches, celles de 1644 et 1650, 3,87 % et 4,95 % sont, quand même, nettement plus fortes). De toute manière, il n’y a pas argument à tirer, directement, d’un repli, respectivement de près de 96 % et de plus de 99 %. Il ne signifie pas, en soi, antre chose que l’échec pour des raisons essentiellement d’ordre militaire140 du convoi de Retour de 1638. Aucun argument non plus à tirer du dénivellement du tonnage unitaire, des 353,48 toneladas, 346,5 tonedadas et 299,3 toneladas de 1635, 1636, 1637, à 80 toneladas en 1638. Il traduit l’absence d’une flotte, l'absence d’une armada tout simplement, la présence de deux simples navires « sueltos » des îles141.

  • 142 Cf. ci-dessus, p. 1793-1795.

180Mais le décrochement, dans son exagération même, masque une réalité certaine : l’authenticité du dénivellement, tant absolu que relatif, des Retours. Le volume global des Retours ne passe-t-il pas de 151 navires, 50 450 toneladas de 1635 à 1637 sur trois ans, à 62 navires et 20 020 taneladas, au cours des trois années suivantes, de 1638 à 1640142 ? Soit un recul absolu non discutables de 58,9 % et 60,3 % plus fort encore que le recul relatif, pourtant si important ; la part des Retours aux globaux Allers et retours passe de 49,8 % de 1635 à 1637 à 28,6 % de 1638 à 1640. D’une période de trois ans à l’autre, il y a glissement, en outre, tendance à l’alignement du tonnage unitaire moyen de Retours sur celui des Allers, de 334,1 à 322,9 toneladas. C’est donc bien entre 1637 et 1638 qu'il faut placer la grande cassure du mouvement des Retours.

181Cette faille invite à penser qu'il y a autre chose, quand même, dans le décrochement 1637-1638 que de l'accidentel de guerre, ou de l’accidentel de mer. Il y a aussi l'épuisement du volant des Retours, après une très longue anomalie positive de ces derniers. Un des facteurs les plus importants de l’expansion vient à manquer. Il ne faudra pas oublier cet élément capital dans la genèse de la contraction de la dernière fluctuation du cycle.

4. Allers et retours

  • 143 Cf. t. VI1, table 165, p. 363 ; t. VII, p. 52-53.

182La rupture sans précédent des Retours — rappelons qu’en tonnage143, le chiffre vrai de 1638 ne représente que 1,44 % de la moyenne correspondante c’est-à-dire l’écart le plus considérable jamais observé au trend, 98,66 dans toute l’histoire de la Carrière des Indes, pour les Allers comme pour les Retours et à plus forte raison pour les Allers et retours - commande la situation des globaux Allers et retours. Elle place en 1638, avec un an d’anticipation un creux intercyclique qui n’est qu’une apparence imputable au découpage annuel.

183De 112 unités à 74 unités, de 29 064 toneladas s A 17 965 toneladas (de 34 573,6 tonneaux à 20 619,75 tonneaux), le recul est considérable, en effet, dû uniquement à la défaillance accidentelle des Retours, de 33,9 pour le mouvement unitaire et de 38 % en tonnage, avec un recul du tonnage unitaire moyen purement fictif de 282,16 toneladas et 259,5 toneladas, en 1636 et 1637, à 247,7 toneladas en 1638. Ce décrochement est dû à des causes purement extérieures, le ratage des s Retours, dont le tonnage unitaire est, structurellement, inférieur.

  • 144 Cf. t. VI1, table 164, p. 363 ; t. VII, p. 52-53.

184Par rapport à la moyenne mobile144, le creux est fortement marqué, puisque le niveau, 137,80 % en 1636, 116,31 % en 1637 ne représente plus, que 69,77 % en 1638. Cet écart est le plus important depuis 1631 (59,22 %) et jusqu’en 1641 (52,74 %). Il ne faudrait pas lui attribuer, pourtant, une signification excessive en raison du caractère, en grande partie, accidentel, de la disparition des Retours qui en est la cause.

185L’impression qui se dégage de cette première confrontation est celle, donc, pour 1638, soit du terme d’une expansion déclinante, soit d’un commencement de dépression. On peut donc, suivant les cas, l’envisager soit en terme d’expansion, soit en terme de contraction. 1638 apparaît, à cet égard, comme une année de conjoncture hésitante, prémonitrice des catastrophes qui arrivent.

CONFIRMATIONS PARALLÈLES

186De cette réalité nuancée, nous aurons de nombreuses confirmations, dans une analyse plus poussée des tableaux, des tables et de la correspondance de la Casa de la Contratación.

1. Les valeurs

  • 145 Cf. t. VI1, table 222, p. 469, table 227, p. 473.
  • 146 Cf. t. VI1, tables 226, 227, 228, p. 471-473.

187C’est, évidemment — encore que d’une interprétation plus particulièrement difficile que jamais — le mouvement-valeur145 qui constitue l’élément le plus important de cet éclairage nuancé. La série de l’avería accuse entre 1637 et 1638 le décrochement le plus spectaculaire de toute l’histoire de la Carrera146. Les valeurs par l’avería présumables 4 140,2 millions de maravedís en 1637, 106,7 millions en 1638) sont, en effet, dans l’ordre de 40 à 1.

  • 147 Cf. t. VI1, table 222, p. 469.

1881638 après une chute de 97,5 % ne représentant, apparemment, que 2,5 % de la valeur de 1637. Ces chiffres attirent l’attention et ne sauraient être acceptés sans quelques graves réserves. Cela d’autant qu’il existe entre la série avería et la série tirée du maravedí al millar des différences fondamentales. Le maravedí al millar indique entre 1637 et 1638 une modification dans le même sens que celle proposée pour la série de l’avería, mais l’amplitude en est fondamentalement différente147.

  • 148 Cf. t. VI1, tables 218-223, p. 466-469 et table 227, p. 473.
  • 149 Cf. t. VI1, table 222, p. 469.

189En règle générale, il n’y a pas à hésiter entre les séries de l'avería et celles du maravedí. Les séries de l'avaría sont supérieures. Cette fois, pourtant, on est en présence d’une anomalie qu’on ne saurait écarter. Les chiffres indiqués par le maravedí al millar sont structurellement148 plus faibles que ceux tirés de l'avaría. C’est une raison décisive, entre plusieurs, de préférer l'avaría, étant donné le risque fondamental de sous-estimation qui caractérise toute mesure d’un mouvement-valeur dérivée d’un impôt ad valorem. Les chiffres du maravedí al millar à partir de 1629, d’autre part, ne s’appliquent qu’aux seuls départs de Séville149. Pour toutes ces raisons, l’évaluation tirée du maravedí al millar doit être inférieure à celle dérivée de l’avería. C’est presque toujours le cas. Ce n’est pas le cas en 1638. La méfiance s’impose.

190En effet, la contre-épreuve du maravedí al millar — c’est, entre autres, à cette fin, que nous avons cru bon de publier la série à côté des séries meilleures des almojarifazgos des Indes et de l’avería — est particulièrement utile. Elle permet d’exercer une critique à l’égard de la série essentielle, celle de l’avería. Elle permet donc d’estimer qu’une partie du contraste apparent qui oppose 1637 à 1638 est due, simplement, à des artifices de comptabilité, elle invite, par conséquent, à ne pas prendre trop au pied de la lettre l’énorme creux que l’avería dessine sur le mouvement Allers à la hauteur de 1638.

  • 150 Cf. ci-dessus p. 1753-1754 et p. 1768-1769.
  • 151 Cf. ci-dessus p. 178-179.

191Ces réserves faites — il fallait les faire — la concordance maravedí al millar/avería nous convie à accepter le schéma déjà proposé sur l’évolution de 1636 à 1638 du couple volume-valeur150, d’autant plus qu’il est parfaitement vraisemblable et qu’il a été, maintes fois, vérifié, déjà, au cours de l’histoire de la Carrera. En gros, poussée à dominante quantitative au cours de la première phase (1636) de l’expansion, en raison notamment d’un coup de buttoir des Retours et des relatives facilités qu’il apporte, puis accentuation qualitative — jusqu’à un point qu’on a vu151 — au cours d’une deuxième phase qui commence, aussitôt, en 1637. Pour finir, une queue d’expansion, mais d’expansion fortement écrémée à composante essentiellement quantitative dans la dernière phase de cette période, c’est-à-dire en 1638. Toutes les indications sont concordantes, elles sont, toutes, parfaitement étayées. Seule, est contestable l’amplitude indiquée par la série extraite de l'avería.

192On n’en est pas moins en droit d’affirmer, contre une ébauche évidente, par rapport à 1636, de contraction quantitative, une très nette propension à une forme de contraction essentiellement qualitative. Début certain d’une contraction à la fois quantitative et qualitative, telle se présente la Carrera en 1638. Mais ce début de contraction n’est que relatif. Vu avec un certain recul, le trafic de 1638 ne s’en dresse pas moins encore au-dessus des normes médiocres d’un moment.

2. Quelques éléments positifs

193De cette situation découle une série d’indices contradictoires dont l’ensemble constitue la conjoncture hésitante de ces années.

194Parmi les éléments essentiellement positifs, ceux qui invitent à penser que l’on est bien, malgré tout, en présence d’une conjoncture encore haute, parmi les éléments qui affirment la solidarité de 1638 avec le sommet des années qui la précède, on pourra invoquer le mercure.

  • 152 Cf. t. V, p. 324. Cf. ci-dessous p. 1785-1786.

195a. Le mercure. — Le niveau exceptionnellement élevé du mercure exporté152 au printemps de 1638, 3 000 quintales en direction de la Nouvelle Espagne, 5 076 quintales en direction de la Terre Ferme. Mais comme tous les indices que l’on peut invoquer dans un sens ou dans un autre, celui-là, même dans sa simplicité apparente, n’est pas simple.

  • 153 Tandis qu’aux Indes la reprise de la production de Huancavelica (ci-dessus p. 1958-1978), ne compen (...)

196Son interprétation n’est pas immédiate et uniforme. En ce qui concerne la Nouvelle Espagne, on peut difficilement l’invoquer. Les 3 000 quintales partis de San Lúcar entre le 17 et 19 mars 1638 compensent très insuffisamment le déficit de 1637, dans ce domaine, et des années précédentes153 La Nouvelle Espagne, en outre, n’a pas pratiquement, d’autres sources d’approvisionnement en dehors des importations par l’océan Atlantique.

  • 154 Cf. t. VII, p. 51.
  • 155 G. Lohmann Villena, op. cit., p. 454,

197Le mercure de 1638 appartient, en fait, à des prévisions optimistes des besoins futurs qui ont été faites au cours de l’automne de 1637. Il exprime davantage, par conséquent, le contre choc de la vague puissante de 1637, qu’il ne permet de préjuger de la situation de 1638. Quant aux effets de ce mercure de 1638, comme en règle générale, il ne faut pas les attendre dans l’immédiat mais à long terme. Tout au plus, pourrait-on établir une relation incertaine et quelque peu brouillée entre le mercure de ces années, et la forte expansion cyclique154 des années 1645, 1646, 1647. La Terre Ferme, par contre, est largement pourvue. Non seulement par une proportion beaucoup plus importante d’importation d’Almadén, mais en outre, par la production de Huanca-velica155, dont les sources utilisées par Guillermo Lohmann Villena semblent indiquer qu’elle est en très nette reprise, au cours des dernières années de la décade des années 30 du xviie siècle.

  • 156 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cil., p. 43.

198Effet à long terme du mercure et dénivellement Nouvelle Espagne-Terre Ferme. Tout cela se trouve corroboré par cette autre prise que l’on a sur l’économie minière d’Amérique, la ventilation géographique156 des importations Entre 1641 et 1650, en effet, on assiste à une poussée relative de la Terre Ferme, comparable à la situation de la décennie 1626-1635, à celle de la demi-décade beaucoup plus lointaine de 1531-1535, et beaucoup plus sûrement, encore, à un déclin tant absolu que relatif de la Nouvelle Espagne : 23,5 % et 22,5 % seulement, respectivement, de 1641 à 1645, d’une part, et de.1646 à 1650, d’autre part.

199Le mercure et, plus sûrement derrière lui, la production des mines telle qu’on peut l’entrevoir à travers l’instrument, au vrai, imparfait, des importations de la péninsule ibérique, corrobore bien cette infériorité à long terme de la Nouvelle Espagne, en laquelle, on a vu, à juste titre, sans aucun doute, une des caractéristiques majeures de la phase longue de contraction.

  • 157 Cf. ci-dessus p. 1769-1771 et 1772.
  • 158 Cf. ci-dessous p. 1785-1788.

200b. Chronologie. — La chronologie des départs est un autre facteur favorable que Ton peut invoquer en faveur des restes, en 1638, d’une conjoncture haute. 1638 est une année à deux départs. Cela découle un peu de la décision de ne pas faire partir en 1637 de flotte vers la Nouvelle Espagne157. On ne pouvait pas, par conséquent, éviter deux flottes en 1638 (la manière dont elles ont été réalisées n’est pas tellement probante158. Mais indépendamment de leur volume sur lequel on reviendra, on retiendra, à l’actif de Tannée, la solution coûteuse, sous l’angle de la défense, mais économiquement meilleure, au départ en deux fois et, surtout, l’extrême rapprochement des départs.

  • 159 Cf. t. V, p. 308.
  • 160 Cf. t. V, p. 324.

201Rapprochement des départs. D’abord, toutes proportions gardées, d’une année sur l’autre. Le gros et unique convoi de 1637159 a quitté San Lúcar, le 1er mai. Le premier des deux convois de 1638 quitte le même San Lúcar, entre le 17 et 19 mars160. A l’intérieur des structures de la grande décroissance, l’indication n’est pas négligeable. Beaucoup plus franche, par contre, l’extrême rapprochement interannuel du départ des deux grands convois. L'armada y flota de Nouvelle Espagne de Don Martin de Orbea quitte San Lúcar entre le 17 et 19 mars, l’Armada de la Guardia et la flotte allant de conserve, sous le commandement unique — signe des temps, la flotte de Terre Ferme achève de perdre son entité au sein de l’Armada de la Guardia — quitte Cádiz le 29 avril (ce qui implique un départ plus précoce de San Lúcar). Un mois, à peine, pratiquement sépare le départ respectif des deux convois.

202Cette rapidité doit être mise à l’actif d’une conjoncture haute, mais d’une conjoncture haute qui a très bien pu englober encore les premiers moi ? de l'année sans déborder sur toute l’année. Une étude attentive de la chronologie des départs nous invite, donc, à placer le renversement de la conjoncture, cyclique décennale très tôt sans doute au cours de l’année 1638. Il faudrait Séparer, ainsi, les premiers mois de l’année, au terme d’une lancée de conjoncture élevée... de la plus longue partie de l’année après avril, qui appartiendrait déjà, à certains égards, au marasme de la catastrophe qui vient.

  • 161 Cf. t. V, p. 336, note 5.

203c. La victoire sur « Jambe de bois ». — Pour achever de définir les (déments favorables de l’atmosphère de 16.38 — ils ne sont pas tous cantonnés au cours des premiers mois de l’année — il faudrait invoquer les succès militaires à mettre à l’actif de la Carrera161. Ces succès sont, peut-être, à porter au compte de l’effort qui a permis et, bien plus, qui a, psychologiquement, favorisé la conjoncture haute des années précédentes.

204Ils montrent, d’une part, la pesanteur qui reste, encore, malgré ses échecs et ses amenuisements, à la Carrière des Indes. Matanzas en 1628 marque une date dans un long procès d’amenuisement et d’affaiblissement, mais il n’est pas le dernier chaînon de la chaîne. Jusqu’en 1640 et jusqu’en 1640, inclusivement, l’empire des ibériques conserve, nous en avons ici la preuve, sur mer comme sur terre, quelques réserves de force et de grandeur, encore, qui lui permettent de faire face, de résister, de lutter, éventuellement de contre-attaquer. Le petit succès grossi contre « Pic de Palo » est à rapprocher de la grosse expansion cyclique sur deux ans et demi, de 1636 à la moitié de 1638. Il contribue à faire ressortir dans le domaine politico-militaire comme dans le domaine économique, où il n’est que trop évident, l’importance primordiale, et impossible à surestimer, de 1640. La cassure de 1610 est de celles qu’on ne saurait surestimer. Autour d’elle, tout, spectaculairement, s’organise.

  • 162 Cf. t. VI1, table 183, p. 333-391 ; t. VII, p. 72-73.
  • 163 Cf. t. VI1, table 18, p. 180. table 21, p. 184.
  • 164 Cf. ci-dessus p. 1763-1775.

205d. Articulation du trafic au départ du complexe et flambée négrière162. — C’est là, qu’on trouvera, peut-être, un dernier argument à porter à l’actif d’une conjoncture encore haute au début, du moins de l'anime 1638, au moment, particulièrement précoce — si on se reporte aux normes séculaires de la Carrera163 — du départ des convois. La composition du trafic au départ, est beaucoup plus proche de celle de 1636 qu’elle ne l’est de celle de 1637, dont on a dit, à son heure, le caractère paradoxal164.

206Sur l’axe des navires marchands de Séville et plus encore sur l'ensemble des navires marchands de Séville et Cadix, la variation est faible, et la solidarité 1636-1638 s’affirme. Pour Séville, 29 navires, 7 190 toneladas en 1638, au lieu de 31 unités, mais 5 420 toneladas, seulement en 1637 et, par contre, 33 navires représentant 8 710 toneladas en 1636. 1638 serre, de beaucoup plus près, 1636 qu’il ne le fait de 1637.

  • 165 Cf. ci-dessus p. 1751,.. 1765, 1777.

207Pour Cádiz, on avait eu, 2 départs, 650 toneladas, seulement en 1637, on en a 4 représentant 1 925 toneladas en 1638, il y en aurait eu 5 représentant 1 670 toneladas en 1636. On voit entre quels pôles, par conséquent, s’établissent les véritables similitudes. Pour l’ensemble des navires marchands de Séville et de Cádiz dont on sait la forte unité, 1636 alignait 38 navires représentant 10 380 toneladas. 1637 et 1638 n’en ont plus, chacune, que 33, mais en 1637 — année où il n’y a qu’une flotte — ces 33 navires totalisent 6 070 toneladas, seulement, tandis qu’ils atteignent en 1638, le volume global de 9 115 toneladas. Le tonnage unitaire moyen165 contribuerait lui aussi à marquer 1638, les solidarités et les similitudes s’établissent, c’est l’évidence, entre 1636 et 1638 par opposition à 1637 : 273,2 toneladas pour les navires marchands de Séville et Cddiz en 1636, 276,2 toneladas en 1638, 183,9 toneladas, par contre, en 1637.

208De même pour le volume d'armada utile, très sensiblement égal, en 1636 et en 1638, 8 navires de part et d’autre, 4 720 toneladas, d’un côté en 1636, 4 640 toneladas, de l’autre en 1638, 15 navires, 7 796 toneladas, par contre, en 1637.

  • 166 Ci. t. VI1, table 183, p. 391.

209Dernier point où l’identité est plus frappante, encore, la série négrière. 30 navires totalisant 4 000 toneladas en 1636, 31 navires et 4 050 toneladas en 1638, 17 unités seulement et 2 132 toneladas en 1637. Il est incontestable que le niveau officiel des négriers, niveau officiel d’un bien d’investissement clef de l’appareil économique colonial constitue une jauge sûre d’une certaine orientation face à l’avenir, d’une croyance à l’expansion. Or, sous cet angle, le test de 1638 est décisif. Le niveau des négriers de 1638 (31 navires, 4 050 toneladas) ne constitue pas, en effet, le niveau record166 de toute la phase longue de contraction, le niveau-officiel le plus élevé jamais atteint depuis les 45 unités et 4 428 toneladas de 1619, le niveau record, en fait, dans la Carrera, sur cinquante ans, au moins.

210Les éléments qui sont à l’origine de cette somme de décisions capitales qui aboutit en 1638 à la constitution d’un niveau négrier record, appartiennent plus, peut-être, à l’atmosphère psycho-collective des derniers mois de 1637 et des tout premiers mois de 1638, elle n’en montre pas moins que le sommet cyclique conjoncturel n’est pas effacé, dès le tout début de l’année et que le renversement de la conjoncture et l’effacement de la plus étonnante prospérité cyclique de l’histoire de la Carrera ne sont pas immédiats. Tant s’en faut.

3. Facteurs négatifs et facteurs positivo-négatifs

211Mais comme la situation de 1638 n’est pas simple, le tableau ne comprend pas — il s’en faut de beaucoup — que des éléments positifs. La conjoncture basse des années de la grande catastrophe est déjà présentée par toute une série d’indices essentiellement négatifs, ou du moins, car rien n’est simple, par une série d’indices susceptibles d’une double interprétation mais qui, dans le présent contexte, sont essentiellement négatifs.

  • 167 Cf. ci-dessus p. 1782-1783.
  • 168 Cf. t. V, p. 330, note 5.
  • 169 Cf. t. V, p. 330, note 5.

212a. Les préparatifs des flottes. — C’est ici l’aspect négatif d’un élément largement positif, l’extrême rapidité et précocité des départs167. Si les préparatifs de la flotte de Nouvelle Espagne de Don Martin de Orbea ont été relativement faciles, autant qu’on en peut juger168 ceux du convoi destiné à la Terre Ferme169 sous le commandement de Don Carlos de Ybarra ne se sont pas faits sans mal, gênés qu’ils furent par la proximité des départs vers la Nouvelle Espagne. En soi, peu de choses, donc rien qu’on puisse même interpréter comme un facteur négatif sans la hiérarchie symptomatique Nouvelle Espagne-Terre Ferme.

213b. Les axes fondamentaux du trafic. — En effet, la Nouvelle Espagne semble bénéficier en 1638 de toutes les faveurs, la Terre Ferme, par contre, accuse lourdeurs et pesanteurs. Cette hiérarchie, conjoncturellement, est capitale.

  • 170 Cf. ci-dessus p. 1769-1770 et 1772.

214La poussée en direction de la Nouvelle Espagne peut être difficilement retenue, en effet, comme un élément délibérément positif. En fait, le négoce recueille en 1638 les fruits mêlés de son attitude délibérément « malthusienne170. Les pressions et les facilités dont bénéficie en 1638 l’axe nouvel espagnol ne peuvent être, dans ces conditions, trop simplement comptées. D’autant moins qu’elles portent sur un axe qui n’est plus depuis vingt ans, bientôt, et de beaucoup, l’axe dominant du trafic de l’Atlantique de Séville.

  • 171 Cf. t. V, p. 330, note 5.

215Beaucoup plus significative, par contre, en raison précisément, de sa position « dominante », les signes de fatigue sur l’axe de Terre Ferme171 qui avait été jusqu’à ce jour, au cours notamment des années précédentes de la grande prospérité cyclique de 1636 et de 1637, surtout, l’élément dynamique et moteur par excellence.

  • 172 Cf. t. VI1, table 167, p. 366 ; t. VII, p. 74-75.

216C’est pourquoi, comme toutes les années de conjoncture hésitante au cours de ce cycle, 1638 est caractérisée à l’Aller par une situation respective172 de la Nouvelle Espagne et de la Terre Ferme inverse de la situation moyenne au cours du cycle. A l’Aller, en tonnage, de 1632 à 16-11, la Nouvelle Espagne représente 30,7 %, la Terre Ferme 46,8 %. 1637 renchérissait encore sur ces tendances, avec un volume vers la Terre Ferme (8 366 toneladas) plus du double du volume de la Nouvelle Espagne (4 050 toneladas). En 1638, par contre, la Nouvelle Espagne, à l’Aller, en tonnage, surclasse de plus de 50 % (23 navires, 7 620 toneladas) et de plus de 100 % sur le mouvement unitaire, le volume destiné à la Terre Ferme (12 navires, 5 060 toneladas).

  • 173 Cf. ci-dessus p. 187-183 et t. VI1, table 222, p. 469 et table 227, p. 473.

217Ces proportions de la Nouvelle Espagne et de la Terre Ferme sont à rapprocher naturellement du mouvement valeur173. La dominante nouvelle espagnole implique, toujours, mais au cours de la phase longue de contraction plus particulièrement, une récession relative des valeurs unitaires.

  • 174 Cf. t. VI., table 364, p. 585.

218On aura confirmation de ces caractéristiques en se reportant aux entrées des navires marchands dans le port de Puerto-Belo en 1638174. Étant donné le rôle exceptionnel de cette catégorie de choix (chute de 8 et 10 unités, 2 000 à 2 590 toneladas en 1636,1637, à 2 unités et 60 toneladas en 1638). La dépression des valeurs, la contraction qualitative du mouvement est commencée en 1638.

  • 175 Cf. t. V, p. 330-331 ; t. VII, p. 86-87.
  • 176 Cf. ci-dessus p. 1768-1769,.. 1779-1781 et t. VI1, table 227, p. 473.

219c. Fiscalité. — A l’appui de la contraction sélective de 1638, on invoquera encore l’extraordinaire poussée de la fraude fiscale. Jamais, semble-t-il, à travers les témoignages peu suspects, finalement, de la Casa de la Contratación175, la fraude ne nous aura semblé, aussi totale qu’au cours de cette année. Attention, l’interprétation de l’indice n’est pas simple. Indirectement, le facteur, est un facteur favorable, puisqu’il invite à une critique sévère de la série-valeur et plus particulièrement de la série valeur de l'avería Allers176. Il est clair qu’il y a eu en 1638 réaction contre la trop lourde charge fiscale qu’ont eu à porter les marchandises de grande valeur exportées, l’année précédente, en 1637. Il est clair, on l’a déjà dit, que la dépression qualitative du mouvement en 1638, pour peu douteuse qu’elle soit, n’en est, quand même, pas beaucoup moins importante qu’une lecture naïve des séries ne le laisserait à penser.

220Il n’en est pas moins vrai, par contre, que plus directement, la désorganisation de la fiscalité est, d’abord, un signe non équivoque de contraction cyclique. On a observé, sans qu’il y ait doute possible, que les pressions antifiscales s’exerçaient, avec prédilection, comme il est, a priori facilement compréhensible, en période de contraction, de contraction tendancielle et de contraction cyclique, et plus particulièrement quand, c’est le cas ici, les deux types de contraction viennent à se superposer. La Casa, trop heureuse de prendre en fraude et de dénoncer ses vieux ennemis les almojarifes, dénonce les collusions qui s’établissent, à l’en croire — mais comment ne pas la croire ? — entre quelques grosses maisons et les agents du fisc. On notera, au passage, le renversement des positions. La Casa dénonce des collusions entre marchands et almojarifes. Nous avions été habitués à un front commun négoce de Séville/Casa contre le fisc et contre le Roi et plus particulièrement contre l’ennemi commun, l’almojarife de Séville.

221Ici, on assiste, tout simplement, à l’émergence d’une des structures administratives fondamentales de la grande contraction. La Casa s’est démonétisée, dans son rôle de défenseur des intérêts du Monopole. Elle a décru avec les intérêts qu’elle a défendus. Abandonnée du Roi et abandonnée du trafic, elle cherche, en dénonçant des scandales qui n’ont pas à être dénoncés puisqu’ils sont de notoriété publique, à ranimer son prestige auprès du Conseil des Indes et de l’administration madrilène. Dans son attaque contre les almojarifes que les plus grosses maisons du Guadalquivir auraient, désormais, à leur solde, il ne faudrait pas voir une attaque contre les plus gros marchands.

222La Casa ne dénonce rien que le Roi ne sache ou ne puisse savoir, s’il avait eu désir et possibilité, ce qui n’est pas le cas, d’agir. Donc aucun signe raisonnable d’une quelconque tension de conjoncture, Casa-marchands. Vieille querelle contre un ennemi traditionnel... peut-être. Traditions de bureaux dont on sait combien de nos jours encore les haines sont persistantes, bien au-delà des causes qui les ont engendrées. Tristesse, peut-être, devant une structure nouvelle du trafic qui diminue son autorité et ses profits. Ces grosses maisons qui viennent d’acheter — pourquoi en douter ? — les agents du fisc, sont, peut-être, du moins, dans le rôle de dominants, des nouveaux venus relatifs.

223La Casa, ce n’est pas exclu, servante des causes perdues, liée à des maisons usées, marque, peut-être, son dépit de n’être plus directement associée au bonheur de ces nouvelles étoiles. Plus sûrement, elle marque son dépit de n’être plus l’intermédiaire nécessaire, indispensable entre le négoce et le fisc. Mais beaucoup plus sûrement, en dénonçant des abus qui n’ont pas besoin d’être dénoncés par leur évidence même — en agissant ainsi, elle ne risque pas de nuire aux grosses maisons maîtresses, désormais, du trafic — elle cherche à reprendre auprès du Roi en son Conseil un peu de son crédit usé.

224A tous égards, la flambée de désorganisation du trafic et les plaintes de la Casa de la Contratación peuvent être considérées comme des signes sûrs d’une conjoncture négative.

  • 177 Cf. t. V, p. 333 sq., note 5.
  • 178 Cf. t. V, p. 333-336, note 5.

225d. Les galions. — Exactement dans le même ordre d’idée, on peut placer le gros problème du financement de l'Armada de la Guardia177. La question est étroitement liée au problème précédent de la fiscalité, puisque c’est précisément la désorganisation de cette dernière qui rend impossible l’autofinancement de l’armada. La marge d’autofinancement se trouve encore réduite par rapport à un passé même récent. Le détail des projets, des contreprojets, des avances, des reculs, des hésitations de toute espèce, on l’a vu ailleurs178. On se bornera à retenir, ici, l’extrême tension — plus littéraire et dialectique qu’elle ne s’inscrit dans les faits — qui oppose les groupes à travers le forum, des séries de la correspondance de la Casa de la Contratación. Les difficultés que présente, en 1638, le financement de l’armada constituent, non pas par leur existence mais par l’extrême violence avec laquelle elles se posent, un élément certain de conjoncture négative.

  • 179 Cf. ci-dessus p. 1777-1778.
  • 180 Cf. ci-dessus p. 1778-1779.

226e. L'épuisement des Retours. — On hésite à placer ce dernier élément, ici, puisqu’en dernier ressort, il a été compté, une fois déjà. Dans l’anéantissement des chiffres globaux des Retours179 et des globaux Allers et retours180. Il suffit tout au plus de rappeler comme on l’a déjà fait, tout ce qui, dans cet effacement des Retours n’est pas uniquement imputable à l’accidentel de guerre et de mer, mais ce qui est imputable à la conjoncture même des Retours.

227Cette analyse rapide apporte confirmation du jugement qui se dégageait de la simple analyse des globaux quantitatifs : la certitude d’une conjoncture hésitante, où les signes d’expansion, legs d’un passé riant, et les signes de contraction, signes avant-coureurs de l’avenir, s’équilibrent à peu près parfaitement. Au cours de l’année, le vent tourne. Il est incontestable qu’avant la fin de 1638, la Carrera s’est installée dans une atmosphère de catastrophe dont il est difficile de prévoir le terme.

HYPOTHÈSES

228Pour expliquer, ou plus exactement, pour éclairer cette situation, on ne manque pas d’éléments dans un large contexte d’histoire économique. On trouvera, naturellement, des échos et des répondants, non seulement dans l’histoire des prix espagnols, au sens le plus large, dans l’histoire monétaire des royaumes ibériques, andalous, surtout, mais également dans l’histoire des prix la plus largement européenne.

1. Prix européens des denrées coloniales

229Autant qu’il est possible d’en juger à travers ce qui se passe sur les marchés d’Amsterdam, 1637-1638 est une date très importante en Europe. C’est là que se situerait le renversement de la tendance majeure des prix coloniaux. Le point le plus haut atteint par le prix du sucre raffiné sur le marché d’Amsterdam se place en 1637. Le sommet du prix du poivre se situe en 1638. On peut admettre raisonnablement que le sucre et le poivre sont de bons réactifs, plus encore, on admettra que la Hollande constitue en 1637-1638 la meilleure caisse de résonance possible.

  • 181 Cf. N. W. Posthumus, Prices in Holland, op. cit., diagramme V.

230Sur le marché des produits coloniaux — que l’on peut penser valablement interprétés par les produits que N. W. Posthumus aura retenu dans son graphique181 comme particulièrement représentatifs — 1637-1638 apparaissent comme des dates décisives du siècle. Elles marquent, en effet, le point de départ d’une phase demi-séculaire de décroissance qui commence en 1637-1638 et se prolonge jusqu’en un point mal déterminé de la décade des années quatre-vingts du xviie siècle. En gros, les prix atteints en 1637 — toutes choses étant égales ; mais il est vrai que les choses ne sont jamais égales sur une période aussi longue — ne seront pas égalés avant 1765 pour le poivre (la prospérité des lendemains de la guerre de Sept Ans), avant le début du xixe siècle pour le sucre. Même si le sucre et les épices ne représentent qu’un aspect limité de l’économie américaine, même si le marché d’Amsterdam n’élimine pas toute possibilité de distorsions courtes locales, le renversement des prix que traduit Posthumus dans ses graphiques est un renversement qui affecte, au premier chef, toute l’économie d’échanges maritimes et, a fortiori, Séville.

231Ceci est vrai, malgré l’existence de distorsions géographiques imputables au fait qu’il n’existe pas encore dans cette Europe du premier xviie siècle — même pour les grandes denrées coloniales, même pour les grandes denrées tropicales, par définition, les plus largement intégrées dans une économie de larges échanges maritimes — ce marché presque parfaitement homogène que l’économie libérale du milieu du xixe siècle avait généralisé abusivement, par extrapolations hâtives de certains aspects des structures économiques de son temps aux économies de tous les temps.

2. Prix espagnols des denrées coloniales

  • 182 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit. ; cf. Appendice V, p. 367, 369.

232Les séries espagnoles de E. J. Hamilton offrent un bon exemple de ces hétérogénéités182. Le poivre et le sucre, par exemple, utilisés par N. W. Posthumus dans son diagramme, en raison de leur exemplarité, se comportent, ici, d’une manière différente. Certes, le marché espagnol accuse, entre 1637 et 1638, une forte baisse qui plaide en faveur de l’ubiquité du renversement de la tendance qu’Amsterdam avait ressenti. Mais cette baisse est masquée, ici, par une flambée qui correspond à la catastrophe des années quarante. Le renversement de la tendance se place, donc, ici, pour ces produits clefs, pour le poivre, sans hésitation, entre 1643 et 1645.

  • 183 Ibid., p. 96-97.

233Faut-il tirer argument de cette distorsion temporelle et spatiale pour dénier toute valeur à notre argument ? Bien au contraire, la distorsion qui se dégage de la comparaison des séries hollandaise et andalouse, s’explique par des conditions locales. Ces conditions sont telles qu’elles ne permettent pas d’affirmer une non-obéissance du marché espagnol à un certain rythme commun. Seulement, ce rythme commun est mieux saisi à Amsterdam qu’il ne l’est ici, en Andalousie, en raison des conditions locales qui l’empêchent de se manifester clairement. Ces conditions locales, c’est, tout d’abord, l’extraordinaire flambée inflationniste de la monnaie de billon et du cuivre183. Elle commence dans les derniers mois de 1639 et dure jusqu’à l’automne de 1642. Elle ne permet pas, par conséquent, à un mouvement naturel de contraction des marchandises coloniales, commencé en 1638, de faire autre chose que de s’ébaucher.

  • 184 Ibid., p. 367, 369.
  • 185 Comparer in Hamilton, 1501-1650, p. 96-97, p. 216-210 et p. 403.

234C’est très exactement ce dont témoigne le cheminement des prix du poivre en Andalousie, par exemple et au tout premier chef. Avec ses propres hésitations, le prix du poivre184 en Andalousie monte, en gros, jusqu’en 1637 : indice 238,0 en 1633, 204,0 en 1634, 310,0 en 1635, 255,0 en 1636, 433,1 en 1637, 340,0 en 1638. Jusqu’ici donc, l’identité est parfaite avec les respirations du grand marché international d’Amsterdam. C’est au-delà, seulement, qu’apparaissent les éléments perturbants, avec la reprise du mouvement ascensionnel à partir de 1639 (1638, indice 340,0, 1639, 408,0, 1610, 694,2, 1641, 513,0, 1642, 538,0, 1643, 578,0, 1644, 433,1, 1615, 328,1...). L’influence de l’inflation sur des denrées comme le poivre, en première position, comme le sucre, en seconde position, est évidente. Non seulement elles participent aux respirations les plus générales des valeurs et des prix, mais elles ont, en outre, la propriété de constituer des valeurs refuges. Le poivre et le sucre, denrées chères, denrées facilement négociables, denrées presque indéfiniment conservables constituent de bons substituts de l’étalon-or ou argent. De même que les poussées des prix-billons amènent des surélévations du pouvoir d’achat de l’argent, étalon monétaire — tous les calculs de Hamilton185 le montrent admirablement dans le cadre géographique de l’Espagne de la première moitié du xviie siècle — il est naturel qu’elles fassent de même des valeurs-refuges. La raréfaction des métaux précieux provoque indirectement la surélévation artificielle des substituts d’étalon.

  • 186 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 232.
  • 187 Cf. ci-dessus, p. 1788-1790.

235Second facteur perturbant : la guerre et ses cloisonnements. La révolte du Portugal coupe, à partir de l’hiver 1640-1641, l’Espagne de Lisbonne, elle aggrave et rend presque insoluble, pour un temps, le problème déjà très délicat des communications avec les Flandres et le Nord. L’Espagne est coupée du sucre et du poivre luso-hollandais. Ce facteur, s’ajoutant au facteur monétaire, explique l’ampleur de l’anomalie positive des prix des épices186autour de 1640. Cette anomalie locale — facilement explicable — ne détruit pas la validité du raisonnement précédent. Bien au contraire, elle la renforce et la corrobore187

3. Ensemble des prix espagnols

  • 188 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 215-216.

236Parmi les facteurs négatifs du contexte espagnol, du trafic de l’Atlantique de Séville, on pourra évoquer la série des indices des prix nominaux andalous188.

237A la hauteur de 1638, sans même que l’on ait à faire intervenir le décalage chronologique ordinaire d’un an, on observe une belle corrélation positive, parfaite, entre les indices des prix nominaux andalous et les expressions les plus générales du trafic.

238La corrélation existe pour l’Andalousie (1637, indice 118,30, 1638, indice 107,29, 1639, indice 104,92, 1640, indice 104,76), ce qui est essentiel. Elle existe pour l’espace valencien (1637, indice 118,61, 1638, indice 109,53, 1639, indice 106,38). Elle disparaît à l’échelon de la Nouvelle Castille et de la Vieille Castille-Léon. Quoiqu’il en soit et c’est ce qui compte, elle se lit avec une force exceptionnelle sur l’espace andalou.

  • 189 Cf. t. VI1, table 164, p. 363.

239C’est bien, de toute manière, l’espace andalou qui impose sa marche générale à l’ensemble de l’espace espagnol. Il est incontestable, par exemple, que la démarche d’ensemble189 des indices globaux des prix-argent est calquée sur celle des indices andalous, ici, dominants. On passe, en effet, de l’indice 136,93 en 1637 à l’indice 133,70 en 1638, l’indice 126,24 en 1639, l’indice 121,46 en 1640, l’indice 116,53 en 1641 et l’indice 101,45 en 1642, soit plus sensible encore une prodigieuse décroissance par rapport à la moyenne mobile, 106,49 % en 1637, 103,76 % en 1638, 98,38 %, 94,65 %, 90,44 % et 78,17 % de 1639 à 1642.

2401638 qui, vu avec un certain recul, ouvre la voie à une période longue de décroissance cyclique du mouvement, ouvre la voie sur les prix-argent, à une période longue de décroissance, absolue et relative, des indices des prix-argent.

  • 190 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 278-279.

241Aucune modification, par contre, des prix relatifs de la main-d’œuvre190. Les conditions, sous cet angle restent favorables : 105,83 % en 1637,105,86 % en 1638. Le décrochement ne se produit qu’entre 1638 et 1639, de 105,86 % à 110,81 % en 1639 et 111,59 % en 1640. Mais faut-il s’étonner, vu du trafic de Séville, d’un tel retard et de semblable dissonance ? Certes non, puisque, nous l’avons vu assez longuement, la conjoncture de 1638 est loin d’être uniformément défavorable. Ne comporte-t-elle pas toute une série de hauts et de bas. Ces hésitations et ces contradictions, ne sont-ce pas celles-là mêmes de la conjoncture Atlantique du trafic de Séville ?

4. Inflation. — Déflation

  • 191 Ibid., p. 96-97.
  • 192 Cf. ci-dessus p. 1791-1792.

242On pourrait être tenté, pour éclairer ce contexte plein d’hésitations, d’invoquer le cheminement trimestriel de l’inflation en Espagne et plus particulièrement, en Andalousie, telle que E. J. Hamilton la calcule191. On notera pour éclairer ce qui se passe sur le trafic en 1638-1639 et dans les années à venir, à la fin de l’année 1638, une petite flambée d’inflation. Le brusque passage de la moyenne de 30 % (prime de l’argent sur le billon) pratiquement inchangée en Andalousie d’avril 1637 à juin 1638) à 40 % et 42,50 % lors du 3e et 4e trimestre de l’année 1638. Cette trop brusque accélération de l’inflation peut être considérée comme un facteur défavorable, d’autant plus défavorable qu’elle est sans action sur les prix nominaux andalous dont elle n’empêche pas la plongée192.

243Plus défavorable encore, la non moins brutale déflation qui suit : la prime de l’argent sur le billon passe, en Andalousie, d’octobre-décembre 1638 à janvier-mars 1639, de 42,50 % à 28,00 %. Cette courte flambée suivie d’une plus rapide résorption éclaire les difficultés de 1638 et de 1639. Cette rapide vibration a, en outre, l’avantage de constituer comme la répétition générale de la grande flambée combien catastrophique de 1642.

244De tout cela, une certitude se dégage. Il existe un important contexte à la conjoncture du trafic de 1638. Contexte mêlé d’une conjoncture mêlée où du très bon, encore, voisine avec le moins bon et avec le pire. Mais ce qui n’était que rapide ébauche va se préciser, au cours des années qui viennent. 1639 nous place en présence d’une catastrophe économique qui précède, sans conteste possible, le drame politique de l’année 1640.

Notes

1 Cf. t. V, p. 273.

2 Cf. t. VI1, table 159, p. 356 ; t. VII, p. 52-53.

3 Cf. ci-dessus p. 1723.

4 Cf. ci-dessus p. 1714,.. 1723.

5 Cf. ci-dessus, p. 1729-1730 et t. VI1, table 17, p. 176-177.

6 Cf. t. VI1, table 17 ; de 9 ans 9 mois lors de la demi-décade 1631-1635, l’âge moyen présumé du stock des navires passe à 8 ans 7 mois de 1636 à 1610, en même temps qu’il y a réduction massive des niveaux.

7 Cf. t. V, p. 276.

8 Cf. t. V, p. 278.

9 Cf. t. VI1, table 161, p. 466.

10 Cf. ci-dessus p. 1735-1736.

11 Cf. t. VI1, table 164, p. 363.

12 Cf. ci-dessus p. 1724-1725.. et 1735.

13 Cf. t. VI1, table 222, p. 469 ; cf. t. VI1, table 132, p. 330.

14 Cf. t. VI1, table 183, p. 388-391 et cf. ci-dessus p. 145-146.

15 Cf. ci-dessus p. 1735,.. 1737.

16 Cf. ci-dessus p. 1724-1725.

17 Cf. ci-dessus p. 1716-1717 et p. 1726-1727.

18 Cf. t. VI1, table 227, p. 473. On ne peut attribuer à l’année 1637, seule, le chiffre extraordinaire (le record de toutes les séries-valeurs à l’Aller) que lui attribue l’avería de 1637. Il est imputable, sans grand doute possible, à des retards et à des reports antérieurs. Il dénote, aussi certainement, un sursaut de vitalité, comme le chant du cygne de la fiscalité.

19 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 198-200, 215-216.

20 Cf. ci-dessous p. 1740-1749.

21 Cf. t. VI1, table 183, p. 388-391.

22 Cf. t. V, p. 264-265.

23 Cf. t. V, p. 266-267.

24 Cf. t. V, p. 264 ; cf. ci-dessous p. 1958-1978.

25 Cf. t. VI1, table 167, p. 366 ; t. VII, p. 66-67, 68-69.

26 Cf. ci-dessus p. 1738-1739.

27 Cf. t. VI1, table 611, p. 871.

28 Cf. t. V, p. 268.

29 Cf. ci-dessus p. 1739-1741 et t. V, p. 232-256.

30 Cf. t. V, p. 271 et t. VIII, p. 4179-l85 et plus spécialement p. 484-185, note 3.

31 Cf. t. V, p. 271-272.

32 Cf. t. V, p. 272.

33 Momentanément, au stade de notre recherche.

34 Cf. t. V, p. 273.

35 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., 215.

36 Cf. t. V, p. 273.

37 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 392.

38 Cf. ci-dessus p. 1741-1744.

39 Outre le contexte des prix, il y avait, en outre, le contexte du coût relatif de la main-d’œuvre qui n’est pas favorable à 1635 (E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 278-279). C’est en 1635, en effet, que le coût relatif de la main-d’œuvre passe par son maximum (114,60 depuis le terme de la grande anomalie positive des deux premières décades du xviie siècle).

40 Cf. ci-dessus p. 1736-1737.

41 Cf. ci-dessus p. 1734-1735 et 1736-1737.

42 Cf. t. VI, table 159, p. 356 ; t. VII, p. 52-53.

43 Cf. t. VI1, table 164, p. 363 ; t. VII, p. 52-53.

44 Cf. t. VI1, table 132, p. 330.

45 Cf. t. VI1, table 17, p. 176-177.

46 Cf. t. VI1, table 152, p. 349, table 164, p. 363.

47 Une moyenne mobile arrière de deux ans, donnerait, en effet, sur les Retours la série suivante :

ANNÉESNAVIRESTONELADAS163349,513 70316343311 06516333612 86216363218 192163730,516 368163824,57 1131639258 7701640306 823

48 Cf. ci-dessus p. 1724,.. 1736 et 1732.

49 Cf. t. VI1, table 138, p. 336 et table 142, p. 340 ; t. VII, p. 44-47.

50 Cf. ci-dessus p. 1751-1752.

51 Cf. t. VI1, table 164, p. 363.

52 Cf. t. VII, p. 52-53.

53 Cf. t. VI1, table 222, p. 469.

54 Cf. t. VI1, table 227, p. 473.

55 Cf. t. VI1, table 183, p. 338-391 et t. VII, p. 61-65.

56 Cf. t. VI1, table 167, p. 366 ; t. VI2, table 332, p. 560 ; t. VII, p. 66-67 et 88-89.

57 Cf. t. V, p. 281 à 286.

58 Cf. t. V, p. 284.

59 Cf. ci-dessus p. 1754-1755.

60 Cf. t. V, p. 291, note 4.

61 Cf. t. VI1, table 330, 340, 388, 391.

62 Cf. t. V, p. 292, note 4.

63 Cf. t. V, p. 290, note 4.

64 Cf. ci-dessus p. 1743-1744.

65 Cf. t. V, p. 292-293, note 4.

66 Cf. t. V, p. 293, note 4.

67 Cf. ci-dessus p. 1756 et 1741.

68 Cf. t. VI1, table 167, p. 366 ; t. VII, p. 86-87.

69 Cf. t. VI2, table 332, p. 560 ; t. VII, p. 86-87.

70 Cf. t. VI1, table 19, p. 180-181 ; t. VII, p. 24-27.

71 Sur quarante convois dont la date de départ de San Lúcar est connue (le convoi de 16,36 n’en est pas, cf. t. VI1, table 18, p. 180), un part en février, deux en mars, aucun en avril, sept en mai, seize en juin, neuf en juillet, quatre en août, un en septembre.

72 Cf. t. V, p. 294.

73 Ibid., p. 294.

74 Cf. ci-dessus p. 1317-1318,.. 1332-1334. Sinon célèbre, du moins, la plus lourde de conséquences.

75 Cf. ci-dessus p. 853-1525.

76 Cf. t. V, p. 296.

77 Cf. t. V, p. 308. Elle sera pour l’essentiel, avec une solution de secours pour le transport du mercure, menée à son terme.

78 Cf. t. V, p. 295.

79 Cf. t. VI1, table 164, p. 363.

80 Cf. t. VI1, table 164, p. 363, col. III et IV et t. VII, p. 52-53.

81 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 215-216.

82 Ibid., p. 392.

83 Ibid., p. 278-279.

84 Cf. t. V, p. 288-291.

85 Cf. t. V, p. 308-309

86 Cf. ci-dessus p. 1756,.. 1758-1761.

87 Cf. t. VI1, table 159, p. 356.

88 Cf. ci dessus p. 1719-1730, p. 1734-1735... 1724.

89 Cf. t. V. 1635-1637A, 1636-1633R. t. V. p. 264 à 341.

90 Cf. t. VI1, tables 14 à 17, p. 170-177.

91 Cf. t. V, P. 314-315 et p. 292-293 notamment.

92 Cf. t. VI1, table 12D et 12E, p. 164-167 ; t. VII, p. 34-35 et t. V, p. 314.

93 Cf. t. VI1, table 164, p. 363 ; t. VII, p. 52-53.

94 Cf. ci-dessus p. 1736-1737.

95 Cf. ci-dessus p. 1758-1761.

96 Cf. t. VI1, table 152, p. 349 ; t. VII, p. 50-51.

97 Cf. t. VI1, table 164, p. 363 ; t. VII, p. 52-53.

98 Cf. t. VI1, table 156, p. 352 ; t. VII, p. 50-51.

99 Cf. t. VI1, table 161, p. 363.

100 Cf. t. V, p. 318.

101 Cf. t. VI1, table 138, p. 336, table 142, p. 340, table 164, p. 363 ; t. VII, p. 50-53.

102 Cf. t. VI1, table 158, p. 355, table 164, p. 363.

103 Cf. ci-dessus p. 1754,.. 1738,.. 1726..

104 Cf. t. VI1, table 227, p. 473.

105 Cf. t. VI1, table 226, p. 472.

106 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 96-97, 197-198, 215-216.

107 Cf. t. VI1, tables 226-227, p. 472-473.

108 Cf. ci-dessus p. 1756-1763.

109 Cf. t. VI1, table 183, p. 388-389 ; t. VII, p. 72-73.

110 Cf. ci-dessus p. 1754-1755.

111 Cf. t. V, p. 308-309.

112 Cf. ci-dessus p. 1749-1763 et notamment p. 1754-1755 ; cf. t. VI1, table 167, p. 366.

113 Cf. t. VI2, table 332, p. 560.

114 Cf. t. VI2, table 364, p. 585.

115 Cf. t. VI2, table 369, p. 587.

116 Cf. t. V, p. 308 et ci-dessous Appendice, p. 1958-1978.

117 Cf. t. V, p. 314, note 7.

118 Cf. t. VI1, tables 181 à 183, p. 381, 385, 389.

119 Cf. t. V, p. 314-315.

120 Cf. ci-dessus p. 1764-1765,.. 1749-1751,.. 1734-1735..

121 Cf. ci-dessus p. 1754-1763.

122 Cf. ci-dessus p. 1751-1763,.. 1765-1768.

123 L. J. Hamilton, 1601-1650, op. cit p. 403 ; t. VI1, table 164, p. 363.

124 Bien sensible sur le graphique, t. VII, p. 55.

125 Cf. t. VI1, table 164, p. 363.

126 Cf. t. V, p. 308 sq.

127 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 215-216.

128 Ibid., p. 96-97.

129 Ibid., p. 271-273.

130 Cf. ci-dessous p. 1772-1775.

131 Cf. t. VI1, table 159, p. 356 ; t. VII, p. 52-53.

132 Cf. ci-dessus p. 1777-1788.

133 Cf. ci-dessus p. 1764-1765,.. 1749-1751,.. 1734-1735.

134 Cf. t. VI1, tables 132, 142, p. 330-340.

135 Cf. t. VI1, table 164, p. 363.

136 Cf. ci-dessus p. 1735,.. 1751,.. 1765.

137 Cf. ci-dessus p. 1769-1770 et 1772.

138 Cf. t. VI1, tables 135, 142, p. 333-340.

139 Cf. t. VI1, table 159, p. 356 ; t. VII, p. 52-53.

140 Cf. t. V ; p.335-336.

141 Cf. t. V ; p.340-341.

142 Cf. ci-dessus, p. 1793-1795.

143 Cf. t. VI1, table 165, p. 363 ; t. VII, p. 52-53.

144 Cf. t. VI1, table 164, p. 363 ; t. VII, p. 52-53.

145 Cf. t. VI1, table 222, p. 469, table 227, p. 473.

146 Cf. t. VI1, tables 226, 227, 228, p. 471-473.

147 Cf. t. VI1, table 222, p. 469.

148 Cf. t. VI1, tables 218-223, p. 466-469 et table 227, p. 473.

149 Cf. t. VI1, table 222, p. 469.

150 Cf. ci-dessus p. 1753-1754 et p. 1768-1769.

151 Cf. ci-dessus p. 178-179.

152 Cf. t. V, p. 324. Cf. ci-dessous p. 1785-1786.

153 Tandis qu’aux Indes la reprise de la production de Huancavelica (ci-dessus p. 1958-1978), ne compense qu’imparfaitement la chute des exportations d’Europe, depuis le retrait d’Idria et l’essoufflement d’Almadén.

154 Cf. t. VII, p. 51.

155 G. Lohmann Villena, op. cit., p. 454,

156 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cil., p. 43.

157 Cf. ci-dessus p. 1769-1771 et 1772.

158 Cf. ci-dessous p. 1785-1788.

159 Cf. t. V, p. 308.

160 Cf. t. V, p. 324.

161 Cf. t. V, p. 336, note 5.

162 Cf. t. VI1, table 183, p. 333-391 ; t. VII, p. 72-73.

163 Cf. t. VI1, table 18, p. 180. table 21, p. 184.

164 Cf. ci-dessus p. 1763-1775.

165 Cf. ci-dessus p. 1751,.. 1765, 1777.

166 Ci. t. VI1, table 183, p. 391.

167 Cf. ci-dessus p. 1782-1783.

168 Cf. t. V, p. 330, note 5.

169 Cf. t. V, p. 330, note 5.

170 Cf. ci-dessus p. 1769-1770 et 1772.

171 Cf. t. V, p. 330, note 5.

172 Cf. t. VI1, table 167, p. 366 ; t. VII, p. 74-75.

173 Cf. ci-dessus p. 187-183 et t. VI1, table 222, p. 469 et table 227, p. 473.

174 Cf. t. VI., table 364, p. 585.

175 Cf. t. V, p. 330-331 ; t. VII, p. 86-87.

176 Cf. ci-dessus p. 1768-1769,.. 1779-1781 et t. VI1, table 227, p. 473.

177 Cf. t. V, p. 333 sq., note 5.

178 Cf. t. V, p. 333-336, note 5.

179 Cf. ci-dessus p. 1777-1778.

180 Cf. ci-dessus p. 1778-1779.

181 Cf. N. W. Posthumus, Prices in Holland, op. cit., diagramme V.

182 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit. ; cf. Appendice V, p. 367, 369.

183 Ibid., p. 96-97.

184 Ibid., p. 367, 369.

185 Comparer in Hamilton, 1501-1650, p. 96-97, p. 216-210 et p. 403.

186 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 232.

187 Cf. ci-dessus, p. 1788-1790.

188 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 215-216.

189 Cf. t. VI1, table 164, p. 363.

190 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 278-279.

191 Ibid., p. 96-97.

192 Cf. ci-dessus p. 1791-1792.

© Éditions de l’IHEAL, 1959

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