Séville et l'Atlantique, 1504-1650 : Structures et conjoncture de l'Atlantique espagnol et hispano-américain (1504-1650). Tome II, volume 2
|Cinquième partie. La grande dépression (1623-1650)
Chapitre III. De la paix à la guerre. — Les derniers feux (1623-1631). Les deux fluctuations accolées de la dernière prospérité (1623-1628)
Texte intégral
- 1 Cf. ci-dessus p. 1573-1579.
1Tous les facteurs qui viennent d’être examinés, malgré la réapparition de la guerre et l’attaque à fond des Hollandais en direction du Brésil, auront contribué à la dernière prospérité de la Carrera, la paradoxale poussée des années 1624-1628, au sortir de la fondrière des années 1622-1623, qui marque bien, pourtant, la fin de toute une ère. Cette période du trafic est constituée, on s’en souvient1, par deux fluctuations primaires accolées. L’importance relative des deux fluctuations primaires constitutives de cette belle fluctuation bien dessinée est très inégale. 87,3 navires, 21 008 toneladas (niveaux annuels moyens), de 1623 à 1625 en Allers, 76,3 unités mais 22 552,6 toneladas, dans les mêmes conditions, de 1626 à 1628, en Retours, par contre, on passe de 71 navires à 36,6 navires de 19 884,3 toneladas à 12 190,6 toneladas. On reconnaîtra ainsi le coup d’accélération donné, au départ de ce nouveau cycle, par la brutale détente des Retours. Le démarrage du présent cycle réside donc, normalement, dans la construction du cycle précédent.
I. — 1623 : LE CREUX DE LA VAGUE
- 2 Cf. ci-dessus p. 1515 sq.
2Le démarrage de la première fluctuation est d’autant plus sensible que son point de départ est plus profondément creusé. On a vu déjà2 à quel point le sort du trafic des années 1622 et 1623 était indissociable. C’est donc le prolongement du creux de 1622 qu’il nous faut maintenant analyser.
LA LEÇON DES CHIFFRES
3S’il faut, comme toujours, partir des chiffres du mouvement global qui constituent un indispensable point de départ vraiment objectif, il importe plus que jamais de les interpréter. L’impression de reprise que l’on peut avoir entre 1622 et 1623 est une pure illusion. En réalité, c’est en 1623 beaucoup plus qu’en 1622 que se place l’œil de la dépression.
1. Allers
4En Allers, de 81 à 82 navires, de 18 339 toneladas (22 006,8 tonneaux) à 18 415 toneladas (22 098 tonneaux), c’est une fausse croissance, tout au plus une présomption d’égalité, avec ce que comporte en réalité, déjà, de décroissance, le maintien sur deux ans d’un niveau aussi anormalement bas, 1rs 18 000 toneladas constituant bien un signe valable de contraction. Il en irait, ainsi, même s’il n’y avait pas bien d’autres raisons encore pour qu’il en aille ainsi. Par rapport à la moyenne mobile, position très basse également, malgré le fléchissement du trend, de 83,43 % à 85,04 %.
- 3 Cf. t. V, p. 51.
5Stabilité apparente, également, du tonnage unitaire, de 226,4 toneladas en 1622 à 224,57 toneladas en 1623. Mais cette stabilité est une fausse stabilité due, en réalité, à un changement d’équilibre à l’intérieur du complexe. Elle masque une réalité que les textes de l’année dénoncent3, la montée commencée du tonnage unitaire. Sur l’axe qui reste essentiel des navires marchands de Séville, on note un léger accroissement du tonnage unitaire de 250,4 toneladas à 254,1 toneladas. Cette ébauche va dans l’ordre de l’évolution de toute une période, elle peut être retenue, par contre, comme une indication utile.
2. Retours
6Il en va tout autrement, par contre, du mouvement des Retours. Ici, on est en pleine croissance et cette croissance n’est pas tout à fait illusoire.
7De 43 à 67 navires, de 10 338 toneladas (12 405 tonneaux) à 18 035 toneladas (21 6-12 tonneaux), le saut en avant est, respectivement, de 55,8 % sur le mouvement unitaire et de 74 % sur le mouvement en tonnage, avec un accroissement considérable du tonnage unitaire de 240,4 toneladas à 269,8 toneladas (entendez, simple retour, en vérité, du tonnage unitaire à la normale. après l’anomalie de 1622, provoquée par le non retour de l'Armada de la Guardia).
- 4 Cf. t. V, p. 26 et p. 58-59.
- 5 Cf. t. V, p. 50, note 5.
8Il ne faudrait pas donner à cette poussée des Retours une portée excessive. Elle est essentiellement compensatrice, en effet, puisqu’elle tend, d’abord, à effacer l’anomalie de non retour, en 1622, de l'Armada de la Guardia du Capitaine Général Marquis de Cadereyta4. Une plus exacte notion de la réalité conjoncturelle serait donnée, par conséquent, par une ventilation sur deux ans, des Retours de 1622 et de 1623, soit 14 186,5 toneladas. On ne peut, toutefois, se dérober totalement, à la réalité du découpage annuel. C’est bien en juin 1623 que le convoi du Marquis de Cadereyta rentre dans le Guadalquivir, éprouvé, d’ailleurs5. Si les effets de son retour ont pu être anticipés, il n’en est pas moins vrai que la richesse économique qu’il représente n’a été disponible pour de nouveaux engagements dans les circuits économiques de la Carrera, avant la seconde moitié de l’année 1623, entendez, qu’elle n’a pas été disponible, pour le trafic avant 1624.
- 6 Cf. t. VI1, table 159, p. 356 ; t. VII, p. 52-53.
9Il importe, quand même, de prendre assez au sérieux, pour la compréhension des années qui viennent, cette montée des Retours, dès 1623, parce qu’elle vient s’inscrire au commencement d’une suite ascendante. 1623 est le commencement de l’anomalie positive des Retours sur trois ans (moyenne annuelle de 1623 à 1625, 19 884,3 toneladas, 48,7 % du tonnage total des Allers et retours). 1623 fait écho, en Retours, au fort niveau des Allers de 1621, beaucoup plus qu’à celui de 1622. C’est par rapport aux Allers de 1622 ou de 1623 que le volume des Retours de 1623 prend tout son relief, 49,48 %6 dans le cadre du découpage annuel, un peu plus de 49,5 % dans le cadre d’un ensemble plus vrai formé par les Allers de 1622 et les Retours correspondants de 1623. Ce brusque accroissement du coefficient des Retours (il contraste avec les 36,05 % de 1622, voire même les 44,50 % et 46,30 % de 1621 et 1620) marque un clivage d’importance. A lui seul, il justifierait, dans une large mesure, le choix qui a été fait de 1623, pour marquer, quelque peu paradoxalement, le commencement d’un cycle nouveau.
- 7 Cf. t. VI1, table 219-220, p. 467.
10Cette indication — seconde raison de la prendre au sérieux — est pleinement confirmée par la présomption que l’on a du mouvement Retours en valeur7 d’après l'avería. Par rapport au niveau en valeur déjà très considérable de 1622, celui de 1623 est plus important encore, de 4 938 222 400 à 5 616 252 478 maravedís, soit une moyenne-valeur des retours sur deux ans, proprement énorme, de 5 277,2 millions de maravedís.
11La poussée des Retours de 1623 doit être prise au sérieux, elle donne le signal avec anticipation au départ de la fluctuation. Elle contribue à constituer dans le Guadalquivir un nœud de navires et de capitaux qui sera, dans les années à venir, un facteur favorable, par excellence.
3. Allers et retours
- 8 Cf. t. VI1, table 164, p. 363.
12Les totaux sont, évidemment, très sensibles au saut en avant des Retours (par rapport à la moyenne mobile, ces derniers sont passés de 61,9 % à 110,5 %8. Or si le phénomène a, nous venons de le voir, beaucoup de signification pour les années qui viennent, de 1624 à 1628, on ne peut dire qu’il constitue une composante-clef de la conjoncture de l’année. Le niveau très élevé des Retours en 1623 est un facteur important pour l’étude de la conjoncture des années qui précèdent ou qui suivent l’événement, il ne vaut guère, par contre pour la conjoncture de 1623. Il ne faudra pas oublier ce point de vue en présence des niveaux des globaux.
13En effet, commandée par la poussée des Retours, il y a montée substantielle des globaux Allers et retours : de 124 à 149 navires, de 28 677 toneladas à 36 450 toneladas (de 34 412,4 tonneaux à 43 740 tonneaux), soit un progrès de 20,15 % et 27 % respectivement avec, par rapport au trend, une grosse remontée de 74,19 % à 96,06 % et une reprise, aussi, du tonnage unitaire de 226,9 toneladas en 1621, 231,27 toneladas en 1622 à 244,6 toneladas en 1623. Mais cette reprise, tant des totaux que du tonnage unitaire, est due, uniquement, au comportement des Retours, d’où une portée limitée sur la conjoncture de 1623.
ÉLÉMENTS CORRÉLATIFS DE LA DÉPRESSION
14Une analyse plus poussée montrera aisément à quel point, loin d’une amélioration, c’est à une détérioration que l’on a affaire.
1. Ventilation à l’intérieur du complexe portuaire9
- 9 Cf. t. VI1, table 183, p. 388-391
15L’égalité qui s’établit sur les globaux à l’Aller, au départ du complexe, est, sous l’angle économique, une fausse égalité.
- 10 Cf. t. V, p. 26.
- 11 Cf. ci-dessus p. 1432-1525.
16Le mouvement de 1622 pouvait être un mouvement réduit, les Allers n’en offraient pas moins un visage redevenu habituel, au cours du cycle précédent : Armada de la Guardia, flotte de Terre Ferme, embryonnaire, certes, mais existante, flotte de Nouvelle Espagne. La première lacune qui frappe, au départ de 1623, c’est l’absence d’une flotte de Terre Ferme, même aussi schématique que ne l’avait été, en 1622, la flotte de Juan de Lara Moran10. La lacune est d’autant plus grave que l’annualité11 de la petite flotte de Terre Ferme était devenue, à nouveau, de règle, au cours du cycle précédent. Elle est grave, parce qu’elle ne semble pas contrariée par des événements extérieurs ; elle a été prévue, elle a échoué, faute du désir de changer. La défaillance doit être portée, par conséquent, au passif de l’année. Elle est l’expression classique de la défaite conjoncturelle.
- 12 Cf. t. V, p. 53-54.
17C’est au ratage conjoncturel — imputable au négoce — de la flotte de Terre Ferme de 162312, qu’il faut attribuer le recul important, sur les deux axes essentiels du complexe portuaire, les navires marchands de Séville et de Cádiz.
18Il y a, pour les navires marchands de Séville, recul de 42 navires à 35 unités, de 10 519 toneladas à 8 895 toneladas, soit un recul de l’ordre de 16 % sur le mouvement unitaire et sur le mouvement en tonnage. Pour Cádiz, on passe, dans le même temps, de 4 à 3 navires, de 2 100 toneladas à 1 500 toneladas, soit un tassement, respectivement, de 25 % et 28,5 %. Au total, on est en présence, sur les éléments moteurs les plus importants du trafic, d’un tassement de 46 à 38 unités, de 12 619 à 10 395 toneladas, soit respectivement de 17,4 % et de 18,4 %. C’est ce qui compte au tout premier chef.
19Le trafic de 1623 comprend, par contre, une proportion beaucoup plus importante de la catégorie des « marginaux ». Non pas des Canariens, dont Séville — mais cela est, aussi, un signe de crise grave — est en train d’obtenir l’élimination complète, de 11 navires en 1622 à 4 unités en 1623, de 820 toneladas en 1622 à 290 toneladas en 1623, mais des négriers, de 17 navires à 29 navires, de 1 780 toneladas à 3 070 toneladas, si bien qu’on passe, au total, de 28 à 33 navires, de 2 640 toneladas à 3 360 toneladas.
- 13 Cf. t. V, p. 44-45.
- 14 Les navires et les maîtres sont hanséates, même le felibote d’Ysbrant Adrienssen, bien qu’il soit p (...)
20La différence procède plus encore des Armadas, puisque le poste passe, artificiellement, de 7 navires à 11 navires, de 3 120 à 4 660 toneladas. Mais, économiquement, la différence n’est pas du même ordre. Le mouvement d'Armada de 1622 est formé, tout entier, par l'Armada de la Guardia. Nous avons cru devoir inclure dans nos calculs13 la petite Armada de secours à l'ile Madère, en liaison étroite avec l’attaque hollandaise, contre l’Atlantique portugais, parce qu’elle est, sinon prélevée14, du moins alimentée, sous-tendue, en quelque sorte, par la Carrera. Il n’en demeure pas moins qu’elle doit, économiquement, être exclue de nos calculs. Dans le secteur Armada en 1623, seule compte, vraiment l'Armada de la Guardia. L’escadrille de Madère exclue, de 7 à 8 navires, de 3 120 à 3 780 toneladas la disparité 1622-1623 s’estompe considérablement, même dans ce domaine.
21Mieux globalement, le volume de 1623, 78 navires au lieu de 81 navires, 17 535 toneladas, au lieu de 18 339 toneladas, est en retrait par rapport à 1622. Une ventilation, même grossière, des navires à l’intérieur du complexe fait donc ressortir l’infériorité conjoncturelle de 1623 par rapport à 1622.
2. Terre Ferme et Nouvelle Espagne
22Cette infériorité, nous savons d’ailleurs sur quel secteur elle porte : la Terre Ferme, c’est-à-dire, beaucoup plus que jamais, le secteur capital. C’est entre le cycle 1614-1622 et le cycle 1623-1631, que la Nouvelle Espagne est balayée de la position dominante qu’elle occupait, en volume, du moins, à l’intérieur du trafic. De toute manière, la preuve n’est plus à fournir, le trafic en direction de la Terre Ferme représente, en valeur, un élément de premier choix. Il en a toujours été, ainsi, même au cours des trois décades précédentes, quand la Nouvelle Espagne dominait, sans conteste, en volume.
- 15 Cf. t. V, p. 58.
- 16 Ibid., p. 50.
23Maintenant que la Nouvelle Espagne est atteinte dans sa relative primauté des années écoulées, il va sans dire que le rôle de la Terre Ferme s’en trouve accru d’autant. Un fléchissement de la Terre Ferme constitue, donc, un élément d’une extrême gravité. D’autant plus grave qu’il est calculé, délibéré, imputable à une prise de conscience de la médiocrité des possibilités offertes, en 1623, par le trafic dans cette direction. L’ordre de la flotte a été donné et le projet n’a pas abouti, parce que les cargadores ont estimé qu’il n’allait pas de leur intérêt d’y participer. Peut-être ont-ils été gênés de le faire par le retour de l'Armada du Marquis de Cadereyta et de la flotte de Juan de Lara Moran, de retour le 6 juin 162315, alors que leur retour aurait dû, sauf accident, s’effectuer à l’automne de l’année passée. En outre, la confiance aura été ébranlée16 par l’annonce des lourdes pertes subies aux Indes par ce même convoi de Terre Ferme.
- 17 Cf. t. VI1, table 167, p. 366 ; t. VII, p. 66-67.
24Il en résulte un très net fléchissement, en volume, des départs en direction de la Terre Ferme17. Il est vrai qu’il n’est pas facile de les apprécier en raison du nombre, au cours de cette année, de négriers à directions multiples. L’écart de 34 navires en 1622 à 20 navires en 1623, de 7 334 en 1622 à 5 740 toneladas, en 1623, en direction de la Ferre Ferme, exagère, peut-être, la réalité. Une pondération de l’ordre de 1 000 toneladas en plus, en 1623, pour les directions négrières multiples, supprimerait ce danger de gauchissement. Elle laisserait, cependant une belle marge pour les Allers de Terre Ferme en 1622.
- 18 Cf. t. V, p. 44-45, navires, a, b, c.
25Mais ce qui est plus grave, peut-être, encore, c’est le fléchissement, que, de toute manière, on note aussi, d’une année sur l’autre, en direction de la Nouvelle Espagne. Même une pondération pour les négriers ne modifierait pas cette situation. En résumé, il y a recul en direction des deux espaces fondamentaux, Terre Ferme au premier chef, Nouvelle Espagne, en seconde position, au profit d’un gonflement des îles, on y a classé arbitrairement les trois navires et 880 toneladas, destinés au secours de Madère et qui sont, en réalité, hors commerce, pire encore, au profit du gonflement des éléments aberrants (expédition de Madère18.
26C'est là une très précieuse indication que les mouvements globaux dissimulent.
27A tout le moins, entre 1622 et 1623, il y aura une importante récession qualitative.
3. Mouvement-valeur
- 19 Cf. t. VI1, table 227, p. 473 ; table 222, p. 469 ; tables 219-220, p. 467.
- 20 Cf. t. VI, tables 219-220, p. 467.
28De cette récession qualitative, on a d’ailleurs, de nombreuses preuves chiffrées19. Tous les impôts ad valorem mentionnent, à l’Aller, un gros fléchissement, à la hauteur de 1623. On a invoqué déjà, pour expliquer semblable écart des valeurs fiscales (de 1 622 121 266 en 1622 à 385 726 808 en 162320 le phénomène classique du triage. Admettons même que le rendement de l’impôt ad valorem renchérisse sur la réalité. L’ordre de grandeur est là, il met à l'abri des caprices de la fraude et des tolérances. Il prouve une fois encore, ce que signifie, en valeur, la présence ou l’absence d’une flotte de Terre Ferme.
- 21 Cf. t. VI1, table 227.
29Le fléchissement qualitatif (il vaudrait mieux dire effondrement, puisque 1623 ne représente que moins du quart du niveau de la valeur fiscale de l’année précédente) est emmenée par les événements qui affectent, au premier chef, l’axe de la Terre Ferme, mais — et cela confère au phénomène de triage invoqué une portée beaucoup plus large — le fléchissement qualitatif affecte aussi la Nouvelle Espagne21. Il suffit de se reporter à l'almojarifazgo de la Vera Cruz (la valeur fiscale présumable passe de 236 à 171 millions de 1622 à 1623, sur cet indice d’activité). On comprend mieux, dans ces conditions, l’importance primordiale d’un phénomène qui touche les deux axes fondamentaux du trafic, les deux espaces clefs de l’économie indienne.
4. Les tensions internes
301623, enfin, est une année de graves tensions au sein des milieux d’affaires du Monopole et c’est par là, aussi, que l’on peut jauger la crise.
- 22 Cf. t. V, p. 55, note 38.
- 23 Ibid., p. 50, note 5 et p. 58, navire n° 2.
31a. La guerre. — La guerre, si elle n’est pas la cause première — nous n'en voudrions pour preuve que la belle flambée de 1624, alors que la pression hollandaise, sans conteste s’aggrave — n’est pas étrangère, toutefois, à la gêne qui se manifeste. Il y a, accessoirement, les attaques contre Cumana22. Il n’est pas exclu qu’elles aient contribué à ralentir l’enthousiasme de Séville, face aux propositions d’une flotte de Terre Ferme. Il y a, surtout, les mauvaises nouvelles que l'aviso sorti de la Havane, le 13 décembre, a rapportées, au début de l’année. Ces événements (la perte des trois galions d’argent et l’hivernage) ne sont pas directement imputables à l’ennemi, on peut estimer, toutefois, qu’ils entrent dans un contexte de guerre et partant, de gêne accrue sur la navigation. Il n’est pas contestable que c’est là que gît la clef de la conjoncture de 1623. Le retard des retours de 1622, l’attente déçue des convois Cadereyta-Juan de Lara Moran, tout au long de l’automne et du premier hiver, avait préparé un terrain trop bien préparé déjà aux paniques et aux défaitismes. C’est sur ce terrain qu’en janvier, l'aviso Jesus Nazareno allait apporter l’ébranlement définitif23. La perte des trois galions commentée, grossie, avec toute l’invertitude qu’elle comportait, devait briser les ressorts psychologiques d’un monde trop enclin, déjà, au pessimisme.
- 24 Ibid., p. 53, note 5.
32C’est là que réside, au premier chef, la raison profonde du refus de charger la flotte de Terre Ferme24.
33b. Le problème des navires. — Ce climat de dépression, en empêchant la Carrière des Indes de saisir, au maximum, les possibilités limitées de l’année, va contribuer à sensibiliser, encore davantage, les gens d’affaires du Monopole aux atteintes dont ils se sentent l’objet.
- 25 Ibid., p. 52, note 5.
- 26 Cf. ci-dessus p. 1581-1582 et t. VII, p. 46-47, graphique, Tonnage moyen d’un navire.
34C’est pourquoi émergent, au premier plan, de la correspondance de la Casa, en 1623, les querelles à propos des ordonnances de 1618 et de la taille des navires25 Parce qu’il a senti la guerre qui s’approchait, le Roi a décidé d’accentuer l’évolution qui tendait à entraîner la construction navale espagnole vers un gigantisme relatif, dans les structures de son temps. On ne saurait nier aux ordonnances un effet réel, il suffisait de se reporter sur les années 20 du xviie siècle à la très belle mutation dont les graphiques rendent bien compte26. Il suffisait de lire les plaintes que cette mutation suscite de la part des milieux intéressés de Séville.
35Les mobiles du Roi sont clairs. Il a joué, dans le conflit qu’il a voulu reprendre contre la Hollande, la carte du gros navire. Il se sait battu, quant à la mobilité, quant au nombre, quant à l’abondance et à la qualité des gens de mer. Le Hollandais, en outre, est gêné dans la construction du gros navire par les hauts-fonds qui bordent ses côtes. Le navire flamand est un navire qui cale peu. La réduction du tirant d’eau, indépendante d’une réduction corrélative du tonnage, aboutit au type des hourques les plus médiocres à la bouline. Bonnes pour les lignes régulières et sans histoire, elles sont impropres à la guerre. L’Espagne, condamnée par une évolution qui joue contre elle, joue la carte du gigantisme. Les ordonnances de 1618 en prévision des hostilités qui allaient reprendre, que le Roi était bien décidé à laisser reprendre — mais pouvait-il capituler sans combattre contre l’invasion pernicieuse du Flamand révolté dans le domaine maritime et colonial du Portugal, pour un temps encore, fidèle ? — en poussant à l’évolution bien naturelle de la Carrera vers le gros navire, cherchaient à s’assurer à bon compte une pépinière commode de navires de guerre.
36En 1623, Séville, à peu près unanime, se dresse contre la contrainte qui lui est faite. Et pour une fois, perd son procès. Cette protestation vient, non par hasard, s’inscrire au plus profond du creux de la conjoncture du trafic.
- 27 Cf. ci-dessus p. 1421-1422, 1425-1426.
- 28 Cf. ci-dessus, p. 1568 et ci-dessous p. 1633-1635, p. 1834-1836.
37Pourquoi cette protestation ? En raison même de la guerre. Les armateurs de Séville ne peuvent douter de la raison pour laquelle on les contraint au gigantisme, on a dit souvent pourquoi et comment la réquisition d’un navire pour les besoins de l'Armada était une opération déplorable pour celui qui la subissait. En raison du blocus hollandais sur le matériel de construction navale du Nord, on peut de moins en moins construire des navires en Espagne. Le coût de la main-d’œuvre avait paralysé les chantiers au cours du cycle précédent, on a vu comment27. Au moment où un certain allégement va intervenir dans ce domaine, grâce à l’euphorie classique d’un début d’inflation28, la construction navale se trouve plus sûrement paralysée encore par le relais d’un goulot d’étranglement physique de l’approvisionnement des chantiers en matières premières. D’où la nécessité d’importer des navires tout prêts, alors qu’en dehors de l’Espagne, le gros navire est particulièrement coûteux.
38A toutes ces raisons, s’ajoute la raison la plus simple et peut-être essentielle — dans la mesure où elle est tue — le trop gros navire contribue à éliminer Séville au profit de Cádiz.
39Enfin, bien que les documents n’en disent rien, on peut estimer que la poussée accélérée en direction du trop gros navire va à l’encontre de la conjoncture de ces années difficiles. La poussée vers le gros navire a été conforme à la conjoncture ascendante des trafics de la phase A du xvie siècle. Avec le ralentissement de l’accélération, plus encore, avec la diminution du volume global des échanges, l’évolution vers le gros navire se poursuit, en quelque sorte, à contre-courant.
40Et c’est par ce biais, entre plusieurs, que nous saisissons une des incidences indirectes les plus nocives, peut-être, de la guerre et des charges impériales qui pèsent sur Séville et l’Atlantique du Monopole. La guerre et l’empire ont contraint la Carrera à poursuivre, à contre-courant, au-delà du seuil de l'optimum économique, l’évolution vers le très, le trop gros navire, à un moment où de moins en moins, on en trouvera l’emploi. L’échec de Séville se comprend. Puisque l’Atlantique du Monopole se heurte, ici, aux exigences de la défense de l’Empire. Il est à l’honneur du Roi en son Conseil d’avoir su faire taire, pour une fois, au profit de l’intérêt le plus général, l’intérêt le plus particulier. Puisque, au vrai, en 1623, qu’est-ce Séville sans l’Empire ? Un anachronisme, qui eût été vite balayé, sans la formidable armature de grandeur, d’espace, de domination politique et militaire, qu’elle avait, en première ligne toujours, contribué à bâtir.
41Le problème du gros navire dépasse donc, largement, le cadre d’une affaire purement technique. Il nous conduit au cœur des tensions nées des impératifs divergents qui résultent de l’Empire et de son maintien. La sensibilisation tardive aux ordonnances de 1618, et c’est sous cet angle seul que nous retiendrons l’affaire, dénote la gravité de la dépression conjoncturelle de l’année.
- 29 Cf. t. V, p. 53, note 5.
42c. Faillites. — La crise s’exprime encore dans une atmosphère de faillites. C’est, au premier chef, la faillite de Simon de Beydaçar29. Elle résulte du ratage dans les arrivées d’argent. L’onde de choc depuis Séville se sera répercutée, dans des conditions qu’il importera un jour de mieux fixer.
- 30 Ibid., p. 53-54, note 5.
43d. Le conflit Séville-Cádis. — Dernier élément, peut-être, de ces tensions de conjoncture, la violence du conflit avec Cádiz30 Séville marque un point, en obtenant l’embargo, en décembre 1623, sur les marchandises et les navires étrangers. La mesure frappe, évidemment, d’une manière sélective Cádiz dont on a dit le rôle de simple lieu de triage et de réexportation, d’introducteur dans les circuits de la Carrera des marchandises du Nord.
HYPOTHÈSES
- 31 Cf. ci-dessous p. 1614-1616.
- 32 Cf. ci-dessus p. 1451-1452, 1459-1460, 1467-1468, 1477, 1490-1491, 1507, 1514.
44L’accentuation de la crise, en 1623, par rapport à 1622, ne nous semble pas ressortir, au premier chef, à des causes particulières. C’est en 1624, seulement que, dans le domaine prix-monnaie en Espagne, des facteurs nouveaux interviennent31. En 1623, il y a détérioration et éloignement de l'impetus qui avait pu provoquer la précédente période courte d’expansion cyclique32, sans que n’interviennent encore les conditions de la nouvelle expansion cyclique, c’est-à-dire au mieux la poussée inflationniste.
- 33 E.J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 215-217.
- 34 Ibid., p. 278-279.
45A regarder les choses de très près, loin d’une amélioration, il y aurait plutôt détérioration des conditions antérieures déjà bien médiocres. L’indice des prix andalous, par exemple33 passe de l’indice 90,08 en 1622 à l’indice 87,64 en 1623, tandis que l’indice des prix nouveaux-castillans dénote la même tendance, de 89,48 en 1622 à 87,51 en 1623, sans qu’intervienne, comme en 1624, le facteur favorable d’un allégement vraiment substantiel du coût de la main-d’œuvre34 la différence qui sépare le taux relatif moyen de la rémunération de la main-d’œuvre de 1622 à 1623 (de 121,85 à 120,16) est trop faible pour qu’elle entre vraiment en ligne de compte. Il n’en ira plus de même entre 1623 et 1624 où de 120,16 à 114,64 se situe un véritable décrochement, une mutation dans une donnée du trafic.
46Les véritables facteurs qui expliquent plus sûrement, encore, l’aggravation de la situation de 1622 à 1623, résident, on a vu comment, dans les malheurs du double convoi de Cadereyta/Juan de Lara Moran et dans son hivernage. Cet élément malheureux aura contribué, certes, à prolonger la crise au-delà de son terme, mais il aura, par ricochet, par rétention et triage, contribué à accentuer, encore, la reprise de 1624.
II. — 1624 : LA PREMIÈRE EXPANSION
47On peut se demander dans quelle mesure même la paralysie du trafic en 1624 n’est pas à l’origine de la meilleure part du succès de 1624. Isolé entre deux points bas, le point haut de 1624 prouve, certes, que la Carrera dispose, encore, d’un volant appréciable, il est de ceux, toutefois, qui, — à s’en tenir trop aveuglément à la seule leçon du tonnage global —, risquent de faire illusion sur la véritable situation en conjoncture du trafic.
LA LEÇON DES CHIFFRES
48Une série de circonstances — il faudra les démêler — contribuent à faire de 1624 une année, tout à fait exceptionnelle, comme le Guadalquivir, en ce qui concerne les volumes mis en cause, n’en connaîtra plus ; la dernière année au cours de laquelle le trafic se rattache encore au sommet de la dernière décade du xvie siècle et des premières décades du xviie.
1. Allers
- 35 Cf. ci-dessus p. 1516 et 1590.
- 36 Cf. t. VI1, table 184, p. 388-391.
49En Allers, par exemple, on passe de 82 à 103 navires, de 18 415 toneladas à 25 852 toneladas (de 22 098 tonneaux à 31 022,4 tonneaux), soit un progrès de 25,6 % sur le mouvement unitaire et de 40,3 % en tonnage, avec un accroissement considérable et non fortuit du tonnage unitaire moyen, de l’ordre de 226,4, 224,57 toneladas (tonnages unitaires moyens des navires en 1622 et 162335 à 251 toneladas. Cet accroissement du tonnage unitaire moyen va dans le sens d’une tendance profonde, d’une tendance qui est, depuis peu, relancée du dehors pour les besoins de la guerre et de l’empire36. On a vu comment le tonnage unitaire moyen des Allers s’élevait régulièrement de 1619-1622 (208,86 toneladas) à 1629-1631 (311,7 toneladas), en passant par les étapes intermédiaires de 240,5 toneladas et 297,1 toneladas au cours des fluctuations 1623-1625 et 1626-1628.
- 37 Cf. ci-dessus p. 1592-1594.
- 38 Cf. t. VI1, table 132, p. 330 ; table 142, p. 340 ; t. VII, p. 50-57.
- 39 Cf. t. VI1, table 164, p. 363 ; t. VII, p. 52-53.
50L’accroissement du tonnage unitaire correspond d’autant mieux, ici, à une réalité, qu’il est moins imputable à une simple ventilation différente des navires au sein du complexe37, puisqu’il est particulièrement sensible, surtout, sur l’axe majeur des navires marchands de Séville (de 254,2 toneladas en 1623 à 268,8 toneladas en 1624). Le niveau du mouvement Allers, en 1624, est si peu négligeable qu’il est, en tonnage, le plus élevé, de 1610 à 1650. Même avant cette date, compte non tenu toujours du mouvement unitaire, le volume de 1624 se classe bien parmi les plus impressionnants, puisqu’il a été égalé ou dépassé, sept fois seulement38, dans toute l’histoire de la Carrière des Indes. Même le niveau beaucoup plus médiocre (si on cherche des termes de référence antérieurs) de 103 navires ne sera plus égalé ni, a fortiori, dépassé après cette date. Le pourcentage d’écart à la moyenne39 fournit une confirmation utile, par le passage de 83,43 %, 85,04 % (1622-1623) à 121,65 %.
2. Retours
- 40 Cf. t. VI1, table 135, p. 333 et table 142, p. 340.
51Le niveau des Retours est, à certains égards, plus exceptionnel encore40 : 93 navires, 24 758 toneladas (31 022,4 tonneaux), soit un progrès par rapport aux niveaux non médiocres de 1623 et faibles de 1622 (67 unités, 18 035 toneladas, 21 642 tonneaux en 1625 ; 43 unités, 10 338 toneladas, 12 405 tonneaux en 1622) de l’ordre, respectivement, de 38,8 % et 37 % par rapport à 1623, de l’ordre respectivement, à nouveau, de 116,3 % pour le mouvement unitaire et de 139 % en tonnage.
- 41 Cf. t. VI1, table 159, p. 356.
52Cette masse énorme des Retours est encore soulignée par la part que tient le tonnage des Retours dans l’ensemble des globaux Allers et retours de 162441, soit 48,92 %. Ce pourcentage supérieur à la moyenne, tant cyclique que séculaire, prend tout son relief dans son encadrement (49,48 % et 47,34 % en 1623 et 1625) ; il serait plus probant encore, si on calculait la part des Retours dans le cadre vrai du mouvement formé par les Allers de 1623 et les Retours de 1624 ; la proportion des Retours aux globaux s’élèverait alors à 60 %. Le tonnage unitaire moyen des Retours, par contre, reste stationnaire, de 269,8 toneladas en 1623 à 266,2 toneladas en 1624. Fait hautement significatif, l’écart des tonnages unitaires (Allers et retours), déjà réduit par rapport aux écarts anormalement élevés du cycle précédent (226,4 toneladas et 240,4 toneladas en 1622 ; 224,57 toneladas et 269,8 toneladas, en 1623), diminue encore jusqu’à s’annuler, pratiquement, 251 toneladas à l’Aller, 266,2 toneladas au Retour. Cette réduction de l’écart des tonnages unitaires va toujours de pair avec les anomalies positives du mouvement Retours, dans la mesure, précisément, où elle supprime les possibilités de triage aux Indes.
- 42 Cf. t. V, p. 84.
- 43 Ibid., p. 86 et 88.
53Cette situation, d’un point de vue pratique et concret, a été réalisée par une brutale accélération du rythme de rotation. 1624, en effet, ramène au bercail, non seulement l’essentiel des convois de 1623, mais une bonne partie des Allers de 1624 : l'Armada Don Antonio de Oquendo à la fin mai 162442. l' Armada y flota de Nouvelle Espagne de Juan de Benavides, l'Armada de Terre Ferme Gaspar de Azevedo Bonal et l'Armada de la Guardia de Thomas de la Raspuru, le 11 octobre 162443. On passe donc d’un rythme normal sur deux ans à un rythme excessivement rapide sur à peine plus d’une année.
54Cette brutale accélération, cette concentration surprenante des convois à la hauteur de 1624 — elle constitue un peu le négatif de la conjoncture Retours de 1622 — n’est pas facile à expliquer. Elle peut procéder d’une série de hasards, d’impondérables..., elle procède, plus sûrement, du climat d’insécurité, que le Hollandais a introduit aux Indes. La présence du Hollandais attestée, simultanément, en plusieurs lieux de la Méditerranée américaine, peut entraîner une réduction des séjours en Amérique et une brusque accélération du rythme des Retours. Les flottes auront fui du secteur le plus menacé, en direction d’un secteur relativement plus abrité. La médiocrité des transactions à l’isthme, qui nous est attestée en 1624 a pu être, pour une fois, un facteur qui a précipité la décadence. A quoi bon prendre de gros risques en s’exposant aux coups d’un adversaire bien réel et que l’on sait tout proche, pour des bénéfices, somme toute, assez problématiques ?
- 44 Ibid., p. 92, note 28.
55L’action combinée de la médiocrité des marchés — cette médiocrité du marché de l’isthme est due, en partie, au ratissage par le Hollandais de la côte Pacifique — et de la présence d’un ennemi sur la côte, sur le versant Atlantique de l’empire, auront, pour une fois, précipité un rythme au lieu de le freiner, comme à l’ordinaire44. A moins d’inverser les termes et d’invoquer le rythme précipité des Retours, pour expliquer la médiocrité du marché de Terre Ferme, bien que les textes n’autorisent guère à supposer semblables enchaînements de faits. Tout au plus, peut-on prétendre que le désir de fuir une zone dangereuse n’a pas favorisé l’écoulement des marchandises sur le marché de l’isthme. Mais la raison première de la crise du marché de l’isthme réside, évidemment, dans le ratissage méthodique de la côte du Pacifique. Une partie du déphasage, en 1624, entre la masse des volumes mis en cause et l’enthousiasme apparemment médiocre des entrepreneurs de négoce, réside dans l’intervention de facteurs externes. La guerre et la présence du Hollandais tantôt retarde des départs, tantôt, après avoir contribué à constituer des nœuds dans le trafic, travaille à les défaire. D’où des poussées, après des creux. Les Retours de 1624 — ils vont, à leur tour, contribuer, d’une manière décisive, au démarrage du trafic Allers — dénotent un rythme irrégulier, une rugosité, en grande partie accidentelle du flux du trafic. L’Atlantique s’installe, à nouveau, dans la guerre.
- 45 Cf. t. VI1, tables 219-220, p. 467.
56Poussée de Retours due à la guerre. Cette accélération est tellement vraie qu’ils sont moins impressionnants, ces Retours de 1624, autant qu’on en puisse juger, en valeur45 qu’en volume. Il se produit, entre 1622-1623, d’une part, 1624-1625, d’autre part, toutes proportions gardées, un peu ce qui s’était produit, à l’Aller entre 1622 et 1623.
- 46 Cf. ci-dessous p. 1604-1605.
571622-1623 s’exprime, au Retour, par des volumes médiocres, mais des valeurs très considérables, comme 1622, à l’Aller, dont les Retours de 1622-1623 bénéficient. 1624-1625, par contre, s’exprime par des volumes considérables et des valeurs plus modestes. Tout cela impliquerait un de ces phénomènes de triage dont la Carrière des Indes a fourni de si nombreux exemples. Il n’est pas impossible, non plus, que la fraude ait contribué à brouiller les pistes en exagérant le contraste valeur-volume, tel qu’il existe et tel qu’il apparaît. 1624, on aura l’occasion d’y revenir46, a été une année de fraude. Le poids de la fiscalité, les exigences exorbitantes du pouvoir royal pour faire face aux trop nombreuses obligations impériales de la guerre, un début d’inflation, tout cela aura pu, en affectant la fiscalité, contribuer à exagérer le contraste. A exagérer le contraste, certes, mais pas à le créer. Il est trop fermement inscrit dans les séries pour n’être pas vrai.
- 47 Cf. t. VI1, tables 133-135, p. 331-333 ; table 140-142, p. 338-340 et t. VII, p. 50-51.
- 48 Cf. ci-dessus p. 1595 et ci-dessous p. 1604-1605.
- 49 Cf. t. V, p. 66 à 73.
58Un fait reste certain : la masse extraordinaire du tonnage rentré d’Amérique dans le Guadalquivir en 1624. Pour rendre justice à l’importance d’un tel niveau47 93 navires, 24 758 toneladas, 29 709,6 tonneaux), il importe de considérer qu’en tonnage exprimé en tonneaux de jauge pondérés, le niveau de 1624 a été, en un siècle et demi d’histoire, égalé ou dépassé, trois fois seulement ; il le sera en 1630, il l’a été en 1610 et en 1600 ; six fois en tonnage exprimé en toneladas, imités de jauge non pondérées : en 1587, 1595, 1600, 1602, 1610 et 1630. Le niveau des Retours de 1624 peut donc se comparer aux meilleurs de la période centrale du mouvement. Il implique, pour favoriser la reprise des Allers sinon la disposition de très gros capitaux — en raison du comportement autonome des valeurs48 — du moins, d’une masse très considérable de navires. Par rapport au trend dégagé par les moyennes mobiles médianes de treize ans, on passe brusquement de 61,9 % à 110,5 % (niveaux relatifs de 1622 et 1623) à 144,3 %49. Il ne s’agit certes pas d’un des écarts les plus considérables de toute l’histoire de la Carrera, il ne s’en classe pas moins à un rang très honorable, le seizième sur une série de près de cent trente-cinq ans.
3. Allers et retours
- 50 Cf. t. VI1, table 164, p. 363.
59L’importance globale du trafic Allers et retours, en 1624, résulte de la rencontre quelque peu fortuite de ces mouvements records. Fortuite, car ils ne sont pas, à proprement parler, liés entre eux. Le niveau considérable des Allers en 1624 procède essentiellement d’un phénomène de rétention en 1623 et de récupération en 1624 ; quant aux Retours, ils doivent paradoxalement beaucoup à un phénomène d’insécurité sélective qui, outre une longue anomalie négative des Retours, a contribué à rejeter sur le Guadalquivir des navires qui, normalement, eussent séjourné plus longtemps aux Indes. On ne peut négliger, toutefois, une réalité objective, celle du mouvement considérable qui a animé, effectivement, au cours des six premiers mois de l’année 1624, l’ensemble du complexe portuaire50.
- 51 Cf. ci-dessus p. 1516-1518. On peut suivre facilement l’accroissement du tonnage unitaire jalonné p (...)
60Par rapport aux termes de référence des années précédentes du creux cyclique, la détente est considérable. De 1623 à 1624, on passe de 149 navires à 196 navires, de 36 450 à 50 610 toneladas, de 40 740 tonneaux à 60 732 tonneaux, soit un progrès respectif de 31,6 % et 38,8 % ; par rapport à l’œil de la dépression, 1622, le décrochement est encore plus considérable, soit de 124 à 196 unités, de 28 677 toneladas à 50 610 toneladas (34 412,4 et 60 732 tonneaux), de l’ordre, respectivement, de 58 et 76 %, avec un accroissement du tonnage unitaire entraîné surtout par les Allers, de 226,9 toneladas en 1621, 231,27 toneladas en 1622, 244,6 toneladas en 1624, à 258,2 toneladas en 1625. On est, sans conteste, sur la pente ascendante du tonnage unitaire et la transformation, à laquelle on assiste, est un aspect d’un mouvement plus général, dont les causes et les modalités ont été examinées, ailleurs51.
- 52 Cf. t. VI1, tables 136 à 138 et 140 à 142, p. 334-336 et 338-340 et t. VII, p. 44-45 et 50-51.
- 53 Cf. t. VI1, table 164, p. 363 et t. VII, p. 52-53.
- 54 Dans la hiérarchie des écarts absolus, la position de 1624 serait bien meilleure encore. Mais la sé (...)
61Pour apprécier correctement la position de 1624 sur le mouvement en tonnage, il suffit de rappeler, qu’en tonnage52 exprimé en unités pondérées, voire en unités non pondérées, le niveau de 1624 ne sera jamais plus ni égalé ni, a fortiori, dépassé ; fait plus probant, dans toute l’histoire de la Carrera, le tonnage de 1624 n’a été dépassé que deux fois seulement, en 1603 et en 1610. Par rapport au trend, la position relative du mouvement passe de 96,06 % en 1623 à 131,86 % en 1624 ; l’écart positif est donc très considérable53. Certes, il n’est pas le plus considérable de toute l’histoire de la Carrera, il vient, très exactement, au dixième rang de tous les écarts positifs relatifs54 du mouvement Allers et retours.
ÉLÉMENTS D’APPRÉCIATION
62Une attention trop exclusivement tournée vers l’appréciation des mouvements globaux en tonnage risquerait de créer une tentation de surestimation dangereuse de 1624, en conjoncture. 1624 ne constitue pas, malgré les apparences, le véritable sommet du cycle. Ce dernier se place plus tard, entre 1626 et 1627. Le mouvement de 1624, année finalement assez médiocre, bénéficie d’une série extérieure de circonstances qu’on ne peut porter intégralement au bénéfice du négoce. On en a une première preuve dans les séries valeur.
1. Les valeurs
- 55 Cf. t. VI1, tables 219-220 et 227, p. 467 et 473.
- 56 Cf. t. V, p. 72-79, note 1 et ci-dessous p. 1610-1611.
- 57 Cf. E.J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 96-97.
- 58 Cf. t. V, p. 81, note 44.
63a. Limites des possibilités d'appréciation. — Il existe, en effet, une sensible distorsion entre volumes et valeurs55. On sait avec quelle prudence il convient toujours de s’avancer dans ce domaine, en raison des reports d’une année sur l’autre, souvent difficiles à apprécier, en raison des marges de tolérance et de la fraude qui est variable. Or, on a tout lieu de se méfier des impôts ad valorem en 1624 : la guerre, dont le poids s’accroît, l’augmentation des taux de l'avería, les projets d'Armada pour la défense de la Mer du Sud56, les premiers prodromes de l’inflation billonniste57 ont dû contribuer, a priori, à une augmentation de la fraude, à un élargissement des marges de tolérance. Une affaire comme celle du San Antonio58(elle est assez importante et il est rare que des suspicions aussi bien étayées de fraude évidente pèsent sur un équipage) vient confirmer de justes méfiances : un vent de fraude et de tricherie a soufflé sur l’Atlantique de Séville, en 1623 et 1624. Néanmoins, même si les chiffres de 1624 doivent être interprétés avec prudence par rapport aux années qui les précèdent, il n’y a pas lieu de les suspecter tellement par rapport à ce qui suit.
- 59 Cf. t. VI1, tables 219-220, p. 467.
- 60 Cf. ci-dessus p. 1602.
- 61 Cf. t. V, p. 92, note 28.
- 62 Cf. t. V, p. 74-79, note 1.
- 63 Cf. ci-dessus p. 1600-1603.
- 64 Cf. ci-dessus p. 1493-1494, 1509, 1516-1518.
- 65 Cf. ci-dessus p. 1520-1521.
64b. Retours.— Le mouvement des séries-valeur est trop clair, toutefois, pour qu’on en révoque en doute la leçon. Au Retour59, il y a repli, en valeur, on l’a déjà vu60, de 6 516 millions de maravedís en 1623 à 4 119,7 millions de maravedís en 1624, d’une manière assez paradoxale et en dépit du mouvement volume. Cela s’explique, finalement, assez bien. Sans doute, la fraude y est pour quelque chose, mais plus encore les difficultés61 sur le marché de l’isthme Elles s’expliquent aisément, d’ailleurs, par le ratissage hollandais des côtes Pacifique de l’Amérique andine62. Le passage aux Indes d’une aire de danger maximum aura fait basculer en direction du Guadalquivir63 une masse considérable de navires, il n’aura pas entraîné pour autant, une quantité exactement équivalente de trésors. Le gonflement volumétrique des Retours procède également, d’un phénomène de compensation. Des navires se sont accumulés aux Indes — on a vu quelles marges séparaient dans les dernières années du cycle précédent le nombre des Allers du nombre des Retours64 — un jour ou l’autre, ces stocks devaient se défaire, mais rien n’impliquait, pour autant, que les trésors suivraient dans la même proportion. Oui, il y a eu, à l’origine du cycle 1623-1631, un formidable coup de buttoir des Retours, mais il s’est manifesté d’abord en valeur, ensuite en volume, portant sur les trésors, enfin débusqués d’interminables circuits commerciaux aux Indes, puis sur les navires, au moment opportun où l’armement se débat en Espagne, on a vu comment65 face aux grosses difficultés, causées par l’embargo hollandais sur les matières premières du Nord. On comprend, ainsi, malgré la montée des volumes, le recul des valeurs, entre 1623 et 1624. Il ne faudrait pas, pour autant, surestimer ce recul. Il est, sûr, par rapport à 1623 et 1622. Par rapport à l’ensemble du cycle toutefois, la valeur globale présumée des Retours est élevée, la valeur unitaire moyenne des importations d’Amérique est faible, par contre.
- 66 Cf. t. VI1, tables 219-220, p. 467 et table 138, p. 336.
65Les séries en valeur du mouvement Retours66 ne modifient donc pas la leçon du mouvement volume, mais elles la nuancent singulièrement. 1624 place le Guadalquivir devant une grande abondance de navires, médiocrement réutilisables, souvent, en raison de leur âge et de leurs trop longs séjours aux Indes, la vague des trésors est passée. Elle s’est déjà retrouvée, en partie, en partie seulement, sur les Allers de 1624.
- 67 Cf. ci-dessus p. 1604-1605.
66c. Allers. — En Allers, la corrélation volume-valeur paraît plus rassurante et plus conforme à ce qu’on est en droit, d’abord, d’en attendre. En effet, l'avería donne une solide présomption de triplement, au moins, du mouvement en valeur entre 1623 et 1624, triplement au moins, si on suit la donnée fiscale de 385,7 millions en 1623 à 1120 millions en 1624. L’indication peut d’autant plus être retenue qu’on a tout lieu de penser, on l’a vu, que la fraude est allée croissante67 d’une année sur l’autre. Or l’accroissement des valeurs (300 %) dépasse beaucoup celui des volumes (40,3 %) Il ne faudrait pas en tirer des conclusions excessives quant à l’accroissement intrinsèque de la valeur unitaire du mouvement. 1623 est une année sans flotte de Terre Ferme — et on sait le rôle que joue la flotte de Terre Ferme dans le mouvement-valeur — 1624, par contre, est une année avec une lourde flotte de Terre Ferme.
67De là, la tentation de chercher un terme de référence meilleur, et de le trouver en 1622. Le niveau de 1622 était, certes, très inférieur à celui de 1624 (18 339 toneladas au lieu de 25 852), entre les deux, donc, un décrochement positif de l’ordre de 40 %. En 1622, pourtant, à la différence de 1623 et comme en 1624 — malgré la différence flagrante des niveaux — le mouvement au départ est complet, Armada de la Guardia, flotte de Terre Ferme plus ou moins réduite, flotte de Nouvelle Espagne. Il n’en est que plus paradoxal de constater que si les départs en volume de 1624 représentent 140 % des volumes du départ de 1622, ils ne représentent guère, en valeur, que 65 % du même terme de référence (1 120 074 193 maravedís en 1624, 1 622 121 266 maravedís en 1622). Même à supposer qu’il y ait eu une ventilation des valeurs à la hauteur des années 1622-1623, même compte tenu d’un possible accroissement de la fraude, la montée des valeurs ne suit pas la croissance des volumes. Si on compare, par exemple, pour éviter les dangers de distorsion constitués par les possibilités de triage valeur-volume, la moyenne annuelle du creux (1622-1623), soit 1 004 millions, à la moyenne annuelle des trois armées du sommet (1624-1626), soit 1 254 millions, on sera sensible à la médiocrité relative de l’accroissement (en tonnage, elle est de l’ordre presque de 18 000 toneladas à 23 000 toneladas). Il semblerait, par conséquent, à première vue, du moins, que les valeurs n’ont pas suivi tout à fait le rythme des volumes.
- 68 Cf. t. VI1, tables 219-220, p. 467.
- 69 Cf. notamment t. VI1, tables 760 à 763, p. 1039 à 1055.
68La modicité des positions, en valeur, de 1624 est plus nette encore, si on compare le niveau de 1624 à celui de 1626. La pointe d’expansion relative de 1626 (81 navires, 23 918 toneladas) est inférieure à celle de 1624 (103 navires, 25 852 toneladas) pourtant, en valeur, la comparaison tourne complètement à l’avantage de 1626, 1 873 130 000 maravedís, au lieu de 1 120 074 193 maravedís, soit le chiffre le plus élevé donné pour le xviie siècle, sur la série, il est vrai, incomplète de l'averia, à l’exception de 1608 et de 163768. La poussée d’inflation de 1626 est impuissante à rendre compte d’une distorsion de cette ampleur, dans la mesure où les valeurs en douane69 sont particulièrement rigides, particulièrement insensibles aux mouvements les plus courts de la conjoncture. On ne peut donc attribuer le dénivellement volume/valeur entre 1624 et 1626 à une différence du niveau des prix, imputable elle-même à l’inflation billonniste. Ce dénivellement correspond, donc, à quelque chose de très profond et de très réel. Il invite à considérer, avec quelques réserves, l’importance, a priori, primordiale de l’expansion cyclique de 1624.
2. Le complexe portuaire70
- 70 Cf. t. VI1, table 183, p. 388-391.
69Cette mise en garde liminaire est d’autant plus nécessaire que d’autres éléments semblent corroborer le résultat des globaux en volume. On notera, par exemple, au départ, à l’intérieur du complexe portuaire, l’importance des éléments économiquement, les plus lourds.
- 71 Cf. t. V, p. 66-67.
70a. Armada. — C’est, tout d’abord, la réserve du mouvement d’Armada71 : 10 navires, 4 378 toneladas, soit un niveau qui s’apparente plus au niveau de la période de paix du cycle précédent qu’il ne le fait du niveau de la période de guerre qui va s’ouvrir. De 11 à 10 navires, de 4 660 toneladas à 4 378 toneladas, il y a donc un tassement du groupe Armada, et plus encore une modification. A la différence de ce qui se passait en 1623, où le mouvement d'Armada incorporait l’élément extra-économique de l’expédition de Madère, il est intégralement formé, ici, par l'Armada de la Guardia, intégralement formé, par conséquent, par l’élément du mouvement d'Armada qui s’apparente le plus directement aux navires marchands utilisés à une fin, officiellement, essentiellement commerciale.
71Cette double caractéristique du mouvement d'Armada de 1624 est doublement positive, sous l’angle économique. Le recul relatif du mouvement global d'Armada par rapport à l’ensemble du mouvement, a toujours été considéré comme un élément a priori, justement favorable. La poussée, par contre, de 8 à 11 navires, de 3 780 toneladas à 4 378 toneladas de l'Armada de la Guardia est, également, un élément favorable. Part moindre par rapport à l’ensemble, du mouvement d'Armada, mais alourdissement, par contre, du mouvement d’Armada qui reste.
- 72 Cf. t. V, p. 81.
72b. Les marginaux. — On ne peut guère considérer les 7 unités et les 479 toneladas, part officielle des Canaries en 1624 que comme un des derniers soubresauts du commerce officiel des Canaries pour se faire reconnaître, dont Séville avait demandé72, une fois de plus, l’élimination sans l’obtenir. Mais cette poussée relative, insignifiante et sans suite des Canariens est plus que compensée par le recul tendanciel des négriers. Au total, l’ensemble des marginaux, Canariens/Négriers, recule, en valeur absolue et beaucoup plus encore en valeur relative, de 33 à 31 navires, de 3 360 toneladas à 3 219 toneladas.
- 73 Cf. ci-dessus p. 1493-1494.
73c. Séville et Cádiz. — Rien de surprenant, par conséquent, qu’une formidable poussée se produise sur les deux axes dominants du trafic, les marchands de Séville et Cádiz. Dans ce domaine, ce n’est plus un décrochement de 40 % comme sur les globaux, mais d’un décrochement de près de 100 % que l’on rencontre. De 35 à 56 navires, de 8 895 à 15 055 toneladas, pour Séville, de 3 à 6 unités, de 1 500 à 3 200 toneladas pour les Caditains, soit un total, de 38 à 62 navires, de 10 395 à 18 255 toneladas, des décrochements positifs respectifs de 63 et 75 % avec un accroissement symptomatique du tonnage unitaire de 273,6 à 296,5 toneladas dans le sens d’une évolution qui a déjà été étudiée73
3. Les axes fondamentaux du trafic74
- 74 Cf. t. VI1, tables 167, 170, 173, 174, 176, p. 366, 369, 372 à 375.
- 75 Cf. t. VI1, table 167, p. 366.
74Une étude des axes fondamentaux du trafic donnerait, également, d’autres raisons de prendre très au sérieux les indications du mouvement global. Puisqu’on observera à l’Aller75, tassement sur l’axe secondaire des îles, accroissement limité sur la Nouvelle Espagne, de 21 navires à 25 unités, de 6 915 toneladas à 8 795 toneladas, véritable bond en avant, par contre, de l’ordre de 120 %, sur la ligne désormais dominante de la Terre Ferme.
- 76 Sur le mouvement unitaire, la Nouvelle Espagne garde son avantage un peu atténué, 29 %, contre 27,8 (...)
75a. Nouvelle Espagne. — Le renforcement de la flotte de Nouvelle Espagne, il n’est pas négligeable, ne constitue pas, il s’en faut de beaucoup, le fait le plus important. La Nouvelle Espagne reste, encore, en volume, à l’Aller, légèrement en avant de la Terre Ferme. De 1623 à 1625, lors de la première fluctuation, la Nouvelle Espagne représente en toneladas, 39,4 % du total des départs en tonnage contre 36,7 % pour la Terre Ferme, 11,1 % pour les îles et 12,8 % pour les indéterminés (Indias ?)76.
- 77 Sur le mouvement unitaire, les proportions restent du même ordre, à quelques nuances près, 27,1 % p (...)
- 78 Sur le mouvement unitaire, mêmes ordres de grandeur avec les différences traditionnelles, 21,8 % co (...)
76A partir de la fluctuation suivante (1626-1628), les proportions sont profondément différentes, la Nouvelle Espagne, en volume, ne représente plus que 31,5 % contre 48 % pour la Terre Ferme, 12,2 % pour les îles et 8,3 % pour les indéterminés, Indias ( ?)77. De 1629 à 1631, lors de la dernière fluctuation primaire, les proportions s’accentuent encore, 26,4 % pour la Nouvelle Espagne, mais désormais 59,9 % pour la Terre Ferme (la Nouvelle Espagne ne représente même plus à l’Aller la moitié de la Terre Ferme), 7,81 % seulement pour les îles et 5,9 % pour les indéterminés, en directions multiples, Indias ( ?)78.
- 79 Cf. t. VI1, table 227, p. 473.
77La Nouvelle Espagne, quelles que puissent être, encore, ses positions sur le trafic Aller est manifestement en perte de vitesse. Elle a cessé de commander le rythme profond du mouvement. L’accroissement des départs en direction de la Nouvelle Espagne, de 1623 à 1624, ne peut donc être considéré comme le facteur décisif... d’autant plus qu’on observe, concurremment au gonflement des volumes, un tassement véritablement tendanciel des valeurs en direction de la Nouvelle Espagne79. Le niveau des valeurs indiqué par l'almojarifazgo de la Vera Cruz, à la hauteur de 1624 (156 902 860 maravedís) est, en effet, un des plus bas d’une longue période d’un quart de siècle.
- 80 Cf. t. VI1, tables 167, p. 366, en 1626, 1629 et 1645.
- 81 Cf. t. V, p. 66-67 sq.
- 82 C’est du moins ce qui se dégage de la confrontation des mouvements valeur que nous possédons, valeu (...)
78b. Terre Ferme. — La Terre Ferme, par contre, donne une impression d’euphorie, de 1623 à 1624, puisqu’on note un bond en avant de plus de 100 %, de 20 navires à 37 navires, de 5 730 toneladas à 12 005 toneladas. Le niveau considérable, il sera égalé ou dépassé, par la suite, trois fois seulement80, est dû à l’existence, côte à côte, d’une puissante Armada de la Guardia de dix unités et 4 378 toneladas et d’une flotte de Terre Ferme81 considérable à l’échelle des flottes du temps, l’Armada y flota de Gaspar de Azevedo Bonal. Tout laisse à penser, en outre, que le mouvement-valeur82 ne se désolidarise pas, ici, comme il le fait en direction de la Nouvelle Espagne, du mouvement-volume.
4. Les facteurs négatifs
79Au cours de cette rapide revue, il est certain que les facteurs positifs l’emportent largement sur les facteurs négatifs, on n’en sera que plus surpris en lisant la correspondance de la Casa de la Contratación de constater que les signes de tension et de crise dominent.
- 83 Cf. t. V, p. 72-83.
80a. La guerre. — Toute l’atmosphère de l’année est dominée par l’attaque hollandaise. On s’est efforcé, dans les notes aux tableaux du tome V83, de suivre la marche de l’ombre qu’elle dessine sur le miroir de Séville.
- 84 C.R. Boxer, Dutch in Brazil (1624-1654), op. cil.
81Une première remarque s’impose. Ce qui inquiète, ce qui intéresse Séville en 1624, ce n’est pas l’attaque principale contre le Brésil84 mais le raid secondaire contre la côte Pacifique de l’Amérique andine. C’est contre cette menace, la seule que Séville ressente directement dans sa chair, qu’un effort lui sera demandé. La prise à revers par le Pacifique du domaine Atlantique de l’Espagne a eu des conséquences graves que la correspondance de la Casa permet d’apprécier : c’est à la paralysie des communications impériales entre le Callao et Panama qu’il faut attribuer les mécomptes rencontrés sur le marché de l’isthme.
- 85 Cf. t. V, p. 76.
- 86 Cf. t. V, p. 79.
82Pour répondre à une menace dont Séville ne nie pas qu’elle la vise au premier chef, on met sur pied le projet d’une Armada de la Mer du Sud. Le projet tramera onze ans d’affilée dans les dossiers du Conseil des Indes et de la Casa, du 3 décembre 1624 au 9 juin 1635, sans jamais aboutir85. Cet échec n’est pas particulièrement imputable à la conjoncture de 1624. Il fait partie, en fait, de la conjoncture de la décroissance. Dès la fin décembre 1624, on pouvait comprendre, toutefois, que l’Armada n’aboutirait pas. A plusieurs reprises, en 1625 et en 162686, le commencement des trésors collectés à cette fin aux Indes seront happés par la guerre de Flandre. S’il en fut, ainsi, n’est-ce pas, quand même, en dernier ressort, parce que Séville fut incapable de répondre immédiatement à la menace que le Hollandais dans le Pacifique faisait peser sur sa sécurité. Sans reprendre, par conséquent, ce gros et grand problème largement débattu déjà, de l’Armada avortée de la Mer du Sud, si éclairant dans son échec même, des structures de la décroissance, on peut garder au passif de la conjoncture de 1624, la lenteur et l’échec de cette riposte.
83L'Armada n’avait, évidemment, qu’une chance de réussir, cette chance résidait dans la rapidité de la riposte. La riposte n’est pas venue, parce qu’il n’y avait plus pour une aventure aussi lointaine, hommes, argent, capitaux, navires en état et, surtout, volonté de se défendre et de frapper. Cette carence est d’autant plus symptomatique des structures de la décroissance, qu’elle apparaît paradoxalement au moment où on ne l’attend pas, entendez en pleine période d’expansion cyclique. Si l’échec de l'Armada est, au premier chef, éclairant des structures de la décroissance, il incite à quelques doutes, également, sur l’ampleur de l’expansion de 1624.
- 87 Cf. t. V, p. 66 sq.
- 88 Cf. ci-dessus p. 1594.
- 89 Cf. t. V, p. 80, note 3.
84b. La crise du fret. — Mais il y a d’autres indices sûrs. Les difficultés auxquelles se heurtent les préparatifs de la flotte de Terre Ferme. On ne peut guère tirer argument, en effet, de l’ampleur considérable — à l’échelle du temps —, de la flotte de Gaspar de Azevedo Bonal87. En 1623, on a vu comment la flotte de Terre Ferme a avorté88, au terme d’une longue période où l’annualité d’une toute petite flotte de Terre Ferme était devenue de règle. La flotte de Gaspar de Azevedo Bonal bénéficie donc de cette situation, sa taille est due à un simple phénomène de récupération. Mais les difficultés qui marquent les préparatifs du convoi n’en sont que plus89. Elles sont de deux ordres : crise de fret et crise de marins.
85La flotte est précédée par les galions, par une Armada de la Guardia de 10 unités et 4 378 toneladas. La concurrence qu’on en peut prévoir et l’insécurité n’incitent guère à charger, pas plus que l’incertitude qui continue à peser sur la situation aux Indes. Le manque de marins provient aussi, des prélèvements prioritaires de l'Armada. Sous l’action combinée du manque de fret et du manque d’hommes, il fallut exclure du convoi deux grosses naves en surnombre.
86L’avortement, en 1623, de la flotte de Terre Ferme n’a donc pas provoqué la poussée qu’on aurait pu en attendre.
- 90 Cf. t. V, p. 92, note 28.
87Les précisions pessimistes de Séville90 en ce qui concerne les possibilités du marché de l’isthme, seront pleinement confirmées par la réalité. Les conditions du marché de l’isthme virtuellement coupé de l’arrière plan péruvien sont telles que les cargadores sévillans n’ayant pu écouler leur marchandise, sont restés sur place ; certains durent entreprendre le voyage du Pérou.
- 91 Cf. t. V, p. 92, note 28 et Colec. Fern. Navarrete XXIV, f° 216, doc. 29.
88Un marasme de cette envergure, en toute autre circonstance, aurait provoqué l’immobilisation des convois aux Indes et un allongement du rythme de rotation. Il en est allé, on l’a vu — exactement à l’inverse, puisque le gonflement anormal des Retours de 1624 est dû, pour l’essentiel, à une accélération du rythme de rotation des convois à la hauteur de l’année 1624. La lettre, du 11 octobre 1624, de Tomas de La Raspuru au Roi en son Conseil91 fournit la clef de l’enigme : le S.O.S. de la Jamaïque et la pression hollandaise. Ce S.O.S. de la Jamaïque explique non seulement l’attitude de l'Armada mais celle aussi de la flotte. On peut supposer, en effet, que si l'Armada de la Guardia de Tomas de La Raspuru a marché au canon, comme son devoir le lui commandait, le réflexe des armateurs de la flotte de Gaspar de Azevedo Bonal a été tout autre. Il s’est agi, pour eux, pour l’essentiel, d’un réflexe élémentaire, celui qui consiste à se mettre à l’abri. Ne pas perdre, moins que jamais, l’ombre tutélaire de l'Armada de la Guardia, quitter rapidement la zone dangereuse de la Méditerranée américaine, au profit de la zone relativement tranquille du Guadalquivir.
89Ce réflexe de fuite en avant aura contribué à rendre plus sensible la crise de la Terre Ferme. La crise, en effet, sur le marché de l’isthme ou de la Vera Cruz, entraîne, à l’ordinaire, un retard dans le rythme de rotation et un allongement des temps d’arrêt aux Indes. Puisqu’une telle attitude est virtuellement structurelle, on peut admettre qu’elle répondait à un besoin profond. En 1624, le négoce n’a pu répondre au malaise du marché de l’isthme par l’allongement des temps d’arrêt — auquel il était accoutumé en pareil cas. Gêne supplémentaire. On découvre, ainsi, une seconde interférence de la présence hollandaise sur les difficultés du négoce avec la Terre Ferme. La première, la plus importante, procède de la présence des Hollandais sur la côte Pacifique de l’Amérique andine et de l’embouteillage des communications impériales entre Panama et le Callao qui en découle ; la seconde de l’écourtage des temps d’arrêt à Puerto-Belo, en raison de la pression hollandaise sur la Jamaïque, alors que la conjoncture difficile du marché aurait conseillé au contraire, un allongement du temps des transactions.
- 92 Cf. t. V, p. 68 sq.
- 93 Cf. t. V, p. 80, note 17.
- 94 Cf. t. V, p. 84.
90c. Les départs pour la Nouvelle Espagne. — Le malaise n’affecte pas la seule ligne de Terre Ferme. La Nouvelle Espagne n’est pas exempte de ces difficultés. Le lourd convoi commandé par Gabriel de Chaves92, reste très longtemps immobilisé à Cádiz, au delà du raisonnable et des moyennes, du 12 mai au 14 juillet. On sait pourquoi93, Gabriel de Chaves attend le retour des galions attardés d’Antonio de Oquendo94 — qui a lieu à la fin mai et encore leur déchargement. Ce retard dans le départ de l'Armada y flota de Gabriel de Chaves est imputable à deux facteurs : la part structurelle de plus en plus grande de Cádiz dans le trafic du complexe portuaire, la dépendance des départs à l’égard des retours différés de 1623. Une dépendance aussi étroite est, encore, un signe de conjoncture moins linéairement favorable qu’on aurait pu le supposer.
91d. Le conflit canarien et la fraude. — Deux signes, au moins, encore, dont on trouve trace dans la correspondance de l’année, sont plus conformes à ce que l’on sait des années mauvaises qu’à ce que l’on suppose des années bonnes.
- 95 Cf. t. V, p. 81, note 39.
92Le sérieux accrochage anti-canarien95 — l’issue importe peu — n’est sans doute pas, à lui seul, susceptible d’une seule interprétation. Les tensions entre les ports du Guadalquivir et ceux de l’archipel canarien, toutefois, se produisent, plus souvent, en période de conjoncture basse qu’en période de conjoncture favorable.
- 96 Cf. t. V, p. 81, note 44.
93Il en irait exactement de même de la grosse affaire de fraude que dévoile le procès de l’équipage du San Antonio96. Là encore, rien de décisif en soi. La fraude n’est pas le fait d’une conjoncture, elle revêt un caractère pratiquement structurel. Il n’en est pas moins vrai qu’elle se manifeste plus volontiers en période de contraction qu’en période d’expansion.
94La rencontre, à la hauteur de 1624, d’une forte tension anticanarienne et d’une grosse affaire de fraude tend à impliquer, à côté d’autres indices, que la conjoncture de 1624 est loin d’être une conjoncture tout uniment favorable. La conjoncture, quoi qu’il en soit, est incapable d’effacer quelques uns des caractères structurels les plus profonds de la décroissance.
HYPOTHÈSES
1. Les effets de la récupération
- 97 Cf. t. VI1, tables 219-220, p. 467.
- 98 Cf. t. VI1, tables 218 et 219, p. 466-467.
- 99 Cf. ci-dessus p. 1612.
- 100 Cf. t. V, p. 68 et p. 80, note 17.
- 101 Cf. t. V, p. 84.
95Ces éléments nous mettent sur la voie d’une explication vraisemblable de l’année 1624. 1624 bénéficie, d’abord d’un phénomène de compensation : compensation pour le niveau très bas des Allers en 1622 et 1623. 1623, notamment, a pris retard d’une petite flotte de Terre Ferme, on a vu comment. 1624 bénéficie, en outre, de la rétention des Retours à la fin du cycle précédent et de leur brusque détente au début du présent cycle. On a vu l’énormité en valeur des Retours97 de 1623 (5 616 252 478 maravedís — ils seront, en partie, détournés par la plaie ouverte de la guerre des Flandres — un clos niveaux records de toute la série, il est vrai incomplète de l’avería98. Le cas de la flotte de Nouvelle Espagne évoqué tout à l’heure99 est particulièrement symptomatique ; le départ de la seconde flotte et du troisième convoi de l’année, l'Armada y flota de Gabriel de Chaves100 n’a été possible qu’après le retour et le déchargement du convoi attardé de Don Antonio de Oquendo101. On ne peut établir d’une manière plus certaine, le lien qui réunit le volume des Allers à la masse globale des Retours. Le démarrage de 1624 a donc bénéficié de toute une série de circonstances favorables.
96Ce concours de circonstances explique le déphasage qui existe entre ce trop brutal départ, sans lendemain et les autres indices..., prix des marchandises et prix de la main-d’œuvre, qui sont, à l’ordinaire, en étroite corrélation avec le trafic.
2. Les indices économiques
97Rien avant 1626 dans les autres indices d’activité, que nous avons coutume de retenir, n’est substantiellement modifié, à la hauteur de l’expansion de 1624. De 1624 à 1626, les conditions d’une expansion cyclique se préparent lentement, insensiblement. Par rapport à cette évolution, la poussée des Allers de 1624 est anticipée et comme à contretemps, immédiatement contredite, d’ailleurs, par le creux de 1625.
3. L’inflation billonniste
98Sur les trois indices que nous retiendrons, inflation billonniste, prix des marchandises en monnaie nominale, rémunération présumée vraie de la main-d’oeuvre..., 1624 voit le commencement, presque imperceptible encore, d’une évolution qui ne peut porter des fruits sur le trafic avant 1626.
- 102 E.J. Hamilton. 1501-1650, op. cit. p. 96-97.
99L’inflation billonniste — on la saisit commodément par la prime de l’argent calculée en termes de monnaie réelle, telle que E. J. Hamilton la donne pour les trois secteurs géographiques clefs du Royaume de Castille102 — est, d’abord, un facteur favorable à court terme avant de porter, à long terme, les effets destructeurs que l’on sait, favorable dans la mesure où il contraint à brûler des réserves, à manger du blé en herbe.
100Amorcée en 1622, l’inflation ne démarre pas en 1624, elle se borne à organiser l’occupation solide du plateau des 10 %. C’est entre l’été et l’automne 1623, entre juillet-septembre et octobre-décembre 1623 que s’est effectué le premier décrochement : celui qui porte la prime de l’argent de 9,25 à 12,50 en Andalousie, de 9,00 à 15,00 en Nouvelle Castille, de 9,67 à 17,70 en Vieille Castille/Léon. Cette poussée d’inflation a formé un record que 1624 n’a pu consolider intégralement. 1624 a pu bénéficier d’une certaine facilité provoquée par l’euphorie de cette inflation commençante. Comparativement à la situation de 1626, bien peu de choses, toutefois. On ne peut donc attribuer que, d’une manière infime, la poussée du trafic de 1624, à ce facteur.
101On le peut d’autant moins que de tous les secteurs géographiques du Royaume de Castille, l’Andalousie, le domaine le plus directement impliqué dans le trafic de la Carrera, est le moins affecté par la première montée d’inflation (moyennes annuelles de la prime de l’argent pour l’Andalousie, la Nouvelle Castille et la Vieille Castille/Léon : 11,45 %, 12,20 % et 13,30 %, moyennes d’octobre-décembre 1623, respectivement : 12,50 %, 15 % et 17,70 %). Ces disparités s’expliquent aisément. L’Andalousie est le poumon d’argent de l’Espagne et de l’Europe, la Flandre et de l’empire, le lieu où l’argent espagnol d’Etat, cet argent politique, aboutit..., d’où une croissance régulière, suivant un axe Sud-Nord, de la prime du métal blanc sur le billon.
4. Les prix réels
- 103 Ibid., p. 215.
- 104 Ibid., p. 403 et t. VI1, table 16, p. 363.
102Leur comportement est étroitement lié à celui de l’inflation103, d’où une certaine indépendance, par contre, des prix-argent104. Entre 1623 et 1624, il y a accroissement des indices des prix réels, des marchandises, en valeurs nominales, faible en Andalousie, de l’indice 87,64 à l’indice 88,78, plus considérable en Nouvelle Castille, de l’indice 87,51 à l’indice 93,24, très considérable en Vieille Castille/Léon, de l’indice 87,49 à l’indice 95,52. Il n’en est pas moins vrai que le vrai décrochement, se place, en Andalousie, surtout, deux ans plus tard, entre 1625 et 1626. Là encore, donc, il y a un signe favorable mais insuffisant pour expliquer un décrochement d’une telle ampleur.
5. Le prix relatif de la main-d’œuvre
- 105 Ibid., op. cit., p. 278-279.
103Le schéma est le même pour le taux relatif de la main-d’œuvre. On sait combien sa cherté a constitué un handicap décisif. Entre 1623 et 1624 se place un premier décrochement dont l’ébranlement prépare le grand décrochement de 1625 à 1626. Il y a, en effet, un fléchissement décisif du coût relatif de la main-d’œuvre de 120,16 à 114,64 %, préparant la mutation décisive, le passage de 113,82 % à 101,15 % qui se situe entre 1625 et 1626105.
104Tous ces éléments (inflation débutante, prix réels, coût relatif de la main-d’œuvre) sont concordants, ils travaillent à favoriser la reprise du trafic. Sans un concours, pourtant, de circonstances extérieures, ils eussent été impuissants à justifier une poussée aussi considérable que celle accusée par le trafic en 1624. La meilleure preuve nous en est fournie par l’ensellement de 1625.
III. — 1625 : LA VÉRITÉ SUR LE TRAFIC
1051625, en effet, ne conserve qu’une part infime des conquêtes de 1624. On peut apprécier, ainsi, les conditions économiques générales étant sensiblement identiques, tout ce que le trafic de 1624 devait à un concours véritablement extérieur de circonstances favorables. 1625, malgré les apparences, prolonge ainsi, au-delà du terme prévu, dans une certaine mesure, le creux médian qui sépare les deux cycles, avant la véritable expansion cyclique qui commence en 1626, seulement. Premier point de vue.
106On peut, il est vrai, pour interpréter le trafic de l’année 1625, avancer un autre point de vue qui n’est pas totalement contradictoire avec le premier. L’un et l’autre incorporant les éléments différents d’une vérité complexe. En 1625, en effet, on sera sensible à une certaine contradiction qui semble opposer des chiffres médiocres à une atmosphère relativement dynamique. En réalité, 1625 est, beaucoup plus qu’il n’apparaît, dans le prolongement de 1624. Le trafic de 1624 bénéficiait d’un concours de circonstances exceptionnelles. Ces circonstances tendaient à masquer la crise qui se prolongeait et à gonfler les premiers indices de reprise, en 1625, la crise continue mais les indices se précisent jusqu’au moment où la double attaque hollandaise sur Puerto-Rico, anglaise sur Cádiz stoppe le mouvement et rejette sur 1626 une partie du trafic qui aurait pu se dérouler dans le cadre de l’année.
LA LEÇON DES CHIFFRES
- 106 Cf. t. V, p. 103.
107Cette apparente et fausse contradiction est renforcée encore par le caractère de nos chiffres. Il a bien fallu laisser de côté l’effort que l’Espagne fait en direction du Brésil106. Cet effort, c’est Séville et les ports du complexe portuaire de la Carrière des Indes qui, pour l’essentiel, y contribuent. Si on le faisait entrer en ligne de compte, on fausserait dangereusement la signification économique des séries de complexes, mais on serait plus proche, peut-être, de l’effort fourni. On constaterait, alors, que malgré l’échec de la flotte de Terre Ferme, le niveau chiffré de l’effort global fourni en 1625 par la Carrera ne diffère pas tellement, 10 %, au maximum, des chiffres de 1624.
108Ces précautions liminaires étaient utiles, elles ne doivent pas faire perdre de vue, toutefois, le contenu économique des seuls chiffres valables.
1. Allers
109Le recul est extrêmement sensible, entre le mouvement de 1624 et le mouvement décapité de 1625. Les chiffres diffèrent très peu de ceux de 1623 et de 1622 en Allers, de 1623 en Retours et en Allers et retours, encore que la structure du trafic soit très différente.
- 107 Cf. t. VI1, table 132, p. 330 et table 142, p. 340.
110Le mouvement de 1625 : 77 unités, 18 757 toneladas, 22 508,4 tonneaux107, 90,36 % de la moyenne mobile diffère peu de 1623. Inférieur par le nombre des navires, 77 navires au lieu de 82 navires, grâce à l’accroissement du tonnage unitaire, il le dépasse un peu par le tonnage, 18 757 toneladas au lieu de 18 415 toneladas.
111Par rapport à 1624, le recul est respectivement de 25,24 % et 27,4 %. Le tonnage unitaire plafonne à 239,2 toneladas contre 251 toneladas en 1624 et 224,4 toneladas et 224,57 toneladas en 1622 et 1623 pendant la dépression.
- 108 Cf. t. VI1, table 164, p. 363 ; t. VII, p. 52-53.
112L’importance du retrait est donnée par le pourcentage à la moyenne108, de 121,65 à 90,36 %, le creux, toutefois, est moindre, en raison du déclin de la moyenne mobile, qu’il ne l’était au creux frontière des deux cycles, en 1622 et 1623 (84,43 % et 85,04 %).
113On est bien, quoi qu’il en soit, dans les chiffres tels qu’ils sont donnés (tables 132 et 142, t. VI1, p. 330 à 340), en présence d’un creux de première grandeur. C’est, il est vrai, que le trafic de 1625 est celui d’une année décapitée par les opérations militaires de l’automne.
2. Retours
- 109 Cf. t. VI1, table 159, p. 356 ; t. VII, p. 52-53.
114La solidarité des Retours par rapport aux Allers, appréciable jusqu’en 1626, inclusivement, continue à se manifester, avec, pourtant, un écart de tonnage unitaire plus important. Avec 53 unités, 16 850 toneladas, les Retours représentent en tonnage 47,34 % des Allers et retours109, soit une proportion à peine plus faible que celle des années précédentes, 49,48 % en 1623, 48,82 % en 1624. Cette égalité ou presque égalité est réalisée au prix d’un écart plu3 grand du tonnage unitaire des navires, 239,1 toneladas à l’Aller, 318,1 toneladas au Retour, contre 251 et 266,2 toneladas respectivement en 1624. Cette réapparition d’un écart important du tonnage unitaire des mouvements Allers et retours indique que l’on est proche du terme de l’anomalie positive des Retours. Elle cesse entre 1626 et 1627 (proportions respectives, en tonnage, des Retours aux totaux, 45,06 % et 36,23 %).
115La chute du mouvement Retours entre 1625 et 1626 est du même ordre, en légèrement plus accentuée, que celle correspondante des Allers, soit respectivement 43 % (mouvement unitaire) et 31,9 % (mouvement en volume), elle était pour les Allers de 25,24 % et 27,4 %. Elle s’accompagne, par contre, on vient de le voir, d’une grosse modification du tonnage unitaire qui passe de 266,2 toneladas à 318,1 toneladas. Par rapport à la moyenne mobile, le creux est analogue de 144,3 % à 101,6 %, mais ne supprime pas, toutefois, l’anomalie positive des Retours. La comparaison, sous cet angle, des positions respectives au trend des Allers et des Retours est intéressante, 90,36 %, d’un côté, 101,6 %, de l’autre.
3. Allers et retours
116Pour la troisième année consécutive, la parfaite synchronisation des Allers et des Retours se retrouve ici.
117De 196 unités à 130 unités, de 50 610 toneladas à 35 617 toneladas, de 60 732 tonneaux à 42 740,4 tonneaux, le repli est, respectivement, de 33,7 % et 29,6 %, avec un accroissement sensible du tonnage unitaire entraîné par les Retours, de 258,2 toneladas à 274 toneladas. Même mouvement par rapport à la moyenne de 131,86 % à 97,05 %.
118Sur les globaux, en volume, 1625 se situe donc, à un niveau très proche, légèrement inférieur même à 1623,130 navires au lieu de 149 navires, 35 617 toneladas, au lieu de 36 450 toneladas. On ne peut comparer, toutefois, la situation du trafic en 1625 à celle de 1623.
ÉLÉMENTS D’APPRÉCIATION
119Il conviendra, une fois de plus, en éliminant l’accidentel, d’apprécier à sa juste valeur le trafic de 1625.
1. Les valeurs
- 110 Cf. t. VI1, tables 219-220, p. 467.
120Sur les Retours110, la chute du mouvement-valeur est, au moins, comparable, de 4 119 782 133 maravedís à 2 919 091 478 maravedís, à celle des volumes. Rien de surprenant, en raison, d’une part, de l’extraordinaire coup de buttoir de 1623, même de 1623 et 1624 soit au total pour trois ans, 1623-1624-1625, officiellement, près de 15 milliards de maravedís, en raison de la chute des valeurs à l’Aller en 1623.
121Sur le mouvement Allers, par contre, le niveau présumé d’après l'avería, 758 620 769 maravedís est, tout compte fait, un niveau considérable. On pourrait constater que de 1 120 074 193 maravedís à 758 620 769 maravedís, le repli des valeurs est sensiblement du même ordre que le repli des volumes. Mais ce serait une erreur que de s’arrêter à ces apparences. En effet, l’égalité s’établit entre deux trafics de structure très différente, 1624 est une année complète, avec Armada de la Guardia, flotte de Terre Ferme et de Nouvelle Espagne, 1625, une année incomplète, sans flotte de Terre Ferme, en raison de l’incidence des événements militaires. On sait quelle est l’importance extrême de la flotte de Terre Ferme. La comparaison, pour être valable, doit s’établir entre 1623 et 1625, deux années de volume sensiblement égal, 77 navires, 18 757 toneladas en 1625, 82 navires, 18 415 toneladas. Cette comparaison révèle la supériorité de 1625, par rapport à 1623, puisqu’à volume égal et, au sein de structures identiques, il y a, pratiquement, doublement des valeurs d’une année sur l’autre, 385,7 millions de maravedís, en 1623, 758,6 millions de maravedís en 1625. En valeur, par conséquent, à l’Aller, compte tenu des structures différentes du mouvement, on peut affirmer qu’entre le creux exceptionnel de 1623 et le sommet de 1626, il y a renforcement progressif et régulier de la valeur unitaire des marchandises exportées.
2. Structure du mouvement à l’intérieur du complexe111
- 111 Cf. t. VI1, table 183, p. 388-391.
122Le trafic, au départ de 1625, supporte mal la comparaison avec 1624, sur l’axe essentiel du trafic marchand de Séville, ou de l’ensemble marchand, Séville-Cádiz, la réduction est de l’ordre de près de 50 %, de 56 unités, 15 055 toneladas à 34 navires et 8 903 toneladas, de 62 unités, 18 255 toneladas à 37 navires et 10 403 toneladas en 1625. Cette réduction brutale tient essentiellement au ratage de la flotte de Terre Ferme.
123Une fois de plus, c’est avec 1623 qu’il sera plus opportun d’établir la comparaison. L’identité sera troublante. Pour l’ensemble des navires marchands de Séville et Cádiz, l’identité est à peu près parfaite : 35 navires, représentant 8 895 toneladas partent de Séville en 1623, contre 34 navires et 8 903 toneladas en 1625 ; pour Cádiz, l’identité est totale, 3 navires, 1 500 toneladas, de part et d’autre, en 1623 et en 1625. Soit pour le total, 38 navires, 10 395 tone ladas en 1623, 37 navires et 10 403 toneladas en 1625. On peut vraiment parler, à l’échelle des mesures du temps, d’une égalité parfaite.
124Pas grands changements, non plus, dans le secteur des « marginaux ». La série Canaries-négriers, fait volant, d’ailleurs, au cours de ces années. Le trafic officiel des Canariens jette son dernier feu, avec 10 navires, 830 toneladas, en progrès sur 1623 mais aussi sur 1624 (4 unités, 290 toneladas en 1623, et 7 unités, 479 toneladas en 1624). Les négriers, par contre, baissent lentement, tendanciellement et sûrement, de 29 unités, 3 070 toneladas en 1623, 24 unités, 2 740 toneladas en 1624, à 19 navires, et 2 496 toneladas en 1626. L’ensemble Canariens-négriers, toutefois, est installé depuis trois ans sur un plateau parfait : 33 navires et 3 360 toneladas en 1623, 31 navires et 3 219 toneladas en 1624, 29 navires et 3 326 toneladas en 1625. Il joue parfaitement, par conséquent, son rôle de volant.
- 112 Cf. t. V, p. 104-105, note 8.
125Toute la différence réside de ce fait dans le comportement des Armadas. Il y a progrès du mouvement d'Armada (11 unités, 5 028 toneladas) non seulement par rapport à 1623, mais par rapport, aussi, à 1624. Ce qui compte, au premier chef, c’est le progrès de l'Armada de la Guardia, en raison de son rôle économique considérable. L’Armada de la Guardia est passée de 1623 à 1625, de 3 780 toneladas à 5 028 toneladas en passant par le niveau intermédiaire, de 4 378 toneladas, en 1624. Le gonflement de l'Armada de la Guardia doit être considéré comme un élément explicatif clef de la situation quelque peu paradoxale de 1625. Il explique, malgré la non-réalisation accidentelle de la flotte de Terre Ferme112, le maintien de la valeur des Allers à un niveau très élevé, 758,6 millions, pratiquement double du niveau valeur de 1623. Dans ce doublement des valeurs, de 1623 à 1625, le passage de l'Armada de la Guardia de 3 780 à 5 028 toneladas aura constitué un élément moteur, il n’explique pas tout, certes, mais peut bien être responsable d’une partie des 372,9 millions de maravedís de dénivellation entre les deux termes, par ailleurs, exactement comparables.
3. Les directions fondamentales113
- 113 Cf. t. VI1, table 163, p. 366.
126Le fait essentiel est constitué par le ratage accidentel de la flotte de Terre Ferme et par le fléchissement qui en découle en direction de l’isthme. Par rapport à 1624, la défaillance des Allers en Terre Ferme est de l’ordre de plus de moitié, de 37 à 16 navires, de 12 005 toneladas à 5 435 toneladas.
- 114 Cf. t. V, p. 104-105.
- 115 Cf. t. V, p. 116-119.
- 116 Cf. t. V, p. 104-105.
127On hésitera, pourtant, à tirer de ce fait des conclusions hâtives. Il y a eu, en 1625, des préparatifs sérieux de flotte de Terre Ferme114. Leurs échecs, toutefois, sont compréhensibles : l’insécurité. On ne peut trancher, d’une manière définitive. La flotte aurait-elle eu lieu sans la nouvelle des raids hollandais, dans la Méditerranée américaine ? C’est vraisemblable, sans plus. On ne peut, pour mettre en doute la possibilité en 1625 d’une flotte de Terre Ferme, arguer de l’extrême médiocrité de l'Armada y flota, en 1626, de Don Hierónimo Gomez de Sandoval115. En effet, entre les deux événements, se place le raid anglais sur Cádiz et ses lourdes destructions116 On ne peut donc tirer argument, contre la conjoncture de 1625, du fléchissement des départs en direction de l’espace décisif de la Terre Ferme.
- 117 Cf. t. VI1, table 167, p. 366.
128Ce facteur (fléchissement de la Terre Ferme) récusé, les autres éléments sont plutôt favorables117. L’extrême médiocrité des départs en direction des îles. L’importance exceptionnelle, surtout, de la flotte de Nouvelle Espagne. Les départs en direction de la Nouvelle Espagne sont en progrès réguliers depuis 1623, 21 navires, 6 915 toneladas, 25 navires et 8 795 toneladas en 1624, 30 navires et 9 176 toneladas en 1625. Ces chiffres ne seront plus égalés ou dépassés que deux fois seulement, en 1644 et 1646, au cours de la phase longue de décroissance.
4. Armadas et gros navires
- 118 Cf. t. V, p. 102-104, note 8.
129La difficulté à se procurer des gros navires118 est un des rares éléments défavorables que la correspondance de la Casa de la Contratación est susceptible de livrer en 1625.
130En réalité, rien de nouveau. Réduction de la production des chantiers espagnols particulièrement habiles dans la production de gros navires par suite du blocus hollandais. C’est en partie pour faire face à cette situation, qu’un effort est tenté en direction des Hanséates. Les chantiers créoles, ceux de Cuba, surtout, ne parviennent pas à combler le vide, surtout en raison de leur insuffisante préparation jusqu’à ce jour, pour la production des grosses unités. Mais s’il y a acuité en 1625, sans que des éléments nouveaux interviennent, côté production, c’est en raison, tout simplement, de l’extrême demande en navires d'Armada, donc en très gros navires, du fait de l’attaque hollandaise contre le Brésil.
- 119 Cf. t. V, p. 108-109, p. 112, note 2.
131L’effort espagnol, qu’on peut évaluer en Allers et retours à 10 000 toneladas au moins, ne pouvait être compté119. Il est sorti, pourtant, de la Carrière des Indes. Si on le faisait entrer en ligne de compte, le mouvement de 1625 arriverait à peu de chose près à égalité avec celui de 1624, l’année record.
- 120 Cf. ci-dessus p. 1520-1521,...1563-1564.
132Cet effort soutenu explique le brusque renversement de la tendance sur le marché des gros navires. On avait senti, voici quelques années déjà120, les effets de la politique de désinvestissement. Le volant des navires dont disposait la Carrera s’était dissipé. Que la guerre arrive, avec les énormes besoins — besoins sélectifs en gros et bons navires — des Armadas du Brésil, et cela suffit, le volant dispersé, pour créer l’insuffisance de l’offre, là où il y avait insuffisance de la demande, cinq à six ans plus tôt.
- 121 Cf. t. VII, p. 46-47.
133On pourra s’étonner, dans ces conditions, que cette raréfaction du gros navire sur le marché n’entraîne pas, bien au contraire, un arrêt ou un ralentissement dans l’évolution des navires de commerce de la Carrera vers le gros navire. Bien au contraire, le gros navire est d’autant plus demandé à l’intérieur de la Carrera qu’il est plus sollicité au dehors. Le seul moment où il y ait eu arrêt dans l’évolution vers le gros navire121, c’est dans la période de paix correspondant à la Trêve de Douze Ans, de 1609 à 1621 à une période, donc, de moindre pression militaire.
134A quel mobile obéissent armateurs et négociants, qui se mettent à réclamer, à nouveau, de très gros navires au moment où le Roi en a le plus besoin, alors que, dans la période précédente, une certaine désaffection semblait s’être fait jour à son encontre ? Esprit de contradiction ? Entraînement général ? On réclame de plus gros navires, parce que c’est un produit rare, en raison d’un entraînement général ? On ne peut invoquer, par contre, la raison économique d’une masse croissante à desservir.
135La véritable raison, sans doute, est, une fois de plus, la guerre. Le très gros navire, avec ses possibilités de transport d’artillerie, doit procurer aux usagers de la Carrera une impression, peut-être illusoire, de sécurité. Le gros navire a été le refuge que la Carrière des Indes a cherché, elle y a investi sa sécurité. La guerre — en 1625, la Carrera s’est définitivement installée dans la guerre — en renouant avec la tradition du gros navire, aura accentué le processus de transformations tendancielles de la Carrera sur deux points, élimination progressive de Séville au profit de Cádiz, abandon de plus en plus marqué des îles et des côtes difficiles. Cette double élimination, Séville et les « parents pauvres » aux Indes, est évidemment préjudiciable. Elle tend, commercialement, à chasser, un peu plus encore, l’Espagne de son domaine,... en abandonnant d’immenses espaces au seul commerce des étrangers, en hâtant le processus d’élimination des produits espagnols, chargés à Séville, au détriment des marchandises étrangères que l’on charge à Cádiz.
- 122 Cf. t. V, p. 103.
136Parallèlement à cette tension sur le marché du gros navire, une extrême tension se manifeste, sur le marché des hommes122 Les gens de mer très demandés sont en nombre insuffisant. La pénurie des gens de mer est un cas particulier d’un problème très général, la pénurie de main-d’œuvre, dont l’Espagne souffre, plus encore qu’avant, depuis le renversement au début du xviie siècle de la tendance majeure de la démographie ibérique. Au cours de la phase d’expansion, nous avons, le plus souvent interprété, ces deux pénuries complémentaires, pénurie des hommes et pénurie des navires, comme un indice d’expansion cyclique. Dans la conjoncture de 1625, cette double pénurie traduit, d’abord, l’incidence de la guerre et du lourd effort en direction de la défense des positions portugaises. On peut se demander, toutefois, dans quelle mesure cette double difficulté n’a pas exercé sur la Carrera un effet tonique : on voit, en effet, le complexe portuaire faire preuve, en 1625, d’un certain mordant.
5. Les éléments favorables
137On notera, en effet, toute une série de facteurs favorables.
- 123 Cf. t. V, p. 96 et p. 98.
138Les temps très brefs d’arrêt à Cádiz123. L'Armada de la Guardia du Capitaine Général Don Lope de Armendariz, Marquis de Cadereyta, séjourne à Cádiz du 5 au 29 avril ; mais probant, encore, le séjour d’une dizaine de jours, à peine (sortie de San Lúcar, le 7 juillet, de Cádiz, le 19), de l'Armada y flota du Capitaine Général Don Lope de Hoces y Cordoba. Voici qui prouve, dans l’ensemble, un chargement rapide, commode et poussé, dès le séjour à Séville, dans le Guadalquivir.
- 124 Cf. t. V, p. 104, note 8.
139Les documents, pour une fois, décrivent les préparatifs de la flotte de Nouvelle Espagne comme s’étant déroulés dans une atmosphère d’euphorie et dynamisme124. En raison notamment, de la levée de l’embargo sur les marchandises du Nord.
140Il semble en 1625 que les gens de Séville aient résolument accepté une franche et étroite collaboration avec Hanséates et Flamands, théoriquement du moins, des Pays-Bas espagnols.
- 125 Cf. t. V, p. 96 et 98. 5 455 quintales en direction de la Terre Ferme et les mines du Pérou, 5 809, (...)
141Dernier élément, enfin, les énormes quantités de mercure transportées125, à tel point qu’il y a pléthore en Terre Ferme.
HYPOTHÈSES
142Ces apparentes contradictions se dénouent aisément, à condition de tenir grand compte de l’important effort en direction du Brésil et de la paralysie de l’extérieur de la Carrera, dans les derniers mois de Tannée. L’épisode militaire Puerto Rico-Cádiz crée dans l’écoulement normal du flux économique de la Carrera un hiatus d’au moins six mois.
143De même que 1624 bénéficiait d’une prospérité qui lui était indûment imputable, 1625 est handicapé par une disgrâce qu’il ne mérite pas.
- 126 Cf. ci-dessus p. 1614-1616.
- 127 E.J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 96-97.
144Si on se tourne vers les trois indices précédemment retenus126 : inflation billonniste, prix réels, coût relatif de la main-d’œuvre, 1625 confirme et accentue les positions de 1624. En Andalousie, l’inflation démarre lentement, la prime de l’argent est en moyenne de 12,25 % en 1625 contre 11,45 % en 1624, en Nouvelle Castille et en Vieille Castille/Léon, la mutation s’opère au cours de Tété et plus encore à l’automne (en Nouvelle Castille, juillet-septembre 25,00 % et 33,50 % contre 12,20 % moyenne annuelle de 1624 ; en Vieille Castille-Léon, 28 % et 37,55 % en juillet-septembre et octobre-décembre, contre 13,30 %, moyenne annuelle de 1624127. Si Ton voit, au tout début, du moins, dans cette première poussée d’inflation un élément favorable, on reconnaîtra que 1625 fait bien transition entre la première marche de 1624 et la seconde de 1626. L’automne préparant les facilités de 1626.
- 128 Ibid., p. 215-216.
145Pour les prix en monnaie réelle128, l’Andalousie — en raison du retard de l’inflation dans ce secteur privilégié — anticipe paradoxalement les séries des autres secteurs géographiques, en passant de l’indice 88,78 à l’indice 96,38.
- 129 Ibid., p. 278-279.
146En ce qui concerne le coût relatif de129, 1625 consolide sur ce point la première victoire remportée par 1624, indice 113,82 en 1625 contre l’indice 114,64 en 1624. L’indice du coût relatif de la main-d’œuvre repassant, en 1624, pour la première fois depuis 1607, au-dessous de la cote 120 %.
147La prise en considération de ces éléments dénoue, facilement, les apparentes difficultés de 1625.
IV. — 1626 : L’EXPANSION CYCLIQUE
- 130 Cf. t. VI1, table 132, p. 330 ; table 142, p. 340 et table 164, p. 363.
1481626 1627130, deux fortes années accolées, confirment les promesses de 1624 et 1625. Elles constituent le véritable sommet cyclique de la fluctuation décennale, même si la réalité n’en est pas, toujours, immédiatement évidente, sur le découpage annuel des mouvements globaux.
LA LEÇON DES CHIFFRES
149Le niveau de 1626 vient immédiatement en Allers, après 1624, en Allers et retours, après 1624 et 1630. Ce qui compte, toutefois, c’est l’importance exceptionnelle des niveaux Allers de 1626, 1627 et 1628 (niveau annuel moyen : 22 552,6 toneladas contre 21 008 de 1623 à 1625 et 18 081,3 toneladas de 1629 à 1631). C’est le niveau moyen de ces trois ans qui permet de placer entre 1626 et 1627 le sommet d’expansion cyclique de la fluctuation 1623-1631.
1. Allers
- 131 Cf. ci-dessus p. 1599-1616.
150Par rapport à l’ensellement médian de 1625, les Allers de 1626 sont en progrès de 77 navires à 81 navires, de 18 757 toneladas à 23 918 toneladas (de 22 508,4 tonneaux à 28 704,6 tonneaux), soit respectivement de 5,2 % et 27,5 %. Par rapport au sommet, il est vrai quelque peu anormal de 1624131, 1626 reste en contrebas, respectivement de 21,4 % et 9 %.
- 132 Cf. ci-dessus p. 1616-1624.
- 133 Cf. t. VI1, table 183, p. 388-392.
151On aura noté dans un cas comme dans l’autre l’indépendance, les uns par rapport aux autres, des mouvements unitaire et en tonnage. C’est entre 1625 et 1626 que se situe en effet, la mutation la plus importante, apparemment, du tonnage unitaire, sous l’influence des Retours de 1625 (318,1 toneladas) et sous l’influence de la poussée des navires d’Armada et du complexe causal précédemment analysé132. Le tonnage unitaire passe de 226,4 toneladas en 1622, 224,57 toneladas en 1623, 251 toneladas en 1624, 239,2 toneladas en 1625 à 295,4 toneladas en 1626. On voit clairement à quelle hauteur, exactement, se situe la mutation. Cette mutation atteint une telle ampleur non pas tant en raison d’une modification importante des navires marchands, de Séville — entre 1625 et 1626, il y a progrès, certes, mais on se trouve en fait, sur une ligne normalement ascendante, de 261,8 toneladas à 289,4 toneladas — qu’en raison du gonflement du matériel d’Armada133 incorporé à la vie de la Carrera, 19 unités au lieu de 11 unités, représentant 9 858 toneladas au lieu de 5 028 toneladas, avec un tonnage unitaire considérable de 518,8 toneladas.
- 134 Cf. t. VI1, table 164, p. 363.
152Par rapport à la moyenne mobile134 la position en expansion de 1626 est bien marquée, 119,96 % contre 90,36 % en 1625, à très peu de choses près l’équilibre de 1624 (121,65 %).
2. Retours
153Malgré une presque imperceptible ébauche de tassement des Retours, le mouvement Retours reste, pour la quatrième année consécutive, étonnamment solidaire des Allers, puisque, avec 58 navires, 19 609 toneladas (23 590,8 tonneaux), il représente encore 45,06 % des totaux Allers et retours, soit plus que la moyenne de toute une époque.
154Il y aura donc, entre 1625 et 1628, un dénivellement, en Retours, à peu près comparable à celui des Allers, de 53 navires à 58 navires, de 16 860 toneladas à 19 609 toneladas (20 232 tonneaux à 23 590,8 tonneaux), soit des décrochements de l’ordre de 9,4 % et 16,3 %. Ce qui implique un paradoxal accroissement encore du tonnage unitaire de 266,2 toneladas en 1624, 318,1 toneladas en 1625 à 338,1 toneladas en 1626. L’écart entre le tonnage unitaire des Allers et celui des Retours reste très élevé, 295,4 toneladas à l’Aller, 338,1 toneladas au Retour, tandis que le tonnage unitaire des Retours passe par un de ses points hauts. Ces deux constatations montrent qu’on est en pleine évolution de tonnage (la dernière en date dans le morceau d’un siècle et demi d’histoire de la Carrera que nous avons découpé), qu’un tri s’est opéré, aux Indes, suivant le schéma classique au profit des gros et au détriment des petits.
- 135 Cf. t. VI1, table 164, p. 363.
155Par rapport à la moyenne135, les Retours passent de 101,6 % à 121,7 %. On arrive, après quatre ans, au terme de l’anomalie positive des Retours, motrice de l’expansion conjoncturelle du cycle 1623-1631.
3. Allers et retours
156La concordance des Allers et des Retours se retrouvera, une fois de plus, sur les globaux. Très net progrès par rapport à 1625, de 130 à 139 unités, de 35 617 toneladas (42 740,4 tonneaux) à 43 527 toneladas (52 232,4 tonneaux), de l’ordre de 6,9 % et 22,2 %. 1626 se place donc, à peu près à mi-chemin entre 1624 et 1625. Son niveau vient en troisième position dans le cycle, après 1624 et 1630. La progression régulière du tonnage unitaire continue de 258,2 toneladas en 1624, à 274 toneladas en 1625 et 313,5 toneladas en 1626. Par rapport à la moyenne, 1626 est plus proche de 1624 (122,90 % en 1626 d’une part, 131,86 % en 1624 d’autre part) que de 1625.
ÉLÉMENTS D’APPRÉCIATION
157Malgré certaines contradictions, plus apparentes que réelles, la conjoncture de 1626 est une conjoncture très haute, la plus élevée, vraisemblablement, de toute la fluctuation décennale. Le trafic réalise, en 1626, une bonne partie de ce qui avait été projeté en 1625, malgré quelques plaintes et réticences perçues à travers la correspondance de la Casa de la Contratación. La meilleure preuve de cette réussite est fournie par les séries du mouvement-valeur.
1. Les valeurs
158Les valeurs présumées du trafic en 1626 sont particulièrement impressionnantes, en Allers, surtout.
- 136 Cf. t. VI1, table 219-220, p. 467.
159a. Retours. — Il y a reprise de la valeur présumée des Retours, de 2 919 millions à 4 294,6 millions de maravedís136 : le niveau de 1626, légèrement inférieur à 1622 et 1623, est sensiblement supérieur, toutefois, au terme de référence de 1624.
160Deux constatations s’imposent. Le déclin du mouvement Retours en valeur est commencé. A l’intérieur de ce déclin la position de 1626 est une position d’expansion relative, qui bénéficie des niveaux élevés en valeurs et en volume des départs de 1624 et 1625. Quoiqu’il en soit, sur la série, il est vrai, très réduite de l'avería Retours après cette date, les 4 294,6 millions de maravedís de 1626 ne seront jamais plus égalés. C’est une indication de poids.
- 137 On peut avoir confiance en cette donnée, malgré les lacunes de la série. Les recoupements possibles (...)
161b. Allers. — L’exemplarité de 1626 apparaît beaucoup plus sur la série de l'avería Allers. La valeur présumée, exceptionnellement forte, de 1 873,1 millions que donne l'avería, place en 1626 le record cyclique des Allers137. Cette donnée est suffisamment sûre pour couper court à toute hésitation. C’est bien en 1626 que se place le sommet de l’expansion cyclique des Allers.
2. Le complexe portuaire
- 138 Cf. t. V, p. 166.
- 139 Cf. t. V, p. 118.
1621626, toutefois, n’a pas été une année facile. Ce serait une erreur de le penser. L’importance des chiffres n’en est que plus probante. Il aura fallu au négoce remonter une sérieuse opposition. Cette opposition vient, évidemment, de la double offensive hollandaise et anglaise. La chronologie le prouve. Le départ extrêmement tardif, le 2 mai, seulement, de l'Armada de la Guardia de Tomas de La Raspuru et de la flotte de Don Hieronimo Gomez de Sandoval138. On peut estimer que la double attaque anglo-hollandaise aura provoqué entre l’automne 1625 et le printemps 1626, un temps mort dans le trafic de la Carrera d’au moins six mois. Il en résulte, ensuite, un télescopage du mouvement. La flotte de Nouvelle Espagne de Don Alonso de Muxica partie de San Lúcar le 4 juillet et de Cádiz le 20 juillet139 n’aura disposé, pour ses préparatifs, que d’un laps de temps extrêmement réduit. On comprend, dans ces conditions, que pour faire face à une aussi sérieuse opposition, le négoce ait fait le choix qu’il a fait souvent... d’un triage, en faveur des seules marchandises les plus chères. Mais qu’il ait réussi, en valeur, du moins, à secouer un lourd handicap, constitue le meilleur argument que l’on puisse évoquer en faveur de l’hypothèse d’une conjoncture forte en 1626.
- 140 Cf. t. VI1, table 183, p. 388-391.
163a. L’Armada. — De tous les éléments constitutifs du mouvement Allers de 1626, c’est le secteur Armada qui s’accroît le plus140. De 11 à 19 navires, de 5 028 toneladas à 9 858 toneladas, l’accroissement est ici de 8 navires et 4 838 toneladas. C’est à-dire qu’il constitue plus de 90 % de l’accroissement total de 1625 à 1626, soit 4 unités et 5 261 toneladas.
- 141 Cf. t. V, p. 116-117, navires a à d.
164Cet élément n’est pas nécessairement favorable et il convient d’y regarder de très près. En effet, sur les 19 navires et 9 858 toneladas de la catégorie Armada, les quatre galions de secours à Puerto-Rico141 sont économiquement hors de cause. Il était juste de les compter puisqu’ils participent à l’effort et à l’espace même de la Carrera, économiquement leur participation, toutefois est négligeable.
- 142 Cf. ci-dessus p. 1592-1593,.. 1607,.. 1620-1621,..
- 143 Pas de flotte en 1625 et une toute petite flotte, celle de Don Hierónimo Gomez de Sandoval (cf. t. (...)
165La partie économiquement utile de l'Armada se trouve donc considérablement réduite, à 17 navires et 7 458 toneladas. Ces 7 458 toneladas constituent l'Armada de la Guardia : ce sont, par conséquent, des éléments de tout premier plan. On sera sensible au gonflement régulier de l'Armada de la Guardia, de 1623 à 1626142, 3 780 toneladas en 1623, 4 378 toneladas en 1624, 5 028 toneladas en 1625 et 7 458 toneladas en 1626. Entre 1623 et 1626, il y a eu doublement, par conséquent, de 3 780 toneladas à 7 458 toneladas de l’ Armada de la Guardia de la Carrera de las Indias. Cette progression est particulièrement probante, parce qu’elle est régulière et qu’elle ne supporte aucune solution de continuité. Elle s’explique par la pression accrue de la guerre. Sa courbe ascendante, c’est un peu la courbe aussi de la pression guerrière et militaire sur l’Atlantique de Séville. La montée de l'Armada de la Guardia n’en compense pas moins, pour une très large part, la réduction et l’espacement des flottes de Terre Ferme143 On comprend grâce à ce doublement de l'Armada que l’on ait pu, en 1626, avoir côte à côte un niveau valeur record et une flotte fantôme de Terre Ferme.
166Il ne faudra pas s’étonner, par contre, qu’il y ait recul ou statu quo dans les autres domaines.
167b. Les marginaux du trafic. — Le point haut du trafic a été atteint, dans ce domaine, à l’intérieur du cycle, soit en 1623, soit en 1625. Depuis ces années en gros, il y a décroissance.
168Le trafic officiel des Canaries est entré, désormais, sur un plan de liquidation. En 1628, Séville aura remporté la victoire à la Pyrrhus qu’elle a voulue. Les navires des Canaries, rejoignant aux Canaries, les convois, seront officiellement exclus du trafic. En 1626, la rubrique comprend 8 unités au lieu de 10 navires, Tannée précédente, 690 toneladas au lieu de 830 toneladas. Il y a fléchissement aussi des négriers, de 19 unités à 16 unités, de 2 496 toneladas à 1 630 toneladas. Le mouvement officiel des négriers, au départ du complexe portuaire, ne cesse, d’ailleurs, de décroître, tout au long du cycle : 72 unités et 8 306 toneladas, au cours de la première fluctuation de 1623 à 1625, soit, respectivement, 27,6 % et 13,3 % de l’ensemble des départs, 49 unités, 5 660 toneladas de 1626 à 1628, soit, respectivement, 21,6 % et 8,3 % du total, 26 unités, 2 110 toneladas, 15,1 % et 6,1 % seulement, de 1629 à 1631.
169La tendance du cycle est à la réduction de la part des « marginaux », le trafic de 1626 évolue dans le sens général du mouvement. Le volume total des Canariens-négriers s’élevait à 33 navires et 3 360 toneladas en 1623, 31 navires et 3 219 toneladas en 1624, 29 navires et 3 326 toneladas en 1625, 24 navires, 2 420 toneladas seulement en 1626. La part des « marginaux » par rapport au volume total des départs est passée de 18 % à 10 % environ de 1625 à 1626.
170c. Séville et Cádiz. — Il résulte de cette situation une sérieuse montée des navires marchands de Séville et de Cádiz. Pour les navires marchands de Séville, de 34 imités à 34 unités, avec un accroissement sensible, par contre, du tonnage global, de 8 903 toneladas à 9 840 toneladas, soit un accroissement de 10 %, avec une élévation extrêmement précieuse du tonnage moyen de 261,8 toneladas en 1625 à 289,5 toneladas en 1626. Même évolution, en gros, pour Cádiz, de 3 à 4 navires, de 1 500 à 1 900 toneladas. Au total, l’ensemble Séville-Cádiz, passe de 37 à 38 navires, de 10 403 à 11 740 toneladas, soit accroissement en tonnage de plus de 10 %, uniquement imputable au tonnage unitaire, qui passe de 281,2 toneladas à 308,9 toneladas. On notera, toutefois, que l’accroissement du mouvement-valeur est sans rapport avec l’accroissement du tonnage sur ces axes essentiels. La grosse dénivellation entre 1625 et 1626 est donc imputable à une modification radicale de la nature des exportations. Le niveau des navires marchands de Séville et de Cádiz diffère sensiblement, naturellement, en 1626, du terme précédent de référence de 1625 (11 740 au lieu de 10 403 toneladas), vu avec un certain recul, toutefois, il s’apparente beaucoup plus à 1623 ou 1625 (10 395 toneladas, 10 403 toneladas et 11 740 toneladas) qu’à 1624 (62 navires, 18 255 toneladas).
171La distorsion volume-valeur apparaîtra bien dans le rapprochement 1624-1626 : d’un côté, 11 740 toneladas qui correspondent à 1 873,1 millions de maravedís, en 1626, de l’autre, 18 255 toneladas et 1 120 millions de maravedís II y a beaucoup plus que doublement de la valeur unitaire des marchandises transportées. Le dénivellement en faveur de 1626 est de l’ordre de 200 à 250 %. Un tel dénivellement ne saurait être imputable, même de loin, aux éléments perturbants que la poussée inflationniste de 1626 a pu introduire.
3. Les grands axes du trafic
- 144 Cf. t. VI1, table 167, p. 366.
172Un aspect des conditions de ce dénivellement nous est fourni par la part respective de la Nouvelle Espagne et de la Terre Ferme dans les départs de 1626144.
- 145 Cf. t. V, p. 116-117, navires a à. d.
- 146 Cf. ci-dessus p. 1628.
173a. Les îles. — Une apparente anomalie doit être écartée, d’abord, celle du mouvement des îles145 Les départs en direction des îles sont encombrés par la présence des trois lourds galions d'Armada de secours à Puerto-Rico. Ils expliquent un gonflement fictif de 12 à 17 unités, de 1 650 à 4 000 toneladas. Elimination faite de l'Armada extra-économique146 le mouvement en direction des îles se trouve ramené à sa vraie place sur une ligne décroissante qui va de 15 unités, 3 050 toneladas en 1623, 17 unités, 2 312 toneladas en 1624, 12 unités, 1 650 toneladas en 1625, 14 unités, 1 600 toneladas en 1626. On est en présence d’une double dégradation, à la fois quantitative et qualitative ; quantitative puisqu’il y a réduction de 50 % à contre-courant du tonnage destiné aux îles, qualitative, puisqu’il y a réduction radicale dans le même temps du tonnage unitaire des navires allant en cette direction (de 203 à 114 toneladas).
- 147 Cf. t. V, p. 130-131.
174Cette réduction continue du tonnage destiné aux « parents pauvres » de la Carrière des Indes, traduit un lourd malaise à long terme, en fait, l’abandon, on a déjà vu comment, de tout un secteur qu’on ne parvient plus à retenir... A court terme, l’accentuation du mouvement, le renchérissement d’un caractère structurel, exprime une particulière tension sur le marché du navire. Les besoins primordiaux du négoce de Terre Ferme, de la défense et de la guerre, au large du Brésil, n’ont pas permis de satisfaire, même au niveau extrêmement médiocre des années précédentes, les besoins des « parents pauvres ». On sent, tout au long de la correspondance qui converge vers Séville, en 1626, des plaintes de la part de ces territoires délaissés et, notamment, la revendication d’une plus large ouverture aux navires du Nord, à fond plat, felibotes et hourques147, mauvais voiliers, parce que calant peu, sans tirant d’eau, mais aptes, pour cela même, à desservir des côtes bardées de hauts fonds et les ports les plus médiocres. L’examen des tableaux des années qui viennent ne donne pas l’impression que justice ait été vraiment faite aux provinces déshéritées.
175b. La Terre Ferme. — S’il en va ainsi, en 1626, c’est parce que la Terre Ferme absorbe toutes les possibilités de l’année. 1626 est, en effet, une année de trafic de Terre Ferme dominant. 27 navires, 12 538 toneladas vont en Terre Ferme contre 21 navires, mais 5 750 toneladas seulement pour la Nouvelle Espagne. Pour la première fois, les nouvelles structures du trafic émergent avec autant de netteté. La permutation s’opère, la Terre Ferme prend quantitativement et qualitativement une place qui fut jadis celle de la Nouvelle Espagne.
- 148 38 navires, 14 360 toneladas vers la Nouvelle Espagne, 88 navires, 32 534 toneladas vers la Terre F (...)
- 149 Cf. t. VI1, table 227, p. 473.
176Quantitativement, la chose est assez évidente. En 1626, la Nouvelle Espagne ne représente guère qu’un peu plus de 40 % des départs vers la Terre Ferme — ces proportions sont celles déjà de la dernière fluctuation primaire148 — qualitativement, il suffit de se reporter au mouvement en valeur et comparer les données de l’avería au départ d’Espagne et les comptes des almojorifazgos de la Vera Cruz et de Puerto-Belo149, il suffit de tenir compte, aussi des tonnages unitaires respectifs. Malgré l’incidence du facteur Armada, l’emploi de beaucoup plus gros navires (moyenne unitaire, 464,4 toneladas vers la Terre Ferme, 273,8 toneladas vers la Nouvelle Espagne).
- 150 Cf. t. V, p. 122-123, notes 7 et 8.
- 151 Cf. t. V, p. 116-117.
177Malgré les difficultés rencontrées150 — difficultés physiques à se procurer du fret, manque de marins, difficultés de ravitaillement, réticences des étrangers, prélèvements d’argent pour les besoins du Roi — le convoi partira de Cádiz le 2 mai, constitué par l’énorme Armada de La Raspuru et la petite flotte de Sandoval. Et c’est ce dernier aspect, surtout, qu’il faut retenir. Les difficultés, qui ont pesé sur le premier semestre de 1626, ne sont que trop évidentes. Elles tiennent, pour l’essentiel, aux faits de guerre de 1625. On retiendra, seulement, que six mois après le raid des Anglais sur Cádiz, 12 000 toneladas sont parties en direction de la Terre Ferme151, avec des valeurs exceptionnellement élevées. Avoir su relever pareil défi est bien le signe d’une conjoncture haute. Les plaintes, dont la correspondance de ces préparatifs est pleine, n’enlèvent rien au fait tangible d’une belle réussite.
- 152 Cf. t. VI1, table 611, p. 871.
178Autant qu’on en puisse juger, les événements du printemps 1626, qui aboutissent au départ du gros convoi combiné, n’ont été menés, ni par les vieilles maisons de Séville, ni même par les étrangers. Les « Peruleros », les facteurs créoles de Séville auraient conduit le jeu. L’indication n’est pas neuve, mais elle est affirmée avec beaucoup plus de netteté que jamais. L’expansion cyclique de 1626 viendrait des Indes. Peut-être, les Peruleros ont-ils moins ressenti les pertes de 1625152, que ne l’ont fait les nationaux et les résidants étrangers européens. Le tribut le plus lourd a dû être payé par les maisons à composante européenne, extra-espagnole, de Cádiz. Il n’en est pas moins précieux de constater qu’en 1626 les Peruleros, ceux de Terre Ferme, sont à même de se substituer, le cas échéant, comme moteur de la conjoncture, aux maisons sévillanes ou étrangères fixées dans le complexe portuaire Guadalquivir-Cádiz.
179c. La Nouvelle Espagne. — Il n’en ira pas de même sur la ligne d’une Nouvelle Espagne sacrifiée.
- 153 Cf. t. V, p. 118-121.
- 154 Cf. t. V, p. 124, note 25.
- 155 De 1592 à 1622, cf. ci-dessus p. 871-876,.. 1495,.. 1499-1503..
180Malgré sa masse réduite153, la petite flotte de Don Alonso de Muxica aura été gênée par la trop grande proximité du départ du convoi de Terre Ferme. Ses préparatifs se sont déroulés dans une atmosphère lourde et sans enthousiasme. On parle beaucoup de la difficulté à se procurer du fret154 Une chose est certaine, les échanges entre l’Espagne et la Nouvelle Espagne viennent de perdre le caractère archaïque qui les avait longtemps définis. On avait vu combien, pendant plusieurs dizaines d’années155, la Nouvelle Espagne avait constitué un élément de survivance. Pendant trente ans, peut-être, au-delà de la Terre Ferme, elle a continué à accepter des éléments moins chers, ceux-là même que le Pérou, en raison, entre autres, de ses distances et de ses portages avait déjà écartés.
- 156 Cf. t. VI1, table 227, p. 473.
- 157 Cf. t. VI1, table 167, p. 366.
- 158 Cf. t. VI2, table 332, p. 560.
- 159 Cf. t. V, p. 124.
181Désormais, la Nouvelle Espagne, dont le volume, à son tour, est réduit, connaît une évolution analogue. Trois éléments permettent de l’affirmer. La courbe ascendante des entrées en valeur d’après l'almojarifazgo156 de la Vera Cruz, de 1624 à 1628. La courbe descendante, en gros, des volumes, dans le même temps, en direction de la Nouvelle Espagne157 et de la Vera Cruz158. Les difficultés159 dont il est fait état, lors des préparatifs de la flotte de Don Alonso de Muxica à se procurer du fret — ce qui tend à impliquer qu’il ne s’agit plus, au premier plan, comme par le passé, de produits locaux, mais de réexportations de produits chers. L’approvisionnement du convoi serait affecté par le blocus que les Hollandais exercent sur les communications de Séville avec le reste de l’Europe. L’élément le plus sûr est constitué par l’évolution en ciseau des séries en valeur (t. VI„ table 227, p. 473) et en volume (tables 167 et 332, t. VI1 et t. VI2, p. 366 et p. 560).
HYPOTHÈSES
- 160 E.J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 215-216 et t. VI1, table 164, p.363 ; t. VII, p. 52-53.
- 161 E.J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 96-97.
- 162 Ibid., op. cit., p. 278-279.
182Ainsi — c’est la leçon essentielle qu’on peut tirer de cette analyse — une forte pression conjoncturelle réussit à tourner l’obstacle de lourdes difficultés extérieures. Elle est encore sensible, en 1627, on en rappellera les éléments constitutifs, prix nominaux en Castille160, inflation161 et rémunération de la main-d’œuvre162.
1. Prix nominaux en Castille
183On observera, tout d’abord, la corrélation trafic-prix nominaux en Espagne. A court terme, la poussée — peu importe sa nature... — joue à plein. 1626-1627-1628 constituent le sommet, sur trois ans, des prix nominaux dans le Royaume de Castille du mouvement Allers vers l’Amérique, en volume et en valeur. La corrélation est parfaite, entre le trafic Allers dans l’Atlantique de Séville et les prix castillans. Elle n’existe plus entre le trafic et les prix valenciens. L’absence de corrélation entre le trafic dans l’Atlantique et les prix à Valence est aussi valable pour notre démonstration, que la corrélation entre l’espace castillan et celui de l’Atlantique et des Indes.
- 163 1625 : indice, 92,15 ; 1626, 102,13 ; 1627, 116,03 ; 1628, 117,12 ; 1629, 117,06 ; 1630, 106,63. Po (...)
- 164 De 1623 à 1631 : 87, 51, 93, 24, 93, 68, 107, 74 (en 1626), 113,76 (en 1627), 109,17 (en 1628), 112 (...)
184Mieux, la corrélation est d’autant plus forte, l’interdépendance des séries d’autant plus astreignante que l’on va du Nord vers le Sud. Entre les prix en Vieille Castille-Léon et le trafic Atlantique, la corrélation est plus lâche163 la pointe des prix se place en 1628, celle des trafics en 1626. Entre les prix, en Nouvelle Castille et le trafic Atlantique, la corrélation est "plus étroite164 La pointe des prix se place en 1627, celle des trafics en 1626.
- 165 De 1623 à 1631 : 87,64, 88,78, 96,38,113,39 (en 1626), 113,04 (en 1627), 110,51 (en 1628), 99,88, 9 (...)
185Entre les prix en Andalousie et le trafic Atlantique, la corrélation est par faite165. La pointe des prix se place en 1626, sur les prix comme sur les trafics (113,39 % et 119,96 %). Le plateau descendant des prix (113,39, 113,04, 110,61) se retrouve exactement sur le trafic à l’Aller (119,96 %, 113,00 % et 112,04 %). Tout laisse à penser qu’on est en présence d’un phénomène important et parfaitement synchronisé. On peut même suivre, au cours de cette fluctuation décennale, d’une manière très probante, les zones d’influence décroissante de l’unité Atlantique à travers la péninsule ibérique. Une zone de dépendance totale, l’Andalousie, une zone d’indépendance complète, l’Espagne méditerranéenne, une zone semi-indépendante, le Centre et le Nord du Royaume de Castille.
2. Inflation en Castille
- 166 E.J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 96-97.
186La courbe du trafic calque celle, aussi, de la première grande flambée inflationniste166 du billon. Elle la calque dans la mesure où la courbe de l’inflation commande celle des prix. C’est par l’intermédiaire des prix que la dépendance s’établit. On notera donc, là encore, une corrélation astreignante, le sommet de l’inflation s’établit, partout, à la même hauteur, au cours du second semestre de 1626 et plus particulièrement, au cours du troisième semestre, de juillet à septembre 1626, avec les primes suivantes de l’argent exprimé en billon, 47,00 % et 46,75 % pour l’Andalousie, 52,50 % et 51,07 % pour la Nouvelle Castille, 60,00 % et 58,00 % pour la Vieille Castille-Léon.
3. Le coût de la main-d’œuvre167
- 167 Ibid., p. 278-279.
187Il existe un lien évident entre le taux de rémunération de la main-d’œuvre et les séries des prix nominaux et de la prime de l’argent. L’anomalie positive de la rémunération de la main-d’œuvre, dont les effets destructeurs ne sont plus à dire au sein de l’Atlantique même de Séville, avait été engendrée, en partie, par l’arrêt de la hausse des prix et le renversement de la tendance majeure démographique.
188A long terme, le mouvement est commandé par les grandes pulsations de la population, ses flux et ses reflux ; mais à court terme, les facteurs monétaires sont décisifs. Les événements de 1626 le prouveraient. La seconde poussée des prix, celle qui commence, en Espagne, à partir du creux de la décade des années 1610-1620, détruit, en cinq ans, la formidable anomalie des vingt ans qui précèdent. Le décrochement s’est fait en trois étapes, entre 1619 et 1620, entre 1623 et 1624, entre 1625 et 1626. Mais la plus décisive de ces trois étapes est, sans aucune hésitation possible, la dernière, la troisième, entre 1625 et 1626 — il n’en existe aucun équivalent de 1530 à 1650, dans toute la période, pour laquelle on possède des séries qui présentent un minimum de garanties. La première étape, en effet, avait conduit le coût de la main-d’œuvre par rapport à celui des marchandises, de 128,08 % à 121,61 %, la seconde étape, de 1623 à 1624, de 120,16 % à 114,64 %, la troisième étape, de 1625 à 1626, de 113,82 % à 101,15 %. 1627 marque le creux du contreflux, 97,82 %, avec l’apparition, pour la première fois, depuis 27 ans, d’une anomalie négative puis le coût relatif de la main-d’œuvre se maintient sur deux ans encore (1628 à 1629) à un niveau proche du pair, 102,44 % et 104,22 %.
189La disparition d’une surrémunération de la main-d’œuvre, a eu, dans l’immédiat, des effets heureux sur le trafic. Certes, elle ne saurait pallier toutes les difficultés et notamment, celle du goulot technique de la main-d’œuvre spécialisée des gens de mer. La disparition de l’anomalie positive est due au concours de toute une série de circonstances. Au premier chef, la relance de la révolution des prix, d’une révolution des prix de moindre qualité, par l’inflation. On peut considérer, d’ailleurs, que l’anomalie positive porte, en elle, son auto-destruction, par le ralentissement de l’activité qu’elle comporte à long terme et la montée des prix des marchandises par pénurie qu’elle entraîne.
190On ne saurait, de toute manière, imaginer une expansion cyclique plus solidement étayée par tout un large contexte, que l’expansion majeure de 1626. Elle se prolonge, d’ailleurs, au-delà de 1626, à travers les Allers de 1627 et 1628, encore, dans une large mesure.
V. — 1627 : L’EXPANSION CONTINUE
191On peut affirmer, avec des chances égales, la solidarité de 1627 à l’égard du trafic de 1626, et son indépendance. Solidarité des Allers qui continuent à un rythme élevé, désorganisation des Retours, par contre. Sur le mouvement Retours, 1627 marque une rupture. C’est elle qu’on retrouvera deux ans plus tard, sur les Allers.
LA LEÇON DES CHIFFRES
1. Allers
- 168 Cf. t. VI1, table 132, p. 330, table 142, p. 340, table 164, p. 363.
- 169 Cf. t. V, p. 116, navires a à d, et ci-dessus p. 74.
192En Allers168, et c’est l’essentiel, on est, par rapport à 1626, sur un palier presque parfait. En effet, de 81 navires à 77 navires, de 23 918 toneladas (28 704,6 tonneaux) à 22 202 toneladas (26 642,4 tonneaux), le fléchissement est minime, de l’ordre de 4,9 % et 7,2 % avec un fléchissement presque négligeable du tonnage unitaire, de 295,4 toneladas à 288,3 toneladas. Par rapport à la moyenne mobile, même, dans cette hypothèse, le fléchissement est très faible de 119,96 % à 113 %. Même structure, également, des Allers, Armada de la Guardia, flotte de Terre Ferme et flotte de Nouvelle Espagne, dans le même ordre des départs. En fait, l’analogie est plus astreignante, encore, si on élimine, en effet, de 1626, les quatre galions de secours à Puerto Belo169 — comme, économiquement, on a le devoir de le faire — on se trouve sur un plan de plus parfaite égalité, encore, de 77 navires à 77 navires, de 21 518 toneladas à 22 202 toneladas, avec des tonnages unitaires économiquement utiles, beaucoup plus proches, aussi, de 280,75 toneladas à 288,3 toneladas.
193Parfaite égalité, avec plateau légèrement ascendant. Les conditions dont bénéficie le trafic, en 1627, sont peut-être, plus favorables, dans la mesure où les effets dévastateurs du raid anglais sur Cádiz de novembre 1625 s’estompent. En faveur de 1627, on invoquera, par contre, le maintien sur deux ans d’un niveau très élevé (dans les termes de référence de la décroissance). Pour toutes ces raisons, on peut estimer que la conjoncture la plus élevée du cycle se maintient sur deux ans, au moins.
2. Retours
- 170 Cf. t. VI1, table 159, p. 356 ; t. VII, p. 52-53.
194Le parfait maintien des positions de 1626, sur les Allers de 1627, souligne davantage la rupture qui se produit, au même moment, sur les Retours. On assiste, sur deux ans, en grande partie du fait de la guerre, mais pas uniquement du fait de la guerre, à un véritable anéantissement du mouvement Retours, qui, quatre ans durant, avait calqué de très près la démarche des Allers. La part des Retours par rapport aux globaux, Allers et retours170, exceptionnellement forte de 1623 à 1626, 49,48 %, 48,92 %, 47,34 % et 45,06 %, tombe brusquement, avec 44 navires, 12 779 toneladas (15 134,2 tonneaux) à 36,23 % (16,27 % en 1628, 3 %, seulement, si on ne tenait compte que des navires effectivement revenus).
195Par rapport à 1626, dernier terme du plateau élevé des Retours, le mouvement de repli est extrêmement sensible, 24,1 %, respectivement et 34,8 %, avec un repli parallèle du tonnage unitaire exceptionnellement gonflé en 1626, de 266,2 toneladas en 1624, 318,1 toneladas en 1625, 338,1 toneladas en 1626, à 290,43 toneladas en 1627. Le tonnage unitaire des Retours s’aligne, un moment, sur celui des Allers, comme il est normal, au terme d’une longue anomalie positive du mouvement Retours qui a limité les possibilités de triage aux Indes dans la masse des Allers.
- 171 Cf. t. VI1, table 164, p. 363 ; t. VII, p. 52-53.
196Par rapport à la moyenne mobile171, le décrochement relatif est très sensible de 121,7 % à 80,2 %, preuve, s’il en était besoin, d’une mutation grave du mouvement Retours. D’une anomalie positive qui a duré quatre années consécutives de 1623 à 1626 (110,5 %, 144,3 %, 101,6 % et 121,77 %), on passe à une anomalie négative sur trois ans, de 1627 à 1629, avec des pourcentages à la moyenne correspondante de 80,2 %, 29,25 % et 97,8 %.
3. Allers et retours
197La discordance que l’on observe pour la première fois, depuis 1622, entre les Allers et les Retours, rend plus délicate l’interprétation du mouvement global. Les globaux amorcent, de 1627, par rapport au sommet relatif de 1626, un creux dont le point bas se situe en 1628. Les globaux passent, en effet de 139 à 121 unités, de 43 527 à 34 981 toneladas (de 52 232,4 à 41 777,2 tonneaux), soit des décrochements relatifs de 12,9 % et 19,6 %, avec, entraîné par les Retours, un sensible tassement du tonnage unitaire moyen de 313,5 toneladas à 289,2 toneladas (258,2 en 1624, 274 en 1625, et 307,4 toneladas pour la fluctuation 16261628). - Par rapport à la moyenne mobile, l’écart s’annule pratiquement (de 122,90 % à 100,29 %).
ÉLÉMENTS D’APPRÉCIATION
198Le comportement discordant des Retours ne doit pas masquer la réalité conjoncturelle de 1627, entendez le prolongement sur deux ans, côté Espagne, malgré la guerre et les défis qu’elle lance, sans cesse, à la navigation, d’une conjoncture favorable.
1. Valeurs
- 172 Cf. t. VI1, table 227, p. 473.
- 173 Cf. t. VI1, table 222, p. 469.
- 174 Cf. t. VI1, table 227, p. 473.
- 175 Cf. t. VI1, table 167, p. 366.
- 176 Cf. t. VI1, table 332, p. 560.
199Les données très fragmentaires que l’on possède ne permettent malheureusement pas de trancher. Lacune de l’avería172, lacune du maravedí al millar173. La seule indication est celle de l'almojarifazgo de la Vera Cruz4 en progrès de 217,6 millions à 258,7 millions de maravedís. Cet accroissement, par contre, très faible à côté de celui que l’on observe entre 1627 et 1628 (258,7 millions à 387,5 millions de maravedís), reste inférieur à ce que l’on serait en droit d’attendre des volumes, de 21 navires à 24 navires, de 5 750 toneladas à 8 140 toneladas174 pour l’ensemble de la Nouvelle Espagne, et mieux encore pour la Vera Cruz175, de 18 navires à 20 navires de 4 750 à 7 040 toneladas176. Cette montée des valeurs de la Nouvelle Espagne n’a pas dû compenser le recul volumétrique de la Terre Ferme et le recul des valeurs qu’on peut en attendre.
- 177 Cf. t. VI1, table 222, p. 469.
2001628, par contre, avec un niveau volumétrique sensiblement inférieur à 1627 et a fortiori à 1626, en valeur, on en jugera par le maravedí al millar177, ne diffère pas beaucoup du niveau-record de 1626 (75 % environ). Étant donné les relations d’étroite dépendance et les grandes similitudes du mouvement, à l’Aller, entre les trois années, on peut supposer à 1627, un niveau-valeur présumé, peu différent de 1628, de l’ordre, sans doute, de 1 400 millions de maravedís, voire même un peu supérieur, ce qui placerait 1627, en valeur, en position intermédiaire entre 1626 et 1628.
2. La ventilation du mouvement à l’intérieur du complexe portuaire
- 178 Cf. t. VI1, table 184. p. 388-391.
201L’hypothèse d’un niveau en valeur très proche de 1626 est confirmée par toute une série de signes encourageants dans la structure du mouvement au départ du complexe portuaire178.
202a. Les marginaux. — Les Canaries apparaissent, pour la dernière fois, dans la ventilation des navires au départ. Cette élimination du Livre de Registres ne saurait signifier une élimination totale dans la réalité. Elle implique, quand même, une gêne, certainement, une récession pour un long temps et une mutation du mouvement canarien des franges de la légalité où il se cantonnait, tant bien que mal, dans une totale illégalité. Les Canaries quittent les marges du Monopole pour rallier « l’au bout de la pique ». Pour leur dernière apparition, dans le commerce officiel, elles sont réduites à rien, 6 unités, 548 toneladas, en nette régression par rapport à 1626 et 1627.
203Un léger gonflement, par contre, des négriers, de 16 à 16 unités mais de 1 630 à 2 020 toneladas. Au total, donc, la catégorie des « marginaux » est à peu près étale, de 24 à 22 navires, mais de 2 320 à 2 668 toneladas. Ce qui n’exclut pas de grosses modifications dans les secteurs les plus importants.
204b. L’Armada. — Entre 1626 et 1627, une importante mutation affecte, d’une part, la catégorie des navires d'Armada, d’un mouvement négatif, compensé par un brutal gonflement des navires marchands de Séville et Cádiz.
- 179 Cf. ci-dessus p. 1628-1629.
205Quel que soit le terme de référence choisi pour la catégorie d’Armada de 1626179, l’ensemble du mouvement d'Armada, en y comprenant les galions de secours à Puerto-Rico aux fonctions assez strictement militaires, soit alors 19 navires et 9 858 toneladas, soit plus sagement, peut-être encore, en se limitant, aux seuls navires d'Armada de l'Armada de la Guardia aux fonctions économiques assez évidentes, 15 navires et 7 458 toneladas, l’écart avec 1627 est substantiel. Le niveau d'Armada de 1627 ne représente qu’une fraction très médiocre du niveau de 1626, soit, respectivement, 47 % du mouvement unitaire, 39 % du mouvement tonnage. L’Armada de la Guardia de 1627 se confond avec le mouvement d'Armada de l’année, elle ne représente guère que 60 % du mouvement unitaire et 54,7 % du tonnage de l'Armada de la Guardia de 1626.
206Il semble que l’on soit en présence, là surtout, d’un goulot d’étranglement, d’une impossibilité physique à faire face aux besoins en gros navires de qualité spéciale, seuls aptes à faire face aux obligations de l'Armada.
- 180 Cf. t. V, p. 118 et p. 134-137 ; cf. t. V, p. 141, note 3.
207L’interprétation économique de cette réduction n’est pas commode. Trop de facteurs mal repérables interfèrent. L’existence d’un mouvement d'Armada plus homogène, sans l’équivalent des galions de secours à Puerto-Rico, est un élément favorable. La réduction du volume de l'Armada de la Guardia, même en bonne partie compensée par l’accroissement du volume de la flotte de Terre Ferme180ne constitue pas, par contre, directement, un indice favorable. Indirectement, toutefois, dans la mesure où cette réduction permet une augmentation des séries des navires marchands de Séville et Càdiz.
208c. Séville et Cádis. — Sur la seule série des « marchands » de Séville et sur l’ensemble des navires marchands de Séville et de Càdiz, la position du mouvement de 1627 est très forte ; elle dépasse 1626 (40 unités, 12 224 tonetoneladas ; contre 34 unités et 9 840 toneladas en 1626 ; 46 navires et 15 774 toneladas en 1627, contre 38 navires et 11 740 toneladas), elle vient, immédiatement, après 1624 (pour Séville : 56 navires, 15 055 toneladas, pour l’ensemble Séville-Cádiz, 62 navires, 18 255 toneladas). La position de 1627 est donc, sur ces deux axes essentiels, exactement à mi chemin entre les pointes antérieures respectives de 1626 et 1624.
- 181 Cf. t. VI1, table 167, p.366.
- 182 Manuel Giménez Fernandez. Los testos de Colón en Sevilla, Anuario de Estudios Americanos, 1953, n° (...)
209Plus significative, peut-être, encore, quand on sait le rôle joué, désormais, par Càdiz, dans l’ordonnance générale du trafic, la position des Caditains en 1627, 6 navires, 3 550 toneladas, contre 4 navires et 1 900 toneladas, l’année précédente ; le barreau de 3 550 toneladas constitue, en outre, le point haut du cycle. Cette relative poussée de Càdiz181 par rapport à Séville s’explique, peut-être, par le jeu d’un simple hasard météorologique182, les inondations qui ont ravagé le Guadalquivir au cours de l’hiver 1626-1627. On notera, pourtant, le dynamisme de Cádiz qui cherche, à peine remise du raid dévastateur de novembre 1625, à profiter de la situation, pour dépouiller Séville de son rôle de capitale du complexe portuaire, dans la préparation des flottes. Vainement, d’ailleurs.
210Comme toujours, aucun des éléments retenus ne permet de trancher, d’une manière simple ; l’ensemble penche, quand même, en faveur d’une forte position conjoncturelle, apte à dépasser tous défis.
3. Les directions fondamentales du trafic
- 183 Cf. ci-dessus p. 1630.
211a. Les îles. — La part des îles (13 navires, 3 150 toneladas, est plus forte qu’en 1626, malgré les apparences. Il importe, en effet, d’éliminer du terme de référence de 1626 le rôle abusif des quatre galions de l'Armada de secours à Puerto Rico183. La part de 1626, ainsi réduite à 13 unités et 1 600 toneladas, 1627 l’emporte largement. Cette poussée très relative doit être comprise comme le résultat, bien modeste, des plaintes des « parents pauvres » et comme un phénomène de compensation secondaire, à l’encontre du niveau très bas de 1626. La moyenne des îles corrigée sur trois ans (1626-1628), avec 1 600 toneladas, 3 150 toneladas, 1 166 toneladas, soit 1 972 toneladas est une des plus basses.
- 184 Cf. ci-dessus p. 1632 et t. VI1, tables 167 et 227, p. 366 et 467.
212b. La Nouvelle Espagne. — La montée de la Nouvelle Espagne — non seulement en quantité, mais aussi, on l’a vu, en qualité184 — (de 21 à 24 navires, de 5 750 toneladas à 8 140 toneladas), est compensée par la descente de la Terre Ferme (de 27 à 25 navires, de 12 538 toneladas à 9 012 toneladas). Il n’est pas certain, toutefois, sur le plan des valeurs, que les deux mouvements soient exactement substituables : la Terre Ferme conserve, en sa faveur, une présomption de plus grande densité économique que la Nouvelle Espagne. Les marges d’écart entre les deux axes se sont pourtant atténuées.
213c. La Terre Ferme. — Le recul de la Terre Ferme (il est de 3 526 toneladas d’une année sur l’autre) est intégralement assumé par celui de l'Armada de la Guardia de la Carrera. En volume, le gain de 2 390 toneladas en direction de la Nouvelle Espagne ne compense pas la perte de 3 526 toneladas en direction de la Terre Ferme.
214L’étude des directions fondamentales, jointe à celle des articulations du complexe, permet de dégager en faveur de la conjoncture de 1627 une présomption de presque égalité avec 1626.
4. Les signes de rupture pour l’avenir
215Cela ne permet pas, pourtant, de brosser un tableau uniquement favorable. On sent, au contraire, à travers la réalité de 1627, toute une série de facteurs de rupture pour l’avenir.
- 185 Cf. t. V, p. 142, note 16.
- 186 Cf. t. V, p. 142, note 21.
- 187 Cf. t. V, p. 144-145.
216On peut laisser à l’écart, comme simples indications de structure, les plaintes des « parents pauvres » représentés, en 1627, par le Venezuela185, l’activité croissante des chantiers de la Havane186 relativement à ceux de l’Espagne, les protestations anticanariennes187 de Séville.
217Ces tensions canariennes, certes, ont été longtemps retenues comme des réactifs de conjoncture. Mais en 1627, la partie continentale du complexe portuaire vit sa dernière bataille définitivement victorieuse sur les Canaries. Étant donné la manière dont le trafic officiel des Canariens a été progressivement éliminé et annihilé, étant donné qu’il s’agit là du terme d’un long processus lié aux structures mêmes de la décroissance, il serait vain de tirer de ces tensions un argument particulier, quant à la conjoncture de 1627.
218On aura noté, par contre, en 1627, des faits qui sont incontestablement porteurs de destruction à plus long terme. Ils ne sont pas incomparables avec le bilan favorable dressé pour 1627, mais portent les germes du grand renversement conjoncturel d’après 1628.
- 188 Cf. t. V, p. 134.
- 189 Cf. t. V, 1625A et 1626A, notes aux tableaux, p. 102-107 et 122-125.
219C’est la disparition du mercure des exportations vers la Terre Ferme en 1627188. Elle résulte de l’engorgement du marché, en 1625 et 1626. La pléthore et le mauvais conditionnement du mercure d’Europe avaient, on le sait, suscité des plaintes, au moment, précisément, où la Terre Ferme ne savait que faire du mercure. Mauvais prétexte, dirons-nous, la vraie raison est, sans doute, la décision qui est prise en 1627189.
- 190 Cf. ci-dessus p. 1623, note 3 et ci-dessous p. 1958-1978.
- 191 Guillermo Lohmann Villena. Las Minas de Iluancavelica, Séville, in-8°, 1949, op. cit., p. 454.
- 192 Ibid., p. 453.
220Cette rupture des exportations est d’autant plus grave qu’elle correspond à une chute verticale de la production du mercure péruvien — on l’a déjà vu190 — des mines de Huancavelica191. Sur la source la meilleure de Guillermo Lohmann Villena (Série I, p. 454), on passe, par exemple, du niveau très élevé de 1621-1622-1623 (7 341 quintales, 6 107 quintales et 7 321 quintales, soit une moyenne annuelle de production de près de 7 000 quintales, pas substantiellement différente des moyennes records des années 1581-1583192 de la mise en route du cycle royal de l’argent du Potosí), au niveau médiocre des années 1626-1627-1628 (d’après la même 2937 quintales, 2 812 quintales, 2228. Au moment où il y a élimination des importations de mesure d'Europe orientale, il y a présomption de réduction à 40 %, à peine, du niveau ancien de production du mercure péruvien.
221Une telle rupture d'approvisionnement ne peut être que le signe avant-coureur d’une rupture presque comparable, sur la production d’argent de la Terre Ferme et, puisque le Pérou joua, à nouveau, dans le trafic Atlantique, le rôle dominant que l’on sait, cette rupture qui se prépare, jouera, bientôt, un rôle considérable dans le changement d’atmosphère des années de la dernière fluctuation primaire du cycle.
- 193 Cf. t. VI1
- 194 Ibid. p.
222Autre signe, moins grave, mais à retenir, l’allongement, à nouveau, des temps de séjour, à Cádiz, des convois au départ, sensible, surtout, pour le flotte de Nouvelle Espagne193 du Capitaine général Juan de Benavides, du 8 juin au 20 juillet. Facteur à rapprocher des prétentions de Cádiz, à la préparation des convois194.
- 195 Cf. t. VI1.
- 196 Cf. t. VI1
223Dernier signe, enfin, mais non des moindres, la désorganisation des Retours qui se fait sentir, après la longue anomalie positive des Retours de 1623 à 1626, par la réduction des volume,195 et par de, arrivées tardives convoi de La Ra-paru, Don Alonso de Muxica, Roque Centeño n’arrive pas à San Lúcar avant le 19 novembre 1627196.
HYPOTHESES
224De cette analyse rapide, une conclusion se dégage, sans hésitation possible. Une conjoncture très forte sur la côte européenne de l'Atlantique hispano-américain, caractérise encore 1627, tandis que se préparent, ostensiblement les condition, de la décroissance cyclique, une décroissance cyclique qui s'additionnant à la décroissance tendancielle provoque les catastrophiques ruptures de la dernière fluctuation du cycle.
- 197 Cf. t. VI1
225Cette situation est facilement reliée à l’entable de la conjoncture ibérique. Il suffit de se reporter à l’analyse qu’on a déjà donnée de la situation de 1626197. Les hypothèses qu’on a avancées pour 1626 sont encore valables en 1627.
- 198 E.J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 215-216 et t. VI1, table 164, p. 363 ; t. VII, p. 52-53
- 199 E.J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 96-97.
- 200 Ibid., p. 278-279.
226Dans les trois secteurs important de l’économie espagnole qu’on avait précédemment retenus, prix nominaux à l’intérieur de l’espace géographique du Royaume de Castille198, marche de l’inflation199, coût relatif de la main-d'œuvre200, la solidarité des années 1626 et 1627 est totale.
2271627, ou bien maintient les positions extrêmes de 1626, à très peu de choses près, ou bien même les améliorent. Pour les prix nominaux, par exemple, dans le secteur andalou, 1627 s’élève à l’indice 113,04 contre l’indice 113,39 en 1626 ; solidarité totale, donc, face aux creux de 1623-1625 et de 1629-1631. En Nouvelle Castille, par contre et plus encore, en Vieille Castille-Léon, le mouvement ascensionnel se poursuit de 1626 à 1627 : de l'indice 107,74 à l’indice 113,76, de l’indice 102,13 à l’indice 116,03. Il en était encore de même, à plus forte raison, sur l’espace valencien.
- 201 Cf. ci-dessus p. 1633-1635.
228Une très forte poussée inflationniste se maintient en Andalousie, en Nouvelle Castille et en Vieille Castille-Léon pendant tout le premier trimestre de janvier à mars 1627. La détente est rapide, au-delà en Andalousie et en Nouvelle Castille, elle est plus lente en Vieille Castille-Léon, où la poussée inflationniste avait été la plus considérable. On a vu comment201.
229Pour la rémunération relative de la main-d’œuvre, on passe de 101,15 % à 97,82 % ; il y a donc confirmation et renforcement, encore, du mouvement de retour à la normale, qui s’est produit tout au long de la partie expansionnelle du cycle. On pourrait même parler, facteur favorable, l’expérience l’a prouvé, d’anomalie négative de la rémunération de la main-d’œuvre.
230Facteur favorable à court terme, car, à la différence de ce qui s’est produit au xvie siècle, l’anomalie négative est due, ici, plus à un goulot et à une carence, une carence de la demande de main-d’œuvre en raison de la paralysie qui gagne l’économie, qu’à une abondance réelle de la main-d’œuvre.
231A la hauteur de l’année 1628, l’équilibre se modifie au détriment du trafic, avec l’apparition des premiers signes de contraction.
VI. — 1628 : LA FIN D'UNE PROSPÉRITÉ A L'AUBE DES CATASTROPHES. — MATANZAS
2321628 constitue un tournant décisif dans l’histoire de la Carrera. En raison même de la distorsion qu’on aura notée entre le comportement des Allers et celui des Retours. En Allers, 1628, c’est le terme de la période d’expansion du cycle, en Retours, Matanzas la plus grande défaite, — on serait tenté, d’écrire, la première défaite, subie par la Carrera. Depuis 1620, sûrement, depuis 1610, sans doute, la montée du mouvement est stoppée... et pourtant, un volant subsiste, une vitesse acquise demeure qui resurgit, encore, en période d’expansion cyclique, au cours de ces cycles intermédiaires, 1613-1622, 1623-1631, de la pré-décroissance. Matanzas détruit le volant, dissipe une équivoque, installe la Carrera sur un plan beaucoup plus modeste, qui nous ramène superficiellement, car les conditions sont bien différentes, très loin en arrière.
LA LEÇON DES CHIFFRES
233On peut l’écouter sans crainte. Elle traduit assez bien, dans ses dissymétries mêmes, l’importante crise de structure et de rupture de 1628.
1. Allers
234En Allers, en effet, ce sont les solidarités qui s’imposent entre le niveau de 1628 et celui des années 1626 et 1627. Même structure d’un trafic, qui comprend, rangés dans le même ordre, ses trois éléments fondamentaux : Armada de la Guardia, flotte de Terre Ferme, flotte de Nouvelle Espagne. Volumes et valeurs très proches encore des niveaux précédemment records de 1626 et 1627.
- 202 Cf. t. VI1, table 132, p. 330 ; table 140, p. 340 ; table 164, p. 363 ; t. VII, p. 4647, 50 51-52-5 (...)
- 203 Cf. ci-dessus p. 1628 et 1630.
235De 77 navires (81 navires en 1626)202, 22 202 toneladas (23 918 toneladas en 1626), 26 642,4 tonneaux (28 704,6 tonneaux en 1626), on passe à 71 navires et 21 598 toneladas (25 845,6 tonneaux), soit un repli respectif de 7,8 % et 2,7 % par rapport à 1627. Par rapport à 1626, le repli resterait faible, 12,3 % sur le mouvement unitaire, 9,9 % en tonnage. L’analogie est soulignée encore par la constance du tonnage unitaire, 295,4 toneladas en 1626 (280,75 toneladas si on élimine le secours à Puerto-Rico)203 288,3 toneladas en 1627, 304,2 toneladas en 1628. Stabilité étonnante des volumes et stabilité du tonnage unitaire. Tout cela confirme l’impression d’un plateau élevé légèrement décroissant, au milieu du cycle 1623-1631.
2. Retours
- 204 Cf. t. VI1, table 159, p. 356 et t. VII, p. 52-53.
- 205 Cf. t. VI1, table 135, p. 333 et table 142, p. 340.
236Par rapport à la moyenne mobile, on retrouve la même notion d’un plateau, en raison de la plongée de la moyenne mobile de treize ans, le nivellement est encore plus parfait, 119,96 %, 113,00 % et 112,04 %. Le contraste204 entre Allers et Retours est un des plus considérables de l’histoire de la Carrière des Indes. Sur la base des départs effectifs des Indes205, 17 unités, 4 184 toneladas, 5 020,8 tonneaux (contre 44 unités, 12 779 toneladas, 15 134,8 tonneaux en 1627), le pourcentage du tonnage Allers par rapport aux Allers et retours ne dépasse pas 16,27 %. Il constitue une anomalie négative sérieuse. Un pourcentage égal, ou plus faible encore se rencontre dix fois seulement, en cent quarante-cinq ans (jamais, de 1506 à 1589, quatre fois de 1590 à 1600, six fois, de 1601 à 1650). Semblables distorsions — on pourrait le montrer, sans peine — sont liées à l’état de guerre : n’apparaissent-elles pas toujours et seulement, quand vient la guerre ?
237Celle-ci marque, en outre, une importante modification des structures. En effet, le dénivellement est beaucoup plus important qu’il n’apparaît même, de prime abord. Il existe, en effet, une formidable dénivellation entre total des départs et total des arrivées. 1628 est l’année noire de Matanzas. 17 navires, 4 184 toneladas, 5 020,8 tonneaux, minimum au départ des Indes, 8 navires, 784 toneladas, 940,8 tonneaux à l’arrivée — entendez moins du cinquième des départs en tonnage, 18,9 % seulement, en valeur, moins de 1 % sans doute, de ce qui était parti.
238Il est difficile d’apprécier ce que les pertes de Matanzas ont pu représenter : la totalité — ou presque — des Retours d’une année. Elles ont, compte tenu de la durée des circuits commerciaux, deux à trois ans, en englobant les temps de transaction sur les marchés des Indes, atteint 36 à 40 %, peut-être, du capital de roulement engagé — une plaie qui ne peut plus, au sein des structures de la décroissance, se cicatriser. Le choc psychologique aura été plus grave encore.
239L'Invincible Armada, qui coûta si cher à la Carrière des Indes, — mais à une Carrera en expansion —, c’était autre chose : une affaire du Roi. Les lourds galions avaient péri hors de leur domaine, hors des routes qu’ils étaient accoutumés à parcourir et à dominer, dans une affaire qui n’était pas celle des marchands.
240Les raids destructeurs sur Cádiz même, sont intégrés dans des opérations complexes qui visent l’ensemble de la puissance politique de l’Espagne, où la Carrera est touchée au premier chef, mais non pas exclusivement.
241Matanzas, dans un rayon de soixante-dix kilomètres de la Havane, c’est bien différent. L'Armada s’est laissée surprendre dans son domaine, mais, sans équivoque, après avoir lutté, elle a été détruite. Juan de Benavides, le capitaine général, après une longue détention et un long procès, sera exécuté à Cádiz en mai 1634, pour avoir abandonné à l’ennemi les navires et les trésors qu’il devait protéger.
242Le parallélisme est évident avec le sort de Diego Flores y Valdes, le bouc émissaire de l'Invincible, comme Benavides le sera de la flotte malheureuse de Nouvelle Espagne. L’exécution et plus encore, l’exécution tardive, dans un cas comme dans un autre, est un terrible aveu. L’aveu d’une défaite morale, pour laquelle il a fallu une victime expiatoire que l’on aura exécutée, sans hâte et sans excessive conviction. D’où, précisément, des délais de repentir.
243L’accident de Matanzas aura révélé aux hommes de la Carrera l’immanence d’une défaite, une irréversible décadence qu’ils dénonçaient trop fort, auparavant, pour y croire, tout à fait. Comme toujours, en pareil cas, l’accident dramatique aura été plus un signe qu’une cause, aura marqué plus un ternie qu’un commencement. Il aura hâté un processus qui n’en finissait pas de s’accomplir. Matanzas constitue bien une date commode.
244Aussi n’est-ce pas un hasard, s’il y a, entre les moyennes de 1626-1628 et celle de 1629-1631, entre la seconde et la troisième fluctuation primaire du cycle, le dénivellement que l’on sait. En Allers, ne passe-t-on pas d’un niveau annuel volumétrique moyen de 22 552,6 toneladas à 18 081,3 toneladas, tandis que la part des navires marchands de Séville passe de 50,2 % à 37,9 % et que la Nouvelle Espagne — la flotte de Benavides détruite et prise par l’ennemi était une flotte de Nouvelle Espagne — rétrocède dans le même temps à l’Aller, de 31,5 % à 26,4 % ?
- 206 Cf. t. VI1, table 159, p. 356 ; t. VII, p. 52-53.
245Oui, 1628 marque solidement une frontière et la dénivellation Allers-Retours en fournit la preuve ; si l’on tient compte des seuls navires arrivés206, la part des Retours ne représente plus 16,27 %, ce qui était déjà très peu, mais 3,5 % seulement des globaux. Dans toute l’histoire de la Carrière des Indes, il n’existe que quatre années comparables : 1628, 1638, 1644, 1650, quatre années de la décroissance.
246Par rapport à 1627, on observe, cela va sans dire, une cassure de première importance. De 44 navires, 12 779 toneladas, 15 134,8 tonneaux à 17 navires, 4 184 toneladas, 5 020,8 tonneaux, le décrochement est de l’ordre, respectivement de 61,4 % et 67 %. Si on tient compte, uniquement, des navires arrivés, de 44 à 8 unités, de 12 779 toneladas à 784 toneladas on aura un dénivellement de 81,8 % et 94 %. Par rapport à 1626, le décrochement sera plus important encore, respectivement de 70,7 % et 79 %, 86,2 % et 96 %, dans l’ordre précédent des combinaisons possibles. Par rapport à la moyenne mobile on est passé de 110,5 %, 144,3 %, 101,6 %, 121,7 % et 80,2 % de 1623 à 1627 à 29,25 % (navires au départ), mieux encore à 6 % (navires à l’arrivée). Voilà qui achève de préciser une anomalie d’une ampleur exceptionnelle.
3. Allers et retours
247Une grave ambiguïté pèsera, de ce fait, sur le mouvement global, composé d’éléments tout à fait dissemblables. Il faudra s’y accoutumer, après le synchronisme parfait, quatre années durant, de 1623 à 1626.
248La position en creux de 1628 est due aux Retours, elle se situe au plus bas de toute la fluctuation décennale, à la seule exception de 1631. Elle marque un peu artificiellement, de ce fait, en 1628, une limite interne de fluctuation, qui est mieux placée en 1629.
- 207 Cf. t. VI1, table 138, p. 336 ; table 142, p. 340 ; table 164, p. 363 ; t. VII, p. 46-47, 50-51 et (...)
249De 121 navires à 85 navires207, de 34 981 toneladas (41 777,2 tonneaux) à 25 722 toneladas (30 866,4 tonneaux), mieux de 121 à 79 navires, de 34 981 toneladas (41 777,2 tonneaux) à 22 382 toneladas (24 620,2 tonneaux), le décrochement est considérable de 29,9 % et 26,5 % respectivement, mouvement unitaire et tonnage, si on incorpore au mouvement la flotte Benavides prise et détruite à Matanzas, de 34,7 % et 36 %, si on se borne à compter les navires qui ont bouclé le circuit et sont rentrés au bercail d’Andalousie.
250Le tonnage unitaire n’est pas profondément affecté. Compte tenu de la flotte détruite à Matanzas, il s’accroît de 313,5 toneladas en 1629, 289,2 toneladas en 1627, 325,6 toneladas en 1628. Si on élimine la flotte de Matanzas, le tonnage unitaire est moindre, exactement dans la ligne de 1627 : 283,3 toneladas. Par rapport à la moyenne mobile, on retrouve, par contre, la position de compromis des globaux, de 100,29 % en 1627 à 76,75 % en 1628.
ÉLÉMENTS D’APPRÉCIATION
251Une étude plus poussée confirmera l’impression donnée par les globaux Allers, puis Retours. La conjoncture des Allers est celle encore du plateau central d’expansion cyclique, la conjoncture des Retours conduit, d’emblée, au moment le plus noir de la décroissance.
252Le maintien, malgré tout, d’une santé, un peu prolongée, sans doute, des Allers, est facile à prouver.
1. En valeur
- 208 Cf. t. VI1, tables 222 à 227, p. 469 et 473.
253La densité et la crédibilité des séries du mouvement-valeur va, malheureusement, en s’atténuant, à partir de cette période. Pour 1628, on dispose du maravedí al millar et de l’almojanfazgo de la Vera Cruz208. Les deux chiffres (902 millions de maravedís présumé pour Séville par le maravedí, 1 040,4 millions au total ; 387,5 millions par l'almojarifazgo de la Vera Cruz) par recoupement sur leurs séries, avec le terme de référence de 1626, donnent des présomptions très fortes. En valeur, les exportations de 1628 auront frôlé de très près celles de 1626..., il n’est même pas absolument impossible qu’elles les aient presque égalées. Après deux années très élevées (1626 et 1627), ce maintien sur trois ans est extrêmement important. Un coup d’œil sur les séries tronquées des valeurs après cette date montre bien de quelle partie de l’histoire de la Carrera, les valeurs de 1628 sont solidaires. Elles forment comme une butte-témoin sur le front aventuré d’une prospérité morte.
2. Le complexe portuaire209
- 209 Cf. t. VI1, table 184, p. 388-391.
254Même solidarité, là encore, et dans le même sens.
- 210 Tout au plus, notera-t-on que l’élimination s’est achevée entre 1626 et 1628, période d’expansion m (...)
255a. Les « marginaux ». — Le recul des marginaux procède, pour l’essentiel, de l’élimination officielle définitive des Canariens, la marée est étale, par contre, sur les négriers, avant le décrochement qui se produira entre 1628 et 1629. Pour les seuls négriers, on passe de 16 à 17 unités et de 2 020 à 2 010 toneladas, présomption, donc, d’égalité parfaite. Pour l’ensemble des marginaux, il y a tassement par rapport aux deux années précédentes du sommet d’expansion cyclique, 17 navires, 2 010 toneladas, au lieu de 24 navires et 2 320, 22 navires et 2 668 toneladas, en 1626 et 1627. Il est difficile, on l’a dit, de tirer argument, en conjoncture, de l’élimination « définitive » des Canariens, longuement mûrie, longuement préparée210. Pour une appréciation, par contre, portant sur l’ensemble des chiffres du mouvement, le recul absolu et relatif des marginaux constitue un élément favorable, dont il faudra tenir compte. On peut supposer à ces totaux dépouillés des éléments les plus faibles une plus grande densité relative qui freine, dans une certaine mesure, la tendance.
256b. Armada. — L’accroissement du volume des navires d'Armada — il vaudrait mieux dire leur retour à un niveau plus normal — est, lui aussi, finalement, dans le cadre du couple 1627-1628, un facteur plutôt favorable. On passe de 9 à 11 navires, de 3 860 toneladas à 5 010 toneladas. Ce gonflement est très exactement celui de l'Armada de la Guardia. 1628 retrouve, après la défaillance assez difficilement explicable de 1627, son niveau le plus fréquent, celui de 1621, de 1625, de 1630, de 1631... bientôt. Puisqu’il s’agit uniquement, à l’exclusion de tout autre élément, à la différence de 1626, par exemple, où le mouvement d'Armada est composite, d’une montée de l'Armada de la Guardia, donc de l’élément économiquement le plus valable, le plus dense, de la catégorie d’Armada, cette progression est un élément positif. Par-delà 1627, il nous rapproche des conditions-de 1626.
- 211 Cf. ci-dessus p. 1635-1636,.. 1639-1640.
257c. Séville et Cádiz. — De tout cela, il résulte que, s’il y a repli par rapport à 1627211, il y a net progrès, par rapport à 1626, sur les deux axes essentiels du trafic. Pour Séville, de 40 à 38 unités, de 12 224 à 11 918 toneladas (34 navires, 9 840 toneladas en 1626), pour Cádiz, la position est moins bonne, de 6 à 5 navires, de 3 550 à 2 600 toneladas (4 navires et 1 900 toneladas, pourtant en 1626). Pour l’ensemble Séville-Cádiz, on arrive à 43 unités, La solidarité avec les années records du cycle est bien affirmée.
3. Les grands axes du trafic212
- 212 Cf. t. VI1, table 167, p. 366.
258L’analyse des grands axes du trafic se trahira par cette conviction. L’anéantissement des départs en direction des îles — de 13 à 8 navires, de 3 150 à 1166 toneladas — est une compensation, sans doute, de l’anomalie positive des îles en 1627. Ce repli profite, naturellement, aux deux axes moteurs.
- 213 Cf. t. VI2, table 332, p. 560.
- 214 Cf. t. VI1, table 227, p. 473 ; t. VII, p. 58-59.
259Le très léger repli de la Nouvelle Espagne (de 24 à 17 unités, de 8 140 à 7 433 toneladas) et de la Vera Cruz213 (de 20 à 14 navires, de 7 040 à 6 258 toneladas) est largement compensé, en valeur, par un accroissement de la valeur unitaire des exportations sur cette ligne (d’après l'almojarifazgo214 de 258,7 millions, à 387,5 millions de maravedís, valeurs approchées inférieures à la réalité). La Nouvelle Espagne, à l’Aller, a donc joué un rôle considérable dans la prospérité non négligeable de 1628. L’évolution des volumes et des valeurs en direction de la Nouvelle Espagne, entre 1624 et 1628, est particulièrement intéressante, est-il besoin de le rappeler ? On assiste à la fin d’un archaïsme. On est, entre 1627 et 1628, plus particulièrement, en plein alignement. La structure des exportations en direction de la Nouvelle Espagne est en train de calquer celle qui prédomine, depuis plus de trente ans, en direction de la Terre Ferme, réduction massive, enfin, des volumes, progression simultanée des valeurs unitaires, bien au-delà de ce que peuvent impliquer des bouffées d’inflation.
260Le progrès de la Terre Ferme, de 25 unités à 29 navires, de 9 012 à 10 929 toneladas est le plus remarquable. Sans doute est-il dû surtout à la croissance de l’Armada de la Guardia (sur un progrès de 1 917 toneladas, l'Armada de la Guardia, en progression de 1 150 toneladas, en assume plus de 60 %). Il faut en conserver l’indication, pourtant. Le trafic dominant de la Terre Ferme s’approche en 1628 du niveau atteint en 1626 (27 unités, 12 538 toneladas). On notera, en outre, qu’en direction de la Terre Ferme, les seules variations sont imputables à l'Armada et non à la petite flotte de Terre Ferme qui fait volant, témoignant, sur trois ans, d’une surprenante constance.
4. Autres éléments d’appréciation
261Dans l’ensemble, l’impression qui émane de la correspondance de l’année, est celle d’une préparation, en profondeur, des catastrophes futures.
- 215 Cf. t. V, p. 152 et ci-dessous appendice, p. 1958-1978.
262a. Le mercure. — Le seul élément favorable est fourni par la reprise des exportations de mercure en direction de la Terre Ferme215.
- 216 Cf. ci-dessus p. 565-1525.
263Le niveau important de 4 684 quintales renoue avec la bonne tradition des années, avant la crise216. Cette reprise ne peut porter immédiatement ses fruits. Elle n’est pas suffisante, à plus long terme, d’ailleurs, pour effacer le passif de la chute tendancielle de la production du mercure de Huancavelica.
264Tout le reste serait à mettre au passif de l’année, ou plus exactement, à la préparation du passif des années qui viennent.
- 217 Cf. t. V, p. 152.
- 218 Ibid., p. 154.
265b. Le passif. — Deux éléments sont évidents. L’allongement, à nouveau, des temps d’arrêt à Cádiz, du 21 mars au 8 mai217 pour le convoi de Terre Ferme (Armada de la Guardia et flotte de Tomas de la Raspuru et Don Luis de Velasco), du 6 juin au 15 juillet, pour la flotte de Nouvelle Espagne de Don Hierónimo Gomez de Sandoval218. Il n’est pas besoin d’insister, les mécanismes des interinfluences ont été décrits déjà.
- 219 Ibid., p. 158-163, note 2.
266L’autre mine précieuse est fournie, au contraire par le dossier du renouvellement de l'avería en 1628219. En conjoncture, il n’apprend pas grand chose, pourtant. Tout au plus révèle-t-il l’émergence de nouvelles structures. On retiendra deux leçons, seulement. Le nouveau contrat révèle la mainmise sur l’ensemble de la Carrera, d’un supermonopole au sein du Monopole, le monopole des asientistes de l’avería. La décroissance, avec ses difficultés, aura été favorable à la concentration. On retiendra, aussi, la poussée de la fraude que l’on voit sourdre de partout et contre laquelle, le contrat cherche, un peu en vain, à se prémunir. La possibilité de dépasser la règle des 6 % porte, en elle-même, l’impossibilité de l’ad valorem.
267Le nouveau contrat révèle un nouvel équilibre qui est celui de la décroissance. Il n’apporte rien de particulier dans l’appréciation, par contre, de la conjoncture de 1628.
HYPOTHÈSES
268Les éléments ne manquent pas pour éclairer, en profondeur, l’environnement du drame de 1628 : prolongement en porte à faux de la conjoncture haute de 1628, à l’Aller, rupture décisive sur les Retours.
1. Prix nominaux
- 220 E.J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 215-216.
269En ce qui concerne les prix nominaux, par exemple, le reflux est commencé, dans les deux cadres géographiques qui intéressent le plus directement la Carrière des Indes, Andalousie, Nouvelle Castille. De l’indice 113,39 en 1626 et 113,04 en 1627, à l’indice 110,61 en 1628, pour [l’Andalousie220. De l’indice 107,74 en 1626, 113,76 en 1627, à l’indice 109,17 en 1628, pour la Nouvelle Castille. Seule, la série Vieille Castille-Léon continue à croître, indices 102,13 en 1626, 116,03 en 1627, indice 117,12 en 1628.
270Mais on retiendra deux aspects, pourtant. La décrue est insignifiante, encore, de 1627 à 1628, si on la compare aux ruptures de 1625-1626 ou de 1628-1629 en Andalousie par exemple. Il faut, à l’ordinaire, un certain temps pour que les modifications des niveaux des prix — on l’a observé maintes fois — se fassent sentir sur le trafic. On se trouve donc au terme d’un palier de hausse, qui s’essouffle sur les prix, comme sur le trafic.
2. Inflation221
- 221 Ibid., p. 96-97.
271La position de 1628, par rapport à la prime de l’argent sur le billon, réactif de l’inflation est identique à ce qu’on a observé pour les prix nominaux des marchandises dans le Royaume de Castille.
272En Andalousie, par exemple, la moyenne annuelle de la prime révèle le terme d’un plateau ascendant, 12,25 % en 1625, 40,934 % en 1626, 37,10 % en 1627, 36,56 % en 1628, 16,81 % en 1629. En Nouvelle-Castille, mouvement identique, mais plateau plus incliné, 1625, 23,29 %, 1626, 49,04 %, 1627 42,13 %, 1628, 37,36 %, 1629, 18,20 %. En Vieille Castille-Léon, par contre, la position de 1628 est beaucoup plus proche de 1629 que de 1627 : 25,80 % (1625), 54,75 % et 50,94 % (1626-1627), 34,93 %, par contre, pour 1628 et 15,10 %, écart normal, pour 1629.
273Or, les moyennes annuelles masquent une partie de la réalité. La rupture de l’inflation se place entre le troisième trimestre (juillet-septembre) et le quatrième trimestre (octobre-décembre) de 1628 : de 40,00 % à 12,75 % pour l’Andalousie, de 34,50 % à 17,60 % pour la Nouvelle Castille, de 31,20 % à 10,40 % en Vieille Castille-Léon. Beaucoup trop tard pour qu’elle puisse avoir la moindre incidence sur la conjoncture des Allers de 1628 : le convoi de La Raspuru, Luis de Velasco a quitté San Lúcar le 21 mars et Cádiz le 8 mai, celui de Hierónimo Gomez de Sandoval, les 6 juin et 15 juillet ; plus rien, pratiquement, ne sort entre le 15 juillet 1628 et juillet-août 1629, tandis que le décrochement monétaire maximal, le passage de l’inflation à la déflation, se situe en octobre 1628.
274Autrement dit, sans action sur la conjoncture des départs, la rupture d’inflation de 1628 constitue, avec le désastre de Matanzas, une des clefs de la dépression de 1629 à 1631.
3. Rémunération de la main-d’œuvre
- 222 Ibid., p. 278-279.
275Sur le plan du coût relatif de la main-d’œuvre222, par contre, aucune modification sensible ne paraît en vue, sur la position excellente, sous cet angle, des trois années 1626, 1627 et 1628, 101,15 %, 97,82 % et 102,44 %.
276Bien sûr, en partant de 1627, une belle contreprente se dessine, il ne s’agit guère, tout au plus, de 1628 à 1629, que de la correction d’une anomalie, dont les effets, à la longue, auraient pu être presque aussi nocifs que ceux vingt-cinq ans durant, de la grande anomalie positive (on notera, par exemple, que la décade 1571-1580, la décade de la plus longue anomalie négative du coût relatif de la main-d’œuvre, est une période d’essoufflement, de plateau et de ralentissement de l’expansion). Ce n’est pas avant 1630-1631, toutefois, que l’on peut raisonnablement parler de présomption de frein au trafic, par la réapparition d’une tendance à une anomalie positive dans la rémunération de la main-d’œuvre.
277Peu importe. La conjoncture des Allers de 1628 et celle des années qui viennent se trouvent ainsi parfaitement éclairées.
Notes
1 Cf. ci-dessus p. 1573-1579.
2 Cf. ci-dessus p. 1515 sq.
3 Cf. t. V, p. 51.
4 Cf. t. V, p. 26 et p. 58-59.
5 Cf. t. V, p. 50, note 5.
6 Cf. t. VI1, table 159, p. 356 ; t. VII, p. 52-53.
7 Cf. t. VI1, table 219-220, p. 467.
8 Cf. t. VI1, table 164, p. 363.
9 Cf. t. VI1, table 183, p. 388-391
10 Cf. t. V, p. 26.
11 Cf. ci-dessus p. 1432-1525.
12 Cf. t. V, p. 53-54.
13 Cf. t. V, p. 44-45.
14 Les navires et les maîtres sont hanséates, même le felibote d’Ysbrant Adrienssen, bien qu’il soit parti comme Calaisien.
15 Cf. t. V, p. 58.
16 Ibid., p. 50.
17 Cf. t. VI1, table 167, p. 366 ; t. VII, p. 66-67.
18 Cf. t. V, p. 44-45, navires, a, b, c.
19 Cf. t. VI1, table 227, p. 473 ; table 222, p. 469 ; tables 219-220, p. 467.
20 Cf. t. VI, tables 219-220, p. 467.
21 Cf. t. VI1, table 227.
22 Cf. t. V, p. 55, note 38.
23 Ibid., p. 50, note 5 et p. 58, navire n° 2.
24 Ibid., p. 53, note 5.
25 Ibid., p. 52, note 5.
26 Cf. ci-dessus p. 1581-1582 et t. VII, p. 46-47, graphique, Tonnage moyen d’un navire.
27 Cf. ci-dessus p. 1421-1422, 1425-1426.
28 Cf. ci-dessus, p. 1568 et ci-dessous p. 1633-1635, p. 1834-1836.
29 Cf. t. V, p. 53, note 5.
30 Ibid., p. 53-54, note 5.
31 Cf. ci-dessous p. 1614-1616.
32 Cf. ci-dessus p. 1451-1452, 1459-1460, 1467-1468, 1477, 1490-1491, 1507, 1514.
33 E.J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 215-217.
34 Ibid., p. 278-279.
35 Cf. ci-dessus p. 1516 et 1590.
36 Cf. t. VI1, table 184, p. 388-391.
37 Cf. ci-dessus p. 1592-1594.
38 Cf. t. VI1, table 132, p. 330 ; table 142, p. 340 ; t. VII, p. 50-57.
39 Cf. t. VI1, table 164, p. 363 ; t. VII, p. 52-53.
40 Cf. t. VI1, table 135, p. 333 et table 142, p. 340.
41 Cf. t. VI1, table 159, p. 356.
42 Cf. t. V, p. 84.
43 Ibid., p. 86 et 88.
44 Ibid., p. 92, note 28.
45 Cf. t. VI1, tables 219-220, p. 467.
46 Cf. ci-dessous p. 1604-1605.
47 Cf. t. VI1, tables 133-135, p. 331-333 ; table 140-142, p. 338-340 et t. VII, p. 50-51.
48 Cf. ci-dessus p. 1595 et ci-dessous p. 1604-1605.
49 Cf. t. V, p. 66 à 73.
50 Cf. t. VI1, table 164, p. 363.
51 Cf. ci-dessus p. 1516-1518. On peut suivre facilement l’accroissement du tonnage unitaire jalonné par les chiffres suivants : 234,4 toneladas lors du cycle 1614-1622, 302,9 toneladas de 1623 à 1631, 233,16 toneladas pendant la dernière fluctuation 1619-1622 du cycle précédent, 280,6 toneladas de 1623 à 1625, 332,4 toneladas de 1626 à 1628.
52 Cf. t. VI1, tables 136 à 138 et 140 à 142, p. 334-336 et 338-340 et t. VII, p. 44-45 et 50-51.
53 Cf. t. VI1, table 164, p. 363 et t. VII, p. 52-53.
54 Dans la hiérarchie des écarts absolus, la position de 1624 serait bien meilleure encore. Mais la série des écarts absolus, qu’on s’est abstenu de publier, est, de toute manière, moin3 significative que celle des écarts relatifs.
55 Cf. t. VI1, tables 219-220 et 227, p. 467 et 473.
56 Cf. t. V, p. 72-79, note 1 et ci-dessous p. 1610-1611.
57 Cf. E.J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 96-97.
58 Cf. t. V, p. 81, note 44.
59 Cf. t. VI1, tables 219-220, p. 467.
60 Cf. ci-dessus p. 1602.
61 Cf. t. V, p. 92, note 28.
62 Cf. t. V, p. 74-79, note 1.
63 Cf. ci-dessus p. 1600-1603.
64 Cf. ci-dessus p. 1493-1494, 1509, 1516-1518.
65 Cf. ci-dessus p. 1520-1521.
66 Cf. t. VI1, tables 219-220, p. 467 et table 138, p. 336.
67 Cf. ci-dessus p. 1604-1605.
68 Cf. t. VI1, tables 219-220, p. 467.
69 Cf. notamment t. VI1, tables 760 à 763, p. 1039 à 1055.
70 Cf. t. VI1, table 183, p. 388-391.
71 Cf. t. V, p. 66-67.
72 Cf. t. V, p. 81.
73 Cf. ci-dessus p. 1493-1494.
74 Cf. t. VI1, tables 167, 170, 173, 174, 176, p. 366, 369, 372 à 375.
75 Cf. t. VI1, table 167, p. 366.
76 Sur le mouvement unitaire, la Nouvelle Espagne garde son avantage un peu atténué, 29 %, contre 27,8 % pour la Terre Ferme, 16,7 % pour les îles, 26,5 % pour les Indéterminés ou directions multiples, Indias ( ?).
77 Sur le mouvement unitaire, les proportions restent du même ordre, à quelques nuances près, 27,1 % pour la Nouvelle Espagne contre 35,3 % pour la Terre Ferme, 16,5 % pour les îles et 21,1 % pour les indéterminés ou directions multiples, Indias ( ?).
78 Sur le mouvement unitaire, mêmes ordres de grandeur avec les différences traditionnelles, 21,8 % contre 50,5 % et 12,6 % et 15,1 %.
79 Cf. t. VI1, table 227, p. 473.
80 Cf. t. VI1, tables 167, p. 366, en 1626, 1629 et 1645.
81 Cf. t. V, p. 66-67 sq.
82 C’est du moins ce qui se dégage de la confrontation des mouvements valeur que nous possédons, valeur, globaux par l’averia valeur en Nouvelle Espagne par l’almojarifazgo de la Vera Cruz.
83 Cf. t. V, p. 72-83.
84 C.R. Boxer, Dutch in Brazil (1624-1654), op. cil.
85 Cf. t. V, p. 76.
86 Cf. t. V, p. 79.
87 Cf. t. V, p. 66 sq.
88 Cf. ci-dessus p. 1594.
89 Cf. t. V, p. 80, note 3.
90 Cf. t. V, p. 92, note 28.
91 Cf. t. V, p. 92, note 28 et Colec. Fern. Navarrete XXIV, f° 216, doc. 29.
92 Cf. t. V, p. 68 sq.
93 Cf. t. V, p. 80, note 17.
94 Cf. t. V, p. 84.
95 Cf. t. V, p. 81, note 39.
96 Cf. t. V, p. 81, note 44.
97 Cf. t. VI1, tables 219-220, p. 467.
98 Cf. t. VI1, tables 218 et 219, p. 466-467.
99 Cf. ci-dessus p. 1612.
100 Cf. t. V, p. 68 et p. 80, note 17.
101 Cf. t. V, p. 84.
102 E.J. Hamilton. 1501-1650, op. cit. p. 96-97.
103 Ibid., p. 215.
104 Ibid., p. 403 et t. VI1, table 16, p. 363.
105 Ibid., op. cit., p. 278-279.
106 Cf. t. V, p. 103.
107 Cf. t. VI1, table 132, p. 330 et table 142, p. 340.
108 Cf. t. VI1, table 164, p. 363 ; t. VII, p. 52-53.
109 Cf. t. VI1, table 159, p. 356 ; t. VII, p. 52-53.
110 Cf. t. VI1, tables 219-220, p. 467.
111 Cf. t. VI1, table 183, p. 388-391.
112 Cf. t. V, p. 104-105, note 8.
113 Cf. t. VI1, table 163, p. 366.
114 Cf. t. V, p. 104-105.
115 Cf. t. V, p. 116-119.
116 Cf. t. V, p. 104-105.
117 Cf. t. VI1, table 167, p. 366.
118 Cf. t. V, p. 102-104, note 8.
119 Cf. t. V, p. 108-109, p. 112, note 2.
120 Cf. ci-dessus p. 1520-1521,...1563-1564.
121 Cf. t. VII, p. 46-47.
122 Cf. t. V, p. 103.
123 Cf. t. V, p. 96 et p. 98.
124 Cf. t. V, p. 104, note 8.
125 Cf. t. V, p. 96 et 98. 5 455 quintales en direction de la Terre Ferme et les mines du Pérou, 5 809,5 quintales en direction de la Nouvelle Espagne.
On est, d’ailleurs, au sommet de la courbe de l’approvisionnement du mercure de l’industrie minière américaine (cf. p. 1958-1978), avant l’effondrement de Huancavelica, au maximum, de l’intervention d’Idria, au moment où Almadén et Huancavelica s’équilibrent sensiblement avec 40 % chacun des besoins et où Idria assume le reste (20 %). Au-delà, il y a renversement de la tendance, avec rupture de Huancavelica et abandon, pratiquement, du luxe trop coûteux du mercure impérial.
126 Cf. ci-dessus p. 1614-1616.
127 E.J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 96-97.
128 Ibid., p. 215-216.
129 Ibid., p. 278-279.
130 Cf. t. VI1, table 132, p. 330 ; table 142, p. 340 et table 164, p. 363.
131 Cf. ci-dessus p. 1599-1616.
132 Cf. ci-dessus p. 1616-1624.
133 Cf. t. VI1, table 183, p. 388-392.
134 Cf. t. VI1, table 164, p. 363.
135 Cf. t. VI1, table 164, p. 363.
136 Cf. t. VI1, table 219-220, p. 467.
137 On peut avoir confiance en cette donnée, malgré les lacunes de la série. Les recoupements possibles avec la série moins bonne mais plus complète du maravedí al millar (cf. t. VI1, table 222, p. 469) ne permettent aucun doute. 1626 marque, en valeur, sur les Allers, le point d’expansion cyclique maximale.
138 Cf. t. V, p. 166.
139 Cf. t. V, p. 118.
140 Cf. t. VI1, table 183, p. 388-391.
141 Cf. t. V, p. 116-117, navires a à d.
142 Cf. ci-dessus p. 1592-1593,.. 1607,.. 1620-1621,..
143 Pas de flotte en 1625 et une toute petite flotte, celle de Don Hierónimo Gomez de Sandoval (cf. t. V, p. 118-119, nos 4 à 14).
144 Cf. t. VI1, table 167, p. 366.
145 Cf. t. V, p. 116-117, navires a à. d.
146 Cf. ci-dessus p. 1628.
147 Cf. t. V, p. 130-131.
148 38 navires, 14 360 toneladas vers la Nouvelle Espagne, 88 navires, 32 534 toneladas vers la Terre Ferme. Ce sont aussi les proportions des demi-décades 1631-1635, 1641-1645 (cf. t. VI1, table 174, p. 373 ; t. VII, p. 66-69).
149 Cf. t. VI1, table 227, p. 473.
150 Cf. t. V, p. 122-123, notes 7 et 8.
151 Cf. t. V, p. 116-117.
152 Cf. t. VI1, table 611, p. 871.
153 Cf. t. V, p. 118-121.
154 Cf. t. V, p. 124, note 25.
155 De 1592 à 1622, cf. ci-dessus p. 871-876,.. 1495,.. 1499-1503..
156 Cf. t. VI1, table 227, p. 473.
157 Cf. t. VI1, table 167, p. 366.
158 Cf. t. VI2, table 332, p. 560.
159 Cf. t. V, p. 124.
160 E.J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 215-216 et t. VI1, table 164, p.363 ; t. VII, p. 52-53.
161 E.J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 96-97.
162 Ibid., op. cit., p. 278-279.
163 1625 : indice, 92,15 ; 1626, 102,13 ; 1627, 116,03 ; 1628, 117,12 ; 1629, 117,06 ; 1630, 106,63. Pour les Allers, les écarts à la moyenne mobile médiane de treize ans donnent la série suivante (VI1, p. 363, col. V) : 1625, 90,36 % ; 1626, 119,96 % ; 1627, 113 % ; 1628, 112,04 % ; 1629, 91,33 % ; 1630, 107,01 % ; 1631, 91,33 % ; 1632, 70,72 % et t. VII, p. 53.
164 De 1623 à 1631 : 87, 51, 93, 24, 93, 68, 107, 74 (en 1626), 113,76 (en 1627), 109,17 (en 1628), 112,99, 109,69 et 105,23.
165 De 1623 à 1631 : 87,64, 88,78, 96,38,113,39 (en 1626), 113,04 (en 1627), 110,51 (en 1628), 99,88, 99,79, 96,17.
166 E.J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 96-97.
167 Ibid., p. 278-279.
168 Cf. t. VI1, table 132, p. 330, table 142, p. 340, table 164, p. 363.
169 Cf. t. V, p. 116, navires a à d, et ci-dessus p. 74.
170 Cf. t. VI1, table 159, p. 356 ; t. VII, p. 52-53.
171 Cf. t. VI1, table 164, p. 363 ; t. VII, p. 52-53.
172 Cf. t. VI1, table 227, p. 473.
173 Cf. t. VI1, table 222, p. 469.
174 Cf. t. VI1, table 227, p. 473.
175 Cf. t. VI1, table 167, p. 366.
176 Cf. t. VI1, table 332, p. 560.
177 Cf. t. VI1, table 222, p. 469.
178 Cf. t. VI1, table 184. p. 388-391.
179 Cf. ci-dessus p. 1628-1629.
180 Cf. t. V, p. 118 et p. 134-137 ; cf. t. V, p. 141, note 3.
181 Cf. t. VI1, table 167, p.366.
182 Manuel Giménez Fernandez. Los testos de Colón en Sevilla, Anuario de Estudios Americanos, 1953, n° X, graphique p. 161.
183 Cf. ci-dessus p. 1630.
184 Cf. ci-dessus p. 1632 et t. VI1, tables 167 et 227, p. 366 et 467.
185 Cf. t. V, p. 142, note 16.
186 Cf. t. V, p. 142, note 21.
187 Cf. t. V, p. 144-145.
188 Cf. t. V, p. 134.
189 Cf. t. V, 1625A et 1626A, notes aux tableaux, p. 102-107 et 122-125.
190 Cf. ci-dessus p. 1623, note 3 et ci-dessous p. 1958-1978.
191 Guillermo Lohmann Villena. Las Minas de Iluancavelica, Séville, in-8°, 1949, op. cit., p. 454.
192 Ibid., p. 453.
193 Cf. t. VI1
194 Ibid. p.
195 Cf. t. VI1.
196 Cf. t. VI1
197 Cf. t. VI1
198 E.J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 215-216 et t. VI1, table 164, p. 363 ; t. VII, p. 52-53
199 E.J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 96-97.
200 Ibid., p. 278-279.
201 Cf. ci-dessus p. 1633-1635.
202 Cf. t. VI1, table 132, p. 330 ; table 140, p. 340 ; table 164, p. 363 ; t. VII, p. 4647, 50 51-52-53.
203 Cf. ci-dessus p. 1628 et 1630.
204 Cf. t. VI1, table 159, p. 356 et t. VII, p. 52-53.
205 Cf. t. VI1, table 135, p. 333 et table 142, p. 340.
206 Cf. t. VI1, table 159, p. 356 ; t. VII, p. 52-53.
207 Cf. t. VI1, table 138, p. 336 ; table 142, p. 340 ; table 164, p. 363 ; t. VII, p. 46-47, 50-51 et 52-53.
208 Cf. t. VI1, tables 222 à 227, p. 469 et 473.
209 Cf. t. VI1, table 184, p. 388-391.
210 Tout au plus, notera-t-on que l’élimination s’est achevée entre 1626 et 1628, période d’expansion maximale, nous en avons mille preuves..., que cette euphorie relative n’ait pas incité les positions dominantes de Séville et Cádiz à plus d’indulgence en dit long sur l’ampleur des racines de la décroissance. On retiendra même que l’expulsion s’est faite en période d’expansion relative. Pour l’obtenir, le négoce de Séville et de Cádiz, constituant, pour une fois, un front uni éphémère, ont lutté.
Au sein de la décroissance, la lutte et l’intolérance sont fonction, non de la contraction pure, mais, souvent, d’un minimum d’expansion relative. Car il faut pour encourager à la lutte, qu’il y ait apparence, au moins, d’un gain.
211 Cf. ci-dessus p. 1635-1636,.. 1639-1640.
212 Cf. t. VI1, table 167, p. 366.
213 Cf. t. VI2, table 332, p. 560.
214 Cf. t. VI1, table 227, p. 473 ; t. VII, p. 58-59.
215 Cf. t. V, p. 152 et ci-dessous appendice, p. 1958-1978.
216 Cf. ci-dessus p. 565-1525.
217 Cf. t. V, p. 152.
218 Ibid., p. 154.
219 Ibid., p. 158-163, note 2.
220 E.J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 215-216.
221 Ibid., p. 96-97.
222 Ibid., p. 278-279.
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