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Séville et l'Atlantique, 1504-1650 : Structures et conjoncture de l'Atlantique espagnol et hispano-américain (1504-1650). Tome II, volume 2

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Pierre Chaunu

Cinquième partie. La grande dépression (1623-1650)

Chapitre premier. La grande dépression. La désagrégation de l’Atlantique de Séville. Caractères, portée, limites

Texte intégral

1Cette période de trente années, au cours desquelles nous verrons, insensiblement. se désagréger, puis se pétrifier l’Atlantique, jadis débordant de vie, du Monopole du Sud de l’Espagne est, peut-être, la plus délicate de de toutes celles que nous avons eu jusqu’ici à étudier. Non pas tant en elle-même, certes, que dans les rapports qui lient l’espace de la Carrière des Indes à d’autres espaces, en un mot, au reste du monde.

  • 1 Henri Lapeyre, Une famille de marchands, op. cit., et les séries de Lisbonne (José Gentil da Silva) (...)

2Nous avons été insensiblement accoutumés, comme le monde des affaires contemporain de Séville triomphante l’avait été, les papiers Simon Ruiz, hier et aujourd’hui1 (, l’ont bien montré, à placer Séville et ses trafics par rapport à tout le reste d’une mince frange d’économie d’échanges, en position dominante, entendez, par là, simplement, en position d’imprimer, plus ou moins, son rythme à l’ensemble de l’économie d’échange de l’espace, à son tour, dominant de la plus grande Méditerranée. En position d’avant-garde, plus exactement, soit que l’on considère que l’Atlantique de Séville impose, effectivement, par les masses et les valeurs qu’il met en cause, son rythme au reste du monde de l’économie d’échanges soit, autre possibilité, qu’il ait été simplement le premier sensible aux injonctions et aux pressions d’une conjoncture qui prendrait naissance, ailleurs et sur un tout autre plan.

  • 2 Un problème de causalité qu’on peut, d’ailleurs, sans crainte, s’abstenir de trancher puisque, sur (...)
  • 3 H. J. Elsas, Umriss einer Geschichte der Preise und Löhne in Deutschland. Leiden, in-80, 1936-1949- (...)

3Or, cette relation — on l’appellera, grossièrement, la relation dominante/dominé, ou anticipant/anticipé, afin de n’avoir pas à trancher d’un problème insoluble de causalité2 — c’est celle-là même qui est en train de disparaître, au cours des trente ans qui nous restent à étudier. Elle disparaît, sans qu’on s’en rende compte exactement, après avoir atteint son évidence maxima. En effet, c’est bien au moment du renversement de la tendance majeure que la corrélation Atlantique de Séville-économie européenne, est, effectivement, la plus astreignante. Chaque coup de buttoir, chaque moment de torsion sur l’ensemble des trafics, qui sont étranglés et saisis de Séville, se répercutent, à quelques années près, à un rythme de plus en plus pressé. C’est ainsi que la crise de 1619-1623, la crise la plus importante, peut-être, de l’Atlantique de Séville, puisqu’elle arrive au terme d’une période de paix relative et qu’elle n’est pas dictée par des interférences du dehors, parce qu’elle débouche, aussi, sur la nouvelle phase de décroissance, rencontre dans toute l’Europe une densité exceptionnelle d’échos qui ne peut qu’attirer l’attention : l’Italie, d’abord, on l’a vu, l’Allemagne surtout3 , où 1622 et sa retombée, 1623, constituent, avec une précision troublante, la grande cassure, porteuse de tous les drames.

I. — LIMITES

4Cette phase longue de décroissance que nous allons étudier, il importe, d’abord, d’en saisir les contours. Le point de départ seul compte ; le point d’arrivée, de toute façon, n’est plus, en termes comparables, perceptible de Séville.

1622-1623. — LES RAISONS D’UN CHOIX

  • 4 Cf. ci-dessus p. 881-885, 1398-1402, 1515-1525.
  • 5 Cf. t. IV, p. 539 à p. 547, p. 564 à 580. Cf. ci-dessus p. 1487-1490, 1503-1505.

5La plupart des raisons qui ont conduit au choix de 1622-1623 ne sont plus à dire4 Malgré ses limites, malgré ses erreurs, la plupart des niveaux du cycle 1614-1622 sont plus proches de la période antérieure qu’ils ne le sont des niveaux de la décroissance. Rien ne pouvait donner à prévoir aux contemporains, que les reculs dont ils étaient les témoins étaient irréversibles. Le trafic avait déjà connu, dans un secteur ou dans un autre, d’autres récessions, moins unanimes, peut-être, mais qu’importe, après l'Invincible, au milieu du xvie siècle, surtout. Ce qui est plus grave, cette fois, il est vrai, c’est que la récession s’accompagne ici, d’une détente politique ; qu’elle se déroule malgré la paix, en dépit d’elle. La pleine conscience, toutefois, du drame, pourtant, n’apparaît pas clairement, à travers la correspondance de la Casa de la Contratación, avant les grands rapports de 1619 et de 16205 (. Au moment, à peu près, où le renversement de la tendance majeure devient perceptible sur les moyennes mobiles contracycliques, arrière (en l’occurrence, ici, les moyennes de onze ans et treize ans).

  • 6 Cf. t. VI1, table 229, p. 474.

6Entre le cycle 1614-1622 et le cycle 1623-1631 se produisent, enfin, quelques graves modifications structurelles qui font de la cassure 1619-1623 une meilleure frontière que ne le fait la crise 1609-1613, même si elle apparaît plus révolutionnaire à certains égards. Le renversement de la tendance des valeurs se place bien, ici, sans hésitation, plus sûrement qu’en 1610. Si on se reporte à des appréciations du mouvement en valeur6 (tirées directement des sources fiscales, on a l’impression, comme pour les trésors, d’un mouvement qui culmine dans les dernières années du xvie siècle (pour les Allers et les Allers et retours). Vient, ensuite, un long plateau concave, dont la limite se situe, sans hésitation possible, entre 1616-1620, d’une part, 1621-1625, d’autre part.

  • 7 Cf. t. VI1, tables 220-227, p. 467-473.

7On peut contester, à plus d’un égard, en raison des variations souvent analysées des marges de tolérance, l’infériorité de 1606-1610 et de 1616-1620 par rapport aux points hauts de 1591-1600. C’est pourquoi, il ne nous a pas paru souhaitable d’invoquer, dès la fin du xvie siècle, un possible renversement de la tendance majeure des valeurs, que tant d’autres éléments, par ailleurs, viennent contredire. Une seule chose demeure. Entre 1591 et 1620, un plateau existe sur le mouvement exprimé en valeur, plateau tourmenté, dont les irrégularités, les changements, les hésitations nécessitent critique et réflexion, — ne serait-ce qu’en raison des variations existant au cours de cette période entre valeurs fiscales et valeurs de marché — et le terme de ce plateau est marqué d’une manière qui ne supporte aucun doute. La brisure se place, un peu après 16227 . On chercherait vainement quelque chose d’équivalent, à la hauteur de la crise précédente de 1609 à 1613. Après la crise de 1609, la Carrera, bien qu’atteinte, a conservé des possibilités de récupération qu’elle a perdues, par la suite. Crise des volumes, mais aussi irréversible mutation des valeurs. Telle est la première raison décivise qui conduit à placer, au cours des années 20 du xviie siècle, le changement de phase que beaucoup de bonnes raisons invitaient à situer au moment de la pré-crise de structures des années 1609-1613.

8D’autres raisons concourent aux mêmes fins. Deux mutations, au moins, se situent à la hauteur des années 20 et non à celles des années 10. La mutation du mouvement unitaire du tonnage unitaire moyen, d’une part, la mutation des directions et provenances fondamentales, d’autre part.

1. La mutation des tonnages

  • 8 Cf. t. VII, p. 46-47.
  • 9 Cf. t. VI1, table 13, p. 168 ; t. VII, p. 72-73.

9Le tonnage unitaire des navires a fait preuve d’une étonnante constance8 de 1599 à 1622. Si on éliminait le creux purement accidentel des années qui suivent l'Invincible Armada, on pourrait même parler d’un plateau du tonnage unitaire de 1576 à 16229 (Or, c’est entre la demi-décade 1621-1625 et la demi-décade 1626-1630 qu’il faut placer la dernière mutation substantielle du tonnage unitaire. On était passé de 211 toneladas (tonnage unitaire moyen de 1566 à 1575) à 296,9 toneladas en 1576-1580. De 1621-1625 à 1626-1630, il y a mutation brutale du tonnage unitaire moyen de 247,1 toneladas à 318,82 toneladas.

10Abstraction faite de l'Invincible Armada, on observera trois phases — structurelles, en quelque sorte —, dans l’évolution du tonnage unitaire et, partant, dans une large mesure, dans le matériel naval : une première phase ascendante part de 1500 et va jusqu’en 1570 environ. Une mutation nous amène, à partir de 1575, sur un long plateau, le plateau de 250 toneladas qui s’étend sur cinquante ans, de 1575 à 1625, puis une nouvelle mutation, à la hauteur de 1625, amène le matériel de la Carrera sur un troisième palier, de 250 à 300 toneladas, où il demeure pendant vingt-cinq ans, au moins. Palier tel qu’il finira par éliminer Séville au profit de Cádiz.

  • 10 Cf. ci-dessus p. 1520-1522.

11Cette nouvelle et dernière mutation est la conséquence, en quelque sorte, de la crise de 1619 à 1623. Le stock de navires est épuisé. On a vu comment10 (Il faut repartir sur des bases nouvelles. La guerre est là et prime tout, guerre et récession obligent à abandonner définitivement les secteurs du trafic qui étaient desservis par les plus petits navires. Elles contribuent, d’une manière décisive, par conséquent, à la mutation du tonnage unitaire. Une telle mutation, avec tout ce qu’elle comporte et tout ce qu’elle exprime, donne une raison supplémentaire pour préférer comme point de départ la crise 1619-1623 à celle de 1609-1613.

2. Le mouvement unitaire

  • 11 Cf. t. VI1, table 132, p. 328, table 135, p. 333, tables 138 et 139, p. 336-337 et t. VII, p. 46-47
  • 12 Cf. t. VI1 table 139, p. 337 et t. VII, p. 47.

12La chute, la rupture de pente que l’on observera de la même manière sur l’expression unitaire du mouvement11 est le simple corollaire de ce que l’on a signalé, tout à l’heure, la modification du tonnage unitaire. Cette modification va de pair, exactement, avec la réduction massive du nombre des navires mis en cause. Elle est particulièrement sensible sur le découpage semi-décadaire12 , en Allers et en Allers et retours. En Allers, surtout, de 458 unités à 342 unités, de 317 unités à 246 unités en Retours, de 775 unités à 588 unités en Allers et retours, la rupture de 1621-1625 à 1626-1630 est presque sans équivalent dans toute l’histoire de la Carrera. Le seul décrochement qui peut, en valeur relative, sur cette série, se comparer, est celui qui oppose 1636-1640 à 1641-1645 ; dans l’intervalle, il y a, il est vrai, la double rupture de 1640 (sur les Allers et retours, décrochement de l’ordre de 25 % autour de 1640 ; de 24 % autour de 1625). Mais en valeur absolue, le reflux, de part et d’autre de 1625, de l’ordre de 187 navires, surclasse celui de 1640 qui n’est plus que de 121 navires.

13Vu sous un autre angle, on pourrait dire que si la rupture, qui se produit effectivement après la grande crise de structures 1619-1623, n’apparaît pas plus clairement sur les mouvements globaux, c’est uniquement parce que la dernière mutation du tonnage unitaire réussit, en partie, à la masquer.

3. L’équilibre Nouvelle Espagne - Terre Ferme

  • 13 Cf. t. VI1, table 167, p. 366 et table 174, p. 373 ; t. VII, p. 66-67.

14La répartition des départs entre les grands secteurs géographiques des Indes13 constitue un dernier argument de poids.

  • 14 Cf. ci-dessus p. 871-876.
  • 15 C’est-à-dire, en Allers et compte non tenu de la pondération de la tonelada, le haut de l’ensemble (...)

15La période 1596-1620, le sommet de la Carrera, a été, aussi — on a vu comment14 — une période de secteur nouvel-espagnol dominant. Au départ, la Nouvelle Espagne constitue, pratiquement, 50 % du trafic (1596-1600 : 47,64 % ; 1601-1605 : 50,55 % ; 1606-1610 : 48,21 % ; 1611-1615 : 53,81 % ; 1616-1620 : 51,20 %), sans interruption, pendant vingt-cinq années consécutives. C’est la Nouvelle Espagne, on l’a vu, qui commande la fluctuation. C’est elle et elle seule qui porte et qui prolonge l’ascension du trafic jusqu’en 1608-1609 : la progression est faible mais soutenue, 57 483 toneladas, 59 835 toneladas et 61 329 toneladas. Au-delà, à la différence de la Terre Ferme qui décline rapidement — les Allers en direction de la Terre Ferme n’atteindront jamais plus le point haut de la demi-décade 1586-1590,57 323 toneladas)15 — la Nouvelle Espagne maintient fermement ses positions, soit 54 464 toneladas, en 1611-1615, au lieu de 61 329 toneladas en 1606-1610, 58 463 toneladas en 1616-1620, soit à très peu de chose près les niveaux de 1601-1605 et 1606-1610 (59 835 toneladas et 61 329 toneladas). C’est entre 1611 et 1615, d’ailleurs, que, relativement, la part de la Nouvelle Espagne est la plus forte.

16La crise de 1609, sous cet angle, ne modifie en rien l’équilibre interne du mouvement au départ. Après comme avant, on restait dans le domaine d’une Nouvelle Espagne dominante, qui entraîne, derrière elle, l’ensemble du mouvement.

  • 16 Il ne faut pas trop prendre l’indication pour argent comptant, en raison de la croissance en direct (...)

17Il n’en va plus de même de la crise 1619-1623. La conséquence la plus évidente de la crise, c’est la rupture d’équilibre qu’elle apporte dans la ventilation des départs : effondrement, tant absolu que relatif, de la Nouvelle Espagne, montée relative et même absolue16 dans une assez large mesure, do la Terre Ferme. Au moment où le trafic officiel avec la Nouvelle Espagne s’effondre, au départ du complexe portuaire [de 58 664 toneladas (1616-1620), 44 771 toneladas (1621-1625) à 29 903 toneladas (1626-1630) et 24 576 toneladas (1631-1635), soit en pourcentage à l’ensemble des départs de 51, 20 % et 43,19 % à 28,58 % et 29,82 %], la Terre Ferme part à contrecourant du mouvement d’ensemble de 33 485 toneladas, 41 156 toneladas et 40 155 toneladas en 1611-1615, en 1616-1620 et en 1621-1625, soit, respectivement, 32,96 %, 36,04 % et 37,73 % de l’ensemble pour arriver à 55 813 toneladas et 42 222 toneladas en 1626-1630 et en 1631-1635, totalisant respectivement, 53,35 % et 51,23 % de la masse totale des départs.

18Le changement n’est pas passager. Il se prolonge jusqu’au-delà de la moitié du demi-xviie siècle. Il s’agit, par conséquent, d’une inversion complète. La Terre Ferme étant, dans le rôle de moteur de toute la conjoncture Atlantique exactement substituée à la Nouvelle Espagne. La voilà en position, dans le commerce du complexe portuaire, d’axe dominant. Cette permutation tend clairement à impliquer que la seconde crise, celle de 1619-1623, porteuse, à court terme, de telles perturbations, est plus importante encore que celle des années 1609 et au-delà, puisqu’elle entraîne, à moins qu’elle ne soit la conséquence, — elle est sans doute l’un et l’autre — de très graves perturbations, de très graves modifications des structures.

4. La guerre

19A toutes ces raisons, il faudrait, sans doute, en ajouter une autre, raison pour l’essentiel, peut-être, indépendante des précédentes, pas totalement indépendante, toutefois, la guerre. La guerre — elle ne s’est jamais interrompue complètement, ne serait-ce qu’en raison du relais flamenco-moghrébin — reprend, officiellement, en 1621, effectivement, en 1624, avec l’attaque hollandaise sur le Brésil. Elle va façonner l’océan jusqu’au milieu du xviie siècle. Toute la période, qui va de l’attaque hollandaise de 1624 à la paix de Munster en 1648, voire de 1624 à 1660, est marquée, pour la Carrera, par la guerre et la présence de l’ennemi.

  • 17 Cf. t. VI2, tables 624-635, p. 900-922.
  • 18 Cf. t. VI2, tables 183 et 184, p. 388-395 ; t. VII, p. 64-65.

20Si l’on en voulait une preuve, plus encore qu’aux tables des pertes17 , instructives, pourtant, déjà, c’est au mouvement des navires d’armada18 qu’il faudrait se reporter. On serait sensible à un gonflement relatif extrême du mouvement d’armada, de 14 % en tonnage, au cours de la demi-décade 1611-1615, à 37 %, au cours de la demi-décade 1631-1635 et, pratiquement, 47 %, de 1641 à 1645. Gonflement relatif et même, dans une large mesure, gonflement absolu, malgré la décrue du mouvement global, de 17 420 toneladas, au cours du marasme pacifique de 1611-1615, à 38 918 toneladas, de 1626 à 1630. On notera, en outre, de combien le niveau record du mouvement darmada de la mauvaise période 1626-1630 dépasse les autres termes de référence. 38 918 toneladas de 1626 à 1630 contte 26 837 toneladas de 1596 à 1600, au moment, pourtant, de la liquidation du double conflit anglais et hollandais, et 28 150 toneladas de 1606 à 1610, au moment de la fin de la guerre avec les Provinces Unies.

21Il y a, donc, entre 1621-1625, d’une part, 1626-1630,• d’autre part, une nouvelle mutation, causée par la guerre à une mutation dont les trente années qui viennent n’effaceront plus le bilan, la mutation du mouvement d’armada.

22Là encore, aucune hésitation possible sur le point de flexion : il se situe, au-delà de 1625, après les 25 289 toneladas de 1616-1620 et les 24 049 toneladas de 1621-1625, entre ce niveau annuel sur dix ans d’un peu moins de vingt-cinq mille toneladas de départs de navires d'armada et les 38 918 toneladas de 1626-1630. On a là un décrochement positif record de 36 %, sans équivalent, dans toute l’histoire de la Carrière des Indes. Cette poussée du mouvement d’armada, puisqu’il s’agit, quand même, toutes choses étant égales, d’un mouvement de moindre densité économique, tend à masquer, sur les globaux, la tendance profonde du mouvement : une tendance à la décroissance.

  • 19 Cf. t. VI1, table 184, p. 392.

23Cette tendance, on la verra mieux en se reportant à la série « Séville et Guadalquivir (navires marchands) »19 (Elle passe paradoxalement par un point haut entre 1601 et 1605, avec 74 165 toneladas, puisqu’elle décroît, d’une manière, en gros, linéaire, à partir de ce terme de référence, avec de très curieuses anomalies. Entre 1606-1610 et 1611-1615, loin d’avoir un décrochement négatif, on a, au contraire, un décrochement positif, de 228 navires à 250 unités, de 57 607 toneladas à 64 860 toneladas, sur l’axe essentiel des marchands de Séville. Au-delà de 1625, le mouvement des navires marchands de Séville accuse, au contraire, un décrochement négatif considérable, de 213 navires à 161 navires, de 54 624 toneladas à 46 236 toneladas.

24Cette permutation des positions respectives du trafic des navires marchands de Séville et des armadas du Guadalquivir, en partie conséquence de la guerre, contribue à fixer, après la crise de 1619 à 1623, le début, sans hésitation possible, d’une nouvelle phase de contraction.

1650 : UN AUTRE CHOIX

25Si le choix du creux cyclique de 1622-1623, comme point de départ de la phase longue de contraction, par laquelle nous entendions clore notre étude, ne prête guère à discussion, il n’en va pas tout à fait de même du terme qu’on en propose ici. Justifier 1650 est d’autant plus essentiel qu’il s’agit de justifier, par là même, le terme de cette étude.

  • 20 Cf. t. I, p. 36 sq. ; t. VIII1, ch. II.
  • 21 Nina Ellinger Bang. Tabeller over Skribsfart, op. cit., t. I.

261504 ou 1506, point de départ de la première phase longue d’expansion, est une borne surtout documentaire20 Son choix a été dicté par la nature des séries qui ont servi à la construction statistique. 1504, en outre, correspond, pratiquement, à la mise en route du travail administratif d’une Casa de la Contratación, nouvellement créée, au début de 1503. Elle signifie maturation administrative, donc maturité tout court. Elle correspond, à très peu de choses près, à la naissance d’un trafic indépendant de la conquête, de l’exploration, de la colonisation officielle ou semi-officielle, elle correspond, en outre, on le sait par ailleurs, au grand démarrage des prix, et autant que le Sund21 permet d’en juger, d’un nombre considérable de trafics importants.

  • 22 Dans une suite qui couvrira la période 1651-1783.
  • 23 Cf. t. V1, tables 219-220, 222, 227. p. 467, 469, 473.
  • 24 Cf. t. I, p. 224 sp.

271650, par contre, ne peut se justifier pour des raisons analogues. La documentation continue, nous entendons bien le montrer22 . En fait, la documentation se modifie. Elle n’est pas pour autant moins riche et moins significative. Tout au plus, peut-on arguer que l’écoulement du système fiscal prive, au-delà, de prises efficaces sur le mouvement-valeur. On a vu déjà combien les séries en valeur s’éclaircissaient à partir de 1638 (Avería, Allers), de 1643 (maravedí al millar)23 , mais les documents ne font pas totalement défaut même après l’adoption en 1660 du système de l’induit24 Il suffit de déplacer en direction des caisses indiennes le centre de gravité de la recherche. En réalité, d’ailleurs, tout au long du processus qui, depuis 1628, conduit insensiblement la Carrera à l’abandon officiel d’un ad valorem même approximatif, les sources du mouvement-valeur se modifient à un rythme de plus en plus rapide. Une fois de plus, l’induit, cet acte officiel de décès de l’ad valorem, en 1660, ne marque pas tant l’apparition d’un fait nouveau, que sa reconnaissance, que son officialisation, en quelque sorte.

28Sous l’angle de la documentation, 1650, certes, n’est pas une date et, pourtant, 1650 n’est pas une si mauvaise date, dans la mesure où elle ne risque pas d’introduire de fausses précisions. 1650 mieux que 1660 — reconnaissance tardive d’une faillite — marque bien, peut-être, le véritable terni" d’une documentation et d’une méthode, celle qui tendait, notamment, par le biais des impôts ad valorem de la Carrera, à une approche même rudimentaire des mouvements-valeur.

29Le choix de 1650 aura été délibéré ; son mépris de tous termes de référence commodes implique qu’on a voulu, sous cet angle comme à d’autres points de vue, se prémunir contre des délimitations évidentes, mais fausses.

30Dans l’ordre politique, il fallait prendre 1640, la double rupture de l’empire des Ibériques, 1659-1660, le constat diplomatique de faillite, voire 1648, ces lointains traités de Westphalie et le commencement de la vacance française. 1650, peut se justifier, il est vrai, par référence à 1648. 1649, partant, 1650. n’est pas, d’ailleurs, dans l’ordre politique pour l’Atlantique de Séville, un terme médiocre, 1649-1650 n’est pas la paix, mais elle met le vrai terme à la vraie guerre : le Hollandais victorieux est hors de cause et la France, paralysée par les troubles de la Fronde. Pacification relative, donc, pacification, quand même, malgré le choc final de 1656 à 1659 avec l’attaque anglaise contre la Jamaïque et les opérations terrestres qui culminent aux Dunes.

31Entre trois dates politiques possibles, 1640, 1659-1660, 1649-1650, 1650 n’est pas celle qui, a priori, paraît la meilleure.

  • 25 Bien visible sur les diagrammes de N. W. Posthumus, dans l’étonnant miroir des prix hollandais.
  • 26 E. Labrousse, Esquisse du mouvement des prix et des revenus en France au xviiie siècle.

32Dans l’ordre économique, la date de 1650 apparaîtra d’abord, moins évidente, encore. Nulle part, la récession des prix ne s’arrête en 1650. La grande phase de difficultés, dont le tassement des prix-argent et des prix-or est une simple expression entre plusieurs, dans toute l’Europe et dans tous les secteurs d’une activité économique européenne qui dépasse, déjà, le cadre de l’Europe, dure bien au delà de 165025. Phase descendante depuis la décade 1620-1630, jusqu’aux alentours de 1680-1685, plateau bas jusqu’aux environs des années 20 du xviiie siècle26 (Les prix espagnols, à condition de faire abstraction de poussées inflationnistes sans équivalent, ailleurs, obéissent au même rythme.

33Pourquoi n’en irait-il de même de l’indice d’activité du commerce officiel de Séville et de Cádiz avec les Indes ? Décroissance du complexe portuaire andalou, certes. La suite, qui sera donnée à ce travail, prouve qu’elle continue atténuée, jusqu’au premier point de flexion de la phase B des prix, jusque vers les années 80 et 90 du xviie siècle. Pourquoi, dans ces conditions, après avoir bien délimité les différents drames de la spectaculaire décroissance des trafics 1609-1613, 1619-1623, 1640, ne pas poursuivre jusqu’au terme de cette décroissance, entendez, jusqu’à la fin du xviie siècle ?

34Parce qu’il fallait oser rompre avec les illusions de suites faussement linéaires. Quelque part, entre 1619-1623 et 1680, à une date qu’il serait vain de chercher à trop bien préciser, quelque chose s’est produit dans la Carrera qui en change la nature. L’étude, que l’on donnera prochainement du commerce de Cádiz, montrera combien il diffère de l’Atlantique espagnol que nous avons connu, au temps de ses splendeurs. Système rigide, étatisé, il n’a plus cette souplesse qui caractérisait la Carrera triomphante de la seconde moitié du xvie siècle, avec ses trafics marginaux, qu’elle englobait ou rejetait suivant ses besoins, largement ouverte, généreuse en période d’expansion, réticente et jalouse à leur égard, en période de contraction. Au lieu et place de cette vie débordante et désordonnée, une administration limitée et sclérosée.

35Mais le grand danger vient d’ailleurs. A vouloir prolonger au-delà du raisonnable, dans le cadre d’un même livre, nos séries andalouses, on aboutissait à comparer entre eux des éléments qui n’étaient plus comparables.

36Le Monopole andalou-canarien, malgré des imperfections que nous ne nous sommes jamais dissimulées, est arrivé à enserrer, pendant plus d’un siècle, en valeur pour une part énorme et en volume pour la meilleure part, l’ensemble des échanges entre l’Europe et le Nouveau Monde. Dès la seconde moitié du xviie siècle, l’Atlantique du Guadalquivir n’est plus qu’un Atlantique, entre plusieurs. Cet Atlantique, il sera précieux de bien le connaître et de comprendre comment il vient s’insérer dans d’autres Atlantiques, eux-mêmes parties composantes de l’économie mondiale. Mais l’étude qu’on peut en faire n’aura pas la même portée, elle nécessite, surtout, des méthodes différentes et une référence constante à d’autres trafics complémentaires.

37Le principal danger qu’il y aurait eu à poursuivre, au delà du terme fixé, les séries du trafic, était le danger, précisément, de la fausse analogie. Comparer, comme s’ils appartenaient à la même réalité, des éléments d’un trafic largement dominant et celui d’une simple pièce entre plusieurs aboutissait à comparer, implicitement, entre eux, des termes non comparables.

38Pour se prémunir contre tous ces dangers et affirmer qu’on n’était pas dupe, la meilleure solution consistait, encore, dans l’adoption d’un terme arbitraire, 1650, par exemple.

39Séville en 1650 n’est plus dominante et son Atlantique a perdu déjà le meilleur de son antique prééminence. C’est, vraisemblablement, autour de 1640, un peu avant 1640 même, que la Carrera cesse d’être sinon le premier, encore, de tous les Atlantiques transversaux, du moins le trafic dominant, c’est-à-dire celui qui porte une masse suffisante, par rapport à un ensemble constitué d’éléments fragmentaires, pour masquer le reste et imposer à cette masse sa propre dynamique. Mais pour comprendre ce que fut le drame des années qui précédèrent et suivirent immédiatement la double brisure de 1640, pour mesurer la rupture de pente, l’accélération de la décroissance qui suit l’effondrement de 1640, il importait de poursuivre la série sur dix ans, au moins, la durée moyenne d’un cycle, sans risquer de s’engager trop avant à l’intérieur de structures différentes, exposé à de fausses analogies. 1640 constitue bien le terme effectif d’un Atlantique de Séville dominant. S’arrêter en 1640 n’aurait pas permis de l’apprécier, poursuivre jusqu’à la grande date politique de 1659-1660 eût été faire preuve de complaisance. En 1641 et 1650, on a, en Allers et retours, le dessin classique d’un cycle de neuf ans. Puisque cette date de 1650 correspondait au terme de la première fluctuation cyclique décennale classique de la Carrera déchue, 1650 constituait bien pour l’ensemble de l’étude un terme raisonnable.

40D’où le choix apparemment absurde de cette date de 1650, dont le caractère, volontairement arbitraire, avait, au moins, l’avantage de ne pas prêter à de dangereuses simplifications.

II. — DÉCROISSANCE

  • 27 Cf. t. VII, p. 54-55.

41A l’intérieur de ces limites, la caractéristique commune des trois cycles qu’il a fallu distinguer, 1623-1631, 1632-1641, 1642-1650, est la décroissance. Décroissance telle qu’au bout du compte, on ne reconnaît plus l’antique Carrera. Dans un monde qui, malgré la densité extrême des difficultés auxquelles il a à faire face, malgré une densité peu commune de défis et un jeu complexe de freins, continue à grandir, mais ne se développe plus au même rythme qu’un siècle ou un demi-siècle plus tôt, la décroissance du vieil Atlantique de Séville exprime, mais en la grossissant jusqu’à la caricature, la tendance profonde27 .

42L’effondrement de l’Atlantique de Séville, la destruction de la vieille Carrera par laquelle commence la phase B du xviie siècle a certainement joué un rôle moteur dans le déroulement du xviie siècle économique. Un des caractères du xvie siècle avait été, peut-être, l’aspect organique de ses trafics les plus importants organisés autour de l’Atlantique hispano-américain. La phase A s’étant caractérisée sous cet angle, par la centralisation autour d’une dominante.

43Même si la masse globale des trafics Atlantique transversaux — et la chose n’est pas douteuse — dépasse largement, dans la seconde moitié du xviie siècle, les masses mises en œuvre à la fin du xvie siècle et lors de la première décade du siècle suivant, la caractéristique essentielle des trafics Europe-Amérique, au xviie siècle, par rapport au xvie siècle, paraît être la dispersion. Or, cette dispersion enlève, sans conteste, aux échanges dans l’Atlantique une partie de leur efficacité en tant que moteur d’une conjoncture européenne et plusgrande-européenne. En se sabordant, par conséquent, l’Atlantique de Séville aura, une dernière fois, commandé la conjoncture mondiale. Lorsque, depuis Cádiz, il croît à nouveau au xviiie siècle, il est simplement le reflet de l’atmosphère d’un siècle, dont il n’est plus qu’une composante médiocre entre plusieurs. Sa croissance, motrice, hier, est subie aujourd’hui.

  • 28 Cf. ci-dessus p. 338-393, 887-919.

44Une des causes, entre toutes celles possibles qu’on a déjà retenues28 (, composantes d’un complexe explicatif approximatif du passage de la phase A mondiale à la phase B, du xvie au xviie siècle, nous paraît donc constituée par la destruction du complexe Atlantique de Séville et par son non-remplacement par une puissance une, comparable. Tel est le centre du problème : une décroissance caricature de la tendance d’un siècle et qui va, ici, jusqu’à la destruction.

45C’est cette décroissance qu’il faut, d’abord, délimiter.

LES MOUVEMENTS EN VOLUME

46La première approche qu’il faut réaliser, d’abord, de cette décroissance est celle de la pente descendante des principaux groupes du mouvement en volume.

47Quelles que soient les séries choisies, le recul en trente ans est toujours de l’ordre d’au moins 50 %. Le découpage le plus élémentaire, cinq ans par cinq ans, le fait apparaître, tant en unités qu’en tonnage, pour les globaux Allers, Retours et Allers et retours.

1. Tonnage

  • 29 Cf. t. VI1, table 139, p. 337 ; t. VII, p. 45.
  • 30 Cf. t. VI1, table 129, p. 327.
  • 31 Cf. t. VI1, table 143, p. 341 ; t. VII, p. 45.
  • 32 Cf. t. VI1, tables 139 et 143, p. 337 et 341.

48En toneladas non pondérées, par exemple, la comparaison des demi-décades 1606-1610, d’une part, 1646-1650, d’autre part29 (montre un recul qui excède largement 50 % en quarante ans, de 127 200 toneladas à 60 050 toneladas à l’Aller, de 100 767 toneladas à 50 230 toneladas au Retour et de 227 967 toneladas à 110 280 toneladas en Allers et retours. Si on fait intervenir la pondération30 (et si on substitue aux chiffres en toneladas leur équivalence vraisemblable, selon nous, en tonneaux de jauge commercialement utiles, on arrive, sur quarante ans, à des pourcentages de décroissance de l’ordre de 60 % (de 152 640 à 66 050 tonneaux à l’Aller, de 120 920,4 tonneaux à 55 253 tonneaux au Retour, de 273 560,4 tonneaux à 121 308 tonneaux en Allers et retours)31. Sur trente ans, si la contraction reste, en toneladas non pondérées, légèrement inférieure à 50 %, elle continue ou dépasse largement les 50 %, compte tenu de la pondération32. De 1616-1620 à 1645-1650, en effet, le recul est, respectivement, de 114 172,5 à 60 050 toneladas (en Allers), de 92 673 à 50 230 toneladas (en Retours), de 206 845,5 à 110 280 toneladas, en tonneaux pondérés, par contre le repli est de l’ordre de 137 007 à 66 055, de 111 207,6 à 55 253, de 248 214,6 à 121 308 tonneaux.

  • 33 Cf. t. VI1, table 139, p. 337.

49L’importance du recul est, en partie, masquée par la croissance du tonnage unitaire. En effet, le repli, si on ne tient compte que du nombre des navires33 impliqués dans le trafic, dépasse de beaucoup les 50 % par rapport au sommet du mouvement unitaire (612 unités à l’Aller, de 1591 à 1595 ; 38 bateaux au Retour de 1606 à 1610 ; 965 unités en Allers et retours, de 1606 à 1610, 199 navires, à l’Aller, en 1641-1645, seulement, 157 navires au Retour, en 1641-1645 et en 1646-1650, 356 et 366 en Allers et retours, en 1641-1645 et en 1646-1650), il dépasse largement 60 % et avoisine, pratiquement, les deux tiers.

  • 34 Cf. t. VI1, table 143, p. 341.

50Si on veut apprécier, d’une manière plus concrète encore, l’ampleur de la déroute, il suffit de chercher à quelle partie de la phase ascendante correspondent les niveaux des demi-décades 1641-1645, 1646-1650. En tonneaux pondérés34, le niveau de 1641-1645, à l’Aller (62 185,2), est inférieur à 1566-1570 (64 023,2). La pente décroissante, au-delà de 1610, a été légèrement plus rapide, ici, que la pente croissante de 1566-1570 à 1606-1610. En Retours, la chute est un peu moins rapide, car 1646-1650 (55 253 tonneaux) est intermédiaire entre 1566-1570 et 1571-1575, plus proche du second terme (59 339,35 tonneaux, 1571-1575) que du premier (47 016 tonneaux, 1566-1570). En Allers et retours, la symétrie est parfaite (121 308 tonneaux, en 1646-1650 et 111 039,2 tonneaux et 129 480,5 tonneaux en 1566-1570 et 1571-1575).

  • 35 Cf. t. VI1, table 139, p. 337.

51Pente symétrique, à partir de la demi-décade sommet 1606-1610, grâce à la pondération. Si on l’écartait, par contre, la décroissance serait plus rapide que la croissance, au cours de la seconde phase longue d’expansion du xvie siècle, puisque, pour retrouver, exprimés en toneladas35, des niveaux comparables à ceux de 1641-1645 et 1646-1650, il faut remonter beaucoup plus loin encore.

52En Allers (toneladas), les niveaux de 1641-1645, 1646-1650 (56 532 toneladas, 60 060 toneladas) sont ceux de la grande récession du demi-seizième siècle (59 490 et 46 870 toneladas, 1551-1555 et 1556-1560) ou de la fin de la première phase longue d’expansion (49 738 toneladas et 73 895 toneladas 1541-1545 et 1546-1550). Le mouvement Retours, par contre, reste un peu en retrait, par rapport aux Allers (les Retours faisant volant, lors de la phase descendante du mouvement), les niveaux, de 1631 à 1650 (55 344, 52 796, 58 467, 50 230 toneladas), sont intermédiaires entre ceux de 1561-1565 et 1566-1570 (48 460 et 59 895 toneladas), égaux à celui du terme de la première phase longue d’expansion 1546-1550 (53 385 toneladas).

53En Allers et retours, les niveaux des demi-décades 1641-1645 et 1646-1650 (114 999 et 110 280 toneladas) se rapprochent de ceux de la grande récession du demi-seizième siècle (107 316 toneladas en 1551-1555, 90 310 toneladas, en 1556-1560, 116 065 toneladas entre 1561 et 1565) ils sont inférieurs, par contre, au sommet de la première phase longue d’expansion (127 280 toneladas, entre 1546 et 1550, 87 578 toneladas, entre 1541 et 1545).

  • 36 Cf. t. VI1, table 13, p. 168.

54Tout cela, malgré le prodigieux gonflement en un siècle du tonnage unitaire moyen36 des navires.

2. Mouvement unitaire

  • 37 Cf. t. VI1, table 139, p. 337 et t. VII, p. 73.

55En effet, la niveau des départs, en Allers, de 1641-1645 et 1646-1650 (199 navires et 209 navires sur les séries du tonnage unitaire) est comparable à celui du tout début37 ; 139 unités et 139 unités de 1506 à 1510 et de 1511-1515, 277 navires et 227 navires de 1516 à 1520 et de 1521 à 1525. En Retours, les 157 unités, de 1641 à 1645 et de 1646 à 1650, sont dépassées par les 165 navires de 1516 à 1520, non par les 119 navires de 1521 à 1525, mais par les 167 unités, par contre, de 1526 à 1530. Les 356 et 366 unités, de 1641-1645 et 1646-1650, en Allers et retours, sont presque égalées par les 346 unités, de 1521 à 1525, mais elles avaient déjà été largement dépassées par les 442 navires de 1516-1520. Le mouvement unitaire, vers la fin, à la hauteur des années 40 du xviie siècle, nous ramène aux niveaux du tout premier xvie siècle, 120 à 130 ans plus tôt. Or, ces égalités sont même, dans une certaine mesure, de fausses égalités qui handicapent artificiellement les premières décades du xvie siècle, au profit des années 40 du xviie siècle. En effet, le mouvement est beaucoup mieux, beaucoup plus sûrement et beaucoup plus complètement saisi au xviie siècle qu’il ne l’est au début du xvie siècle, ne serait-ce qu’en raison des expéditions de découverte et de peuplement qui constituent un problème incomplètement résolu. On peut donc affirmer, sans crainte, que le nombre des navires, qui circulent entre l’Espagne du Sud et l’Amérique au milieu du xviie siècle, n’est pas plus élevé que celui qui a circulé, dans les mêmes conditions, lors des deux premières décades du xvie siècle. La différence essentielle réside dans leur taille, mais ce correctif même pris en considération, il n’en reste pas moins que les niveaux volumétriques, que le volume utile mis effectivement au service des échanges, au cours des années 40 du xviie siècle, n’excède pas celui dont la Carrera disposait, un siècle plus tôt.

3. Moyennes mobiles

  • 38 Cf. t. VI1, tables 144 à 158, p. 342-355.
  • 39 Toutes les moyennes mobiles que nous publions dans notre tome VI1 sont des moyenne-médianes, préfér (...)

56On possède, certainement, des moyens plus efficaces pour mesurer une tell décrue : les moyennes mobiles, par exemple38 Il ne faut pas hésiter à préférer, ici, les moyennes arrière aux moyennes médianes39. Il est facile de constater que la méthode corrobore pleinement ce que l’on avait déduit précédemment. Dans l’ensemble, selon que l’on accepte, ou non, notre système de pondération, on observera que les niveaux des moyennes mobiles au cours des dernière années retenues, 1648, 1649, 1650, sont équivalents aux niveaux du début de la seconde phase longue d’expansion entre 1575 et 1580 (unités pondérées), soit, compte non tenu de la pondération à la fin de la première phase longue d’expansion.

57D’une manière comme d’une autre, il faut observer qu’entre 1620 et 1650, en gros, la pente décroissante est, au moins, aussi rapide qu’elle ne l’était, croissante, de 1560 à 1590.

58Or, là encore, cette apparente égalité est une fausse égalité. Les décroissances sont, dans toute l’économie moderne, beaucoup plus rares que les croissances, qui plus est, les choses sont patentes, dans le domaine des prix, déjà, mais à combien plus forte raison dans le domaine des indices d’activité, ce que nous appelons décroissances sur les indices d’activité ne sont le plus souvent que des arrêts, voire de simples ralentissements dans la croissance. Dans ces conditions, la décroissance que nous délimitons ici, dans l’Atlantique de Séville est véritablement exorbitante et paradoxale. Infiniment plus significative, encore, que la croissance de l’Atlantique du xvie siècle.

4. Portée de la décroissance

59On comprend ce qu’a dû représenter pour l’ensemble de l’économie européenne au sens le plus large, en Europe et hors d’Europe, cet extraordinaire retournement. D’autant plus qu’au xvie siècle, l’Atlantique de Séville avait vraiment entraîné toute l’économie d’échanges dans une extraordinaire ascension. Ce qui faisait la force de la Carrera, c’était, à n’en point douter, sa puissance de choc en un point, à un moment déterminé, la masse de manœuvre dont elle disposait. Même si, très tôt, dans la deuxième moitié du xviie siècle, la niasse globale, sinon tout de suite, la valeur globale des échanges Europe/Afrique/Amérique égale puis dépasse largement ce qu’elle était à la fin du xvie siècle et au début du xviie siècle, les échanges à long rayon d’action Europe-Amérique n’auront pas joué de tout le xviie siècle le rôle qu’ils avaient joué lors du siècle précédent. En raison du caractère diffus que prend, désormais, l’entreprise. Si l’on pouvait risquer une image empruntée à la physique la plus élémentaire, on pourrait dire que le morcellement et la pulvérisation des échanges du vieil Atlantique s’est fait, selon le principe de la conservation, certes, mais de la dégradation, aussi, de l’énergie.

60Et c’est ainsi que par son auto-destruction, qu’en raison de sa propre usure le vieil Atlantique de Séville a réussi à influencer, plus sûrement et plus totalement, encore, qu’il ne l’avait fait, auparavant au cours de l’ère de croissance, toute la conjoncture de la décroissance. En cessant d’entraîner derrière lui l’économie d’échanges européenne, l’Atlantique de Séville, en se brisant, a brisé une ascension victorieuse qu’elle conditionnait en partie. Jusqu’au jour où d’autres économies pilotes..., mais, nécessairement, beaucoup plus tard, viendront prendre la relève en tête du mouvement. Le passage dans toute l’Europe, à partir des années 20, ici, à partir des années 30, là-bas, d’une phase A à une phase B, c’est, peut-être, tout simplement, le résultat d’une défaillance d’une économie pilote suffisamment concentrée, suffisamment dure pour provoquer par son mouvement toutes sortes de déséquilibres, celle, en l’occurrence, du plus vieil Atlantique de Séville. Ces ruptures d’économies pilotes non immédiatement substituables, n’est-ce pas moins la cause que simplement un signe de changement de conjoncture longue ?

LES MOUVEMENTS EN VALEUR

  • 40 Cf. t. VI1, tables 228-229, p. 474.

61Cette rupture de pente des volumes est d’autant plus significative qu’elle se double également, semble-t-il, d’une rupture des valeurs. Autant qu’on en puisse juger à travers un système d’impôts ad valorem de plus en plus en débandade40 le mouvement-valeur a continué son ascension unitaire relative au-delà des crises de 1609-1613 et de 1619-1623. Mais alors que, sur le plateau descendant des volumes, l’enrichissement unitaire des cargaisons suffit à compenser la baisse quantitative, il n’y parvient plus au-delà. Il semble même qu’à partir de 1640, vraisemblablement, à partir de 1645, sûrement, la décroissance des valeurs est plus rapide, encore, que celle des volumes. Si l’indication que contiennent des séries extraites des impôts ad valorem est valable, la symétrie de la décroissance serait donc parfaite à partir de 1640. Jusqu’ici, en effet, seuls les volumes répondaient exactement au principe de symétrie. La pente décroissante étant la symétrique exacte de la pente croissante de la seconde phase longue d’expansion du second xvie siècle. A partir de 1640, il semble que l’on puisse parler d’une certaine décroissance de la valeur unitaire des marchandises exportées, la symétrie est alors totale, puisqu’elle paraît affecter les volumes globaux, les valeurs totales et les valeurs unitaires des échanges.

62A cela, il convient d’ajouter, évidemment, quelques réserves, la désorganisation « exponentielle » des impôts ad valorem et, par conséquent, des bases mêmes de notre approche du mouvement-valeur fait peser des doutes sur l’apparente décroissance des séries. Cette décroissance n’est pas uniquement imputable à un quelconque fléchissement et à une modification dans un sens contraire à celui de près de cent trente ans d’histoire antérieure, de la nature des cargaisons, il est, certainement, pour beaucoup sinon pour l’essentiel, la conséquence des modifications des modalités de l'ad valorem. Dans quelle mesure chaque facteur (recul effectif de la valeur unitaire des cargaisons et dégradation rapide du système fiscal) intervient-il ? Il n’est pas facile de le définir a priori et l’on manque d’indices décisifs pour trancher. La marge de décroissance après 1645, toutefois, est telle qu’on ne peut pratiquement pas se passer d’une des deux hypothèses. Seule, la conjonction des deux causes est susceptible d’en rendre compte mais dans des proportions respectives qu’il n’est pas possible de déterminer.

63Le principe de symétrie, qui s’applique si parfaitement aux volumes, s’applique donc, au même titre, aux valeurs.

III. — CARACTÉRISTIQUES DE LA PÉRIODE

64La décroissance n’est pas la seule caractéristique de cette période au cours de laquelle la Carrière des Indes se défait. La décroissance ne s’effectue pas sur tous les éléments du mouvement au même rythme, elle s’accompagne, en outre, de graves ruptures d’équilibre.

LES VENTILATIONS AU DÉPART DU COMPLEXE

65L’ampleur de la décroissance se trouve renforcée par un examen attentif de la ventilation du trafic au départ du complexe.

1. Le recul de Séville

66Au départ, à l’intérieur du complexe portuaire, les éléments traditionnellement les plus lourds, ceux qui, on peut le supposer, représentent les valeurs les plus sûres, reculent proportionnellement plus vite. Il en va, surtout, ainsi des navires marchands de Séville.

  • 41 Cf. t. VI1, table 184, p. 392-395 et t. VII, p. 64-65.

67La décroissance de la catégorie des navires marchands de Séville41 est beaucoup plus considérable. Le point haut se situe ici, plus tôt que sur l’ensemble du mouvement. On est en présence, en fait, d’un plateau concave encadré par les demi-décades 1581-1585 (257 unités, 72 875 toneladas) et 1601-1605 (269 unités, 74 165 toneladas). Sur l’expression unitaire du mouvement, le point haut, par contre, se situe, lors de la demi-décade de l'Invincible Armada, de 1586 à 1590, avec 332 navires, mais qui ne représentent guère que 66 152 toneladas, en raison des prélèvements sélectifs de la guerre. Par rapport à de tels termes de référence, les niveaux de 1631 à 1650 sont particulièrement piteux : 160 navires, 148, 125 et 147 navires, 33 563 toneladas, 35 650, 23 357 et 34 806 toneladas. Ceux de 1641-1645, en unités non pondérées, ne représentent guère que 31,4 % du niveau de 1601-1605 et 41,3 % du total des départs de la demi-décade. Entre 1581 et 1585, les navires marchands de Séville totalisaient, par contre, 80,2 % du total des départs au lieu de 41,3 % au cours, on vient de le voir, de la demi-décade 1641-1645. Ce sont là, naturellement, des positions extrêmes. Dans l’ensemble, on peut, toutefois, affirmer que la proportion des navires marchands de Séville qui représentaient entre 60 % et 70 % de l’ensemble au cours de la belle époque de l’apogée du mouvement ne représentent plus guère qu’un peu moins de 50 % du total des départs au cours de la phase B qui suit la crise spectaculaire de 1619-1623.

68Dans la mesure où le tassement, à l’Aller, en tonnage, a été pour l’ensemble du mouvement de l’ordre d’un peu plus de 50 %, pour le seul mouvement longtemps dominant des navires marchands de Séville, le tassement sélectif est de l’ordre de 68,5 %. A l’intérieur de la déroute de la Carrera, il y a une zone de prédilection : Séville.

69De même que par rapport à l’ensemble de l’économie européenne, l’Atlantique de la Carrera a affirmé sa domination lors du renversement de la tendance majeure, en esquissant, par rapport aux hésitations et aux simples freinages à la croissance observés dans d’autres secteurs, une chute exagérée, de même Séville à l’intérieur du complexe par rapport à l’ensemble d’un trafic qu’elle a longtemps commandé.

70A la lueur de ces expériences, le renversement de la tendance apparaîtra donc, d’abord, comme une autodestruction des économies dominantes. Le renversement de la tendance est un phénomène qui affecte les moteurs et les moteurs, de préférence. Les secteurs, simplement, contrariés constituent des secteurs relativement abrités.

71Cet important plan de faille se situe, on l’a vu déjà, un peu après la crise 1619-1623 entre la demi-décade 1621-1625 et la demi-décade 1626-1630. Le couple navires marchands de Séville/Armada est, on le verra, au cours du cycle 1623-1631, particulièrement instructif du passage par un plan de clivage : 52,1 % et 22,3 %, entre 1623 et 1625, telles sont les positions respectives des navires marchands de Séville et des navires d’armada, c’est-à-dire, encore à peu de choses près, les proportions qui avaient été celles de ces deux éléments, lors du cycle précédent, 52,5 et 20,34 % de 1614 à 1622 (54,1 % et 21,9 % de 1614 à 1618, 50,3 % et 18,2 % de 1619 à 1622). De 1626 à 1628, il y a déjà une modification imperceptible de 52,1 % à 50,2 %, de 22,3 % à 27,5 %. Entre 1629 et 1631, lors de la dernière fluctuation primaire du cycle, une situation toute nouvelle, paradoxale, apparaît avec les pourcentages de 37,9 % pour les navires marchands de Séville (20 584 toneladas), 46 % pour les navires d'armada (25 220 toneladas). Cette situation, paradoxale par rapport aux normes de la vieille Carrera, d’un mouvement d'Armada qui arrive pratiquement à égalité avec les navires marchands de Séville est celle de toute la dernière phase longue de contraction. Navires marchands de Séville et navires d'armada représentent respectivement, de 1623 à 1631, 47,2 % et 31,3 %, de 1632 à 1641, 40,2 % et 37,7 %, de 1642 à 1650, 50,4 % et 36,3 %. Au cours de la demi-décade 1641-1645, l’inversion, sur un laps particulièrement long de cinq ans, est réalisée avec 23 357 toneladas pour les navires marchands de Séville d’un côté, 26 575 toneladas pour les navires d'armada de l’autre.

2. La montée des armadas et la lutte de Cadiz

72Cette chute, on vient de le voir, des navires marchands de Séville, est compensée en partie, par la montée des Armadas. Il s’agit, de plus en plus, de deux matériels totalement distincts. A aucun moment, l’opposition n’est aussi nette qu’au cours de la demi-décade de la crise, par excellence, de 1641-1645, celle au cours de laquelle les tendances des structures nouvelles apparaissent le plus clairement. D’un côté, pour les navires marchands de Séville, 125 unités totalisant 23 357 toneladas, soit un tonnage unitaire relativement bas de 186,8 toneladas, de l’autre, pour les armadas, 49 navires seulement, mais quels navires, des monstres qui totalisent 26 575 toneladas. Face donc au tonnage unitaire relativement très faible, comparé à la moyenne, sur près d’un siècle, des navires marchands de Séville (186,8 toneladas, alors que de 1571 à 1580, la même catégorie, par exemple, dépassait largement les 300 toneladas), les navires d'armada nous apparaissent comme des monstres : 542,3 toneladas. En présence d’une telle mutation, les chances d’osmose sont faibles. Navires marchands de Séville et navires d'armada constituent deux catégories antithétiques : les navites d'armada, en raison même de leur taille, se tiennent de plus en plus à l’écart de Séville, inaccessible, dans l’orbite de Cádiz ou, à la rigueur, de San Lúcar.

73Caractéristique sous cet angle de la phase longue de contraction du xviie siècle dans la Carrera, non seulement la montée relative de la catégorie d'armada, au détriment de la catégorie traditionnellement maîtresse des navires marchands de Séville, mais aussi la séparation, de plus en plus nette, entre navires marchands et navires d'armada, dont le matériel s’interpénétrait, jadis, d’une manière inextricable.

74Cette montée, en premier, du mouvement d'armada, que les graphiques montrent d’une manière si éloquente, s’accompagne d’une manière beaucoup moins évidente, de la montée des navires marchands de Cádiz. D’une manière beaucoup moins évidente mais non moins certaine.

  • 42 Cf. t. V, notes aux tableaux.
  • 43 Pour se borner aux rapprochements les plus fructueux, cf. t. VI1, p. 178 et 182.

75Parce qu’une bonne partie du mouvement d'armada est, au moins, aussi bien attribuable à Cádiz qu’il ne l’est au Bas-Guadalquivir. Il y a lente et sournoise translation en faveur des ports en eaux profondes. Parce que, de plus en plus, l’inévitable temps d’arrêt à Cádiz s’allonge et fructifie. Ils sont bien connus, ces temps d’arrêt lourds de transactions, grâce à la correspondance de la Casa de la Contrataeiôn42 L’allongement des temps d’arrêt à Cádiz est superbement prouvé par le rapprochement entre les tables 18 et 19, 20 et 2143 de San Lúcar à la Vera Cruz d’une part, de Cádiz à la Vera Cruz, d’autre part, et de San Lúcar à Nombre de Dios/Puerto Belo d’une part, de Cádiz à Nombre de Dios/Puerto Belo d’autre part). On notera comment l’écart de temps très faible au début ne cesse de s’accroître au fur et à mesure que l’on s’avance en direction et à l’intérieur de la grande dépression. Il est alors proprement monstrueux. L’écart moyen, entendez le temps d’arrêt moyen au port de Cádiz ne finit-il pas, au cours de la demi-décade 1631-1635, par exemple, par atteindre 71 jours (152 jours d’une part, de San Lucar à la Vera Cruz, 81 jours de l’autre, de Cádiz à la Vera Cruz), pour les convois en direction de la Vera Cruz, un peu plus de 68 jours (138 jours d’une part de San Lücar à l’isthme, 69 jours trois quarts de l’autre de Cádiz à l’isthme) pour les convois en direction de Puerto-Belo. Ces temps d’arrêt dans le port de Cádiz représentent, grosso modo, les neuf dixièmes des temps de navigation effective, temps d’escale aux Indes, compris entre la côte européenne et le point de destination mexicaine ou de l’isthme. Ces interminables séjours à Cádiz dans l’attente hypocrite d’un vent qui ne vient pas, sont, en fait, destinés à compléter les cargaisons, très souvent au-delà du raisonnable, plus simplement même, à les constituer. Par ce double biais, Cádiz prend, insensiblement, à l’intérieur même d’un trafic qui ne lui est pas directement imputable, une part croissante, une part qui finit, très certainement, par égaler puis, rapidement, par dépasser la part de Séville.

  • 44 Cf. t. VI, tables 183 et 184, p. 390 et p. 394.

76D’autant plus sûrement que Cádiz, outre la part léonine que son négoce se taille, à l’intérieur d’un négoce qu’on ne songe pas, a priori, à lui attribuer, possède un mouvement propre qui ne va jamais jusqu’à Séville et sur lequel Séville, par définition, ne pourrait songer à se tailler une pièce. Mais ce trafic, proprement caditain44 si on le considérait seul, ne donnerait de la réalité qu’un pâle reflet.

77Pourtant, même par rapport au très mauvais terme de référence du mouvement total au départ, la part des Caditains-marchands purs s’accroît, de 10 à 11 % au sommet du mouvement global à 14,3 % lors de la demi-décade terminale de 1646 à 1650. Mais c’est surtout, reporté, non plus aux globaux suspects (parce que gonflés de l’énorme mouvement d’armada, d’armadas qui penchent, de plus en plus, on a vu comment, en direction de Cádiz), mais reporté aux navires-marchands de Séville, que le mouvement des navires marchands de Cádiz prend son véritable relief.

  • 45 Cette proportion 24,2 % trahit Cádiz, car si les navires de la rubrique caditaine sont à 100 % cadi (...)

78Lors du sommet du mouvement, la part des marchands de Cádiz restait, officiellement, du moins, très faible par rapport à l’ensemble des navires marchands de Séville : 6 630 toneladas contre 72 875 toneladas, de 1581 à 1585, soit à peine 9 % ; elle était allée progressivement en croissant : 14 %, de 1601 à 1605 (avec 10 540 toneladas contre 74 165 toneladas de 1601 à 1605), 21,7 % de 1606 à 1610 (12 470 toneladas contre 57 607 toneladas). Pour l’ensemble 1626-1650, par contre, postérieurement à la grande crise de structures des années 1619-1623 et qui correspond assez bien à une définition raisonnable de la phase longue de décroissance, à l’intérieur de ce qui est encore, plus pour longtemps, le plus vieil Atlantique de l’Andalousie, la part des navires-marchands caditains par rapport aux marchands officiellement sévillans, mais en fait partiellement déjà caditains45, s’élève, pratiquement, au quart, 24,2 % environ (41 989 toneladas contre 173 612 toneladas).

79Cette comparaison va plus loin encore, qu’il n’apparaît d’abord. En effet, les 173 612 toneladas des navires-marchands de Séville représentent 741 unités, les 41 989 toneladas de Cádiz, 112 navires seulement, il y a donc, à partir de la phase longue de contraction, entre le matériel marchand de Séville et celui marchand de Cádiz, une différence qui n’est pas sans rappeler celle qui oppose les navires marchands de Séville au matériel d’armada. De 1626 à 1630, le tonnage unitaire moyen des navires de Séville s’élève à 234,3 toneladas, celui de Cádiz, à 374,9 toneladas, le tonnage unitaire moyen des navires d’armada s’élève, par contre, dans le même laps de temps à 508,7 toneladas (281 navires pour 143 015 toneladas). Face aux navires marchands de Séville dont le tonnage est stoppé, ou a tendance à décroître, le matériel des armadas — à composante, de plus en plus caditaine — fait bloc avec celui de Cádiz. C’est la famille désormais dominante des très gros navires. Il faudra, pour tenter une interprétation de ces structures nouvelles, tenir compte, au premier chef, de ces disparités du tonnage unitaire.

3. La disparition des marginaux

80Face à la croissance relative des navires d'armada et des navires marchands de Cádiz — il vaudrait mieux dire, face à une moindre décroissance sur l’axe combiné des Caditains et des armadas — il faut placer l’effondrement et la disparition officielle des anciens « marginaux », Canariens et négriers.

  • 46 Cf. t. VI1, tables 183 et 184, p. 392 et p. 396.

81On assiste, en effet, sur l’ensemble du quart de siècle de la phase B du trafic, de 1626 à 1650, à un laminage qui confine à la disparition complète des Canariens et des négriers46 qui ne sont plus représentés que par des chiffres infimes, 21 navires et 1 758 toneladas pour la catégorie canarienne, 212 navires et 27 037 toneladas pour les négriers, soit, au total, pour l’ensemble canariens-négriers, 233 navires et 28 795 toneladas, contre un ensemble au départ de 1366 navires et 397 596 toneladas, soit respectivement, seulement, 17,05 °/0 du mouvement unitaire et 7,25 % du mouvement en tonnage, avec un tonnage unitaire de 123,15 toneladas contre une moyenne générale des départs de 291,06 toneladas.

82Ce laminage est d’autant plus important qu’il est progressif. Canariens et négriers représentaient encore, au cours de la première fluctuation cyclique de 1623 à 1631 de la grande dépression, en tonnage, respectivement, 1,4 % et 9,5 %, soit au total 10,9 % du mouvement Allers, au cours de la seconde fluctuation cyclique (1632-1641), les Canaries ont à peu près totalement disparu, 0,1 %, les négriers ont crû, par contre, relativement du moins, 12,8 %, soit au total, 12,9 % pour les marginaux. De 1642 à 1650, par contre, lors de la dernière fluctuation cyclique de la dernière phase longue de décroissance, les Canaries représentent 0,5 % du tonnage et les négriers disparaissent, soit au total 0,5 % seulement. Lors de la dernière demi-décade 1646-1650, la disparition est complète. On ne voit plus apparaître, de Séville, dans les comptes de la Casa de la Contratación, aucune rubrique spéciale pour les Canariens et les négriers.

83L’élimination officielle, progressive des « marginaux » Canariens et négriers constitue, sans conteste, un des éléments « structuraux » de la décroissance.

84Il importe de ne pas faire, sur cette élimination, quelques contresens tentants... Élimination officielle ne signifie pas, pour autant, élimination effective. Le premier contresens consistant, ainsi, à surestimer la valeur de l’indication, le second consisterait, par contre, à la sous-estimer et à nier la réalité du ralentissement des départs canariens et des départs négriers, en direction du Nouveau Monde. Entre la tendance à l’élimination totale que tendraient à impliquer les sources officielles et la tentation hypercritique qu’on peut avoir, en raison de la poussée de contrebande que ces mesures maladroites ont suscitée, la vérité se tient, sans doute, sur une voie moyenne, celle, en l’occurrence, d’un repli considérable.

85Élimination officielle totale, élimination effective partielle, telle est la situation des « marginaux » canariens et négriers, lors de la phase longue finale de décroissance.

86Quelle signification accorder à ces faits ?

87Le premier point incontestable : cette élimination officielle traduit un état d’extrême tension, à l’intérieur de la Carrera. Cette tension — on l’a vu se développer au cours des phases d’expansion antérieures, à chaque moment de difficultés conjoncturelles, on l’a vu s’accroître, au cours des années de plus en plus difficiles de la phase médiane du plateau central et des hésitations — atteindra son paroxysme au cours de la première fluctuation cyclique de la grande phase descendante, de 1623 à 1631. Elle finira par aboutir à l’élimination que l’on sait. Séville, impuissante contre le danger, qui monte de Câdiz, aura réussi à éliminer, avec l’aide indirecte de Câdiz, officiellement, du moins, son vieil adversaire canarien.

88Cette situation traduit encore bien autre chose. Elle montre, notamment, que Séville perd son rôle de direction au sein de l’Atlantique. L’élimination officielle des marginaux est, en partie, une fausse élimination. Elle implique, entre autres, que la Carrera renonce à desservir une série de secteurs de l’économie et de l’espace indiens qu’elle desservait, jadis, par le canal du trafic officiel. La piètre victoire que Séville a remportée, au prix de quels efforts, on l’a vu à travers les notes du tome V, dans la mesure où la correspondance de la Casa de la Contratación est une bonne source d’atmosphère, est, aussi, l’aveu tangible d’une faillite : l’acceptation implicite qu’il y aura, désormais, d’autres Atlantiques plus frustes, plus rudes, plus dynamiques qui seront aptes à assurer des trafics et des échanges qui ne sont pas ou qui ne sont plus rentables pour le vieil Atlantique, longtemps dominant mais désormais décadent, de Séville.

89Mais les tendances qui apparaissent au sein du complexe portuaire révèlent, encore, un autre aspect de cette phase longue de la décroissance : la chute des négriers — dans la mesure où la vérité officielle calque, quand même, quelque chose de très loin de la réalité objective — est un élément clef de la compréhension de cette phase de contraction : elle implique, en effet, de la part de l’économie coloniale une tendance au ralentissement de l’investissement, si on admet, ce qui est l’évidence, que le négoce constitue, le meilleur réactif possible d’une politique d’investissement de l’économie coloniale des Indes.

LA RÉPARTITION DU TRAFIC AUX INDES

  • 47 Cf. t. VI1, tables 167, 170, 173 et 174-175-176, p. 366, 369, 372, 373, 374, 375 et t. VII, p. 64-6 (...)

90Mais il y a d’autres transformations, encore, de très grande importance qui marquent l’Atlantique espagnol de la décroissance, les ruptures d’équilibre qui se produisent dans la ventilation entre les grands espaces géographiques aux Indes47

1. Rupture nouvelle espagnole

91Le fait dominant est constitué par l’effondrement du trafic en direction de la Nouvelle Espagne.

  • 48 Cf. ci-dessus p. 1546-1552.

92A la différence des modifications que l’on a observées tout à l’heure48 et qui n’apparaissaient clairement que bien au-delà de la crise de structures des années 1619-1623, celle-ci est immédiatement perceptible, elle se dessine clairement tout au long des années 20. La Nouvelle Espagne, qui représentait plus de la moitié des départs au cours de la décade 1611-1620, ne dépasse guère le quart du total, — d’un total brutalement réduit, pourtant, de 1626 à 1630 : de 53,81 et 51,20 % à 28,58 % en passant par 43,19 %. L’effondrement de la Nouvelle Espagne dépasse très largement, en amplitude, l’effondrement des globaux, puisque l’on passe de 51 329 toneladas, le point haut du mouvement (1606-1610) à 17 254 toneladas (1641-1645), soit une chute vertigineuse de l’ordre de plus de 71,8 %. Pour trouver, en direction de la Nouvelle Espagne, des chiffres aussi bas que ceux de la demi-décade, par excellence, de la dépression, la demi-décade de 1641 à 1645, il faut remonter très haut dans le temps, jusqu’à la récession intercyclique du demi xvie siècle (1556-1560 et 1551-1555).

93En 1641-1645, les départs en direction de la Nouvelle Espagne ne représentent plus tout à fait la moitié des départs en direction de la Terre Ferme : 17 254 toneladas, 30,52 % des totaux contre 35 188 toneladas, 62,24 % de l’ensemble, soit à peine plus de 48 % des départs vers la Terre Ferme. On évoque alors les 53 878 toneladas (59,27 %), 54 664 toneladas et 58 463 toneladas (53,81 % et 51, 20 %) des demi-décades 1581-1585, 1611-1615 et 1616-1620 face aux 30 983 toneladas (34,08 %), 33 485 toneladas et 41 156 toneladas (32,96 et 36,04 %) des départs vers la Terre Ferme dans les demi-décades correspondantes. La Nouvelle Espagne en position principale de 1571 à 1585..., en position dominante de 1596 à 1620..., s’effondre, et s’efface loin derrière la Terre Ferme. La moyenne des départs en direction de la Nouvelle Espagne, tout au long de la grande dépression, ne représente plus guère que 60 à 65 % du total des départs en direction de la Terre Ferme.

2. Une Terre Ferme contratendancielle

94La Terre Ferme, dans le même temps, atteint, en importance relative, des niveaux qu’elle n’avait jamais égalés, au cours du cycle royal de l’argent, ni même au cours de la récession du demi xvie siècle, entendez les périodes où la Terre Ferme domine de la manière la plus caractérisée.

95La reprise de la Terre Ferme commence, juste après la grande crise de structures 1619-1623, par se manifester non seulement en position relative, mais en valeurs absolues. Entre 1586 et 1630, les départs en direction de la Terre Ferme formant un plateau constitué par deux concavités accolées, dont les arêtes sont marquées par les demi-décades 1586-1590, 1601-1605 et 1606-1610, au centre, 1626-1630. Entre 1626 et 1630, en pleine déroute déjà du mouvement global, les départs en direction de la Terre Ferme égalisent, pratiquement, leur précédent record (55 813 toneladas, au lieu de 57 323 toneladas entre 1586 et 1590). Ce qui représente, par rapport au fond de la concavité (33485 toneladas entre 1611 et 1615) une remarquable reprise, d’autant plus surprenante qu’elle s’établit à contre-courant, et qu’elle est de l’ordre de 66,7 %.

96C’est au-delà de 1630, seulement, que la Terre Ferme est entraînée par la vague de la dépression. Mais, — résultat paradoxal — la dépression, concernant cette direction, est extrêmement atténuée, comparée au terme de référence raisonnable de la décade 1611-1620. Le niveau, par exemple, de 1641-1645 — la demi-décade, pourtant, de toutes les catastrophes — en direction de la Terre Ferme, avec 35 188 toneladas, excède de 5 % environ celui de 1611-1615 (33 485 toneladas), et le niveau de 1646-1650, avec ses 28 907 toneladas, n’est pas radicalement différent des 33 485 toneladas et 41 156 toneladas de la décade 1611-1620.

3. Explications et hypothèses : Terre Ferme et Armada

  • 49 Cf. t. VI1, table 129, p. 372 et t. I, p. 145 sq.

97Le comportement contratendanciel de la Terre Ferme s’explique, en partie, mais en partie seulement, par le gonflement des séries d'armada. Les navires d'armada, en effet, ne sont que partiellement annexables aux échanges. Commerçants, ils le sont tous, mais dans des proportions très variables, suivant les époques. Au plus fort de la guerre, certaines armadas ont été contraintes, semble-t-il, à respecter plus scrupuleusement leur fonction militaire. C’est même une des raisons pour lesquelles nous avons modifié à partir de 1631 et 1641, les taux de pondération49 qui permettent, selon nous, la conversion des chiffres du mouvement global exprimée en toneladas, ou tonneaux de jauge actuels.

  • 50 Cf. t. VI1, table 179, p. 373 et table 184, p. 392 et 395.

98Or, le mouvement en direction de la Terre Ferme est Constitué, dans une proposition considérable, en moyenne, pour plus de 75 %, par des navires d'armada50. Pourquoi le Roi continue-t-il à faire porter la quasi-totalité de son effort défensif au profit de la Terre Ferme ? En raison, sans doute, d’une à faire vitesse acquise. En raison de la position géopolitique ou, plus simplement, stratégique de la Terre Ferme. La Vera Cruz, au fond du golfe du Mexique, protégée par les écrans des archipels antillais, est plus difficilement sensible Elle est virtuellement hors d’atteinte d’une escadre qui ne se serait auparavant assuré de solides points d’appui, soit en Terre Ferme, soit dans les grandes Antilles prochaines (d’où l’importance, plus tard, de la Jamaïque et ; de la partie française de Saint-Domingue). L’Armada de la Guardia et, derrière elle, presque toutes les armadas royales extraordinaires ne couvrent elles pas, à l’Aller, la Terre Ferme, au Retour, Cuba et la chaîne des grande-Antilles ?... Matanzas est un échec... prémonitoire. Toutes ces raisons, vraies, à la fin de la phase de contraction du xviie siècle, comme elles l’étaient, trente ou (implante ans plus tôt, expliquent, pour l’essentiel, la polarisation du mouvement d'armada sur la Terre Ferme.

99Cette polarisation retire-t-elle toute signification économique au niveau relatif élevé des départs vers la Terre Ferme ? Elle diminue, certainement, la portée des chiffres, dans une proportion qu’il n’est pas commode de préciser (10. 20 % à retirer, peut-être, pour avoir des niveaux vraiment comparables a ceux de la Nouvelle Espagne ?...), mais pas totalement. Loin de là.

  • 51 Cf. Notes aux tableaux, t. IV et V et ci-dessus p. 867-869 et 1554.

100Pour deux raisons, au moins. Même au plus fort de la lutte, les armadas royales elles-mêmes, sans parler de l'Armada de la Guardia annexée depuis longtemps au trafic, transportent de fortes quantités de marchandises51 Si la Couronne, poussée par la Casa de la Contratacion et les intérêts qu'elle représente, malgré quelques hésitations, sans lendemain, aux moments pleins de fausses euphories politiques et militaires, qui suivirent la conclusion de la Trêve de Douze Ans, continue à faire porter son effort en direction de la Terre Ferme, c’est, selon toute vraisemblance, un peu aussi, parce que la Terre Ferme constitue un secteur très important — le plus important de l’empire espagnol.

4. Explications et hypothèses : le gonflement relatif de la Terre Ferme, un problème de rentabilité différentielle

101Tout cela incite à penser que le gonflement relatif des séries de la Terre Ferme malgré la participation d’une plus forte proportion de navires d'armada, correspond à une réalité économique profonde.

  • 52 F. J. Hamilton, 1501-1650, op. c'a., p. 43.

102On en a une autre preuve dans l’origine des trésors importés à Séville52 On peut d’autant plus faire fond sur cette source, qu’elle est absolument sûre. En effet, si la marge entre trésors officiellement enregistrés à Séville et totalité des trésors effectivement exportés d’Amérique tend à s’accroître, on a aucune raison de penser que la fraude à l’importation a été plus grande sur une provenance que sur l’autre. Si les totaux sont discutables, les répartitions géographiques sont hors de cause ; établies sur les trésors officiellement enregistrés, elles n’en sont pas moins valables, à très peu de choses près, sur l’ensemble des trésors effectivement exportés.

  • 53 Par rapport à l’ensemble trésor d’Amérique Nouvelle Espagne-Terre Ferme.

103Pendant toute la période, qui va de la demi-décade 1581-1585 jusqu’à la demi-décade 1621-1625 — elle correspond, assez grossièrement, à un secteur nouvel-espagnol dominant sur l’expression volumétrique du trafic — les proportions respectives des secteurs Nouvelle Espagne et Terre Ferme53 sont remarquablement constantes, elles oscillent entre 40 % (N.E.) et 60 % (T.F.) en 1586-1590 et 1621-1625, d’une part et 32 % (N.E.) et 68 % (T.F.) en 1591-1595. En moyenne, le rapport est, sur quarante ans, de 36 % pour la Nouvelle Espagne et 64 % pour la Terre Ferme. Positions, apparemment paradoxales, puisque nous sommes dans un secteur, quantitativement, sur les séries volumétriques du trafic de Nouvelle Espagne dominante ; elles confirment la disparité des valeurs observées, par ailleurs, elles prouvent que l’économie coloniale de la Nouvelle Espagne est moins exclusivement centrée sur le secteur de la production minière que l’économie du Pérou, d’un Pérou moteur de l’ensemble de la Terre Ferme.

104Au moment où, sur les séries volumétriques, la Terre Ferme se tient sagement en deuxième position, assez loin derrière une Nouvelle Espagne en flèche, elle n’en exporte pas moins 64 % du métal monétaire que l’Amérique exporte en direction de l’Europe, contre 36 %, seulement, pour la Nouvelle Espagne. Qu’en adviendra-t-il, lorsque, même sur le plan volumétrique, la Nouvelle Espagne aura dû céder son rôle pilote ? On ne sera pas déçu par les provenances des trésors. De 1621-1625 à 1626-1630 — c’est entre ces deux demi-décades, on l’a vu, que toutes les séries prennent leur virage décisif — la part de la Terre Ferme sur la courbe des importations officielles des trésors en Espagne passe de 60 % à un peu plus de 79 %, celle de la Nouvelle Espagne, de 40 % à un peu moins de 21 %.

  • 54 Cf. t. VI1, table 174, p. 373.

105Cette brutale variation correspond à des mutations quantitatives très importantes dans la production des mines. Pour la Terre Ferme, cette mutation représente un gain, de 16,2 millions de pesos à 19,5 millions de pesos. Ce gain est plus considérable, encore, sur les volumes des exportations54 de 40 155 toneladas à 55 813 toneladas. Pour la Nouvelle Espagne, il s’agit d’un véritable effondrement, de 10,8 millions à 5 millions de pesos, environ : la réduction est de l’ordre de plus de 50 %. Covariation troublante : au départ du complexe, sur les volumes en direction de la Nouvelle Espagne, on retrouve un décrochement presque comparable, à peine atténué, de 44 771 toneladas à 29 903 toneladas.

106Aussi — première conclusion — le décrochement des structures de l’argent, correspond, entre 1621-1625 et 1626-1630, avec une similitude frappante, au décrochement le plus important des structures du trafic. En outre — et ce sera la seconde conclusion — autant qu’on puisse l’entrevoir à travers ces données, la reprise relative de la Terre Ferme n’est pas seulement un retard sur le processus de la décroissance, elle est aussi une reprise absolue, en soi, sans lendemain, il est vrai. Peut-être convient-il de ne pas attribuer au fait une excessive importance. Il n’empêche qu’à long terme, moins brutalement mais tout aussi sûrement, la Terre Ferme/Pérou est entraînée dans l’évolution descendante de l’économie coloniale de l’Atlantique de Séville. Peut-être, ne s’agit-il, à la limite, que d’un simple décalage et d’un phénomène de récupération ? La Terre Ferme avait été abandonnée, un peu facilement, par le négoce du Monopole, quand se présentèrent, à l’aube des années 90 du xvie siècle, les premières difficultés graves, parce que la Nouvelle Espagne, avec des possibilités de plus grande rentabilité, offrait des tentations capables de détourner de la Terre Ferme la masse limitée du commerce de Séville.

107C’est au milieu des années 20 du xviie siècle que se produit la grande et l’irréversible crise de la Nouvelle Espagne. Il a suffi que pendant quelques années les possibilités offertes par le négoce en Nouvelle Espagne décroissent plus vite que les possibilités globales du négoce de Séville, pour que s’opère, même à contre courant, en faveur de la Terre Ferme, un transfert comparable à celui dont avait bénéficié la Nouvelle Espagne, trente ans plus tôt. Ce schéma n’exclut pas — il est vrai — l’intervention de facteurs secondaires qui nous échappent présentement et que des études locales plus poussées dégageraient, peut-être, quoi qu’il en soit, il rejette sur la Nouvelle Espagne, la responsabilité essentielle de la crise.

5. La crise de la Nouvelle Espagne

  • 55 Cf. t. VI1, table 174, p. 373.
  • 56 Cf. t. VI1, table 490, p. 657.
  • 57 Les Philippines et le Pacifique des Ibériques, op. cit.

108C’est en Nouvelle Espagne, sans aucun doute possible, que se situe, le primum mobile de cette grave crise de rupture qui va entraîner, dans les implications presque infinies d’une immense réaction en chaîne, le trafic de la Carrera et, par delà le trafic de la Carrera, toute l’économie européenne et plus-grande européenne. C’est bien, au premier chef, la Nouvelle Espagne qu’il faut mettre en cause : on en a la preuve dans la simultanéité des comportements des plus grands trafics, celui de la Vera Cruz et celui d’Acapulco. Non seulement l’ensemble des exportations du complexe portuaire andalou-canarien décroît, en dix ans, de cinquante pour cent (pour l’ensemble de la Nouvelle Espagne55, le total des départs passe de 58 463 toneladas dans la demi-décade 1616-1620 à 29 903 toneladas dans la demi-décade 1626-1630 ; pour le seul port clef de la Vera Cruz, 56dans le même cadre chronologique, la chute beaucoup plus profonde et probante de 247 unités à 71 navires, de 52 056 à 22 080 toneladas), mais les mouvements57 qui relient dans le Pacifique par Acapulco et Manille, l’Amérique espagnole à l’Extrême-Orient, exprimés en valeur tels qu’on les entrevoit par le biais des impôts ad valorem, perçus à Manille, au premier chef et à Acapulco, en seconde position, subissent dans le même laps de temps une chute de potentiel beaucoup plus importante encore.

  • 58 Cf. t. VIII1, p. 683-812 et plus spécialement p. 691-712 et p. 796-797.
  • 59 On peut estimer que le niveau des exportations d’Espagne en direction de la Vera Cruz constitue un (...)

109La Vera-Cruz et Acapulco — on a longtemps insisté sur ce point58 — résument, d’une manière à peu près parfaite, toute l’économie d’échanges maritimes à long terme du royaume nouvel-espagnol ; on peut donc situer très précisément la grande crise de structures de l’économie d’échanges coloniale du Royaume de Nouvelle Espagne59 , juste après 1620 ; on peut remarquer aussi, l’ampleur et la simultanéité de l’accident dans tous les secteurs de l’espace nouvel-espagnol.

  • 60 Au premier rang, on placera, Sherburne F. Cook et Lesley Byrd Simpson, The population of Central Me (...)
  • 61 Cf. t. VIII1, p. 802-809.

110De cette rupture unanime de l’économie d’échanges colonial la plus ambitieuse juste au delà de 1620, les causes importent, au premier chef... puisque, à la limite, on retrouvera là une des causes occasionnelles les plus décisives du renversement mondial de la tendance majeure. En l’absence, pour le moment, d’études plus poussées, on est réduit à des hypothèses : l’hypothèse clef nous étant fournie par toute la série des remarquables études d’histoire démographique de l’école de Berkeley60. On s’est efforcé de démêler, ailleurs61 les rapports complexes qui lient, à l’intérieur d’une relation dominant-dominé, la conjoncture à long terme de l’économie coloniale et le mouvement tendanciel de la population indigène.

  • 62 Pour les discussions que ces chiffres appellent, cf. t. VIII1, p. 500-510, 685-688, 720.
  • 63 Cf. notamment, Sherbume F. Cook, The historical demography and ecology of the Teotlalpan, Los Angel (...)
  • 64 La formation des grands domaines au Mexique, op. cit.

111Tout au long d’une fantastique décroissance, qui conduit avec certitude la Cf. t. VI1, table 490, p. 657. population indienne du Mexique central de 11 millions d’habitants62 au moment de la conquête en 1519 à 1,5 million, lors du creux démographique le plus profond, quelque part, entre 1670 et 1690 environ, les décrochements épidémiques de la population dominée n’avaient pas affecté durablement, au cours de la phase longue d’expansion du xvie siècle, les relations à long rayon d’action du monde colonial. Lors de chaque crise, après quelques années de difficile adaptation, au prix, peut-être, d’une exploitation meilleure de la main-d’œuvre — meilleure dans le sens du dominant, c’est-à-dire plus efficace — l'économie coloniale s’était adaptée. Elle avait su trouver, pour ses mines et pour ses plantations, les seuls éléments directement moteurs de l’économie coloniale d’échanges à long rayon d’action, la quantité nécessaire de moteur musculaire indien, dont elle avait besoin. Tandis qu’en profondeur et sans que cela affecte, à court terme, la production coloniale négociable, une lente conversion de la terre s’opère63 au détriment de l’agriculture indienne à base de maïs et au profit d’un élevage extensif, dont François Chevalier a montré si fortement les implications sociales64

112Des adaptations rapides avaient toujours été possibles : il a bien fallu se rendre à l’évidence devant le clair langage des séries quantitatives et en valeur du trafic — tant qu’il aura substisté un volant suffisant de moteur musculaire indien, potentiel où puiser, une marge, dirons-nous, pour un accroissement de rentabilité dans la mise de l’indien au service d’une économie d’échanges, où il n’entre que par la bande.

113Au-delà de 1620 — en présence du comportement irréfutable de tous les indices d’activité du commerce extérieur dans l’Atlantique et le Pacifique — il faut bien se rendre à l’évidence. Quelque chose ne va plus, un aspect de l’économie indienne est affecté dans ses prolongements extérieurs. Le drame se situe entre 1620 et 1630. Sans que rien d’exceptionnel et d’extérieur n’intervienne, la masse globale de la population indienne du plateau du Mexique central, réservoir de l’économie coloniale nouvelle espagnole, a dû, dans son évolution décroissante, crever un seuil de sécurité et provoquer une mutation dans l’économie coloniale. Ce seuil décisif se situerait — autant qu’on en puisse juger d’après les travaux des historiens démographes de Berkeley — un peu en dessous de 2 millions d’habitants. Entre 1620 et 1630, la population indienne de l’Anahuac, support de l’économie mexicaine, passerait de 1,9 à 1,7 million environ. Le seuil des deux millions franchi, la chute de la population indienne entraîne toute l’économie coloniale mexicaine dans une zone de freinage intense. Les activités qui impliquent les relations à plus longue échelle sont les premières paralysées.

114Cette interprétation cadre assez bien avec le schéma que nous avons proposé, pour le passage des phases de croissance aux phases de décroissance en économie ancienne.

115L’expansion de la phase A nous est apparue comme la résultante d’un déséquilibre permanent, dû à l’injection constante d’une fraction toujours croissante d’une richesse nouvelle. Cette richesse insolite provient aux xvie, xviie, xviiie siècles, voire au-delà, de la saisie d’espaces nouveaux où l’écrémage est possible de richesses potentielles. Mais l’écrémage moteur du xvie siècle s’est effectué à l’intérieur d’un rapport dominant-dominé de type particulier... Il est possible tant que subsiste un stock suffisant de dominés virtuels. La première saisie de l’espace américain est freinée par la dérobade de l’indien, par l’amenuisement de ces stocks d’humanité indienne pléthorique que l’Europe eut la chance d’atteindre au moment où, sans elle, ils fussent entrés, vraisemblablement, d’eux-mêmes, par la simple destruction des sols, dans une phase lente descendante. Le déséquilibre moteur s’atténue et cette atténuation met progressivement en marche toute la machine de l’expansion.

  • 65 Cf. pour une mise au point sur l’histoire démographique américaine telle qu’on peut la systématiser (...)

116L’adjonction de richesse motrice de l’entreprise coloniale et créatrice de déséquilibres bénéfiques pour l’ensemble de l’économie européenne, a, d’abord, résulté, faut-il le rappeler, du simple grapillage et de la mise en circulation des richesses accumulées, simplement thésaurisées sans profit, résultat médiocre d’efforts accumulés pendant plusieurs siècles ; c’est ce que l’on pourrait appeler le grapillage direct de la toute première conquête. Au premier stade succède un second stade, celui du grapillage indirect ; osera-t-on dire « second » ? Il ne consiste plus en l’écrémage des richesses mais en celui des hommes. Il a, simplement, hâté le dégonflement naturel65 d’une population indienne pléthorique, au moment de la conquête. Les ressources de cet écrémage « second » sont, désormais, épuisées, en Nouvelle Espagne un peu au-delà de 1620. C’est à cette circonstance qu’il faut attribuer, selon nous, le renversement de la tendance majeure des trafics maritimes de l’économie coloniale mexicaine. Nous sommes là aux origines d’une réaction en chaîne qui va, par larges secteurs et grandes secousses, se répercuter sur l’ensemble d’une économie mondiale encore embryonnaire.

  • 66 Cf. Les Philippines et le Pacifique des Ibériques, op. cit.
  • 67 Cf. t. VI1, table 174, p. 373 ; t. VI2, table 490, p. 657.

117La Nouvelle Espagne restera, de toute manière, l’homme malade de l’économie indienne, pour un laps important de temps. Nous en avons plusieurs preuves. Le marasme de plus en plus profond, du commerce d’Acapulco66 , le marasme attesté sur vingt-cinq ans au moins67 (par les séries du trafic du complexe portuaire andalou-canarien avec l’ensemble de la Nouvelle Espagne et du complexe portuaire avec le seul port de la Vera Cruz.

  • 68 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 43 ; cf. ci-dessus p. 900-919.

118La chute vraisemblable de la production d’argent. Du moins, la chute persistante des importations de métal monétaire68 Séville, en provenance de la Nouvelle Espagne. La part de la Nouvelle Espagne aux importations d’argent à Séville représente un peu moins de 21 % et un peu plus de 21 % en 1626-1630 et 1631-1635, 40 % en 1636-1640, puis, à nouveau, 23 et 22 % seulement en 1641-1645 et 1646-1650. Il faut attendre la totale débâcle (débâcle administrative et documentaire autant qu’économique et technique, ce qui rend les résultats quelque peu suspects) des années 50 du xviie siècle pour qu’au sein du laminage complet des importations, il y ait reprise relative de la Nouvelle Espagne, à 36 et 38 % (1651-1655 et 1656-1660), soit à peu de choses près le plateau du niveau relatif atteint au cours des années 1581-1620, période sur les expressions en volume du commerce du complexe portuaire, de trafic avec la Nouvelle Espagne dominant.

  • 69 Cf. ci-dessus, notes 1, p. 1560.

119Enfin, élément décisif, nous savons par les travaux de Berkeley69 que la population indienne de l’Anahuac continue à se dérober... jusqu’aux alentours des années 1670-1690, où elle passe par le point bas d’un million et demi d’habitants avant de reprendre lentement, d’abord, plus rapidement ensuite, au xviiie siècle (elle atteint... 3 700 000 habitants... en 1793).

6. Le problème des îles

  • 70 Cf. t. V1, table 174, p. 373 et t. VII, p. 64-65.

120Le volume global des départs en direction des îles fournira, enfin, une indication utile. Les îles perdent une partie des positions qu’elles avaient fini par retrouver dans le trafic officiel70. Dominantes, au début, elles sont sacrifiées, au plus fort de l’accélération du xvie siècle, puis elles occupent une place relativement importante et constante, au cours de la période 1606-1630. Au-delà, elles finiront par être emportées dans la débâcle générale. Les îles représentent, ici, un moyen terme entre la chute ralentie de la Terre Ferme et la chute accélérée de la Nouvelle Espagne. Ainsi, elles restent fidèles à leur rôle habituel de volant du mouvement.

IV. — PRÉCISION DU MATÉRIEL

121Pour la connaissance de ces importantes ruptures d’équilibre, on continue d’être assez bien armé, sans qu’il y ait, pourtant, une ligne de progrès toute simple. Par rapport à la période précédente, il n’est pas absolument évident que les éléments positifs de notre documentation l’emportent sur les éléments négatifs. A cette époque (problèmes apparemment secondaires, on s’y arrêtera néanmoins quelques instants : n’expriment-ils pas, à leur manière, un certain état de santé administratif ?), il existe un lien indéniable entre la qualité de la documentation, fruit du travail administratif sévillan et la santé économique du trafic.

LE NAVIRE

122Dans l’ensemble et c’est le principal élément positif de la période, sous l’angle de la précision statistique de la connaissance, dans la mesure où le nombre des navires ne cesse de décroître, chaque navire est, de mieux en mieux, connu.

1. Le tonnage

  • 71 Cf. t. VI1, tables 132, 135. 138, p. 330, 333, 336 et t. VII, p. 42-43.
  • 72 Cf. t. I, p. 294 sq.

123Le navire, en nombre plus réduit et toujours plus gros, représente une telle richesse qu’il est l’objet de plus en plus de sollicitude administrative. On assiste à la quasi disparition71 des évalués, au profit des connus directement et indirectement, puis à la quasi disparition des évalués et des connus indirectement, au profit des connus directement. Les conséquences de telles translations, pour la connaissance statistique de l’Atlantique, ne sont plus à dire72.

124Les catégories, connus directement, connus indirectement, l’ensemble des connus et les évalués évoluent en Allers, Retours, Allers et retours, au cours des trois cycles constitutifs de la tendance telle que nous l’avons délimitée, de la manière suivante :

125Au cours du cycle 1623-1631, 50,18 %, 29,9 % et 79,1 % pour les connus contre 29,9 % pour les évalués, en Allers ; en Retours, 48,7 %, 27,7 % et 73,4 % contre 26,6 %. Au cours du cycle 1632-1641, on atteint, en Allers, 50,8 %, 33,7 % et 84,5 % contre 15,5 % pour les évalués ; en Retours, 46,8 %, 36,7 % et 83,5 % contre 16,5 %. Au cours du cycle 1642-1650, on atteint des niveaux astronomiques, véritablement records et qui avoisinent à la connaissance parfaite : en Allers, 88,1 %, 5,24 % et 93,34 % contre 6,66 % en Retours 85,6 %, 5,2 % et 90,8 % contre 9,2 %, en Allers et retours, 86,9 %, 5,2 % et 92,1 % contre 7,9 % seulement. Avec, au cours de la fluctuation primaire 1642-1644, en Allers par exemple, quelque chose qui est comme la perfection du genre : connus directement 94,4 %, connus indirectement 3,7 %, ensemble des connus 98,1 % et évalués 1,9 %.

2. Types et provenances

126Il en résulte à quelques exceptions près, une amélioration presque automatique de tout ce qui touche au navire.

  • 73 Cf. t. VI1, table 12e, p. 166-167.
  • 74 Cf. t. VI1, p. 10-12.
    On pourrait parler de plusieurs mutations dans la conservation des archives to (...)

127Pour l’ensemble de la période étudiée 1506-1650, le rapport des types73 connus à l’ensemble — on a vu ce qu’il fallait entendre par là74 — est de 4 186 à 17 928 ; il égale, pratiquement, les 50 %, de 1626 à 1640 (277 sur 579 unités, 249 sur 494 navires, 224 sur 477 unités) et atteint aux deux tiers, de 1641 à 1650 (279 unités sur 356 navires et 255 navires sur 336 unités). On pourrait établir une même relation avec les provenances connues.

  • 75 Cf. t. VI1, p. 114 à 167 et p. 10 à 12 ; t. VII, p. 34-35.

128Deux conclusions sont à tirer de cette leçon. Une amélioration, tout d’abord, de la connaissance du navire. Elle tient pour beaucoup au hasard75 mais elle résulte aussi, un peu, d’une amélioration de l’administration, d’un plus grand soin dont le navire, valeur incommensurablement accrue, est entouré.

  • 76 Cf. ci-dessus, p. 1427-1429, 1503, 1520-1521.

129Mais cette poussée — étant donné la manière dont les tables 1 à 12 A76 ont été établies, — traduit également et tout aussi sûrement l’énorme recul des navires classiques biscayens, ceux qui, par définition, sont mentionnés sans plus, parce qu’ils furent longtemps les navires, par excellence. Cette élimination(4) — on a vu comment elle s’est effectuée au cours de la dernière fluctuation du plateau central de 1614 à 1622 — est confirmée, parachevée, au cours des trois cycles de la décroissance. Le Monopole de fait du « Nord de l’Espagne », dans l’armement de l’Atlantique hispano-américain, est chose du passé, chose morte. L’Espagne a perdu, sous cet angle capital, le contrôle de ses liaisons impériales avec l’Amérique. En 1650, le navire « américain » des îles, au premier chef, a remplacé la nave biscayenne. La Carrière des Indes appartient, pour moins d’un tiers, aux Biscayens, pour un dixième, peut-être, aux Andalous-Canariens, pour un tiers, aux naves créoles et pour un bon tiers, aux étrangers européens parmi lesquels dominent les navires du Nord : flamands, britanniques et Scandinaves. On ne saurait surestimer l’ampleur d’une telle révolution qui atteint la Carrera au cœur même de son être.

3. Age

  • 77 Cf. t. VI1, tables 16 et 17, p. 174-177.
  • 78 Cf. ci-dessus p. 1415-1417.
  • 79 Cf. ci-dessous p. 1729-1730, 1757-1758, 1852-1853.

130Il peut surprendre, à juste titre, que la densité des renseignements recueillis77 sur l’âge des navires soit allée en décroissant, sans compromettre, toutefois, la connaissance de cet élément important pour une saine analyse de la conjoncture. Ce fléchissement s’explique, peut-être, en période où, dans l’ensemble, domine la règle de l’inclusion selon la « antigüedad », de ne pas attirer l’attention sur d’éventuels passe-droits. Quoi qu’il en soit, on notera, après la mutation décisive du cycle 1614-162278 , la poursuite du vieillissement : 7 ans, 5 de 1616 à 1620, 7 ans, 9 de 1621 à 1625, 8 ans, 4 de 1626 à 1630, 9 ans, 75 de 1631 à 1635, un plafonnement quand il ne reste pratiquement plus de stock à user, 8 ans, 6 de 1636 à 1640, 7 ans, 2 de 1641 à 1645, puis une « présomption » de complet rajeunissement, quand tout le stock aura été définitivement détruit, dans la cruelle aventure des premières années 40 du xviie siècle. Un avatar documentaire fait toutefois qu’il ne s’agit là que d’une simple présomption, rendue vraisemblable par tout un contexte qui sera analysé le moment venu79

4. Autres éléments

  • 80 Cf. t. VI1, tables 18-128, p. 178-319.

131La connaissance de la vitesse de rotation des convois notamment, reste, malgré quelques accidents de détail, relativement bonne80

MARCHANDISES ET VALEURS

132Si, dans l’ensemble, la connaissance du navire, clef de notre système, s’est améliorée, les autres éléments viennent à manquer, ou, quand ils subsistent, sont de moindre valeur.

  • 81 Cf. t. VI1, table 201, p. 420-421.
  • 82 Cf. t. I, p. 88-124.

133Il n’est pas besoin d’insister sur le déréglement des impôts ad valorem. On sait qu’ils dépendent tous des contrôles que la Casa de la Contratación, à Séville, exerce ou n’exerce pas. L’augmentation des charges politiques et militaires, avec la reprise de la guerre, provoque une augmentation des taux, qui fait de la fraude et de la sous-évaluation systématique une nécessité dont nul ne se fait faute. Il suffit de se reporter, par exemple, à quelques taux-records, les 35,5 % de 1632, les 19 %, 18,5 % et 18 % de 1636, pour la seule avería Retour81 pour comprendre qu’arrivé à ce stade le principe même de l’impôt ad valorem n’est plus, s’il y eût jamais, dans la Carrera, un ad valorem82 comme on l’entend.

134Il sera de plus en plus difficile — et c’est la première conséquence d’un tel état de fait — d’interpréter les données fournies par les séries comptables, en raison du hiatus de plus en plus considérable qui sépare de la réalité fiscale la réalité vraie, de l’aveu même de l’organe responsable de la Casa de la Contratación.

  • 83 Cf. t. VI1, table 201, p. 420-421.
  • 84 Cf. t. VI1, table 203, p. 422-423.
  • 85 Cf. t. VI1, table 205, p. 426-427, etc.
  • 86 Cf. t. VI1, tables 211a et b, p. 442-445.
  • 87 Peut-être, d’ailleurs, au prix d’investigations méthodiques plus poussées que les nôtres, non seule (...)
  • 88 Cf. t. VI1, table 216c et D, 217a et b, p. 462-465.

135La seconde conséquence de cette désorganisation est visible sur les tables elles-mêmes, qui s’interrompent les unes après les autres, pour les valeurs, qui, à partir de 163683, de 161784, de 164385. Rares, pratiquement à l’exception de l'almojarifazgo de la Vera Cruz86 les séries qui permettent d’aller beaucoup au-delà de 1640. Les évaluations forfaitaires87 de la Casa de la Contratación88 sur lesquelles on peut avoir quelque confiance, vont au-delà de 1640, mais la série n’est plus continue, du moins dans l’état actuel de notre connaissance (1642-1649-1653).

  • 89 Cf. t. VI2, tables 669 à 769, p. 980 à 1035
  • 90 L'indigo, dont on possède des éléments isolés au-delà de 1620, 1643, par exemple (t. VI1, table 674 (...)
  • 91 On ne peut prétendre avoir épuisé d’un coup toutes les possibilités des archives. Mais les importan (...)

136Pour les marchandises89 la situation est plus mauvaise encore. A quelques très rares exceptions près90, les détails des marchandises pour lesquelles, dans l’état actuel de notre connaissance91, on possède des données, s’arrêtent en 1620 et... le plus souvent même, avant cette date. Une telle situation n’est due que partiellement — il convient de ne pas le perdre de vue — aux hasards de la conservation des archives et de la recherche, elle doit beaucoup à une réalité administrative, elle-même reflet d’une réalité plus profonde, la vie même de la Carrera.

137C’est donc, précisément, au moment où la Carrière des Indes entre en décadence, au-delà de 1620, que la plupart des séries-valeur s’arrêtent. Cette rencontre n’est pas fortuite. L’arrêt des séries est un signe, entre autres, de la décadence.

138Aussi, dans l’ensemble, ce que notre connaissance gagne du côté du navire, elle le perd, ailleurs, sur les séries parallèles. Voilà qui renforce et justifie encore le choix que nous avons fait du contenant, comme moyen infaillible de mesurer le contenu.

V. — HYPOTHÈSES ET INTERPRÉTATIONS

139Cette phase — on vient d’en examiner quelques-unes des caractéristiques — ne nécessite pas un effort d’interprétation particulier. Cet effet est indissociable, on l’a vu, de l’interprétation globale de la période, il est indissociable aussi d’une interprétation globale de l’économie d’échanges du monde d’alors.

LA COVARIATION PRIX-TRAFIC

140L’élément le plus frappant, est, sans conteste, la toute puissance, à cette hauteur, de la covariation prix-trafic.

141Si l’on place, autour de 1620, le vrai point de rebroussement du trafic, celui au-delà duquel le temps des hésitations et des repentirs est révolu, pour faire place à la vraie défaite, sans fard, on sera sensible à l’amplitude d’échos qui viennent d’un peu partout, de tous les points de la vieille Europe.

  • 92 G. Parenti, A. Magdalena et surtout J. Meuvret, Annales E.S.C. 1953, n° 2, p. 215-219. Si le gros a (...)
  • 93 H. J. Elsas, Umriss einer Geschichte der Preise und Lohne in Deutschland, op.cit.
  • 94 On a l’impression, en effet, sur la moitié environ des séries de N. W. Posthumus, Inquiry into the (...)

142D’Italie92, de l’Empire, — où, avec Elsas93, le retournement de la tendance majeure se situe après 1622... — le début des années 20 est bien le premier grand décrochement des prix, à une échelle européenne, presque mondiale94.

143Le renversement de la tendance majeure ne se fait d’un seul coup ni sur les prix européens, ni sur le trafic moteur de l’Atlantique de Séville — où il est la conséquence des deux crises de 1609-1613 et de 1619-1623. Il résulte, de deux ébranlements majeurs, celui de la première moitié de la décade des années 20 et celui de la seconde décade des années 30 du xviie siècle.

  • 95 Cf. ci-dessus p. 897-900, 1544-1545.

144Le renversement de la tendance majeure dans l’Atlantique se trouve donc synchronisé avec l’accident le plus grave de la conjoncture européenne des prix. A l’intérieur du modèle, que nous avons proposé95, où le trafic dans l’Atlantique espagnol joue le rôle de « secteur dominant », la liaison s’explique sans trop de difficulté, d’autant que l’antériorité appartient à l’Atlantique supposé à l’origine de l’ébranlement, cause du train d’ondes de choc que l’on peut suivre à travers tout l’espace de l’économie européenne.

CORRÉLATIONS A L’INTÉRIEUR DE L’ÉCONOMIE ESPAGNOLE

145La corrélation qui existe à l’intérieur de l’espace espagnol est plus facile à saisir. Elle est, d’ailleurs, de nature sensiblement différente, puisque le phénomène monétaire espagnol semble, ici, précéder le phénomène plus général dont l’Atlantique de Séville est le théâtre.

  • 96 Cf. t. VII, p. 54-55.

146La corrélation prix-trafic dans le cadre espagnol96 nous a plus spécialement retenus. On sait qu’elle est évidente, surtout à la hauteur de la première grande crise de structures — pour les prix globaux argent de EJ. Hamilton, 1605 et 1609-1613 pour le trafic. Au-delà, des analogies restent sensibles. Dans l’ensemble, la courbe des prix est descendante de 1605 à 1642, elle suit donc, en cela, un chemin analogue à celui des trafics.

147Sur cette phase descendante des prix-argent globaux, on note, en gros, trois secteurs de surcreusement : 1611-1613, la covariation prix-trafic est, ici, particulièrement évidente ; 1624-1626, le creux des prix suit de peu l’accident des trafics ; 1639-1642, c’est le secteur du surcreusement record et c’est le lieu du point de rupture le plus important des échanges dans l’Atlantique.

148La corrélation est donc très claire. Elle est vraie, en gros, dans la conformité des cheminements les plus généraux, elle persiste dans la conformité des détails.

  • 97 E. H. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 278-279.

149La corrélation prix-trafic n’est pas la seule. Une autre moins apparente, de prime abord, n’en est pas moins vraie, c’est la corrélation à long terme entre les salaires réels, le coût, si l’on veut, de rémunération de la main-d’œuvre et la tendance à long terme des trafics97 La corrélation est beaucoup plus évidente, si l’on prend pour la phase B des trafics un point de départ plus loin en arrière, 1608-1609 au lieu de 1619-1623. La période de contraction, vue avec un certain recul, ne correspond-elle pas à l’anomalie positive des salaires la plus prononcée ? De toute manière, la contraction a été mise en route jusqu’à un certain point par l’anomalie positive de la rémunération de la main-d’œuvre, puisqu’elle est plus forte encore sur la partie descendante du plateau central du mouvement qu’elle ne l’est sur la phase descendante elle-même du trafic.

  • 98 Cette baisse des revenus que le Roi subit en direction des Indes est extrêmement sensible et elle e (...)
  • 99 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 96-97.
  • 100 Cf. ci-dessous, p. 1633-1635. En 1626, notamment, en 1640, encore, cf. ci-dessus p. 1834-1836.

150Une dernière corrélation, enfin, saute aux yeux, celle qui lie la contraction du trafic à la désorganisation monétaire du Royaume de Castille, en un mot, à l’inflation billonniste. Il faudra se borner à parler de corrélation, sans essayer de trancher d’un problème délicat de causalité. La désorganisation du trafic et la baisse des revenus que le Roi tirait des Indes98 ont pu contribuer à la désorganisation monétaire99 L’inflation a eu des effets destructeurs à long terme, mais elle n’est pas exclusive de certaines poussées d’euphorie à court terme, au commencement, surtout, du processus d’inflation100.

151L’inflation espagnole a été d’un type particulier et particulièrement destructeur. Elle a porté, en effet, pour l’essentiel, sur la fabrication légale de « fausse monnaie ». Elle diffère de l’inflation par modification du pouvoir d’achat nominal d’une bonne monnaie en circulation telle qu’elle s’est pratiquée, pour l’essentiel, en France. A une inflation qui aura porté un peu extérieurement sur le rapport monnaie de compte-monnaie réelle, en Espagne, une véritable inflation fait place, qui affecte le cœur même de la matière monétaire. C’est une raison pour laquelle, entre autres, la plus importante, peut-être, l’inflation du type espagnol est la plus grave, celle qui a affecté le plus gravement, à la longue, la vie économique. A moins qu’elle ne soit, tout simplement, un signe de malaise grave en profondeur.

  • 101 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 96-97.
  • 102 E. J. Hamilton. War and Prices in Spain (1651-1800), op. cit., p. 28-29.
  • 103 Cádiz et l’Atlantique (1651-1783), suite à paraître.
    Par suite d’une regrettable inattention, dont n (...)

152Quoi qu’il en soit, la corrélation entre la dépression à long terme du mouvement et les graves perturbations monétaires espagnoles101 est particulièrement évidente. C’est au début de 1620 que la prime de l’argent sur le billon devient perceptible en Castille, à 4 % ; en 1622, elle dépasse pour la première fois 5 %, elle s’établit entre 40,94 % (en Andalousie proche de l’alimentation en argent), 49,04 % (en Nouvelle Castille un peu plus loin) et 54,75 % (en Vieille Castille/Léon, à l’autre extrémité de la péninsule) en 1626,... à partir de cette date, elle ne descendra, pratiquement jamais plus (sauf pendant quelques mois en 1629) en-dessous de 20 %. Même, compte non tenu de la poussée inflationniste de la fin de 1639 à 1642... la prime de l’argent — signe certain de la détérioration monétaire — ne cesse de s’accroître régulièrement de 1622 (5 à 6 %) à 1650 (40 %). La poussée se poursuit au-delà de 1650102, très exactement, jusqu’au début de 1680 — la prime est alors de l’ordre de 250 % — au-delà, commence la longue période de relative stabilité monétaire, qui couvre, avec la fin du xviie siècle, en Espagne, la plus grande partie du xviiie siècle, jusqu’à la poussée inflationniste du papier à l’extrême fin du xviiie siècle hispanique. La phase d’inflation billonniste, — cette inflation, nous l’avons dit, d’un type particulièrement destructif, spécifique d’une structure monétaire ancienne et du cas espagnol, — est, chronologiquement, délimitée avec beaucoup de précision entre 1622 et 1680. 1622-1680 : on reconnaît, d’emblée, les limites chronologiques103 les plus incontestables de la grande récession du trafic américain avec l’Espagne du Sud.

153Peut-être simple coincidence ?

154Coincidence troublante, toutefois. Décadence du trafic andalou, décadence monétaire, signe, sans doute, d’un seul et même drame qui affecte, en profondeur, les structures de l’Empire espagnol.

155Ces faits rappelleraient, s’il en était besoin, à quel point la phénoménologie de l’Atlantique de Séville est conforme à tout ce que l’on peut savoir de l’histoire économique de l’Espagne et de l’Europe. Rien là, au vrai, qui puisse surprendre.

156Ces covariations s’expliquent parfaitement, si l’on admet le schéma de l’Atlantique du Monopole de Séville, secteur dominant de l’économie d’échanges du xvie siècle et du tout premier xviie siècle.

157La plongée de l’économie européenne, dominée longtemps par l’axe Atlantique hispano-américain des échanges, d’une période A à une phase B, peut, dans le cadre étroit de ce schéma, s’expliquer par un décrochement de l’Atlantique de Séville.

158En perdant la masse et l’accélération qui lui a conféré son rôle de moteur de la conjoncture, Séville, une dernière fois, commande la conjoncture. En se suicidant, sans possibilité immédiate de reconstitution, l’Atlantique de Séville aura, une dernière fois, commandé — dans une certaine mesure — le rythme du monde.

159Au-delà, lors de la reprise du xviiie siècle, dans un monde dominé, ailleurs, par d’autres secteurs dominants, le rythme restera conforme, mais de commandant qu’il était, il ne sera plus que commandé, de donné, reçu.

160D’où l’intérêt à bien saisir les mécanismes de la rupture d’un Atlantique, une dernière fois, moteur.

Notes

1 Henri Lapeyre, Une famille de marchands, op. cit., et les séries de Lisbonne (José Gentil da Silva), d’Anvers (V. Vázquez de Prada).

2 Un problème de causalité qu’on peut, d’ailleurs, sans crainte, s’abstenir de trancher puisque, sur le plan scientifique celui, toujours, d’une phénoménologie, seule importe la relation, et ses expressions.

3 H. J. Elsas, Umriss einer Geschichte der Preise und Löhne in Deutschland. Leiden, in-80, 1936-1949-1949, 3 vol. in-4°, 808 pages, IV-649 pages ; VII-135 pages.

4 Cf. ci-dessus p. 881-885, 1398-1402, 1515-1525.

5 Cf. t. IV, p. 539 à p. 547, p. 564 à 580. Cf. ci-dessus p. 1487-1490, 1503-1505.

6 Cf. t. VI1, table 229, p. 474.

7 Cf. t. VI1, tables 220-227, p. 467-473.

8 Cf. t. VII, p. 46-47.

9 Cf. t. VI1, table 13, p. 168 ; t. VII, p. 72-73.

10 Cf. ci-dessus p. 1520-1522.

11 Cf. t. VI1, table 132, p. 328, table 135, p. 333, tables 138 et 139, p. 336-337 et t. VII, p. 46-47.

12 Cf. t. VI1 table 139, p. 337 et t. VII, p. 47.

13 Cf. t. VI1, table 167, p. 366 et table 174, p. 373 ; t. VII, p. 66-67.

14 Cf. ci-dessus p. 871-876.

15 C’est-à-dire, en Allers et compte non tenu de la pondération de la tonelada, le haut de l’ensemble du mouvement Terre Ferme.

16 Il ne faut pas trop prendre l’indication pour argent comptant, en raison de la croissance en direction de la Terre Ferme des navires d’armada. La Terre Ferme bénéficie, avec la guerre, d’un effort militaire qui porte essentiellement sur elle. Mais qu’elle soit la plus désirable et la mieux défendue n’est pas indifférent, non plus.

17 Cf. t. VI2, tables 624-635, p. 900-922.

18 Cf. t. VI2, tables 183 et 184, p. 388-395 ; t. VII, p. 64-65.

19 Cf. t. VI1, table 184, p. 392.

20 Cf. t. I, p. 36 sq. ; t. VIII1, ch. II.

21 Nina Ellinger Bang. Tabeller over Skribsfart, op. cit., t. I.

22 Dans une suite qui couvrira la période 1651-1783.

23 Cf. t. V1, tables 219-220, 222, 227. p. 467, 469, 473.

24 Cf. t. I, p. 224 sp.

25 Bien visible sur les diagrammes de N. W. Posthumus, dans l’étonnant miroir des prix hollandais.

26 E. Labrousse, Esquisse du mouvement des prix et des revenus en France au xviiie siècle.

27 Cf. t. VII, p. 54-55.

28 Cf. ci-dessus p. 338-393, 887-919.

29 Cf. t. VI1, table 139, p. 337 ; t. VII, p. 45.

30 Cf. t. VI1, table 129, p. 327.

31 Cf. t. VI1, table 143, p. 341 ; t. VII, p. 45.

32 Cf. t. VI1, tables 139 et 143, p. 337 et 341.

33 Cf. t. VI1, table 139, p. 337.

34 Cf. t. VI1, table 143, p. 341.

35 Cf. t. VI1, table 139, p. 337.

36 Cf. t. VI1, table 13, p. 168.

37 Cf. t. VI1, table 139, p. 337 et t. VII, p. 73.

38 Cf. t. VI1, tables 144 à 158, p. 342-355.

39 Toutes les moyennes mobiles que nous publions dans notre tome VI1 sont des moyenne-médianes, préférables pour l'étude de la fluctuation, mais on passe facilement d’une moyenne mobile médiane à une moyenne médiane arrière correspondante par une translation d’un temps égal à la moitié moins un an de la moyenne. La valeur attribuée à 1648 sur une moyenne médiane de cinq an3 le sera à 1650 pour une moyenne mobile arrière, attribuée à 1611 sur une moyenne médiane de treize ans, à 1615, sur une moyenne mobile médiane de onze ans, le sera à 1650 sur une moyenne arrière correspondante.

40 Cf. t. VI1, tables 228-229, p. 474.

41 Cf. t. VI1, table 184, p. 392-395 et t. VII, p. 64-65.

42 Cf. t. V, notes aux tableaux.

43 Pour se borner aux rapprochements les plus fructueux, cf. t. VI1, p. 178 et 182.

44 Cf. t. VI, tables 183 et 184, p. 390 et p. 394.

45 Cette proportion 24,2 % trahit Cádiz, car si les navires de la rubrique caditaine sont à 100 % caditains, on n’est pas sûr que ceux de la catégorie sévillane ne soient, en fait, pour certains, en tout ou partie caditains. 24,2 % représente donc un minimum, pour des raisons légales et réglementaires, placé là, peut-être, pour 35 à 40 % plus fidèle à la réalité.

46 Cf. t. VI1, tables 183 et 184, p. 392 et p. 396.

47 Cf. t. VI1, tables 167, 170, 173 et 174-175-176, p. 366, 369, 372, 373, 374, 375 et t. VII, p. 64-65.

48 Cf. ci-dessus p. 1546-1552.

49 Cf. t. VI1, table 129, p. 372 et t. I, p. 145 sq.

50 Cf. t. VI1, table 179, p. 373 et table 184, p. 392 et 395.

51 Cf. Notes aux tableaux, t. IV et V et ci-dessus p. 867-869 et 1554.

52 F. J. Hamilton, 1501-1650, op. c'a., p. 43.

53 Par rapport à l’ensemble trésor d’Amérique Nouvelle Espagne-Terre Ferme.

54 Cf. t. VI1, table 174, p. 373.

55 Cf. t. VI1, table 174, p. 373.

56 Cf. t. VI1, table 490, p. 657.

57 Les Philippines et le Pacifique des Ibériques, op. cit.

58 Cf. t. VIII1, p. 683-812 et plus spécialement p. 691-712 et p. 796-797.

59 On peut estimer que le niveau des exportations d’Espagne en direction de la Vera Cruz constitue un bon réactif. Il place sans hésitation possible le sommet de la conjoncture des échanges, tardivement entre 1606 et 1620. Ce plateau fort élevé est relevé aux deux extrémités (t. VI2, table 490, p. 657). 1616-1620 arrive pratiquement à égalité avec 1606-1610 : 247 navires et 52 056 toneladas pour 1616-1620, contre 238 et 55 282 pour 1606-1610, l'équilibre est encore plus complet, si on élimine, comme il peut être raisonnable de le faire, les navires d'armada, 247 navires et 52 056 toneladas pour 1616-1620, contre 233 navires et 52 842 toneladas de 1606-1610.

60 Au premier rang, on placera, Sherburne F. Cook et Lesley Byrd Simpson, The population of Central Mexico in the Sixteenth Century, op. cit. et Woodrow Borah, New Spain's century of depression, op. cit. ; cf. t. VIII1, p. 495-510, 528-534, 685-688, 744-752, 802-809.

61 Cf. t. VIII1, p. 802-809.

62 Pour les discussions que ces chiffres appellent, cf. t. VIII1, p. 500-510, 685-688, 720.

63 Cf. notamment, Sherbume F. Cook, The historical demography and ecology of the Teotlalpan, Los Angelès-Berkeley, Iberomericana, n° 33, 1949, in-8°, 60 pages et Lesley Byrd Simpson, Exploitation of Land in Central Mexico in the XVIth Century, Berkeley, ibid., n° 36, 1952, in-8°, 92 pages.

64 La formation des grands domaines au Mexique, op. cit.

65 Cf. pour une mise au point sur l’histoire démographique américaine telle qu’on peut la systématiser en partant des travaux américains récents de l’école de Berkeley, t. VIII1, p. 495-510, 528-534, 685-688, 720, 744-752, 802-809.

66 Cf. Les Philippines et le Pacifique des Ibériques, op. cit.

67 Cf. t. VI1, table 174, p. 373 ; t. VI2, table 490, p. 657.

68 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 43 ; cf. ci-dessus p. 900-919.

69 Cf. ci-dessus, notes 1, p. 1560.

70 Cf. t. V1, table 174, p. 373 et t. VII, p. 64-65.

71 Cf. t. VI1, tables 132, 135. 138, p. 330, 333, 336 et t. VII, p. 42-43.

72 Cf. t. I, p. 294 sq.

73 Cf. t. VI1, table 12e, p. 166-167.

74 Cf. t. VI1, p. 10-12.
On pourrait parler de plusieurs mutations dans la conservation des archives touchant l’Amérique : une au milieu du XVIe siècle, une entre la-fin du xvie et le début du xviie siècle, et une avec le début du xviiie siècle. Il y a, chaque fois, une multiplication extrêmement importante de la masse du matériel d’archives conservé.

75 Cf. t. VI1, p. 114 à 167 et p. 10 à 12 ; t. VII, p. 34-35.

76 Cf. ci-dessus, p. 1427-1429, 1503, 1520-1521.

77 Cf. t. VI1, tables 16 et 17, p. 174-177.

78 Cf. ci-dessus p. 1415-1417.

79 Cf. ci-dessous p. 1729-1730, 1757-1758, 1852-1853.

80 Cf. t. VI1, tables 18-128, p. 178-319.

81 Cf. t. VI1, table 201, p. 420-421.

82 Cf. t. I, p. 88-124.

83 Cf. t. VI1, table 201, p. 420-421.

84 Cf. t. VI1, table 203, p. 422-423.

85 Cf. t. VI1, table 205, p. 426-427, etc.

86 Cf. t. VI1, tables 211a et b, p. 442-445.

87 Peut-être, d’ailleurs, au prix d’investigations méthodiques plus poussées que les nôtres, non seulement dans les archives espagnoles mais aussi italiennes, pourra-t-on en retrouver d’autres.

88 Cf. t. VI1, table 216c et D, 217a et b, p. 462-465.

89 Cf. t. VI2, tables 669 à 769, p. 980 à 1035

90 L'indigo, dont on possède des éléments isolés au-delà de 1620, 1643, par exemple (t. VI1, table 674, p. 988-989).

91 On ne peut prétendre avoir épuisé d’un coup toutes les possibilités des archives. Mais les importants sondages qui ont été faits, donnent, comme des fréquences ou des ordres de grandeur de densité documentaire.

92 G. Parenti, A. Magdalena et surtout J. Meuvret, Annales E.S.C. 1953, n° 2, p. 215-219. Si le gros accident se situe de 1629 à 1632, les premiers craquements datent des premières années 20.

93 H. J. Elsas, Umriss einer Geschichte der Preise und Lohne in Deutschland, op.cit.

94 On a l’impression, en effet, sur la moitié environ des séries de N. W. Posthumus, Inquiry into the history of Prices in Holland, op. cit., que la cassure, qui se situe entre 1620 et 1625, prépare celle qui se place un peu après 1635. A un peu plus de dix ans d’intervalle, deux crises graves, dont le résultat est le renversement de la tendance majeure. Les différences géographiques que font apparaître les différentes histoires régionales des prix hors d’Espagne ne sont, peut-être, pas autre chose que le simple résultat de méthodes différentes dans le calcul des indices.

95 Cf. ci-dessus p. 897-900, 1544-1545.

96 Cf. t. VII, p. 54-55.

97 E. H. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 278-279.

98 Cette baisse des revenus que le Roi subit en direction des Indes est extrêmement sensible et elle est très précoce. On a déjà vu, en effet, que les trésors du Roi importés à Séville (E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 34) cèdent beaucoup plus tôt que la série des trésors des particuliers et, a fortiori, des globaux. Entre 1596-1600 (10 974 318 pesos) et 1616-1620 (4 347 788 pesos) la chute est de l’ordre de 60 %. Le décrochement majeur se situant entre 1611-1615 (7 212 921,5 pesos) et 1616-1625 (4 347 788 et 4 891 156 pesos).
Cette évolution des trésors du Roi, à la différence du mouvement des trésors des particuliers, est absolument sûre. Le Roi est le seul importateur à jouer franc jeu face à lui-même. Elle traduit, très tôt, une très grosse chute de rentabilité de l’administration espagnole en Amérique. La question a déjà été soulevée, il suffit, une fois encore, de la rappeler. Cette baisse de rentabilité fâcheuse sous l’angle de l’Espagne, n’est pas forcément défavorable sous l’angle américain. Elle peut impliquer, au contraire, un relâchement des pressions administratives et fiscales qui s’exercent sur la population indienne, dont le volume, d’ailleurs, on a vu, comment, décroît rapidement. Mais les choses ne sont pas si simples.

99 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 96-97.

100 Cf. ci-dessous, p. 1633-1635. En 1626, notamment, en 1640, encore, cf. ci-dessus p. 1834-1836.

101 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 96-97.

102 E. J. Hamilton. War and Prices in Spain (1651-1800), op. cit., p. 28-29.

103 Cádiz et l’Atlantique (1651-1783), suite à paraître.
Par suite d’une regrettable inattention, dont nous nous excusons auprès du lecteur, une erreur matérielle s’est glissée dans les tables 228 et 229 du tome VI1 (p. 474). Il faut lire (table 238, p. 474), colonne trésors de Hamilton, 5296 747150 maravedís au lieu de 1512 510 975, pour la demi-décade 1646-1650 et 5606 747 150 maravedís dans la colonne mouvement global. La correction doit être reportée sur la table 229. Nous prions M. Jean Delumeau qui a pris la peine de nous signaler cette erreur, de trouver ici l’assurance de notre gratitude.

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