Séville et l'Atlantique, 1504-1650 : Structures et conjoncture de l'Atlantique espagnol et hispano-américain (1504-1650). Tome II, volume 2
|Quatrième partie. Au sommet de l'Atlantique de Séville le renversement de la tendance majeure (1593-1622)
Chapitre X. Le cycle du renversement de la tendance majeure. La fin de la première fluctuation primaire (1605-1608). De 1606 à 1607
Texte intégral
1Une série de circonstances vont, en 1606 et en 1607, empêcher les promesses d’expansion de l’année précédente de se réaliser. Les forces d’expansion différées de ces années se retrouveront plus tard, en 1608 et au-delà. Elles contribueront alors à édifier, entre 1608 et 1610, le sommet prestigieux de toute l’histoire de l’Atlantique de Séville.
I. — 1606 : L’ÉCHEC A L’EXPANSION
2Mais en 1606, c’est le procès-verbal d’un échec qu’il faut établir.
LA LEÇON DES CHIFFRES
3Les promesses hésitantes de 1605 — la leçon des chiffres est claire — ne sont pas suivies. De ce retournement, de cet avortement, les chiffres globaux témoignent.
1. Allers
4En Allers, il y a recul, sinon sur le mouvement unitaire, en raison de la brusque réapparition des navires canariens, mais — ce qui est plus important — recul sur le tonnage. On passe de 81 unités en 1605 à 98 unités en 1606, mais dans le même temps, repli du tonnage global de 24 962 à 19 405 toneladas (soit, respectivement, 27 458,2 tonneaux et 23286 tonneaux) ; entendez un recul de 28 à 29 %, malgré les apparences de l’expression unitaire du mouvement. Le tonnage unitaire donne dans le même temps l’impression de s’effondrer. Ne passe-t-il pas de 308,2 toneladas à 198 toneladas — niveau très inférieur au niveau moyen de la fluctuation (243,14 toneladas) et au niveau moyen du cycle (219,16 toneladas).
5Mais cette modification est due, uniquement, à un brusque retour en masse des négriers et des Canariens. En effet, si on calcule le tonnage unitaire moyen de 1606, compte non tenu des Canariens, la chute apparente du tonnage de 308,2 toneladas à 223 toneladas est déjà beaucoup moins spectaculaire qu’on ne l’avait cru, d’abord. L’élimination des Canariens, est, en fait, une opération tout à fait légitime. Premièrement, parce qu’il est impossible d’affirmer d’une manière certaine que des navires canariens n’allaient pas en fraude aux Indes, au cours des années où ils n’apparaissent pas sur les contrôles officiels de Séville. Le contraire, même, est vraisemblable. Tout au plus, peut-on affirmer entre 1601-1605, d’une part, 1606-1610, d’autre part, qu’il y a très forte présomption d’une énorme poussée du trafic canarien en direction de l’Amérique. Une énorme poussée, et 1606 est à la racine de cette grave modification. De toute manière, le matériel canarien est — les tonnages respectifs suffisent pleinement à le montrer — totalement distinct des autres navires de la Carrera, ceux qui partent d’un port de la péninsule ibérique. En éliminant les Canariens, par conséquent, on ne fait que renforcer les chances de comparer entre eux des éléments comparables.
6Le raisonnement pourrait être étendu, à la rigueur, aux négriers. Non pas que l’on ait, à cette date, du moins, des doutes graves quant à la manière dont ils sont saisis, mais parce qu’eux aussi, constituent dans la Carrera — là encore, les tonnages moyens respectifs sont probants — un corps à part. Il ne paraît pas qu’il y ait beaucoup d’osmose entre le matériel courant de la navigation vers les Indes et les négriers. Entre sueltos et négriers, à la rigueur, entre le matériel des armadas et des flottes et les négriers, certainement pas.
- 1 Cf. t. VI1, table 183, p. 388-391.
7Dans ces conditions, si on compare entre eux, d’une année sur l’autre, les ensembles Séville-Cádiz/armadas1 les seuls éléments du mouvement qui soient parfaitement comparables, parce qu’à l’intérieur de ces catégories, il y a fréquemment permutation du matériel ou pour mieux dire osmose, on constatera qu’entre 1605 et 1606, le tonnage unitaire moyen des navires du complexe portuaire n’a que très faiblement fléchi. Le complexe portuaire andalou avait, à l’exclusion des négriers marginaux, aligné au départ, en 1605, 75 navires représentant 24 102 toneladas. En 1606, dans les mêmes conditions, il aligne 40 navires et 12 475 toneladas. La diminution du tonnage moyen unitaire, dans ces conditions, de 321,36 toneladas à 311,875 toneladas est infime. Aussi, après élimination des causes de perturbations provoquées par l’intrusion massive d’un matériel différent, tenu en réserve au cours des années précédentes, la variation du tonnage unitaire est à peine perceptible. On retiendra, pourtant, une indication, dans le sens de la confirmation, toutefois, d’une légère baisse.
- 2 Cf. t. IV, p. 203, note 48.
- 3 Cf. t. IV, p. 218 et suiv.
8Malgré l’extrême réduction du volume des Allers, le négoce a, peut-être, bénéficié, en 1606, d’une moins grande abondance de tonnage que l’année précédente. En raison de la quasi-destruction, au retour de 1606, de l'Armada de la Guardia2 — un rude coup — en raison de l’arrivée tardive, en un seul gros paquet, pratiquement, en octobre, des Retours de 16063, une moins grande facilité aura, peut-être, présidé aux départs de 1606. D’où un léger fléchissement du tonnage unitaire. Tout cela demeure assez ténu, hypothétique, certes, mais vraisemblable, par la concordance des indices recueillis.
9La comparaison des trafics annuels, au départ, épurés des éléments seconds et parasitaires, négriers et Canariens, sera, à tous égards, beaucoup plus probante : 75 à 40 navires, 24 102 à 12 475 toneladas. On mesurera, alors, combien la réduction du trafic a pu être masquée par les adjonctions secondaires. Sur l’axe essentiel du trafic, elle est de plus de 48 % en tonnage, et de 46,6 % sur le mouvement unitaire. Il est impossible, dans ces conditions, de douter de l’ampleur d’une imprévisible déroute.
10Les Retours se comportent d’une manière assez différente. On s’en aperçoit de prime abord, par le rapport Allers-Retours.
2. L’équilibre allers et retours
- 4 Cf. t. VI1, table 159, p. 356 ; t. VII, p. 52-53.
- 5 Cf. ci-dessus, p. 1199-1200, 1202-1204.
11A partir de 1606, en effet, jusqu’en 1607, se développent les mécanismes de la poussée relative des Retours traduits par les pourcentages suivants4 : 7,50 % en 1604, 49,25 % en 1605 — avec, on s’en souvient5, une possibilité de ventilation entre les deux années — 55,17 % en 1606 et 62,73 % en 1607. Poussée relative, le mot est impropre. Il vaudrait mieux dire un recul plus lent que pour les Allers. Les Retours auront mieux résisté, préservés des conditions qui ont provoqué, en Europe, le repli du mouvement. Ils contribueront, plus tard, à la naissance de la formidable poussée des années 1698-1610. Cette différenciation des comportements s’exprime, naturellement, d’une manière très sûre, par l’accroissement régulier des pourcentages des Retours aux totaux.
3. Retours
12Par rapport à la situation antérieure de 1605, il y a amélioration de la situation relative des Retours — on vient de le voir — mais légère détérioration des niveaux en chiffres absolus. En apparence, du moins.
- 6 Cf. t. VI1, table 135, p. 333 ; table 142, p. 340.
- 7 Cette distorsion brutale des chiffres en toneladas, d’une part, en tonneaux d’autre part, s’expliqu (...)
13De 80, on passe à 75 navires (soit un recul de 6,5 %). De 24 224 (26 646,4 tonneaux)6 à 22 035 toneladas (26442 tonneaux)7, le recul en tonnage est d’un peu plus de 9 % — compte non tenu du moins, ce qui est sage, de la pondération. D’où un léger recul du tonnage unitaire, de 302,8 à 293,8 toneladas. Le recul, trop faible pour qu’on ose en tirer conséquence, s’explique par le niveau particulièrement élevé du tonnage de 1605. 1606, c’est l’essentiel, conserve la quasi-totalité des acquisitions de 1605, dans ce domaine.
- 8 Cf. t. IV, p. 218 et 222.
- 9 Ibid., notes p. 224 et suivantes.
141606, sur les Retours, apparaîtra comme une année normale. Les Retours se font assez tardivement, en octobre et décembre8. Il faudra en tenir compte pour comprendre 1607 et ses difficultés. Et le négoce, qui avait espéré en la paix anglaise, paraît déçu9. Par rapport au trend, on est passé de 109,72 % en 1605 à 97,7 %, seulement, en 1606.
- 10 Cf. ci-dessus, p. 1199-1200, 1202-1204.
15Il faut, une fois de plus, se méfier des apparences du découpage annuel. Le terme de référence de 1605 n’est pas bon10, puisqu’il bloque — on l’a vu — sous une même rubrique, la meilleure part des retours différés de 1604 avec les propres retours de 1605.
- 11 Cf. ci-dessus, p. 1146-1148.
- 12 Cf. ci-dessus, p. 1196-1198, 1215.
16On doit donc estimer, contrairement à certaines apparences, que la situation de 1606 sur le mouvement Retours est bonne, l’année totalisant plus de 22 000 toneladas, contre une moyenne de 13 000 toneladas en 1604 et 1605. Elimination faite — comme il se doit — de l’accident météorologique, à la charnière des années 1604-1605 suivant des modalités sur lesquelles on s’est déjà expliqué11, ce n’est plus un fléchissement même léger de 6,6 à 9 %, que l’on retiendra, mais bien, au contraire, un accroissement de près de 70 %. Contrairement aux apparences du découpage annuel, c’est après un fléchissement de deux ans (1604-1605), à partir de 1606, seulement, qu’il faudra placer la poussée motrice des Retours, même si cette conjoncture autonome des Retours est appelée, entraînée par la conjoncture générale, à être quelque peu masquée, en 1607, par les forces dépressives qui affectent la Carrera dans son ensemble. Cette excellence des Retours apparaît renforcée, encore, par la comparaison avec les Allers correspondants de 1605. Ces Allers de 160512, dont on a vu l’importance : dans l’ensemble constitué par les Allers de 1605 et les Retours de 1606, les Retours représentent pratiquement 47 % de l’ensemble, soit plus que la moyenne (43 % pour l’ensemble de la Carrera de 1506 à 1650).
3. Allers et retours
17Le mouvement global de l’année, additionnant les caractères des Allers et ceux des Retours — pour une fois, ils ne sont pas contradictoires — traduit un comportement assez proche des seuls Allers.
18Dans le cadre du découpage annuel et si on choisit comme point de référence les Allers et retours de 1605, on notera un sensible tassement.
- 13 Cf. ci-dessus, p. 1216, note 2.
- 14 Cf. ci-dessus, p. 1213-1215.
19De 49 186 toneladas en 1605 à 41 440 toneladas, le tassement est de 15,7 % (de 54 104,6 tonneaux à 49 728 tonneaux, en unités pondérées, le repli serait moindre mais pour des raisons de pure forme13). Le nombre des navires, par contre, s’est accru dans le même temps de 161 à 173 unités. Il ne faut pas donner, il est vrai, à cette distorsion (entre mouvement unitaire et mouvement volumétrique), une excessive signification. Elle est presque tout entière contenue dans une anomalie des Allers14 : la brusque réapparition des Canariens et un gonflement sensible des négriers. On a vu ce qu’il fallait en penser. Si on substituait, très artificiellement, bien sûr, dans le calcul « les Allers et retours, totaux dépouillés des mouvements marginaux au total des départs, on serait en présence des chiffres suivants : 156 navires et 48 326 toneladas en 1605, 115 navires et 34 510 toneladas seulement en 1606. Le recul dans cette combinaison est accentué et homogénéisé. La distorsion entre mouvements unitaires et mouvements en tonnage, disparaît. Dans le premier cas, en effet, le tonnage unitaire annuel moyen passait de 308,2 toneladas à 239,5 toneladas, dans le second cas, la variation est très atténuée, « le 309,8 toneladas à 300,08 toneladas. Il ne faut donc attacher qu’une importance médiocre à un fléchissement très minime du tonnage unitaire, trop faible pour qu’on puisse sans danger le prendre en considération.
20Dans cette combinaison, toutefois, qui s’efforce d’éliminer l’élément de perturbation amené par la brutale intrusion, en rang serré, des marginaux du trafic, le recul des globaux semble accentué, de 1605 à 1606, de 28 % en tonnage, au lieu de 15,6 % (à l’intérieur du simple découpage annuel des globaux).
- 15 Cf. ci-dessus, p. 1199-1200, 1202-1204.
21Faut-il, pour autant, préférer les 28 % du mouvement pondéré aux 15,6 % des chiffres bruts ? Certainement pas, puisque cette première pondération ne tient pas compte de l’accident qui gonfle artificiellement15 les Retours de 1605 au détriment de 1604. Si on voulait englober ces deux pondérations (celle des Allers et celle des Retours), on aboutirait à ramener le décrochement de 1605 à 1606, dans l’ordre de 37 500 à 34 500 toneladas, ce serait, quand même, faire la part trop belle à 1606.
22Une fois de plus, on notera combien, tout compte fait, sur les Allers et retours, les différentes possibilités de distorsion tendent à s’éliminer. Il vaut mieux, par conséquent, rester attentif à la leçon du mouvement global à l’intérieur du découpage fictif de l’année civile. C’est une donnée sûre, du moins, non subjective, qu’il faut toujours prendre, d’abord, longuement en considération.
LES DONNÉES QUALITATIVES D’UNE CONJONCTURE DIFFICILE
23Les possibilités de reprise entrevues en 1605 n’ont pas trouvé en 1606 un terrain qui leur permette de se développer. C’est cet avortement qu’il faut comprendre et apprécier. D’autant mieux que les forces comprimées s’exprimeront, plus tard, avec d’autant plus de violence que leur essor aura été, auparavant, plus longtemps contrarié.
1. Déception et entraves extérieures
24Il est difficile de ne pas faire, au cours de ces années, une place tout à fait exceptionnelle aux événements extérieurs. Le trafic, par le canal de la psychologie collective des marchands, paye, en 1606, la courte flambée d’euphorie que lui aura apportée la conclusion de la paix de Londres, bâclée du côté anglais, donc presque inespérée du côté espagnol. A court terme, on sera sensible, surtout, à cet aspect de la corrélation, entendez la réaction, dans l’immédiat du facteur traditionnel de politique extérieure sur le trafic. A plus long terme, on serait plus volontiers sensible, peut-être, aux réactions du trafic sur la grande politique. Les premiers craquements conjoncturels ayant — l’effet cumulatif aidant — contribuer à aggraver encore une situation financière de plus en plus détériorée ; pour des raisons politiques il est plus que vraisemblable que ces premiers craquements conjoncturels ont été tout à fait déterminants, bien que très inconsciemment, sans doute, de la brusque et ferme volonté de paix de dirigeants de trop vastes empires ou, plus exactement, d’empires devenus, à dimensions égales, trop vastes, parce que condamnés par la contraction du xviie siècle. Mais au terme qui nous intéresse, un terme très rapproché, c’est évidemment l’action dans le sens du politique sur l’économique qui importe. Sans qu’une action, bien sûr, soit exclusive de l’autre, puisqu’il s’agit de faits et de réactions qui s’établissent à des niveaux et à des vitesses différentes.
- 16 Cf. t. VI, tables 603, 607, 611, p. 863, 867, 871.
25Ce qu’on aura le mieux compris, à Séville, après la flambée d’optimisme des premiers mois de 1605, c’est l’inutilité, finalement, de la paix de Londres. Il aura bien fallu se résigner à l’évidence : la paix hispano-anglaise, la paix des Rois (la statistique des pertes16, malgré ses insuffisances et ses lacunes, suffit à le démontrer), n’a pas eu les effets radicaux et immédiats qu’on pouvait en attendre.
26Certes, on est à l’abri des coups les plus rudes — les raids dévastateurs sur Cádiz ne sont plus à craindre — mais, au vrai, la paix conclue n’a pas mis un terme à un mode de guerre, par grosses attaques, trop onéreux et que la fatigue accumulée de ces dernières années, jointe à la dureté des temps, avait déjà pratiquement exclu.
27Si la paix des Rois assure contre le retour sans crier gare au mode de guerre à grand spectacle, elle est impuissante à ramener la vraie paix, la paix totale.
- 17 Ceci est tellement vrai que dans l’espace des Antilles, on songe à renforcer la coûteuse Armada de (...)
28Dans la mesure où les opérations sur mer — course ou piraterie — sont indépendantes ou presque des états, la reconversion d’une partie de l’armement de course en armement de commerce est impossible. On peut même se demander dans quelle mesure, en entraînant une dissolution des escadres royales, la paix n’a pas amené, parfois, sur mer, un gonflement, des activités mineures de violence, en assurant à l’attaquant non-ibérique des conditions meilleures d’impunité. La paix signée, le traité qui officialise l’entente à l’échelon supérieur, royal, des Etats, n’entraîne pas — la statistique des pertes le prouve — de solution vraie et immédiate de continuité. La paix de Londres a officialisé un ralentissement, de facto, des hostilités, elle aura amené des transferts d’activité guerrière, côté anglais, qui ne se traduisent pas nécessairement, immédiatement, côté espagnol, par un gain. Mais la guerre — surtout, sur mer, car les espaces terrestres en Europe sont quand même mieux saisis — n’est pas le fait conscient des seuls Etats, elle est due, en grande partie, au mal délimitable des activités privées17.
- 18 Cf. t. VIII1, p. 256-268, 336-340.
29D’autant plus que la situation politique avec les Provinces Unies n’est pas encore réglée et que la menace maghrébine subsiste aux portes du Guadalquivir18. Armés, équipés, dirigés par la collusion nordique, les corsaires de l’Ouest maghrébin, continuent leurs activités.
- 19 Cf. t. IV, p. 224, note 1.
30Ce qui est plus grave, encore, la Hollande, au Nord, le Maroc, au Sud, offrent aux Anglais eux-mêmes mille possibilités exploitées. Il n’est pas peu symptomatique que la correspondance de la Casa de la Contratación signale, gênant les Retours des Indes, au large du Cap Saint-Vincent, la présence de trois hourques flamandes et anglaises19. On fait mal, à Séville, le départ entre gens du Nord. Les Anglais, s’ils sont bien là, agissent à titre privé. Il est possible, d’ailleurs, que le renseignement soit faux ou qu’il désigne des gens du Nord basés au Maroc. Quoi qu’il en soit, il dénote une hantise et une inquiétude extrêmement révélatrice. Tant que subsiste, officiellement, le conflit avec la Hollande, les Anglais ne peuvent être considérés comme officiellement hors de cause.
31On se sera vite aperçu, dans ces conditions, que la paix de Londres, était un leurre.
- 20 Ibid., p. 210, note 1.
- 21 Ibid., p. 224, note 2.
- 22 Cf. t. VI2, table 610-611, p. 870-871.
32De l’extérieur, deux faits dominent : l’anéantissement, à la fin de 1605, de l'Armada de la Guardia. L’Armada qui sort du Guadalquivir, en mai 1606, a fait peau neuve20. L’entrave sérieuse, que la présence de trois hourques du Nord a fait peser sur les Retours, à la fin de 1605 et au début de 160621 s’ajoute à cela. La statistique des pertes22 montre bien que la paix de Londres n’a rien modifié fondamentalement. Elle a apporté un espoir. C’est la poussée de 1605, après l’attente qui contribue au creux de 1603-1604 — un espoir déçu, qui va contribuer à creuser 1606, d’abord, puis 1607, ensuite. Jusqu’au moment où, toujours dans le même ordre d’idée, on sentira, entre autres facteurs favorables, l’imminence de la paix avec les anciennes Province ? rebelles.
33Pour extérieurs qu’ils puissent paraître, d’abord, à la dynamique du mouvement, les événements, soit accident de mer, soit accident de politique, réagissent intensivement sur la conjoncture du trafic. C’est par eux qu’il fallait bien commencer, puisque, à l’automne 1605 et au tout début de 1606, ils auraient contribué à fixer la tonique psychologique de l’année. Dans cette atmosphère chargée de réticences et de lourdeurs, toute une série de signes de mauvaise santé.
2. Retard et lenteurs du mouvement
- 23 Cf. t. VI1, tables 20-21, p 184 ; table 87, p. 252 ; tables 127-128, p. 319.
34Les dates des départs et des arrivées23 — premier signe à noter — par rapport à 1605 et, d’une manière plus générale, à la moyenne de l’époque, voire à la moyenne de tout un siècle d’histoire — sont particulièrement tardives.
- 24 Cf. t. IV, p. 204.
- 25 Ibid.
35Départ tardif, d’abord, le 13 mai24, au lieu de février ou, à la rigueur, le début mars, d’une Armada de la Guardia qui a dû, il est vrai, faire peau neuve. Départ tardif, par conséquent, du convoi de Nouvelle Espagne, le 8 juillet, de Cádiz25 ; tardif, malgré les apparences. En effet, si, en 1605, la flotte de Alonso de Chaves Galindo part à la même date (quatre jours plus tard, le 12 juillet, de Cádiz, au lieu du 8), elle vient, par contre, en troisième position, après une Armada de la Guardia, partie en février et une flotte de Terre Ferme partie en mai. On voit à quel point la situation de 1606 s’écarte, dans ces conditions, de celle de 1605. Le départ d’une première flotte en juillet interdit, pratiquement, la possibilité d’un second convoi.
- 26 Cf. ci-dessous, p. 1227-1233.
- 27 Cf. t. IV, p. 212.
36La raison de ces retards — de cette multitude de petits retards qui sont allés s’additionnant pour faire à la longue ce décalage de deux mois, au moins, par rapport à la situation à peu près normale de 1605 — préoccupe beaucoup la Casa de la Contratación, soucieuse, comme à son habitude, de dégager sa responsabilité et celle de ses amis, les cargadores, face au Conseil des Indes. Les raisons qu’elle avance, éclairent, on le verra26, puissamment la situation. Peut-être, d’ailleurs, ne donne-t-elle pas tous les mobiles. Au-delà des mobiles qui sont invoqués27, il en est un, au moins, sur lequel on se tait parce qu’il n’est pas avouable mais qui nous paraît, pourtant, dans le contexte, évident, le désir du négoce, peu soucieux d’un avantage en Terre Ferme, de faire échouer la seconde flotte, à laquelle, dans l’hypothèse d’un premier départ plus précoce, il aurait pu difficilement se dérober.
37Reste à comprendre, parfaitement, les raisons des réticences des gens d’affaires. Pour le moment, il suffit de retenir le décalage chronologique et de le porter sans hésitation à l’actif d’une conjoncture plongeante.
- 28 Cf. t. IV, p. 218-219.
- 29 Ibid.
- 30 Cf. t. IV, p. 222.
38Parallèlement à cette extrême lenteur des départs, une lenteur comparable des Retours. Si on excepte, en effet, les quinze sueltos28 dont les arrivées s’échelonnent tout au long de l’année, le gros convoi combiné des flottes et de l'Armada29 arrive entre le 13 et le 15 octobre, seulement, l'Armada30 de Don Hierónimo de Portugal y Cérdoba, plus tard encore, en décembre.
39La conjoncture plongeante de 1606, qui se substitue à l’esquisse d’essor de 1605, ne s’exprime pas seulement par le fléchissement du trafic global, mais, également, par toutes ces séries d’hésitations, de velléités, de faux départs, de décalages chronologiques et de lenteurs qui aboutissent à des décalages chronologiques de plusieurs mois.
3. Nouvelle Espagne et Terre Ferme
40Le marasme, en 1606, s’exprime différemment, suivant l’axe du trafic envisagé.
- 31 Cf. t. VI1, tables 167-170-173, p. 366, 369, 372.
41En réalité, il ne servirait à rien de chercher à opposer entre eux les grands axes géographiques du trafic, comme il a été utile de le faire en 1605, par exemple. Par rapport à l’année précédente, en Allers surtout (c’est ce qui importe), on assiste comme à une dilution générale des responsabilités, une absence de dominante31, une médiocrité bien également répartie.
42Légère poussée des îles — soit un doublement virtuel de 1605 à 1606 — maintien, pratiquement, du niveau des navires allant en Terre Ferme, débandade, par contre, sur la ligne dominante de la Nouvelle Espagne.
- 32 Cf. t. VI1, table 167, p. 366.
43a. Maintien apparent de la Terre Ferme. — En fait, ce n’est guère qu’une illusion issue du découpage du mouvement entre directions et provenances fondamentales32. Certes, entre 1605 et 1606, le niveau des départs en direction de la Terre Ferme semble avoir peu varié, un accroissement du nombre des navires (de 25 à 35) un léger fléchissement du tonnage (de 8 717 toneladas à 8 115 toneladas), de peu d’amplitude, moins de 10 %.
- 33 Cf. ci-dessus, p. 1205-1206.
44Mais ce n’est là qu’illusion. Si on fait entrer en ligne de compte la qualité du trafic, on est obligé de constater, d’une année sur l’autre, une puissante détérioration. En effet, la meilleure part des Allers vers la Terre Ferme de 1605 était constituée par une flotte, médiocre, certes33, mais qui éclipsait la part de l'Armada, et, a fortiori, celle pratiquement nulle des sueltos et des négriers. Ici, plus de flotte de Terre Ferme. Par contre, une augmentation de l'Armada de la Guardia, qui, de 8 unités et 3 477 toneladas, passe à 12 unités et 5 080 toneladas, une augmentation beaucoup plus grande encore des marginaux du trafic, sueltos, Canariens, négriers.
- 34 Cf. ci-dessus, p. 1205-1206.
- 35 Cf. t. IV, p. 112 et 248.
- 36 Ibid., p. 154.
- 37 Ibid., p. 184.
45Un mouvement constitué de cette manière, même si, quantitativement, il arrive, à 10 % près, au niveau de l’année précédente, est loin, en valeur, d’avoir une signification comparable. La médiocrité de la flotte de Terre Ferme de Francisco del Corral y Toledo, — la demi-flotte de 160534 — ne permet pas, d’autre part, de tirer trop argument de la quasi règle de biennalité qui semble avoir été, au départ d’Andalousie, la caractéristique, à cette époque, du trafic avec la Terre Ferme. Bien sûr, il n’est pas excessivement surprenant qu’il n’y ait pas eu flotte de Terre Ferme en 1606 après celle de Francisco del Corral en 1605. Il n’en demeure pas moins que la biennalité agit, malgré le demi-ratage de 1605 et cela est symptomatique. Il en résulte qu’entre la vraie flotte d’avril-juin 1601, de Don Francisco del Corral y Toledo et la vraie flotte de mars-juin 1608, de Juan de Salas y Valdes35, très exactement, sur un laps de temps de huit ans moins un mois, la Terre Ferme, outre l'Armada inégale de la Guardia, outre quelques sueltos plus ou moins sporadiques et négriers, n’aura reçu que les deux demi-flottes de Hierónimo de Torres y Por tugal (mars-juin 1603)36 et de Francisco del Corral y Toledo (mai-août 1605)37.
46Autant, au moins, que le volume des départs, leur qualité importe. La défaillance de la flotte de Terre Ferme en 1606, prend, de ce fait, une signification qu’on ne saurait esquiver. La poussée compensatrice des marginaux n’y change rien.
47b. Défaillance de la Nouvelle Espagne. — Elle est plus symptomatique, encore, puisqu’on est sur l’axe, « structurellement », le plus important — en volume, du moins — du trafic, au cours de ces vingt ans. Défaillance, donc, de l’économie dominante : non pas en navires, de 44 à 45 unités, mais en tonnage, de 14 125 à 9 505 toneladas. A la différence de ce qui se passe pour la Terre Ferme, le pullulement relatif des petits bateaux n’arrive pas à masquer l’ampleur de la retraite. Cette retraite est, en réalité, beaucoup plus importante qu’on pourrait le penser de prime abord.
- 38 Ibid., p. 186-189.
- 39 Ibid., p. 204-207.
48En effet, si le total du tonnage en direction de la Nouvelle Espagne n’atteint qu’aux deux tiers du tonnage dans la même direction, l’année précédente, la flotte de Alonso de Chaves Galindo (juillet-septembre 1605)38 était plus que double de son homologue de 1606, la flotte de Don Lope Diez de Armendariz (juillet-septembre 1606)39. Or, circonstance aggravante, Alonso de Chaves Galindo partait en troisième position, seulement, après l'Armada de la Guardia et la flotte de Terre Ferme de Don Francisco del Corral y Toledo, Don Lope Diez de Armendariz, en seconde position, seulement, immédiatement après l'Armada de la Guardia. Techniquement, il eût été au moins aussi aisé, vraisemblablement même, plus facile, de réunir un puissant convoi en 1606 qu’en 1605.
- 40 Malgré la leçon apparemment contraire de l’almojarifazgo de la Vera Cruz, t. VI1, table 227, p. 473
49La chute du trafic de la Nouvelle Espagne (plus qualitative, peut-être encore, que quantitative40) doit être imputée, comme les difficultés du trafic de Terre Ferme, au peu d’enthousiasme du négoce. Et, c’est dans cette mesure qu’il paraît judicieux de parler de conjoncture plongeante, puisque la volonté du négoce est au premier chef imputable.
4. Ventilation des départs et flambée des marginaux
50De cette défaillance conjoncturelle, nous avons bien d’autres preuves, encore. La ventilation entre les éléments constitutifs du complexe portuaire. La situation peut se résumer ainsi : chute verticale sur les axes majeurs : navires marchands de Séville et de Cádiz, véritable pullulement des marginaux et des éléments les plus légers du trafic.
- 41 Cf. t. VI1, table 183, p. 388-391.
51a. Pullulement des marginaux. — La brusque montée des annexes du complexe portuaire andalou canarien a pour cause la réapparition des Canaries, dans le comput officiel du commerce des Indes41. Le passage de 0 à 17 navires, totalisant, vraisemblablement, 1 340 toneladas, exagère, vraisemblablement, la réalité, puisque même en période d’exclusion du trafic canarien, un petit nombre de fraudeurs a dû réussir à filtrer.
52Si on considère, toutefois, comme un tout l’ensemble le plus léger et le [dus discutable — le plus rebelle à un comput efficace et serré — du trafic, l’ensemble Canariens-négriers, on passe de 6 à 58 unités, de 860 à 6 930 toneladas soit un saut en avant respectivement de 866 % et 705,8 %. Ces chiffre, donnent le sens d’une évolution mais ils exagèrent l’amplitude du mouvement.
53Comment interpréter cette montée ?
54D’abord comme le résultat du recul des parties les plus importantes du complexe, Séville et Cádiz. Ce recul ouvre la voie aux éléments les plus douteux et structurellement les plus légers du trafic.
- 42 1596-1597. Cf. ci-dessus, p. 1009-1035.
55Une contraction conjoncturelle à ses débuts amène, à l’ordinaire, un durcissement des positions de Séville et une élimination concomitante des éléments les plus légers du trafic. C’est ce qu’on a vu, voici dix ans42 pour les Canariens, quand la Carrera eut achevé la reconstruction de son matériel. En soi, une semblable élimination peut être considérée comme un signe favorable et défavorable, à la fois. Elle indique que tout, désormais, n’est plus permis et que la concurrence se fait à nouveau sentir sur des marchés considérés à un moment de la phase antérieure, comme inépuisables. Mais elle exprime, aussi, qu’après un effort de construction ou de reconstruction, Séville possède, désormais, un matériel suffisant pour assurer ses liaisons et son trafic.
56Or, il en va ainsi — en ces phases de plus grande aisance de l'armement que du trafic — jusqu’à un certain point, jusqu’au dépassement d’un certain seuil, au-delà duquel le retrait volontaire de Séville ouvre la route à un débordement par les ailes. Ce débordement peut contribuer, à son tour, à réveiller le négoce endormi et provoquer, ainsi, le déclenchement d’une nouvelle fluctuation cyclique.
57Telle paraît être exactement la signification de la brutale prolifération des « marginaux » du trafic en 1606. Elle ne risque pas, à cette échelle, d’être une simple illusion documentaire. Elle marque le fond d’un creux et annonce par l’ampleur même des difficultés qu’elle exprime, un nouveau et décisif départ. Elle corrobore, donc, tout ce que les chiffres bruts eux-mêmes avaient dit, à leur manière, tout à l’heure.
- 43 Cf. ci-dessus, p. 1208.
58b. Armada. — On pourrait, à bien des égards, donner la même signification au grossissement des armadas. De 9 à 12 unités, de 3 477 toneladas à 5 080 toneladas, le saut en avant43 est de l’ordre de près de 50 %.
59Qui plus est, il y a rupture et alignement pendant trois ans (1606-1608) sur un niveau supérieur. De 1602 à 1605, pendant quatre années consécutives, le niveau des armadas s’était maintenu un peu au-dessous à peine de 3 000 toneladas (3 170 toneladas en 1602, 3 627 toneladas en 1603, 3 327 toneladas en 1694, 3 477 toneladas en 1605), il passe brusquement en 1606 à 5 080 toneladas et la mutation est durable, puisque 1606, 1607, 1608 et 1609 alignent, au cours de quatre années consécutives, un niveau croissant d’armada, 5 080 toneladas, 5 460 toneladas, 7 840 toneladas et 5 910 toneladas. Ce gonflement durable de la rubrique armada, gonflement relatif et gonflement absolu, en 1606 et 1607, gonflement absolu, seulement en 1608 et 1609, peut être interprété, comme le pullulement des navires légers des ports marginaux des Canaries et de ces négriers qui viennent souvent du Portugal, un peu aussi, entre autres, comme un signe de déclenchement du mécanisme cyclique. Fond du creux de la vague, puis reprise qui emportera dans sa montée Séville et les marginaux que Séville supporte, faute de pouvoir les exclure.
- 44 Cf. t. VI2, table 610-611, p. 870-871
60Mais le gonflement du trafic d'armada a également une autre signification Et c’est avec la série des pertes qu’il faut mettre en regard44 le mouvement, si on désire dégager la relation armada/conjoncture. Le gonflement du tonnage d'armada ne signifie pas seulement, en effet, procès-verbal de la carence marchande de Séville, carence telle qu’elle déclenche une poussée, un envahissement par les marginaux de son domaine, mais elle signifie, aussi, paradoxalement, accroissement de l’insécurité, ou, du moins, accroissement de l’impression d’insécurité. Le gonflement du tonnage d'armada constitue une réponse à cette insécurité. Cette constatation rejoint et corrobore l’analyse du complexe interréactionnel politico-économique que nous avons cru saisir, au seuil du schéma psychologique explicatif des événements de l’année.
- 45 Cf. ci-dessus, p. 1176-1180.
61Le gonflement des armadas entre 1606 et 1609 dit l’échec de la paix de Londres, dans la mesure où la fin officielle de la guerre sur mer hispano-anglaise avait pu être pensée, un moment, à Séville, comme prometteuse de sécurité45. L’insécurité continue — cela est si vrai qu’il a fallu accroître le poids de l’appareil maritime protecteur.
62Et c’est pourquoi le passage des armadas d’un niveau de 3 500 toneladas à un niveau de plus de 5 000 toneladas (6 072,5 toneladas, moyenne des armadas, au départ, de 1606 à 1609) est un signe, à plus d’un égard.
63On pourra le considérer, finalement, dans son contexte, beaucoup plus comme un signe défavorable que comme un élément positif.
64c. Effondrement sur Séville et Cadis. — La conséquence la plus claire de ce gonflement parasitaire, c’est, évidemment, l’effondrement par compensation des navires marchands partant en convoi des grands ports du complexe. Ou plus exactement, peut-être, c’est l’arrêt puis la récession des axes moteurs essentiels qui aura permis la mise en marche des lignes secondaires du trafic.
65Il suffit, pour mesurer l’amplitude de la catastrophe, de comparer les niveaux des marchands de Séville. De 56 à 21 unités, de 17 145 toneladas à 5 005 toneladas, la contraction est de l’ordre, respectivement, de 62,5 % et de 70,8 %. Le tonnage unitaire moyen en est affecté, puisqu’il passe de 306,1 toneladas à 238,3 toneladas. Chute, quelque peu analogue pour les Caditains, de 10 à 7 unités, de 3 480 à 2 390 toneladas, soit respectivement repli de 30 % et 31,3 %, sur le mouvement unitaire et en tonnage.
- 46 Cf. ci-dessus, p. 1207-1208. De 75 à 40 unités, de 24 102 à 12 475 toneladas le décrochement récess (...)
- 47 La chute très nette du tonnage unitaire peut et doit, alors et dans ce cas, être prise comme un sig (...)
66Finalement, ce qui compte, c’est la récession, soit sur l’axe combiné Séville, armada, Cádiz 46, soit, solution plus tentante, encore, sur l’axe des seuls marchands des deux grands ports du complexe, Séville et Cádiz. C’est alors que l’on saisira le mieux, peut-être, la véritable amplitude du recul d’une année sur l’autre. Le décrochement négatif véritable s’établit alors, de la manière suivante, de 66 à 28 navires, 57,6 % pour le mouvement unitaire, de 19 625 à 7 395 toneladas, 62,3 % pour le mouvement en tonnage, avec un affaissement appréciable — signe, ici, de l’ampleur d’une déroute — du tonnage unitaire qui passe, dans l’intervalle, de 297,4 toneladas à 264,1 toneladas47.
67Tous ces signes sont concordants et ils invitent à prendre très au sérieux, l’accident conjoncturel qui se précise.
5. Les valeurs
- 48 Cf. t. VI2, table 227, p. 473 plus particulièrement.
68Les évaluations de valeurs fiscales approchées48 corroborent pleinement cette impression.
- 49 561 487 304 maravedís.
- 50 635 078 056,6 maravedís.
- 51 Le rapprochement de ces deux chiffres paradoxaux, de prime abord, est fort intéressant. Les navires (...)
69Deux chiffres contribuent à définir 1606 : la valeur présumée de 560 millions de maravedís au départ donnée par l'avería49, la valeur présumée de 655 millions 50 à l’arrivée de la Vera Cruz donnée par l'almorarifazgo51.
70Ces chiffres sont pleins de signification. Ils montrent, d’abord, à quel point la Nouvelle Espagne domine, quelle part occupe le trafic en flotte, par rapport aux trafics que l’on peut faire sur des navires sueltos ou d’armada. De telles distorsions sont trop franches, trop paradoxales même pour qu’on puisse craindre l’action perturbante des modes différents de fiscalité.
71Par rapport à 1605, par rapport au niveau à peu près comparable des années 1601, 1602, 1603, le niveau valeur des départs de 1606 peut être présumé inférieur de 50 %, environ. Cette constatation est évidemment capitale. Elle écarte le dernier soupçon d’un quelconque goulot d’étranglement technique, extérieur, en quelque sorte, au trafic — comme à la charnière des années 80 et 90 — pour ne laisser subsister que l’entière responsabilité des marchands et du trafic.
6. Conjoncture et gens d’affaires
72C'est bien cette entière responsabilité des marchands qui revêt pour nous le plus d’importance, puisqu’elle permet, vraiment, de parler de dépression conjoncturelle.
73Malgré son évident désir de dégager, face au Roi, la responsabilité de ses amis, les cargadores, la Casa de la Contratación est, ici, dans sa correspondance, un bon témoin.
- 52 Cf. t. IV, p. 212.
74a. Difficultés techniques : le coût de la main-d’œuvre. — La Casa de la Contratación insiste sur cette difficulté extérieure, étroitement entendue qu’est le coût de la main-d’œuvre. C’est sur elle que les sources sévillanes s'appuieront. Le terrain est excellent. Il y a, en effet, à la base, une grande part de vérité. Mais la Casa, toutefois, donne à l’argument un relief qu’on n’est pas obligé d’accepter. La crise de la main-d’œuvre s’appelle ici pénurie de marins52. Cette pénurie n’est pas neuve, elle semble d’autant plus paradoxale qu’on est en pleine contraction.
- 53 Une sorte de difficulté, déjà, à se procurer des Morisques, qui viendrait moins de ces derniers que (...)
- 54 H. Lapeyre. Géographie de l’Espagne morisque, op. cit. Conclusions communiquées grâce à l’obligeanc (...)
- 55 Les Morisques sont, en effet, dans la société espagnole des tâcherons toujours disponibles, là où q (...)
75Qu’est-ce à dire ? Des causes nouvelles sont-elles intervenues depuis les ponctions de la grande guerre maritime hispano-anglaise ? Fraudrait-il faire intervenir la tension morisque53 ? Ce qui tendrait à supposer que ces derniers ont joué un rôle dans la Carrera, qui est possible, voire vraisemblable, mais pas prouvé. Certes, ils sont intervenus, sans doute, dans la mesure où, comme l’idée se dégage des travaux d’Henri Lapeyre54, ils occupaient une place dans l’ensemble des activités « secondaires » sans rapport avec leur nombre55. Ajoutons que tout cela reste hypothétique. Le problème des Morisques dans la Carrera et par-delà, en Amérique, reste entier. Nous ignorons de quelle manière il pourra être résolu.
- 56 Cf. ci-dessus, p. 795-800.
76On se trouve, en fait, dans l’impossibilité d’établir les causes de cette apparente exaspération d’une pénurie qui, depuis les années de l'Invincible, est plus ou moins, en passe de devenir pénurie structurelle. Elle sera apparue, d’abord, sous l’effet combiné des besoins de l’expansion, puis des énormes ponctions de la grande guerre navale anglaise56 Elle sera maintenue, au-delà, sous l’effet du renversement de la tendance démographique majeure, autour de 1609, de la population espagnole. Cet aspect sera examiné à sa place ultérieurement.
77Pour le moment, sous l’angle d’une conjoncture plus courte, on ne voit pas de raisons évidentes à cette sensibilisation, par certains aspects, paradoxale, au problème de la main-d’œuvre de mer, en 1606. Une sensibilisation sélective en 1606 plus qu’avant ou, a fortiori, plus qu’après, lors de la grande expansion de 1608 à 1610. On peut se demander, dans ces conditions, dans quelle mesure cette pénurie n’est pas fortement liée à l’étroitesse générale du marché financier dénoncé un peu plus loin.
78C’est cette pénurie d’argent qui paraît commander le malaise de ces années. Si on ressent avec une particulière dureté le manque de marins, n’est-ce pas simplement que le prix en semble particulièrement exorbitant, en cette période de difficultés conjoncturelles et de mauvaises rentrées ?
- 57 Conclusions qui se dégagent des recherches capitales d’Henri Lapeyre, gracieusement communiquées pa (...)
- 58 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit, p. 273.
79Trois grands faits paraissent liés, tout au long des vingt-cinq premières années décisives du xviie siècle, dans l’espace de l’Atlantique de Séville : le renversement de la tendance démographique majeure de la population ibérique57, le renversement de la tendance majeure des prix des marchandises, l’extrême gonflement, l’extraordinaire distorsion des prix de la main-d’œuvre et des services en général par rapport aux prix des biens en général58, ou, pour mieux dire, l’anomalie positive maximale du prix de la main-d’œuvre.
- 59 Cf. ci-dessous, p. 1282-1295.
- 60 Ne pas omettre que les indices de Hamilton (1501-1650, op. cit., p. 271) sont des indices de prix r (...)
- 61 Ibid., p. 279-279.
80On aura l’occasion de revenir très prochainement sur ce complexe de causes capital59. Puisqu’il contribue à éclairer d’une manière décisive la conjoncture longue de cette époque. Pour le moment, il suffit d’en retenir un seul aspect, la distorsion, prix/salaires, puisqu’elle intéresse très particulièrement l’approvisionnement de la Carrera en gens de mer. C’est en 1601 que l’indice du prix des services passe au-dessus de l’indice des prix des biens. C’est en 1611 (et non en 1602) que se renverse la tendance majeure des prix/argent des services60, soit exactement, dix ans plus tard. En règle générale, les salaires réels, tels qu’ils sont calculés par Hamilton61 en rapprochant les indices des prix de la main-d’œuvre et des marchandises, s’accroissent d’une manière à peu près régulière de 1599-1600 à 1611 (puisque l’indice des services passe par rapport à l’indice des prix des marchandises de 91,31 % à 130,56 %), soit la plus fantastique distorsion de toute l’histoire économique de la péninsule ibérique et, peut-être même de toute l’histoire moderne.
81Ce qui importe dans ce domaine — à l’échelle, du moins, d’une conjoncture courte — c’est, comme toujours, moins les écarts absolus que leurs variations, et plus encore que le sens de la variation, la rapidité des variations, l’accélération du rythme des modifications.
- 62 Ibid., Composite index numbers of Real Wages, p. 278, et graphiques no 19, p. 279.
- 63 En effet, si la spectaculaire montée de 1506 à 1510 semble, de prime abord, au moins, aussi importa (...)
82Or, on aura noté une accélération extrême dans le rythme de l’enchérissement relatif de la main-d’œuvre62 de 1601 à 1603 (indice 91,40 % en 1599, 91,31 % en 1600, 100,88 % en 1601, 108,68 % en 1602, 112,80 % en 1603). Il n’existe rien d’exactement comparable dans le siècle et demi d’histoire considéré63. On notera que cette première partie de l’enchérissement relatif de la main-d’œuvre correspond au premier grand coup de frein qui en termine avec la prospérité du cycle précédent.
83Puis vient un palier, de 1603 à 1605 — (1603, 112,80 % ; 1604, 111,94 % ; 1605, 112,10 %). Au terme de ce palier, de cette pause bénéfique, la poussée de 1605 aura donné l’impression, un moment, de déclencher un nouveau cycle.
- 64 1609 : 127,83 % ; 1610 : 125, 49 % ; 1611 : 130,56 % ; 1612 : 127,96 % ; 1613 : 128,09 % 1614 : 122 (...)
84Or, de 1605 à 1607, une nouvelle poussée du coût relatif de la main-d’œuvre est déclenchée (1605, 112,10 % ; 1606, 116,80 % ; 1607, 119,60 %). Au-delà duquel, un nouveau palier en 1608 (de 119,60 % en 1607 à 121,35 % en 1608), puis une dernière poussée en 1609, suivie d’une contre-pente sur 1610, d’une flambée en 1611 et d’une lente descente relative64 au-delà.
85Or, la corrélation qui lie cette conjoncture du coût relatif de la main-d’œuvre et la conjoncture du trafic est évidente. La pente du coût de la main-d’œuvre 1605-1607 compromet les espoirs de la reprise ébauchée de 1605. Elle contribuera au complexe causal qui engendre la puissante contraction de 1606 et 1607. Les ralentissements de la pente, en 1608 et 1610, correspondent aux années d’expansion maximale du trafic, tandis que le ralentissement relatif du trafic en 1609 correspond à une accélération de la distorsion relative du prix de la main-d’œuvre, telle qu’elle se dégage des calculs de Hamilton. Tout cela cadre parfaitement.
861606, année d’accélération maximale du prix relatif de la main-d’œuvre, année de contre-pente du trafic, année d’avortement d’un cycle qui aurait pu commencer, mais qui ne partira pas avant deux ans encore. Mais, à cette corrélation s’en ajoute une autre, ou plutôt de cette accélération se déduit une autre relation.
- 65 Puisqu’on l’a vu (t. IV, p. 212, note 5), les difficultés financières des marchands ont, ici, un no (...)
87Toutes choses étant égales — la distorsion prix-main-d ’œuvre étant, en l’occurrence, supposée égale, ce qui n’est pas le cas, mais va plus encore dans le sens de notre thèse — la cherté relative de la main-d’œuvre maritime sera d’autant plus sentie que les affaires seront plus mauvaises, la conjoncture plus lourde. N’est-ce pas, très exactement, la clef de la situation de 1606 ? Les officiers de la Casa de la Contratación et leurs services en eurent conscience — est-il trop risqué de le dire, puisqu’ils insistèrent beaucoup et presque simultanément, sur la difficulté de se procurer des gens de mer et sur les difficultés d’argent des gens du négoce ? Si les deux arguments sont simplement juxtaposés, mais non liés, dans l’exposé de la Contratación peut-être, est-ce, simplement, pour ne pas affaiblir le plaidoyer que65 la Casa de la Contratación présente, toujours, plus ou moins, en faveur de ses perpétuels clients, les cargadores de Séville.
88Mais la réalité réconcilie aisément ces deux attitudes. La tendance à la distorsion des prix main-d’œuvre, marchandises est un facteur, entre autres, d’une conjoncture difficile du trafic, la conjoncture difficile du trafic contribue à sensibiliser, plus particulièrement en 1606, le négoce aux prétentions des marins.
- 66 Cf. t. IV, p. 212.
- 67 Ces plaintes témoignent de la prise de conscience par les milieux responsables de la Carrera d’un g (...)
- 68 F. Braudel. La Méditerranée, op. cit, p. 397 ; F. Spooner. Les frappes monétaires, op. cit., p. 97.
- 69 On peut se demander si Almadén et, d’une manière plus concrète, l’acheminement du mercure d’Almadén (...)
- 70 Cf. ci-dessus, p. 1228, note 4.
89b. Le mercure : un faux facteur technique. — L’argument que l’on invoque, encore, c’est la difficulté à se procurer le mercure d’Almadén66. Les Fugger ne mettent aucune hâte à faire leur livraison, manifestement, moins peut-être pour des raisons techniques67, que pour des raisons financières. Le Trésor royal68, aux bords d’une imminente et insolite banqueroute (insolite, parce que séparée de dix ans, seulement, de la dernière faillite), est responsable des difficultés auxquelles l’administration d’Almadén est aux prises, d’où des retards dans l’acheminement du mercure69, d’où les répercussions que l’on sait sur la flotte de Nouvelle Espagne. Peu importe que ces difficultés soient réelles — il est possible qu’elles le soient en partie — ou feintes — il est plus vraisemblable qu’il y ait beaucoup de chantage — sous l’angle de la conjoncture, la cause est la même et l’effet identique. Le résultat, lui, n’est pas douteux, c’est un creux exceptionnel dans l’approvisionnement70.
- 71 Cf. ci-dessus, p. 1222-1223.
90Le mercure, ses retards, les difficultés qu’il entraîne pour le départ de la flotte de Don Lope Diez de Armendariz (retard qui a, surtout, contribué71 à l’avortement d’une seconde flotte de Terre Ferme) a donc pour cause l'impécuniosité royale. A son tour, cette impécuniosité royale, dont les causes profondes et permanentes sont assez évidentes, n’aura sans doute pas été sensible à des difficultés de conjoncture, dont toute la motivation ne réside pas, cela va sans dire, dans les difficultés spécifiques des finances publiques. C’est, peut-être, entre autres, en écho aux difficultés de conjoncture, que prix espagnols et trafics dans l’Atlantique expriment à leur manière, qu’est due la situation, en 1607, d’une banqueroute, pour bien d’autres raisons, fatale. Une fois de plus, on observera combien tous ces aspects sont liés et réagissent, constamment, les uns sur les autres, dans une série dialectique sans fin.
- 72 Cf. t. IV, p. 212-213 et t. I, p. 99-102.
91c. Difficultés financières et exigences royales. — On doit, d’autant plus sûrement, conjuguer finances royales et conjoncture, que la Casa de la Contratación invite clairement à le faire72 : n’impute-t-elle pas l’impécuniosité et les difficultés de conjoncture de ces années aux ponctions du fisc sur les trésors ?
92Un prélèvement sur les retours, voire sur les bénéfices à leur rentrée, après de longs circuits commerciaux, ne peut que briser l’enchaînement du trafic, puisque ce sont ces bénéfices et ces rentrées qui réalimentent normalement les circuits commerciaux.
93Sensibilité à la cherté de la main-d’œuvre, lenteurs dans l’acheminement du mercure, impécuniosité générale et manque de confiance, toutes ces données techniques et psychologiques du tableau de 1606 sont parfaitement indissociables.
- 73 Ibid., p. 212-213 et t. I, p. 99-102.
94Le réflexe des marchands à l’égard de la fiscalité participe, semble-t-il, lui encore, au même complexe. L’année 1606 a été celle, peut-être, du décalage maximum (depuis longtemps et pour longtemps) entre le départ du convoi et celui des registres73 — on a vu combien cette pratique était génératrice de fraude. Que les marchands en usent en 1606, rien de surprenant, que le Roi se défende mollement, non plus, rien de surprenant. Le négoce récupère une faible partie de ce qu’il a perdu, par ailleurs, du fait du Roi.
95d. Une atmosphère de suspicion et d’accusation. — C’est bien, finalement, l’impression la plus claire qui se dégage, cette année, de la lecture de la correspondance de la Casa de la Contratación. La Casa, écho des négociants, s’en prend, respectueusement et indirectement au Roi. Elle s’en prend aux Fugger, aussi. Ce qui est une manière indirecte de mettre en cause le Roi.
96On devine, d’autre part, derrière leurs plaidoyers, que les officiers du Roi défendent leurs amis, tout en se défendant, eux-mêmes, contre les accusations et le mécontentement grondeur des gens du Conseil des Indes. Ils agissent en agents du pouvoir local face au pouvoir central.
- 74 Dans sa lettre au Consejo du 20 juin 1606 (I.G. 2662). t. IV, p. 212.
97Ces plaidoyers sont compréhensibles : le Roi en son Conseil devait entendre des sons de cloche peu favorables aux puissances économiques de Séville. Le duc de Medina Sidonia74 en grand seigneur, sans tendresse pour la gent d’affaires dénonce violemment, dans une lettre adressée de San Lúcar, le 20 juin et parvenue au Consejo, le 23, les agissements du Prieur et des Consuls.
98Apparemment, fort mince, l’indice est de taille. Medina Sidonia possède, en effet, le rare privilège de s’adresser directement au Roi en son conseil. Contre lui, la Casa ne peut exercer son pouvoir modérateur, son rôle de tampon et de filtre. Or, ce que Medina Sidonia dénonce, c’est non seulement le peu d’enthousiasme général, la mauvaise volonté évidente de beaucoup de cargadores à accomplir leurs devoirs, mais c’est un véritable sabotage des Prieur et Consuls qui « contrecarrent par tous les moyens la flotte de Nouvelle Espagne ». Or, qui dit Prieur et Consuls, dit, dans la Carrière des Indes, comme dans bien d'autres affaires, selon toutes apparences, un petit groupe de très grosses maisons. Ce sont elles qui, à la limite, imposent leur comportement à l’ensemble du négoce. C’est là, dans quelques esprits, que se font et se défont les ondes de choc de la conjoncture. En retard la date de départ de la flotte de Nouvelle Espagne, le Consulat se dérobe à l’obligation qu’il redoute et qu’il sait bien esquiver, d’avoir à mettre sur pied, une seconde flotte, qu’il faudrait destiner à la Terre Ferme, perspective fâcheuse, entre toutes.
99Pour diverses raisons, les plus grosses maisons de Séville misent et organisent la dépression en 1606. Le duc de Medina Sidonia, avec la clairvoyance que lui apporte sa haine de grand seigneur, voit le jeu et le dénonce... vainement, d’ailleurs. Mais que peut Medina Sidonia, que peut le Roi, contre ce mur de silence, de complicités et de mauvaise volonté polie et agissante que forme, en période de dépression, la franc-maçonnerie des plus grosses affaires sévillanes ?
- 75 Ibid., p. 213-215.
100c. La révolte des « parents pauvres ». — Cette politique de noyau dominant du trafic ne suscite pas la seule résistance de Medina Sidonia. Elle provoque une véritable révolte des « parents pauvres » de la Carrera, qui en sont les principales victimes. On lira, à travers les notes aux tableaux de l’année 160675, les plaintes du Honduras, de Puerto-Rico, de La Marguerite..., des pays de l’isthme de Panama... qui obtiennent, non sans mal, d’être ravitaillés, en dehors des flottes qui les négligent, par des asientistes complaisants.
101Dans l’ensemble, les grosses affaires de Séville se sont montrées uniquement sensibles aux spéculations les plus importantes des grands espaces contime ntaux. Pérou, d’abord, Nouvelle Espagne, de plus en plus exclusivement.
- 76 Cf. t. VI1, tables 166-167, p. 365-366, table 177, p. 376 ; t. VII. p. 82 83.
- 77 Cf. ci-dessus, p. 1232-1233.
102Séville a contribué, de ce fait, encore qu’indirectement, au dépeuplement des espaces marginaux. Cette politique va se révéler dangereuse à l’approche du renversement de la tendance majeure. La pénurie est telle — elle s’est exprimée, notamment, par un aplatissement à peu près total des exportations en direction des îles76 — qu’on assiste à une véritable convergence des plaintes en direction des organes de la Casa et du Consejo77 et à l’organisation du système de remplacement des asientos.
103En léger redressement des exportations en direction des îles (18 bateaux en 1606 au lieu de 8 en 1605,1785 toneladas en 1606, au lieu de 920 toneladas en 1605) semblerait prouver qu’un seuil a été crevé, une sonnerie d’alarme mise en action.
104En faveur des « parents pauvres » assassinés par la politique délibérément malthusienne du plus gros négoce sévillan, un mécanisme va jouer, un peu analogue à celui qui a joué, en 1606, du côté Europe, en faveur de ces autres marginaux, que sont les Canariens et les négriers.
105Autrement dit, la conjoncture mauvaise de 1606 s’exprime par un désintéressement délibéré de Séville à l’encontre des affaires... et par une révolte des zones marginales « parents pauvres » des Indes et « parents pauvres du complexe portuaire. Ils ont l’impression qu’ils sont sacrifiés, délibérément, en effet, à la haute stratégie économique du petit groupe des plus grosses affaires de Séville. Mais cette prolifération et cette anarchie d’activités médiocres, n’est-ce pas un peu aussi un signe, entre plusieurs, de cette conjoncture défaillante ?
106f. Les prix. — Il est naturel que, pour finir, on cherche, dans les indices des prix espagnols, d’éventuelles indications. On a vu, déjà, tout ce qu’on peut tirer de la comparaison des indices des prix des biens et des services.
107En 1606, la distorsion s’accroît brusquement. Il y a accélération dans le rythme d’accroissement de l’écart relatif. Ce facteur constitue une série handicap pour le commerce.
- 78 E.J. Hamilton, 1501-1650, op. cité, p. 403 ; t. VI1, tableau 163, p. 362 ; t. VII, p. 52-53.
108Si les branches des ciseaux prix-salaires s’écartent en 1606, cela n’est pas imputable aux salaires mais aux prix, c’est, essentiellement, parce que la branche prix s’affaisse brutalement. Le mouvement de décroissance des prix commence vraiment en 1606. L’indice des prix-argent pour l’ensemble de la péninsule avait virtuellement retrouvé le point haut de 1601, avec le point à nouveau considérable de 1605 (indice 142,20 en 1605, contre l’indice 143,55 en 160178. A partir de 1606, les indices baissent sûrement : le renversement de la tendance majeure sur les indices des prix argent ibériques traités pour une moyenne mobile médiane de treize ans — il suffit de le rappeler à titre d’indication — se place juste après 1604.
109Si le lien qui peut et doit unir conjoncture des prix ibériques et conjoncture du plus grand trafic dans l’Atlantique de Séville, à la hauteur des années victorieuses de 1608-1610, est parfois difficile à saisir et nécessite pour être comprise, une certaine souplesse dialectique, il est bien évident, par contre, que la corrélation entre la conjoncture plongeante des trafics, à l’Aller, surtout, entre 1606 et 1607, d’une part et les prix des marchandises, d’autre part, n’offre aucune difficulté. Elle est évidente. Covariation simple, positive et immédiate.
110La relation est particulièrement claire, dans ce laps de temps ; notamment, avec la série andalouse. Elle subsiste, avec toutes les séries particulières (sauf la Nouvelle-Castille), mais elle est exceptionnellement bien marquée, avec les séries Vieille-Castille/Léon et Valence.
- 79 E.J. Hamilton. 1501-1650, op. cit., p. 215-216.
111Pour se borner à la relation la plus certaine, sinon, nécessairement, la mieux dessinée, celle qui s’établit entre les prix andalous et l’allure générale du trafic, on notera la conformité, en gros, des deux séries. Phase ascendante du petit cycle des prix andalous de 1602 à 1604, petit plateau descendant de 1604 à 1605. 1605, qui bénéficie de l’effet cumulatif, peut presque être considéré comme le point culminant (98,22 après 99,23). Chute brutale, de 1605 à 1606, de près de 10 % de 98,22 à 91,42, puis palier en pente douce et à nouveau chute au-delà de 161079.
112A la chute brutale des prix andalous entre 1605 et 1606, correspondent le fléchissement du trafic de 1606 et l’effondrement de 1606 à 1607.
- 80 Seule, la série Nouvelle Castille est relativement indépendante, poux une fois, des autres séries e (...)
113On pourrait étendre le raisonnement aux autres séries géographiques de la Vieille-Castille/Léon et de Valence80. Elles n’apporteraient rien de plus. La covariation, à l’échelon, du moins, de la courte récession de ces années, est bien marquée. Cela suffit.
II — 1607 : LE CREUX DE LA VAGUE, AVANT L’EXPANSION MAXIMALE DE TOUT UN SIÈCLE
114Tous les caractères de 1606 se retrouvent en 1607, mais singulièrement grossis.
- 81 Cf. t. VI1, tables 162-164, p. 361-363 ; t. VII, p. 52-53.
115Formant un contraste total avec 1608, le mouvement des navires et des richesses entre Espagne et Amérique passe, en 1607, par un creux très profondément marqué, un des creux relatifs records sur les Allers et les Allers et retours81. Le creux relatif des Allers (35,88 %) est égalé ou dépassé, cinq fois seulement en un siècle et demi, le creux relatif des Allers et retours (53,01 %), beaucoup plus significatif encore, parce que moins susceptible d’être imputé, simplement, à un accident de navigation, est égalé ou dépassé deux fois seulement. Aboutissement logique du processus qui a commandé le creux de 1607, aboutissement d’une vaste dépression qui, commencée à la fin de 1601 ou de 1602, dure jusqu’au pied de l’énorme poussée des années 1608-1610, l’année 1607 cumule d’autres disgrâces. On y lit, au maximum, la trace d’impact des facteurs de politique intérieure et de politique extérieure, sur le grand trafic vital transatlantique. Cette crise a l’avantage, enfin, de dévoiler, quelques caractères de la grande dépression, dont les structures se constituent en profondeur, masquées par les prospérités cycliques, perceptible ?, déjà, par contre, au fond des accidents de la conjoncture.
LA LEÇON DES CHIFFRES
- 82 Cf. ci-dessus, p. 1213-1234.
116C’est par la leçon des chiffres, mais au sein du découpage de l’année civile qu’il faut, plus que jamais, commencer. Elle permet de mesurer l’amplitude extrême d’une récession qui ne doit rien à une quelconque illusion du découpage chronologique. La récession est bien objective. Elle l’est par rapport aux niveaux mêmes de l’année précédente 1606, dont on a vu, pourtant, la médiocrité82 et la position, dans l’ensemble, légèrement inférieure à la moyenne. Par rapport à ce terme de référence, l’authentique situation de 1607 apparaîtra sous son jour véritable.
1. Allers
117C’est là que la déroute est la plus sensible, c’est là, également, qu’elle a le plus de poids. Le creux de 1607 est le plus marqué depuis 1587 jusqu’à la débandade des années 1640 et au-delà.
118Par rapport à 1606 — il vaudrait mieux dire, même par rapport à la médiocrité de 1606 — le recul est extrêmement marqué. De 98 navires à 37 unités, le recul est de 62,24 %, de 19 405 toneladas (23 286 tonneaux en 1606) à 8 153 toneladas (9 783,6 tonneaux en 1607), le recul reste substantiel, de 57,9 %. Il faudra aller jusqu’en 1641/1642, 1648 et 1649 pour retrouver des chiffres absolus aussi bas, jusqu’en 1641, pour rencontrer un point relativement aussi déprimé. Par rapport à la moyenne, la position de 1607 n’est plus qu’à 35,88 %, contre 81,54 % et 96,76 % au cours des deux années précédentes.
- 83 Cf. ci-dessus, p. 1213-1313.
- 84 Cf. ci-dessus, p. 1238-1245.
119Le tonnage unitaire, par contre, s’est redressé. L’anomalie — on s’est efforcé d’en rendre compte83 — de 1606 est, en partie, balayée. Le tonnage unitaire moyen remonte de 198 toneladas à 220,35 toneladas, soit à un niveau qui n’est plus tellement différent des niveaux du tonnage unitaire moyen de la fluctuation (soit 243,14 toneladas) et du cycle tout entier (soit 219,16 toneladas). Après les niveaux véritablement excentriques de 1605 et de 1606 (308,2 et 198 toneladas), on assiste en 1607 à un retour à la normale. Le retour à l’équilibre est d’autant plus frappant, tout compte fait, que la ventilation84à l’intérieur du complexe portuaire est d’autant plus insolite.
2. Retours
120En 1607, le décalage entre Retours et Allers s’accentue. Les Retours des Indes continuent à s’écouler vers le Sud de la péninsule ibérique, affectés, certes, mais assez médiocrement, tout compte fait, par le retrait des Allers.
- 85 Cf. t. VI1, table 159, p. 356.
- 86 La part des Retours au mouvement total est de 53,4 % de 1605 à 1607, de 41,2 % seulement lors de la (...)
- 87 Cf. t. VII, p. 52-53.
121Par rapport à la fluctuation violemment dessinée au départ d’Espagne, les Retours jouent un peu le rôle d’un volant stabilisateur, leur rôle est contracyclique. Le capital qu’ils vont mettre à la disposition des départs, permettra, entre autres facteurs convergents, le grand rush de 1606-1610. Pour le moment, cette situation est exprimée par le rapport Allers-retours85. La part des Retours n’a cessé de s’accroître depuis les 7,5 % et 49,2 % de 1604, 1605, jusqu’aux 62,73 % de 1607, en passant par les 55,17 % de 1606. Cette montée, ce coup d’épaule des Retours86 s’exprime bien graphiquement87.
122Cette montée relative des Retours — relative non à la moyenne du mouvement Retours mais relative à l’ensemble Allers et retours, dans le cadre du découpage annuel — n’empêche pas un très sensible recul en valeurs absolues. Le mouvement Retours passe, en effet, de 75 navires en 1606 à 59 navires en 1607, de 22 035 toneladas (26 642 tonneaux) en 1606 à 13 724 toneladas (16 468,8 tonneaux) en 1607, soit, par rapport aux globaux, de 21,33 % à 36,7 %.
- 88 Cf. ci-dessus, p. 1213-1215.
123Ce recul considérable est dû, en partie, au repli du tonnage unitaire, de 302,8 toneladas (1605), 293,8 toneladas (1606) à 232,6 toneladas. Ce recul est normal : il marque le retour, en 1607, d’une partie des navires sortis en 1606 — on se souvient que, de 1605 à 1606, le tonnage unitaire moyen des navires, à l’Aller, était passé de 308,2 à 198 toneladas, pour des raisons évidentes qui ont été examinées à leur heure88. Les Retours sont, donc, une fois de plus, fidèles à leur rôle d’écho assourdi et décalé des variations du mouvement Allers.
124Par rapport à la moyenne, enfin, la dépression se creuse, puisqu’on passe, pour deux ans, d’une position positive (137,55 % en 1605, 127,23 % en 1606) à une position négative (82,64 % en 1607, 90,66 % en 1608).
3. Allers et retours
- 89 Cf. ci-dessus, p. 1217.
125La concordance des comportements va se retrouver sur les globaux, dont le creux est très vigoureusement dessiné. De 173 navires à 96 unités, le repli est de 44,5 % sur l’expression unitaire, de 41 440 toneladas (49 728 tonneaux) à 21 877 toneladas (26 252,4 tonneaux), il est, de même ordre, un peu plus fort, de 47 % sur l’expression volumétrique du mouvement. De telle sorte que le tonnage unitaire moyen aura légèrement fléchi, de 239,5 toneladas en 160689 à 227,9 toneladas. Par rapport à la moyenne, le point le plus bas d’un creux relatif de cinq ans qui va de 1603 à 1607 est atteint, avec 53,01 % contre 97,71 % en 1606, 79,10 %, 55,45 et 109,72 % de 1603 à 1605. En valeur absolue, les 53,01 % de 1607 ne seront égalés, qu’une fois, en 1641 (52,74 %).
126On est bien en présence, par conséquent, d’un accident de toute première grandeur, qui correspond à quelque chose de très profond.
LE CREUX DE 1607 N’EST PAS UNE ILLUSION
127Et ce sont encore les chiffres qui le démontrent.
1. Les faits
128Le plus important réside, naturellement, dans l’absence de flotte. Cette défaillance est d’autant plus significative qu’en 1606, déjà, un seul convoi avait été mis sur pied, la flotte de Nouvelle Espagne de Lope Diez de Armendariz.
- 90 De nombreux exemples-, dans toute l’histoire de la Carrera, cf. t. II à V.
- 91 Cf. t. IV, p. 248.
129a. Une année sans flotte. — On aurait pu s’attendre, par conséquent, d’après l’exemple des années précédentes, à ce que la seconde flotte avortée en direction de la Terre Ferme soit simplement retardée, de l’automne 1606 au petit printemps 160790 En fait, la seconde flotte de Terre Ferme, de 1606, celle qui n’a pas eu lieu, ne devait pas partir avant dix-huit mois pleins, le 7 mars 1608, sous une forme et sous un commandement (celui de Juan de Salas y Valdes91) qu’on ne pouvait prévoir à l’automne 1606.
130Toute l’année va s’écouler sans que rien n’aboutisse. Les départs de 1607 sont, en effet, d’une pauvreté qui rappelle les pires moments de difficultés extérieures, au paroxysme de la guerre française, au cours des années 50 du xvie siècle, ou au plus dur de la guerre anglaise, autour de 1590, ou bien plus tard encore, après la catastrophe de 1640. La pauvreté est aussi qualitative qu’elle est quantitative.
- 92 Cf. t. IV, p. 228-229, nos 1 à 10.
131Un nombre restreint de « sueltos et d’avisos »92, trois négriers reconnus, quatre Canariens, deux convois.
132Mais quels convois !
- 93 Ibid., navires a à k.
133L’Armada de la Guardia de Don Francisco del Corral y Toledo93. Pour sa mise en œuvre, l’initiative privée, la seule, en l’occurrence, qui constitue un test vraiment valable, de conjoncture des affaires n’est pour rien.
134Beaucoup plus curieuse, encore, l’infime escadrille de Don Juan de Silva, qui sera, pratiquement, le seul lien, combien ténu, entre la péninsule et la Nouvelle Espagne.
135b. Terre Ferme, Nouvelle Espagne et îles. — Devant une débandade aussi totale, il est difficile d’établir une hiérarchie.
136L’accident conjoncturel de 1607 n’est pas imputable à la défaillance d’un secteur géographique donné de l’Atlantique, mais il s’agit bien d’une paralysie généralisée, qui affecte simultanément tous les secteurs. A des degrés différents, il est vrai.
137Les îles. — Les quantités, sur lesquelles portent nos observations, sont particulièrement faibles. Il faut, donc, de ce fait, s’aventurer dans ce domaine, avec une prudence extrême. Pourtant, il est certain que le recul des îles est moindre, dans une certaine mesure, que le repli général du mouvement.
138Les navires allant aux îles passent de 1606 à 1607, de 18 unités à 7 unités et de 1 785 à 875 toneladas. Soit en tonnage, un recul, certes, de près de 51 %, mais dans le même temps, le tonnage d’ensemble du mouvement à l’Aller recule davantage encore, de 57,9 %. Relativement à la masse globale, il y a eu une légère amélioration de la position des îles, dont la part est passée de 9 % à un peu plus de 10 %. Mais c’est surtout par rapport à 1605 que 1607 ou l’ensemble des deux années 1606-1607 traduisent, dans ce domaine, une grande amélioration. La part des îles au départ de 1606-1607 est très proche de 10 %, soit, à peu de chose près, la moyenne du tonnage allant aux îles par rapport au mouvement Allers pour l’ensemble du cycle 1605-1613 (10,8 %). Le contraste est frappant avec les 3,7 % de l’année d’expansion de 1605.
- 94 Cf. ci-dessus, p. 1232-1234.
139Il n’y a là rien d’autre, sans doute, qu’un retour à une situation plus normale. Systématiquement négligés par le commerce monopoleur de Séville, ceux qu’on appelle les « parents pauvres » de la Carrera se sont révoltés, avant de se livrer, tout entiers, aux commerces concurrents des « non ibériques » La remontée progressive (elle se poursuivra de 1608 à 1611) des îles est le résultat de plaintes94 dont la Casa n’a pas pu, en 1606, ne pas se faire l’écho.
- 95 Cf. ci-dessus, p. 1233-1234.
140Ce phénomène — on ne peut en tirer de conclusion hâtive — serait en soi plutôt un signe de médiocrité relative du trafic de l’année, puisque les échanges, dans ces directions, sont le plus souvent de moindre densité unitaire qu’en direction du continent. Vue à plus long terme et replacée dans la perspective du cycle, cette remontée des îles du point anormalement bas de 1605 vers les positions plus normales d’au-delà de 1606-1607, doit apparaître, au contraire, comme un élément favorable. Elle exprime, comme une victoire partielle, peut-être insuffisante, des justes revendications95 des espaces géographiques négligés de la Carrera. C’est, peut-être, par ce biais, entre autres, qu’au fond même de la dépression conjoncturelle, ce prolongement de prospérité des années au-delà de 1607 aura été préparé.
141La Terre Ferme. — S’il y a maintien, en gros, des positions, au vrai, bien secondaires des îles, il y a effondrement, par contre, sur les deux secteurs géographiques essentiels de l’Atlantique de Séville.
- 96 Cf. ci-dessus, p. 1221-1223.
- 97 Cf. t. IV, p. 112-117.
- 98 Ibid,., p. 248-251.
- 99 Ibid., p. 228-229.
142L’échec, en 1607, de la flotte de Terre Ferme revêt d’autant plus de poids, qu’il y a eu échec déjà de la flotte de Terre Ferme, en 160696, que la flotte de 1605, comme celle de 1603, n’était qu’une demi-flotte, qu’il n’y a pas eu de vraie flotte de Terre Ferme, depuis le célèbre convoi de Don Francisco del Corral y Toledo97 jusqu’à la flotte, au demeurant, assez médiocre de Juan de Salas y Valdes (mars-juin 160898). Mais ce n’est là, pourtant, qu’un aspect de la vérité. En effet, l'Armada de la Guardia99, dont le départ est, pourtant, indépendant du négoce, dont le volume, même, obéit — en 1607, quand on attend la liquidation du conflit hollandais, cela semble assez évident — d’abord à des impératifs stratégiques, est d’un volume nettement supérieur au volume des années précédentes. Avec 8 gaffons représentant 5 280 toneladas, 3 pataches qui représentent 180 toneladas, soit au total, 11 unités et 5 460 toneladas, le niveau de l'Armada de la Guardia de la Carrera de las Indias dépasse de près de 50 % le niveau moyen des Armadas de la Guardia, au cours des six années précédentes.
- 100 Cf. t. VI1, table 167, p. 366
143Cette augmentation du volume de l'Armada de la Guardia ne paraît pas uniquement imputable à des causes stratégiques et militaires ; loin de là. On la mettrait volontiers au compte des marchands, au compte d’un certain désir de maintenir des liens avec la Terre Ferme, de conserver les échanges les plus rentables, ceux qu’on se résigne mal d’abandonner à l’interlope. Dans ces conditions, le volume de l'Armada de Don Francisco del Corral y Toledo, sans effacer en rien l’échec de l'armada y flota, procède, quand même, d’un certain esprit de concession. A telle enseigne que la Terre Ferme dans la répartition entre les grandes directions fondamentales100, apparaît en 1607 en position très forte (17 navires, 5 894 toneladas, sur 37 unités et 8 153 toneladas). Cette position forte, hâtons-nous de le dire, considérée comme telle, indépendamment de la nature et de la fonction des navires qui composent ce mouvement, pourrait inciter à porter un jugement favorable, elle serait, en fait, génératrice d’erreur.
144Néanmoins, au milieu de la débandade générale de l’année 1607, la Terre Ferme est, avec les îles, légèrement en retrait. A peine un peu en retard, par rapport à l’ensemble du mouvement dont le rythme est commandé par la Nouvelle Espagne.
145La Nouvelle Espagne. — Tout au long du cycle 1605-1613, tout au long de la période 1600-1622, voire même à l’intérieur de la fluctuation déprimée 1605-1607 du début du cycle, l’espace économique de la Nouvelle Espagne constitue, dans ses rapports avec l’Atlantique de Séville, l’élément dominant. Il donne le ton, sa marche nerveuse calque, avec fidélité, la courbe générale de l’ensemble du mouvement.
146C’est donc là qu’il faudra chercher la véritable position du mouvement de 1607 en conjoncture. L’attente ne sera pas déçue. La Nouvelle Espagne assume la plus lourde part de la responsabilité dans le comportement de l’année 1607.
- 101 Ibid.
147Au total, 13 navires, 1384 toneladas101, soit une proportion infime, presque ridicule, 16,9 % du tonnage total, 35,1 % du mouvement unitaire. Pour apprécier, à leur vraie valeur, ces deux pourcentages, il convient de les rapporter aux moyennes du cycle 52,2 % du tonnage total et 47,6 % du mouvement unitaire, voire même, presque plus probant encore, aux moyennes de la fluctuation (1605-1607) : 49,7 % et 48,1 % représentent les pourcentages à l’Aller de la Nouvelle Espagne, respectivement en tonnage et sur l’expression unitaire du mouvement.
148Le caractère insolite du comportement de la Nouvelle Espagne en 1607 ne réside pas seulement dans cette annihilation de la participation nouvelle-espagnole aux trafics. Elle est, pourtant, spectaculaire. Le tonnage de Nouvelle Espagne, relativement à l’ensemble du mouvement, ne représente plus que moins de 30 % de son niveau relatif normal, au cours de ces plus de vingt ans. Mais comme au creux relatif s’ajoute le creux absolu, le creux de la Nouvelle Espagne est, en chiffres absolus, beaucoup plus considérable encore. 1 384 toneladas, niveau des Allers, dans cette direction, en 1607, contre un niveau annuel moyen au départ de la Nouvelle Espagne de 13 441,5 toneladas au cours du cycle, de 1605 à 1613. Le niveau des départs vers la Nouvelle Espagne n’aura atteint, en 1607, que 10,3 % du niveau annuel moyen des Allers vers la Nouvelle Espagne, au cours de l’ensemble de la fluctuation décennale.
149Presque plus probant, le rapport interne 16,9 % du tonnage total, 35,1 % du mouvement unitaire. En effet, cette distorsion insolite signale l’ampleur de l’effondrement du tonnage unitaire. En face, on notera les pourcentages respectifs (mouvement en volume et mouvement unitaire des Allers en direction de la Terre Ferme, soit 72,25 % du tonnage total, 45,9 % du mouvement unitaire des départs de 1607, entendez une distorsion d’une amplitude presque comparable, mais exactement inverse.
- 102 Cf. ci-dessus, p. 1236.
150La chute du mouvement vers la Nouvelle Espagne en 1607 a donc été accompagnée, comme toujours, quand on est en présence d’une défaillance de cette ampleur, par une dépression comparable du tonnage unitaire. Ce qui signifie l’élimination sur la ligne, pour un an, du matériel lourd à fort rendement. Il suffit, à cet égard, de rapprocher le tonnage unitaire moyen des Allers, pour l’ensemble des départs de l’année, soit 220,35 toneladas, très proche, on l’a vu102, des tonnages moyens de la fluctuation décennale et de la fluctuation primaire, du tonnage unitaire moyen des navires allant en Nouvelle Espagne, soit 106,43 toneladas seulement. Le trafic réduit avec la Nouvelle Espagne est assuré en 1607 par le même matériel que les communications avec les îles. La Nouvelle Espagne s’aligne paradoxalement sur les îles. C’est, du moins, ce que nous enseignent les tonnages unitaires moyens — 125 toneladas pour les îles, 106 toneladas, seulement pour la Nouvelle Espagne.
151Le contraste est particulièrement sensible avec la Terre Ferme. Tonnage unitaire moyen des départs en direction de la Terre Ferme de 346,7 toneladas, au lieu de 106,43 toneladas dans les mêmes conditions pour les navires allant en Nouvelle Espagne. Or cette inversion est d’autant plus significative qu’elle est inhabituelle. Au cours du cycle 1605-1613, en effet, le tonnage unitaire moyen des navires allant en Nouvelle Espagne et allant en Terre Ferme est sensiblement du même ordre — 248,3 toneladas pour la Nouvelle Espagne contre 271,3 toneladas pour la Terre Ferme. Plus rien de l’énorme écart, 106,43 toneladas contre 346,7 toneladas de tout à l’heure. On peut dire, à cet égard, que l’anomalie positive qui caractérise la Terre Ferme est presque aussi frappante que l’anomalie négative qui caractérise la Nouvelle Espagne.
152L’effondrement du tonnage unitaire des navires allant en direction de la Nouvelle Espagne en 1607 — avec le changement de matériel qu’il implique : la ligne, un an durant, est abandonnée par le matériel lourd et reprise en main par un matériel de type ancien, le matériel léger du plus vieil Atlantique — montre bien dans quel secteur se situe l’oeil du cyclone de l’année 1607.
- 103 Cf. t. IV, p. 228-229.
153Cette leçon des chiffres est pleinement corroborée par ce que révèle le déroulement des événements tels qu’on peut les suivre au fond du miroir de la correspondance de la Casa de la Contratación103.
154L’échec, en 1607, de la flotte de la Nouvelle-Espagne est d’autant plus lourd de sens qu’il a bien fallu mettre sur pied, quand même, l’escadrille de Don Juan de Silva. Le Roi a dû envoyer à son poste le gouverneur des Philippines et prendre à son compte cette liaison essentielle, pour que la régie royale du mercure en Nouvelle Espagne soit, quand même, assurée un peu comme il le fait pour la Terre Ferme avec l'Armada de la Guardia, dont il est le principal actionnaire.
155L’envoi de 5 pataches, 600 toneladas, permet de mesurer à son exacte valeur, l’ampleur d’une défaite. Soit pratiquement, la limite physique de l’armement. Le niveau assure que le négoce se sera tenu totalement à l’écart de cette médiocre entreprise. En raison du rôle pilote de la Nouvelle Espagne à la tête du trafic au cours de ces années, la défaillance de la Nouvelle Espagne prend sa pleine valeur et une signification d’autant plus grande qu’elle ne peut être imputée à un quelconque goulot physique. Que la jonction fût politiquement désirable et possible, l’escadrille de pataches le montre. Que le négoce ait volontairement négligé de l’assurer — que, l’occasion lui ayant été proposée par le Roi — il n’en ait pas profité, tout cela prouve combien l’accident de 1607 est, d’abord, un accident du négoce.
156C’est bien sur l’axe du trafic de la Nouvelle Espagne, en toute priorité, qu’on peut apprécier, à sa juste valeur, l’amplitude d’un refus.
157c. La ventilation du trafic au départ.
- 104 Cf. ci-dessus, p. 1218-1233.
158Elle corrobore pleinement les leçons tirées de l’analyse précédente, en montrant combien la défaillance de 1607 était, à certains égards, profonde. La répartition du trafic au départ entre les grands secteurs du complexe andalou-canarien confirme, mais en l’exagérant prodigieusement, les tendances ébauchées en 1606104.
159Le laminage du mouvement est plus grand, qualitativement, encore, qu’il ne l’est, si c’est possible, quantativement.
- 105 T. VI1, table 183, p. 391.
160Marginaux. — Il y a réduction du nombre des Canariens et des négriers105. Le niveau des Canariens passe de 17 navires à 4 unités, de 1 340 toneladas à 300 toneladas, celui des négriers, de 41 navires à 3 navires, de 5 590 toneladas à 460 toneladas. Globalement, le niveau de ce qu’il est convenu d’appeler les marginaux du complexe a donc baissé, dans des proportions énormes, passant de 58 navires, 6 930 toneladas en 1606 à 7 unités et 760 toneladas en 1607, soit une chute respective de 87,7 % sur le mouvement unitaire et 88,8 % en tonnage. Les marginaux sont, pour ainsi dire, revenus, à très peu de chose près, au niveau de 1605 (en 1607, 7 unités et 760 toneladas, contre 6 unités et 860 toneladas en 1605).
161Cette diminution serait un facteur favorable si elle s’insérait dans une période de stabilisation du trafic ; dans la conjoncture présente, elle est, en fait, l’expression particulière d’une débandade générale.
- 106 Cf. ci-dessus, p. 1240-1241.
162Armadas. — Le niveau des armadas, s’est accru, par contre — on a vu comment106 — de 12 à 11 unités, mais de 5 080 toneladas à 5 460 toneladas. En fait, le niveau de 1607 est, dans ce domaine, de 7 à 8 % supérieur au niveau précédent et ce, qui est beaucoup plus probant encore, de 60 % supérieur au niveau moyen des années 1601-1605 et 1611-1615.
163Cette poussée des armadas (elle correspond exactement, à la poussée de l'Armada de la Guardia de la Carrera de las Indias en direction de la Terre Ferme) n’est pas, évidemment, un facteur favorable en soi, puisqu’il dénote un grossissement d’un secteur de moindre densité.
164Globalement, les éléments de moindre valeur s’élèvent donc à 18 unités et 6 320 toneladas. Certes, en retrait par rapport à 1606, puisqu’ils n’alignent plus en 1607 que 18 navires au lieu de 70 navires en 1606, 6 320 toneladas, au lieu de 12 010 toneladas en 1606, la part des marginaux, des « économiquement faibles » du complexe n’est pas moins importante, pour autant, face à l’ensemble du trafic de l’année, l’importance de cette fraction s’apprécie plus justement.
- 107 Cf. ci-dessus, p. 1225-1226.
165Leur part était énorme, déjà, insolite en 1606107, 61,8 % du total des départs, elle devient proprement envahissante, submergeant tout comme un raz de marée, plus de 77,5 % en 1607.
166Séville. — Le retrait des éléments « lourds » du complexe, beaucoup plus rapide, encore, que celui des globaux, constitue le négatif inévitable de cette proposition.
- 108 Cf. t. VI1, table 183, p. 390.
167Tout d’abord, on sera sensible à la disparition totale des Caditains108 On a vu, déjà, comment Cádiz, plus libre de ses mouvements, constituait un meilleur baromètre de la conjoncture que le mouvement de Séville même.
- 109 Cf. ci-dessus, p. 1241-1243.
168Le laminage du mouvement sévillan de 21 navires et 5 005 toneladas à 19 navires et 1 933 toneladas est particulièrement important, puisqu’il y a chute en tonnage de 61,4 %. Mais cette chute est d’autant plus significative qu’elle s’accompagne (comme pour la Nouvelle Espagne)109 d’une chute beaucoup plus considérable encore du tonnage unitaire moyen, de 238,33 toneladas en 1606 à 101,7 toneladas en 1607. Il ne s’agit, pas plus pour la Terre Ferme que pour la Nouvelle Espagne, d’une chute du tonnage unitaire, au sens propre du mot, mais d’un changement total du matériel naval. Le matériel lourd des flottes reste, un an durant, sur la touche. Seul, passe le matériel léger des avisos, des sueltos, des petits bateaux destinés aux îles et aux parents pauvres.
- 110 Cf. ci-dessus, p. 1207-1208, 1224, 1226.
169Mais, en réalité, la chute qualitative du mouvement Allers est beaucoup plus grande, encore, qu’il n’apparaît ainsi. Ce n’est pas à Séville qu’il faut comparer Séville, mais à l’ensemble Séville-Cádiz en 1606 et 1605110.
170Face aux 19 navires et 1 933 toneladas qui partent de Séville-Cádiz en 1607 (le niveau des navires marchands de Séville se confond avec celui de Séville et Cádiz, en raison du laminage complet des départs de Cádiz), ce sont les 28 navires et 7 395 toneladas de 1606, les 56 navires et 19 625 toneladas de 1605 qui constituent le terme de référence valable. On mesurera pleinement, ainsi, le chemin parcouru : entre 1606 et 1607, la chute du trafic en tonnage sur l’axe dominant de l’Atlantique hispano-américain est de 73,9 % ; de 1605 à 1607, elle est, dans les mêmes conditions de 90,2 %. Le trafic « lourd » de 1607 ne représente plus la dixième partie du trafic lourd, au départ de 1605.
171Parallèlement à ce repli, le repli du tonnage unitaire est plus impressionnant encore parce que plus insolite, 297,4 toneladas (pour l’ensemble des navires marchands Séville-Cádiz, en 1605), 264,1 toneladas (dans les mêmes conditions, en 1606), 101,7 toneladas, toujours, pour l’ensemble marchand Séville-Cádiz en 1607).
172Ces données prouvent que la catastrophe de 1607 va bien au-delà du recul du mouvement global Allers. C’est, d’abord, dans le cadre, du moins, de l’année civile une catastrophe qualitative, beaucoup plus, peut-être encore que quantitative.
173d. Les valeurs. — A l’appui de cette hypothèse, toute une série d’indications qui, prises une à une, signifieraient peu de choses, mais dont l’absolue concordance ne peut être écartée. Les données de l'avería, notamment(1).
- 111 Cf. t. VI1, table 227, p. 473.
- 112 Cf. ci-dessus, p. 1226.
- 113 Cf. t. VI1, table 227, p. 473.
- 114 Même si, l’hypothèse n’est pas à écarter, la fiscalité se révèle d’autant plus efficace qu'elle fra (...)
174La marche des valeurs fiscales présumées d’après l'avería en Allers, un milliard et demi en 1605111, 561 millions en 1606112, 125 millions, seulement, en 1607113, calque, finalement, de très près, non pas la marche du tonnage global, mais bien la marche du tonnage des « seuls éléments les plus lourds » de la Carrera (entendez des navires marchands de Séville et de Cádiz). Cette corrélation fournirait, une fois de plus, si besoin en était, la preuve du caractère sélectif du mouvement à l’intérieur du complexe portuaire114.
- 115 Il suffit de reprendre tous les exemples précédents, au lendemain des grandes banqueroute, de Sévil (...)
175Même si la banqueroute de 1607 a provoqué, sur l’heure, un certain durcissement du négoce, face à la fiscalité, comme cela se produit presque toujours en pareil cas115, le mouvement peut être retenu en gros.
176De 1605 à 1607, le décrochement des valeurs s’effectue avec la même amplitude que celle des tonnages des navires marchands de Séville et Cádiz, soit une amplitude beaucoup plus considérable que l’amplitude des volumes globaux Allers.
177La série 1 500 millions, 561 millions, 125 millions, calque en l’accentuant les écarts de la série des navires marchands de Séville et de Cádiz, 19 625 toneladas, 7 395 toneladas, 1 933 toneladas, beaucoup plu3 certainement que celle des écarts enregistrés sur la série des globaux Allers, 24 902 toneladas, 19 405 toneladas, 8 153 toneladas. Dans le premier cas, celui de la série des valeurs fiscales, le rapport des extrêmes entre 1605 et 1607 est dans l’ordre de 1 à 12, dans le second cas, celui de la série des tonnages sur l’axe dominant du trafic, de 1 à 10, dans le troisième cas, de 1 à 3.
178Même si on admet la tendance de la fiscalité à accentuer les écarts, même si on tient compte du caractère sélectif de ses approches et du plus de prises que lui offre un trafic du type 1605, voire 1606, avec une forte proportion de navires marchands de Séville et de Cádiz, il est incontestable que la descente des valeurs calque au plus près la chute de la seule partie importante du trafic. La poussée relative des « marginaux » du complexe est, donc, bien loin de compenser l’effondrement qui s’est produit sur l’axe médian du mouvement.
2. Hypothèses et interprétation
- 116 Cf. t. IV, p. 230-239.
179Ayant apprécié la défaillance conjoncturelle à son exacte ampleur, il reste, maintenant, à bien comprendre les mécanismes et la nature. Les témoignages passionnés de la Casa de la Contratación nous aideront dans cette tâche. D’autant plus volontiers que les sources116 sont, cette année, particulièrement prolixes. Un peu, comme si la Casa de la Contratación et les services, qui convergent vers elle, cherchaient à masquer le vide du trafic sous un flot de papiers. Plus exactement, parce que, la pression d’une conjoncture difficile incite à penser et invite à comprendre.
180a. Symptômes d’une crise de structures. — L’année 1607 — on peut l’affirmer, sans exagération — est la première année du grand examen de conscience de la Carrière des Indes. La simple énumération des textes et le résumé sommaire de leur contenu occupent dix pages de notes aux tableaux.
181Qu’est-ce à dire ? Il faudrait beaucoup de naïveté pour penser que l’apparition, en clair, dans la correspondance de la Casa de la Contratación, des graves périls qui y sont dénoncés, marque soit leur apparition dans la réalité, soit même la prise de conscience de la Carrera, face à ces problèmes.
- 117 Il ne semble pas que l’on ait, alors, à Séville la conscience prémonitrice de la crise grave du tra (...)
182Les menaces sont antérieures. Leur connaissance, aussi, en est ancienne, sans doute, bien qu’on en ait pris conscience en 1607 plus nettement que jamais auparavant — chose paradoxale, on se montre moins sensible à la crise courte de la Nouvelle Espagne, plus spectaculaire, mais sans racine et sans lendemain immédiat du moins prévisible117 qu’à la crise grave de la Terre Ferme. Un peu comme si ces années 1606 et 1607, surtout, s’étaient montrées particulièrement propices aux examens de conscience en profondeur.
183L’examen de conscience n’est pas spontané. C’est pour répondre, une fois de plus, aux pressions discrètes des pouvoirs publics que l’argument est développé comme jamais, vraisemblablement, il ne l’aurait été, antérieurement et sans cette pression, avec autant de clairvoyance, de sang froid et de véritable conscience des grands problèmes. La Carrera dit, cette fois-ci franchement, presque sans tricher, pourquoi, après les galions, elle n’entend pas courir le risque d’une flotte de Terre Ferme.
- 118 Cf. ci-dessus, p. 1240 et 1244.
- 119 Cf. ci-dessus, p. 1243.
- 120 Les mots, bien sûr, n’y sont pas, mais les idées confuses, faute de mots pour les saisir, sont late (...)
- 121 Cf. t. IV, p. 230-239.
184Tout y est : l’engorgement progressif du marché du Pérou et ses causes. Cause profonde, l’adaptation de l’économie coloniale péruvienne à l’enracinement des générations nouvelles, rupture, dirons-nous, des communications à trop long rayon d’action, des arches à trop grande portée ; concurrence des adversaires déloyaux, au sein même du Monopole, ceux qui font un usage immodéré des possibilités de transport clandestin de l'Armada de la Guardia de la Carrera de las Indias—l’Armada de Don Francisco del Corral y Toledo118 a été particulièrement importante, cette année — concurrence des négriers et surtout, de ces entités géographiques, adversaires classiques du Monopole, Buenos-Ayres et Acapulco-Manille, les Canaries, contre lesquelles on vient, on a vu pourquoi, de relâcher l’exclusive119. On retrouve encore exprimée l’idée de la faiblesse géopolitique des communications impériales120, avec le médiocre passage de l’isthme — les imaginations se donnent libre cours aux projets plus ou moins saugrenus d’isthmes de remplacement, difficile coordination des convois, entre les deux océans121. Autour d’une idée vraie, une série de sophismes se mêlent inextricablement à des vues raisonnables... Tout cela — et mille arguments encore, mais il suffit de se reporter au résumé trop rapide qui en a été donné — ne doit pas, présentement, nous intéresser sous cet angle. Ce sont moins, une fois encore, les problèmes en soi qui retiendront notre attention, que la date de leur apparition, puisque c’est cette situation dans le temps qui leur confère leur vrai volume, leur signification en conjoncture. Et non seulement leur date d’apparition individuelle — on avait conscience de ces problèmes un à un, depuis un certain temps déjà à Séville — que leur réunion et leur énumération globale le fait qu’ils sont, pour la première fois, saisis dans un tout organique, logiquement liés entre eux.
- 122 Cf. t. VIII1, p. 650-654.
185La Carrière des Indes sait, parfaitement, en 1607, que la Terre Ferme, saisie selon le système traditionnel, lui échappe. Nous savons, quant à nous, que le marché « limeño » et andin est saturé. Cela nous frappe d’autant plus, que nous avons pu suivre, depuis bientôt dix ans, la rétraction à long terme des échanges de l’Espagne, dans ce domaine. On peut concéder aux hommes de la Carrera deux de leurs arguments : l’objective réalité et l’efficacité des sources d’approvisionnement concurrentes, mais, beaucoup plus sûrement, peut-être encore, en raison de la médiocrité des moyens physiques122 dont disposent ces sources annexes de ravitaillement, le développement aux Indes, d’économies de plus en plus capables de se suffire, sans recours à des échanges trop onéreux, parce que trop lointains.
186Tous ces éléments appartiennent à la grande crise de « déstructuration » qui occupe les dernières années du xvie siècle et les vingt-cinq premières années, au moins, du xviie siècle. Il a fallu la crise de 1606-1607, de 1607 surtout, pour que, pour la première fois, ces problèmes émergent ensemble, presque clairement, à l’esprit des contemporains. Il a fallu l’exaspération de la nouvelle banqueroute de 1607 — elle est présente à tous les esprits, même si l’on observe sur elle un silence discret, un silence discret, vraisemblablement parce que sur un tel sujet, chacun aurait trop à dire — pour que les marchands et la Casa osent, aussi ouvertement, présenter leurs griefs au Roi, en son Conseil. Une nouvelle voie, sur ce point, est ouverte, celle des interminables litanies, des plaintes sans fin des longues et inlassables remontrances.
187Il aura fallu la grande crise de 1607, pour que ces structures sous-jacentes apparaissent en plein éclairage. Et ce n’est pas le moindre mérite des crises cycliques que de révéler des cheminements profonds en creusant brusquement la carapace qui les recouvre, en période de prospérité. 1607 peut, sous un certain angle, n’être considéré que comme un simple accident local de portée limitée, si on confère à 1605 le rôle de charpente d’une première fluctuation autonome, mais il est, sans conteste, plus conforme à la vérité, de voir en 1607 le terme seulement d’une longue période de marasme, d’une longue crise, largement étalée entre deux cycles. Cet aspect — il n’est pas exclusif, bien sûr, de son contraire — constitue, en l’occurrence, la meilleure hypothèse de travail. C’est lui qui rend le mieux compte du drame qui explose en 1607, par écrit, du moins, dans les documents de la Casa de la Contratación. S’il en va ainsi, si toute cette masse de rancunes, si toute cette clairvoyance émerge en 1607, c’est bien parce que la crise de 1607 n’est pas une crise superficielle. Elle commande par sa durée, par sa gravité, par sa profondeur, la montée ultérieure en flèche du trafic. L’anomalie négative qui la caractérise commande, en quelque sorte, l’anomalie positive majeure de tout le trafic, celle de 1608-1610.
- 123 Cf. t. IV, p. 244-247.
188b. L’anarchie des Retours. — Autre signe de la gravité de la crise, de cette crise révélatrice, aurons-nous dit, de structures nouvelles : les événements signalés sur les Retours123 de 1607.
189Retours tardifs, difficiles, mouvementés. Retours, surtout, qui auront donné lieu à un tel déchaînement de fraude, que la Casa — on sait où est son cœur — n’a pu, cette année, garder le silence.
190Fraude énorme à la hauteur de l’Algarve, selon un processus qui n’est pas nouveau. Si les capitaux secrétés aux Indes lors de ces longs et complexes circuits d’échanges fuient, sur une aussi grande échelle, avec une unanimité aussi complète, ce n’est pas, sans doute, pour échapper au payement d’impôts ad valorem, qui n’ont rien d’exorbitant. Mais c’est dans la crainte de ces saisies qui finissent par dégénérer en spoliations que les marchands, en cette année d’effondrement du trésor public, ont recours à la fraude à la hauteur de l’Algarve.
191Quelles conséquences en tirer ?
192Une mise en garde à l’encontre du mouvement-valeur de l’année ?
- 124 Cf. t. VI1, table 219-220, p. 467.
193Certes, mais elle est presque inutile, au vrai. Nous n’avons jamais cherché, en valeur, à appréhender des niveaux réels, notre ambition s’est bornée à de simples indications de tendance. Or, 1607124 tel qu’on peut présumer de l'avería le niveau de ses Retours, aligne en valeur un mouvement d’une particulière densité. Ne serait-ce même pas, enfin, en raison, entre autres, de cette exceptionnelle densité que les marchands ont fait preuve de tant de détermination dans leur refus d’accepter, de se soumettre, en 1607, aux exigences et aux dangers des contrôles officiels. Les fortes valeurs des Retours de 1607 n’ont rien, hâtons-nous de le dire, d’insolite ni de paradoxal, au contraire.
- 125 Ce haut niveau des Retours, en valeur, cadre bien avec ce que donne, pour la demi-décade 1606-1610, (...)
194Haute pression des valeurs sur le chemin des retours, face au creux volumétrique des Allers..., rien d’étrange. En raison de la longueur des circuits commerciaux, de leur interminable durée, 1607, peut, sans paradoxe, bénéficier du coup de buttoir à l’Aller de 1605. Sans pouvoir, en raison de la date respective des Retours et des Allers, agir sur l’importance du mouvement Allers de 1607. Le haut niveau des Retours125 en valeur, pourtant, plus élevé, même, que les chiffres des volumes ne le laissent prévoir, à cause de la fraude, aura contribué, à son retour, à nouer le complexe causal de l’expansion des années 1608-1610. Il faudra, le moment venu, s’en souvenir.
195Le plus important, pourtant, de notre point de vue, demeure la désorganisation reconnue de la fiscalité et de ses contrôles, plus encore, l’aveu qu’est obligée d’en faire la Casa de la Contratación. Soit qu’elle veuille se couvrir, soit qu’elle ne puisse plus rien cacher, soit, mieux encore, qu’elle ait trouvé ce moyen indirect de présenter au Roi, en son Conseil, les conséquences de la politique de prélèvements massifs et directs sur les arrivées en Europe de l’argent du Nouveau Monde.
- 126 F.C. Spooner, Les Frappes monétaires, op. cit., p. 97 ; F. Braudel, La Méditerranée, op. cit., p. 3 (...)
196c. La faillite. — Ces événements sont, naturellement, commandés par la défaillance des finances publiques. C’est la banqueroute du Trésor royal126, survenue dix ans à peine après la banqueroute de 1597, qui commande le processus. Poussée de fraude au Retour, paralysie et attente, sur les départs, extrême sensibilisation du négoce monopoleur aux attaques de ses concurrents, prise de conscience plus nette des périls et plaintes portées jusqu’au Roi en son Conseil.
- 127 Cf. ci-dessus, p. 1210-1212, 1231-1232.
197La faillite de 1607 — elle était prévisible de Séville par les incidences du Trésor aux abois sur la Carrera depuis 1605127 — aura été le grand inhibiteur de ces années.
198Habitué aux retours périodiques à un rythme de plus en plus accéléré des banqueroutes et des ponctions de l’Etat espagnol, le négoce de Séville semble avoir acquis, dans leur prévision et dans les moyens de se prémunir contre elles (contre leurs effets à court terme mais non contre l’effet cumulatif destructeur à long terme ; là, rien à faire), une grande habilité.
199La technique est simple... stopper les affaires, mettre à l’abri le plus de capitaux..., fuir les contrôles et la fiscalité. D’où l’effet perturbant des banqueroutes. Elles arrêtent tout. Le cas le plus probant paraît bien, avoir été, précisément, celui-là.
200La poussée que l’enchaînement cyclique, que les prix, notamment, nous faisait attendre en 1605-1606-1607, est tronquée, stoppée, différée et transportée trois ans plus tard. On la retrouve, en effet, trois ans plus tard, de 1608 à 1610, dans une explosion d’autant plus violente qu’elle aura été davantage différée.
201d. La paix, — La paix avec les Provinces Unies est le dernier facteur qui a contribué à déplacer la charpente du cycle, par rapport aux prix. Pour en comprendre l’attente à Séville et partout dans l’Atlantique de la Carrera, il suffit de se rappeler ce qu’a été la guerre implacable contre les rebelles, ce qu’elle a signifié, depuis vingt ans, de sacrifices pour l’Atlantique. Elle aura donc le même effet que la faillite. Même si le départ de 1608 anticipe l’événement. La faillite de 1607 portait, d’ailleurs avec elle, pour le Roi d’Espagne, un conseil de résignation à la trêve — qui sera signée en 1609.
202Et c’est à la lueur de ces deux événements que la relation prix espagnols-trafic, devient intelligible.
203e. Les prix. — Elle est parfaitement intelligible si on saisit que l’enchaînement normal, attendu, des prix sur les trafics, a été coupé par un corps étranger — un corps étranger qui n’a pas empêché la cause d’engendrer l’effet attendu, mais qui l’a différé d’au moins deux années.
- 128 Cf. t. VI1, table 164, p. 363, colonnes II et IV.
204Au vrai, qu’y-a-t-il ? La fluctuation des prix 1602-1604-1607, voire, si on fait abstraction de la mince flèche128 de 1608, la fluctuation 1602-1604-1609 ou 1602-1604-1612, ne présente plus en 1607, pour la compréhension du trafic, de difficultés.
205En vain, on aura cherché une pointe des trafics correspondant à l’expansion des prix. Cette pointe, on la trouvera plus tard. Pour le moment, par contre, la corrélation s’établit sans difficulté, entre la pente dégradée des prix et celle correspondante des trafics. Les prix argent globaux partis de l’indice 142,20 en 1605 sont passés à l’indice 133,59 en 1607, soit par rapport à la moyenne un retrait de 104,77 % à 99,56 %.
206Corrélation, donc, à la baisse, à condition d’ignorer, pour le moment, la pointe précédente des prix, dont on lira bientôt, dès les premiers mois de 1603, la trace sur le trafic.
Notes
1 Cf. t. VI1, table 183, p. 388-391.
2 Cf. t. IV, p. 203, note 48.
3 Cf. t. IV, p. 218 et suiv.
4 Cf. t. VI1, table 159, p. 356 ; t. VII, p. 52-53.
5 Cf. ci-dessus, p. 1199-1200, 1202-1204.
6 Cf. t. VI1, table 135, p. 333 ; table 142, p. 340.
7 Cette distorsion brutale des chiffres en toneladas, d’une part, en tonneaux d’autre part, s’explique par le changement entre 1605 et 1606 du taux de pondération (cf. t. VI1, table 129 p. 327). Il est prudent de n’attribuer au phénomène qu’une simple valeur indicative. Le taux de pondération est valable pour une lecture d’ensemble. Dans l’analyse annuelle, il est sage de se cantonner, comme on le fait ici, aux chiffres en unités brutes, non pondérées, la tonelada.
8 Cf. t. IV, p. 218 et 222.
9 Ibid., notes p. 224 et suivantes.
10 Cf. ci-dessus, p. 1199-1200, 1202-1204.
11 Cf. ci-dessus, p. 1146-1148.
12 Cf. ci-dessus, p. 1196-1198, 1215.
13 Cf. ci-dessus, p. 1216, note 2.
14 Cf. ci-dessus, p. 1213-1215.
15 Cf. ci-dessus, p. 1199-1200, 1202-1204.
16 Cf. t. VI, tables 603, 607, 611, p. 863, 867, 871.
17 Ceci est tellement vrai que dans l’espace des Antilles, on songe à renforcer la coûteuse Armada de Barlovent. Cf. t. IV, p. 211, note 1.
18 Cf. t. VIII1, p. 256-268, 336-340.
19 Cf. t. IV, p. 224, note 1.
20 Ibid., p. 210, note 1.
21 Ibid., p. 224, note 2.
22 Cf. t. VI2, table 610-611, p. 870-871.
23 Cf. t. VI1, tables 20-21, p 184 ; table 87, p. 252 ; tables 127-128, p. 319.
24 Cf. t. IV, p. 204.
25 Ibid.
26 Cf. ci-dessous, p. 1227-1233.
27 Cf. t. IV, p. 212.
28 Cf. t. IV, p. 218-219.
29 Ibid.
30 Cf. t. IV, p. 222.
31 Cf. t. VI1, tables 167-170-173, p. 366, 369, 372.
32 Cf. t. VI1, table 167, p. 366.
33 Cf. ci-dessus, p. 1205-1206.
34 Cf. ci-dessus, p. 1205-1206.
35 Cf. t. IV, p. 112 et 248.
36 Ibid., p. 154.
37 Ibid., p. 184.
38 Ibid., p. 186-189.
39 Ibid., p. 204-207.
40 Malgré la leçon apparemment contraire de l’almojarifazgo de la Vera Cruz, t. VI1, table 227, p. 473.
41 Cf. t. VI1, table 183, p. 388-391.
42 1596-1597. Cf. ci-dessus, p. 1009-1035.
43 Cf. ci-dessus, p. 1208.
44 Cf. t. VI2, table 610-611, p. 870-871
45 Cf. ci-dessus, p. 1176-1180.
46 Cf. ci-dessus, p. 1207-1208. De 75 à 40 unités, de 24 102 à 12 475 toneladas le décrochement récessif est, alors, de l’ordre, respectivement de 48 en tonnage à 46,6 % sur le mouvement unitaire, et pour le tonnage moyen unitaire, un léger tassement de 321,36 toneladas à 311,875 toneladas
47 La chute très nette du tonnage unitaire peut et doit, alors et dans ce cas, être prise comme un signe de conjoncture basse, puisqu’elle ne s’accompagne pas comme dans la plupart des autres cas, d’un gonflement majeur du tonnage global allant aux Indes.
48 Cf. t. VI2, table 227, p. 473 plus particulièrement.
49 561 487 304 maravedís.
50 635 078 056,6 maravedís.
51 Le rapprochement de ces deux chiffres paradoxaux, de prime abord, est fort intéressant. Les navires allant à la Vera Cruz représentent un peu plus de 40 % du total. A la Vera Cruz, les cargaisons en apparence représentent 10 % de plus que la valeur de toutes les cargaisons au départ. Deux facteurs entrent en ligne de compte : le décalage des niveaux des prix entre les Indes et l’Europe, d’une part, le fait que la Nouvelle Espagne aligne seule une flotte. Ces deux chiffres viennent à l’appui de la thèse toujours admise de la précellence du trafic porté par les flottes.
L'avería nous manque. Toutefois, des résultats de l'almojarifazgo à la Vera Cruz et à Porto-Bello, d’une part (t. VI1, table 226, 227, p. 471-473), le résultat des nombreux autres indices d’activité que nous fournit l’analyse du trafic, d’autre part, on peut induire que sur une série complété de l'avería, à la même échelle que 1606, 1605 eût, sans doute, assez substantiellement dépassé le milliard de maravedís.
52 Cf. t. IV, p. 212.
53 Une sorte de difficulté, déjà, à se procurer des Morisques, qui viendrait moins de ces derniers que d’un refus du peuple chrétien à les accepter.
54 H. Lapeyre. Géographie de l’Espagne morisque, op. cit. Conclusions communiquées grâce à l’obligeance de l’auteur.
55 Les Morisques sont, en effet, dans la société espagnole des tâcherons toujours disponibles, là où quelques travaux pénibles et rebutants sont à faire. Habitant une zone surpeuplée, privés de la propriété seigneuriale, les Morisques sont condamnés, à l’intérieur de la péninsule ibérique, à une forme classique d’émigration partielle de main-d’œuvre de secteur « secondaire ». Séville constitue, c’est évident, un pôle attractif de première importance.
56 Cf. ci-dessus, p. 795-800.
57 Conclusions qui se dégagent des recherches capitales d’Henri Lapeyre, gracieusement communiquées par l’auteur. Qu’il trouve, ici, l’expression de notre gratitude.
58 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit, p. 273.
59 Cf. ci-dessous, p. 1282-1295.
60 Ne pas omettre que les indices de Hamilton (1501-1650, op. cit., p. 271) sont des indices de prix réels, exprimés, donc, en monnaies dévaluées.
61 Ibid., p. 279-279.
62 Ibid., Composite index numbers of Real Wages, p. 278, et graphiques no 19, p. 279.
63 En effet, si la spectaculaire montée de 1506 à 1510 semble, de prime abord, au moins, aussi importante (1506 : 92,47 %-1510 : 127,84 %), elle repose sur des données beaucoup plus fragiles. On se trouve placé, ici, sur un terrain mouvant, en raison de la faible densité des éléments qui ont servi, dans toutes les premières décades du xvie siècle, à la confection des indices des prix et, a fortiori, aux indices des prix de la main-d’œuvre.
64 1609 : 127,83 % ; 1610 : 125, 49 % ; 1611 : 130,56 % ; 1612 : 127,96 % ; 1613 : 128,09 % 1614 : 122,85, etc... — E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit, p. 278.
65 Puisqu’on l’a vu (t. IV, p. 212, note 5), les difficultés financières des marchands ont, ici, un nom et une cause. Ils s’appellent prélèvements fiscaux, emprunts forcés, impécuniosité du Trésor Royal.
66 Cf. t. IV, p. 212.
67 Ces plaintes témoignent de la prise de conscience par les milieux responsables de la Carrera d’un grand fait que la statistique fait clairement apparaître, le fléchissement de l’approvisionnement en mercure des Indes (cf. ci-dessus Appendice, p. 1958 et ci-dessus p. 1192). Le creux de la vague, soit entre 1605 et 1606, soit, mieux encore en 1607. Le creux de l’approvisionnement en mercure de 1605-1607 est le plus important d’une période de soixante-quinze ans. Il 6’agit donc bien d’un événement tout à fait sérieux.
68 F. Braudel. La Méditerranée, op. cit, p. 397 ; F. Spooner. Les frappes monétaires, op. cit., p. 97.
69 On peut se demander si Almadén et, d’une manière plus concrète, l’acheminement du mercure d’Almadén (et les gros charrois qu’ils entraînent) ne sont pas affectés par les tensions Vieux chrétiens-Morisques. On peut supposer, en effet, qu’il y a du Morisque dans le monde des charrois.
70 Cf. ci-dessus, p. 1228, note 4.
71 Cf. ci-dessus, p. 1222-1223.
72 Cf. t. IV, p. 212-213 et t. I, p. 99-102.
73 Ibid., p. 212-213 et t. I, p. 99-102.
74 Dans sa lettre au Consejo du 20 juin 1606 (I.G. 2662). t. IV, p. 212.
75 Ibid., p. 213-215.
76 Cf. t. VI1, tables 166-167, p. 365-366, table 177, p. 376 ; t. VII. p. 82 83.
77 Cf. ci-dessus, p. 1232-1233.
78 E.J. Hamilton, 1501-1650, op. cité, p. 403 ; t. VI1, tableau 163, p. 362 ; t. VII, p. 52-53.
79 E.J. Hamilton. 1501-1650, op. cit., p. 215-216.
80 Seule, la série Nouvelle Castille est relativement indépendante, poux une fois, des autres séries et cadre, relativement, avec le schéma proposé.
81 Cf. t. VI1, tables 162-164, p. 361-363 ; t. VII, p. 52-53.
82 Cf. ci-dessus, p. 1213-1234.
83 Cf. ci-dessus, p. 1213-1313.
84 Cf. ci-dessus, p. 1238-1245.
85 Cf. t. VI1, table 159, p. 356.
86 La part des Retours au mouvement total est de 53,4 % de 1605 à 1607, de 41,2 % seulement lors de la fluctuation suivante 1608-1611.
87 Cf. t. VII, p. 52-53.
88 Cf. ci-dessus, p. 1213-1215.
89 Cf. ci-dessus, p. 1217.
90 De nombreux exemples-, dans toute l’histoire de la Carrera, cf. t. II à V.
91 Cf. t. IV, p. 248.
92 Cf. t. IV, p. 228-229, nos 1 à 10.
93 Ibid., navires a à k.
94 Cf. ci-dessus, p. 1232-1234.
95 Cf. ci-dessus, p. 1233-1234.
96 Cf. ci-dessus, p. 1221-1223.
97 Cf. t. IV, p. 112-117.
98 Ibid,., p. 248-251.
99 Ibid., p. 228-229.
100 Cf. t. VI1, table 167, p. 366
101 Ibid.
102 Cf. ci-dessus, p. 1236.
103 Cf. t. IV, p. 228-229.
104 Cf. ci-dessus, p. 1218-1233.
105 T. VI1, table 183, p. 391.
106 Cf. ci-dessus, p. 1240-1241.
107 Cf. ci-dessus, p. 1225-1226.
108 Cf. t. VI1, table 183, p. 390.
109 Cf. ci-dessus, p. 1241-1243.
110 Cf. ci-dessus, p. 1207-1208, 1224, 1226.
111 Cf. t. VI1, table 227, p. 473.
112 Cf. ci-dessus, p. 1226.
113 Cf. t. VI1, table 227, p. 473.
114 Même si, l’hypothèse n’est pas à écarter, la fiscalité se révèle d’autant plus efficace qu'elle frappe les navires marchands de Séville et de Cádiz, ou mieux, d’autant moins efficace qu'elle s’adresse aux marginaux du système, armadas, négriers, Canariens, les traditionnels points faibles de la fiscalité.
115 Il suffit de reprendre tous les exemples précédents, au lendemain des grandes banqueroute, de Séville.
116 Cf. t. IV, p. 230-239.
117 Il ne semble pas que l’on ait, alors, à Séville la conscience prémonitrice de la crise grave du trafic de la Nouvelle Espagne qui se produira en 1609.
118 Cf. ci-dessus, p. 1240 et 1244.
119 Cf. ci-dessus, p. 1243.
120 Les mots, bien sûr, n’y sont pas, mais les idées confuses, faute de mots pour les saisir, sont latentes, dans les longs exposés de la Casa.
121 Cf. t. IV, p. 230-239.
122 Cf. t. VIII1, p. 650-654.
123 Cf. t. IV, p. 244-247.
124 Cf. t. VI1, table 219-220, p. 467.
125 Ce haut niveau des Retours, en valeur, cadre bien avec ce que donne, pour la demi-décade 1606-1610, l’évaluation des trésors de E.J. Hamilton, 1501-1650 (op. cit., p. 34). Les 31 millions et demi de pesos de 1606-1610 sont proches des 35 et 34 millions et demi de 1591-1595 et 1596-1600. Le hiatus est moindre, encore, si on se borne aux trésors particuliers, ceux qui sont, c’est évident, pourtant, conjoncturellement moteurs. Presque 23 millions en 1606-1610 contre 25 à 23 millions et demi en 1591-1595, 1596-1600.
126 F.C. Spooner, Les Frappes monétaires, op. cit., p. 97 ; F. Braudel, La Méditerranée, op. cit., p. 397.
127 Cf. ci-dessus, p. 1210-1212, 1231-1232.
128 Cf. t. VI1, table 164, p. 363, colonnes II et IV.
© Éditions de l’IHEAL, 1959