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Séville et l'Atlantique, 1504-1650 : Structures et conjoncture de l'Atlantique espagnol et hispano-américain (1504-1650). Tome II, volume 2

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Pierre Chaunu

Quatrième partie. Au sommet de l'Atlantique de Séville le renversement de la tendance majeure (1593-1622)

Chapitre VI. Le cycle de la révolution culminante des prix. Les débuts de la seconde fluctuation primaire (1600-1604). De 1600 à 1602

Texte intégral

  • 1 Cf. ci-dessus, p. 1038-1052.

1La seconde fluctuation primaire, on peut raisonnablement la faire partir du creux de 1598, au fond d’une dépression qui a été définie tout à l’heure1 ; on peut la faire partir un peu plus tard, aussi, de 1599 à 1600. Elle est dominée par une concordance particulièrement simple et astreignante entre trafics et prix. C’est ce qu’il convient, très rapidement, de définir ici.

I. — CARACTÈRES GÉNÉRAUX DE L’ENSEMBLE DE LA PÉRIODE : LA FLUCTUATION DE LA PARFAITE CONCORDANCE PRIXTRAFIC

  • 2 Cf. ci-dessus, p. 940 à 961.

2Il est inutile de s’étendre longuement sur les caractéristiques majeures de cette seconde fluctuation, il suffit presque de se reporter à ce qu’on a écrit à propos de la première et d’en prendre la contrepartie2.

1. Les navires

  • 3 Cf. ci-dessus, p. 773-776.

3La première fluctuation primaire nous était apparue profondément solidaire, sur ce point, de la dernière fluctuation 1588-1592 du cycle précédent, une période, toutes proportions gardées, de petits navires et de déséquilibre Allers-Retours, au profit des Allers et au détriment des Retours3. On a vu, peu à peu, ces deux caractéristiques s’estomper, au fur et à mesure que s’effaçait l’effet cumulatif de l’énorme poussée conjoncturelle des années 1584-1586 et les grosses destructions de la guerre hispano-anglaise à son apogée. Il suffit de se reporter aux chiffres qui ont été déjà avancés. En 1600-1604, le tonnage unitaire moyen des navires (exprimé en toneladas, du moins et compte non tenu de la pondération proposée, n’a pas encore rattrapé les niveaux atteints lors de la période des très gros navires. Cette période va, en gros, du milieu des années 1570 au milieu des années 1580, la distance pourtant, qui le sépare encore de cet ancien point haut est faible et l’on peut considérer qu’à la fin du cycle 1593-1604, la Carrière des Indes a achevé la reconstruction d’un matériel de gros navires, considérés comme assurant le rendement optimum.

4La tension se sera donc peu à peu déplacée, du domaine de l’armement qui no pouvait, lors de la première fluctuation, faire face aux besoins vers celui du négoce qui lutte lors de la seconde fluctuation pour l’obtention du fret. Contre-épreuve du changement d’attitude, du déplacement du centre de gravité : l’élimination officielle des Canariens, sur laquelle il n’y a pas, sans doute, à revenir. Alors qu’ils constituaient, officiellement, 14,97 % des départs (mouvement unitaire) et 6,92 % (en tonnage) de 1593 à 1597 inclusivement, il n’y en a plus, de 1598 à 1599, et leur apparition sporadique en 1602 donne, pour la dernière fluctuation primaire, la proportion négligeable de 0,81 % et 0,34 %. Semblable élimination exprime, toujours, une grosse détente du côté de l’armement, c’est évidemment un facteur favorable, dans une certaine mesure, un handicap, aussi, puisqu’il signifie que les besoins du négoce sont assez facilement satisfaits.

2. La Nouvelle Espagne, espace dominant

5Il est un autre point capital, la part relative dans la prospérité des grands espaces américains. Sur ce point, comme sur tant d’autres, début et fin du cycle se tournent résolument le dos. La grande période nouvelle espagnole commence avec la dernière fluctuation primaire du cycle 1600-1604. Pendant un quart de siècle, le trafic en volume avec la Terre Ferme — entendez l’Amérique du Sud — est relégué très loin derrière le Mexique dominant. Et cela, après la flambée, sans lendemain, de la Terre Ferme au cours de la période du creux médian.

6Les départs vers la Nouvelle Espagne constituaient 43,6 % (mouvement unitaire : 34,2 %) de 1593 à 1597, vers la Terre Ferme, 32,6 % (mouvement unitaire : 30 %). La Nouvelle Espagne ne l’emportait que de peu, grâce — signe déjà des transformations futures — à un matériel plus lourd.

7La flambée de la Terre Ferme dans la dépression — il vaudrait mieux écrire, l'effacement de la Nouvelle Espagne, mise, on se souvient comment, en quarantaine — donne, un court moment, l’avantage à la Terre Ferme : 56 % (tonnage), 59 % (mouvement unitaire) de l’ensemble du mouvement contre, respectivement, 39,7 % (tonnage) et 33 % (mouvement unitaire). Même à ce moment, pourtant, le tonnage unitaire moyen du matériel destiné à la Nouvelle Espagne l’emporte sur celui destiné à la Terre Ferme.

  • 4 Cette démonstration valable pour les Allers, le mouvement qui donne le ton, le serait également po (...)

8Mais 1600-1604 s'aligne parfaitement sur les périodes suivantes. De 1600 à 1604, la Nouvelle Espagne représente 53,5 % des départs, en tonnage, la Terre Ferme 34,1 % (en unités 51,7 % pour la Nouvelle Espagne et 38,5 pour la Terre-Ferme). De 1605 à 1613, ce sera 52,2 % pour la Nouvelle-Espagne, contre 37 % pour la Terre Ferme, en tonnage, 47,6 % contre 31,8 % en unités, de 1614 à 1622, ce sera 51,5 % contre 30,7 % en tonnage, en unités, 48,6 % contre 33,8 %4. Il en est, ainsi, par conséquent, — trait caractéristique profond — pendant toute la période du sommet du mouvement jusqu’en 1622. Au-delà, avec la phase longue de contraction, cette caractéristique disparaîtra : la Nouvelle Espagne ne représente plus, par exemple de 1623 à 1631, que 35,4 % (à l’Aller, en tonnage) contre 42,5 % (à l’Aller, pour la Terre Ferme), soit 28,1 % contre 33,3 % sur le mouvement unitaire. De cette prise de position de la Nouvelle Espagne, il ne pourra y avoir, donc, d’explication parcellaire, mais globale, puisqu’on voit entre 1600 et 1604, le trafic transatlantique prendre dans le domaine des répartitions géographiques fondamentales, une de ses attitudes dominantes pendant plus de vingt ans, jusqu’au-delà du plateau médian du mouvement, jusqu’au début de la grande retombée séculaire.

3. Valeurs et Volumes

  • 5 Cf. t. VI1, table 226, p. 171.

9Les deux extrémités du cycle semblent avoir, une fois encore, un comportement différent, sous l’angle des couples valeurs-volumes. Il y aurait, du moins en apparence, une certaine réduction entre 1593-1597 et 1600-1604, de la valeur unitaire des exportations5. Il y a dans cette distorsion beaucoup d’illusions imputables à un relâchement de l’efficacité fiscale. Relâchement de l’efficacité fiscale qui semble bien avoir constitué une des caractéristiques de la période. Il n’y a pas qu’illusion, toutefois. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’il n’y a pas eu progrès de la valeur unitaire des exportations entre le commencement et la fin de la fluctuation cyclique, voire même un léger tassement. Cela est assez important et s’explique par deux raisons : la relative euphorie de l’armement exclut la tension en faveur des seules marchandises les plus chères, caractéristique de la période antérieure. La montée de la Nouvelle Espagne implique une très grosse perte qualitative, puisque, on en a eu la preuve maintes fois, l’axe Péninsule ibérique-Terre Ferme avait poussé, beaucoup plus tôt et beaucoup plus loin, l’élimination des pondéreux alimentaires.

4. L'allure de la période

  • 6 Le léger tassement de 1600 par rapport à 1599 s’explique, on l’a vu déjà (cf. ci-dessus, p. 1062 à (...)

10La fluctuation dépasse, si on veut, le cadre un peu étroit qu’on lui a assigné. En effet, si, laissant de côté le mouvement des Retours, dont les fluctuations sont toujours influencées fortement par des facteurs extra-économiques, on braque l’éclairage sur les Allers, on verra se dessiner une fluctuation qui part du creux de 1598, avec une phase ascendante qui va de 1598 à 16016 et une phase descendante qui va de 1601 à 1603, mieux, au creux des deux années très profondément en contre-bas, 1603-1604.

11Mais a-t-on le droit d’éliminer, ainsi, les Retours ?

  • 7 Cf. t. VI1, tables 137-141-163, p. 335, 339, 362.

12Si on fait entrer les Retours en ligne de compte, en effet, avec leurs aspérités sensibles et qu’on en suive le résultat sur le mouvement des globaux, Allers et retours, on pourra hésiter sur le point de départ de la fluctuation. On pourra hésiter entre 1597 et 1599 (1597 est plus creusé, 158 navires, 30 498 toneladas eu chiffres absolus, contre 141 navires et 32 055 toneladas en 1599 ; 1599, par contre, est plus marqué par rapport au trend, 81,8-1 % contre 83,26 %7), ou pourra parler, il est vrai, avec beaucoup de vraisemblance, d’un palier déprimé, sans plus, au départ de 1597 à 1599.

13Pour le point culminant, à nouveau, en raison de l’action décalée des Retours, même hésitation possible, entre 1600 et 1602,1600 l’emportant très légèrement sur 1602, avec 210 navires contre 187 navires, 52 587 toneladas contre 47 317 toneladas, 128,59 % par rapport au trend, au lieu de 112,43 %. La sagesse consiste, là aussi, à parler de plateau élevé, tout au plus légèrement inliné, au-delà de 1600.

14Pour la retombée, plus d’hésitation, par contre, sur 1603 et surtout 1604.

15Tout cela ne permet pas, pourtant, de sortir du dilemne. Il est impossible, d'une part, de nier la signification économique, souvent primordiale, du mouvement des Retours, impossible de ne pas reconnaître, aussi, tout ce qu’il y a d’arbitraire, d’extra-économique, au cours de ces années encore, dans le découpage annuel du mouvement.

16Un moyen empirique permet, pourtant, de dépasser presque entièrement, cette apparente contradiction ; il suffit de substituer aux chiffres vrais des Retours, des moyennes sur deux ans. D’une part, on élimine pratiquement, ainsi le côté sporadique, rocailleux, extralogique du mouvement Retours. On évite, d’autre part, ce qu’il peut y avoir d’artificiel dans une moyenne mobile.

17Un doute subsiste sur la manière d’accoupler les années en Retours. L’histoire récente du mouvement permet de trancher. La meilleure méthode consiste à accoler 1591 et 1592, 1593 et 1594... ainsi de suite. On aura, ainsi, pour les Retours, la série suivante :

18On peut, enfin, sans rien fausser, additionner ces moyennes bloquées sur deux ans des Retours, aux chiffres du mouvement Allers ; on a, ainsi, une série Allers et retours, qui reste une série vraie, avec toute la sensibilité conjoncturelle du mouvement Allers, avec le poids indispensable des Retours, mais sans l’élément d’aberrance et de fantaisie apporté par le jeu complexe des hivernages.

19On possède ainsi, une série presque parfaite, assez bon reflet d’une première ébauche de la réalité conjoncturelle.

20Le creux médian apparaît bien, ainsi, à sa vraie place, c’est-à-dire en 1598, à 60 % à peine des deux points hauts parfaitement symétriques de 1596 et de 1601.

21Une montée régulière, ensuite, de 1598 à 1601, conformément à la leçon motrice des Allers. Dans cette conjoncture, le crochet atténué encore de 1600 par rapport à 1599 (décrochement de l’ordre de 2,5 %) peut être négligé ; il est, d’ailleurs, parfaitement expliqué par le gros élément déroutant de l’irruption dans l’Atlantique de Séville des escadres hollandaises en route vers le Cap.

  • 8 Autre avantage du système, il fait apparaître en pleine lumière cette vérité du cycle, entendez la (...)

22Au sommet, encore, disparition du faux dilemme, 1600 ou 1602, c’est en 1601 conformément à l’indication des Allers que le mouvement culmine. Le point haut de 1601 équilibre celui de 1596, à très peu de choses près ; on obtiendrait même l’égalisation en faisant intervenir la pondération supposée de la mesure du tonnage ; mais sa structure est très différente, le mouvement de 1601 étant un mouvement de gros navires, celui de 1596, de petits navires d’un côté, en 1601, 184,5 unités font 49 540,5 toneladas, de l’autre, 245 navires, 49 912,5 toneladas. Le creux se place, tout naturellement, à cheval sur les deux mauvaises années 1603 et 1604, à presque égalité dans un néant commun8, (7,5 % d’écart, seulement).

5. Corrélation prix-trafic

23Et c’est alors, au prix de cette insignifiante correction, que la corrélation prix-trafic apparaît, dans toute sa simplicité.

  • 9 E. J. Hamilton, op. cit., p. 403 et t. VI1, tables 163-164, p. 362-363 ; t. VII, tables 52-53.

241598, le creux médian. Il correspond, d’une part, au changement de sens de l’indice global des prix argent9, par rapport au trend, tandis qu’il répercute, à deux ans ou trois ans d’intervalle, le creux maximal de la longue anomalie des prix qui va de 1592-1593 à 1597 (1595 : indice 114,08, pourcentage au trend, 93,43 %, 1596 : indice 116,61, pourcentage au trend 94.01 %).

251601, année de l’apogée de la courbe des prix, année de l’écart maximal, aussi, de l’indice vrai au trend (indice 143,55 et 107,66 %) est aussi le point d’expansion cyclique maximale.

  • 10 Cf. ci-dessus, p. 1062-1665.

26Autre coïncidence, deux à trois ans séparent l’accélération maximale, entre 1597 et 1598 (de l’indice 123,75 à l’indice 132,55, de 98,25 % de la moyenne des prix en 1597 à 103,50 % en 1598) et le maximum d’expansion cyclique des trafics. L’écart serait moindre sans le passage des escadres hollandaises10 en 1599, qui perturbent, on a vu comment, le trafic.

27Au-delà, à partir de 1601-1602, la descente des prix et des trafics se fait parallèlement dans une marche côte à côte, pas à pas, à même hauteur, sur les deux courbes, celle des prix et celle des trafics.

  • 11 Cf. ci-dessous, p. 1158-1352.

28Le trafic de 1599 à 1601 n’a pas épuisé l’élan, il s’en faut de beaucoup résultant de la fantastique poussée des prix, de 1597 à 1601. Si la fluctuation suivante du trafic de 1605-1613 calque, en gros, la démarche à court terme des prix, elle puise son amplitude et la masse du trafic mis en cause, ailleurs11 et, notamment, dans la prodigieuse réserve de puissance accumulée par les prix espagnols à la charnière des xvie et xviie siècles, dix ans plus tôt.

29La fluctuation courte du trafic (1598-1604) n’épuise pas toute la signification de la grande fluctuation des prix ibériques, de 1595 à 1604, Il suffisait pour le moment de rappeler très rapidement cette corrélation. Elle a son prix.

II 1600. L’EXPANSION, MALGRÉ TOUT, SE PRÉCISE

30Par rapport à 1598, qui a marqué, plus sûrement encore qu’on ne pouvait le croire, a priori le creux d’une puissante dépression, 1600 est bien un jalon, sur une pente à nouveau ascendante, malgré les perturbations apportées par la courte mais combien tumultueuse entrée en scène des escadres hollandaises.

311600. Dans l’Atlantique, les plus grands drames s’apaisent. Seule, presque, la longévité d’Élisabeth empêche la conclusion d’une guerre hispano-anglaise qui n’a plus, désormais, de raison d’être. La guerre franco-espagnole s’est éteinte à Vervins (1598)..., les vieux conflits déclinent. Le centre de gravité des rivalités maritimes entre les puissances d’une Europe dominante se déplace de l’océan Atlantique en direction de l’océan Indien. La vague hollandaise commence à déferler sur les positions de la fraction portugaise de l’océan Indien. Elle aura balayé, en gros, en une décade à peine, les positions économiques essentielles de l’Indien portugais. La mainmise hollandaise sur l’océan Indien, cette énorme poussée en direction de l’Extrême Orient — et les vingt ans de répit qu’elle implique pour l’Atlantique espagnol — telle est, peut-être, à la limite, en termes non d’économique mais de géopolitique, la raison profonde de cette prospérité, en surfusion, qui se maintient, dans l’Atlantique de Séville, de 1600 à 1620 environ.

32En 1621, au terme de la Trêve de Douze Ans, quand, l’Atlantique de Séville doit faire face, à nouveau, à l’attaque des Hollandais, vainqueurs et dominateurs de l’Orient, miné par les divisions ibériques, luso-espagnoles, que ce retour en force exaspère, l’Atlantique de Séville, aux structures usées, succombe à ce surcroît de charge.

33D’où l’importance de 1600. En orientant les Hollandais en direction de l’océan Indien, c’est vingt ans de survie, c’est vingt ans, pour une dernière, prestigieuse et fragile grandeur, que le destin, en cette année tournante, venait d’accorder à l’Espagne, dominatrice par Séville, des Indes et de l’Atlantique.

DÉFINITIONS CHIFFRÉES

34Comme toujours, c’est par les indications rudimentaires, mais non subjectives, du découpage annuel, qu’il faut commencer.

1. Allers

  • 12 Cf. t. IV, p. 92.
  • 13 Ibid., p. 102, 104, 106, 108, 110.

351600 aura été, en raison d’un concours particulier de circonstances, une année dominée par une masse énorme de Retours. Il serait peut-être plus exact de dire, en raison autant qu’on en puisse juger des dates respectives des départs12, lin janvier, début février pour l'Armada de la Guardia de la Carrera de las Indias, Capitaine général Marcos de Aramburu, deuxième quinzaine de mai, vraisemblablement, pour la flotte de Nouvelle Espagne de Pedro de Escobar Melgarejo, et des Retours13, 13 mai 1600, pour l'Armada de la Guardia de Francisco Coloma et pour la flotte de Terre Ferme de Sancho Pardo Osorio, 15 octobre environ, pour la flotte de Nouvelle Espagne de Juan Gutierrez de Garibay, une année dominée, au départ, par l’absence totale de Retours. Les départs de 1600 se sont effectués, sans pouvoir bénéficier de l’appui quelconque de Retours récents.

36Depuis mars 1599 et jusqu’au 13 mai 1600, pendant quatorze mois, en effet, rien n’a filtré, à part quelques avisos, rien d’économiquement valable, à travers l’Atlantique d’Amérique en direction de la Péninsule ibérique. C’est dans cette atmosphère de carence, d’attente, d’angoisse et d’incertitudes, qu’ont été mis sur pied les Allers de 1600, dont les derniers navires quittent le Guadalquivir, quand les premières escadres arrivent après une interruption totale de quatorze mois. Sans anticiper sur ce qui viendra normalement, plus tard, il était impossible de ne pas rappeler d’abord ces faits. Ils éclairent et relativisent les chiffres qui suivent.

  • 14 Cf. t. VI1, table 159, p. 356 ; t. VII, p. 52-53.
  • 15 Ensemble formé par les 28 navires, 8 050 toneladas des Retours de 1599 et les 108 navires et 22 81 (...)
  • 16 Ensemble constitué dans les mêmes conditions par les 102 navires, 27 977 toneladas de 1600 et les (...)
  • 17 Cf. ci-dessous, p. 1081-1090.

37Il y a trois années, en effet, au cours du cycle14 où le mouvement Retours l'emporte largement sur les Allers, 1595, 1598, 1600, au cours desquelles le pourcentage des Retours au mouvement total est respectivement de 62,78 %, 55,68 % et 55,09 % (deux autres années, 1602 et 1603, présentent, également, mais en deçà ; une légère anomalie dans le même sens, avec 53,58 % et 51,83 %). La chronologie aura montré ce qu’il y avait d’assez fictif dans un tel rapport. En réalité, c’est entre les Retours de 1599 et les Allers de 1600, d’une part, entre les Retours de 1600 et les Allers de 1601 qu’il faudrait calculer le rapport à un mouvement global. On s’apercevra, alors, que les Retours de 1599 ne représentent plus que 26 % du mouvement Allers et retours, 1599-160015, que les Retours de 1600, par contre, constituent jusqu’à 46,6 % du total des Allers et Retours 1600-160116. Cet anodin calcul renforce, ainsi, cette constatation assez évidente d’ailleurs : les Allers de 1600 — une analyse des tableaux17 le montrera, bientôt — ont été handicapés par la défaillance des Retours, tandis que ceux de 1601 bénéficieront, au contraire, du formidable coup d’épaule du gros nœud des rentrées de 1600.

  • 18 Cf. ci-dessous, p. 1082-1086.
  • 19 Cf. t. VI1, tables 163 et 164, p. 362-363 et t. VII, p. 52-53.

38Il n’en est que plus probant, dans ces conditions, que le décrochement des Allers de 1600 par rapport à 1599 demeure dans des proportions aussi raisonnables. De 113 à 108 bateaux (retrait de 4,4 %) de 24 005 à 22 810 toneladas (retrait de 4,9 %). Sur le plan fort significatif du tonnage unitaire moyen, le mouvement est étale entre 1599 et 1600 : de 212,4 toneladas en 1599, on passe à 211,2 toneladas en 1600 ; étale eu égard à la précision de notre mesure, avec tout au plus une présomption de contraction. Cette présomption est corroborée par la contraction sensible du tonnage unitaire moyen des navires, dans le même temps, de 238,3 toneladas (tonnage unitaire moyen des navires marchands de Séville en 1599) à 219,2 toneladas (tonnage unitaire moyen des navires marchands de Séville en 1600). Fait plus significatif, l’écart normal entre le tonnage unitaire des navires sur l’axe essentiel des navires marchands de Séville et le tonnage unitaire, dans les mêmes conditions, sur l’ensemble des Allers, a diminué : 238,3 toneladas et 212,4 toneladas en 1599, 219,2 toneladas et 211,2 toneladas en 1600. Cette évolution est l’expression d’un léger malaise dans l’armement, facilement explicable et dont il sera rendu compte18. En réalité, il ne faut pas grossir démesurément l’importance de ce léger fléchissement, 1599 et 1600 peuvent être considérés comme formant un palier virtuel à mi-chemin entre le creux de la fluctuation en 1598 et le sommet de 1601, un peu plus proche du premier terme que du second. Cette position est corroborée par les écarts au trend19 : avec 94,78 %, 1600 occupe une position relative peu différente de celle de 1599, 98,44 %, un peu plus proche du creux de 1598 (75,67 %) que du sommet de 1601 (141,04 %). En vertu de quoi, 1600, peut, sur les Allers, être considéré, presque indifféremment, comme un chaînon de la phase ascendante de la dernière fluctuation du cycle ou comme le terme du creux-baquet du milieu du cycle. La première solution est, quand même, la meilleure.

2. Retours

  • 20 Cf. t. IV, p. 102, 104, 106, 108 sq.

39Le nœud du mouvement Retours, avec ses deux énormes convois qui abordent le Guadalquivir à la mi-mai et à la mi-octobre20 constitue, sans conteste, un des grands événements du cycle, même si à l’origine, il y a quelque chose d’accidentel et de malheureux, à la base de cette anomalie positive.

  • 21 Cf. t. VI1, tables 133-135 et 140-142, p. 331-333 et 338-340.
  • 22 Cf. t. VI1, tables 154-156, p. 351-352.
  • 23 Cf. t. VI1, tables 163-164, p. 362-363 ; t. VII, p. 52-53.

40En chiffres absolus21, avec 102 navires, 27 977 toneladas (30 774,4 tonneaux), le niveau des Retours de 1600 est le niveau record de tout le cycle. Pour bien apprécier le niveau tout à fait exceptionnel des Retours de 1600, il suffit de rappeler qu’en tonnage (exprimé, en toneladas, unités non pondérées), le niveau 27 977 toneladas n’est dépassé que deux fois, en 1587 et en 1630, qu’une fois (exprimé, en tonneaux, unités pondérées), en 1630. En unités, toutefois, le record 102 bateaux est le record absolu de toute la période. Une telle masse, aussi insolite, ne peut avoir que des conséquences importantes. Par rapport au trend, toutefois, qui s’accroît très vite, à cette époque, sur le mouvement des Retours22, l’expansion cyclique est un peu moindre en 1600 qu’elle ne l’avait été lors du nœud de 1595 : 176,27 % au lieu de 179,10 %23, et cela, malgré des chiffres absolus plus forts en 1600 qu’en 1595, 102 navires au lieu de 101 navires, 27 977 toneladas (30 774,7 tonneaux) contre 25 397 tonneaux-toneladas, seulement.

41Il va sans dire, que, par rapport à 1599, par rapport au petit convoi arrivé en mars, le bond en avant est prodigieux, sans grande signification, toutefois : de 28 à 102 navires (saut en avant de 257 %), de 8 050 à 27 977 toneladas (saut en avant de 246,5 %), par rapport au trend de 52,86 à 176,27 %. Avec maintien, à peu de choses près, du fort tonnage unitaire moyen des Retours de 1599 :1598, 235,9 toneladas, 1599, 287,5 toneladas, 1600, 274,3 toneladas, soit un tonnage unitaire moyen qui reste supérieur aux tonnages unitaire respectifs moyens du cycle (237,51 toneladas) et de la fluctuation (260,7 toneladas).

42Une substantielle dénivellation se maintient donc, entre le tonnage unitaire des Retours et celui des Allers, elle prouve qu’au cours des années, comme presque toujours, les navires qui restent aux Indes sont de petits navires.

43En fait, les Retours de 1600 ne peuvent s’apprécier que par rapport aux autres points hauts : 1595, 1596 et 1602. On notera que dans tons les ca ils l’emportent, substantiellement, de 2 580 toneladas, au moins (par rapport à 1595), à 5 602 toneladas (par rapport à 1598), soit, en gros, de 10 à 20 °

  • 24 On pourrait concevoir une autre comparaison, moins logique, respectueuse de la réalité historique (...)
  • 25 Groupant 1600 et 1601, 1602 et 1603, accolant, ainsi, les deux forts Retours de 1601 et de 1603. L (...)

44On peut chercher, toutefois, pour situer plus exactement encore le niveau des Retours de 1600, à éliminer le côté accidentel et sporadique, constitué, notamment, par le rapport accidentel d’une partie des Retours do 1599, retenue par un hivernage sur 1600. Si on substitue — selon un système dont on a vu les principes24 — aux chiffres vrais des moyennes sur deux an-, on pourra opposer à la moyenne des Retours pour 1599-1600, 65 navire et 18 013,5 toneladas, celle des années du creux 1597-1598, 59 navires et t 12 335 toneladas. La position de 1599-1600 est supérieure encore à celle de 1601-1602, 17 508,5 toneladas, 64,5 navires, elle est inférieure, par contre à celle de 1595-1596, 91 navires, 21 082,5 toneladas25. Ce léger correctif nous rappelle que si 1600 se trouve placé sur un tronçon de Retours élevé-, il est en position légèrement inférieure, toutefois, à ces autres grands coup de buttoir des arrivées des Indes que sont les Retours de 1586-1587, 1595-1596 1602-1603.

45La prise en considération des points assez bas qui l’entourent en 1599 et en 1601 retire, ainsi, aux Retours de 1600 une partie du caractère unique et exceptionnel que les précédentes considérations tendaient à lui attribuer.

3. Allers et Retours

  • 26 Soit, a très peu de choses près, le niveau record de 1603, 283 navires et 60 667 toneladas. Il est (...)

46La position des totaux est, évidemment, commandée par les Retours : 210 navires, 50 787 toneladas (55 865,5 tonneaux), encore qu’une telle association ne signifie pas grand chose, il serait plus rationnel de considérer l’association des Retours de 1600 et des Allers de 1601, on aurait alors un niveau plus élevé encore, 242 bateaux et 60 009 toneladas26.

47Quoi qu’il en soit, mieux vaut se cantonner, pour des raisons évidentes d’homogénéité, au découpage annuel, même quand — c’est le cas, plus particulièrement encore, ici en 1600 —, il présente un caractère extrêmement artificiel.

48L’association des Allers de 1600 aux Retours de la même année n’en aura pas moins donné à l’ensemble des ports du complexe une activité rarement égalée. Point record du cycle, sans difficulté, en tonnage, du moins, sinon en unités.

  • 27 Cf. t. VI1, tables 136-138, p. 334-336 ; tables 140-142, p. 338-340.

49Les 50 787 toneladas ne sont dépassées qu’à deux reprises, dans toute l’histoire de la Carrière des Indes, en 1608 et 1610, compte tenu de la pondération, quatre fois, en 1608, 1609, 1610 et 163027. Les 210 bateaux ont été dépassés et de peu, toutefois, dans toute l’histoire de la Carrera, en 1550, 1586, 1589, 1593, 1595, 1596, 1608, 1609 et 1610. Que ce soit en tonnage ou en unités, l’écart entre 1600 et ces années qui le dépassent, sous un certain angle, est, en général, très faible, au très grand maximum, avec 1608, de l’ordre de 20 %.

  • 28 Cf. t. VI1, tables 163-164, p. 362-363.

50On comprend, dans ces conditions, que 1600 se soit, en Allers et retours, fortement détaché de la tendance majeure, avec un 128,59 %28 qui tranche sur la position relative de 81,84 % de 1599, soit respectivement de 141 à 210 navires, de 48,9 % ; de 32 055 à 50 787 toneladas, de 58 %. Le tonnage unitaire passe de 227,34 toneladas en 1599 à 241,4 toneladas en 1600, sans qu’il faille accorder à cette modification du rapport Allers et retours, au détriment des Allers et en faveur des Retours, structurellement formés de plus gros navires que les Allers.

51Quel que soit le jugement nuancé que l’on puisse porter sur la conjoncture d’affaires qui a animé cette masse, elle n’en constitue pas moins une masse extrêmement considérable. Son poids est une réalité physique, bien caractéristique de la vie du complexe portuaire, en 1600.

LES DIFFICULTÉS DE L’ANNÉE ET LEUR DÉPASSEMENT

  • 29 Cf. t. IV, p. 98-99, note 1 ; t. I, p. 259.
  • 30 Cf. t. I, p. 252-254.

52Un accident de la documentation, la disparition des « libros de copiadores de cartas »29, les plus belles séries de la correspondance de la Casa de la Contratación30, sur une période, de cinq ans, exactement, de 1600 à 1604, ne facilite pas, malheureusement, l’analyse de la conjoncture de la Carrera en 1600 et dans les années qui suivent.

1. Une situation d’attente

  • 31 28 navires, 8 050 toneladas, contre un niveau moyen de 62,33 navires et 14 863,68 toneladas.

53Entre mars 1599 et le 13 mai 1600, pendant quatorze mois, à l’exception de quelques avisos, rien d’Amérique n’aura gagné le Guadalquivir. Mieux, si on considère le caractère dérisoire des Retours de 1599 — à peine plus de 50 % de la moyenne des Retours du cycle 1593-160431, on peut avancer qu’entre le 27 septembre 1598 et le 13 mai 1600, pratiquement rien, en vingt mois, n’aura filtré, à travers l’océan, du Nouveau Monde vers la Péninsule ibérique. Le responsable de cette situation : l’intrusion, en masse, des navires hollandais... la prise par le travers de l’océan fusiforme de Séville par la puissance flamande partie sur la route du Cap, à la conquête de l’océan Indien Il importe peu, finalement, à notre propos que, selon toutes apparences, les communications Amérique-Europe aient été plus coupées, encore, par la peur du Hollandais que par le Hollandais lui-même.

54Pendant deux ans, pratiquement, le négoce aura vécu, dans l’attente du retour de ses capitaux fructifiés, paralysés, immobilisés aux Indes, avec l’énorme tension qu’une telle situation ne pouvait manquer d’exercer sur la demande d’un crédit, toujours, difficile à obtenir. Immobilisation de capitaux, pénurie de crédit, incertitude psychologique.

55Sur le plan technique, il est inutile d’insister. Nous avons trop vu quelles pénuries des situations analogues portaient en elles.

  • 32 Cf. ci-dessus, p. 1078.

56Tous ces facteurs auront provoqué sur la courbe, pourtant, à l’ordinaire si sensible des Allers, une régression de 4,4 % à 4,9 %32, une régression insignifiante. Pour avoir fait face à une telle opposition — elle a pu, en d’autres circonstances, donné lieu à une débâcle — il fallait que les négociants du Guadalquivir eussent, en cette année, l’espérance chevillée au cœur, pour des raisons qui, en partie, nous échappent et qui ne sont, peut-être, pas toutes raisonnables.

2. Une pénurie de navires

57La défaillance de la correspondance de la Casa de la Contratación interdit de suivre la crise des capitaux immobilisés aux Indes et les moyens d’y remédier. On a des preuves, par contre, de la petite crise des navires qu’elle a provoquée au printemps de l’année 1600.

  • 33 Cf. t. IV, p. 92-97.
  • 34 Ibid., p. 76.
  • 35 Ibid., p. 92.
  • 36 Cf. ci-dessus, p. 192, 1070-1071.

58La mise sur pied de l'armada y flota de Nouvelle Espagne de Pedro de Escobar Melgarejo33, onze mois après l'armada y flota de Nouvelle Espagne de Juan Gutierrez de Garibay34, trois mois et demi, environ, après l'armada de la Guardia de la Carrera de Marcos de Aramburu35, après vingt moi d’arrêt à peu près total des Retours, constitue un tour de force : la flotte de Nouvelle Espagne de Pedro de Escobar Melgarejo n’atteint-elle pas un volume égal à la moyenne des plus grandes flottes de Nouvelle Espagne, 12 à 13 000 toneladas ? Semblable réussite, dix ans plus tôt, au sortir de la saignée de l'Invincible, eût été impensable. Elle fournit la preuve que l’opération de reconstitution du matériel naval de la Carrière des Indes a été menée à bien. Tout au plus, a-t-elle été acquise au prix d’un arrêt du progrès du tonnage unitaire des navires au cours de l’année36.

  • 37 Cf. t. IV, p. 92-93, navires nos 4 et 5.

59Mais ce tour de force aura coûté de gros sacrifices — de qualité, d’homogénéité, de nationalité — lourds de danger pour l’avenir. L’extrême hétérogénéité et la dispersion des tonnages frappent tout d’abord. On verra, côte à côte, par exemple37, la petite nave biscayenne, le Santiago, de Constantin Perez et la grosse hourque, El Salvador, de Pedro de Mezas, conduite par Diego de Torrizos. Toutes deux cinglent, dans le même convoi, en direction de la Vera Cruz, port en eau profonde — à l’échelle du siècle et de la Carrera —, l’une fait 120 toneladas, l’autre, 650. Sa biscaynité a servi au Santiago de titre de noblesse, une année où cette « limpieza de sangre » des coques est rare à Séville. C’est la raison pour laquelle, on a fini par donner visite à un navire d’une taille tout à fait insolite, partant de Séville en convoi, sur une telle ligne, à destination de la Vera Cruz.

  • 38 Ibid., navire no 14.
  • 39 Ibid., p. 94-95, navire no 16.
  • 40 Ibid., navire no 20.
  • 41 Ibid., navire no 21.
  • 42 Ibid., navire no 24.
  • 43 Ibid., navires nos 25, 26, 27.
  • 44 Ibid., p. 94-97, navires nos 41 à 49.

60À côté de quelques gros navires, dont une hourque — ce qui n’est pas une référence, dans la Carrera, à cette époque —, on dénombrera dans cette flotte un nombre proprement insolite de tout petits navires, allant à La Vera Cruz, dont l’admission aura dû paraître aux contemporains, plus « scandaleuse » encore, que celle du Santiago — il avait, au moins, pour lui d’être biscayen. Mais que penser d’une nave portugaise de 200 toneladas, le San Jacinto38 de Monte Bernardo, de La Asunción39 de Thomas Gallardo, cette toute petite nave créole de la Havane, de 125 toneladas, d’une frégate de Maracaïbo de 280 toneladas, la Rosario de Diego Hernandez Cortés40, d’une frégate anglaise de 135 toneladas, seulement, le San Benito de Lazaro de Arpide41 ? A la limite, également, la nave écossaise, d’Hernán Garda, qui ne fait que 170 toneladas42. Beaucoup plus surprenants encore, le Cisne blanco, felibote de 130 toneladas, le San Buenaventura nave française de Saint Jean de Luz et le San Cristôbal, tous deux de 125, aussi43. Neuf pataches44 accompagnent la flotte : leur présence, sur la ligne de Nouvelle Espagne, leur grand nombre, surtout, est proprement insolite. Leur but ne peut être que bien accessoirement un but militaire, on aura ainsi pallié un manque grave de tonnage, en ayant recours (sous le nom de patache, afin que la loi soit sauve) à des navires de 110 toneladas (une), de 65 (une), de 60 (trois), de 50 toneladas (quatre).

  • 45 C’est, limitée à cette seule catégorie, que la démonstration aura le plus de poids, parce que tous (...)

61Sur les 36 navires partant en flotte de Séville en direction du grand port de la Nouvelle-Espagne, la Vera Cruz/San Juan de Ulúa45 — cet axe est essentiel — 17 au moins en d’autres temps n’eussent été admis, en aucun cas, à participer à pareille navigation de choix.

  • 46 Cf. t. IV, p. 92-97.

62Les inconvénients d’une telle hétérogénéité sont évidents. Dans la navigation en convoi, — la Casa a montré, à plusieurs reprises, à quel point elle en avait parfaitement conscience —, les navires les plus rapides doivent s’aligner sur les plus lents. Or, même si les navires du xvie et du xviie siècles sont loin, en général, d’atteindre la vitesse limite, l’expérience prouve qu’à qualités égales, la vitesse des navires est grossièrement fonction de leur tonnage. D’où la méfiance contre les petites unités, surtout, lorsque, à cet inconvénient, c’est le cas des felibotes, ces flamands à fond plat, s’ajoute l’inconvénient d’être un mauvais manouvrier ou, simplement, un mauvais voilier. L’analyse, fructueuse sur ce point, des tableaux46 des navires naviguant en convoi de Séville en direction de la Vera Cruz, sous le commandement de Pedro de Escobar Melgarejo, prouve qu’on a été obligé, cette fois, d’accepter l’inconvénient, pour parfaitement avisé qu’on fût du danger.

  • 47 Ibid., p. 100, note 35.

63La proportion des navires étrangers de cette flotte disparate sur cet axe de choix paraîtra également inusitée : 23 navires sur 36 (63,9 %). C’est, de toute manière, un minimum : même sur la liste bien connue des navires de flotte partant de Séville, un à deux navires étrangers ont pu réussir à se camoufler et l’on se montre, à l’ordinaire, plus exigeant à l’égard des convois de Séville, partant pour la Vera Cruz et pour l’isthme, que pour les marginaux de la Carrière des Indes, tant au départ qu’à l’arrivée. La proportion de 63,9 % d’étrangers n’en devient, dans ces conditions et à cette époque, que plus exorbitante. Un autre signe qui montrera à quelle politique de libéralité la Casa est réduite à l’égard des navires étrangers : l’autorisation à assimiler47 les naves françaises de Saint-Jean-de-Luz aux naves espagnoles de Biscaye. C’est la raison pour laquelle elles se démasquent brusquement en si grand nombre (8 sur 36), soit 25 %. L’expédient juridique en dit long sur la difficulté à se procurer du tonnage.

  • 48 Cf. t. I, p. 71 sq.
  • 49 Cf. t. IV, p. 100-101.
  • 50 Ibid., p. 100, note 38.
  • 51 Ibid., p. 100-101, note 41.

64Les compte-rendus des visites48 de l’année49 montrent combien de cas douteux réussirent à bénéficier de ces difficultés : mauvaise nave andalouse50, maître véreux51, blanchi, pour les besoins de la cause du moment — une série de petits incidents, isolément, sans grande portée, mais dont l’ensemble définit un climat. On n’a pas eu le loisir de se montrer, face à l’armement, exigeant en 1600.

  • 52 Cf. ci-dessus, p. 1077 sq.

65Sous l’angle « technique » une telle situation s’explique facilement par le nœud des Retours de 1599, sous l’angle de la conjoncture économique, on retiendra, seulement, la manière dont elle a été résolue et dépassée. Qu’il y ait pu se produire une telle convergence de navires, quand même, acceptables pour aller aux Indes, témoigne d’un attrait exercé par le trafic très au-delà de Séville, sur toutes les côtes d’une bonne partie de l’Europe Occidentale. Qu’il y ait eu des négociants, pour accepter de charger sur un tel matériel, avec tous les risques que la médiocrité des navires et le manque de marins et de pilotes expérimentés, retenus aux Indes comportaient, c’est bien la preuve de l’attrait considérable exercé, désormais, par ce marché de la Nouvelle Espagne, tenu, pourtant, il n’y a pas bien longtemps, dans une cruelle quarantaine52.

  • 53 Cf. t. IV, p. 92 et p. 99, note 2.

66Les risques de semblables solutions de fortune n’étaient pas illusoires. On peut douter, toutefois, qu’ils aient été parfaitement appréciés, car le propre de ces années d’expansion, n’est-ce pas, entre autres, une certaine propension psychologique collective à l’optimisme ? Il est difficile, en effet, de ne pas lier un peu à la médiocrité des navires et des pilotes, le terrible massacre de l’arrivée au large de la Vera Cruz53.

  • 54 Cf. t. IV, p. 92.
  • 55 Cf. t. VI1, tables 18-19 (suite), p. 180.
  • 56 Cf. t. III, p. 450 et p. 460, note 20.

67La perte des libros de copiadores ne permet, hélas, que des hypothèses. Il est difficile de faire le départ entre l’accident météorologique et la faute des hommes ; la date la plus vraisemblable54 de sortie du convoi de la Nouvelle-Espagne de Pedro de Escobar Melgarejo, autant qu’on le sache, correspond à la date optimale de sortie des convois dans cette direction55. L’accident ressemble étrangement, toutefois, de prime abord, à celui survenu en 1590 à la flotte de Antonio Navarro de Prado56. En 1600, comme en 1590, on est frappé par le montant total de pertes énormes, 14 navires en 1600 (16, en 1590) ; dans les deux cas, il s’agit d’un matériel et personnel fatigués, ou de raccroc... On pourrait donc, devant de tels indices, pencher en faveur d’une explication, qui, faisant la part belle, certes, aux difficultés d’accès du port de la Vera Cruz, à l’impondérable météorologique — ils auraient pu faire que, de toute manière, un accident survînt — attribuerait l’ampleur des dégâts et la perte, au moins, de quatorze bateaux aux défectuosités du matériel et des hommes.

68On voit, ainsi, à quel prix se sera soldée l’extrême poussée de conjoncture de l’année 1600. Les goulots « techniques » de la navigation dans l’antique Carrera, on en jugera, ne se laissaient pas facilement maîtriser.

UN TRAFIC NORMAL

69Malgré leurs difficultés, négoce et armement de Séville et du complexe portuaire auront réussi à maintenir, en 1600, un trafic normal.

1. Chronologie et ventilation des départs

70Un trafic normal qui comprend la gamme largement ouverte d’une armada destinée à la Terre Ferme, une flotte de Nouvelle Espagne, une forte participation de petits navires, sueltos et négriers, constituent, bien, en effet, à cette époque, ce que l’on peut considérer comme la normale.

  • 57 Cf. t. IV, p. 92.

71a. Terre Ferme. — On notera — mais il n’est pas absolument sûr que la liste en soit complète — une armada destinée à la Terre-Ferme57, partie à date habituelle, de volume un peu réduit (6 gros navires, 3 650 toneladas), toutefois.

72On peut faire valoir ici les difficultés techniques, dont la flotte de Pedro de Escobar Melgarejo a donné la preuve. On peut faire intervenir, peut-être, un fait de conjoncture. En une année comme 1600, l'armada, beaucoup plus que militaire, aura été économique. Son volume réduit est, de ce fait, significatif.

  • 58 Cf. ci-dessous, p. 1327-1332.
  • 59 Cf. ci-dessus, p 1056-1062.

73Faute de documents, on est condamné à des hypothèses, jetant un pont entre des indications sûres. À partir des premières années du xviie siècle chiffres et documents littéraires le prouvent, la crise s’est installée dans l’espace de la Terre Ferme58. Lors de la grande bouderie à l’égard de la Nouvelle Espagne — on l’a vu —, les possibilités du marché de Terre Ferme59 ont, peut-être, été dangereusement surestimées. Quelles furent alors les conséquences de la masse exagérée de marchandises déversées sur la Terre Ferme, entre la fin de 1597 et le début de 1599 ? On ne sait. Quelques mécomptes ont pu en découler qui expliqueraient, peut-être, la désaffection dont l’axe Péninsule ibérique/Terre Ferme semble avoir souffert en 1600.

  • 60 Cf. ci-dessus, p. 950-951, 1071-1072.

74b. La faveur nouvelle espagnole. — Plus sûrement, encore, qu’en 1599, il faudrait placer le tournant du trafic de la Nouvelle Espagne dans la première moitié de 1600. En effet, sous l’angle des parts respectives de la Terre Ferme et de la Nouvelle Espagne60 dans l’ensemble du trafic, les deux moitiés du cycle, on a vu comment, s’opposent.

  • 61 Cf. t. IV, p. 76 et ci-dessus, p. 1062.
  • 62 Cf. t. IV, p. 106.

75Après le très fort convoi de Juan Gutierrez de Garibay61, parti le 11 juin 1599 et qui ne rentrera pas avant le 15 octobre 160062, on pouvait s’attendre, normalement, à la formation d’une flotte de Terre Ferme. Il en fut tout à l’inverse. Décision fut prise de consacrer la première flotte, qui serait à peu près, nécessairement, la seule, à la Nouvelle Espagne.

  • 63 Cf. t. IV, p. 54.
  • 64 Cf. t. IV, p. 112 et pour déduire la date de départ probable de la date d’arrivée, se servir des t (...)
  • 65 Cf. ci-dessus, p. 1033-1037.

76On verra, ainsi, deux flottes en direction de la Nouvelle Espagne, en onze mois, tandis que du 29 novembre 159863 au mois d’avril 160164, pendant deux ans et demi, à part l'Armada de la Guardia et quelques avisos, sueltos ou négriers — économiquement bien peu de choses, — l’isthme n’aura rien reçu. D’où vient ce brusque attrait en faveur de la Nouvelle Espagne ? Sans doute, des mécomptes causés sur le marché de la Terre Ferme par l’approvisionnement inconsidéré, de la fin de 1597 au début de 1599. Ce manque de mesure aura, peut-être, provoqué à court terme, un accident comparable à celui dont on a eu la preuve, en Nouvelle Espagne, en 159765. Sans doute, aussi, faut-il mettre à l’origine de cet effort de bonnes nouvelles parvenues du marché de la Vera Cruz, où la flotte de Juan Gutierrez de Garibay a dû tirer profit de la longue pénurie organisée par la mise en quarantaine du marché, plus de deux ans durant.

77Peu importe les moyens qui sont au départ d’une telle réussite, à court terme, du moins. On peut, de cette situation, conclure : le maintien de l’expansion, au cours de l’année 1600, dans des conditions extrêmement difficiles, est dû, dans des proportions très inégales, aux différents axes du trafic.

78La Nouvelle Espagne en flèche, entraîne, désormais, le mouvement, il en ira, en gros, de même, pendant près de vingt-cinq ans, cette conjoncture haute, donc, sur le trafic de la Nouvelle Espagne n’est pas exclusive d’un marasme passager sur l’axe de Terre Ferme.

79En fait, ayant eu un choix à faire, sous la pression du manque de navires, de marins et de l’immobilisation de l’argent, entendez le retour des capitaux engagés dans le circuit des affaires des Indes, le négoce a fait porter ce choix sur la Nouvelle Espagne, avec une insistance qui ne trompe pas.

80c. Ventilation au départ à l’intérieur du complexe.

  • 66 Cf. t. VI1, tables 182-183, p. 384-391.

81Plus que jamais, en raison de la défaillance des sources « littéraires », il conviendra d’extraire des chiffres toute la leçon qu’ils contiennent. Or la ventilation des départs à l’intérieur du complexe portuaire andalou-canarien66 montre que le trafic a assez sensiblement accusé, quand même, le coup de ralentissement du trafic.

  • 67 Malgré la très légère réserve qui peut peser en 1600 sur la composition de l'Armada de la Guardia (...)

82Les armadas. — Il y a reflux présumé, sur le mouvement armada : 7 navires au lieu de 20 navires, 3 650 toneladas au lieu de 5 330 toneladas en 1599. L’indication est trop sensible pour être imputable à un caprice de documentation67. Ce reflux de 65 % en mouvement unitaire, de 31,5 % en tonnage, avec une très forte augmentation du tonnage unitaire, passant brusquement de 266,5 toneladas (1599) à 521,4 toneladas (1600), un presque doublement, traduit une augmentation de la sécurité, ou, du moins, un ralentissement de l’effort de police et de protection fourni par la Carrera. Facteur favorable que le reste des renseignements recueillis confirme.

  • 68 Cf. t. VI1, table 184, p. 392 et t. VI2, tables 366-370, p. 586-588.

83A priori, on serait tenté de déduire de cette évolution une assez forte réduction, d’un secteur devenu économiquement important du trafic dans l’Atlantique. D’autant plus qu’au cours de ces deux ans, le trafic d'armada se confond un peu avec celui de la Terre Ferme68. Mais, il n’est pas sûr que ce reflux de 31,5 % du volume des armadas soit accompagné d’un reflux même d’assez loin comparable du volume utile, l’Armada de Marcos de Aramburu paraît, a priori, plus uniquement économique et beaucoup moins militaire que celle de Coloma/Urdayre. Le mouvement d’armada impliquera, tout au plus, un léger tassement, dans un secteur du trafic de départ qui reste, quand même, secondaire.

  • 69 Cf. t. I, p. 310-313.

84Les négriers et les canariens. — Hausse record, par contre, des négriers, donc, d’un secteur de trafic de second plan69. Cette hausse ne constitue pas, a priori, un facteur favorable : elle signifie que des difficultés et des lacunes ont subsisté, qu’il a fallu combler, tant bien que mal : le trafic négrier, ne sert-il pas un peu, aussi, à cette époque, de bouche-trou ? Le niveau du trafic négrier — et ce n’est pas forcément bon signe —, atteint, en 1600, le point le plus élevé de tout le cycle : 41 navires contre 28 navires en 1599, soit un progrès de 46,4 %, 2 950 contre 5 100 toneladas, soit un saut en avant de 72,9 %, avec augmentation symptomatique du tonnage unitaire moyen des navires négriers, qui passe de 105,4 toneladas (1599) à 124,4 toneladas.

85On s’est souvent servi du trafic négrier pour dissimuler un trafic de « sueltos », hors convoi. Le comportement du trafic négrier, au cours de cette période, en pointe, en période de difficultés, en retrait, en période de conjoncture haute, laisse à penser qu’il a joué un grand rôle de couverture et de volant. Il peut être avantageux, quand les conditions ne permettent pas de risquer la confection d’un convoi, de courir ses chances sur un petit navire. Et puisqu’il est bien établi que les négriers ne transportent pas que des nègres, on comprend qu’ils aient profité des difficultés de 1600 pour se faufiler dans des positions laissées vides.

86D’autant plus que les Canariens restent exclus. La toute petite crise de tonnage des premiers mois de 1600 — elle est vite résorbée, par l’arrivée en mai, puis en octobre, des énormes masses de bateaux bloqués longtemps aux Indes — n’a pas été suffisante pour que la porte leur soit, à nouveau, ouverte. Raison de plus, pour qu’on comprenne mieux cette fonction seconde des négriers,... volants et arrondisseurs d’angles.

87Caditains et Sévillans. La série des navires marchands de Séville, des Caditains et celle de l’infanterie lourde se confond, à peu de choses près, avec la flotte de Pedro de Escobar Melgarejo.

  • 70 Cf. ci-dessus, p. 1006.

88Le progrès des Caditains, de 7 à 10 navires, de 1 900 toneladas à 3 100 toneladas, quantitatif et qualitatif, s’accompagne d’une augmentation du tonnage unitaire moyen. Le progrès de 1599 à 1600 des Caditains est de 42,8 % sur le mouvement unitaire, 63,2 % sur l’expression du mouvement en tonnage, 14,4 % pour le tonnage unitaire moyen qui passe de 271,4 toneladas à 310 toneladas. Ce gros progrès est un facteur important — non seulement, parce que les exportations caditaines sont des exportations de prix et de poids —, mais parce que Cádiz nous est apparue, avec quelques bonnes vraisemblances, assez habile à s’engager, sur une assez vaste échelle, au cours de ces années70, seulement, quand les circonstances lui paraissaient particulièrement avantageuses.

  • 71 Cf. ci-dessus, p. 1077-1079.

89La série des navires marchands de Séville est, par contre, en très nette régression, en régression plus sensible que sur les globaux, soit une hyper sensibilité de l’axe dominant à un accident qui est à peine visible sur le mouvement global des départs du complexe. Les départs passent, sur cet axe essentiel, de 1599 à 1600, de 58 à 50 navires, de 13 825 à 10 960 toneladas (soit un repli de 13,8 % sur le mouvement unitaire, de 20,7 % en tonnage). Dans le même temps71, les reculs sur le mouvement global sont seulement, respectivement, de 4,4 % (au lieu de 13,8 %), de 4,9 % (au lieu de 20,7 %). Le tonnage unitaire moyen recule plus encore, il passait de 212,4 toneladas à 211,2 toneladas sur les départs globaux ; il y a repli de 238,3 toneladas à 219,2 toneladas sur la seule série des navires marchands de Séville.

90Tout cela aboutit, finalement, à mesurer, chiffres en mains, les malheurs de la flotte de Pedro de Escobar Melgarejo. Ce recul est dû à l’infériorité de ce convoi par rapport au précédent, parti onze mois plus tôt seulement, dans des conditions analogues, en direction de la Nouvelle Espagne.

  • 72 S’il y a maintien, à peu de choses près, des volumes, tout compte fait, au départ, il n'en va pas (...)

91Même un repli de l’ordre de 20 % n’est pas excessif, dans de telles circonstances. La série des négriers aura fait face, victorieusement, et combler une partie du manque à transporter. Si l’on compare, en outre, entre 1599 et 1600, l’ensemble des groupes moteurs, navires-marchands de Séville et Cádiz, Cddiz masque, en partie, le recul de Séville. De 65 à 60 navires, de 15 725 à 14 060 toneladas, les décrochements respectifs sont plus que de 7,7 % et 10,6 %72. Cette différence est, à peine, de plus de mille cinquante toneladas, la marge de croissance négrière a pu l’atténuer encore.

  • 73 Une lacune du mouvement valeur (cf. t. VI1, table 226, p. 471), ne permet malheureusement pas de s (...)

92Étant donné toute la série d’oppositions auxquelles le négoce a eu à faire face au cours des premiers mois de l’année 1600, date de la mise sur pied de la flotte Escobar Melgarejo, il faut bien conclure à un succès relatif, au maintien, voire à l’accroissement d’une forte propension à entreprendre73.

2. Les prix

  • 74 Cf. ci-dessus, p. 1068-1069.
  • 75 Cf. t. VI1, tables 163-164, p. 362-363.
  • 76 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 193-200.

93Il est difficile de ne pas en chercher sinon toute la cause, du moins, quelque explication, dans le comportement des prix. Il aura été un facteur de cet optimisme, du tonus élevé, malgré tout, des affaires. Il n’est pas besoin de rappeler à quel moment74 on se trouve dans la grande poussée conjoncturelle et tendancielle des prix. Pour l’ensemble de l’espace espagnol, 1600 est dépassé par 1601 (indice 137,23 contre 134,92, pour 1599 et 143,55 pour 1601)75. Sur les prix andalous76, la série motrice, par contre, le principal décrochement, par rapport à la base 1571-1580 se place entre 1599 et 1600 (de l’indice 133,13 en 1599, on passe à l’indice 141,15 en 1600).

  • 77 Ibid., p. 391.
  • 78 Ibid., p. 198.
  • 79 Cf. ci-dessus, p. 1038-1052.

94Or — c’est là le fait capital —, cette poussée des prix, sur la série andalouse, n’est pas due à un phénomène météorologique, à une mauvaise ou à une série de mauvaises récoltes, autant, du moins, qu’on en puisse juger. 1598, en effet, correspond à une année de pénurie de grains en Andalousie77. De 136,7 en 1596, l’indice des grains andalous est passé à 228,2 en 1598, soit un presque doublement en deux ans, alors que, dans le même temps, l’indice général des prix andalous passait de 123,70 à 130,0278. 1598, l’année du creux, du marasme conjoncturel du trafic, au milieu du cycle, à l’articulation médiane de la fluctuation cyclique, correspondait donc, entre autres, à une disette de céréales en Andalousie : une cause de difficultés supplémentaires, sans conteste. Le creux du trafic de 159879 était, donc placé, entre autres facteurs, sous le signe d’un plateau de prix stagnants qui se prolongera dix ans durant, mais aussi sous le signe d’une cherté des céréales, localisée en Andalousie. Difficulté supplémentaire qui sera venu s’ajouter à plusieurs autres.

  • 80 Cf. ci-dessus, p. 916-918, 959-961.

95La position de 1600 est toute différente et certainement beaucoup plus tonique, l’indice général des prix andalous est très élevé et en pleine accélération, puisqu’il passe de 1599 à 1600, de l’indice 133,13 à l’indice 141,15, tandis que le prix des grains est, au contraire, en pleine décrue. De l’indice 228,2 en 1598, on passe à 194,4 en 1599, 126,2 en 1600, 115,55 en 1601 et 95,79 en 1602. L’indice 126,2 peut être considéré, au cours de cette période, comme une position optimale, à mi-chemin de la pénurie et de ses entraves, d’une part, des prix non rémunérateurs d’autre part (ceux de 1602, par exemple). Mais ne sommes-nous pas, selon nos hypothèses, à l’époque des exportations maximales d’argent d’Amérique en direction de l’Europe par le canal de la Péninsule ibérique80 ?

96C’est pourquoi, contrairement à certaines apparences, l’année 1600 sur le trafic a bien sa place à mi-chemin entre 1599 et 1601, en pleine phase d’expansion.

III. — 1601. AU SOMMET DE LA CONJONCTURE DES PRIX ET DES TRAFICS

  • 81 Cf. ci-dessous, p. 1094-1098.

97Si on fait abstraction du trafic Retours qui donne en 1601 une note quelque peu discordante et, au demeurant, facilement explicable par une série de circonstances, en partie, fortuites81, la position de l’année ne peut manquer d’attirer l’attention.

  • 82 E. J. Hamilton, op. cit., p. 403 et t. VII, p. 52-53, 54-55.
  • 83 À l’exception, toutefois, de 1629, mais il s’agit, alors, en partie, d’une illusion sans lendemain (...)

98Elle se trouve, en effet, au point culminant, d’une part, de la révolution des prix en Espagne, des prix-métal, des prix-argent, du moins, puisque l’indice 143,5582 ne sera jamais ni dépassé ni même égalé, en un siècle et demi d’histoire83.

  • 84 Cf. ci-dessus, p. 851-919.

99Elle se trouve à l’un des points culminants, aussi, du mouvement Allers, à cette pointe qui ne sera guère dépassée qu’une fois, 1601 se trouve située, donc, comme à une espèce de répétition générale, de pré-retournement de la tendance. Ne sommes-nous pas au cœur même de la période que nous avons délimitée de 1592 à 1622, au cœur d’une période qui constitue, on l’a vu84, un large plateau dans le temps, une zone de confluence et d’hésitations ?

DÉFINITIONS CHIFFRÉES

100Premier point culminant du trafic, 1601 nous introduit à l’entrée de la chaîne des plus hauts sommets. Comme toujours, on partira des définitions chiffrées. On peut les accepter, d’autant plus commodément, qu’elles risquent, moins, cette année, d’induire en illusion.

1. Allers

1011601 forme bien, sans conteste possible, le point culminant de la fluctuation cyclique. Sa position même — 140 navires, 32 032 toneladas (35 235,2 tonneaux) — confère au cycle une unité, permettant de fondre en un seul mouvement les deux fluctuations, à certains égards, très indépendantes de 1593-1597 et 1600-1604 ou 1598-1604. Si le mouvement unitaire, en raison de la présence officielle des Canariens dans la première moitié du cycle et leur exclusion dans la seconde moitié, est dépassé trois fois, il est vrai, de très peu en 1593, 1594 et 1596, les 32 032 toneladas (35 2352 tonneaux) de 1601 installent solidement l’année en position dominante, sur toute la fluctuation cyclique. Le volume des départs de 1601 l’emporte, en effet, de 10 % au moins sur les points hauts précédents de la première fluctuation du cycle.

  • 85 Étant exclu le décrochement de 1595 à 1596, dont on a vu le caractère très fictif (cf. ci-dessus, (...)
  • 86 233,5 toneladas de 1600 à 1604, contre 181,82 toneladas et 182,62 de 1593 à 1597 et de 1598 à 1599 (...)

102Par rapport à 1600, naturellement, la séparation est nette. De 108 à 140 navires, de 22 810 toneladas (25 091 tonneaux) à 32 032 toneladas (35 235,2 tonneaux), le saut en avant est considérable, 29,6 % sur le mouvement unitaire, 40,5 % sur le mouvement en tonnage. Le décrochement est le plus important depuis celui observé, à l’entrée du cycle, entre 1592 et 159385. Il s’accompagne d’un progrès qualitatif, puisque le tonnage unitaire moyen, auquel on attribue, tout au long de cette période, une signification particulière, suit, lui aussi, un mouvement ascendant : de 212,4 toneladas en 1599, de 211,2 toneladas en 1600, le tonnage unitaire moyen des Allers passe brusquement à 228,8 toneladas en 1601. Il se rapproche, ainsi, insensiblement du niveau moyen de la dernière fluctuation primaire86.

  • 87 109 navires et 19 906 toneladas.
  • 88 108,6 navires et 21 540,6 toneladas.

103Cette dénivellation — le fait est plus significatif, peut-être, encore — n'oppose pas seulement les niveaux de deux années, 1600 et 1601, mais bien les niveaux d’un groupe d’années, 1598-1599-1600, à celui transcendant de 1601. Un peu moindre, si on prenait 1599 comme terme de référence, le décrochement serait plus sensible, encore, par contre, si on choisissait 1598. Mais il prend toute sa valeur si on ajoute 1601 aux niveaux moyens d’un creux, soit 1598-159987, soit 1598-160088. En tonnage, c’est ce qui compte le plus, le décrochement, qui oppose 1601 au niveau bas qui le précède, est de l’ordre de 62 % ou 49 %. Cette constatation confère toute sa valeur au brusque redressement du mouvement, entre 1600 et 1601, puisque le niveau se détache clairement après une longue période en contrebas, en contrebas de plus d’un tiers, par rapport au niveau exceptionnel de 1602.

  • 89 Cf. t. VI1, tables 163-164, p. 362-363.

104Cette situation est confirmée par la série des positions relatives à la moyenne89. 1601, avec 141,04 %, le plus fort écart cyclique positif du mouvement Allers, de 1592 à 1604, vient, par l’importance intrinsèque, en neuvième position pour l’ensemble d’un siècle et demi d’histoire envisagé. Cet écart de 141,04 % détache naturellement, très clairement, 1601 des 94,78 % de 1600, et des 75,67 %, 98,45 % et 94,78 % de 1598 à 1600.

105La position exceptionnelle de 1601, en Allers, se définit parfaitement par la leçon concordante de ces quelques chiffres.

2. Retours

106Le mouvement des Retours, par contre, donne dans toute cette affaire, une note un peu discordante.

107On s’en aperçoit à la simple vue du rapport du mouvement Retours à la masse globale, 23,13 %. Le rapport est inférieur à la normale, il est de 43 %, rappelons-le, pour l’ensemble du siècle et demi d’histoire envisagé, de 38,83 % pour le cycle 1593-1604 (33,85 % de 1593 à 1597, 44,4 % de 1598 à 1599, 42 % de 1600 à 1604).

  • 90 Où le rapport des Retours aux Allers et retours est, respectivement, alors de 7,57 % en 1594 et de (...)
  • 91 Où le rapport des Retours aux Allers et retours est de 7,50 %, seulement (cf. ci-dessous, p. 1146  (...)
  • 92 25,12 %, rapport des Retours à l’ensemble du mouvement, cf. ci-dessus, p. 1054.
  • 93 Respectivement cf. t. VI1, table 159, p. 356, 56,09 % et 53,58 %.

108La comparaison de ces quelques chiffres suffit à prouver l’anomalie négative des Retours, non pas comparable à celles de 1594, 159790 ou encore de 160491, mais du même ordre de grandeur que celle de 159992. Cette anomalie secondaire est corrigée par les rapports très élevés des années encadrantes, 1600 et 160293. On devine, ainsi, l’esquisse d’un mouvement de compensation.

  • 94 Cf. t. VI1, tables 163-164, p. 362-363.

1091601 — tout ce qui précède le laisse à penser — se situe très en contrebas par rapport aux années encadrantes de 1600 à 1602, 1600 surtout. On passe, ainsi, de 102 à 40 navires, de 27 977 toneladas à 9 640 toneladas, soit une contraction de 60,8 % sur le mouvement unitaire, de 64,7 % en tonnage. Sur les pourcentages relatifs à la moyenne94, on passera de 176,27 %, l’écart presque record de la fluctuation, en 1600, à 57,19 % en 1601, pour remonter, ensuite, à 154,81 %.

110La rétraction du volume global des Retours, conformément à une évolution souvent notée, s’est accompagnée d’une rétraction analogue du tonnage unitaire du mouvement : 235,9 toneladas en 1598, 287,5 toneladas en 1599, 274,3 toneladas en 1600, 261 toneladas en 1601. On sera frappé de l’exacte concordance entre ce chiffre et celui de la moyenne de la fluctuation primaire 1600-1604, 260,7 toneladas.

111Qu’est-ce à dire ?

112Il ne paraît pas — on est un peu gêné par la lacune persistante de la correspondance de la Casa de la Contratación — qu’il faille donner à cette défaillance une importance exceptionnelle. Elle est importante, certes, sans toutefois aboutir à un laminage complet comme lors des années 1590 ou 1592, par exemple, ou 1604, bientôt.

  • 95 Cf. t. IV, p. 130-131, 132-133.

113Il ne manque pas grand chose, a priori, pour faire de 1601 une année de Retours corrects. Un nombre presque normal de sueltos et d’avisos95 ; 13 bateaux, 1 550 toneladas, une flotte (27 bateaux, 8 090 toneladas), il s’agit de la flotte de Nouvelle Espagne de Pedro de Escobar Melgarejo qui était partie du Guadalquivir l’année précédente, dans la deuxième quinzaine de mai.

  • 96 Cf. t. VI2, table 610, p. 870.
  • 97 Cf. t. IV, p. 130 et p. 132, note 3.
  • 98 D’après les proportions moyennes des trésors publics à l’ensemble, d’après E. J. Hamilton, 1501-16 (...)
  • 99 Cf. t. IV, p. 149 et 150, note 3.
  • 100 Cf. ci-dessous, p. 1110-1123.

114Pour expliquer ce demi hiatus, on pourrait invoquer un reliquat de course, auquel ferait penser, malgré le silence de la correspondance de la Casa de la Contratación défaillante, une proportion non négligeable de pertes96. Mais cette hypothèse — reliquat de course ou paralysie d’ordre psychologique — est renforcée par la décision prise à la Havane97 : la flotte apporte les trésors les plus pressés, ceux du Roi, toujours à court d’argent, au maximum, le tiers du total98. Le Roi prend des risques, car il y a, pour lui, spéciale urgence. Peut-être, aussi, veut-il donner l’exemple et entraîner une confiance hésitante ? Simple hypothèse. Les marchands toutefois, ne le suivent pas. Ils laissent, selon un usage qui finira, de plus en plus, par prévaloir, l’argent à la Havane, abandonnent à l'Armada de la Guardia venant de Terre Ferme, en l’occurrence, l’Armada de Don Luis Faxardo qui rentrera99, selon toute vraisemblance, dans la première moitié de l’année suivante, le soin d’apporter les deux autres tiers des trésors de l’année. On devine tout de suite quel sera l’effet100 d’un semblable retard sur le rythme des affaires en 1602. Si les marchands ont disposé, grâce aux retours de 1600, de grosses possibilités pour leurs exportations de 1601, il n’en ira pas de même en 1602, par suite de la défaillance de la marchandise conjoncturelle clef, l’argent des particuliers.

115Cette demi-défaillance des Retours de 1601 peut s’expliquer par la rencontre de toute une série de circonstances.

  • 101 Cf. ci-dessus, p. 1087-1088 ; 1090.
  • 102 Cf. t. IV, p. 92.
  • 103 Le niveau en eût été de 52,54 navires, 12 700 à 13 000 toneladas. La moyenne de : Retours de la fl (...)
  • 104 Cf. t. VI1, tables 163-164, p. 362-363.

116La première et la plus évidente : le massacre au large de la côte de la Vera Cruz, on s’en souvient101, de la flotte de Pedro de Escobar Melgarejo102. Cet accident — il a des chances, on l’a vu, de n’être pas fortuit, provenant d’un complexe de difficultés, d’un forçage des conditions optimales de navigation et d’utilisation du matériel — frustre les Retours de 1601 d’une bonne douzaine de navires et de 3 000 toneladas environ. L’adjonction des navires coulés, demi-accidentellement, au large des côtes de la Nouvelle Espagne, l’année précédente, réduirait de moitié, environ, l’écart des Retours de 1601 à la moyenne103. Au lieu du pourcentage de 57,19 % par rapport à moyenne104, l’écart eût été, par cette simple adjonction, réduit de près de moitié et le niveau vrai aurait atteint 75 % de la moyenne mobile médiane Cette simple considération rend bien compte de l’importance de ce facteur C’est donc, un écart simple de 25 % à la moyenne, qui reste à expliquer.

  • 105 Cf. ci-dessus, p. 1077.

117Il est fatal que le léger tassement des Allers de 1600, par rapport au niveau précédent de 1599105 se répercute sur les Retours de 1601, puisque on retrouve essentiellement et, en pratique, exclusivement, les Allers de l'année précédente, entendez la flotte de Pedro de Escobar Melgarejo.

  • 106 Cf. t. IV, p. 102 à 111.
  • 107 Cf. ci-dessus, p. 1081-1085.

1181601 est, en outre, affectée par le comportement des Retours de 1600. On aura assisté, en effet, au cours de cette année, du fait de la pression, peut-être causée par la poussée conjoncturelle qui s’exerce, en Allers, en 1600, à une véritable accélération du rythme des Retours106. On a vu, en effet, à que point avait été vive en 1600, dans le Guadalquivir, la propension à commerces combien les perspectives du négoce avec l’Amérique étaient apparues sou riantes, combien, par contre, les possibilités physiques de le réaliser avaient été décevantes107. Il n’est pas impossible que la connaissance de cette situation —, les nouvelles se propagent vite, à travers l’océan, par les négriers les sueltos, les avisos —, ait contribué à réduire, au minimum, les délais de séjours aux Indes des navires partis en 1599 et en 1600.

  • 108 Cf. t. IV, p. 102-111.
  • 109 Cf. t. IV, p. 108-109.
  • 110 Cf. ci-dessus, p. 1080 et note 2.
  • 111 On aurait un peu plus de 18 000 tonneaux, face à la moyenne mobile médiane de treize ans, de 18 54 (...)

119Une analyse des Retours de 1600108 montre qu’ils ramassent, non seulement, comme il est normal, la totalité des Allers de 1599, mais encore un partie des Allers déjà défectueux de 1600, en l’occurrence, la masse considérable de l'Armada de Marcos de Aramburu109 (8 navires, 3 830 toneladas) Avec ce nouveau déplacement — il suffit d’ajouter, en pensée, ces 8 navires e ces 3 830 toneladas au niveau, précédemment, pondéré110 —, on arrive à une hypothèse d’un peu plus de 18 000 tonneaux. L’anomalie, à ce prix, a totalement disparu111.

  • 112 Alors que le rythme le plus courant est pratiquement d’une année pleine.
  • 113 Cf. t. IV, p. 130 et p. 132, note 3.
  • 114 Cf. t. IV, p. 112 et 144.

120L’accélération des Retours qui s’exprime par le cycle rapide du périple de l’Armada de Marcos de Aramburu, partie au début de l’année 1600, rentrée à l'automne112, aura eu d’autres conséquences. Dans l’immédiat, notamment, en 1601, le mouvement aura pu bénéficier de cette avance à l’allumage qui, par contre, lui, aura nui sûrement, l’année suivante. Cette hâte est responsable, en particulier, de l’insuffisante protection dont les Retours de 1601 ont bénéficié. L'armada y flota de Pedro de Escobar Melgarejo aurait pu revenir de conserve avec l'Armada113. Mais les négociants responsables voyageant avec leurs cargaisons, sans doute, pour manifester leur déception et parce qu’ils estimaient la protection de leurs trésors insuffisamment assurée, auront, malgré la décision prise concernant les trésors du Roi par les officiers, exigé que l’argent des particuliers séjourne à la Havane. Ceci est tellement vrai que l'Armada de Don Luis Faxardo partie en 1601 ne reviendra qu’en 1602114.

121Il est difficile de retrouver toutes les raisons qui ont provoqué le rapide retour de l'Armada de Marcos de Aramburu mais on sait, sans peine, quelles en furent les conséquences. Elles sont loin d’être uniformément bénéfiques. Ce retour prématuré aura accentué encore le hiatus du mouvement Retours, contribuant à une allure saccadée qui n’est pas nécessairement heureuse. Ce retour précoce aura, aussi, retardé, finalement, le réinvestissement, dans l’entreprise du négoce, des bénéfices des exportations de 1599. Or, 1599 avait été une bonne année, dont on pouvait attendre de gros bénéfices. Le réinvestissement des bénéfices de 1599 ne sera pas possible avant 1603, au lieu de 1601 qui aurait pu, avec un rythme plus rapide, en bénéficier. En contribuant au décrochement 1601-1602, — on sait que les accidents de cet ordre ont tendance à se propager suivant les lignes d’un mouvement uniformément accéléré — ce retard a, peut-être, joué un rôle capital dans l’édification d’un complexe dépressif.

  • 115 Cf. ci-dessous, p. 1111-1113.
  • 116 Cf. t. IV, p. 112 et 144.

122Le caractère accidentel, — mais l’accidentel peut être appelé, on l’a vu bien souvent, à se répercuter, à se muer en vague de fond quand il rencontre des circonstances favorables à la propagation de l’onde de perturbation engendrée par ce qui n’est, d’abord qu’accident — le caractère accidentel du creux de 1601 n’est pas douteux. Il est souligné, encore, par la pointe115 des Retours de 1602. Dans la mesure où l'Armada de Don Luis Faxardo116 revient à sa place et ne suit pas le mouvement accéléré de l'Armada de Marcos de Aramburu, le hiatus de 1601 devait se dessiner. Le retour rapide de Marcos de Aramburu aurait nécessité, normalement, le maintien du même rythme accéléré pour l'armada suivante. Or semblable conjoncture était difficilement réalisable, en raison du caractère exceptionnel du retour rapide de Marcos de Aramburu qui exigeait un concours particulier de circonstances. En raison, peut-être, aussi, d’une attirance moindre exercée par le Guadalquivir. Les gros départs de 1601 rendent la perspective d’un départ aux Indes vraisemblablement moins attrayante, il n’y a donc plus tout à fait les mêmes raisons, peut-être, sous cet angle, en 1601, de presser le rythme du mouvement qu’en 1600.

123Le fléchissement des Retours en 1601 résulte de toutes ces raisons et de quelques autres.

3. Allers et retours

  • 117 Cf. t. VI1, table 159, p. 356.

124La position des Allers et retours est, naturellement, très influencée par cette situation quelque peu artificielle des Retours. De même que les chiffres du mouvement volumétrique en 1600 tendaient à laisser croire à une poussée conjoncturelle supérieure, encore, à la réalité, ceux de 1601 pourraient induire en erreur, de sens inverse. Il est vrai que, d’une année sur l’autre117, la part des Retours dans le mouvement global est tombée, — est-il besoin de le rappeler, de 55,09 % à 23,13 %.

125Quoi qu’il en soit, quelle que soit la signification qu’on puisse attribuer à un tel signe, l’activité globale du complexe portuaire — si on additionne Retours plus Allers — a, de ce fait, diminué de 1600 à 1601. De 210 à 180 navires, de 50 787 toneladas (55 865,7 tonneaux) à 41 672 toneladas (45 839,2 tonneaux), le recul est sensible. De 14,52 % sur l’expression unitaire du mouvement, de 21,9 % pour le tonnage. Avec, fait symptomatique, une légère décrue du tonnage unitaire qui passe de 241,8 toneladas à 231,5 toneladas.

  • 118 Soit face à 180 navires, 41 672 toneladas et 45 839,2 tonneaux, des moyennes de 158,4 unités et 39 (...)

126Le repli est sensible, le niveau de 1601, toutefois, reste supérieur au niveau moyen, tant du cycle que de n’importe quelle fluctuation interne118, de même qu’il est un peu supérieur au trend, soit à 104,53 % de ce dernier (au lieu de 141,04 % pour les Allers). Il n’en dessine pas moins, un léger creux entre 1600 et 1602. Le mouvement global Allers et retours aligne en 1602 30 navires et 9 115 toneladas de moins qu’en 1600, 7 navires et 5 675 toneladas de moins qu’en 1602. Le tonnage unitaire moyen de 1601 reste un peu inférieur au tonnage unitaire moyen de la fluctuation, 231,5 toneladas, au lieu de 244,3 toneladas, moyenne unitaire de la période 1600-1604.

127Il n’en reste pas moins, pourtant, que tout bien pesé et soupesé, 1601 constitue le point d’expansion cyclique maximale de la période.

POSITIONS RÉELLES

128Fixer la véritable signification du trafic en 1601 consiste essentiellement à se livrer à une analyse attentive du mouvement Allers. Le caractère exceptionnellement heureux de la conjoncture de 1601 tient, certes, aux niveaux très élevés du mouvement mais plus, peut-être, encore, dans cette caractéristique du mouvement Allers, une année à deux flottes régulières.

1. Les deux flottes

  • 119 Cf. t. I, p. 16.
  • 120 Cf. t. I, p. 18.

129Flotte de Terre Ferme, Flotte de Nouvelle-Espagne, l’ossature, au dire de la loi des Indes et de toute la littérature qui en dérive depuis le fidèle et justement classique Veitia Linaje119, jusqu’aux meilleurs ouvrages120 qui, après lui, derrière lui, ont emboîté le pas à la Recopilación, deux flottes, le schéma invariable du trafic sur un siècle.

  • 121 Cf. t. IV, p. 154-155 et cf. ci-dessous, p. 1133-1136.
  • 122 Cf. t. VI1, tables 131 et 132, p. 329-330. Les niveaux de 1594, 1601 et 1608, respectivement de 29 (...)

130Flotte de Terre Ferme, flotte de Nouvelle Espagne, vœu pieux, dirons-nous. Même aux meilleurs époques, au cours des années 1560, 1570, 1580 du xvie siècle, où la règle fut le moins mal appliquée. A fortiori, à la fin du xvie siècle, ou au xviie siècle. C’est la première fois, depuis 1594, soit depuis sept années pleines, que deux flottes partent du complexe portuaire. Cette conjonction — on exceptera la solution bâtarde de 1603121 qui a consisté en une toute petite flotte, de 16 navires, renforçant en direction de la Terre Ferme, l’Armada de la Guardia —, ne se reproduira plus avant sept nouvelles années pleines, soit en 1608, à l’apogée du mouvement. Dans ces conditions, la rencontre des deux armadas y flotas au départ dans le Guadalquivir, renforcées, encore, en l’occurrence, d’un certain nombre de petites armadas et de navires isolés, est bien un fait exceptionnel. Il suffit, pour s’en convaincre, de noter la position des années 1594, 1601 et 1608 sur le mouvement Allers. La conjonction des deux flottes aura été responsable des trois années records du mouvement Allers, en toneladas122, dans ce laps de temps. On peut donc déduire de cette constatation cette presque loi. Aussi bien à la fin du xvie qu’au début du xviie siècle, la mise en place et l’appareillage effectif des deux flottes marchandes supposent une conjonction rarement réalisée : elle ne Test qu’en période, entre autres conditions nécessaires, d’extrême poussée conjoncturelle et donnent lieu aux nœuds records du mouvement déjà observés. On peut donc tirer argument de cette conjonction pour parler de pression conjoncturelle record. L’argument est d’autant plus précieux que la correspondance de la Casa de la Contratación fait défaut en 1601, comme au cours de toutes ces années. Heureusement, les chiffres sont là, on peut, en outre, extrapoler sur 1601 des certitudes que les documents ont permis d’acquérir pour d’autres époques.

  • 123 Cf. t. IV, p. 112 à 121.

131Les départs de 1601123 comprennent, en outre, d’autres richesses : il y a, tout d’abord, une robuste Armada de la Guardia, sous le commandement de Don Luis Faxardo. Tout aussi bien, sa date de départ, non connue d’une manière précise mais supposée précoce, son volume considérable, le calme militaire relatif de l’année... inclinent à penser que la fonction commerciale de l’Armada a été importante.

  • 124 Cf. t. IV, p. 112.
  • 125 Cf. t. IV, p. 116.

132La flotte de Don Francisco del Corral y Toledo, partant tardivement le 29 juin124, vient ensuite. Fortement charpentée, elle se rend en Terre Ferme. Deux mois et demi, à peine, plus tard, c’est le tour d’un second convoi comparable de Juan Gutierrez de Garibay en direction de la Nouvelle Espagne, le 16 septembre125.

  • 126 Cf. t. IV, p. 118-119.
  • 127 Cf. t. IV, p. 124 à 127, note 82 et t. VIII1, p. 484485, note 3.

133Mais ce tableau, pourtant, exceptionnellement chargé, le plus chargé, au vrai, depuis 1594, n’épuise pas l’effort de 1601. Outre un nombre considérable de sueltos, avisos et négriers on notera l'Armada exceptionnelle de Marcos de Aramburu126. Certes, elle n’est pas appelée à revenir, du moins, de si tôt et ses fonctions seront, surtout, militaires. Il s’agit, en réalité, d’une des premières tentatives sérieuses, pour installer, dans la Méditerranée américaine, une escadre protectrice de bataille, sous le nom d'Armada de Barlovent127.

  • 128 Peut-être pas totalement, quand même, en raison des bonnes habitudes que nous con naissons aux gen (...)
  • 129 Cf. ci-dessus, p. 1079.
  • 130 Cf. ci-dessous, p. 1110-1111.

134Pour le moment, elle ne doit être retenue que sous deux aspects : sa masse (8 navires, 2 640 toneladas), peut, en très grande partie, être soustraite du volume économique utile des départs128. Mais si elle compte peu, économiquement, elle est à verser, quand même, à l’actif de l’effort que la Carrera aura dû fournir cette année. Or, cet effort, précisément, parce qu’il a lieu à la fin d’une année très lourde, est un signe valable de santé et d’aisance. La poussée conjoncturelle, si forte fût-elle, n’était donc pas allée jusqu’au terme des possibilités techniques, physiques de l’armement, des hommes et du matériel de l’Atlantique de Séville. Sans doute, 1601 a-t-il bénéficié de l’énorme coup d’épaule du nœud des Retours de 1600, dont les mécanismes ont été démontés, ailleurs129. Toutefois, — il faudra s’en souvenir, plus tard130, en présence du ralentissement des Allers en 1602 —, l’aisance, avec laquelle l’échéance exceptionnelle de l’Armada de Barlovento a été honorée, ne permet guère d’imputer le ralentissement de 1602 à d’autres causes qu’à des causes proprement inhérentes à la mécanique même du négoce.

2. Terre Ferme et Nouvelle Espagne

  • 131 Cf. t. VI1, table 166, p. 365.

135Il est intéressant de démêler dans quelle proportion les deux axes fondamentaux du trafic ont contribué à cette prospérité de l’année 1601. A priori à s’en tenir à la répartition la plus sommaire entre directions fondamentales131, on pourrait penser que la Terre Ferme a joué un rôle de premier plan : au total, 68 navires lui sont destinés, représentant 19 432 toneladas contre 47 unités et 12 160 toneladas pour l’autre direction fondamentale.

  • 132 Cf. t. IV, p. 112 à 121.
  • 133 Cf. ci-dessous, p. 1104-1105.

136Mais les éléments qui composent ces différents corps du trafic132, d’une part, les conditions dans lesquelles ils sont constitués, d’autre part, leur confèrent, a priori, une signification inégale. Le trafic de Terre Ferme, par exemple, est composé pour plus de moitié, 21 navires, 9 802 toneladas, par des négriers, avisos, sueltos et, pour l’essentiel, par des navires d'armada d’intérêt économique très inégal133, le trafic de la Nouvelle Espagne, par contre, appartient dans son intégralité, à la catégorie la plus noble, celle des navires marchands naviguant en convoi.

137Une excellente approche, sera, par conséquent, fournie, si rejetant le tout venant, on se limite aux seules flottes : de toute manière, et en 1601, plus que jamais, cheville ouvrière du mouvement.

  • 134 Cf. t. IV, p. 50 sq.
  • 135 Ibid., p. 76 sq.
  • 136 Ibid., p. 92 et ci-dessus. p. 1087-1083.
  • 137 Cf. t. IV, p. 112.

138On ne pourra qu’être frappé, une fois de plus, de l’inégalité de traitement des deux axes fondamentaux du mouvement. Il n’y a pas eu de flotte de Terre-Ferme, ni en 1599, ni en 1600, depuis l'armada y flota de Sancho Pardo Osorio134, sortie de San Lúcar, le 27 octobre et de Cádiz, le 29 novembre 1598. Il était normal qu’on eût préféré, au départ, en 1599, la Nouvelle Espagne à la Terre Ferme, pour sacrifier à une alternance logique (et c’est ainsi que la flotte de Juan Gutierrez de Garibay partait pour la Nouvelle Espagne, le 11 juin.1599135. Il n’était plus normal, par contre, que l’unique flotte de 1600 gagnât encore la Nouvelle Espagne et non pas la Terre Ferme136. On s’en est expliqué. On ne peut considérer que la flotte de Don Francisco del Corral y Toledo137 ait véritablement rompu avec cette désaffection lourde de sens.

  • 138 Ibid., p. 92.
  • 139 Ibid., p. 104.
  • 140 Ibid., p. 112.

139En effet, la flotte de Nouvelle Espagne de Pedro de Escobar Melgarejo138 partait pour la Nouvelle Espagne dans la deuxième moitié de mai, très vraisemblablement. Et c’est le 13 mai de la même année, en 1600, que la flotte de Terre Ferme de Sancho Pardo Osorio regagnait ses bases dans le Guadalquivir139. C’est entre la fin mars et le début d’avril 1601140 que, selon toute vraisemblance, la flotte de Don Francisco del Corral y Toledo a quitté le Guadalquivir pour la Terre Ferme. Soit, onze mois depuis le départ de la précédente armada y flota (celle de Pedro de Escobar Melgarejo), soit onze mois pleins, ce laps de temps est plus important encore, après le retour du précédent convoi de Terre Ferme, la flotte de Sancho Pardo Osorio.

140Le fait essentiel est là : il a fallu onze mois après le retour de la flotte de Sancho Pardo Osorio, d’une flotte dont le rythme de rotation n’avait pas été particulièrement rapide, pour que le convoi de Francisco del Corral y Toledo prît la mer et cela, deux ans et quatre à cinq mois, après le précédent départ d’une flotte régulière en direction de la Terre Ferme. Il suffit de mettre cette situation en parallèle avec celle qui prévaut sur la ligne de la Nouvelle Espagne. Pedro de Escobar Melgarejo part onze mois après Juan Gutierrez de Garibay, dans la deuxième quinzaine de mai 1600, dans la même direction exactement que Garibay parti après le 11 juin 1599, pour la Nouvelle Espagne. Le départ de Melgarejo s’effectue donc, c’est le fait capital, alors que la flotte de Garibay n’a pas encore fini son périple. La flotte de Garibay ne rentre pas au bercail, en effet, avant le 15 octobre 1600. Il est vrai qu’il y a, facteur de différenciation, les Armadas de la Guardia. Elles ne peuvent, toutefois, ni par leur masse, quand même, limitée, ni par le fait de leur fonction militaire, compenser, à l’Aller, le manque à gagner, sur le volume disponible pour l’exportation, de la Terre Ferme par rapport à la Nouvelle Espagne.

141Autre sujet de surprise, le volume respectif des deux convois. On pourrait s’attendre, après un pareil jeûne de la Terre Ferme, à rencontrer une flotte de Terre Ferme d’un volume exceptionnel. Il n’en est rien.

142Bien sûr, elle mobilise un grand nombre de petits navires, 49 navires dans la flotte de Francisco del Corral y Toledo, représentant, au total, 9 850 toneladas. Sur ces 49 navires, 47 sont effectivement destinés à la Terre Ferme, soit 9 630 toneladas.

143Face à ces chiffres, la flotte de Nouvelle Espagne, commandée par Juan Gutierrez de Garibay ne groupe que 35 navires, mais 10 595 toneladas. Sur ces 35 navires et 10 595 toneladas, 33 unités et 10 460 toneladas sont effectivement destinés à la Nouvelle-Espagne. On a, ainsi, 47 navires et 9 630 toneladas d’une part, 35 navires et 10 595 toneladas, d’autre part, la distorsion, pour le moins que l’on puisse dire, est importante. Elle ne penche pas dans le sens, où, étant donné ce qui précède, on pouvait s’attendre à la voir jouer, c’est-à-dire, en direction d’une Nouvelle Espagne qui vient d’être abondamment approvisionnée et non de la Terre Ferme, longtemps négligée. Le handicap de la Terre-Ferme n’est pas seulement qualitatif : 205 toneladas pour le tonnage moyen de la flotte de Terre Ferme, contre 317 toneladas, tonnage moyen de la flotte de Nouvelle Espagne.

  • 141 Ibid., p. 112 sq.
  • 142 Ibid., p. 92-93 sq et cf. ci-dessus, p. 1087,1088, 1089.
  • 143 Cf. t. IV, p. 116 sq.
  • 144 Ibid., p. 114-115, navires nos 39 à 45.
  • 145 Pour éclairer et faciliter l’approche de côtes difficiles.
  • 146 Ibid., p. 112-113, navire no 5.
  • 147 Ibid., navire no 7.
  • 148 Ibid., p. 114-115, navires n 08 15 et 19.
  • 149 Ibid., navire no 16.
  • 150 Ibid., navire no 22.

144De plus, le matériel de la flotte de Terre Ferme de Don Francisco del Corral y Toledo141, sans être tout à fait aussi hétérogène que le matériel de la flotte de Nouvelle Espagne de 1600 commandée par Pedro de Escobar Melgarejo142, contraste avec celui du convoi de Nouvelle Espagne de Juan Gutierrez de Garibay143. La flotte de Francisco del Corral y Toledo a hérité de plus d’un caractère de la flotte allant en Nouvelle Espagne en 1600. N’estil pas étonnant de trouver, sur l’axe essentiel de l’isthme (la Terre Ferme), à l’exclusion des sept pataches144 dont le rôle peut, dans une certaine mesure, se justifier145, — il n’est pas exclu, pourtant, qu’elles aient joué, d’abord, surtout, le rôle de bouche-trou, malgré leur port médiocre, — quelques navires, comme ceux-ci : la nave de la Havane, Nuestra Senora del Valle146, maître Lupercio de la Cruz, de 70 toneladas, une autre nave créolle, la Nuestra Señora de la limpia concepción147, maître Hernan Garcia, de 170 toneladas, des naves portugaises de 140 et 110 toneladas148 une vieille nave de la Havane de 130 toneladas149, voire même cette assez vieille nave de San Lúcar qui ne fait que 150 toneladas150, choix symptomatique, aussi, quand on sait la mauvaise renommée des naves andalouses ?

  • 151 Ibid., p. 116-119.

145Face à cette hétérogénéité de mauvais aloi, on sera frappé de la solide homogénéité de la flotte de Nouvelle Espagne composée uniquement, cette année, de gros navires de valeur151.

  • 152 Cf. t. VI1, table 166, p. 365.

146Ces quelques éléments de comparaison prouvent la part inégale de la Terre Ferme et de la Nouvelle Espagne dans la prospérité de l’année. La Nouvelle Espagne, cette année encore et pour longtemps, contrairement à certaines apparences152, entraîne le mouvement. On est donc entré, définitivement, pour plus de vingt ans, dans la phase d’une Nouvelle Espagne dominante.

3. La Ventilation des Allers

147La Nouvelle Espagne aura donc, au cours de cette année encore, commandé le mouvement ascensionnel du trafic. On peut, du moins, malgré ces résultats sommaires, le supposer raisonnablement.

  • 153 Cf. t. VI1, table 183, p. 388.

148L’analyse de la ventilation des départs entre les différents secteurs géographiques du complexe portuaire153 le confirmera.

  • 154 Cf. ci-dessus, p. 1007-1008, 1088-1089.

149a. Négriers. — En effet, le niveau négrier, tout en demeurant élevé, est en nette régression, puisqu’il passe de 41 à 32 navires, de 5 100 à 4 140 toneladas. Il est inutile d’insister, à nouveau154 sur le caractère heureux, tant de fois souligné, de semblable fléchissement (recul en tonnage de 18,62 %, en mouvement unitaire, de 21,95 %), mais le recul est beaucoup plus important, si on passe des chiffres absolus aux positions relatives. De 22,4 % de tonnage global des départs en 1600, la proportion des négriers passe à 12,9 % seulement en 1601. Soit une réduction de l’ordre, pratiquement, de moitié. Le tonnage unitaire, pourtant, se maintient, à un niveau plus élevé que jadis, comme en 1600. 1599 : 105,4 toneladas, 1600 : 124,4 toneladas, 1601 : 129,4 toneladas.

  • 155 Cf. ci-dessus, p. 1092-1093.
  • 156 Cf. ci-dessus, p. 1032-1033.
  • 157 Cf. ci-dessus, p. 1077-1079, 1086.

150Ainsi 87,1 % du tonnage (sur une masse combien considérable, on l’a vu155 : 32 032 toneladas), peut être classé, en 1601, dans les catégories les plus efficaces — puisque en 1601, comme en 1600, en effet, et ainsi depuis 1597, les Canariens n’apparaissent pas156 —, contre 77,6 % seulement en 1600 et pour une masse bien moins importante, on a vu de combien157, 22 810 toneladas seulement.

  • 158 Cf. ci-dessus, p. 1065, 1088.

151b. Armadas. — La catégorie des armadas est en progrès. On a déjà vu que c’est un signe158 qui n’est pas, en soi, immédiatement interprétable, dans un sens ou dans un autre, en raison du caractère très divers du trafic rangé dans la catégorie armada. Le niveau des navires d'armada de 1601 est plus proche de celui de 1599 que de celui de 1600. De 7 à 19 unités, de 3 650 à 6 427 toneladas, il y a progrès, respectivement, sur le mouvement unitaire de 171,4 % et en tonnage de 76 %. Le tonnage unitaire moyen des navires et armada de 1601 est intermédiaire entre les 266,5 toneladas de 1599 et les 521.4 toneladas de 1600, soit 338,27 toneladas.

  • 159 Cf. ci-dessus, p. 1088-1089.
  • 160 Armada de la Guardia de la Carrera de las Indias, capitaine générai Marcos de Aramburu, cf. t. IV, (...)
  • 161 Cf. t. IV, p. 118-119, p. 124-127, note 82 et ci-dessus, p. 1100.
  • 162 Cf. t. IV, p. 92-93 et p. 112-113.

152Ce qui importe beaucoup plus, par contre, c’est la composition respective des mouvements d’armada de 1600 et de 1601. Alors que le mouvement d'armada de 1600159 appartient intégralement à la catégorie, économiquement, la plus lourde160, il n’en va plus tout à fait de même de la catégorie armada en 1601. On peut, en effet, pratiquement, en soustraire, les 8 unités et les 2 640 toneladas de l’Armada de Barlovent161 (non pas totalement, certes, mais il faudrait ne les retenir que pour un quart de leur tonnage, voire beaucoup moins encore). Comparer, sous l’angle de leurs significations respectives présumées dans l’économie de l’Atlantique, les Armadas de 1601 et 1600, revient à très peu de choses près à mettre face à face l'Armada de la guardia de Marcos de Aramburu et celle de Don Luis Faxardo162, soit 7 navires en 1600,11 en 1601, 3 650 toneladas en 1600 et 3 787 toneladas en 1601. En estimant que le potentiel économique des armadas s’élève dans le rapport de 3 650 à 4 000, de 1600 à 1601, on ne doit pas se trouver très éloigné de la réalité.

  • 163 Cf. t. VI1, tables 182-183, p. 384-391.

153c. Séville et Cádiz163. — Reste l’essentiel, les navires marchands de Séville et de Cádiz. Tout en restant supérieur au niveau de 1598 et 1599 (respectivement, 5 et 7 navires, 1 040 et 1 900 toneladas) le niveau des navires caditains au départ, 8 navires et 2 650 toneladas, est en léger repli par rapport à 1600, 10 navires et 3 100 toneladas (repli, en tonnage, de 14,5 %).

154Mais ce n’est pas tant cet aspect qu’il faudra retenir que le maintien des positions par rapport à 1598 et 1599. Les départs caditains s’établissent à un niveau pratiquement double du niveau du creux médian des années 1598 et 1599.

155Cádiz est, pratiquement, indissociable de Séville. Et de cet axe, on observera, de la manière la moins contestable, l’importance et l’ampleur du saut en avant, soit que l’on prenne le pouls sur le seul axe des navires marchands de Séville, soit que l’on se reporte à l’ensemble marchand Séville-Cádiz.

156Sur le seul axe sévillan, les 81 navires et les 18 815 toneladas de 1601 s’opposent aux niveaux respectifs de 1599 et 1600 (58 navires, 13 825 tonetoneladas ; 50 navires et 10 960 toneladas), soit un décrochement par rapport à 1600 de 62 % sur le mouvement unitaire, de 65 % en tonnage. Le progrès est donc plus sensible, encore, sur cet axe essentiel qu’il n’apparaît sur les globaux. Il y a, on a déjà eu l’occasion de l’observer, en expansion, hypersensibilité de l’axe dominant des « marchands de Séville » à la reprise.

157Il peut être plus avisé, encore, de comparer, entre eux, d’une année sur l’autre, les deux catégories marchandes de Séville-Cádiz réunies. 65 navires en 1599 et 15 725 toneladas, 60 navires en 1600 et 14 060 toneladas, on atteint 89 navires et 21 465 toneladas en 1601. Entre 1600 et 1601, le décrochement est, respectivement, de 37 % et de 36,8 %, en mouvement unitaire et en tonnage. On notera la grande stabilité, sur ces axes essentiels, du tonnage unitaire moyen : pour les marchands de Séville, 238,3 toneladas en 1599, 219,2 toneladas en 1600, puis, reprise : 232,3 toneladas en 1601. Sur l’ensemble Séville-Cádiz la reprise du mouvement se confirme, grâce aux Caditains, dont le tonnage unitaire moyen passe de 310 toneladas (tonnage annuel moyen de 1600) à 331,25 toneladas. Il en résulte une légère progression — signe de santé — sur l’ensemble Séville-Cádiz : 241,9 en 1599, 234,3 toneladas en 1600, 241,18 en 1601.

  • 164 Cf. ci-dessus, p. 1092-1093.

158Le décrochement, 37 % sur l’ensemble Séville-Cádiz, est très proche des 40,5 % des globaux164. Entre 65 %, 40,5 % et 37 %, on peut hésiter pour estimer le véritable rapport de l’accroissement. On retiendra la relative constance de ces données, qui doit placer un peu au-dessus de 40 %, sans doute, le véritable taux d’accroissement du potentiel économique d’une année sur l’autre.

4. Les Valeurs et la fraude

  • 165 Cf. t. VI1, table 226, p. 471.

159Si on compare ces données aux présomptions de mouvement valeur fournies par les impôts ad valorem165 on sera, d’abord, surpris.

  • 166 Rappelons à titre de référence, les 2 696 833 977 et 2 381 726 203 maravedís de 1592 et de 1596.
  • 167 1 013 560 966,4 mrs. Chiffre record. Bien que le mouvement de l’année soit charpenté sur cette uni (...)

160L'avería donne, avec 1 294 918 942,5 maravedís, un chiffre assez bas166 pour 1601. On manque, il est vrai, de terme de référence avec 1600. Toutefois, l’énorme niveau des entrées à la Vera Cruz167 donne pour 1600 une présomption de 1 milliard 1/2 à 2 milliards pour le mouvement officiel Allers. A en croire, par conséquent, les apparences du mouvement, 1601, l’année record, serait, sur le mouvement valeur, très en dessous des années du creux médian.

  • 168 Elle a, du moins, le mérite, une fois de plus, de nous tenir en garde contre les indications tirée (...)

161Cette situation168 ne doit correspondre que d’assez loin à la réalité mais elle résulte, tout au contraire, d’une illusion imputable à une formidable flambée de fraude en 1601. Mieux que fraude, c’est le terme de relaxation fiscale qu’il conviendrait d’employer.

  • 169 Cf. t. IV, p. 120 à 128.
  • 170 Cf. t. IV, p. 123, note 43 et t. I, p. 99 à 102.

1621601, année sans conteste record, depuis longtemps et pour longtemps, d’interprétation libérale de la fiscalité. Il suffit, pour s’en convaincre, de se reporter à la correspondance de la Casa169. Il suffit, surtout, de se montrer attentif à un signe qui ne trompe pas170, on a vu pourquoi, le départ des registres après la flotte. Ce signe fournit une preuve irréfutable de la flambée de fraude, que la confrontation des chiffres proposait, d’entrée de jeu, comme une hypothèse vraisemblable.

  • 171 Cf. t. IV, p. 92 et p. 99, note 2 et ci-dessus, p. 1090.
  • 172 Cf. ci-dessus, p. 1092-1093, 1106.

163Mieux, on en comprend parfaitement le mécanisme. Il résulte, sans conteste, d’une part, d’un relatif allégement de la pression ennemie, d’autre part, surtout, des pertes énormes subies par le négoce, lors de la grande tempête dévastatrice de l’automne 1600171, au large de la Nouvelle Espagne. Ce n’est pas la première fois, en effet, que l’on voit la charge fiscale sciemment diminuée, après une lourde épreuve subie par la Carrera. C’est à un effet de cet ordre qu’il faut attribuer, en 1601, la discordance volume-trafic172.

164Tout au plus, pourra-t-on supposer qu’entre 1599 et 1600, d’une part, 1601, d’autre part, l’accroissement de trafic en valeur n’aura pas été aussi rapide que celui des volumes. Un tel comportement est, en effet, à peu près de règle, autant de fois qu’on a été mis à même d’en juger.

165De cette analyse, deux conclusions, reposant sur une série suffisante de présomptions solides, semblent pouvoir être retenues.

1661601, a été une année de grandes facilités fiscales, d’une part. L’accroissement du trafic, comme dans presque toutes les années de fort tonnage, d’autre part, a été un peu moins rapide en valeur qu’en volume.

167Cette dernière vérification illustre la conjoncture haute de l’année.

5. Les prix

  • 173 Cf. ci-dessus, p. 1075.
  • 174 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 403.

168Que cette conjoncture haute du trafic soit comme soutenue par les prix173, il n’est pas besoin d’y revenir. On retiendra surtout que c’est en 1601 que se confondent le point culminant de la Révolution des prix dans la péninsule ibérique174 et la pointe d’expansion cyclique maximale de la fluctuation 1593-1604, d’autre part, mieux, ce que l’on serait tenté d’appeler le point de départ du dernier renforcement du trafic, la porte d’entrée de la partie haute centrale du mouvement.

  • 175 Cf. t. VL, tables 163-164, p. 362-363.
  • 176 Cf. ci-dessus, p. 1090-1091.
  • 177 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 392.

169On notera tout particulièrement l’importance extrême de l’écart cyclique des prix-argent175, 107,66 % (le plus important sur un siècle de 1531 à 1629). À cet écart correspond les 141,04 % du volume du trafic Allers. On notera, également, plus encore qu’en 1600176, le caractère très particulier de la poussée des prix au cours des deux années 1600 et 1601. Ce haut niveau des prix intéresse d’autant plus la conjoncture des trafics qu’ils sont moins imputables à un accident météorologique, agricole. Les prix des grains, en effet177, sont nettement en dessous de la moyenne en 1600 et surtout en 1601. De 1598 à 1602, il y a, dans l’espace andalou, une belle descente des prix des céréales qui passent du record absolu de tout le siècle, en 1598 (228,2), au point très bas de 1602 (indice 95,79), par les indices intermédiaires de 194,4 (1599), 126,2 (1600), 115,55 (1601), 95,79 (1602).

170On ne peut dire plus clairement que la poussée des prix moteurs de ces années puise ses racines, ailleurs, que dans une simple pénurie de produits agricoles. Elle traduit, à sa manière, une conjoncture haute, dans le secteur du négoce et peut-être, de ce fait, particulièrement tonique. Les chiffres de trafic le prouvent. 1602, avec son double retournement, prix-trafic, le démontrera, aussi, à sa manière.

Notes

1 Cf. ci-dessus, p. 1038-1052.

2 Cf. ci-dessus, p. 940 à 961.

3 Cf. ci-dessus, p. 773-776.

4 Cette démonstration valable pour les Allers, le mouvement qui donne le ton, le serait également pour les Retours et les Allers et retours. On aura l’occasion, dans la présentation des cycles suivants, de revenir sur cette question et l’on en donnera, le moment venu, une démonstration plus complète.

5 Cf. t. VI1, table 226, p. 171.

6 Le léger tassement de 1600 par rapport à 1599 s’explique, on l’a vu déjà (cf. ci-dessus, p. 1062 à 1069), par la présence des armadas hollandaises, le décrochement de 5 %, seulement, est trop faible, de toute manière, pour constituer une véritable solution de continuité, dans la phase ascendante de la fluctuation.

7 Cf. t. VI1, tables 137-141-163, p. 335, 339, 362.

8 Autre avantage du système, il fait apparaître en pleine lumière cette vérité du cycle, entendez la supériorité du creux terminal cyclique de 1603-1604, sur le creux médian, quand même secondaire de 1598 : 164 navires, 29 889,5 toneladas (1598) ; 190 navires, 39 280,5 toneladas (1597) et 178 navires, 42 018,5 toneladas (1599), d’une part et 105,5 navires et 109,5 navires, 24 900,5 toneladas et 26 735,5 toneladas (1603 et 1604), d’autre part.

9 E. J. Hamilton, op. cit., p. 403 et t. VI1, tables 163-164, p. 362-363 ; t. VII, tables 52-53.

10 Cf. ci-dessus, p. 1062-1665.

11 Cf. ci-dessous, p. 1158-1352.

12 Cf. t. IV, p. 92.

13 Ibid., p. 102, 104, 106, 108, 110.

14 Cf. t. VI1, table 159, p. 356 ; t. VII, p. 52-53.

15 Ensemble formé par les 28 navires, 8 050 toneladas des Retours de 1599 et les 108 navires et 22 810 toneladas de 1600.

16 Ensemble constitué dans les mêmes conditions par les 102 navires, 27 977 toneladas de 1600 et les 140 navires, 32 032 toneladas de 1601.

17 Cf. ci-dessous, p. 1081-1090.

18 Cf. ci-dessous, p. 1082-1086.

19 Cf. t. VI1, tables 163 et 164, p. 362-363 et t. VII, p. 52-53.

20 Cf. t. IV, p. 102, 104, 106, 108 sq.

21 Cf. t. VI1, tables 133-135 et 140-142, p. 331-333 et 338-340.

22 Cf. t. VI1, tables 154-156, p. 351-352.

23 Cf. t. VI1, tables 163-164, p. 362-363 ; t. VII, p. 52-53.

24 On pourrait concevoir une autre comparaison, moins logique, respectueuse de la réalité historique du mouvement.

25 Groupant 1600 et 1601, 1602 et 1603, accolant, ainsi, les deux forts Retours de 1601 et de 1603. L'ensemble 1600-1601, Retours moyens, 71 navires, 18 803,5 toneladas, serait un peu en contrebas de 1602-1603, 79 navires et 20 457 toneladas.

26 Soit, a très peu de choses près, le niveau record de 1603, 283 navires et 60 667 toneladas. Il est vrai que pour avoir une comparaison valable, il faudrait comparer 1600-l601 à 1603-1600, soit 276 bateaux, et 67 186 toneladas.

27 Cf. t. VI1, tables 136-138, p. 334-336 ; tables 140-142, p. 338-340.

28 Cf. t. VI1, tables 163-164, p. 362-363.

29 Cf. t. IV, p. 98-99, note 1 ; t. I, p. 259.

30 Cf. t. I, p. 252-254.

31 28 navires, 8 050 toneladas, contre un niveau moyen de 62,33 navires et 14 863,68 toneladas.

32 Cf. ci-dessus, p. 1078.

33 Cf. t. IV, p. 92-97.

34 Ibid., p. 76.

35 Ibid., p. 92.

36 Cf. ci-dessus, p. 192, 1070-1071.

37 Cf. t. IV, p. 92-93, navires nos 4 et 5.

38 Ibid., navire no 14.

39 Ibid., p. 94-95, navire no 16.

40 Ibid., navire no 20.

41 Ibid., navire no 21.

42 Ibid., navire no 24.

43 Ibid., navires nos 25, 26, 27.

44 Ibid., p. 94-97, navires nos 41 à 49.

45 C’est, limitée à cette seule catégorie, que la démonstration aura le plus de poids, parce que tous les tonnages des navires en sont connus (30 directement, 6 indirectement), parce que, surtout, c’est une ligne sur laquelle naviguent, seulement, à l’accoutumée, des navires de choir, les petits navires marginaux étant réservés aux ports secondaires du complexe ou des Indes.

46 Cf. t. IV, p. 92-97.

47 Ibid., p. 100, note 35.

48 Cf. t. I, p. 71 sq.

49 Cf. t. IV, p. 100-101.

50 Ibid., p. 100, note 38.

51 Ibid., p. 100-101, note 41.

52 Cf. ci-dessus, p. 1077 sq.

53 Cf. t. IV, p. 92 et p. 99, note 2.

54 Cf. t. IV, p. 92.

55 Cf. t. VI1, tables 18-19 (suite), p. 180.

56 Cf. t. III, p. 450 et p. 460, note 20.

57 Cf. t. IV, p. 92.

58 Cf. ci-dessous, p. 1327-1332.

59 Cf. ci-dessus, p 1056-1062.

60 Cf. ci-dessus, p. 950-951, 1071-1072.

61 Cf. t. IV, p. 76 et ci-dessus, p. 1062.

62 Cf. t. IV, p. 106.

63 Cf. t. IV, p. 54.

64 Cf. t. IV, p. 112 et pour déduire la date de départ probable de la date d’arrivée, se servir des temps moyens sur cette ligne (t. VI1, table 20, p. 182).

65 Cf. ci-dessus, p. 1033-1037.

66 Cf. t. VI1, tables 182-183, p. 384-391.

67 Malgré la très légère réserve qui peut peser en 1600 sur la composition de l'Armada de la Guardia (cf. t. IV, p. 92), elle est compensée par l’hésitation analogue qui touche 1599 (cf. t. IV, p. 74). Si quelques pataches ont été laissées de côté — il n’y a rien de moins sûr — il s’agirait tout au plus d’une centaine de toneladas, d’une centaine de toneladas qu’il faudrait aussi bien ajouter aux armadas de 1599 qu’à celles de 1600 et dont la signification économique serait, de toute manière, pratiquement nulle. Aucune modification des rapports, donc. Ajoutons que la solution adoptée demeure, quoi qu’il en soit, dans l’état présent de la documentation, celle qui nous paraît, de beaucoup, la plus vraisemblable.

68 Cf. t. VI1, table 184, p. 392 et t. VI2, tables 366-370, p. 586-588.

69 Cf. t. I, p. 310-313.

70 Cf. ci-dessus, p. 1006.

71 Cf. ci-dessus, p. 1077-1079.

72 S’il y a maintien, à peu de choses près, des volumes, tout compte fait, au départ, il n'en va pas de même, à l’arrivée, en raison des 14 bateaux coulés au large de la Vera Cruz. Mais le facteur n’intervient que plus tard, sur la conjoncture de 1601-1602.

73 Une lacune du mouvement valeur (cf. t. VI1, table 226, p. 471), ne permet malheureusement pas de savoir si cette légère rétraction forcée des volumes, au départ du complexe portuaire andalou n’a pas été contrebalancée, comme on l’a vu, en d’autres circonstances, par un maintien, voire un renforcement, des valeurs des marchandises exportées.
Il ne faudrait, surtout pas, tirer argument du chiffre de 1601 (cf. ci-dessous, p. 1092-1108), on le verra, pour préjuger d’un abaissement concomittant des valeurs.
Quoi qu’il en soit, quelles que soient les présomptions en faveur d’un accroissement compensatoire de la valeur unitaire des marchandises transportées, il faut renoncer à cet argument et se borner aux arguments sûrs que l’on possède, reconnaissant qu’il y a suffisamment d’indices en faveur du maintien, à travers tout 1600, d’une conjoncture croissante.

74 Cf. ci-dessus, p. 1068-1069.

75 Cf. t. VI1, tables 163-164, p. 362-363.

76 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 193-200.

77 Ibid., p. 391.

78 Ibid., p. 198.

79 Cf. ci-dessus, p. 1038-1052.

80 Cf. ci-dessus, p. 916-918, 959-961.

81 Cf. ci-dessous, p. 1094-1098.

82 E. J. Hamilton, op. cit., p. 403 et t. VII, p. 52-53, 54-55.

83 À l’exception, toutefois, de 1629, mais il s’agit, alors, en partie, d’une illusion sans lendemain, due à une opération monétaire déflationniste.

84 Cf. ci-dessus, p. 851-919.

85 Étant exclu le décrochement de 1595 à 1596, dont on a vu le caractère très fictif (cf. ci-dessus, p. 961-965).

86 233,5 toneladas de 1600 à 1604, contre 181,82 toneladas et 182,62 de 1593 à 1597 et de 1598 à 1599, et 201,4 toneladas de 1593 à 1604.

87 109 navires et 19 906 toneladas.

88 108,6 navires et 21 540,6 toneladas.

89 Cf. t. VI1, tables 163-164, p. 362-363.

90 Où le rapport des Retours aux Allers et retours est, respectivement, alors de 7,57 % en 1594 et de 10,83 %, en 1597 ; cf. ci-dessus, p. 977-979, 1027-1028 ; cf. t. VI1, table 159, p. 356.

91 Où le rapport des Retours aux Allers et retours est de 7,50 %, seulement (cf. ci-dessous, p. 1146 ; t. VI1, table 159, p. 356).

92 25,12 %, rapport des Retours à l’ensemble du mouvement, cf. ci-dessus, p. 1054.

93 Respectivement cf. t. VI1, table 159, p. 356, 56,09 % et 53,58 %.

94 Cf. t. VI1, tables 163-164, p. 362-363.

95 Cf. t. IV, p. 130-131, 132-133.

96 Cf. t. VI2, table 610, p. 870.

97 Cf. t. IV, p. 130 et p. 132, note 3.

98 D’après les proportions moyennes des trésors publics à l’ensemble, d’après E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 34.

99 Cf. t. IV, p. 149 et 150, note 3.

100 Cf. ci-dessous, p. 1110-1123.

101 Cf. ci-dessus, p. 1087-1088 ; 1090.

102 Cf. t. IV, p. 92.

103 Le niveau en eût été de 52,54 navires, 12 700 à 13 000 toneladas. La moyenne de : Retours de la fluctuation primaire (1600-1604) étant de 59,5 navires et 16 115,86 toneladas Le chiffre corrigé en tonneaux deviendrait d’environ 14 000 tonneaux, la moitié du chemin étant couvert, où presque, entre les 10 604 tonneaux (tonnage réel des Retours en tonneaux de jauge) et la moyenne médiane correspondante de treize ans, 18 541,39, qui sert de base aux calculs d’écart cyclique (cf. t. VR, tables 155, p. 352).

104 Cf. t. VI1, tables 163-164, p. 362-363.

105 Cf. ci-dessus, p. 1077.

106 Cf. t. IV, p. 102 à 111.

107 Cf. ci-dessus, p. 1081-1085.

108 Cf. t. IV, p. 102-111.

109 Cf. t. IV, p. 108-109.

110 Cf. ci-dessus, p. 1080 et note 2.

111 On aurait un peu plus de 18 000 tonneaux, face à la moyenne mobile médiane de treize ans, de 18 541,39 tonneaux..., soit du 98 %, environ.

112 Alors que le rythme le plus courant est pratiquement d’une année pleine.

113 Cf. t. IV, p. 130 et p. 132, note 3.

114 Cf. t. IV, p. 112 et 144.

115 Cf. ci-dessous, p. 1111-1113.

116 Cf. t. IV, p. 112 et 144.

117 Cf. t. VI1, table 159, p. 356.

118 Soit face à 180 navires, 41 672 toneladas et 45 839,2 tonneaux, des moyennes de 158,4 unités et 39 106,4 toneladas pour 1600-1604, 178,54 navires et 38 281,6 toneladas pour 1593-1604.

119 Cf. t. I, p. 16.

120 Cf. t. I, p. 18.

121 Cf. t. IV, p. 154-155 et cf. ci-dessous, p. 1133-1136.

122 Cf. t. VI1, tables 131 et 132, p. 329-330. Les niveaux de 1594, 1601 et 1608, respectivement de 29 164, 32 032 et 45 078 toneladas, sont, en effet, les plus élevés de ce laps de temps.

123 Cf. t. IV, p. 112 à 121.

124 Cf. t. IV, p. 112.

125 Cf. t. IV, p. 116.

126 Cf. t. IV, p. 118-119.

127 Cf. t. IV, p. 124 à 127, note 82 et t. VIII1, p. 484485, note 3.

128 Peut-être pas totalement, quand même, en raison des bonnes habitudes que nous con naissons aux gens de guerre de la Carrière des Indes. Économiquement, que vaut ce volume ? Moins du quart, très certainement, de ce que donnerait son utilisation en flotte. Peut-être moins du tiers, encore, de son utilisation, dans une Armada de la Guardia de type classique.

129 Cf. ci-dessus, p. 1079.

130 Cf. ci-dessous, p. 1110-1111.

131 Cf. t. VI1, table 166, p. 365.

132 Cf. t. IV, p. 112 à 121.

133 Cf. ci-dessous, p. 1104-1105.

134 Cf. t. IV, p. 50 sq.

135 Ibid., p. 76 sq.

136 Ibid., p. 92 et ci-dessus. p. 1087-1083.

137 Cf. t. IV, p. 112.

138 Ibid., p. 92.

139 Ibid., p. 104.

140 Ibid., p. 112.

141 Ibid., p. 112 sq.

142 Ibid., p. 92-93 sq et cf. ci-dessus, p. 1087,1088, 1089.

143 Cf. t. IV, p. 116 sq.

144 Ibid., p. 114-115, navires nos 39 à 45.

145 Pour éclairer et faciliter l’approche de côtes difficiles.

146 Ibid., p. 112-113, navire no 5.

147 Ibid., navire no 7.

148 Ibid., p. 114-115, navires n 08 15 et 19.

149 Ibid., navire no 16.

150 Ibid., navire no 22.

151 Ibid., p. 116-119.

152 Cf. t. VI1, table 166, p. 365.

153 Cf. t. VI1, table 183, p. 388.

154 Cf. ci-dessus, p. 1007-1008, 1088-1089.

155 Cf. ci-dessus, p. 1092-1093.

156 Cf. ci-dessus, p. 1032-1033.

157 Cf. ci-dessus, p. 1077-1079, 1086.

158 Cf. ci-dessus, p. 1065, 1088.

159 Cf. ci-dessus, p. 1088-1089.

160 Armada de la Guardia de la Carrera de las Indias, capitaine générai Marcos de Aramburu, cf. t. IV, p. 92-93.

161 Cf. t. IV, p. 118-119, p. 124-127, note 82 et ci-dessus, p. 1100.

162 Cf. t. IV, p. 92-93 et p. 112-113.

163 Cf. t. VI1, tables 182-183, p. 384-391.

164 Cf. ci-dessus, p. 1092-1093.

165 Cf. t. VI1, table 226, p. 471.

166 Rappelons à titre de référence, les 2 696 833 977 et 2 381 726 203 maravedís de 1592 et de 1596.

167 1 013 560 966,4 mrs. Chiffre record. Bien que le mouvement de l’année soit charpenté sur cette unique flotte, en raison du fait que les niveaux valeur à l’entrée de la Vera Cruz sont en moyenne de 50 % au moins inférieurs aux niveaux de l’isthme.

168 Elle a, du moins, le mérite, une fois de plus, de nous tenir en garde contre les indications tirées des impôts ad valorem.

169 Cf. t. IV, p. 120 à 128.

170 Cf. t. IV, p. 123, note 43 et t. I, p. 99 à 102.

171 Cf. t. IV, p. 92 et p. 99, note 2 et ci-dessus, p. 1090.

172 Cf. ci-dessus, p. 1092-1093, 1106.

173 Cf. ci-dessus, p. 1075.

174 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 403.

175 Cf. t. VL, tables 163-164, p. 362-363.

176 Cf. ci-dessus, p. 1090-1091.

177 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 392.

© Éditions de l’IHEAL, 1959

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