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Séville et l'Atlantique, 1504-1650 : Structures et conjoncture de l'Atlantique espagnol et hispano-américain (1504-1650). Tome II, volume 2

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Pierre Chaunu

Quatrième partie. Au sommet de l'Atlantique de Séville le renversement de la tendance majeure (1593-1622)

Chapitre V. Le cycle de la révolution culminante des prix. Entre la première et la seconde fluctuation : la dépression médiane du mouvement. De 1597-1598 à 1599

Texte intégral

  • 1 Cf. ci-dessus, p. 940-1024.

1Au cœur du cycle de la révolution culminante des prix, outre une première fluctuation, dans l’ensemble, — on l’a vu1 — assez bien définie, dont 1596 et 1597 forment la retombée et une seconde fluctuation, dont la remontée calque étroitement la dernière flambée des prix espagnols, s’étend une zone d’hésitations et de dépression, qui correspond, en gros, à plusieurs ordres de phénomènes, liés entre eux deux par deux : la dernière poussée de la guerre hispano-anglaise, le sac de Nombre de Dios et l’incendie de la flotte de Nouvelle Espagne en rade de Cádiz ; la dernière banqueroute du règne de Philippe II (1596-1597) — on sait que ces accidents périodiques des finances publiques de l’Espagne ont toujours sur la richesse de l’Atlantique de Séville de sérieuses encore que courtes répercussions —, la fin d’un long plateau relativement déprimé des prix.

I. — 1597 : LA RETOMBÉE DE LA PREMIÈRE FLUCTUATION OU L’AMORCE DU CREUX MÉDIAN DU MOUVEMENT

2L’année 1597, qui termine, sur les globaux Allers et retours, la première fluctuation, participe déjà, à beaucoup d’égards, à la phase de contraction médiane centrée sur les année 1598-1599.

LES INDICATIONS DU DÉCOUPAGE ANNUEL

3C’est naturellement par là qu’il faut commencer. On peut faire fond sur elles ; la comparaison avec 1596, toutefois, ne revêtira qu’une signification médiocre en raison du caractère très particulier de la situation de 1596.

1. En Allers

4Si on s’en tenait aux apparences, 1597 semblerait en léger retrait, par rapport à l’année précédente. On passe, d’une année sur l’autre, sur cet axe capital du mouvement, de 151 à 131 navires, de 28 825 toneladas (31 707,5 tonneaux) à 27 198 toneladas (29 917,6 tonneaux), il y aurait, quant au tonnage mobilisé, un repli purement fictif de 13,2 % sur le mouvement unitaire, de 5,6 % sur le tonnage. 1597 a un niveau qui rappelle, à très peu de choses près, celui de 1593. Avec, par rapport à 1596, une sensible augmentation du tonnage unitaire du mouvement. De 190,9 toneladas, en 1596, le tonnage unitaire des Allers passe à 207,6 toneladas. C’est le tonnage unitaire moyen, en Allers, le plus élevé de toute la première fluctuation primaire. 207,6 toneladas contre 181,82 toneladas, moyenne de 1593-1597, 201,4 toneladas, moyenne de 1593-1604 et 233,5 toneladas, tonnage unitaire moyen de la seconde fluctuation primaire de 1600 à 1604. Cette évolution avancée montre que la reconstitution du stock des gros navires est déjà chose acquise, le tonnage moyen des navires en 1597 est plus proche du tonnage des dernières que des premières années du cycle.

  • 2 Les écarts à la moyenne ne donnent pas autre chose, puisqu’on a pris, dans ce cas (cf. t. VI1, tabl (...)
  • 3 Cf. ci-dessous, p. 1029-1037.
  • 4 C. C. à Aparicio de Arteaga, 1er août 1596 (t. IV, p. 20, note 59). Les écarts à la moyenne ne donn (...)

5Mais la comparaison entre 1597 et 1596 sur les bases précédentes est purement illusoire2. Si les chiffres de 1597 ont une signification solide3, il n’en va pas de même de 1596. Beaucoup plus probante, à tous égards, que la comparaison avec les globaux, celle avec les seuls navires effectivement partis, exclusion faite des navires de la flotte avortée de Nouvelle-Espagne. Le trafic de 1597 a bénéficié d’une petite partie des marchandises, sinon des navires4 de la flotte détruite (une certaine récupération a été, vraisemblablement, possible sur les coques brûlées). C’est donc entre 132 navires, 21 660 toneladas, d’une part, niveau effectif des départs de 1596 et 131 navires, 27 198 toneladas, d’autre part, niveau effectif des départs de 1597, qu’il faut établir une comparaison. On notera, qu’avec un nombre pratiquement égal de navires (131 navires contre 132 unités), 1597 a envoyé en Amérique un tonnage beaucoup plus important, avec une progression de 25,5 % par rapport à 1596. La progression du tonnage unitaire moyen est, dans ce cas, beaucoup plus sensible, puisqu’on passe de 161,1 toneladas (tonnage unitaire moyen des navires effectivement partis en 1596) à 207,6 toneladas tonnage unitaire moyen des navires partis en 1597.

2. En Retours

6Entre 1596 et 1597, on assiste à un laminage des Retours, auquel on est habitué.

  • 5 Cf. ci-dessus, p. 808-812, 833-834 et 977-979

7En fait, nous le verrons, sa signification est moindre encore que de coutume. Apparemment, si on s’en tient au découpage annuel, entre 1596 et 1597, le niveau des Retours est passé de 87 à 27 navires, (recul de 68,9 %) de 16 738 toneladas à 3 300 toneladas (recul se 80,3 %). Comme toujours en pareil cas, le retrait en tonnage dépasse celui observé sur le mouvement unitaire. L’absence, au Retour, de navires de flotte, de navires autres que « sueltos », ordinairement, du petit matériel, est responsable de ces chutes brutales, en l’occurrence, on sera passé de 251,45 et 192,4 toneladas (tonnage unitaire moyen des Retours de 1595 et de 1596) à 122,2 toneladas. On a connu déjà, entre 1589 et 1590, entre 1591 et 1592, entre 1593 et 1594, des décrochements analogues5, plus accentués encore et présentant les mêmes caractéristiques, à savoir une chute du mouvement unitaire, accompagnée d’une chute plus rapide encore du tonnage unitaire du mouvement, dû à l’élimination, au cours des années creuses, des navires de flotte ou d'armada, retenus en hivernage.

  • 6 Cf. ci-dessus, p. 1015-1016.
  • 7 Cf. t. IV, p. 46.
  • 8 Cf. t. IV, p. 64.

8Le cas de 1597, toutefois, est, malgré les apparences, quelque peu différent. Le creux de 1597 n’est pas dû à un hivernage, mais à un concours de circonstances qu’on peut résumer ainsi. L’extraordinaire accélération du rythme de rotation des convois, dont on a vu, en 1596, les effets sur le mouvement6. Le fait qu’en 1597 la pression de l’ennemi s’est déplacée... Elle a, on a vu comment, pesé sur les Allers en 1596. En 1597, elle pèse sur les Retours. À telle enseigne qu’une partie des navires qui auraient dû, normalement, faire retour en 15977, sont bloqués aux Açores, dont ils ne reviendront pas avant 15988. Ce déplacement purement fictif de tonnage au détriment de 1597 et au profit de 1598 est, au moins, de l’ordre de 8 navires et de 4 600 toneladas. La restitution de ces 8 navires et de ces 4 600 toneladas n’abolirait, certes pas, le creux sur le mouvement des Retours à la hauteur de 1597, mais l’atténuerait sensiblement, en constituant une série ainsi formée :

  • 1595 : 101 navires, 25 397 toneladas ;

  • 1596 : 87 navires, 16 738 toneladas ;

  • 1597 : 35 navires, 7 900 toneladas ;

  • 1598 : 83 navires, 17 797 toneladas.

9Elle maintiendrait un creux de plus de 50 % dû à la brusque accélération du rythme de rotation des convois en 1596, mais supprimerait, totalement, par contre, le fléchissement du tonnage unitaire (tonnage unitaire moyen, dans cette hypothèse, de 225,7 toneladas).

  • 9 Cf. t. VI1, table 163. p. 362.

10Les pourcentages des chiffres vrais par rapport à la moyenne9 ne tiennent pas compte de ce fait, ils donnent, par conséquent, le reflet de la première situation et non de la seconde, soit un creux extrêmement profond entre deux secteurs relativement élevés : 1595 et 1596 : 179,10 % et 125,50 % ; 1597 : 22,61 % ; 1598 : 166,75 %.

11Il n’est pas douteux, toutefois, que 1597 accuse en pleine période, par ailleurs, de reprise du mouvement Retours, un rapide fléchissement, au demeurant, sans suite.

3. En Allers et retours

12Il résulte de ces considérations, qu’au prix, peut-être, d’une faible correction, pour le compte des Retours légèrement sous-estimés, le niveau du mouvement global Allers et retours ne traduirait pas trop mal la situation de l’année.

  • 10 Cf. ci-dessus, p. 1012-1027 et t. IV, p. 64-66.
  • 11 Cf. t. VI1, table 163, p. 362.

13158 navires, 30 498 toneladas (33 547,5 tonneaux). Si on corrigeait le mouvement Retours, comme il est possible de le faire, en lui restituant les navires de Juan Gutierrez de Garibay10, on aurait alors 166 navires, 35 098 toneladas (38 607 tonneaux). De toute manière, 1597 semble en retrait par rapport à 1596. De 238 à 150 navires, le recul est de 33,5 %, sur le mouvement unitaire, il est, en tonnage, du même ordre, de 45 564 à 30 498 toneladas, soit un recul de l’ordre de 33 %. Recul, sans changement appréciable du tonnage unitaire, 191,4 toneladas en 1596, 193,02 toneladas en 1597. On retrouverait, naturellement, la même démarche, sur les pourcentages des chiffres vrais à la moyenne11, avec passage apparent de 126,97 % à 83,26 %.

  • 12 Cf. ci-dessus, p. 1023.

14En fait, 1597 est, peut-être, un peu plus désavantagé qu’il ne le conviendrait. On peut, en effet, selon une autre combinaison, lui accorder, on a vu pourquoi, 166 bateaux, 35 098 toneladas (38 607 tonneaux). À ce prix, l’écart au trend serait pratiquement annulé, on arriverait à un pourcentage du chiffre vrai au trend de plus de 95 % et le tonnage unitaire sensiblement plus fort, 211,4 toneladas au lieu de 193,02 toneladas, dans la combinaison précédente issue du découpage annuel. 1596, par contre, — on a vu comment, — a été surestimé. Une seconde correction plausible12 consisterait à substituer au niveau précédent, le niveau corrigé, soit 219 navires et 38 438 toneladas (42 282 tonneaux). Soit un écart positif, très faible dans ce cas, de l’ordre de 105 %. On passerait, ainsi, de 105 % à 95 % du trend. 1597 serait, peut-être, encore en léger retrait par rapport à 1596, dont il ne faut pas exagérer l’avantage.

  • 13 Cf. ci-dessus, p. 1012-1013, 1023 et 1027.

15C’est ainsi qu’entre 1596 — dont on a vu déjà les difficultés13 — et les creux des années 1598-1599, 1597 ferait, en quelque sorte, insensiblement transition.

LA RÉALITÉ DU MOUVEMENT

16La correspondance de la Casa de la Contratación éclaire d’un jour particulièrement cru, l’histoire de 1597. Quel que soit le semblant de façade que puisse donner le découpage annuel du mouvement Allers, 1597 doit être considéré, comme une année typique de crise imputable à la conjoncture du négoce.

17Il importe, tout d’abord, de chercher à donner aux chiffres, leur vraie valeur. Pour cela, il n’est pas inutile de suivre la chronologie des départs.

1. Chronologie

18La grande ligne explicative directrice est donnée par la catastrophe du 2 juillet 1596, elle domine, encore, les événements de 1597. Il en découle, en effet, qu’entre le 10 février 1596, date de départ de l'armada y flota de Juan Escalante de Mendoza et le 22 juin 1597, date de départ de l'armada y flota de Don Luis Alfonso de Flores, détruite à Cádiz, au moment où elle s’apprêtait à prendre la mer, le 2 juillet 1596 — il n’y a place, à Séville, que pour des expédients. De tout ceci, il résulte, aussi, qu’il est assez difficile de démêler, dans les départs de 1597, ce qui appartient en propre à l’année, et ce qui est simplement imputable au trafic de 1596 retardé par les circonstances, à des transactions préparées en 1596 et rejetées en dehors des limites chronologiques de l’année précédente.

19Pour faire face à la conjoncture particulière, résultat du raid anglais de juillet 1596, pour faire face à la situation créée par la présence des escadres anglaises sillonnant l’Atlantique et à la démonstration de la sécurité partielle seulement obtenue par la protection des armadas,... une première réponse aura été la multiplication de la navigation suelta.

  • 14 Cf. t. IV, p. 14 à 33.

20On aura eu recours, une fois de plus, pour combler le hiatus, à ces petits navires toujours en l’honneur dans la navigation de cabotage international le long des côtes de l’Europe. On a déjà noté, en 1596, le nombre insolite de petits navires, sous forme de négriers ; il en va de même en 159714. Il s’agit d’une substitution, d’un simple moyen de remplacement. Tous ces navires, en nombre plus grand que de coutume, peuvent être considérés comme autant de perce-blocus. Après les lourds événements de Nombre de Dios et de Cádiz, Séville, un moment, ne se sent pas en force.

  • 15 Cf. t. IV, p. 30-31.
  • 16 Cf. t. IV, p. 32-33.

21C’est également à une substitution de ce genre qu’il faut attribuer l’armada de galeones Juan de Garibay et Francisco del Corral15 et la curieuse armada de Juan de Esquibel16.

  • 17 Cf. t. IV, p. 40, notes 1 à 3.

22À première vue, l’armada de galeones de Juan de Garibay et Francisco del Corral17 pourrait passer pour une forme de l'Armada de la Guardia de la Carrera de las Indias. En réalité, il n’en va pas tout à fait ainsi, Elle a été conçue, manifestement, plus dans un but de ravitaillement des Indes en matières indispensables que dans un but de défense. Elle est formée, surtout, de deux éléments juxtaposés, une escadrille qui va en Terre Ferme, sous le commandement du capitaine général Juan de Garibay, avec quatre galions et une patache, une escadrille qui, sous le commandement de l’amiral Don Francisco del Corral, gagne la Nouvelle Espagne.

23C’est là, évidemment, que gît l’originalité du trafic de l’année. La Nouvelle Espagne n’ayant été, pratiquement, jamais, au cours d’un siècle et demi d’histoire, approvisionnée par d’autres moyens que des flottes de commerce ou des navires marchands isolés, sueltos.

24L’expédient avait pour but de faire face, dans l’immédiat, aux besoins laissés à découvert par la défaillance, en juillet 1596, de la flotte de Don Luis Alfonso de Flores. Le recours à un procédé aussi insolite signifie qu’il n’avait pas été vraiment possible de mettre sur pied la flotte de Nouvelle-Espagne de remplacement — l’armada y flota de Pedro Menéndez Marquez — avant la fin juin 1597, soit, pratiquement, un an après l’accident. Les esprits ayant été frappés par le raid de l’escadre anglaise, on n’aurait pu trouver sans doute, d’armateurs privés acceptant de prendre, à leur compte, une entreprise aussi risquée. D’où le paradoxal recours à l’armada pour un approvisionnement-secours de la Nouvelle Espagne.

  • 18 En mars et en avril 1597.

25Et la Terre Ferme, pour sa part, frustrée, par la destruction de la flotte de Nouvelle Espagne en 1596, de la possibilité de recevoir en 1597 comme en 1596, la visite d’une armada y flota régulière, a dû se contenter pour son approvisionnement de deux tronçons d’armada, curieusement partis à un mois d’intervalle18, en ordre dispersé, parce qu’on préfère ne pas risquer, sans doute, un combat hasardeux. Ce sont les cinq navires, quatre galions et une patache de Juan de Garibay et les felibotes partis, en avril, au nombre de quatre, au moins. Qu’une jonction importante avec la Terre Ferme — il s’agit pour deux (l’entre eux, de conduire dans l’isthme, le président de l'Audiencia de Panama, Alonso de Sotomayor — soit assurée par des felibotes, ces petits bateaux étrangers, du Nord, naviguant, circonstance aggravante, deux par deux, par petits paquets, voilà bien qui traduit une atmosphère particulière, d’insuffisance, d’angoisse et de gène.

26Du point de vue qui est le nôtre, celui de la conjoncture de 1597, on peut estimer qu’une bonne part de ce tonnage, sueltos de 1596 et de 1597, en partie, armadas de Juan de Garibay, Don Francisco del Corral, petites armadas de felibotes d’avril 1597, doit être considérée comme un report de trafic de 1596. Si la flotte de Don Luis Alfonso de Flores était partie, comme prévue, en juillet 1596, une flotte de Terre Ferme, qui serait partie entre décembre 1596 et plus probablement janvier ou février 1597, aurait, sans doute, été avantageusement substituée à cette poussière.

  • 19 Cf. t. IV, p. 32 sq.
  • 20 Cf. t. IV, p. 50. Départ de Cádiz, le 29 novembre 1598.

27En outre, la flotte de Nouvelle-Espagne, de Pedro Menéndez Marquez19 partie de Cádiz. le 22 juin 1597 et qui n’est autre que la reprise de la flotte avortée de Don Luis Alfonso de Flores, un an plus tôt, n’est pas suivie d’une autre flotte normale avant près d’un an et demi20. On appréciera, dans ces conditions, combien les conséquences des événements de juillet 1596 auront été considérables et de longue durée.

2. Les goulots de type ancien21

  • 21 Cf. ci-dessus, p. 793-796.

28Il va sans dire, que les événements de 1596 auront fait réapparaître quelques-uns des goulots anciens, nés des événements de 1587-1588. Dans leur axe, exactement, les événements de 1595-1596 — ils en sont, un peu, comme la répétition atténuée — ne pouvaient qu’agir dans le même sens.

  • 22 Cf. t. IV, p. 41, note 30.
  • 23 Cf. t. IV, p. 32.
  • 24 Cf. plus particulièrement t. VI1, table 12 C, p. 162-163.

29Il est un de ces goulots, auxquels la correspondance de la Casa de la Contratación, fait un sort tout particulier en 1597, parce qu’il est ressenti, sans doute, avec plus d’acuité, le manque de navires22. D’où toute une série de mesures que l’on verra rapportées, pour favoriser la construction biscayenne, d’où l’insolite recours à des felibotes pour les armadas d’avril 159723. L’emploi de felibotes à des fins d'armada est, vraisemblablement, l’indice le plus probant, car cet usage est insolite. Enfin, les tables sur « la répartition des navires dans l’Atlantique espagnol d’après leur type et leur lieu d’origine » montreront, en guise de contre-épreuve, une proportion particulièrement élevée de navires étrangers24 en 1596 et 1597.

3. Ventilation au départ

  • 25 Cf. t. VI1, table 183, p. 388.

30Toutes ces leçons seront corroborées par la ventilation interne des départs25. Elle montre une très nette augmentation de volume utile à l’exportation, qu’il soit attribuable, d’ailleurs, au trafic différé de 1596 ou au trafic de 1597, proprement dit.

  • 26 Point de vue corroboré par la correspondance de la Casa et les plaintes des marchands précisément d (...)

31Réduction du niveau — apparemment — des armadas, 14 navires au lieu de 29 navires, 5 320 toneladas au lieu de 7 760 toneladas. Mais à la différence de 1596, tout le trafic d’armada de 1597 peut être aligné sur celui des flottes26 : il constitue le substitut, le remplacement de la flotte détruite de 1596. 5 000 toneladas à valeur pleine, mais que l’on pourrait aussi bien attribuer à 1596, pour en atténuer le creux.

32Les navires marchands de Séville — et pour cause — représentent presque un doublement du trafic, entre 1595 et 1596, d’une part, 1597, d’autre part : 52 et 49 navires, 7 620 et 8 800 toneladas d’une part ; 67 navires, 14 793 toneladas d’autre part. Soit, une progression entre la moyenne de 1595-1596 et 1597, de 32,7 % (mouvement unitaire) et de 79 % (mouvement en tonnage).

33La progression s’est doublée, aussi, d’un accroissement qualitatif parallèle du tonnage unitaire. De 162,6 toneladas (tonnage unitaire moyen sur la période de deux ans, 1595-1596), le tonnage unitaire moyen des marchands de Séville s’élève à 220,8 toneladas, soit une progression de 35,8 %.

34La réapparition de la série caditaine, vide depuis deux ans, en 1595 et 1596, vient s’ajouter à cette double cause de progrès, avec 13 navires de 3 385 toneladas.

35Autre transformation d’importance, enfin, si le niveau des négriers se maintient encore (il en ira pratiquement ainsi jusqu’à la fin du cycle, jusqu’en 1601-1602, du moins, avec 37 navires et 3 700 toneladas (en 1597) contre 39 navires et 3 800 toneladas en 1596), on sera sensible à la brutale disparition des Canariens, si fortement représentés, pourtant, jusqu’en 1595.

  • 27 Cf. ci-dessus, p. 1005-1007.

36Pratiquement, il n’y aura plus, officiellement, de Canariens dans le mouvement jusqu’en 1606 (une seule exception, 1602, 4 navires, 400 toneladas), plus de présence officielle, s’entend, puisque tout laisse à penser qu’il y a eu maintien d’une certaine présence extra-officielle de navires canariens. À la différence de ce qui se passait pour Cádiz en 159527, on peut parler sans crainte, dans ce cas, de sensibilité conjoncturelle seconde, médiate. Une telle situation est le signe d’un durcissement d’attitude de Séville à l’égard de la concurrence des marginaux. La porte a été largement ouverte aux Canariens avec la crise de tonnage du milieu des années 80. Elle se ferme dix ans, plus tard — un peu paradoxalement, quand se produit une rechute, mais à très court terme, de manque de tonnage.

37Or, il faut interpréter cette fermeture des Canaries au commerce officiel, de par la volonté de Séville, comme un signe infaillible de difficultés graves de conjoncture. On a vu, déjà, à maintes reprises, Séville, quand la vague de difficultés arrive, chercher son salut dans un renforcement de ses positions monopolistiques, à moins qu’un accident comme celui de 1587-1588, en provoquant une grave crise de tonnage, ne vienne, un moment, modifier les rapports et lever une objection. En 1597, entre les forces qui tendent normalement, à ouvrir les portes des Canaries, facteur positif, conjoncture haute, facteur négatif, crise de tonnage, d’une part et les forces qui tendent, structurellement, à fermer, sur le plan du commerce officiel, ces mêmes portes canariennes, facteur positif, aisance de l’armement, facteur négatif, conjoncture basse, les seconds viennent de l’emporter. Par vitesse acquise, la porte restera fermée, dix ans durant.

38Car le grand fait qui domine l’année, lourd de conséquences pour l’avenir, c’est, sans conteste, bien sûr, la crise du marché des Indes.

4. La grosse surprise, la saturation du marché aux Indes

39Étant donné qu’il est impossible, en raison de la crise de 1596, de dissocier le mouvement de 1597 de celui de 1596, et qu’il faut, pratiquement, substituer aux chiffres pris individuellement une moyenne sur deux ans, on s’aperçoit que le mouvement Allers est, depuis le record de 1594, sur une position virtuellement descendante, sur un palier, dont le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il n’est pas croissant. La crise qui va éclater sur le marché des Indes n’en est que plus significative.

40Un des points tournants du cycle et au-delà du cycle, un des points tournants de toute l’histoire de l’Atlantique espagnol et hispano-américain, sera ce qui se passe sur le marché de la Nouvelle Espagne entre le printemps et l’automne 1597.

41La Nouvelle Espagne frustrée de la flotte normale de 1596, la flotte de Don Luis Alfonso de Flores, aurait dû, selon toute prévision raisonnable, c’est bien, d’ailleurs — la correspondance de la Casa le prouve, — ce que l’on escomptait à Séville, présenter en 1597 des conditions de marché excellentes.

  • 28 Cf. t. IV, p. 40, note 3 et p. 42, note 33.
  • 29 Cf. t. IV, p. 30-31.
  • 30 Notamment, en 1592-1593, cf. ci-dessus, p. 973-975.

42Certes, et c’est l’argument, derrière lequel on se retranche28, la petite armada de Don Francisco del Corral29 chargée, au maximum, aura déversé une quantité extraordinaire de marchandises « européennes » et « espagnoles » sur le marché nouvel espagnol. Nous apprenons, par ricochet, que les galions avaient été chargés à la limite de leurs possibilités. L’entreprise était, d’ailleurs, en tous points favorable, minimum de risques du côté des corsaires et des escadres ennemies, en raison de la forte texture des navires et de l’engagement royal dans l’entreprise et, circonstance décisive, en raison de la non-définition juridique du procédé, exemption, semble-t-il de toute fiscalité. Ce sera le grand argument des marchands lésés de la flotte Pedro Menéndez Marquez. On peut estimer, selon toute vraisemblance, que les galions de Francisco del Corral, en raison de l’exemption fiscale de fait dont ils jouissaient ont transporté, à l’exclusion de toutes autres, des marchandises de très grand prix. Il se sera produit au cours de ces triages dont on a eu l’occasion, souvent, d’étudier le mécanisme30.

  • 31 Le deuxième (par les valeurs mises en cause) mais le premier quant au volume de toute l’Amérique.

43Le côté paradoxal d’une escadrille de 2 060 toneladas (la portée de l'armada Juan de Garibay, Francisco del Corral, destinée à la Nouvelle Espagne), jetant un trouble aussi grave, sur un marché aussi important que celui de la Nouvelle Espagne31, se trouve, sinon, conduit, du moins, atténué. Il y a bien sûr, comme toujours, l’extraordinaire étroitesse des bases structurelles des échanges dans cette économie ancienne, tant de fois démontrée, tant de fois retrouvée et que l’exemple de l’effondrement du marché nouvel espagnol, entre l’arrivée de l’escadrille del Corral et de la flotte Pedro Menéndez Márquez, au cours de l’été 1597, illustre parfaitement. Tout ceci ne suffit pas, toutefois, pour retirer à l’accident sa très grande signification particulière.

44La surprise des marchands engagés dans la puissante flotte Pedro Menéndez Marquez est d’autant plus grande qu’ils ont précédé, en Nouvelle-Espagne, l’arrivée, pour eux toujours redoutée, de l’escadrille des Philippines porteuse des produits concurrents de l’industrie chinoise.

  • 32 W. Borah, Mexico‘s century of depression, op. cit., S. F. Cook et L. B. Simpson, The Population of (...)
  • 33 Cf. ci-dessus, p. 560-563.

45Deux explications subsistent et se complètent. La grande épidémie qui décime la population indienne en 159732, a, comme l’épidémie des années 7033 une incidence imminente sur l’économie coloniale. Atteinte dans son infrastructure, il lui faudra, quelques années, pour s’adapter à cette coordonnée nouvelle pour répondre à ce nouveau défi que constitue une nouvelle réduction de la population dominée.

46Une erreur de calcul, enfin, de la part du négoce de Séville qui avait surestimé les possibilités d’absorption de la Nouvelle Espagne, jusqu’ici, préservée. Peut-être, précisément, pour se garantir contre les caprices du marché de la Terre-Ferme, jadis plus fructueux mais plus exposé à la concurrence étrangère.

47En réalité, la connaissance que nous avons de la suite des événements le fait clairement sentir, beaucoup mieux que les contemporains, malgré l’angoisse qui transpire à travers la correspondance de la Casa de la Contratación, ne pouvaient en avoir conscience, le coup était extrêmement grave. C’est pour nous, plus que pour les contemporains, un symptôme sûr de transformations commençantes. Irrésistiblement, elles distendront les rapports de la Nouvelle Espagne avec la péninsule ibérique, réduiront les bases trop onéreuses pour les Indes, de son commerce avec la Métropole. Loin de freiner cette évolution, les réactions du commerce de Séville en précipiteront le rythme.

  • 34 Cf. ci-dessus, p. 1019.

48Depuis un peu plus d’un an, en effet, les premiers symptômes datent de la fin de 159534, on se plaint à Séville de la réduction des marges bénéficiaires aux Indes et de l’écoulement plus difficile des produits sur des marchés qui jusqu’ici, absorbaient, généralement, n’importe quoi, n’importe où, n’importe quand et n’importe comment. La crise de 1597, sur le marché de la Vera Cruz, qui vient confirmer les craintes perçues déjà, l’année passée, marque, peut-être, le début d’une crise de structures. Bien sûr, 1597 ne marque pas le terme ultime des années faciles. Il y aura, encore, de bons moments. Mais à des intervalles de plus en plus rappochés, les symptômes de 1597 réapparaîtront.

  • 35 Cf. t. IV, p. 32.
  • 36 Cf. t. IV, p. 76.
  • 37 Cf. t. IV, p. 54.
  • 38 En Allers, lors du creux 1598-1599, la Nouvelle Espagne représente 33 % du mouvement unitaire, 39,7 (...)

49Un autre fait permettra d’apprécier l’ampleur de la secousse provoquée par ces événements : le creux qui sépare la flotte Pedro Menéndez Marquez d’une autre flotte de Nouvelle-Espagne. Deux ans, exactement : Menéndez Marquez quittait Cádiz, le 22 juin 159735 et Juan Gutierrez de Garibay, San Lúcar, le 11 juin 159936 Entre les deux, rien, hormis un nombre dérisoire de Sueltos, essentiellement trois avisos et l’escadrille, de 500 toneladas, de Francisco del Corral37. Cette lacune est tout à fait insolite, elle est marquée par une brusque appréciation de la Terre Ferme38, elle est d’autant plus grave, d’autant plus indicatrice qu’elle affecte un mouvement qui, jusqu’alors, avait fait preuve d’une stabilité exceptionnelle. Ne lui avait-on pas attribué, au cours des années qui viennent de s’écouler, le rôle de volant, de stabilisateur ?

5. Autour de la crise de 1597 : valeurs et prix

50Deux dernières coordonnées, enfin, doivent être prises en considération, les valeurs des marchandises exportées et la conjoncture des prix espagnols.

  • 39 Cf. ci-dessus, p. 1026-1027, 1029, 1033.
  • 40 Cf. t. VI1, table 226, p. 471.

51Là, encore, on sera sensible, certainement, à d’apparentes contradictions, en ce qui concerne les valeurs, du moins. De 1596 à 1597, alors que tout prouve une augmentation des volumes exportés39, on observe, d’après l'avería, une chute brutale40 de la valeur présumée des exportations, de 2 381 726 203 maravedís à 1 335 380 178 maravedís, soit un recul apparent de plus de 40 %. Non que le chiffre de 1 335 380 178 maravedís puisse surprendre, il est assez peu différent des 1 636 488 638 et 1 628 478 357 maravedís de 1593 et 1594. C’est le décrochement qui est difficilement acceptable.

52Il ne doit être imputé, qu’en partie, du moins, à une chute de la valeur unitaire des marchandises exportées d’une année sur l’autre. Il faudrait imaginer qu’elle atteint des proportions véritablement insolites pour rendre compte de cette distorsion. Le trafic de 1596 était axé, il est vrai, sur la Terre Ferme, du fait de la destruction de la flotte de Don Luis Alfonso de Flores ; le trafic de 1597, au contraire, est dominé par la Nouvelle Espagne.

  • 41 Cf. t. IV, p. 43, note 33.
  • 42 C. t. IV, p. 30-31.

53Une fois de plus, la supériorité en valeur des exportations vers la Terre-Ferme se trouve confirmée. Le contraste qui oppose l’orientation géographique du trafic en 1596 et en 1597 rend compte, en grande partie, du dénivellement des valeurs. Mais cette raison est-elle suffisante pour expliquer le contraste des valeurs, à contre-courant des volumes utiles entre 1596 et 1597 ? On peut en douter. La correspondance de la Casa de la Contratación renferme d’ailleurs, la clef de cette apparente contradiction. Il faut imputer la flambée de contrebande41 qu’a provoquée, en 1597, l’armada écrémeuse de Juan de Garibay et Francisco del Corral42.

  • 43 On notera, au passage, l’ampleur des marges et des flambées de fraude. On voit, ainsi, de quelle cr (...)

54Le décrochement à contre courant, du mouvement valeur, entre 1596 et 1597, est donc extrêmement précieux. Il vient appuyer d’arguments statistiques la dénonciation par les usagers de la flotte de Pedro Menéndez Marquez de la contrebande à bord de l'armada del Corral. Il dissipe les suspicions qu’une telle dénonciation aurait pu susciter. Les deux indications s’étayent parfaitement. Il n’y a, donc, pas lieu de les suspecter43.

55Cette grosse poussée de fraude — le mot n’est pas exact, il vaudrait mieux dire, ce gros relâchement de la pression fiscale — découle de la catastrophe de 1596. Elle montre l’armement et le négoce de Séville, admirablement habiles à compenser leurs pertes, au détriment du Roi, dans la mesure du possible.

56Le Roi ne s’est pas privé, de son côté, de faire payer au négoce de Séville, au maximum ses propres déboires. Juste et naturelle compensation. La grande banqueroute de 1596-1597, aura été, comme toujours, ressentie par le négoce dans l’Atlantique hispano-américain de Séville, mais ses conséquences ne sont pas immédiates. Il faut la placer, cette banqueroute, en tête, sans aucun doute, des responsables de la dépression, courte mais profonde, centrée autour de 1598-1599.

57La conjoncture des prix contribue à éclairer et à donner leur signification aux événements de 1597 et des années qui viennent.

  • 44 Cf. t. VI1. table 163. p. 362, et E. J. Hamilton, op. cit., p. 198-200 et 403 et ci-dessus, p. 1000 (...)

58Il est inutile de rappeler le creux des prix, dont le point bas est en 159544, les indices vrais restent en dessous de la moyenne jusqu’en 1597, inclusivement : 1595 : 93,43 % ; 1596 : 94,01 % ; 1597 : 98,25 %. C’est entre 1597 et 1598 qu’est situé (sur les indices des prix-argent et les indices nouveaux-castillans) le décrochement maximal. Si on admet, comme toujours, qu’il faut un hiatus de dix-huit mois à deux ans pour qu’un dérochement sur les prix se répercute sur les mouvements globaux, on conçoit que 1597,1598 et la plus grande partie de 1599 participent, encore, à la grande dépression qui court sur les prix de 1593 à 1597, avec vers la fin et au-delà, un peu décalé dans le temps, le moment où l’effet dépressif cumulatif maximal des prix se répercute sur le trafic, le creux de la vague des prix, sur le mouvement.

59Le creux de la vague qu’on ne doit pas hésiter à situer en 1598.

II — 1598-1599. LA DÉPRESSION MÉDIANE DU MOUVEMENT

60Entre une première fluctuation assez bien dessinée et une deuxième fluctuation qui apparaît plus rigoureusement encore, le cycle 1593-1604 est coupé par une zone déprimée dont les contours ne sont pas faciles à dessiner. Si son terme en 1599-1600 n’est pas douteux, on peut hésiter, par contre, à en marquer le point de départ, car les signes d’un malaise de plus en plus grave datent, en fait, de la fin de l’année 1595.

61Le creux médian, de toute manière, est très sensible, soit qu’on se borne aux années 1598-1599, soit qu’on y inclue 1597.

621598-1599 aligne, en Allers, un tonnage annuel moyen de 19 906 toneladas, avec 109 navires, contre 25 612,4 toneladas et 140,2 unités de 1593 à 1597, 22 628,2 toneladas et 95,2 unités de 1600 à 1604, et 23 417,9 toneladas et 116,2 navires pour l’ensemble de la période, de 1593 à 1604. Quel que soit le terme de comparaison choisi, le creux subsiste bien dessiné.

63Mais le creux subsisterait encore, en adjoignant 1597, dans la combinaison 1597-1599, avec 116,3 navires et 22 336,6 toneladas, tout comme il subsisterait dans la combinaison 1598-1600 ou, a fortiori, 1597-1600.

  • 45 Il est aboli, par contre, vis-à-vis de 1593-1597 (62,6 navires et 13 111,8 toneladas) et 1593-1604 (...)

64Pour les Retours, en raison de leur reprise depuis 1595, le creux (59,5 navires, 15 210 toneladas) ne subsiste plus que par rapport à 1600-1604 (63,2 navires, 16 478,2 toneladas)45, dans la combinaison 1597-1599, on retrouvera, sur toute la ligne, la dépression centrale, par rapport à tous les autres termes de référence.

65Sur les globaux Allers et retours, même dessin vigoureux de la dépression centrale, 1598-1599, avec un mouvement annuel moyen de 168,5 navires et 35 116 toneladas contre 201,8 navires et 38 724,2 toneladas de 1593 à 1597, 158,4 navires et 39106,4 toneladas de 1600 à 1604, et 178,58 navires et 39 281,6 toneladas, pour l’ensemble du cycle de 1593 à 1604. En y annexant 1597, on aurait, sur trois ans, 1597-1598-1599, un creux médian mieux dessiné, encore, avec une moyenne annuelle de 164,9 navires et 33 576,6 toneladas seulement.

66Cette dépression correspond globalement, d’une manière parfaite, au comportement des prix. 1595-1597 constitue le terme, sur les indices des prix, d’un long plateau déprimé.

67La période 1598-1599, mieux, 1597-1599, retrouve sur les mouvements globaux du trafic transatlantique le fond du creux de la vague des prix 1595-1597, au terme de l’effet cumulatif maximal, avec les deux années de décalage normal. Tandis qu’entre 1599 et 1600 se répercute le décrochement observé plus tôt sur les prix de 1597 et 1598.

  • 46 Cf. ci-dessus, p. 1033-1035.

68Le creux de la période 1598-1599, et plus encore le creux 1597-1599, correspond, aux Indes, à une défaillance du commerce avec la Nouvelle-Espagne46. C’est là, incontestablement, le fait essentiel. Il faudrait donc, relier, par un fil mal défini : palier des prix dans la péninsule ibérique, grosse défaillance du trafic sur trois ans entre Espagne et Amérique, épidémie et accident démographique de la population indienne nouvelle-espagnole..., le primum mobile, se trouvant, peut-être, au terme de l’énumération.

69Mais, s’il fallait situer, d’une manière plus précise, le centre de gravité de l’accident, c’est, sans doute, en 1598, qu’il faudrait le placer.

1598. — AU CŒUR DE LA DÉPRESSION MÉDIANE DU CYCLE

  • 47 Cf. t. VI1, table 159, p. 356.
  • 48 Cf. t. IV, p. 50-51.

70L’année 1598 se caractérise, premièrement, par un profond et insolite déséquilibre entre les Allers et les Retours (les Retours représentent 55,68 % des globaux47, contre 38,83 % seulement pour l’ensemble du cycle 1593-1604 et 43 % pour l’ensemble de la période 1504-1650), par une longue période d’inactivité dans le Guadalquivir qui dure pratiquement — si on excepte l'Armada de Luis Faxardo, relativement peu de choses48 — sur l’axe des Allers de juin 1597 à novembre 1598, par l’importance de l’ébranlement causé par la crise de la Nouvelle-Espagne — elle ne figure pas dans les départs de 1598 — et par la banqueroute de 1596-1597, par les modifications d’une présence anglaise qui continue à peser, tout en changeant de forme, tandis que la paix qui se prépare — Vervins, liquide, avec la présence espagnole en Bretagne, les dernières séquelles de la guerre française, — apporte aux gens d’affaires des espoirs pour l’avenir, en les incitant, dans le présent, à risquer le moins possible, dans l’attente de jours meilleurs.

1. Les leçons des mouvements globaux

71S’il faut commencer par elles, on peut affirmer qu’il faut plus que jamais, en 1598, les considérer avec beaucoup de méfiance et d’esprit critique.

  • 49 Cf. t. IV, p. 64-65 et p. 70, note 5.
  • 50 Cf. t. IV, p. 66.

72En effet, la distorsion Allers/Retours est une fausse distorsion. Toute l’histoire de la Carrière des Indes a été, dans l’immédiat, dominée par la longue immobilisation de Juan Gutierrez de Garibay aux Açores49, puis, par la longue attente de l'armada y flota de Pedro Menéndez Márquez50. D’où, l’interminable immobilisation, au départ, des navires, sous toutes sortes de prétextes, parce que, malgré la pression des autorités, armateurs et marchands sont paralysés par un complexe tissé de crainte pour l’immédiat et d’espoirs pour le lendemain.

  • 51 Cf. ci-dessus, p. 1037-1038.
  • 52 Cf. t. VI1, table 163, p. 362.

73a. En Allers. — En 1598, le volume des Allers est en nette régression. Cette progression n’est pas une illusion procédant des hasards du découpage annuel, puisqu’elle se maintient sur trois ans. On l’a vu déjà, en comparant les moyennes annuelles du creux médian avec les périodes encadrantes51 Il est bien évident que les 17 807 toneladas, 24 005 toneladas, 22 810 toneladas de 1598, 1599, 1600 sont très inférieures aux 27 815, 29 164, 28 825, 27 198 et 32 032 toneladas de 1593, 1594, 1596, 1597 et 1601. Il n’est pas moins symptomatique d’observer que sur trois années consécutives52 les chiffres vrais du mouvement restent en dessous, du trend, avec 75, 67, 98,44 et 94,78 % seulement.

  • 53 Cf. t. IV, p. 53.
  • 54 169,6 toneladas est, en effet, un chiffre bas comme le prouve la comparaison avec les moyennes des (...)

74Entre 1597 et 1598, le décalage est particulièrement sensible, de 131 à 105 navires (recul de 19,8 %) de 27 198 toneladas à 17 807 toneladas (recul de 39 %) et fait significatif, est accompagné d’un recul analogue du tonnage unitaire moyen des navires mis en cause, qui passe de 190,9 toneladas (1596), 207,6 toneladas (1597) à 169,6 toneladas en 1598. Cette situation s’explique par la médiocrité de l’unique flotte de l’année — destinée à la Terre Ferme relativement bien pourvue —, elle comprend, d’autre part, une proportion tout à fait insolite de navires destinés aux « parents pauvres » de la côte de Terre Ferme, Venezuela, la Marguerite, Rio de la Hacha, Maracaybo, voire... Carthagène53. Il y a, également, dans les départs de 1598, une proportion particulièrement élevée de navires négriers, sueltos. D’où ce recul momentané du tonnage unitaire des navires au départ54. Il implique un recul qualitatif, dont il ne faut tout de même pas exagérer l’importance.

  • 55 Cf. t. VI1, table 163, p. 362.

75Tout cela est corroboré, sur la série des pourcentages des chiffres vrais au trend55 par le brusque passage de 125,38 et 121,02 % (positions de 1596 et 1597) à un 75,67 % (1598), dont la signification est donnée par la faiblesse relative des niveaux qui suivent : 98,44 et 94,78 % (1599-1600) qui le suivent, comme nous l’avons déjà signalé.

76L’impression de malaise — de débouché dans une ère de marasme persistant — qui se dégage de ces chiffres très généreux n’est pas une illusion, elle est, encore, renforcée par la chronologie des départs. Le fait majeur reste : du 22 juin 1597 au 29 novembre 1598 (hormis des négriers, quelques avisos et l'armada très partiellement commerçante, seulement, de Don Luis Faxardo, avec ses 4 767 toneladas, sortie le 27 juin 1598), il n’y a aucune activité, dans le complexe portuaire en direction de l’Amérique. Un tel silence s’apparente aux pires périodes de l'Invincible ou de la grande récession intercyclique de la fin des années 50.

77b. En Retours. Face aux Allers, les Retours donnent une impression de prospérité, mais qui est, peut-être, usurpée. Il est exact, dans une certaine mesure, que, de 1595 à 1600, un jeu de compensation se soit opéré en faveur du mouvement Retours et qu’une masse particulièrement abondante de navires et de marchandises dans la direction Amérique-Europe donne à l’ensemble de la Carrière des Indes une sorte de fructueux coup d’épaule.

  • 56 Cf. t. IV, p. 64-65 et p. 70-71, note 5.

78Il est certain, d’autre part, que 1598 bénéficie, avec l'armada de plata de Juan Gutierrez de Garibay56, de quelques 4 600 toneladas immobilisées de longs mois aux Açores et qui auraient dû, normalement, contribuer à atténuer le creux de 1597.

  • 57 59,5 unités et 15 210 toneladas (1598-1599) ; 62,33 unités et 14 863,68 toneladas (moyenne de 1593 (...)
  • 58 Cf. t. VI1, table 163, p. 362.

79Quoiqu’il en soit, le creux de 1597 replacé, dans la trame des forts tonnages de Retours de 1595 à 1600 le mouvement Retours se redresse vigoureusement en 1598. De 27 navires et 3 300 toneladas, on passe de 91 unités et 22 370 toneladas, de 3 630 à 24 607 tonneaux, soit un progrès de 237 % sur le mouvement unitaire et de 577 % sur le mouvement volumétrique. Ce niveau de 91 unités et 22 370 toneladas est très supérieur au niveau moyen des Retours, dans toute la période57. En pourcentage au trend58, c’est très sensible, puisqu’on passe de 22,67 % à 166,75 % (par ordre d’importance, le troisième écart de tout le cycle). Même si on procédait au rabotage possible qui consisterait à attribuer le volume de l'Armada de Juan de Garibay de 1598 à 1597, 1598 resterait encore, avec ses sueltos et l’énorme convoi ramené par Pedro Menéndez Marquez, très nettement au-dessus du niveau de l’année précédente et des moyennes cycliques, puisqu’on passerait, encore de 35 navires 7 900 toneladas à 83 et 17 797 toneladas, soit un décrochement positif en volume de 125 %.

80Cette contre-épreuve ayant simplement pour but de nous prouver que nous ne sommes pas, en présence, d’une pure illusion. Comme toujours, en pareil cas, le gonflement du volume de l’année creuse —année sans Retours en convoi — à l’année forte, est accompagné d’un gonflement parallèle du tonnage unitaire des navires, sur l’axe des Retours. De 122,2 toneladas (moyenne de 1597), on passe à 235,9 toneladas, c’est-à-dire le tonnage des années à Retours importants (251,45 toneladas et 192,4 toneladas en 1595 et 1596). La conjoncture favorable de ces Retours nombreux aura, naturellement, un effet tonique, sur les Allers de 1599.

  • 59 Cf. ci-dessus, p. 1039-1040.
  • 60 Cf. ci-dessus, p. 1040-1041.

81c. En Allers et retours. — Le caractère toujours quelque peu perturbant des Retours retire au mouvement Allers et retours, au cours de cette période, un peu de sa signification habituelle. La position assez forte de l’année, sur les globaux, est due aux 55,68 % qu’y assument les Retours à l’intérieur du mouvement Allers et retours. D’où, en dépit d’un important et significatif affaissement des Allers59, une poussée considérable des globaux, de 158 à 196 navires (progrès de 29 %), de 30 498 à 40 177 toneladas (de 33 547,5 à 44 194,7 tonneaux), soit une progression de 31,7 %. La position de l’année par rapport au trend devient, de ce fait, légèrement positive (110,06 % contre 83,26 % l’année précédente). Même le refoulement des navires en Retour de l'Armada de Juan Gutierrez de Garibay de 1598 sur 1597, ne modifierait pas radicalement la position de l’année (188 navires au lieu de 196 navires, 35 577 toneladas au beu de 40 177 toneladas). L’avantage apparent de 1598 par rapport à 1597 serait, il est vrai, dans ce cas, réduit à bien peu de choses. 188 au lieu de 166 navires60, 35 577 au lieu de 35 098 toneladas. À noter que ces changements s’opèrent, sans modification notable du tonnage unitaire moyen des globaux : le tonnage unitaire moyen passe dans cette hypothèse de 191,4 toneladas en 1596 de 193,02 toneladas en 1597 et 205 toneladas en 1598.

82Tout cela n’empêche pas que l’authentique atmosphère conjoncturelle de l’année doit être cherchée sur le mouvement Allers, plutôt que sur les globaux.

2. Les raisons d’un marasme

  • 61 Cf. ci-dessus, p. 1035-1037.

83Les raisons du marasme si sensible sur les Allers de 1598 sont de plusieurs ordres, quelques-unes, celles, notamment, qui sont liées à la lourdeur des prix, plusieurs années durant61, ou aux effets d’un conflit persistant, ne sont pas propres à 1598 mais valent pour l’ensemble de la période du creux médian qu’on s’est efforcé de définir. D’autres, valables pour un temps plus court ont un effet plus limité, peut-être, mais plus déterminant.

84a. L’accident du marché nouvel-espagnol en 1597. — 1598 est tout entière sous le coup des événements de l’année précédente.

  • 62 Cf. t. IV, p. 66-67.
  • 63 Cf. t. VI1, table 166, p. 365.
  • 64 Cf. t. IV, p. 54-55.

85Tout d’abord, l’extraordinaire retournement de la situation sur le marché de la Nouvelle Espagne. Certes, la flotte qui a essuyé le désastre « économique » de 1597, n’est pas de retour avant la fin de l’année 1598, les premières arrivées à San Lúcar se situent le 27 septembre 159862. On en a été parfaitement averti, à Séville, dès la fin de 1597 et le tout début de 1598, par les avisos et navires sueltos. La preuve en est, dans la décision de ne pas préparer en 1598 de convoi vers la Nouvelle Espagne. Hiatus, tout à fait extraordinaire, au vrai, en raison du rôle de volant joué jusqu’à ce jour, traditionnellement, par la Nouvelle Espagne. Les départs en direction de la Nouvelle Espagne, en 1598, sont réduits à très peu de chose. 19 navires seulement, et 1 860 toneladas63, c’est le premier gros accroc observé en Allers, sur l’ensemble de l’axe complexe portuaire andalou-canarien/Nouvelle Espagne, depuis le creux fameux de 1592 (9 navires, et 660 toneladas). Pour pallier le refus des marchands et des armateurs privés de charger en direction de la Nouvelle Espagne, on aura eu recours, en 1598, à un expédient qui n’est pas sans rappeler l’expédient par lequel on avait pallié, en 1597, la destruction au port le 2 juillet 1596 de l'armada y flota de Don Luis Alfonso de Flores : c’est l’escadrille de 500 toneladas de Francisco del Corral64, qui rappelle, mais sur une échelle beaucoup plus restreinte, la demi-armada destinée en mars 1597, sous le commandement du même Francisco del Corral, à joindre la Nouvelle Espagne.

86La comparaison est parfaitement plausible, puisque, dans un cas comme dans l’autre, il s’est agi d’abord, d’assurer, en l’absence d’une flotte marchande régulière, le strict minimum de liaisons impériales sans lesquelles il n’y a pas de vie supérieure possible, au stade de l’État et de l’économie d’échanges à longue portée (au tout premier chef, l’approvisionnement en mercure qui conditionne la production minière). Mais, légitime, la comparaison ne doit pas masquer de profondes différences. En 1597, pour remplacer la flotte de Don Luis Alfonso de Flores, on envoyait 2 050 toneladas sous le commandement de Francisco del Corral ; en 1598, dix-sept mois après le départ de la flotte Menéndez Marquez, après un arrêt à peu près total de l’approvisionnement de la Nouvelle Espagne, l'Armada d’urgence de Francisco del Corral, seconde manière, n’aligne plus que 500 toneladas.

87Volonté formelle d’éviter d’alimenter le processus de la catastrophe de l’engorgement du marché de 1597, peu d’enthousiasme du négoce en face d’une Nouvelle-Espagne que l’on suppose encore encombrée. Mais il y a, peut-être, plus une volonté concertée de rétablir les positions perdues en créant en Nouvelle Espagne une pénurie susceptible de ressusciter les anciennes marges bénéficiaires. Nous avons déjà rencontré, tout au long de l’histoire de l’Atlantique de Séville, le schéma appelé à devenir classique d’un réflexe collectif « malthusien ». Il va devenir un des traits caractéristiques de la psychologie économique du commerce de Séville, au cours des années qui viennent et, de plus en plus clairement, au début du xviie siècle. Un tel comportement naît, presque spontanément, dans un marché de Monopole. On peut en fixer le point de cristallisation entre la fin de 1595 et 1598. Au cours de l’hiver 1595-1596, en effet, revient, avec une régularité troublante, dans la correspondance de la Casa de la Contratación, l’affirmation que les conditions du marché, ne sont plus, — en Nouvelle Espagne plus particulièrement, sur ce marché privilégié par sa régularité —, ce qu’elles étaient autrefois, l’idée, notamment, que les marges bénéficiaires n’atteignent plus les niveaux de jadis jugés, rétrospectivement, nécessaires.

  • 65 Dans l’état actuel de nos connaissances. Il n’est pas impossible que les travaux en cours, dans les (...)
  • 66 N’a-t-on pas eu, tout récemment, en 1597 (cf. ci-dessus, p. 1033-1035) l’occasion de vérifier l’exa (...)

88Cette réduction, pourtant capitale65 est, malheureusement, difficilement mesurable. On manque sur ce point, de séries de chiffres et les appréciations qualitatives sont toujours, dans ce domaine, particulièrement subjectives. Il n’y a pas lieu, toutefois, de douter à ce point des documents66. La plainte contre l’état du marché est trop bien localisée dans le temps, elle cadre trop bien avec une articulation du mouvement, pour qu’on puisse y voir un thème. Elle doit être prise au sérieux. La plainte contre l’engorgement des marchés aux Indes n’a, en effet, en aucune manière, revêtu, jusqu’à la fin du xvie siècle, dans nos documents, le caractère de thème, que revêt, parfois, à cette époque, le manque de bateaux de qualité, de gens de mer, ou le difficile acheminement du fret. Plus tard, beaucoup plus tard, à partir de la deuxième décade du xviie siècle, l’indication, parce que, souvent réitérée, devra être acceptée, certes, mais avec plus de méfiance. À son apparition entre 1596 et 1598, l’indication peut être prise et doit être prise argent comptant.

89Le choc provoqué par l’engorgement subit du marché de la Vera Cruz à l’automne 1579 a été, d’autant plus violent, que le phénomène était plus insolite et plus imprévisible. Il faudra plusieurs années, pour que le malaise soit dissipé, d’autant plus qu’à en croire nos sources, les anciennes conditions du marché ne seront jamais totalement retrouvées.

  • 67 Cf. ci-dessus, p. 1033-1035.
  • 68 Cf. t. IV, p. 22-23.
  • 69 Cf. t. IV, p. 70-71, note 5.

90b. Le difficile chemin des Retours. — On a vu pourquoi et comment les Retours de 1597 ont été insignifiants67. En fait, entre le 1er octobre 159668 et les derniers jours de février 159869, rien, pratiquement, ne rentre dans le Guadalquivir. Entre le 1er octobre 1596 et le 21 février 1598, de toute manière, aucun trésor, aucune rentrée de numéraire.

  • 70 Cf. ci-dessus, p. 997-999 ; 1012-1013.
  • 71 Cf. t. IV, p. 70-71, note 5.

91Cette situation particulière est due à toute une série de facteurs convergents : l’accélération du rythme de rotation des Retours, dans la période antérieure de 1595 et 1596, il n’y a pas à y revenir70, la paralysie de la navigation provoquée en 1597 par la présence de l’Anglais. Juan Gutierrez de Garibay s’est laissé coincer à la Tercera et il a fallu mobiliser toutes les forces de l’Espagne pour que les premiers bateaux de son convoi, que l’on pouvait espérer vers la fin de l’année 1597, arrivent dans le Guadalquivir à partir du 21 février de l’année suivante, en 1598. On lira ailleurs le récit des événements71, tiré de la correspondance de la Casa de la Contratación. Plus, peut-être, encore, que par la présence physique de l’ennemi, le retour de l'Armada semble avoir été entravé par la psychose de peur, d’hésitations, d’inhibition, que les événements de 1596 ont engendrée (le deuxième incendie de 1596 a été durement ressenti, il a porté, semble-t-il, un coup assez rude à la confiance que les hommes de la Carrera avaient en leurs moyens de protection militaire).

92Or cette défaillance totale des retours du 1er octobre 1596 au 21 février 1598 en fait, il vaudrait mieux dire la défaillance quasi complète des Retours du 1er octobre 1596 au 27 septembre 1598, (puisque les 4 600 toneladas de l'Armada de Juan Gutierrez de Garibay ne constituent, quand même, qu’un gros intermède entre ces deux vraies rentrées que sont, séparées par deux années pleines, les Retours de Francisco de Eraso, Pedro Menéndez Marquez, Bernardino de Avellaneda, d’une part, Pedro Menéndez Marquez, en 1598, d’autre part).

  • 72 Cf. t. IV, p. 71-73, note 6.

93Or, 1598 aura été, à Séville, l’année des déconvenues. Non seulement il aura fallu attendre jusqu’à la fin février 1598 l’argent de Gutierrez de Garibay qui, normalement, aurait dû arriver dès la fin 1597, après un voyage chargé d’angoisse et, peut-être, inutilement coûteux, mais il aura fallu, ensuite, passer par des transes analogues, pour le très gros et très précieux convoi de Pedro Menéndez Marquez72. Après un crochet combien coûteux et combien désastreux par Lisbonne, où toutes les marchandises précieuses, — on peut croire la Casa de la Contratación quand elle fait à ses supérieurs ce genre d’aveu —, se seront comme merveilleusement envolées.

94Retours retardés de plusieurs mois, Retours pour lesquels on a tremblé, Retours qui auront nécessité une coûteuse et insolite protection, Retours, enfin, qui auront profité, autant à Lisbonne et au Portugal qu’à Séville et à l’Espagne, telle semble bien être la caractéristique majeure des Retours des années 1597 et 1598. Cette conjoncture aura pesé, très lourdement, il va sans dire, sur les événements de 1598.

95c. Conséquences de cette situation : goulots anciens et problèmes nouveaux.

  • 73 Cf. t. IV, p. 58, note 8.

96Il est bien évident que les gens de Séville tirèrent merveilleusement parti de cette situation pour faire tramer les préparatifs des départs de l’année73, comme il y en a peu d’exemples dans l’histoire, pourtant fertile, sous cet angle, de la Carrera.

97Goulots anciens : la pénurie de gros navires. Quelques années plus tôt, une situation analogue n’aurait pas manqué de provoquer une extrême tension de la demande dans le secteur de l’armement et de provoquer une pénurie paralysante de navires.

  • 74 Cf. ci-dessus, p. 1040.
  • 75 Cf. t. VI1, table 183, p. 388.
  • 76 Cf. ci-dessus, p. 1040.

98La pénurie de navires est évoquée en 159874, encore, mais sous une forme restreinte, on parle simplement du manque de gros navires. La plainte est devenue presque trop classique pour qu’on la prenne étroitement au pied de la lettre. Il doit y avoir, pourtant, une part de vérité dans cette affirmation, si on note, d’une part, la chute assez nette du tonnage unitaire annuel moyen, de 207,6 toneladas en 1597 à 169,6 toneladas en 1598 et, plus significatif encore, la chute du tonnage unitaire moyen des navires dans la section des navires marchands de Séville75 qui comprend l’ossature de la navigation marchande en convoi, de 220,8 toneladas en 1597 à 163,8 toneladas en 1598. Tout comme dans le nombre insolite de petits navires76, incorporés à la flotte de Sancho Pardo Osorio. Cette situation — sur ce point, il n’y a pas de doute — est, naturellement, le résultat de la défaillance des Retours de 1597 et de la plus grande partie de l’année 1598. On peut douter, toutefois, du parti que marchands et Casa veulent en tirer. Il est peu vraisemblable que ce facteur ait eu une influence appréciable sur la lenteur de3 préparatifs des convois de l’année. Il y a donc eu une existence réelle, seule l’influence que la Casa de la Contratación lui prête, pour ses propres fins, est douteuse.

  • 77 Cf. t. IV, p. 58, note 8.

99Goulots anciens : le fret. — Les difficultés d’acheminement du fret sont bien évoquées, de ci, de là, encore, dans la correspondance de la Casa de l’année 159877, pour justifier les « cargadores », aux yeux du Consejo qui n’est guère dupe, des interminables retards successifs des préparatifs.

  • 78 E. J. Hamilton (op. cit. p. 339) confirme, encore que 1597 manque sur les séries andalouses. On not (...)

100Dès septembre 1597, on insistait sur deux aspects qui définissent assez bien la situation économique, au départ de cette interminable crise : abondance des pondéreux alimentaires, et notamment, du vin78, rareté de la « ropa menuda » en provenance de Flandre, d’Italie et de France. Cette situation est, évidemment, assez peu favorable, si on songe que la Terre Ferme, dont le commerce se distingue, sur ce point, de celui de la Nouvelle Espagne, est relativement peu preneuse des produits de la première catégorie, tandis qu’elle est friande de ceux du deuxième groupe. D’autant moins favorable d’ailleurs, qu’une modification fâcheuse va se produire progressivement au cours de l’année, modification sensible tant sur les séries des prix de Hamilton que perceptible dans la correspondance de la Casa de la Contratación.

  • 79 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 339.
  • 80 Cf. t. IV, p. 58, note 8.

101Le bon marché des produits alimentaires (de la fin de 1597) a, du moins, l’avantage de permettre un approvisionnement commode de la flotte, mais cette situation ne dure pas. 1598, à la différence de 1597, est une année de vivres chers, voire très chers79. Si bien qu’au cours des préparatifs, on verra apparaître la plainte traditionnelle du manque de « bastimentos »80. Les vivres ne sont chargés, à bord, par définition, qu’au dernier moment, si bien qu’à trop attendre, négocients et armateurs auront vu se détériorer une condition qui était bonne, au départ.

  • 81 Cf. ci-dessus, p. 1022.

102Mais, en réalité, ce manque de fret allégué, un moment, n’est pas la vraie raison de retard..., il n’est guère qu’une simple apparence. À la différence, en effet, de ce que l’on a vu récemment81, le manque de fret qui a pu peser, à certains moments, au début, notamment, de 1598, manque du fret cher, ne procède que très accessoirement d’un goulot physique. Le Guadalquivir n’est pas mal approvisionné, cette année. À certains égards, même, il est bien ravitaillé par les navires venant d’Europe des lieux d’approvisionnement qui sont en train de supplanter l’Espagne dans son rôle de pourvoyeuse. Ce qui semble manquer, par contre, aux négociants du Guadalquivir, au premier chef, c’est l’argent pour régler ces achats — et l’on retombe, ainsi, sur le problème des Retours — et peut-être, plus encore, le désir, face aux incertitudes du marché des Indes, d’engager de l’argent ou du crédit, dans une entreprise dans le succès de laquelle on n’a plus confiance.

  • 82 Cf. t. VI1, table 610, p. 870.

103Les problèmes nouveaux : l’engorgement des Indes. —Tout au long de l’abondante correspondance de l’année, c’est, peut-être, avec la hantise de l’Anglais, le grand problème. Hantise de l'amada anglaise. Elle paralyse les Retours, mais il est impossible qu’elle n’agisse pas, directement, sur les Allers. Problème essentiellement psychologique, comme le prouve la faible proportion des pertes présumables depuis 159682. Mais les résultats sont les mêmes, que la cause soit physique ou, essentiellement, psychologique.

104Cette hantise de l’ennemi participe elle-même à autre chose, qui définit bien l’atmosphère de l’année, le manque général de confiance. Manque de confiance, d’abord, dans les perspectives du marché nouveau espagnol. Les nouvelles de l’effondrement-surprise de 1597 ont filtré par le truchement des sueltos et des avisos. La correspondance de la Casa laisse deviner le mécanisme de l’obstruction : les marchandises sont arrivées, elles sont disponibles sur le marché andalou, mais les cargadores ne mettent aucun empressement à les acheter, sous divers prétextes. Les cargadores refusent d’acheter parce qu'ils manquent d’éléments pour apprécier les besoins réels des Indes — en phase d’expansion et d’euphorie, les cargadores s’en tirent plus simplement par un pari optimiste. Ce pari, ils se gardent de le faire par crainte de rééditer l’expérience de 1597 — parce qu’ils n’ont pas récupéré les sommes engagées dans le précédent circuit commercial, parce qu’ils craignent l’ennemi, tant à l’Aller qu’au Retour.

  • 83 Cf. ci-dessus, p. 1043.

105Peut-être, aussi, parce qu’en faisant traîner, sciemment, en longueur, les préparatifs de la flotte de Terre Ferme, mais le mobile, ne sera pas avoué, ils n’auront pas à mettre sur pied une nouvelle flotte de Nouvelle Espagne. Si on songe au hiatus insolite qui sépare le départ de la flotte de Pedro Menéndez Marquez, le 22 juin 1597, du départ de la flotte de Juan Gutierrez de Garibay, le 11 juin 1599, au caractère infime de l’escadrille de remplacement83 de Francisco del Corral, on ne peut pas écarter l’idée d’une volonté de défense mais aussi de représailles, à l’égard d’une Nouvelle Espagne qui a failli à ses devoirs.

106Et tout au long des lettres de l’année, on voit revenir avec beaucoup d’insistance, le thème d’un insolite, d’un incompréhensible engorgement du marché aux Indes ; tandis que la foi aux pactoles commerciaux d’Amérique reçoit, en 1597-1598, ses premières graves atteintes.

107Les problèmes nouveaux : les Retours et la fraude. — Faut-il parler, à ce propos, de problèmes nouveaux ? Étant donné l’ancienneté de la fraude dans la Carrera, une telle affirmation pourra paraître paradoxale.

  • 84 Cf. t. IV, p. 59-60, note 8.

108En fait, il semble que 1598 ait vu se développer la fraude aux Retours, sur une échelle tout à fait exceptionnelle. C’est, tout d’abord, le séjour de l'Armada de Juan Gutierrez de Garibay aux Açores. On sait, par ailleurs, que de tels séjours sont toujours propices aux fuites. Mais c’est, surtout, le crochet de l'armada y flota de Pedro Menéndez Marquez à Lisbonne qui est décisif. La nouvelle de la sortie d’une prétendue armada anglaise84 est à l’origine du crochet par Lisbonne. L’armada anglaise qui doit empêcher la flotte de gagner, directement, le Guadalquivir est au large de Puerto-Rico. On peut n’y voir que l’effet du mirage engendré par la crainte si puissante de l’Anglais, en ces années, encore. Le prétexte, pourtant, est apparu un peu gros, même à la peu suspecte Cada de la Contratación, qu’on ne risque pas d’accuser de partialité à l’encontre des fraudeurs. Il est vrai que la haine des Portugais aide agents et officiers de la Casa à se montrer plus fidèles à leurs devoirs, du moins plus loquaces qu’ils ne le sont à l’accoutumée.

  • 85 Cf. t. IV, p. 59-60, note 8 et p. 71-73, note 6.

109Quoiqu’il en soit, à tort ou, sans doute, avec quelque raison85, les Portugais sont accusés d’avoir attiré la précieuse flotte tant attendue de Pedro Menéndez Marquez, puis de l’avoir retenue sous toutes sortes de faux prétextes, — l’ennemi a bon dos. Arrivée à Lisbonne, le 9 septembre, à San Lúcar, le 27 septembre, on peut estimer que son inutile crochet l’a retardée d’un mois. Nous pouvons supposer, nous qui n’avons pas les mêmes raisons que les oficiales de la Casa de charger les seuls Portugais, que la manœuvre a réussi, dans la mesure où il y avait, à bord du convoi de Pedro Menéndez Marquez, des complicités tout acquises. La Casa nous invite à le penser, quand elle constate qu’au cours du séjour à Lisbonne, tout ce que la flotte renfermait de prix, s’est envolé comme à plaisir.

110Cet aveu pour nous est capital.

  • 86 Cf. t. I, p. 111-113.
  • 87 Cf. t. VI1, table 163, p. 362.

111Capital, parce qu’il n’est pas suspectable. Tout ce que nous savons de la Casa alliée des marchands86, incite à prendre ce témoignage au pied de la lettre. Il en résulte que les affaires faites par la flotte de Pedro Menéndez Marquez avaient été, sans doute, moins mauvaises qu’on ne l’avait craint, de prime abord. Puisqu’elles avaient alimenté, tout compte fait, les Retours d’une masse que nous savons, par un aveu indirect, considérable. Mais on comprend, en outre, que la masse énorme des Retours de 1598 n’a pu avoir sur les Allers de 1599, toute l’action que son volume aurait pu laisser espérer a priori. L’énormité de l’écoulement de richesse par Lisbonne, la capture portugaise, l’injection dans d’autres circuits des métaux précieux rapportés par l'armada y flota de Pedro Menéndez Marquez en 1598, constitue une composante majeure de la conjoncture de 1599. On comprend que les Allers de 1599 soient restés, dans ces conditions, à un niveau assez restreint (98,44 % du trend, seulement, entre 75,67 % et 94,78 % pour 1598 et 1600)87.

  • 88 Cf. t. IV, p. 30 et ci-dessus, p. 1047.
  • 89 E. J. Hamilton, 1501-1650. op. cit., p. 34-35.
  • 90 On se tient à mi-chemin, on l’a vu déjà (cf. ci-dessus, p. 911), de l’excès d’optimisme de Hamilton (...)

112Ces faits, en outre, ont l’avantage de montrer que le système fiscal en usage dans l’Atlantique espagnol a subi une sensible détérioration à la hauteur des années 1596-1598. Ce furent, coup sur coup, des aventures se répercutant en chaîne comme celle de l'armada de Juan de Garibay et Francisco del Corral88 et des Retours par Lisbonne, de Pedro Menéndez Marquez, en 159889. Des faits de cette envergure, se succédant à moins de dix-huit mois d’intervalle, tels qu’on ne leur trouverait pas d’équivalent dans la période antérieure, poruvent qu’il y a quelque chose de changé. Ce sont, sans conteste, les premiers signes, d’un système, qui, sous l’angle de l’autorité de l’État, commence à se dissocier. Premiers craquements dans un édifice solide. Mais il y a plus. Puisque toute approche du mouvement-valeur dépend de la fiscalité, il ne faudra pas omettre cette réalité, quand on voudra utiliser les données du mouvement valeur et notamment comparer la deuxième partie du cycle, sous cet angle, avec la première, mais surtout ne pas oublier les événements de 1598 pour la critique éventuelle de la courbe de Hamilton des importations officielles des métaux précieux90.

  • 91 Cf. ci-dessus, p. 911.

113Le renversement de la tendance majeure des importations des métaux précieux de placerait entre la demi-décade 1591-1595 et la demi-décade 1596-1600 — courbe des importations officielles, bien sûr, mais non pas des exportations réelles de l’Amérique sur l’Europe. Le problème essentiel consiste à obtenir la clef permettant de passer de l’approche fiscale à la réalité économique-clef, à savoir, les importations réelles des métaux précieux du Nouveau Monde par l’Ancien Monde. Pour Hamilton, le passage de l’un à l’autre ne fait pas de difficulté. La première série donne avec une marge d’erreur à peu près constante de moins de 10 %, les séries des importations réelles et, peut-être, aussi, des exportations totales de l’Amérique vers l’Europe. Sur ce point et sur ce point, seulement, nos positions divergent. Il ne nous est pas paru raisonnable de partager l’optimisme de E.J. Hamilton91.

  • 92 Cf. t. VI1, table 183, p. 384-387.

114Les événements de 159892 tendent bien à prouver que la marge de fraude n’était pas constante, elle se sera beaucoup accrue, entre la demi-décade 1591-1595 et 1596-1600, notamment, Elle a toujours dépassé, vraisemblablement, à partir de 1595 surtout, la marge de 10 % à l’intérieur de laquelle Hamilton a voulu l’insérer.

115De ce fait, étant donné, la poussée de fraude de la dernière demi-décade du xvie siècle, étant donné la très faible différence sur la courbe des importations « officielles » des trésors en Espagne, 35 184 862,5 pesos à 450 maravedís de 1591 à 1595, 34 428 500,5 pesos à 450 maravedís de 1596 à 1600, il est raisonnable de repousser, au-delà, sur la courbe des exportations réelles des métaux précieux d’Amérique en direction de l’Europe, la date du renversement de la tendance majeure, au minimum de cinq ans, après la demi-décade 1596-1600 qui a dû dépasser la demi-décade précédente. Il n’est pas impossible, non plus — il est presque plus vraisemblable — que le niveau de 1596-1600 (que nous considérons comme dépassant légèrement, en réalité, 1591-1595) ait été égalé, au moins en 1606-1610 et, peut-être encore, en 1616-1620. Ainsi corrigée, la courbe des exportations des métaux précieux est beaucoup plus conforme à la courbe du mouvement volumétrique et aux indications contenues dans la correspondance de la Casa de la Contratación. Il faudra tenir compte de cette correction quand on comparera la seconde fluctuation primaire du cycle à la première.

116d. Ventilation interne du mouvement et mouvement en valeur. Pour situer, enfin, aussi exactement que possible la position de 1598, on aura recours, pour finir, à la ventilation entre les différentes grandes articulations internes du mouvement au départ du complexe portuaire.

  • 93 Cf. t. IV, p. 50.
  • 94 Cf. t. IV, p. 30.

1171598 risque d’apparaître, quant au volume, dans une position très inférieure, très en contrebas de 1597. Le mouvement d'Armada, en effet, est en léger recul, 10 navires au lieu de 14, 4 767 toneladas au lieu de 5 310, mais, surtout, rien ne permet d’avancer que les navires d'armada de 1598 ont eu une fonction économique aussi dominante que ceux de 1597. L'Armada de Don Luis Faxardo, notamment93, n’a pas provoqué de réactions aussi vives que celles, en 1597, de Juan de Garibay et Francisco del Corral94. On peut donc estimer légitimement que la réduction de la quantité et des valeurs des marchandises transportées dépasse, entre 1597 et 1598, sensiblement le décrochement de 10 % dégagé par le calcul.

118Réduction radicale, dans le même temps, du volume des Caditains de 13 à 5 bateaux, de 3 385 à 1 040 toneladas (soit une chute de 69 %). Recul sensible sur un axe qui met en cause d’importantes valeurs économiques.

119Comme en 1597, pas de Canariens « officiellement » acceptés, gonflement, par contre, des négriers de signification relativement secondaire, de 37 à 43 navires, de 3 700 à 4 300 toneladas (progrès de 16,2 %). On notera surtout le gonflement de la part des négriers par rapport à l’ensemble des départs. Ils représentaient 13 % de l’ensemble des départs en 1597, ils représentent, maintenant, en 1598, près de 25 % du total. Proportionnellement, leur part a doublé, ce qui constitue le contraire même d’un facteur favorable.

  • 95 Cf. ci-dessus, p. 1039-1040.

120Ce comportement des éléments, économiquement, les moins importants du trafic explique, par contre, l’ampleur du repli sur l’axe essentiel : les navires marchands de Séville. Au lieu d’un recul de 34 %95 entre 1597 et 1598, sur l’ensemble des départs, on est en présence d’un retrait de près de 50 %, de 67 à 47 navires, de 14 793 à 7 700 toneladas (soit très exactement, 47,9 % sur la courbe du tonnage). Ce retrait est d’autant plus significatif qu’il est accompagné d’un mouvement de repli qualitatif analogue. C’est la qualité même des navires qui est en cause puisque le tonnage annuel moyen sur l’axe des navires marchands de Séville passe de 220,8 toneladas (contre 207,6 toneladas pour l’ensemble de l’année), en 1597, à 163,8 toneladas (contre 169,6 toneladas pour l’ensemble de l’année) en 1598. À tous égards, il y a, donc, un recul qualitatif du matériel utilisé en 1598, sur l’axe essentiel des navires marchands de Séville. Le recul du tonnage unitaire des navires ayant été plus rapide encore, sur l’axe essentiel des marchands de Séville — où il est, à l’ordinaire, pourtant, supérieur à la moyenne — que sur l’ensemble du mouvement Allers.

121De toute manière, on peut en déduire, à ne regarder que la façon dont les navires se répartissent au départ entre les différents axes du complexe portuaire, une baisse de l'efficacité des exportations de 1598 par rapport à 1597 de l’ordre de près de 50 %.

  • 96 Cf. t. VI1, table 182, p. 384-387 et tables 226-227, p. 471-473.

122C’est alors, qu’une fois de plus, intervient la fructueuse surprise du mouvement en valeur96. On attendrait un tassement, de 1597 à 1598, de la valeur présumée des exportations. On les voit passer, au contraire, de 1 335 380 178 maravedís (en 1597) à 1 483 488 181 maravedís (en 1598). Étant entendu, de toute manière, qu’il ne peut s’agir, tout au plus, que d’indications de tendance et non de niveau.

123Que peut signifier pareille distorsion ?

  • 97 Cf. ci-dessus, p. 1042-1044
  • 98 a. t. IV, p. 30.

124Elle confirme, tout d’abord, ce qu’on a déjà vu97 l’extrême poussée de fraude, sur l’armada de galcones, allant en Terre-Ferme, en mars 1597, de Juan de Garibay et de Don Francisco del Corral98 (et, plus particulièrement, sur les 2 060 toneladas qui vont en Nouvelle Espagne, sous le commandement de Don Francisco del Corral, ces porteurs de très lourdes et de très graves perturbations). Elle corrobore, aussi, une fois de plus, l’opposition Terre Ferme-Nouvelle Espagne. Quelle que soit la médiocrité des départs en direction de la Terre-Ferme en 1598, ils représentent une valeur égale, voire légèrement supérieure, aux masses, pourtant beaucoup plus importantes qui vont en 1597, essentiellement, en Nouvelle Espagne. Une fois de plus éclate, par conséquent, la supériorité qualitative des exportations en direction de la Terre Ferme. Elle est capable de masquer, une fois encore, en valeur, la grande dépression centrée sur les Allers en 1598.

125Ceci ne saurait rien modifier du jugement que l’on doit porter sur 1593. Au cours d’une période de crises graves, d’adaptations lourdes de conséquences et de modifications structurelles, 1598 marque le fond d’un creux, que 1599 n’est pas capable d’effacer d’un seul coup.

1599 : CONTINUATION DE LA CRISE

126Parmi les facteurs qui ont pesé sur la conjoncture de 1599, au tout premier rang, une lourdeur longtemps écrasante des prix — avec la difficulté supplémentaire que constitue le début d’une reprise, au moment où le capital ne s’est pas encore reconstitué par la hausse, tandis qu’il faut payer cher pour l’exportation des marchandises que, jusque-là, on se procurait à bon compte — les séquelles, aussi, de la banqueroute de 1598-1599,... tous ces facteurs continuent d’agir, en 1599, si bien que la conjoncture de l’année s’apparente encore beaucoup à l’atmosphère de lourdeur et de marasme persistant qui a recouvert la plus grande partie de 1597 et la totalité de 1598.

127C’est cette atmosphère de marasme persistant, que l’on essayera de préciser, non sans nier, pourtant, les facteurs qui permettent de dégager, en profondeur, le cheminement d’un travail qui prépare les futures reprises.

1. Les leçons du mouvement global

  • 99 Cf. ci-dessus, p. 1040.

128a. En Allers. — En Allers — on sait que c’est l’axe du mouvement qui importe le plus — la reprise est sensible : de 105 navires à 113 navires, de 17 807 toneladas (19 587,7 tonneaux) à 24 005 toneladas (26 405,5 tonneaux), soit un progrès de 7,6 % seulement sur le mouvement unitaire, mais de 34,9 % sur l’expression en tonnage. Il y a eu, donc, dans le même temps, effacement du creux du tonnage unitaire, qui passe de la position anormale de 169,6 toneladas (163,8 pour les seuls navires marchands de Séville99) à des niveaux beaucoup plus proches des moyennes désormais courantes, 212,4 toneladas en 1599, entendez, plus même qu’au cours des années précédant le creux de 1597, soit 207,6 toneladas (1597) et 190,9 toneladas (1596). Le tonnage unitaire moyen des navires marchands de Séville — on notera un retour à la normale, également, sur ce point — dépasse substantiellement, avec 238,9 toneladas, le tonnage unitaire moyen de l’ensemble de l’année (212,4 toneladas). Tous ces éléments de reprise et, au tout premier chef, peut-être, cette importante augmentation du tonnage unitaire de 29 % — avec ses 212,4 toneladas, il est plus aligné sur le tonnage unitaire moyen des Allers de la seconde fluctuation (233,5 toneladas) que sur ceux de la première fluctuation (181,82 toneladas) ou du creux médian (182,62 toneladas) — s’expliquent par les Retours de 1598 et montrent clairement que le problème du tonnage, malgré certaines plaintes qui subsistent encore, de ci de là, par vitesse acquise, dans la Carrera, est désormais largement dépassé.

  • 100 Cf. ci-dessous, p. 1056-1068.

129On verra ultérieurement100, d’ailleurs, dans quelle mesure, il importe ou non de prendre ces données argent comptant, dans quelles proportions cette augmentation est imputable aux éléments supposés les meilleurs du trafic, à l’Aller.

130Malgré tout, l’augmentation du trafic n’abolira pas, pour autant, l’impression déjà observée de marasme prolongé. Le niveau de 1599 reste inférieur toutes choses étant égales, au niveau de 1593, 1594, 1597, voire même, au nombre des navires mis sur pied en 1596, il s’en faut, d’environ 16 à 18 %.

  • 101 Cf. t. VI1, table 163, p. 362 ; t. VII, p. 52-53.

131Le niveau des Allers de 1598, quel que soit le coup d’épaule donné par la nœud des Retours de 1598, reste en dessous du trend101 : 98,44 % par rapport à la moyenne supérieur, certes, au niveau (75,67 %) de 1598, un peu supérieur aux 94,78 % de 1600, mais sans parvenir, pourtant, malgré de : conditions extérieures très favorables, à dépasser ni même à égaler les 100 % le niveau de la moyenne (le trend — est-il besoin de le rappeler ? — est dépasse quatre fois, en cinq ans, lors de la première fluctuation 1593-1597).

132L’amélioration de la situation des Allers, en 1599, par rapport au creux central de 1598, reste donc très relative sans qu’on ait besoin de faire entre ; en ligne de compte d’autres facteurs que ceux fournis par le découpage annuel des mouvements globaux. Beaucoup plus grave, par contre, encore, la situation des Retours.

  • 102 Cf. t. VI1, table 159, p. 356.

133b. En Retours. — Les Retours ont joué, dans la conjoncture de 1598 un rôle dominant. C’est ce qu’indiquait la proportion des Retours dan : l’ensemble du mouvement Allers et retours102, en 1598, 55,68 % du total ; en 1599, de 55,68 %, la proportion des Retours tombe à 25,12 %, tandis que dans le même temps, la part des Allers passe, naturellement, de 44,32 % à 74,88 %.

134De 1598, en effet, à 1599, le niveau des Retours est passé de 91 à 28 navires, de 22 370 toneladas (24 607 tonneaux) à 8 050 toneladas (8855 tonneaux), soit des décrochements négatifs respectifs de 69,2 % sur le mouvement unitaire et de 64 % en tonnage.

135Le comportement du tonnage unitaire du mouvement Retours indique, tout de suite, un phénomène différent du phénomène survenu en 1592, en 1594 ou en 1597. En effet, il revient 28 navires en 1599, c’est, à très peu de choses près, le même nombre qu’en 1597 (27 bateaux en 1597 au lieu de 28 en 1599) ou qu’en 1594 (25 navires, cette année, au lieu de 28 en 1599). Seulement, alors que les 25 navires de 1594 totalisaient 2 390 toneladas, alors que les 27 navires de 1597 représentaient 3 300 toneladas, les 28 bateaux de 1599 représentent 8 050 toneladas (8 855 tonneaux), soit entre 1598 et 1599, une paradoxale augmentation du tonnage unitaire moyen des navires de 235,9 toneladas à 287,5 toneladas.

136Le creux des Retours de 1599 n’a donc rien à voir avec les creux précédents. Le tonnage unitaire moyen contrastait, par exemple, avec celui des années encadrantes, opposant ses 122,2 toneladas aux 251,45 toneladas, 192,4 toneladas et 235,9 toneladas de 1595, 1596 et 1598.

  • 103 Cf. t. IV, p. 50-51 et 88-89.

137À la différence, en effet, de ces creux précédents, qui, à la suite d’un blocage général des convois hivernant à la Havane, ne laissaient filtrer que des sueltos perce-blocus, les Retours de 1599 sont formés par les navires de l'Armada de la Guardia de la Carrera de las Indias de Don Luis Faxardo103, à laquelle sont venus s’agglutiner quelques navires épars. Retours difficiles, mouvements tôt placés dans l’année, en mars 1599, mais Retours en convois, autour de la charpente puissante de l'Armada de la Guardia. La situation comme on peut en juger n’a rien de commun avec celle des creux accidentels de 1592-1594-1597.

  • 104 Cf. t. IV, p. 50 sq. ; p. 104 sq.

138L'Armada y flota de Sandro Pardo Osorio, partie de Cádiz, le 29 novembre 1598, aura manqué son retour en 1599, peut-être, par suite de la pusillanimité de ses chefs paralysés par la présence d’un ennemi nouveau dans l’Atlantique hispano-américain, le Hollandais, paralysés aussi, tout autant, peut-être, par des souvenirs... Après hivernage, son retour à San Lúcar est différé jusqu’au 13 mai 1600104.

  • 105 Cf. ci-dessus, p. 1042-1045.
  • 106 Cf. t. VI1, table 163, p. 362 ; t. VII, p. 52-53.

139Cette situation fait l’originalité de 1599. Elle montre combien on est maintenant en pleine époque de reprise du mouvement Retours, malgré un raté, séquelle du départ scandaleusement différé et frauduleusement retardé en 1598 du convoi de Sancho Pardo Osorio105. Le fléchissement des Retours de 1599, moins uniquement accidentel que les creux beaucoup plus profonds des années précédentes a, peut-être, plus de poids pour aider à préciser les coordonnées de l’année. Il traduit, à la fois, l’amélioration des modalités du trafic, dans le sens Amérique-Europe et un malaise à court terme, imputable à l’atmosphère de l’année. Par rapport au trend, 1599 est bien enfoncé106 avec une position relative de 52,86 % entre les 166,75 % et 176,27 % de 1598 et de 1600. 52,96 % (soit 47,14 % d’écart à la moyenne) c’est, évidemment, beaucoup, mais c’est bien peu comparé aux positions relatives de 7,40 %, 5,09 %, 16,92 et 22,61 % de 1590,1592,1594 et 1597, soit des écarts de 92,60 % 94,91 %, 83,08 et 77,39 %.

140Le demi-raté de 1599 se répercutera quelque peu sur les Allers de 1600, empêchant, ainsi, la reprise d’être aussi énergique et rapide qu’elle aurait pu l’être.

141c. En Allers et retours. — La déroute partielle des Retours masque et au-delà la substantielle avance des Allers, si bien qu’il y a gros fléchissement, entre 1598 et 1599, sur les globaux Allers et retours, de 196 à 141 navires, de 40 177 toneladas (44 194,7 tonneaux) à 32 055 toneladas (35 260,5 tonneaux), le décrochement a été, respectivement, de 28 % et de 20,8 %. C’est pourquoi, à suivre trop exclusivement les données du mouvement global, Allers et retours, on pourrait être tenté de placer le centre du creux médian en 1599, alors qu’il se situe mieux en 1598. Non, certes, que le repli des Retours de 1599, fort différent — on l’a vu — des creux imputables au rythme pour un temps biennal du flux Retours de 1592 à 1597, fût dépourvu de signification conjoncturelle, les Allers l’emportent, toutefois, et c’est leur leçon qu’il faut suivre.

  • 107 Cf. ci-dessus, p. 1054-1055.
  • 108 Cf. t. VI1, table 163, p. 362.

142Sur l’ensemble de la série Allers et retours, la position de 1599 rappelle un peu celle de 1597, provoquée par l’association d’un niveau Allers relativement élevé et d’un niveau Retour déprimé (avec toute la différence, on l’a vu107 qui sépare sur les Retours la position de 1598 et celle de 1599). Par rapport au trend108, on passe de 110,06 %, position de 1598 (position dépourvue, d’ailleurs, de bien grande signification puisque engendrée par un niveau exceptionnellement élevé des Retours, sans particulière signification conjoncturelle) à 81,84 % qui traduit beaucoup mieux, incontestablement, la vraie position de 1599 (que la position relative 110,06 % ne le fait de 1598).

143On notera, également, en 1599, sur les Allers et retours, une augmentation sensible du tonnage unitaire moyen. L’évolution est, sur ce point régulière, : 191,4 toneladas en 1596, 193,02 toneladas en 1597, 205 toneladas en 1598, 227,34 toneladas en 1599 et le tonnage unitaire moyen de 1599 est, désormais, très près, avec 244,3 toneladas, du tonnage unitaire moyen de la dernière fluctuation primaire du cycle (1600-1604), beaucoup plus proche, donc, de la moyenne unitaire de la seconde fluctuation que la première fluctuation (190,9 toneladas de 1593 à 1597).

144De tout cela, on peut présumer que la conjoncture lourde de 1598 se prolonge sur 1599. Une étude plus poussée ne contredira pas ce premier verdict.

2. Conjoncture lourde et signes confus de reprise

145Une analyse attentive de la situation dans l’Atlantique fera alterner facteurs favorables et facteurs défavorables, avec, incontestablement, antériorité des premiers.

  • 109 Cf. ci-dessus, p. 871-876.

146a. L’importance de la Terre Ferme. — L’analyse des départs de l’année confirmera pleinement l’importance exceptionnelle, un peu à contre courant, de la Terre Ferme dans la hiérarchie des différents secteurs géographiques des Indes, un peu à contre courant dans une phase où, on l’a vu109, la Nouvelle Espagne prend, normalement, le pas, en volume. Convient-il de rappeler le pourcentage de la Terre Ferme à l’Aller, au cours du creux médian du mouvement, 55,6 % en volume entre 1598 et 1599, 59 % en unités, contre, respectivement, 38,6 % et 40 % de 1593 à 1597, 34,1 % et 38,5 % de 1600 à 1604, 39,3 % et 42,8 % de 1593 à 1604.

  • 110 Cf. t. IV, p. 50-51.
  • 111 Cf. ci-dessus, p. 1039-1046.
  • 112 Cf. t. IV, p. 50-51 sq.
  • 113 Cf. t. IV, p. 74-75.

147Cette importance presque insolite de la Terre Ferme est soulignée, encore, par la chronologie des départs : 23 juin 1598, départ en direction de la Terre Ferme110 d’une armada (de caractère militaire, certes, mais dont le rôle économique, pourtant, n’est pas douteux111), 27 octobre-29 novembre 1598, départ de la puissante flotte de Terre Ferme du Capitaine général Sancho Pardo Osorio112, 21 janvier-2 février 1599, départ de l'Armada de la Guardia de la Carrera de las Indias, capitaine général Don Francisco Coloma, amiral Juan de Urdayre113. C’est donc, pratiquement, 24 000 toneladas qui ont pris la mer en direction de la Terre Ferme en l’espace de sept mois, en trois convois consécutifs.

  • 114 Cf. t. IV, p. 82, note 1.

148Particulièrement symptomatique l'Armada de Francisco Coloma et Juan de Urdayre. Bien sûr, elle est loin d’être totalement armada de Terre Ferme. Elle est officiellement chargée, d’abord, de nettoyer la Méditerranée américaine, une fraction touchera même la Vera Cruz. Elle est, pourtant, pour l’essentiel, en Terre Ferme. Elle n’est pas intégralement commerciale, économique, on peut même estimer qu’une bonne partie de ses vingt navires (liste qui n’est peut-être pas limitative, il s’agit d’un minimum114 et ses 5 335 toneladas ont bien été employés à des fins militaires. Ces navires ont nécessairement transporté des marchandises — tout ce que l’on peut savoir de la Carrière des Indes le laisse à penser — et la plus grosse partie de ces marchandises auront gagné la Terre Ferme.

  • 115 Cf. t. IV, p. 82, note 1, lettre du 25 janvier 1599. (Ct. 5170, Lib. X, f° 341.)
  • 116 Cf. t. IV, p. 88 sq.
  • 117 Cf. t. IV, p. 74-75.
  • 118 Les navires s, r, m, n, r, s, soit six noms sur quinze connus. On sait que ces appellations profane (...)
  • 119 Jakob Heinrich, évidemment. On peut retrouver trace de quelques-uns de ces hommes dans le très beau (...)
  • 120 Cf. t. IV, p. 82 et 83, notes 1 et 3.

149La préparation et, finalement, la concrétisation, dans un temps relativement court, de cette puissante armada, n’ont pas été chose aisée. La Casa le dit dans une lettre au Consejo115 et on peut l’en croire, parce qu’il a fallu la mettre sur pied avant le retour de l’argent et, plus grave, peut-être, encore, avant le retour des navires porteurs de l’argent116. Coloma et Urdayre partent entre le 21 janvier et le 2 février, Don Luis Faxardo ne rentre pas avant le courant du mois de mars de la même année 1599. L'Armada Coloma-Urdayre représente, donc, une injection dans la Carrera d’un sang nouveau. Ce dont il faut s’émerveiller, ce n’est point tant des difficultés surmontées, au demeurant, assez faciles à concevoir, que de la rapidité, avec laquelle elles l’ont été. De ces difficultés, on a, d’ailleurs, d’autres preuves moins suspectes que les jugements de la Casa, toujours un peu cause et partie en ces affaires, dans la composition même de l'armada117. La liste qui a été reconstituée, malgré le caractère fragmentaire de ces indications, révèle la proportion tout à fait anormale, dans une armada, du personnel et du matériel étrangers. Les urcas, felibotes et la plupart des zabras sont, à coup sûr, des navires étrangers. Les noms laïcs le corroborent, el Leoncillo rojo, el Unicornio, La Ramberge, Sierpes, El Cuerbo Volante, El Cazador118. On n’aura, aucun doute, non plus, sur le propriétaire de l'Unicornio (un sur trois connus), Jacome Enriquez de Hambourg119, dénommé, selon l’usage, en un gracieux germano-espagnol. Pas de doute, non plus, sur l’anodin San Julian, le navire, pourtant, de Champlain120. Tout compte fait, c’est à près de la moitié que se chiffre, avec certitude, la part des étrangers. Dans une armada, semblable proportion, à cette époque, est proprement un scandale, D’où, pour nous, une indication.

  • 121 Cf. ci-dessous, p. 1285 1287, 1348-1351.
  • 122 Il ne s’agit, naturellement, pas de nier la signification militaire de l'Armada Coloma-Urdayre, mai (...)

150La rapidité avec laquelle elle a été mise sur pied, aussi vite, contre vents et marées, constitue, aussi, une très valable indication. Serait-ce un signe de très loin anticipé d’une reprise et d’un certain dynamisme recouvré par la Carrera ? Peut-être, mais, plus modestement et plus sûrement, on peut avancer que ce tour de force aura été commandé par l’attirance qu’ont exercé, au cours de l’année 1598, les affaires de Terre Ferme. Dégoûtée par la Nouvelle-Espagne, en qui, pourtant, elle met depuis plusieurs décades, toute sa confiance, Séville se sera prise, — court dépit d’amoureux — d’engouement subit pour la Terre Ferme. Engouement trop brutal, peut-être, dangereux, venant après une période où les positions du commerce officiel en Terre Ferme avaient été dangereusement détériorées par une coupable négligence. Le marché de Terre Ferme risque de sortir de ce jeu de la douche écossaise, profondément endommagé, c’est ce que l’histoire des années à venir121 démontrera. Pour le moment, il suffit de porter ce fait à l’actif d’un brusque engouement122, sans lendemain, de la Carrière des Indes pour la Terre Ferme.

151b. Les difficultés en direction de la Nouvelle Espagne. La situation en direction de la Nouvelle Espagne forme un contraste absolu avec celle observée en direction de la Terre Ferme.

  • 123 Cf. t. VI1, table 166, p. 365 : contre 48 navires et 7 750 toneladas vers la Terre Ferme, 12 navire (...)

152Le trafic en direction de la Nouvelle Espagne constitue l’ossature du trafic de l’année 1599 : 53 navires, 14 755 toneladas, en Allers, vers la Nouvelle Espagne123, contre 113 navires et 24 005 toneladas, pour l’ensemble. Autre particularité, le tonnage moyen des navires allant en Nouvelle Espagne, cette année, l’emporte très nettement sur celui des navires destinés à la Terre Ferme, 278,4 toneladas au lieu de 161,4 toneladas.

  • 124 Ct. 5112, d’après t. IV, p. 83, note 18.

153Comment s’en étonner ? L'armada y flota de Juan Gutierrez de Garibay finit par prendre la mer après dix-huit mois d’interminables préparatifs, deux ans après le départ de la précédente armada y flota, celle de Pedro Menéndez Márquez. Le 12 février 1598124, la Casa en était déjà à se préoccuper du choix du navire amiral.

  • 125 Cf. t. IV, p. 54-55 et ci-dessus, p. 1042-1044.

154On peut difficilement trouver plus parfaite accumulation de mauvaise volonté que celle qui a présidé aux préparatifs de la flotte de Nouvelle Espagne. Deux ans durant, la Nouvelle Espagne aura été totalement mise en quarantaine par Séville, ne. recevant — on s’en souvient —, par l’ordre exprès du Roi, que 500 toneladas de huiles et mercure de l’escadrille de Francisco del Corral125. Mais le laps de temps, anormalement long (du 27 septembre 1598 au 11 juin 1599), qui sépare le retour en assez bonne forme de l'armada y flota de Pedro Menéndez Marquez, en provenance de Nouvelle Espagne, du départ de la nouvelle armada y flota nouvelle-espagnole, celle de Juan Gutierrez de Garibay, est plus significatif encore.

  • 126 Cf. t. IV, p. 83 à 85, note 18.

155Le récit126 des préparatifs de la flotte Garibay donnera un excellent tableau de la conjoncture au cours de ces deux années du trafic en direction de la Nouvelle Espagne. Pendant un an et demi, le bloc, pour une fois, monolithe, du négoce sévillan, montrera, avec la complicité active de la Casa, tout son savoir, en fait de faux semblants et de double jeu. Contre la volonté du Roi en son Conseil des Indes, soucieux des intérêts supérieurs des liaisons impériales, le négoce mène une guerre victorieuse, retardant, suivant sa méthode, les convois en partance, afin de mettre en place contre le marché nouvel-espagnol, l’arme efficace à court terme, mais combien dangereuse à long terme, de la pénurie artificiellement provoquée.

156Certes, la destruction, dirons-nous, l’auto-destruction du Monopole démesuré de Séville et de l’Espagne sur son Atlantique était inévitable. Mais l’affirmation d’une fatalité au non d’un déterminisme, a posteriori, n’a jamais rien avancé. II est beaucoup plus important, beaucoup plus utile, de fixer les mécanismes par lesquels ce qui n’est fatalité qu’après coup a été mis en place. C’est en conjoncture basse, on peut l’affirmer, en alignant quelques exemples comparables aux dix-huit mois de l’avortement sciemment organisé des nombreux projets de flottes de Nouvelle Espagne, entre 1598 et 1599, que Séville a détruit, de ses propres/mains, son Monopole.

157Au sein d’une économie de Monopole lourdement grevée, il est vrai, de grandes tâches impériales, les maîtres de l’Atlantique de Séville étaient habitués à travailler avec d’énormes marges bénéficiaires dont les économies corsaires qui venaient s’incruster, en parasite, pouvaient plus aisément se passer, n’ayant pas à assumer les mêmes obligations de service public et d’empire. En période de contraction, la tentation a toujours été de retrouver les marges jugées indispensables, en organisant des pénuries artificielles. La solution était ailleurs, sans doute, — existait-elle vraiment ? — dans une meilleure organisation, dans un allégement des frais ; mais l’expédient longtemps possible du refus concerté de charger a complètement détourné de telles solutions lorsqu’il était, peut-être, encore temps — ce n’est pas sûr — de les tenter. La pénurie organisée devait augmenter chaque fois un peu plus l’attirance des Indes pour les économies corsaires. La défense de Séville, son réflexe de « malthusianisme » économique, a eu, finalement, un effet comparable à celui de l’alcool sur un organisme fatigué. L’euphorie d’un moment aura été acquise au prix d’irréversibles destructions de richesses ultérieures.

  • 127 Ibid., p. 54-73.
  • 128 Cf. t. IV, p. 74-91.

158On lira ailleurs127 le récit des événements de 1598. Entre le Consejo qui demande une flotte et le négoce qui, sans tromper personne, invoque un manque de navires qui n’existe plus vraiment, la Casa propose une solution de transaction, une demi-flotte bouche-trou. Simple procédé dilatoire — est-il besoin de le dire ? — la suite des événements le prouve, car la Casa sait faire aboutir les solutions qui lui agréent. En 1599, d’ailleurs128, elle partage, — comme en général —, les points de vue des marchands, sur l’efficacité des pénuries artificielles ; tout au plus, paraît-elle moins engagée — simple attitude de façade, simple réflexe de prudence.

  • 129 Cf. t. IV, note 18, p. 83.

159Malgré la prudence de nos auteurs, grands maîtres ès art de la restriction mentale, la vraie raison de l’échec de la petite flotte bouche-trou de 1598 apparaîtra toute nue dans une lettre du 25 avril 1598129 : « ...le trois janvier, nous écrivions à Votre Majesté (les juges officiers s’adressent au Roi en son Conseil des Indes) que si l’aviso attendu de Nouvelle Espagne apportait de bonnes nouvelles de la vente des vins chargés sur le convoi de Pedro Menéndez, on pouvait espérer envoyer à cette province une petite flotte... de dix à douze navires dont sept étaient disponibles, dans le Rio, à San Lúcar et Cádiz, et neuf felibotes, à défaut de meilleurs navires ».

  • 130 Cf. ci-dessus, p. 1042-1044.
  • 131 « ...la poca voluntad que tienen de cargar... la mala venta que se escrive que tenian los vinos y m (...)

160La Casa n’en dit pas plus... Elle allègue seulement l’état des navires trop mal en point pour naviguer. À peu près dans le même temps, brusquement — coincidence ? — on apprend l’effondrement catastrophique130 du marché nouvel-espagnol — cette série de mauvais calculs au cœur desquels il y a une sous-estimation de l’ampleur de l’épidémie qui ravageait alors la population indienne, coupant les bases de la prospérité de l’économie coloniale, avaient contribué à provoquer le krach retentissant du marché nouvel-espagnol de Séville. Le lien est trop évident et l’aveu de la Casa, plein de saveur : « si el aviso que se esperava de Nueva Espana traya buena relacion de la venta de los vinos... ». L’incapacité subite des navires à naviguer est, évidemment, liée à la mauvaise vente du vin de la flotte de Pedro Menéndez Marquez131. Cette flotte que les « cargadores » avaient sans doute chargée à tort d’un assortiment de type ancien à base de vin et de pondéreux alimentaires, en voie, sur ce marché, aussi, d’être dépassés.

  • 132 Cf. t. IV, note 18, p. 84.

161Juillet 1598 consacre le triomphe des marchands, grâce à leur fidèle Casa et l’on voit partir l’ordre de ne pas charger à Cádiz et aux Canaries, qui avaient espéré, sans doute, obtenir, grâce à la pénurie de navires mise en avant, l’autorisation de charger en direction de la Nouvelle Espagne. Les marginaux du trafic132, trop attentifs aux injonctions du Roi et pas assez à celles des gros marchands de Séville, sont ainsi frappés.

  • 133 Cf. ci-dessus, p. 1043-1044.

162Pour parvenir à ses fins — mais la correspondance qui nous est parvenue, ne saurait le dire : la Casa exerce sa censure —, Séville a fait traîner, plus que de raison, la flotte de Terre Ferme. Le non-départ de la flotte de Terre Ferme de Pardo Osorio133, à la date prévue, aura été, le bon moyen de faire capituler le Consejo de sa sotte prétention de contraindre les gens de Séville à faire une flotte contre leur gré.

163Mais, dès la fin de 1598, retournement de situation : confiants dans le succès de la manœuvre, rassurés, peut-être, par les nouvelles qui leur parviennent, un nombre considérable de volontaires se présentent pour la flotte dont on attend une fructueuse affaire. La Casa, complice, accorde, maintenant, droit de visite aux navires les plus médiocres qu’elle avait récusés, six mois plus tôt, au nom des intérêts supérieurs de la navigation dans l’Atlantique. Le Consejo — et ce n’est pas le moins cocasse — manifeste sa mauvaise humeur à la Casa et à Séville, en refusant — fait exorbitant, à l’époque — des licences que la Casa avait accordées ; ces licences, le Consejo les repousse, non sans humour, au nom des principes que les officiers de la Casa de la Contratación avaient, un peu plus tôt, vertueusement opposés au désir du Roi de voir assurées, coûte que coûte, en 1598, les grandes liaisons impériales. Le Consejo aura, peut-être, voulu prouver, ainsi, qu’il n’était pas dupe des procédés auxquels on avait recours contre lui et qu’il serait avisé, le cas échéant, de tenir un peu plus compte de ses directives. Mais dans ce jeu, c’est toujours l’inférieur placé sur le plar « technique » qui a le dernier mot contre le supérieur lointain, cantonné dans le « politique ».

  • 134 Cf. t. IV, note 18, p. 85.

164Et le plus curieux de cette histoire n’est-ce pas encore sa conclusion134 Quand la flotte est prête à partir — à trop vouloir gagner... — la menace de ; Hollandais, nouveaux et dangereux compères qui, dans l’Atlantique, prennent dans l’ordre des urgences, la place de l’Anglais, inattendue, arrive.

165Les Sévillans, encore tout à la fierté du bon tour qu’ils ont joué à la Nouvelle Espagne, tout aux perspectives de trop bonnes affaires, se prennent à trembler à l’éventualité d’une réédition des deux incendies de Cádiz. C’est alors la fuite en avant. Après le retard, tant que la menace hollandaise était restée lointaine et imprécise, c’est, désormais, l’ennemi étant signalé tout proche, dans le Nord de la Péninsule, le départ brusque. Tactique d’une prodigieuse hardiesse, peu dans l’esprit et dans les habitudes de la prudente Casa, de la trop prudente Espagne, tactique excellente, sans doute, que l’événement — l’arrivée à bord port de Sancho Pardo Osorio — aura justifié. L’énormité du risque, pris au dernier moment, toutefois, prouve à quel point, au mois de juin 1599, les perspectives de gain sur l’axe commercial de la Nouvelle Espagne, étaient renversées, dans l’esprit des marchands de Séville et, par ricochet, dans celui des juges et du personnel de la Casa, tant un tel comportement cadre mal avec l’attitude la plus courante, toute d’excessive et tatillonne prudence des gens de Séville et de son Atlantique, face aux défis de ce type.

166L’évolution de la situation autour de la flotte de Nouvelle Espagne, au cours de ces dix-huit mois, donne un assez bon schéma de l’évolution de la conjoncture, à Séville, sur un axe important du commerce des Indes. Passage du marasme à l’optimisme, entre la fin de 1598 et le début de l’année suivante, à un optimisme malsain, de toute manière, prématuré. Excessif dans la mesure, peut-être, aussi, où avait été excessif le pessimisme de l’année passée.

167c. Le relais hollandais. — Optimisme excessif, que l’événement ne justifiera pas dans l’immédiat, ne serait-ce qu’en raison de l’ennemi. Au moment même où la guerre hispano-anglaise perd ostensiblement de sa violence, au moment où un modus vivendi, précurseur de la paix que la mort d’Elizabeth (1603), suivant de peu celle de Philippe II (1598), rendra possible, parce qu’elle avait été longuement préparée dans l’échec des rêves de victoire totale bercé de chaque côté, s’installe dans les relations maritimes hispano-britanniques, la ruée hollandaise se déclenche.

  • 135 Cf. t. IV, p. 82-87 et p. 90-91.

168Entre 1599 et 1602, la porte de l’océan Indien saute. Mais avant de trouver son chemin dans le domaine portugais, pour le plus grand avantage de Séville, le Hollandais diffuse, à travers l’Atlantique. Les notes aux tableaux de 1599135 le montrent partout, provoquant la fuite en avant, au départ de juin 1599, gênant gravement les Retours de l’année.

  • 136 Comme Araya, par exemple (cf. t. VIII1, p. 606-612).

169En fait, la présence du Hollandais dans l’océan Atlantique, localisée pendant plusieurs années, en quelques points136, ne sera pas un danger de première grandeur, avant la période qui suit la rupture de la Trêve de Douze ans, au-delà de 1621. La puissance hollandaise sera trop exclusivement absorbée, de 1600 à 1620, pendant les deux premières décades du xviie siècle, par cette très grande affaire, la conquête économique et la mise en exploitation de l’océan Indien et de l’Extrême-Orient, pour qu’elle puisse consacrer une fraction importante de ses forces à entraver dans l’Atlantique espagnol de Séville la libre communication de la péninsule ibérique avec le Nouveau Monde.

170La ruée hollandaise en direction des possessions portugaises de l’océan Indien sera, du point de vue de Séville, un évènement heureux. Mais en 1599, il est bien évident qu’on l’ignore. D’où une atmosphère d’insécurité et d’angoisse, dont la correspondance de la Casa se fait l’écho. On voit le nouveau péril hollandais se préciser, en relais du péril anglais déclinant. Les Hollandais, qui s’étaient bornés jusqu’ici à fermer les mers étroites du Nord à la navigation espagnole, descendent en direction du Sud, interférant dans les lignes transversales du fuseau Est-Ouest de l’Atlantique.

  • 137 Cf. t. IV, p. 83-85, note 18 et p. 90-91, note 1.

171Dans l’immédiat, par conséquent, la descente hollandaise en direction du Sud, dont la correspondance de la Casa de la Contratación137 se fait largement écho — signe d’intérêt — va jouer le rôle de frein. Elle paralyse, sinon en 1599, dont le volume des départs correspond bien, semble-t-il, aux désirs des entrepreneurs sévillans, mais certainement en 1600, le départ d’un trafic, désormais, à nouveau en pleine effervescence. En gros, par conséquent, si le volume du trafic Allers ne répond pas, dès 1600, exactement, comme on pourrait s’y attendre, à la conjoncture ascendante des prix, c’est, sans doute, parce que pèse, pour un court moment, l’hypothèque hollandaise, sur les communications transatlantiques.

172Semblable hypothèque — on a déjà eu l’occasion de le voir— est impuissante à paralyser une forte poussée conjoncturelle, elle est capable, pourtant, de la freiner et de la retarder, de la décaler quelque peu dans le temps. C’est exactement ce qui s’est produit entre 1599 et 1600.

  • 138 Cf. ci-dessus, p. 1062-1063.
  • 139 Cf. t. IV, p. 104-105 et p. 110.
  • 140 Cf. t. IV, p. 92-93.

173La brusque flambée — sans lendemain, on le sait, mais les contemporains l’ignoraient — de présence hollandaise aura agi, comme toujours, comme un inhibant psychologique à l’Aller, mais, toujours dans l’immédiat, physiquement, par l’intermédiaire des Retours. C’est la présence hollandaise qui est responsable, en dernier ressort du creux des Retours de 1599, analysé à son heure138, c’est la présence hollandaise qui est responsable, en effet, par les craintes qu’elle a suscitées, de l’hivernage du lourd et riche convoi de Sancho Pardo Osorio139, il arrive le 13 mai 1600 à Séville, soit, en gros, sept à huit mois plus tard, qu’on était en droit de l’espérer. D’où limitation et gêne des possibilités de départ en 1600. Le convoi de Pedro de Escobar Melgarejo140 n’a, manifestement, pas pu bénéficier des retours trop tardifs de Sancho Pardo Osorio. On peut dire, à la limite, que si le niveau des départs est de 22 810 toneladas seulement en 1600 et de 32 032 en 1601, c’est en raison du malencontreux hivernage de l’hiver 1599-1600. L’hivernage politique et militaire de 1599, outre les lourds sacrifices qu’il a imposés, porte donc la responsabilité, entre autres, d’une permutation du trafic entre 1600 et 1601, gonflant 1601 au détriment de 1600.

174À court terme, telles sont les conséquences les plus visibles de la poussée hollandaise. À long terme, ou à plus long terme, la conquête victorieuse de l’Océan Indien aura, quand même, dès 1610-1620, d’assez lourdes incidences sur la vie de l’Atlantique espagnol et hispano-américain... En provoquant, le rush des Portugais expulsés à l’Est dans le domaine des Indes de Castille. Les Portugais chercheront à se tailler dans le corps des Indes et de l’Atlantique de Séville, un empire sans drapeau, dont l’apogée se situerait au début, peut-être, des années 20 du xviie siècle. Autre conséquence que tous les historiens ont bien vue, la rancœur portugaise à l’encontre de l’Espagne considérée, assez sommairement, comme responsable de la perte de son ancienne puissance par le petit Portugal, associé et soi-disant sacrifié au destin de l’Espagne depuis l’Union des deux Couronnes. Ce mécontentement, conséquence, autour de 1599-1600, de l’option hollandaise d’expansion en direction de la zone portugaise serait, ainsi, porteur à long terme de la rupture de 1640.

  • 141 Le patriotisme portugais, sentiment, cela va sans dire, d’une haute noblesse et le nationalisme por (...)

175Au tableau traditionnel de la koinè historique — il est d’inspiration portugaise141 — il convient d’apporter quelques nuances. Le mécontentement portugais à l’encontre de l’Espagne n’est pas immédiat (chronologiquement, il serait difficile d’expliquer un hiatus de trente à quarante ans, la vie d’une génération, entre son motif, l’expulsion de l’océan Indien et son efficace explosion, la révolte de 1640), il n’intervient qu’après 1620-1630, quand, sous l’action, notamment, de la première ébauche de la grande contraction séculaire, les moutons de Castille se montreront moins enclins à se laisser tondre jusqu’au cœur de leur propre domaine. Le mécontentement portugais est, donc, un mécontentement second, il explose autour de 1630, du refus de l’Espagnol de se laisser dépouiller. Toute cette chaîne, repli portugais sur l’Atlantique sensible à travers la correspondance de la Casa de la Contratación et les tableaux des tomes IV et V d’une part, puis mécontentement espagnol, résistance, rejet et, au bout du processus, le mécontentement portugais et la préparation de la rupture d’autre part, est solidement forgée.

176Le premier élément de cet enchaînement dialectique, dont tous les éléments seront analysés, à leur heure, dans la mesure où ils viennent s’encastrer dans une conjoncture économique dont ils dépendent et qu’ils éclairent, se place en 1599, avec la flambée hollandaise dans l’Atlantique de Séville. Un instant, facteur de conjoncture..., il réapparaîtra beaucoup plus tard, sous une forme inattendue. Il fallait le signaler, au départ, en 1599.

177d. Ventilation des départs. Valeurs et Prix.

178Il convient, enfin, pour finir et posséder sur 1599 toute la documentation désirable, susceptible de situer exactement, en conjoncture, la position de l’année, de se tourner vers les séries chiffrées non encore utilisées.

  • 142 Cf. t. VI1, table 183, p. 384-387.

179Ventilation des départs. — Entre 1598 et 1599, on observera, par exemple, sur les départ caditains142, une augmentation assez substantielle de 5 à 7 unités de 1 040 à 1 900 toneladas (accroissement de 82,7 % en tonnage), avec une augmentation toute aussi importante du tonnage unitaire moyen, de 208 toneladas à 271,4 toneladas. Cet accroissement en faveur de 1599, par rapport à 1598, crée un préjugé favorable.

  • 143 Contre, respectivement, 7,8 % et 10,8 % de 1593 à 1604 pour l’ensemble du cycle et 9,3 % et 13,03 % (...)

180On sera plus sensible, encore, toutefois, à la faible proportion des Caditains, au cours du creux médian (5,6 % sur le mouvement unitaire, 7,03 % en ton nage, de 1598 à 1599), à peine supérieure en 1599 au niveau de 1598143. Cette faible proportion des départs de Cádiz, dans la mesure où elle résulte du faible attrait du trafic avec l’Amérique pour les Caditains qui ont, encore, à l’époque, d’autres possibilités dont Séville ne dispose pas, dans la mesure où elle procède, aussi, d’une volonté plus forte de barrage de Séville à l’encontre de la côte concurrente, peut être interprétée comme un signe d’embarras conjoncturel. C’est en ce sens que de notre point de vue, le niveau des Caditains devra être retenu.

181Joue, dans le même sens, exactement, l’interdiction maintenue des Canariens. Une interdiction officielle n’implique pas, naturellement, une élimination totale, de facto. On s’est suffisamment expliqué, déjà, sur ce point.

  • 144 Cf. t. VI1, table 182, p. 384-387.
  • 145 Cf. t. IV, p. 74-75 et ci-dessus, p. 1096-1098.

182Ces départs des armadas144, entre 1598 et 1599, montrent un certain gonflement dont il serait, peut-être, imprudent d’induire quelque chose, de 10 à 20 unités, de 4 767 à 5 333 toneladas. On retiendra, sous cet angle, la réduction du tonnage unitaire moyen, de 476,7 à 266,5 toneladas. Cette réduction traduit les difficultés auxquelles les officiers de la Casa ont eu à faire face pour jeter dans le circuit l'armada de Francisco de Coloma/Juan de Urdayre145, une armada supplémentaire, en fait, avant le retour de celle de Don Luis Faxardo. Economiquement, d’autre part, quel que soit son volume un peu supérieur, le mouvement d'armada de 1599 a moins de poids que celui de 1598, beaucoup moins, surtout, que celui de 1597, en raison de la fonction militaire beaucoup plus évidente assumée par l’escadre de Francisco de Coloma et Juan de Urdayre que lors des années précédentes. L’examen du mouvement armada joue, plutôt à l’encontre de 1599.

  • 146 A titre de référence, rappelons qu’en tonnage, le mouvement négrier représente 13,06 % du mouvement (...)

183Il n’en va pas de même des négriers et de l’axe fondamental des navires-marchands de Séville. Tous deux détachent 1599 en nette reprise par rapport au creux central de 1598. Le mouvement négrier est en baisse — baisse absolue, de 43 à 28 unités, de 4 300 à 2 950 toneladas (soit un recul en tonnage de 31,4 %) — baisse relative, c’est elle qui importe, beaucoup plus importante, encore, de 13 % en 1597, de 25 % en 1598, à 12,28 % en 1599146 (sa part sur l’expression unitaire du mouvement, passe de 40,95 % à 24,7 %). De 25 à 12,28 %, de 40,95 à 24,7 %, on mesure, ainsi, l’ampleur d’une chute relative, d’une année sur l’autre, d’au moins 50 %. De largement supérieure à la moyenne cyclique, la part du mouvement négrier par rapport au total, devient très légèrement inférieure à cette moyenne. Cette réduction doit être considérée comme un indice favorable, puisqu’elle affecte un élément, généralement, de moindre valeur.

184Dans le même temps, l’augmentation des navires marchands de Séville est très considérable, de 47 à 58 bateaux, de 7 700 à 13 825 toneladas, soit un accroissement respectif de 23,4 % pour le mouvement unitaire, de 79 % pour le mouvement en tonnage. Le niveau des navires marchands de Séville est amené, à moins de 10 % près, à la hauteur du niveau qu’il avait atteint lors des points hauts de 1597, 1593 ou 1594.

185Cette hausse quantitative s’est doublée, aussi, d’une hausse qualitative, puisque le tonnage unitaire moyen des navires marchands de Séville a repris avec 238,3 toneladas de 1599 contre 163,8 toneladas (tonnage unitaire moyen des navires marchands de Séville en 1598) un niveau supérieur au tonnage unitaire moyen de l’ensemble des navires en partance du complexe portuaire andalou-canarien. Soit en 1599, 238,3 toneladas (tonnage unitaire moyen des navires marchands de Séville) contre 212,4 toneladas (tonnage unitaire moyen de l’ensemble des navires en partance vers l’Amérique), contre, en 1598, respectivement 163,8 toneladas (Séville) et 169,6 toneladas (ensemble). Sur ce point, 1599 renoue avec une tradition, en 1597, par exemple, on avait 220,8 toneladas, d’une part (niveau moyen pour Séville) contre 207,6 toneladas (pour l’ensemble de l’année). Tonnage unitaire moyen en nette progression, également, sur l’axe capital des marchands de Séville, il suffit, pour s’en convaincre de replacer les 238,3 toneladas de 1599 au terme d’une série : 162,6 toneladas (moyenne pour 1595-1596), 220,8 toneladas (moyenne de 1597), 163,8 toneladas en 1598. On apprécie, ainsi, le chemin parcouru.

186Substantiel, donc et significatif progrès : le niveau du trafic, sur l’axe clef Séville-Amérique, n’a pas tout à fait atteint le niveau des bonnes années 1593-1594-1597, il en est beaucoup plus proche, toutefois, qu’il ne l’est des années de dépression, sans hésitation, tel, par exemple, le point noir de 1598,

187De cet ensemble de données parfois contradictoires, se dégage, sur la conjoncture de 1599, une impression nuancée : soit, encore, une situation difficile, et, pourtant, déjà, en substantielle reprise, par rapport à 1598.

  • 147 Cf. t. VI1, table 226, p. 471.

188Les Valeurs. —Cette impression est très largement confirmée par l’approche des valeurs fournies par l'avería147.

  • 148 Cf. ci-dessus, p. 1051-1052.

189On doit noter l’indication d’un progrès, de 1335 380178 maravedís en 1597 à 1483 488 181 maravedís en 1598 et à 1 528 975 119 maravedís en 1599. Entre 1597 et 1598, on l’a vu148, la progression de prime abord, paradoxale, eu égard au mouvement des volumes dans le même temps, s’expliquait par la substitution à une flotte de Nouvelle-Espagne d’une flotte de Terre-Ferme.

  • 149 Cf. t. VI1, table 166, p. 365.

190Mais le vrai paradoxe réside, peut-être, dans l’évolution des valeurs fiscales entre 1598 et 1599. En volume, le mouvement au départ de 1599 se tient entre le niveau de 1598 et celui de 1597, beaucoup plus proche toutefois de 1597 que de 1598, sans l’atteindre, à 10 ou 15 % près. Or, la Nouvelle Espagne joue, au départ de 1599, un rôle égal au rôle joué au départ de 1597149.

191On pourrait donc s’attendre, toutes choses étant égales, à un niveau indicatif des valeurs en 1599 de 10 à 15 % inférieur au niveau de 1597, soit un peu moins d’un milliard deux cents millions. Au lieu de quoi, on a un niveau, en 1599, de plus de 10 % supérieur à celui de 1597. Plus d’un milliard cinq cents millions, au lieu d’un peu moins d’un milliard deux cents millions.

192Cette distorsion a, au moins, deux significations.

  • 150 Cf. ci-dessus, p. 1047-1048.
  • 151 Cf. t. IV, note 18. p. 84-85.
  • 152 Cf. t. IV, p. 76-77 sq.

193Elle exprime, en chiffres, la manœuvre à laquelle le bloc des négociants de Séville s'est livré, avec la complicité active de la Casa de la Contralación150. La correspondance de la Casa relève la trace de l’enthousiasme qui s’est emparé de Séville, après l’échec de la petite flotte bouche-trou de 1598151. Satisfait de sa manœuvre, sûr des bons effets de l’assèchement artificiel du marché de la Nouvelle Espagne, de la pénurie sur commande qui y aura été créée, le négoce de Séville a chargé la flotte de Nouvelle Espagne de Juan Gutierrez de Garibay152, de marchandises plus précieuses et, peut-être, en plus grande quantité que de coutume, moins, sans doute, qu'il ne l’eût fait d’un convoi de Terre Ferme mais bien plus qu’il ne l’aurait fait pour une flotte de Nouvelle Espagne des années précédentes.

194Un tel comportement — au vrai, parfaitement, explicable, dans la perspective du déroulement du trafic de la Nouvelle Espagne — n’en constitue pas moins, sous l’angle de la conjoncture de l'année, un facteur favorable. Il traduit une nette reprise, même si cette reprise s’appuie, à certains égards, sur des bases malsaines, même si le gros bouchon des escadres hollandaises, dont on a la certitude, à Séville, qu’elles sont destinées à ravager l’espace Atlantique espagnol et hispano-américain, agit, comme un frein, pour un temps encore.

195Les Prix. — Le nuage des escadres hollandaises vient perturber, moins, d’ailleurs, en 1599 qu’en 1600, la relation simple prix-trafic.

  • 153 Cf. t. VI1, table 163, p. 362 et t. VII, p. 52-53.

196C’est entre 1597 et 1598 que s’est produit le renversement de la conjoncture courte des prix, puisque c’est entre 1597 et 1598, que les indices généraux des prix-argent espagnols passent d’un côté à l’autre du trend, de 98,25 % en 1597, avec l’indice 123,75 à 103,50 %, avec l’indice 132,55. Mais entre 1596 et 1597, une secousse préparatoire s’était déjà produite, une brusque accélération à la hausse de 94,01 % à 93,25 %, de l’indice 116,61 à l’indice 123,75153

197Le mouvement de hausse n’aura cessé de se confirmer, de 1593 à 1599, avec un léger ralentissement, toutefois, de l’indice 132,55 à l’indice 131,92 (103,50 % à 103,78 %)... et c’est, surtout, au-delà, de 1599 à 1600 et plus encore de 1600 à 1601, que cette hausse record cyclique et tendancielle des prix s'effectue.

198En vertu du décalage des trafics sur les prix — dix-huit mois à deux ans — c’est entre 1599 et 1600 que l’on devrait attendre le grand choc, préparé déjà, entre 1598 et 1599, par le choc préparatoire de 1596-1597.

199Le premier choc se retrouve, exactement, fidèle au rendez-vous, sur les trafics, sur le trafic Allers, plus spécialement en 1599. Ce que l’on vient d’analyser en 1598-1599 et, plus particulièrement, lors de cette fièvre de dernière heure sur l’axe du trafic nouvel-espagnol, vient d’Espagne, plus spécialement d’Andalousie, c’est exactement l’écho de cette reprise des prix commencée entre 15 % et 1597. Jusqu’en juin 1599, aucune difficulté. Tout entre parfaitement et sans accroc dans le moule du schéma traditionnel.

200Au-delà de juin 1599, le nuage des escadres hollandaises brouille, sur un an, des relations qui seront renouées aussitôt la menace dissipée. Pour avoir été quelque peu décalée dans le temps, la corrélation n’en sera pas moins astreignante.

2011599, année de petite reprise, parfaitement logique, ne trouvera pas, pourtant, en 1600, tous les prolongements immédiats qu’on serait en droit d’en attendre, pour des raisons extérieures à la seule progression de la dialectique économique.

Notes

1 Cf. ci-dessus, p. 940-1024.

2 Les écarts à la moyenne ne donnent pas autre chose, puisqu’on a pris, dans ce cas (cf. t. VI1, table 163, p. 362), les chiffres globaux, pour des raisons d’homogénéité, flotte de Nouvelle Espagne comprise en 1596. Ils accusent un léger fléchissement entre 1596 et 1597, de 125,38 % à 121,02 %, qui procède, pour l’essentiel, du mouvement grandement illusoire (on a vu pourquoi ; cf. ci-dessus, p. 1015-1016) de 1596.

3 Cf. ci-dessous, p. 1029-1037.

4 C. C. à Aparicio de Arteaga, 1er août 1596 (t. IV, p. 20, note 59). Les écarts à la moyenne ne donnent pas autre chose, puisqu’on a pris, dans ce cas (cf. t. VI1, table 163, p. 362), les chiffres globaux, pour des raisons d’homogénéité, flotte de Nouvelle-Espagne comprise, en 1596. Ils accusent un léger fléchissement entre 1596 et 1597, de 125,38 % à 121, 02 %. Mais ce fléchissement procède, pour l’essentiel, de la situation illusoire du mouvement en 1596.

5 Cf. ci-dessus, p. 808-812, 833-834 et 977-979

6 Cf. ci-dessus, p. 1015-1016.

7 Cf. t. IV, p. 46.

8 Cf. t. IV, p. 64.

9 Cf. t. VI1, table 163. p. 362.

10 Cf. ci-dessus, p. 1012-1027 et t. IV, p. 64-66.

11 Cf. t. VI1, table 163, p. 362.

12 Cf. ci-dessus, p. 1023.

13 Cf. ci-dessus, p. 1012-1013, 1023 et 1027.

14 Cf. t. IV, p. 14 à 33.

15 Cf. t. IV, p. 30-31.

16 Cf. t. IV, p. 32-33.

17 Cf. t. IV, p. 40, notes 1 à 3.

18 En mars et en avril 1597.

19 Cf. t. IV, p. 32 sq.

20 Cf. t. IV, p. 50. Départ de Cádiz, le 29 novembre 1598.

21 Cf. ci-dessus, p. 793-796.

22 Cf. t. IV, p. 41, note 30.

23 Cf. t. IV, p. 32.

24 Cf. plus particulièrement t. VI1, table 12 C, p. 162-163.

25 Cf. t. VI1, table 183, p. 388.

26 Point de vue corroboré par la correspondance de la Casa et les plaintes des marchands précisément de la flotte régulière, celle de Pedro Menéndez Marquez, dont les « cargadores » se considèrent, comme frustrés par la concurrence des énormes apports des armadas. Tome IV, p. 42, note 33.

27 Cf. ci-dessus, p. 1005-1007.

28 Cf. t. IV, p. 40, note 3 et p. 42, note 33.

29 Cf. t. IV, p. 30-31.

30 Notamment, en 1592-1593, cf. ci-dessus, p. 973-975.

31 Le deuxième (par les valeurs mises en cause) mais le premier quant au volume de toute l’Amérique.

32 W. Borah, Mexico‘s century of depression, op. cit., S. F. Cook et L. B. Simpson, The Population of Central Mexico, op. cit., p. 43 sq. à induire du fléchissement démographique entre 1597 et 1607.

33 Cf. ci-dessus, p. 560-563.

34 Cf. ci-dessus, p. 1019.

35 Cf. t. IV, p. 32.

36 Cf. t. IV, p. 76.

37 Cf. t. IV, p. 54.

38 En Allers, lors du creux 1598-1599, la Nouvelle Espagne représente 33 % du mouvement unitaire, 39,7 % du tonnage, contre 59 et 55,6 % pour la Terre Ferme, dans le même temps. De 1593 à 1597, de 1600 à 1604, et de 1593 à 1604, les pourcentages étaient, respectivement, en unités et en tonnage, de 34,2 % et 43,6 % ; de 51,7 % et 53,5 %, de 39,7 % et 47 %, pour la Nouvelle Espagne, 40 % et 38,6 %, de 38.5 et 34,1 %, de 42,8 et 39,3 % pour la Terre Ferme.

39 Cf. ci-dessus, p. 1026-1027, 1029, 1033.

40 Cf. t. VI1, table 226, p. 471.

41 Cf. t. IV, p. 43, note 33.

42 C. t. IV, p. 30-31.

43 On notera, au passage, l’ampleur des marges et des flambées de fraude. On voit, ainsi, de quelle critique attentive il faut enserrer les approches du mouvement-valeur, dont les évaluations peuvent être viciées par d’énormes distorsions. Méfiance à l’égard des seules indications du mouvement en valeur. Confiance, par contre, à l’égard des indications contenues dans les séries de la correspondance de la Casa de la Contratación.

44 Cf. t. VI1. table 163. p. 362, et E. J. Hamilton, op. cit., p. 198-200 et 403 et ci-dessus, p. 1000-1002.

45 Il est aboli, par contre, vis-à-vis de 1593-1597 (62,6 navires et 13 111,8 toneladas) et 1593-1604 (62,33 navires et 14 863,68 toneladas).

46 Cf. ci-dessus, p. 1033-1035.

47 Cf. t. VI1, table 159, p. 356.

48 Cf. t. IV, p. 50-51.

49 Cf. t. IV, p. 64-65 et p. 70, note 5.

50 Cf. t. IV, p. 66.

51 Cf. ci-dessus, p. 1037-1038.

52 Cf. t. VI1, table 163, p. 362.

53 Cf. t. IV, p. 53.

54 169,6 toneladas est, en effet, un chiffre bas comme le prouve la comparaison avec les moyennes des fluctuations et du cycle, 1593-1597, 181,82 toneladas, 1598-1599, 182,62 toneladas ; 1600-1604, 233,5 toneladas ; 1593-1604, 201,4 toneladas.

55 Cf. t. VI1, table 163, p. 362.

56 Cf. t. IV, p. 64-65 et p. 70-71, note 5.

57 59,5 unités et 15 210 toneladas (1598-1599) ; 62,33 unités et 14 863,68 toneladas (moyenne de 1593 à 1604).

58 Cf. t. VI1, table 163, p. 362.

59 Cf. ci-dessus, p. 1039-1040.

60 Cf. ci-dessus, p. 1040-1041.

61 Cf. ci-dessus, p. 1035-1037.

62 Cf. t. IV, p. 66-67.

63 Cf. t. VI1, table 166, p. 365.

64 Cf. t. IV, p. 54-55.

65 Dans l’état actuel de nos connaissances. Il n’est pas impossible que les travaux en cours, dans les archives mexicaines, permettent d’éclairer ce drame essentiellement nouvel espagnol.

66 N’a-t-on pas eu, tout récemment, en 1597 (cf. ci-dessus, p. 1033-1035) l’occasion de vérifier l’exactitude, d’appréciations qualitatives de la correspondance de la Casa de la Contratación concernant la période, par des décrochements, dans le sens prévisible, du mouvement-valeur.

67 Cf. ci-dessus, p. 1033-1035.

68 Cf. t. IV, p. 22-23.

69 Cf. t. IV, p. 70-71, note 5.

70 Cf. ci-dessus, p. 997-999 ; 1012-1013.

71 Cf. t. IV, p. 70-71, note 5.

72 Cf. t. IV, p. 71-73, note 6.

73 Cf. t. IV, p. 58, note 8.

74 Cf. ci-dessus, p. 1040.

75 Cf. t. VI1, table 183, p. 388.

76 Cf. ci-dessus, p. 1040.

77 Cf. t. IV, p. 58, note 8.

78 E. J. Hamilton (op. cit. p. 339) confirme, encore que 1597 manque sur les séries andalouses. On notera que 1596 a été une année de vin extraordinairement bon marché — même situation pour 1597 (E. J. Hamilton, 1501-1650, p. 347) en Nouvelle-Castille — le plus bas, pratiquement, depuis un demi-siècle, malgré la forte montée générale des prix dans le même temps.

79 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 339.

80 Cf. t. IV, p. 58, note 8.

81 Cf. ci-dessus, p. 1022.

82 Cf. t. VI1, table 610, p. 870.

83 Cf. ci-dessus, p. 1043.

84 Cf. t. IV, p. 59-60, note 8.

85 Cf. t. IV, p. 59-60, note 8 et p. 71-73, note 6.

86 Cf. t. I, p. 111-113.

87 Cf. t. VI1, table 163, p. 362.

88 Cf. t. IV, p. 30 et ci-dessus, p. 1047.

89 E. J. Hamilton, 1501-1650. op. cit., p. 34-35.

90 On se tient à mi-chemin, on l’a vu déjà (cf. ci-dessus, p. 911), de l’excès d’optimisme de Hamilton et des positions généralement hypercritiques de l'historiographie espagnole. En général, plus près de Hamilton que de ses critiques.

91 Cf. ci-dessus, p. 911.

92 Cf. t. VI1, table 183, p. 384-387.

93 Cf. t. IV, p. 50.

94 Cf. t. IV, p. 30.

95 Cf. ci-dessus, p. 1039-1040.

96 Cf. t. VI1, table 182, p. 384-387 et tables 226-227, p. 471-473.

97 Cf. ci-dessus, p. 1042-1044

98 a. t. IV, p. 30.

99 Cf. ci-dessus, p. 1040.

100 Cf. ci-dessous, p. 1056-1068.

101 Cf. t. VI1, table 163, p. 362 ; t. VII, p. 52-53.

102 Cf. t. VI1, table 159, p. 356.

103 Cf. t. IV, p. 50-51 et 88-89.

104 Cf. t. IV, p. 50 sq. ; p. 104 sq.

105 Cf. ci-dessus, p. 1042-1045.

106 Cf. t. VI1, table 163, p. 362 ; t. VII, p. 52-53.

107 Cf. ci-dessus, p. 1054-1055.

108 Cf. t. VI1, table 163, p. 362.

109 Cf. ci-dessus, p. 871-876.

110 Cf. t. IV, p. 50-51.

111 Cf. ci-dessus, p. 1039-1046.

112 Cf. t. IV, p. 50-51 sq.

113 Cf. t. IV, p. 74-75.

114 Cf. t. IV, p. 82, note 1.

115 Cf. t. IV, p. 82, note 1, lettre du 25 janvier 1599. (Ct. 5170, Lib. X, f° 341.)

116 Cf. t. IV, p. 88 sq.

117 Cf. t. IV, p. 74-75.

118 Les navires s, r, m, n, r, s, soit six noms sur quinze connus. On sait que ces appellations profanes ne sont pas conformes à l’usage de la pieuse Carrera, cf. t. I, p. 299.

119 Jakob Heinrich, évidemment. On peut retrouver trace de quelques-uns de ces hommes dans le très beau travail de Hermann Kellenbenz, Unternehmerkräfte im Hamburger Portugal und Spanienhandel, 1590-1625.

120 Cf. t. IV, p. 82 et 83, notes 1 et 3.

121 Cf. ci-dessous, p. 1285 1287, 1348-1351.

122 Il ne s’agit, naturellement, pas de nier la signification militaire de l'Armada Coloma-Urdayre, mais simplement d’en dégager la signification en conjoncture. Dans le cadre de la présente analyse, elle dénote d’une reprise ou d’une certaine activité, en faveur du seul axe de la Terre Ferme.

123 Cf. t. VI1, table 166, p. 365 : contre 48 navires et 7 750 toneladas vers la Terre Ferme, 12 navires et 1 500 toneladas vers les îles.

124 Ct. 5112, d’après t. IV, p. 83, note 18.

125 Cf. t. IV, p. 54-55 et ci-dessus, p. 1042-1044.

126 Cf. t. IV, p. 83 à 85, note 18.

127 Ibid., p. 54-73.

128 Cf. t. IV, p. 74-91.

129 Cf. t. IV, note 18, p. 83.

130 Cf. ci-dessus, p. 1042-1044.

131 « ...la poca voluntad que tienen de cargar... la mala venta que se escrive que tenian los vinos y mercadurias y la poca seguridad de la mar... ». Cette interprétation est donc exprimée en toutes lettres, dans la missive du 16 juin 1599 (cf. t. IV, p. 83).

132 Cf. t. IV, note 18, p. 84.

133 Cf. ci-dessus, p. 1043-1044.

134 Cf. t. IV, note 18, p. 85.

135 Cf. t. IV, p. 82-87 et p. 90-91.

136 Comme Araya, par exemple (cf. t. VIII1, p. 606-612).

137 Cf. t. IV, p. 83-85, note 18 et p. 90-91, note 1.

138 Cf. ci-dessus, p. 1062-1063.

139 Cf. t. IV, p. 104-105 et p. 110.

140 Cf. t. IV, p. 92-93.

141 Le patriotisme portugais, sentiment, cela va sans dire, d’une haute noblesse et le nationalisme portugais malheureusement dépourvu depuis plusieurs siècles d’exutoires réels et de prétextes tangibles, se seront réfugiés, avec une force rarement égalée, jamais égalée, sans J conteste, pour les pays de l’Europe contemporaine, dans le domaine de l’histoire.
Cette fuite dans le passé n’est pas, cela va sans dire, dépourvu d’avantages. Outre qu’elle j constitue, psychanalytiquement, un exutoire assez anodin, elle assure à l’historiographie portugaise une importance relative et une place sans comparaison avec le rang général du Portugal dans les activités intellectuelles de notre temps.
Cette accentuation nationaliste comporte, toutefois, un léger inconvénient. Comme elle présente ses thèses avec talent, passion et éclats de voix, elle entraîne, à l’ordinaire, par paresse d'esprit, le consentement des historiographies non portugaises, hormis l’espagnole, pour des raisons non scientifiques.

142 Cf. t. VI1, table 183, p. 384-387.

143 Contre, respectivement, 7,8 % et 10,8 % de 1593 à 1604 pour l’ensemble du cycle et 9,3 % et 13,03 % de 1593 à 1597, au cours de la première fluctuation.

144 Cf. t. VI1, table 182, p. 384-387.

145 Cf. t. IV, p. 74-75 et ci-dessus, p. 1096-1098.

146 A titre de référence, rappelons qu’en tonnage, le mouvement négrier représente 13,06 % du mouvement de 1593 à 1604, 9,99 % de 1593 à 1597, 17,3 % de 1598 à 1599, 14,9 % de 1600 à 1604, contre, pour le mouvement unitaire, les proportions respectives de 23,5 % (1593-1604), 18,25 % (1593-1597), 32,5 % (1598-1599). 26,7 % (1600-1604).

147 Cf. t. VI1, table 226, p. 471.

148 Cf. ci-dessus, p. 1051-1052.

149 Cf. t. VI1, table 166, p. 365.

150 Cf. ci-dessus, p. 1047-1048.

151 Cf. t. IV, note 18. p. 84-85.

152 Cf. t. IV, p. 76-77 sq.

153 Cf. t. VI1, table 163, p. 362 et t. VII, p. 52-53.

© Éditions de l’IHEAL, 1959

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