Séville et l'Atlantique, 1504-1650 : Structures et conjoncture de l'Atlantique espagnol et hispano-américain (1504-1650). Tome II, volume 2
|Quatrième partie. Au sommet de l'Atlantique de Séville le renversement de la tendance majeure (1593-1622)
Chapitre IV. Le cycle de la révolution culminante des prix. Dans le prolongement mouvementé de la phase ascendante de la première fluctuation primaire : les années 1595-1596
Texte intégral
1Les événements de 1595 vont prouver combien toute cette prospérité recouvrée reste encore fragile. Le rythme légal des deux convois à peine repris ne peut être conservé, en raison de la défaillance des Retours de 1594, si bien que la Carrière des Indes retrouve, en 1595, quelques-uns des aspects qu’elle avait revêtus, lors de la grande crise du creux de l’incendie de Cádiz et de l'invincible. Un an plus tard, la preuve sera administrée, le 2 juillet 1596, que le danger anglais est loin d’être écarté. Et pourtant, considérées globalement, les deux années 1595 et 1596, compte tenu, du moins, de l’élévation du niveau des Retours, égalent, voire même surclassent, à certains égards, le niveau des années précédentes.
I. — 1595. RETOUR EN ARRIÈRE ET DÉCEPTIONS
2La grande leçon qui se dégage de l’histoire de la Carrière des Indes, en 1595, est une leçon de prudence. Elle démontre, malgré la prospérité de 1594, que les séquelles de la grande crise ne sont pas totalement dépassées, comme on aurait pu être tenté, un moment, de le croire.
POSITION ET APPARENCES DU MOUVEMENT
3L’interprétation du mouvement de Tannée 1595 est délicate, en raison des nombreuses et importantes distorsions qu’on peut noter, tant entre les Allers et les Retours qu’entre les résultats de l’année et ceux de la période encadrante, il importe donc, tout d’abord, avant tout essai d’interprétation, d’en suivre attentivement la démarche sur les mouvements globaux.
1. Allers
- 1 123 unités, soit un peu moins, certes, que la moyenne annuelle du mouvement unitaire, au cours de (...)
- 2 Cf. t. VI1, table 159, p. 356.
4Malgré le grand nombre de navires, au départ, 123 unités1, l’année 1595 est caractérisée par un large excédent, en tonnage, des Retours par rapport aux Allers. Le rapport des Retours aux totaux dépasse celui des Allers2, pour la première fois depuis 1591 (62,78 % en 1595 ; 74,96 % en 1591 ; 55,68 % en 1598). Cette situation anormale dénote, toujours, quelques perturbations.
5Il ne faut pas s’étonner, par conséquent, si 1595 occupe, en Allers, une position très fortement en retrait, avec 123 navires et 15 060 tonneaux-toneladas, soit un chiffre légèrement supérieur sur le mouvement unitaire, mais sensiblement inférieur sur le mouvement en tonnage, à 1592, l’année qui fut choisie, pourtant, pour marquer le creux cyclique.
6Par rapport à 1594 qui joue, ici, le rôle de point haut, — il en irait, à bien peu de chose près, de même par rapport à 1593, — 1595 est violemment en recul. Le recul est relativement modéré sur le mouvement unitaire, 18,66 % par rapport à 1594, 43,7 % par rapport à 1593. Ce niveau, relativement très bas, en tonnage du moins, est comparable, voire inférieur à 1592, dont on a vu la position en tant que creux cyclique sur les globaux et les Retours, du moins (123 navires, 15 060 toneladas, en 1595, 117 navires 15 280 toneladas en 1592). Il est inférieur, aussi, quant au tonnage, au creux intracyclique de 1598 (105 navires, 17 807 toneladas) auquel il s’apparente, pourtant, par sa texture ; il est inférieur, toujours, quant au tonnage, aux niveaux de 1603 et 1604 qui marquent le terme de la fluctuation cyclique (63 navires, 16 292 toneladas et 67 navires, 18 037 toneladas pour 1603 et 1604). 1595 se trouve être, ainsi, sur le mouvement Allers, le niveau le plus bas de toute la fluctuation cyclique de douze ans, dépressions encadrantes et intracycliques comprises.
7Mais et c’est, peut-être, ce qui contribue le plus à renforcer et à donner un caractère particulier au mouvement de cette année, cette chute n’est pas due au mouvement unitaire, mais uniquement à un fléchissement du tonnage unitaire moyen des navires, autrement dit, à une réapparition en surface du matériel de remplacement de la crise de l'Invincible.
8Le tonnage unitaire moyen des Allers de 1594 tombe, en effet, au niveau le plus bas atteint, jamais, depuis les débuts de l’histoire de la Carrière des Indes : le niveau de 1595, 122,4 tonneaux contraste, en effet, avec le tonnage unitaire moyen des années précédentes : 194,4 en 1594,190,5 en 1593 ; il s’aligne, par contre, sur les 130,7 de 1592.
9Comment cette chute aussi brutale, qu’apparemment imprévisible et à contre-courant s’explique-t-elle ?
10Par l’existence, en 1594-1595, — comme toujours dans la Carrera, mais plus que jamais, — de deux matériels, tout à fait distincts et comme superposés : d’une part, d’un matériel lourd dont l’utilisation se présente dans la plupart des cas, dans les meilleures conditions de rendement, d’un matériel léger, cantonné, en période heureuse, dans la desserte des îles, des zones secondaires de colonisation et des côtes bardées de hauts-fonds. Le premier matériel, pour l’essentiel, spécifique de la Carrera a été fortement éprouvé, en s’en souvient. Sa spécificité même en rend le remplacement difficile ; le matériel léger, par contre, beaucoup plus proche du matériel couramment employé par les autres marines, est, de ce fait, beaucoup plus mobile. On peut, le cas échéant, faire appel à des renforts du dehors. Ce fut évidemment le cas, lors de la grande crise des années 90.
11En 1594, le matériel de la première catégorie paraissait en voie de reconstitution rapide, il l’est bien en fait. Le haut niveau des départs, de 1594, et surtout, leur non-retour, le long hivernage forcé, qui a retenu prisonnière la lourde machine de l'Armada de la Guardia de la Carrera de las Indias de Francisco de Coloma et Luis Faxardo (inutilement immobilisée aux Indes), a vidé, un moment, la côte espagnole du matériel naval lourd, rapidement mais encore incomplètement reconstitué. La contre-épreuve en est fournie, en quelque sorte, par le tonnage unitaire moyen des Retours de 1595. Ils ne comprennent, pratiquement, que les navires partis en 1594, à l’exception des plus petits d’entre eux, soit un tonnage unitaire moyen énorme de 251,45 tonneaux.
12Ce tonnage prend sa valeur face aux 122,4 tonneaux du tonnage unitaire moyen des Allers. Il y a, donc, différence de niveau plus que du simple au double, entre le niveau unitaire des Allers et celui des Retours. On retrouvera, ainsi, comme séparés par gravitation, deux niveaux bien distincts, deux matériels juxtaposés mais non mêlés dans la Carrera. Le niveau de 122,4 tonneaux des Allers s’explique, donc, par le fait que tout le matériel lourd péniblement reconstitué de la Carrera s’est trouvé bloqué accidentellement aux Indes. Cette absence d’un matériel disponible adéquat, au départ, aura constitué la cause principale, sans doute, de l’effondrement spectaculaire des Allers de 1595.
- 3 Cf. t. VI1, table 163, p. 362.
13Cette position en creux est, évidemment, corroborée par les pourcentages des niveaux annuels en tonnage vrai par rapport à la moyenne3. Avec 60,1 %, le niveau de 1595 est le plus creux de tout le cycle, plus que 1592 (67,81 %), plus que 1602, 1603 et 1604 (86,43 %, 63,89 % et 69,80 %), plus que 1598 (75,67 %). Le contraste est bien marqué, entre 1595 et les niveaux relatifs encadrants de 1593, 1594 (120,62 %, 117,98 %) et 1596 et 1597 (125,38 et 121,02 %).
14Une telle dénivellation, — elle n’est pas sans conséquence, — est due, en partie, à toute une série de circonstances qui seront examinées, le moment venu : elle mérite, en effet, une analyse attentive.
2. Retours
- 4 Cf. t. VI1, table 159, p. 356.
- 5 Cf. ci-dessus, p. 961 et 975-977.
- 6 Cf. ci-dessus, p. 977-979.
- 7 Cf. t. III, p. 504 et 550.
- 8 Cf. t. III, p. 526 et 556.
- 9 Cf. t. III, p. 530 et 560.
- 10 Cf. t. III, p. 556 et 560.
15On ne saurait trop insister sur le contraste que fait avec les Allers le mouvement Retours. Le rapport insolite du mouvement Retours par rapport aux globaux, 62,78 %4, le plus élevé de toute la fluctuation cyclique souligne une distorsion importante. Le tonnage des Retours de 1595 dépasse de 10 337 tonneaux-toneladas celui correspondant des Allers. Il est, évidemment, le reflet des niveaux élevés des Allers de 1593 et de 15945 et plus particulièrement encore du raté du mouvement Retours en 15946. C’est donc la masse de trois flottes, celle de Nouvelle-Espagne du capitaine général Marcos de Aramburu, partie de Cádiz le 10 mai 15937, la flotte de Terre Ferme de Sancho Pardo Osorio, partie de San Lúcar le 25 février 15948, la flotte de Nouvelle Espagne de Luis Alfonso de Flores, partie de Cádiz, le 20 juillet 15949, flanquées d’une importante protection d’armadas, qui rentrent au bercail10.
161595 liquide d’un coup, par conséquent, le reliquat de tous les départs en convois de deux années animées, on s’en souvient, d’un trafic particulièrement élevé, pourtant, 1593 et 1594 (dont les pourcentages respectifs à la moyenne étaient de l’ordre de 120,62 % et de 117,78 %). On comprend, dans ces conditions, l’importance des Retours de 1595. Ils sont égalés ou dépassés, deux fois, seulement, en douze ans, en 1602 (89 navires, 25 377 toneladas, 27 914,7 tonneaux) et en 1600 (102 navires, 27 977 toneladas, 30 774,7 tonneaux).
- 11 Cf. ci-dessus, p. 962-963.
- 12 Rappelons, pour mémoire, les décrochements plus accentués encore, entre 1592 et 1593, 711 % sur le (...)
17L’ampleur du décrochement entre 1594 et 1595 ne signifie pas grand chose, malgré son extraordinaire ampleur (un peu comparable à l’amplitude du décrochement qui oppose 1592 à 1593, sur le mouvement Retours, et pour des raisons analogues11) : 304 % sur le mouvement unitaire, 962,6 % en tonnage12. Il résulte, on s’en souvient, de la biennalité des Retours. Beaucoup plus significatives, par contre, les comparaisons que l’on pourrait établir entre 1595 et les années en position analogue sur le mouvement Retours, entendez 1593 et 1591. On ferait apparaître, ainsi, d’une manière moins contestable, la véritable reprise du mouvement Retours. Par rapport à 1593, sur le mouvement unitaire, le progrès est de l’ordre de 38,4 % et le tonnage de 47,4 %. 1593 peut être considéré, tout bien pesé, comme le creux véritable des Retours.
- 13 100 bateaux en 1591, 101 en 1595.
18Par rapport à 1591, l’écart pratiquement nul sur l’expression unitaire13 reste considérable en tonnage de 33,6 %.
19Mais la véritable signification de 1595 procède du fait qu’à la différence de 1591 ou 1593, qu’il surclasse pourtant, 1595 n’épuise pas, pour un laps de temps de deux ans, le stock des Retours mais qu’il est épaulé par un fort mouvement encore en 1596, 87 navires, 16 738 toncladas (18 411,8 tonneaux), C'est un peu la moyenne 1595-1596 qu’il faudrait opposer à 1591-1592 ou à 1593-1594. Cette juxtaposition ferait apparaître un plus que doublement de la moyenne annuelle des Retours, entre la période de deux ans 1591-1592 (54,5 navires, 9 871,5 tonneaux-toneladas), soit 1593-1594 (49 navires, 9 808,5 toimeaux-toneladas) et 1595-1596, (94 navires, 21 072,5 toneladas, 22 404,4 tonneaux), un décrochement incontestable, cette fois, de plus de 100 % (114,9 % entre 1595-1596 et 1593-1594, en tonnage, compte non tenu de la pondération, 128,4 % compte tenu de la pondération).
- 14 Moyennes du cycle (1593-1604), 237,51 toneladas, de la première fluctuation (1593-1597), 209,43 to (...)
- 15 Cf. ci-dessus, p. 922.
20On a vu, déjà, à propos des Allers, qu’une telle situation était réalisée au prix d’une extraordinaire poussée du tonnage unitaire. Cela s’explique facilement, puisque les Retours de 1595 ont écrémé, en quelque sorte, les navires les plus rentables, parce que les plus gros, des départs de 1593 et de 1594. On arrive, ainsi, à un tonnage moyen, presque aussi exceptionnellement élevé pour les Retours, 251,45 tonneaux14, que le tonnage moyen des Allers, 122,4 était, par rapport au cycle exceptionnellement bas15. Cela signifie que, sur l’axe Retour du mouvement, le gonflement du tonnage unitaire se sera poursuivi, un an de plus, exactement dans l’axe de l’évolution des Allers de 1592 à 1594. On peut éliminer, sans crainte, do la série, les tonnages exceptionnellement bas, nécessairement, des creux de 1592 et 1594 (82,2 tonneaux en 1592 ; 95,6 tonneaux en 1594), puisque seuls reviennent, au cours de ces années, d’hivernage général, quelques avisos et navires sueltos nécessairement tout petits. Le niveau du tonnage unitaire des Retours de 1595, 251,45 tonneaux se situe bien, comparé à 1591 et 1593, sur une série en très nette reprise. Le niveau du tonnage unitaire moyen des Retours participe donc à une évolution analogue, avec un décalage normal d’un an, à celle des Allers : 1591 : 190,03 tonneaux ; 1593 : 236 tonneaux ; 1595 : 251,45 tonneaux.
- 16 Cf. t. VI1, table 163, p. 362.
211595 se trouve, en fait, il faudra en tenir compte au tout premier plan, dans les analyses postérieures, placé au grand tournant du mouvement Retour. A partir de 1595, les navires retenus aux Indes depuis cinq ans pour y reconstituer l’indispensable volant épuisé et détruit lors des années précédentes (1576-1589), reviennent à un rythme et à un niveau normal. Ce retour à un équilibre plus normal est marqué par le grand coude de 1595. Le caractère tout à fait exceptionnel des retours de 1597 est bien montré par les pourcentages des chiffres vrais du tonnage à la moyenne16, soit 179,10 %, renforcé par la position encore très forte de 1596 : 125,50 %.
22Cet écart de 179,10 % — et à bien plus forte raison, encore, le double écart de 179,10 % et de 125,10 % sur deux années consécutives —, constitue l’écart record de toute la fluctuation cyclique, approché par 1600, 1598 et 1602 (176,27 %, 166,75 %, 154,81 %), mieux, il vient en seconde position dans toute l’histoire de la Carrera (il n’est dépassé qu’une fois, en 1587, écart de 197,74 % pour 98 bateaux et 29 529 tonneaux-toneladas). Il marque, en outre, les limites d’un revirement considérable sur le mouvement Retour. Tous ces éléments permettent de mesurer l’importance du phénomène Retours pour la compréhension des événements qui ont lieu, dans la Carrera, autour des années 1595 et au-delà.
3. Allers et retours
23On retrouvera l’empreinte du mouvement Retours sur la position des globaux, Allers et retours. Au cours d’une année, comme celle-ci, avec une grosse distorsion entre les deux axes de mouvement Allers et Retours au profit, paradoxalement, des Retours, une certaine réserve est nécessaire à l’égard des données du mouvement Allers et retours.
24En effet, la position moyenne des Allers et retours ne signifie pas grand chose, puisqu’elle procède de la juxtaposition d’un niveau Allers, anormalement bas et d’un niveau Retours, anormalement, mieux, accidentellement élevé.
25Par rapport à 1594, les globaux Allers et retours sont, quand même, en progrès, — l’énorme masse des Retours compensant, et au-delà, la défaillance passagère des Allers, — soit un décrochement positif de 28 % sur le mouvement unitaire (de 175 à 224 unités), de 28,4 % du tonnage (de 31 554 tonneaux toneladas à 40 457 tonneaux-toneladas). Mais ce décrochement à l’égard de la position artificiellement en contre-bas de 1594 ne signifie pas grand chose, plus judicieuse la comparaison avec 1593 et 1596. Par rapport à ces termes de référence, 1596 reste en état d’infériorité, en retrait d’environ 12 %.
26Le tonnage unitaire moyen est extraordinairement proche de celui de 1594 : 180,6 tonneaux-toneladas contre 180,3 tonneaux-toneladas en 1594. Voilà qui constitue, finalement, un test excellent. Les tonnages élevés des Allers de 1594 se retrouvent en Retours en 1595 et vice-versa, les tonnages légers des Retours de 1594 se retrouvent en Allers en 1595. Les deux tendances divergentes réussissant à s’éliminer à peu près parfaitement, le tonnage moyen des Allers et retours de 1595 marque un palier sur la pente ascendante depuis 1592 : 166,2 tonneaux-toneladas en 1591, 127,1 tonneaux-toneladas en 1592, 205,9 tonneaux-toneladas en 1593, 180,3 en 1594, 180,6 tonneaux ou toneladas en 1595, 191,4 toneladas en 1596, face aux moyennes cycliques et intracycliques de 1593-1604 et 1593-1597 s’élevant, respectivement, à 214,3 toneladas et 190,9 toneladas.
- 17 Cf. note 1, p. 999.
27Cette année est donc, à tous égards, placée sous le signe de la moyenne. La position relative par rapport au trend17 est, pourtant, légèrement positive, 105,97 % contre 83,40 % en 1594,126,97 % et 124,98 %, par contre, en 1593 et 1596.
28Chiffre un peu supérieur à la moyenne, en léger progrès, par rapport aux niveaux précédents : c’est bien l’impression que confirmeraient d’autres comparaisons. La mise en parallèle, par exemple, du niveau de l’année (224 navires, 40 457 tonneaux-toneladas) avec les moyennes annuelles de 1591-1592 et de 1593-1594, soit 151 navires et 22 636,5 tonneaux-toneladas, 197 navires, 38 298 tonneaux-toneladas. Le niveau de 1595 est supérieur, également, aux moyennes annuelles cycliques et intracycliques, de 1593-1604 et 1593-1597, soit 178,58 navires, 38 281,6 toneladas et 201,8 navires, 38 724,2 tonneaux.
29Si l’on reporte ces données à celles de 1596 (238 navires 45 563 tonelada 50 119,3 tonneaux), 1595 malgré un accident aussi violent que passager, se trouvera bien dans l’axe d’une montée cyclique d’un seul tenant qui irait, en gros, de 1592 à 1596, pour rebrousser, ensuite, en direction du creux des années 1596-1597-1598. Et c’est, peut-être, la conclusion la plus importante qu’il faut pour le moment retenir de ces multiples confrontations.
4. Les prix
- 18 Cf. ci-dessus, t. VIII1, p. 215 sq., 890.. 957..
30Continuant à se développer, suivant des modalités qui ont été examinées à leur heure18, la relation prix-trafic accentue son originalité en 1596. Du moins, si l’on considère le mouvement de 1595 comme participant sur les expressions volumétriques du trafic à la phase ascendante de la fluctuation.
- 19 Cf. t. VI1, table 163, p. 362.
31Les indices vrais se trouvent, pour la troisième fois consécutive, en effet, en-dessous de la moyenne mobile des prix19. Or, si un décalage des trafics de deux ans par rapport aux prix peut être considéré comme normal — tant e raison des schémas admis, que des expériences Je {dus souvent confirmées sur la réalité chiffrée du mouvement —, c’est à partir de la troisième année, que l’on peut considérer le rapprochement comme anormal.
32L'anomalie, en fait, dépassant l’année 1595, s’étale sur deux ans, de 1595 à 1596. À partir de 1597, on retombe dans le cadre d’une corrélation positive, prix-trafic, classique. L’anomalie 1595-1596 a été expliquée par le contrecoup de l’accident d’ordre politique et militaire des années 1587-1588 et des années suivantes : il aura, en venant perturber par le milieu, la corrélation positive normale, prix-trafic, prolongé de deux ans supplémentaires, le décalage des trafics par rapport aux prix espagnols. Tout ceci, vrai, en gros, s’applique bien, dans l’ensemble, au cas des années 1595-1596.
- 20 E. J. Hamilton, 1501-1650, op.cit., p. 193-200.
- 21 Cf. t. VI1, table 163, p. 362.
33On peut pousser plus loin, toutefois, l’analyse des corrélations qui unissent les deux ordres de phénomènes. L’explication précédente est valable dans le cadre de liaison à grands traits, dans le cadre d’une conjoncture, aux mailles assez larges, en gros, pluriannuelles. Dans le cadre d’une conjoncture beaucoup plus courte, on observera, peut-être, que cette corrélation négative, par translation sur deux ans, n’est pas tout à fait exclusive d’autres corrélations plus courtes. Si l’on se reporte, tant aux indices des prix andalous20, qu’aux pourcentages d’écart à la moyenne mobile des indices des prix espagnols-argent21, on notera, en 1595, très précisément, le creux maximal des prix.
- 22 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 193-200.
- 23 Cf. t. VI1 table 163, p. 362.
- 24 Action aberrante, surtout, de la série Valencienne, pratiquement hors de cause dans les événements (...)
34Pour les prix andalous, par exemple22, 1595, avec l’indice 110,94, constitue bien le creux d’une longue période, le plus bas depuis 1588 (et cela, nonobstant la tendance majeure positive pour l’ensemble du siècle). En ce qui concerne les indices des prix globaux23, moins nettement, pourtant, en raison de l’action contrariante des séries les moins importantes24, la situation de 1595 est une situation analogue. C’est en 1595, en effet, que se situe l’écart maximum entre l’indice vrai et la moyenne mobile médiane de treize ans correspondante, soit 93,43 %, contre 96,66 % en 1593, 95,73 % en 1591, 94,01 % et 98,25 % en 1596 et 1597. Sans être le plus important de l’ensemble de la période (1504-1650), cet écart (l’écart record du cycle, bien sûr) aura été égalé ou dépassé six fois seulement en près d’un siècle et demi.
- 25 Cf. ci-dessous, p. 1002-1009.
35Or, dans l’ensemble ascendant 1593-1596, il est bien évident que sur le mouvement Allers, le mouvement le plus sensible à la conjoncture européenne, 1595 constitue un accident négatif25, sur la structure duquel on aura l’occasion de revenir encore.
- 26 Cf. ci-dessus, p. 1000-1001.
- 27 Immédiatement après, c’est l’espace Vieille-Castille Léon, celui des foires de Medina del Campo, V (...)
- 28 Cf. ci-dessous, p. 1008 et t. VI1, table 226, p. 471.
36De cette double constatation, apparemment contradictoire, il résulte que, entre prix et trafic envisagés globalement, 1593-1596 et plus particulièrement 1595-1596, constituent une petite anomalie facilement explicable, on a vu comment26. Mais, à l’intérieur même de cette anomalie, 1595-1596, la corrélation traditionnelle reprend ses droits, à la contraction maximale des prix (exceptionnellement, sensible dans l’espace moteur de l’Andalousie27), correspond une contraction maximale des Allers et plus encore, on le verra28, une contraction maximale des valeurs. Rien ne prouve, d’ailleurs, qu il y ait une liaison certaine entre les deux ordres de phénomènes, il fallait faire, toutefois le rapprochement, d’autant plus troublant, que la corrélation joue dans le sens attendu.
EXPLICATIONS ET INTERPRÉTATIONS
37On s’est borné, pratiquement, jusqu’ici, à prendre, tels quels, les chiffres globaux, supposant interchangeables les differents éléments du mouvement, il importe, désormais, d’aller plus loin et, dépassant les apparences de démontrer les mécanismes qui sont à l’origine de la situation présente.
1. La défaillance des Allers
- 29 Cf. ci-dessus, p. 995-997.
38Toute la conjoncture sévillane et atlantique de 1595 tient dans le « raté » des Allers dont on a mesuré, tout à l’heure, l’ampleur29. Il ne faudrait pas, toutefois, en exagérer l’importance : rien n’autorise à penser, en effet, que la défaillance de 1595 réponde à une attitude déterminée du négoce, à une obstruction des marchés, ou à une baisse du profit. Rien n’autorise a penser, du moins, que ces facteurs aient joué en première ligne. Le creux de 1595 est, d’abord, accidentel. U est plus révélateur, sous cet angle, des limites physiques de la Carrera, de la fragilité de la reconstruction intervenue, de la gêne maintenue par un état de guerre persistant, voire même, au ralenti, que d’une défaillance conjoncturelle qui n’intervient, sans doute, qu’en deuxième position.
- 30 Cf. t. III, p. 544-545 et note 3, p. 552.
39Il est manifeste, par exemple, que le Guadalquivir a été vidé en 1594, de tout ce qu’il contenait de matériels lourds péniblement reconstitués. La situation aura été aggravée, encore, par l’envoi à La Havane, à des fins parfaitement extra-économiques, de l'Armada de Francisco del Corral30. Partis en janvier, pour porter secours aux énormes convois empêtrés dans leur hivernage, les 18 000 tonneaux de l’armada de secours peuvent pratiquement être portés à l’actif de l’année 1594 et retirés des départs de 1595 qui en sortent encore amenuisés.
40Tout l’équilibre fragile, péniblement reconstitué en 1593 et 1594, se trouve détruit par la défaillance des Retours de 1594. La flotte de Marcos de Aramburu, partie de Cádiz le 10 mai 1593, vers la Nouvelle Espagne, aurait dû, normalement, réapprovisionner de son matériel lourd, les départs de 1595. Mais, en fait, autant pour des raisons psychologiques que par contrainte physique — la peur de l’Anglais est devenue une psychose —, les bateaux de Marcos de Aramburu s’immobilisent et s’abîment lentement, dans d’interminables attentes aux Indes. Ils sont, non seulement amenuisés mais détournés de leur fonction. Avec toutes les incidences qu’une aussi mauvaise utilisation peut avoir sur les taux d’amortissement du capital engagé dans l’armement sévillan atlantique, partant, sur le prix du fret. Compte tenu des temps de chargement et de déchargement dans le Guadalquivir (à l’exception de quelques menus services qu’ils ont pu rendre, peut-être, sur place, dans le commerce d’Inde en Inde), c’est à un rythme de rotation de trois ans qu’ont été soumis les navires de Marcos de Aramburu. Trois ans, pour un Aller et Retour, entre Séville et la Vera Cruz, c’est, évidemment, beaucoup.
- 31 Comme le prouvent les pertes (cf. t. III, p. 556-557) et la double arrivée à San Lúcar et à Lisbon (...)
41Telle est la raison particulière de l’exaspération de la crise de tonnage qui va sévir en 1595, dans le Guadalquivir et dont les preuves abondent..., puisqu’il est bien évident que le gros convoi qui arrive assez mal en point31 à San Lúcar et à Lisbonne, les 7 et 8 mai 1595, ne peut, pratiquement, entrer en ligne de compte pour alimenter de nouveaux départs, avant 1596.
- 32 Cf. t. III, p. 544-547.
- 33 Cf. t. III, p. 544-545, navires nos 12 et 13.
- 34 Cf. t. III, p. 546-547, navire no 27.
- 35 Cf. t. III, p. 546-547, navires nos 20, 22 et 23.
- 36 Cf. t. III, p. 554, note 28.
42Seuls, de tout petits bateaux restent disponibles, ceux qui correspondent au tonnage courant des navires utilisés pour le grand cabotage le long des côtes de l’Europe, ceux qui avaient été laissés de côté, dans l’euphorie retrouvée du premier semestre de 1594, ceux que l’on peut se procurer facilement, dans la mesure précise où ils sont exclusifs de la Carrera. La composition de la flotte de Nouvelle Espagne, capitaine général Pedro Menéndez Marquez32 est particulièrement révélatrice de cette crise. À part la capitana et l'almiranta de 845 et 835 toneladas, respectivement33 la Nuestra Senora de la Concepción de Martin Franco34, navire de 300 toneladas — mais une hourque, donc étrangère, — les San Pedro, Santa Barbara et San Medel, de 320, 300 et 328 toneladas, de vieux navires de 10, 8 et 10 ans35, dont un, la Santa Barbara, brûle au port36. Tous les autres navires du convoi sont de tout petits navires, dont la présence dans une navigation en convois paraîtrait, en toute autre circonstance, proprement insolite. Ne voit-on pas, allant à la Vera Cruz, une majorité de navires dont le tonnage, exceptionnellement de 200, s’échelonne entre 160 et 120 toneladas ?
- 37 Cf. t. III, p. 544 et p. 552-553, notes 6 et 7.
43Petits navires, en nombre médiocre, une trentaine, sans participation caditaine. Un départ tardif et, ce qui est plus grave, étiré d’une manière insolite. Le convoi est prêt en mars, après trois mois et demi, à peine, de préparatifs, d’autant plus tôt qu’il est plus médiocre. Presque quatre mois séparent la fin des préparatifs du départ définitif, de Cádiz. le 11 juillet, seulement37.
- 38 Cf. ci-dessus, p. 795-800.
- 39 Cf. ci-dessus, p. 986-991.
- 40 Les fragiles équilibres retrouvés sont brisés pour les hommes comme pour le matériel.
- 41 Cf. t. III, p. 556 sq.
44La correspondance de la Casa de la Contratación fournit de ce hiatus coûteux une explication plausible, le manque de marins et, surtout, de cette espèce de techniciens particulièrement précieuse, les pilotos examinados. Cette pénurie de techniciens de mer dont on a vu les origines38, — elle avait tendance à perdre de son acuité en 159439 — a été réanimée par la brusque défaillance des Retours40. D’où la nécessité d’attendre le gros convoi de mai41 pour récupérer des équipages susceptibles de reprendre la mer et de refaire un nouveau périple. Le rythme de rotation des marins est plus rapide que celui des navires. L’année 1595 en fournit la preuve.
45Il est possible, d’ailleurs, qu’il faille ajouter une autre raison à celle de la Casa de la Contrataciôn : les retours de numéraire de 1595 auront facilité, sans doute, le départ de la flotte, en fournissant au négoce le retour de disponibilités nécessairement très attendues.
- 42 Cf. t. VI1, table 19, p. 180.
46Pour toutes ces raisons, explicitées par la Casa ou simplement impliquées par le schéma et la chronologie du mouvement, le départ de la petite flotte de Nouvelle Espagne n’a pas été possible, avant une date tardive42, le 11 juillet 1595.
47Une date trop tardive pour laisser des chances à une deuxième flotte, de Terre Ferme, dans l’année. En 1594, l’année des deux flottes, le premier convoi, celui de Terre Ferme, sous le commandement de Pardo Osorio, était parti en février, laissant, ainsi, tout le loisir à un deuxième convoi de dérouler ses préparatifs. Le mécanisme qui va amener l’échec de 1595, est donc simple. L’hivernage de 1594 retarde et atrophie le premier départ de 1595, ce retard empêche la formation du deuxième convoi.
2. La ventilation des départs43
- 43 Cf. t. VI1, table 183, p. 388.
48La répartition des départs entre les grandes articulations du complexe portuaire corrobore cette défaite.
- 44 Cf. ci-dessus, p. 999-1000.
49Elle s’exprime, tout d’abord, dans cette extraordinaire dégringolade du tonnage unitaire, qui traduit, mieux que de longs discours, le recours obligatoire à un matériel de second plan, le matériel des années sombres : 122,4 tonneaux-toneladas pour les départs de 1595 seulement contre 194,4 en 159444.
50Cette chute est due, entre autres, à une répartition différente des départs entre les grandes articulations traditionnelles.
- 45 Cf. t. III, p. 544-545.
- 46 Cf. t. III, p. 548-549.
51a. Les armadas. — Les départs d'armada. De 15 à 12 navires, de 7 269 à 2 200 tonneaux-toneladas. La chute est brutale, beaucoup plus qualitative, encore, qu’elle n’est quantitative. Ne passe-t-on pas de 484,6 tonneaux (moyenne des navires d'armadas de 1594) à 183,3 tonneaux ? Réduction du tonnage global des armadas de 69,7 %, réduction du tonnage unitaire des navires d'armada, de 62,2 %. En réalité, c’est, pratiquement, l’élimination économique des navires d'armada qu’il faudrait dire. Le grand fait — un des grands faits de 1594 — avait été, peut-être, l’incorporation à des fins économiques, de l’énorme masse de l'Armada de la guardia de la Carrera de las Indias, avec ses 7 269 tonneaux-toneladas, à la différence de l'Armada Coloma de 1594, l’armada de secours de Francisco del Corral45 et, à plus forte raison, l’escadrille de Pedro Tello de Guzmân-Mendez de Canco46, n’ont qu’un rôle économique extrêmement minime. Elles sont plus à porter au passif des charges incombant à la Carrera, qu’à l’actif des avantages qu’elle peut espérer tirer par ce moyen du trafic transatlantique. La réduction — en terme de potentiel économique — du trafic imputable aux navires d'armada dépasse, par conséquent, le rapport de réduction, pourtant, très considérable, que la comparaison des chiffres bruts laisserait prévoir. Les navires d’armadas de 1595 ne représentent pas, commercialement parlant, la dixième partie, sans doute, de ce que représentait, au départ de 1594, l’Armada Francisco Coloma.
52b. Les départs caditains. — Réduction massive de la riche catégorie des caditains. Les navires de Cádiz n’apparaissent pas en 1595 dans la ventilation des départs, à l’intérieur du complexe portuaire. Cela se produit, deux fois, à l’intérieur du cycle 1593-1604, en 1595 et en 1603, c’est-à-dire toujours lors d’un fléchissement important de la masse globale des Allers : 1595 et 1603 sont les deux points, sur le mouvement Allers, de dépression maximale et d’écart maximal des chiffres vrais à la moyenne, avec, respectivement, 15 060 et 16 292 toneladas, 60,1 % et 63,89 % du trend. En 1592, aussi, année de dépression, on a pu observer un fléchissement corrélativement plus important des Caditains. Pour des raisons qu’on s’explique mal, Cádiz réagit davantage que Séville, au cours de ces années, aux accidents négatifs de la conjoncture.
53Il serait difficile dans l’état actuel de notre documentation, de savoir dans quelle mesure, il s’agit pour Cádiz d’une sensibilité directe ou d’une sensibilité seconde, médiate à la conjoncture.
- 47 Cf. ci-dessous p. 1007-1008.
54Sensibilité indirecte ? Marchands et navires de Cádiz seraient barrés, en année creuse, par Séville jalouse. L’hypothèse est séduisante. Il semble, toutefois, qu’il faille l’écarter. Ce qui peut être vrai, dans le cadre d’une conjoncture plus longue, n’est pas possible ici. 1595 est, d’abord, un étranglement physique de l’armement, comme le prouve, d’ailleurs, dans le même temps, l’extraordinaire flambée, tant absolue que relative, surtout, des Canariens et des négriers47. On comprendrait mal comment le barrage sévillan aurait pu s’exercer exclusivement au détriment des Caditains, en épargnant ces concurrents traditionnels et exécrés que sont, traditionnellement, les négriers, accessoirement, les Canariens, au tout premier chef.
55Cette première hypothèse écartée, du moins écartée en tant que système d’explication unique, nécessairement insuffisant, reste l’influence immédiate, l’hypersensibilité spécifique de Cádiz. La défaillance des Caditains semble bien être le fait, moins d’un barrage venu du dehors, que d’un refus de participer ou, à la rigueur, d’une impossibilité interne. En ce sens, elle est, d’ailleurs, beaucoup plus significative. Cádiz semble, à la fin du xvie siècle, encore, ne consacrer à l’Atlantique américain qu’une partie de ses forces. D’où, en année particulièrement mauvaise comme 1595 ou 1603, un retrait pur et simple de l’entreprise indienne. L’activité caditaine plus marginale serait donc plus tributaire d’excellentes perspectives de gains. Si cette seconde hypothèse doit être retenue, on accordera, en conjoncture, une signification importante à la non-participation exceptionnelle du commerce caditain. Que le commerce caditain soit plus libre de son choix, ou bien, ne disposant plus, vraisemblablement, du même volant que Séville, que le commerce caditain en ait pris prétexte pour se dérober, lors de la crise de 1595, sa dérobade est significative.
56c. Les départs sévillans. — La catégorie des navires marchands de Séville est également cruellement touchée. Et c’est là le facteur essentiel, puisqu’on lui a toujours attribué, à juste titre, un rôle dominant. De 68 navires et 11 415 tonneaux-toneladas en 1593, de 79 et 14 595 tonneaux-toneladas en 1594, les départs des navires marchands de Séville passent à 52 navires et 7 620 tonneaux-toneladas en 1595. Par rapport à l’année précédente, le décrochement est de 34,2 % pour les navires et de 47,8 % pour le tonnage, une réduction, par conséquent, de moitié du volume porteur.
57Cette réduction draconienne est encore accentuée, si on passe de l’aspect quantitatif à l’aspect qualitatif. Le tonnage unitaire moyen des navires marchands de Séville subit une incontestable réduction, très hautement significative aussi. Le tonnage unitaire strictement marchand sévillan passe de 184,8 tonneaux-toneladas en 1594 à 146,5 tonneaux-toneladas en 1595, soit un repli de 20,7 %. Or, ce repli est chargé de signification, car il n’y a pas opposition seulement, sur ce point, entre 1595 et 1594, l’année précédente, mais opposition entre le niveau de 1595 (146,5 tonneaux-toneladas) et celui de toute la série des années précédentes : 183,43 tonneaux en 1594, 167,9 en 1593, 171,5 en 1592,171,8 en 1591,193 tonneaux en 1590.
- 48 Cf. ci-dessus, p. 1002-1004.
- 49 Cf. ci-dessus, p. 834-840.
58Cette vérification de la chute du tonnage unitaire en 1595 sur la série la plus importante, celle des navires marchands de Séville, corrobore les explications qui ont été précédemment proposées48, de ce phénomène. Elle en souligne l’importance. La chute du tonnage n’est pas due, simplement, à une ventilation différente des départs, mais elle affecte bien en son centre, la Carrera, dans le secteur même privilégié des gros navires. Elle révèle l’étroitesse des stocks en matériel lourd, reconstitués six ans après la catastrophe de l'Invincible Armada. Le repli de 1595 est donc, à tous égards, bien sensible sur l’axe le plus important du trafic de Séville. Les navires marchands de Séville, avec 52 navires, 7 620 tonneaux-toneladas et un tonnage unitaire moyen de 146,5 toneladas — contre épreuve de prix —, sont en position d’infériorité, en 1595, par rapport, même, au creux de 1592, sur l’importance duquel on a, à son heure, beaucoup insisté49 (58 navires, 9 950 tonneaux toneladas, tonnage unitaire moyen 171,5 tonneaux-toneladas). Ces chiffres sont les plus bas du cycle 1593-1604, les seuls niveaux inférieurs étant 1591 et 1587.
59d. Les départs marginaux. — L’impossibilité devant laquelle Séville se sera trouvée, d’assurer au moyen de convois de lourds navires, la jonction normale entre les deux continents, aura favorisé, par contre, les axes marginaux du trafic, la catégorie des Canariens et des négriers. Le trafic sur les axes marginaux est en progrès, en chiffres absolus, 31 Canariens, 2 440 toneladas contre 28 navires et 2 200 toneladas en 1594, 28 négriers, 2 800 toneladas, contre 11 navires et 1 050 toneladas, l’année précédente. Canariens et négriers, ensemble (59 navires, 5 240 tonneaux-toneladas) représentent donc 47,9 % du mouvement unitaire global et 34,8 % du tonnage. La même catégorie (Canariens-négriers) ne représente guère, en 1594, plus de 10 % du tonnage total. Cette poussée des marginaux du trafic prouve que la défaillance de 1595 est due, au premier chef, à l’armement, d’une part. Elle démontre, d’autre part, que la chute de 1595 est tout autant qualitative que quantitative.
3. Les Valeurs
- 50 Cf. t. VI1, table 226, p. 471.
60Les séries du mouvement en valeur50 le laissent également à penser.
- 51 Cf. ci-dessus, p. 838.
61La chute de 1 636 488 638 maravedís en 1593, 1 628 478 357 maravedís en 1594 à 576 986 410 maravedís en 1595, est plus profonde, encore, que celle des volumes. On notera toute la différence avec 159251 et ses 2 696 833 977 maravedís. Peut-être y a-t-il dans ce fléchissement un geste de défense du commerce frappé par la paralysie des Retours et mieux armé contre le fisc, obtenant, ainsi, une compensation jugée indispensable. Apparemment, la pression fiscale se relâche. Malgré tout, la chute des volumes n’aura été, en aucune manière, compensée, même partiellement, comme entre 1590 et 1592, par une poussée corrélative de la valeur unitaire des marchandises transportées. Les exportations de 1595 devaient être plus près de celles de 1593-1594 que de 1590-1592.
- 52 Cf. ci-dessus, p. 1000-1002. On a déjà examiné la question. En 1595, l’effet dépressif des prix jo (...)
62Ces remarques tendent, donc, à impliquer qu’au-delà du goulot physique de l’armement, il y a eu, en 1595, autre chose, un relâchement, sans doute, de la poussée « conjoncturelle », un ralentissement « sui generis » des affaires. A. mettre, peut-être, en rapport avec le creux relatif et absolu des prix andalous, voire ibériques, en 159552.
4. Reprise de l’insécurité et pertes
- 53 Cf. t. III, p. 564 sq.
- 54 Cf. t. III, tableaux 1595 A et R, et p. 566, note 51.
- 55 Cf. t. VI2, table 610, p. 870.
63D’autres facteurs peuvent être mis en relation, encore, avec ce gros ralentissement. Au premier chef, comme une rechute d’insécurité. Illusion ou réalité, — illusion, sans doute et réalité —, on parle beaucoup de l’Anglais, dans la Carrera en 1595, un peu comme si on sentait monter un péril tout proche, la correspondance de la Casa est pleine de navires interceptés et d’imprécises menaces53. Preuve flagrante, enfin, l’énorme hivernage, le jeu complexe des armadas54, les retours très éprouvants, avec des arrivées à Lisbonne, un pourcentage relativement élevé de pertes55 : un minimum de 4,91 % au minimum du total des Allers et retours.
64Tout cela aura contribué à la contraction passagère de 1595, en partie compensée, mais en partie seulement, par la reprise de 1596.
II. — 1596. HAUT NIVEAU DU TRAFIC ET CATASTROPHE
- 56 Cf. t. IV, p. 8.
- 57 Cf. t. IV, p. 12.
65La conjoncture du trafic de 1596 est, en effet, totalement indissociable de celle de 1595. Toute Tannée 1596 est dominée, soutenue, portée, en quelque sorte, par le très haut niveau des Retours de Tannée précédente, c’est par lui qu’il faut commencer, si on veut comprendre quelque chose aux chiffres apparemment records de 1596. Deux lourds convois56, à la sortie d’un complexe portuaire très largement entendu, l'Armada y flota de Bemardino Delgadillo de Avellaneda, d’une part, l'armada y flota de Juan Escalante de Mendoza, d’autre part, la quasi-totalité des départs effectifs, se situe dans les six premières semaines de Tannée — de Lisbonne, le 2 janvier, de Cádiz, le 10 février. Ce sont manifestement des convois préparés en 1595 et accidentellement retardés. Au-delà, du fait de la destruction au port de l’armada y flota de Don Luis Alfonso de Flores57, un long silence de plus d’un an. Intimement imbriqué dans les événements de 1595, le mouvement de 1596 se situe, dans sa totalité, au tout début de Tannée. C’est en 1596, que malgré les apparences du découpage annuel, le creux médian de 1597-1599, commence. Raison de plus de considérer avec une certaine méfiance les données brutes du découpage annuel, sur lequel il faut bien s’étendre, pourtant.
LES RETOURS DE 1595
- 58 Cf. ci-dessus, p. 997-999.
66Toute l’histoire de Tannée 1596 est commandée, au tout premier chef, par le nœud des Retours de 1595. On en a vu, ailleurs, le caractère insolite58. Il est commandé, on le sait, par l’insécurité qui a régné encore, dans les deux années qui viennent de s’écouler, sur les communications dans l'Atlantique.
- 59 Cf. ci-dessus, p. 993.
- 60 Cf. t. III, p. 556-563.
- 61 Cf. ci-dessus, p. 997-999.
67Si tout le trafic de 1595 a été paralysé par l’insolite immobilisation dans la Méditerranée américaine, des navires, des marchandises, des trésors, des capitaux, des marins, des techniciens de la mer, sans aucun profit pour personne..., en échange, 1596 va récupérer une partie, sans effort, de ce que 1595 a injustement retenu. Or, non seulement les Retours de 1595 sont abondants, on a vu dans quelle mesure, mais ils sont de qualité, comme le prouve le tonnage unitaire moyen très élevé, 251,4 tonneaux-toneladas59. Ces Retours sont, en outre, relativement précoces. Leur presque totalité s’effectue, en deux gros paquets, un premier convoi arrive entre le 7 et le 8 mai, un second convoi, le 1er septembre60. Les marins du premier paquet, celui de mai, sont arrivés à temps, encore, pour monter la flotte de Pedro Menéndez Márquez61. Ainsi et c’est, sans doute, le fait essentiel qu’il fallait placer en tête de toute explication, la Carrera dispose à Séville, dès la fin de 1595, d’une masse importante de navires prêts à participer, à nouveau, au trafic.
LES DONNÉES DU DÉCOUPAGE GLOBAL ANNUEL
68Ces premiers jalons posés, on se tournera vers les données du découpage annuel. Quelles qu’en soient les limites, particulièrement étroites, en 1596, c’est par elles qu’il convient de commencer.
1. Allers
- 62 Cf. t. VI1, table 129, p. 327 ; table 131, p. 329 ; table 141, p. 339.
69Si on se reporte aux chiffres les plus généraux, entendez les navires qui prirent le départ d’un des ports du Guadalquivir ou qui furent effectivement prêts à partir, à un moment ou à un autre, on aboutit à des totaux très impressionnants. 151 unités, le niveau apparemment le plus élevé du cycle, le plus élevé, aussi, de toute l’histoire de la Carrera, à l’exception seulement de 1608, 28 825. toneladas, 31 707,5 tonneaux62. Soit un décrochement massif, de l’ordre de celui qui a opposé 1592 et 1593, soit, de 1595 à 1596, un décrochement positif de 22,76 % sur l’expression unitaire, de 91,5 % en tonnage (unités non pondérées), de 110,5 % en tonnage (unités pondérées). À titre de comparaison, rappelons que le plus fort décrochement du cycle ne dépassait pas, jusqu’à cette date, 24,8 % (nombre de navires) et 82 % (tonnage, unités pondérées et non pondérées) entre 1593 et 1594. On peut difficilement trouver plus parfait contraste. Il est dû comme ces chiffres l’indiquent, à une mutation brutale du tonnage unitaire, brusque et définitive, puisqu’il n’y a pratiquement plus de retour à la situation anormale de 1595.
- 63 Cf. ci-dessus, p. 975-979.
- 64 Elle conduisait à lire, 122,4 tonneaux (1595) et 210 tonneaux (1596), soit un décrochement plus gr (...)
70Le tonnage unitaire moyen des navires partant ou prêts, à partir du complexe portuaire en 1596 est redevenu sensiblement ce qu’il était, avant l’accident de 159563. De 122,4 toneladas, il passe brusquement à 190,9 toneladas soit un progrès de 56,7 %, compte non tenu de la pondération64. Le tonnage unitaire moyen des départs est redevenu conforme à la norme du cycle : 190,9 toneladas (194,4 toneladas en 1594 ; 190,5 toneladas en 1593 ; 181,82 toneladas pour l’ensemble de la fluctuation 1593-1597, et 201,4 toneladas, pour l’ensemble des Allers du cycle 1593-1604). Ce retour à un niveau normal depuis la fin du grand accident 1590-1592, consécutif à la catastrophe de l'Invincible, confirme le caractère fortuit de l’accident négatif de 1595. Le Guadalquivir a, désormais, à sa disposition, les navires récupérés après le grand nœud des Retours de 1595. Le vieux stock de petits navires — il ira en s’amenuisant — est, à nouveau, normalement, de plus en plus noyé dans la masse, en cours de reconstitution, des navires de taille supérieure. Tel est l’enseignement de ce brutal redressement du tonnage unitaire moyen.
- 65 t. VI2, table 163, p. 362.
71Par rapport à la moyenne mobile de treize ans, les positions respectives de 1595 et 1596 passent brutalement de 60,1 % à 125,38 %65, soit de l’écart négatif le plus considérable du cycle à l’écart positif immédiatement le plus important après 1601.
- 66 Cf. t. IV, p. 12-13.
72De là, à accorder aux Allers de 1596, une importance tout à fait exceptionnelle, il n’y a qu’un pas qu’il faut se garder de franchir. Sur les 151 navires alignés au départ de 1596, il faut, en effet, retrancher, les 19 bâtiments de la flotte de Don Luis Alfonso de Flores, ceux-là qui furent détruits ou ne partirent jamais66, en raison du raid dévastateur de l’escadre anglaise sur Cádiz. Il fallait bien en tenir compte, dans le mouvement global, puisqu’ils font partie de l’effort global de la Carrera, tant dans le domaine de l’armement que dans celui du négoce (151 navires, 29 000 toneladas), mais l’irruption de l’escadre anglaise, le 2 juillet 1596, ramène le total de ce qui devait effectivement partir en direction de l’Amérique, à un chiffre beaucoup plus modeste, à 132 navires et 21 660 toneladas. Tout est loin, dans la masse des 132 unités et 21 660 toneladas — on aura l’occasion d’y revenir — de présenter, au point de vue économique, un égal intérêt, les six mille toneladas de Delgadillo de Avellaneda sont pratiquement hors de cause. Mais, à la différence des navires détruits, leur cas peut offrir matière à discussion. Déduction faite, par conséquent, de la flotte malheureuse qui ne partit jamais, la masse des navires, qui devait atteindre l’Amérique, se trouve singulièrement réduite. Compte non tenu de l'armada suspecte de Delgadillo, le décrochement — et c’est un maximum— n’est plus, de 123 à 132 navires, que de 7,3 % sur le mouvement unitaire, de 43,8 % en tonnage. On notera, par la même occasion, à quel point la ponction représentée par la destruction de la flotte de Flores a Cadiz aura été plus qualitative encore que quantitative. Le tonnage unitaire moyen des navires détruits ou empêchés de partir s’élève à 509 toneladas, le tonnage moyen unitaire des navires effectivement partis, tombe de ce fait, de 190,9 à 161,1 toneladas. Les destructions ont, donc, été sélectives, et, de ce fait, particulièrement pénibles.
- 67 Cf. ci-dessous, p. 1014-1023.
- 68 Cf. ci-dessus, p. 1038-1052.
73Ces quelques réserves seront reprises, ultérieurement67 elles tendent à réduire la position de 1596 et à faire commencer, beaucoup plus tôt, par une ligne continue de difficultés croissantes, le creux incontestablement centré sur l’année 1598, tout en simplifiant et en rendant plus conforme à la normale, le complexe des relations entre prix et trafic, tel qu’il apparaît à première vue68.
2. En Retours
- 69 Cf. ci-dessus, p. 997-999.
74En réalité, comme pour l’année 1595, c’est le mouvement Retours qui donne à 1596 sa principale caractéristique. Malgré un très sensible recul par rapport à la situation tout à fait exceptionnelle de 1595, dans ce domaine69, le niveau des Retours de 1596 reste extrêmement élevé. 1595, en effet, liquide, on l’a vu, le résultat d’un double hivernage, entendez, à peu de choses près, les hauts niveaux des Allers de 1593 et 1594. Il s’appuie sur le creux accidentel des Retours en 1594. Tout au contraire, 1596 vient après les énormes retours de 1595 et le faible niveau des départs de la même année. C’est en 1596, seulement, donc, que l’on peut affirmer avec certitude la décisive reprise des Retours, un des facteurs qui permettront la poussée de la deuxième fluctuation primaire du cycle à partir de 1600.
- 70 Cf. t. VI1, table 159, p. 356.
- 71 Il suffit, par exemple, de se reporter aux pourcentages des Allers et des Retours, par rapport aux (...)
75Par rapport aux Retours de 1595, le découpage annuel donne l’impression d’un certain recul. Le coefficient des Retours70 par rapport à l’ensemble du mouvement, passe de 62,78 % en 1595, pourcentage tout à fait insolite dont on a souligné, à son heure, le caractère insolite, à 36,74 %, un pourcentage, lui, apparemment tout à fait normal71. Mais ce pourcentage de 36,74 % suppose que l’on compte dans le total des Allers, la masse fictive de l'armada y flota de Luis Alfonso de Flores. Si on l’exclut, le pourcentage des Retours aux globaux s’élève, tout en restant naturellement inférieur au pourcentage exceptionnel de 1595, bien au dessus de la moyenne, à 43,6 % du total.
- 72 Cf. t. IV, p. 22 sq.
76En 1596, le mouvement Retours marque un retrait par rapport à 1595 : 87 navires au lieu de 101, décrochement négatif de 13,86 %, sur le mouvement unitaire, 16 738 toneladas en 1596 au lieu de 25 397 toneladas en 1595, décrochement négatif de 34,1 % en tonnage. Ce recul est dû surtout à un fléchissement du tonnage unitaire moyen, exceptionnellement élevé, en 1595 sur les Retours, de 241,45 toneladas en 1595 à 192,4 toneladas (211,6 tonneaux) seulement en 1596, soit un recul de 23,5 %. Ce fléchissement n’a rien d’anormal — comparé au tonnage unitaire moyen des Retours de la fluctuation : 209,43 toneladas, de 1593 à 1597 ; et du cycle : 237,51 toneladas de 1593 à 1604. Il suit, en l’atténuant très substantiellement, le décrochement qu’on a observé, en Allers, entre 1594 et 1595 : de 194,4 toneladas en 1594 à 122,4 toneladas en 1595. Les Retours exceptionnellement élevés de 1596 sont dus, en effet, à la rentrée combinée de la petite flotte Pedro Menéndez Marquez de 1595 et au convoi de Juan de Escalante de Mendoza, soit la liquidation des Allers de 1595 et d’une partie de ceux déjà de 1596. Telle est la clef de ce brusque fléchissement du tonnage unitaire Retour. On ajoutera, enfin, qu’aux deux gros convois des Retours de 1595 (7 et 8 mai et 1er septembre 1595), correspond, en 1596, un seul gros convoi, pratiquement, dont les 60 navires, arrivent à San Lúcar, le 1er octobre 159672 : 60 navires sur 87, mais la quasi totalité du tonnage, plus de 90 %.
77Mais, en réalité, moins qu’à un recul des Retours, c’est à une augmentation de leur niveau qu’il faudrait conclure, puisque 1596 voit s’ébaucher, malgré la récurrence de 1597, la fin de la biennalité du mouvement.
78En vertu de quoi, il serait plus exact d’opposer au niveau des Retours de 1596 (87 navires, 16 738 toneladas, 18 411,8 tonneaux), la moyenne annuelle des Retours de l’ensemble 1594-1595, soit 94 navires et 13 893,5 toneladas. On constaterait, alors, un léger recul, peut-être, du mouvement annuel, de 7,4 %, mais une substantielle montée du tonnage, compte non tenu même de la pondération, de 20,4 %. On constaterait, ainsi, que, contrairement aux apparences, à plus long terme, on assiste bien entre 1594-1595 et 1596, sur les Retours, à une augmentation, au demeurant, normale, du tonnage unitaire des navires, dans la direction Amérique-Europe : de 147,8 toneladas pour la période 1594-1595, le tonnage unitaire moyen des navires, au Retour, s’élève à 192,4 toneladas en 1596. 1596 constitue bien, par conséquent, malgré les apparences, la pointe du mouvement Retours, au cours de la première fluctuation. Elle ne sera pas égalée et dépassée, avant la seconde fluctuation entre 1602 et 1603.
3. En Allers et retours
79On pouvait penser, a priori, que le mouvement Allers et retours allait revêtir, en 1596, une signification particulière. En raison du parfait équilibre des Allers et des Retours. C’est bien, ce que témoignent les pourcentages des tonnages vrais à la moyenne, 125,38 % pour les Allers, 125,50 % pour les Retours et 126,97 % pour les Allers et retours.
80C’est certainement ce qui se produirait s’il ne pesait pas, sur le mouvement Allers, une certaine équivoque. Mais il importe, d’abord, comme toujours, d’être aussi fidèle que possible aux données du mouvement global.
81Avec 238 navires, 45 563 toneladas (50 119,3 tonneaux), le mouvement global de 1596 (compte tenu de la flotte de Nouvelle Espagne, au départ, de Don Luis Alfonso de Flores) constitue le point culminant de la première fluctuation primaire. Il doit cette position à l’extraordinaire équilibre signalé des Allers et des Retours. Ce niveau sera dépassé, deux fois, au cours du cycle, en 1600 et en 1602, en ce qui concerne le tonnage. En ce qui concerne, par contre, le mouvement unitaire, le niveau de 238 navires n’est pas égalé de tout le cycle et n’est égalé et dépassé qu’une seule fois, dans toute l’histoire de la Carrera, en 1608, avec 288 navires.
- 73 Ou de 24 %, compte tenu de fa pondération, mais cette combinaison, nous l’avons déjà vu, doit être (...)
82Entre le niveau de 1595, donc et celui de 1596, un progrès sensible s’opère : de 224 à 238 unités, le progrès est de 6,25 %, sur le mouvement unitaire, de 40 457 à 45 563 toneladas (ou 40 457 à 50 119,3 tonneaux), de 12,6 % en tonnage73, les Allers et retours atteignent donc, un niveau de 1 % supérieur à celui de 1593, le précédent point haut des globaux.
83Le progrès, assez sensible, s’est accompagné, d’un accroissement comparable du tonnage unitaire, qui passe de 180,3 toneladas en 1594, 180,6 toneladas en 1595, à 191,4 toneladas en 1596 (210,5 tonneaux). Le tonnage unitaire de 1596 (191,4 toneladas) correspond très exactement à la moyenne de la fluctuation 1593-1597, soit 190,9, tout en restant un peu en-dessous de celle du cycle, soit 214,3 toneladas.
84Tous ces résultats — ils représentent l’effort effectivement fourni par l’armement et le négoce de la Carrera en 1596, en y incorporant la flotte fantôme de Nouvelle Espagne, ne traduisent pas l’ampleur effective du trafic et de la navigation au cours de l’année. Pour saisir cette réalité, il convient naturellement de retrancher du total des Allers, les 19 navires et les 7 125 toneladas qui y ont été abusivement incorporés. On obtient, alors, avec 219 navires et 38 438 toneladas, un niveau plus vrai, du trafic, mais très différent de l’effort effectivement fourni. 1596, après cette correction perd alors sa position exceptionnelle dans la fluctuation et dans le cycle. Elle est légèrement en retrait par rapport à 1595. Le tonnage unitaire qui s’en dégage des navires ayant effectivement navigué, est plus faible également que le tonnage obtenu, flotte d’Alfonso de Flores comprise, sensiblement égal à celui de 1595 et 1594 (soit 175,5 toneladas en 1596, contre 180,6 et 180,3 toneladas, les années précédentes).
851594-1595-1596, qu’il est difficile de dissocier, constituent donc, sous l’angle du trafic, un plateau moyen entre le creux 1590-1592 et la zone déprimée 1598-1599, où il est difficile de chercher à établir une hiérarchie. Ce diagnostic qui se dégage d’une première analyse rapide est, naturellement, corroboré par une étude plus attentive.
LA RÉALITÉ DU MOUVEMENT
861596 est une des années où le hiatus est le plus considérable entre les apparences du découpage annuel et la réalité du trafic, il en va, ainsi, en raison de l’intrusion brutale du facteur militaire dans le jeu naturel du trafic. Nous sommes en présence d’une dernière rechute de la guerre hispano-anglaise, mise en sommeil pendant tout le temps consacré à la récupération par l’Espagne de ses forces détruites dans la grande aventure de l'Invincible.
- 74 F. Braudel, Méditerranée, p. 397 ; Frank C. Spooner, Économie mondiale et frappes monétaires, op. (...)
87Graves en seront les conséquences. Les événements de 1596 auront contribue à hâter la nouvelle banqueroute de la fin du règne, 1596-159774, qui n’est pas étrangère, elle-même, au marasme des années 1597-1599. A plus d’un égard, 1596 porte déjà les signes avant-coureurs des difficultés qui viennent.
88Deuxième caractéristique, enfin, la profonde distorsion des Allers et des Retours. Tandis que la situation des Allers se détériore rapidement, les Retours continuent sur leur lancée, à un haut niveau, porteur de reprises futures.
1. La véritable situation des Allers de 1596
89Le déploiement de navires qu’on voit aux alentours du Guadalquivir en 1596 ne doit pas faire illusion : une part tout à fait insolite en aura été détournée à des fins militaires.
- 75 Cf. t. III, p. 544.
- 76 Cf. t. IV, p. 18, note 2, puisqu’une lettre du 13 juillet (Ct 5169, lib. IX, f° 392, 392 vto) en f (...)
90Un certain nombre de constatations permettent de dégonfler la fausse prospérité de 1596. Il n’y a, en 1596, qu’une seule sortie de convoi, ayant une signification économique. L'armada y flota de Juan Escalante de Mendoza, destinée à la Terre-Ferme, quitte Cádiz le 10 février 1596. Le dernier convoi important avait quitté Cádiz, le 11 juillet 159575, soit sept mois plus tôt. Les préparatifs de la flotte de Nouvelle Espagne de Pedro Menéndez Marquez avaient déjà traîné quelque peu en longueur. Il en ira, a fortiori, de même de la flotte de Juan Escalante de Mendoza, ne serait-ce que par ricochet. Les installations et la capacité physique du commerce du Guadalquivir ne permettent pratiquement pas les préparatifs simultanés de deux convois. Le3 préparatifs de la flotte de Terre Ferme ont donc commencé, dès le début de juillet 159576. Le départ en était prévu, pour octobre, date légale du départ du deuxième convoi annuel. Vœu pieux, de toute manière, irréalisable, avec des préparatifs commencés en juillet, seulement, c’est-à-dire, retardés de deux mois environ.
91Autrement dit, le convoi de Juan Escalante de Mendoza, le seul qui partira du Guadalquivir en 1596, n’est pas autre chose qu’une flotte de 1595, quelque peu retardée.
- 77 Cf. t. IV, p. 32.
- 78 Cf. t. III, p. 382-414 et ci-dessus, p. 786-787.
92Circonstance aggravante, il est le seul : le prochain départ « commercial », en dehors de quelques « sueltos » et négriers qui arrondissent les angles d’un mouvement par trop saccadé, ne se produit pas, avant 16 mois et demi, le 22 juin 159777. Voilà un creux qui n’est pas sans rappeler, à certains égards, le grand hiatus du mouvement entre le 22 octobre 1586 et le 14 juillet 158878.
- 79 Cf. t. IV, p. 20, note 59.
93La flotte de Nouvelle-Espagne qui fut prévue et mise sur pied — les préparatifs commencent dès janvier, un peu avant même, les départs de Juan Escacalante de Mendoza79 — n’était pas encore partie, le 2 juillet 1596, malgré les injonctions du Conseil des Indes. Ces hésitations commandées, au tout premier chef, par la crainte de l’escadre anglaise, lui auront, peut-être, coûté l’existence. Quoiqu’il en soit, étant donné la date déjà avancée dans l’année, on peut affirmer que, même sans la catastrophe du second grand raid anglais sur Cádiz, un second convoi n’aurait vraisemblablement pas quitté le Guadalquivir avant l’hiver, donc, en 1596.
94On ne peut attribuer à 1595 que les préparatifs d’une seule flotte, celle de Don Luis Alfonso de Flores, les préparatifs de la flotte qui ne partira pas.
2. Les raisons d’un échec
95Quelles sont les raisons de cette situation ?
96a. L’Anglais. — La recrudescence de la pression militaire anglaise serait la première, peut-être, de ces raisons, 1595-1596 marquant la dernière flambée, pourrait-on dire, de la guerre hispano-anglaise, dernière lueur de l’ère finissante des géants déclinants.
- 80 t. VIII1, Structures, p. 925.
- 81 Cf. t. IV, p. 17-18, note 1.
97Toute l’histoire de l’année est conditionnée par l’arrivée, à l’automne 1595, de la nouvelle du départ de la grande escadre, Drake-Hawkins. Elle sera bientôt suivie, au petit printemps 1596, de la nouvelle du sac de Nombre de Dios (c’est à la suite du sac de Nombre de Dios par Drake que la médiocrité du site, enfin, prouvée et la force de routine brisée, il sera remplacé par Puerto-Belo80). La menace anglaise est responsable du retard de la flotte de Nouvelle Espagne de Juan Escalante de Mendoza, c’est elle qui a paralysé le convoi de Don Luis Alfonso de Flores, peu soucieux de s’engager en direction d’une zone renommée dangereuse, à tel point que l’Anglais de retour, ses tergiversations lui auront valu d’être plus sûrement accueilli et détruit sur place, le 2 juillet 159681. À l’origine de ces retards en chaîne qui, par ricochet, finissent par tout désorganiser et paralyser, totalement, le rythme des échanges, il y a, bien sûr, au premier chef, plus encore que cette présence, la crainte de cette présence qui, pendant plus d’un an, avant, peut-être, plus encore qu’après le raid sur Cádiz, pèse sur chaque geste, plus même qu’on veut bien, le plus souvent, se l’avouer.
- 82 Cf. t. IV, p. 10-13.
98Une proportion insolite d'avisos82 sera la conséquence bien indirecte, sur le mouvement, de cette présence, puisqu’il aura fallu renforcer la densité des liaisons entre Espagne et Amérique, entendez un assez grand nombre de navires de petit tonnage, de très faible valeur économique, qui tendent à gonfler, sans grande signification, le mouvement unitaire des navires et, partant, à infléchir le tonnage unitaire.
- 83 Cf. t. IV, p. 8-9 et p. 16 sq., note 1.
99Autre conséquence, moins indirecte, sur le mouvement, de cette présence, l'armada extraordinaire de Sa Majesté, Capitaine général, Bernardino Delgadillo de Avellaneda83. Ni son itinéraire, ni sa composition, ne sont connus d’une manière très précise et l’on est réduit, en ce qui la concerne, à un tissu de conjectures. Elle ne tient pas lieu, à proprement parler, d'Armada de la Guardia de la Carrera. Constituée à la hâte, elle réunit un tonnage considérable, de l’ordre de 6 000 toneladas, elle part, soit à l’extrême fin de l’année 1595, soit plus vraisemblablement, définitivement de Lisbonne, le 2 janvier 1596. Fort différente de l'Armada de la Guardia classique, sa fonction économique peut être considérée comme pratiquement nulle.
100De portée économique pratiquement nulle, l’Armada Bernardino Delgadillo de Avellaneda constitue, par contre, une charge, très lourde, d’autant plus lourde qu’elle a prélevé, à des fins purement militaires et de défense, un maté riel assez rare de gros bateaux de choix, à une époque où ce matériel est, encore, en quantité limitée. Ce prélèvement à des fins purement militaires aura, peut-être, contribué à retarder, encore qu’indirectement, le départ de l'armada y flota d’Escalante de Mendoza, en posant pour elle, par exemple, des problèmes toujours latents de recrutement de pilotes et de marins. Elle aura contribué, aussi, plus pernicieusement, peut-être, à ce retard, de la manière suivante. La flotte tient à laisser suffisamment de champ à l'armada, dans l’espoir que celle-ci aura le temps de régler son compte à Drake.
- 84 On ne peut dire qu’elle ait été totalement inefficace, comme le prouve, entre autres, le combat li (...)
101Le calcul n’aura pas été totalement faux, puisque, quand l’armada y flota de Terre Ferme arrive aux Indes, soit effet de la présence d’Avellaneda84, soit, simplement, qu’il ait atteint une partie de ses objectifs et épuisé ses réserves, le danger anglais s’est déplacé. Son centre de gravité n’est plus dans la Méditerranée américaine, mais près des côtes espagnoles.
- 85 Cf. t. IV, p. 18, note 1.
102Mais l'Armada d’Avellaneda aura eu, certainement une influence plus directe sur les retards successifs de l'armada y flota de Don Luis Alfonso de Flores. D’abord, directement, en prélevant une partie du matériel de choix et des hommes ramenés en septembre par le deuxième convoi des Retours de 1595. Indirectement, ensuite, par l’attente d’un dénouement. Des fausses nouvelles, comme celle de la mort de Drake que l’on colporte à Séville, le 8 mai 159685, montrent que, ni le premier incendie de Cádiz, ni les désagréments de l'Invincible Armada, n’ont affaibli la confiance, au vrai, pas tellement injustifiée, des sévillans à l’égard du corps de bataille de l’Atlantique espagnol. En fait, si, malgré les appels et les instances de plus en plus comminatoires du Conseil des Indes, le convoi d’Alfonso de Flores a attendu sagement au port que l’Anglais l’y vienne détruire, c’est, peut-être, entre autres, parce qu’il avait mis, dans la victoire totale d’Avellaneda et dans la disparition définitive de l’ennemi, une excessive confiance.
103b. Les goulots traditionnels. — La seconde raison, c’est que l’on pourrait appeler, dans une certaine mesure, le maintien et la réapparition des goulots d’étranglement traditionnels. Ce sont, un peu, aussi, les raisons qu’invoque la Casa pour excuser les marchands, ses protégés, de leurs retards.
- 86 Cf. t. IV, p. 18, note 3.
104Manque de marchandises86, manque de fret, dont se plaignent marchands sévillans et « peruleros », manque de fret classé, malgré des quantités abondantes et régulières d’arrivages, de Flandre, de Séville, d’Italie, d’Espagne. On est sensible, semble-t-il, dans les bureaux de la Casa à cette contradiction qui ne peut, par ailleurs, qu’éclater aux yeux du Roi.
- 87 Cf. t. IV, p. 18.
105Manque de navires87. On peut l’expliquer par les besoins de radoub et de réparations des importants retours de 1595, fatigués par les interminables hivernages aux Indes, plus destructeurs que de longs voyages.
- 88 Ibid., note 3.
106c. La défaillance conjoncturelle. — La défaillance conjoncturelle est, peut-être, la raison la plus profonde de ces apparentes contradictions. Mais l’attitude de méfiance et de suspicion du Conseil des Indes, vis-à-vis de la pénurie de marchandises comme de la pénurie des navires88, tend à créer une certaine défiance à l’égard de ces raisons trop hautement invoquées.
- 89 Cf. t. IV, p. 20, note 59.
107On aura été frappé, en effet, par les injonctions pressantes, maintes fois réitérées, du Conseil des Indes, en vue d’obtenir le départ de deux flottes, dans des délais plus convenables89. À l’encontre des marchands de la flotte de Terre-Ferme de Juan Escalante de Mendoza, il va, jusqu’à brandir la menace d’exclusion de la Carrera contre les fauteurs de nouveaux délais.
- 90 Cf. t. IV, p. 18, note 2 ; Ct. 5169, Lib. IX, f° 422 vto.
108Une telle attitude, somme toute, assez insolite, parce que rarement adoptée, laisse à supposer beaucoup de méfiance dans l’esprit des Conseillers des Indes. Une lettre du 30 octobre 159590 contient la clef, peut-être, de ces attitudes : pour la première fois, avec autant de netteté, on se plaint à Séville, de ce que les marchandises ne se vendent plus aux Indes, aussi bien, qu’autrefois, ou, du moins, en Terre Ferme, puisque la flotte de Terre Ferme est en cause.
- 91 Cf. ci-dessous p. 1327 à p. 1330.
109La crise de Terre Ferme, l’effondrement du marché de la Terre Ferme, pour des raisons qui sont analysées à leur place91, a déclenché, on s’en souvient, la grande crise du renversement de la tendance. Il n’est pas surprenant que ce soit la Terre Ferme (on sait les plaintes concordantes des négociants sévillans et de peruleros) qui ait donné, aux abords du creux médian de conjoncture, les premiers signes de fatigue.
- 92 Cf. t. IV, p. 20, note 59.
110Dans ces conditions, il n’est pas exclu, certes, que l’acheminement, en bon état, en temps et lieu, de certaines catégories de marchandises, ravitaillement de mer ou matériel de futaille, une fois de plus92, ait été, parfois, défectueux. En raison de cette étroitesse tant de fois éprouvée de tout l’édifice matériel de cette prospérité. Il n’est pas moins douteux que le négoce, si habile, quand le vent le pousse à marcher de l’avant, n’a pas mis tout en œuvre à l’automne 1595, pour briser ces fragiles obstacles et porter à la Terre Ferme, ce que la vieille patrie lui doit. Le Roi le sait, il sait, aussi, les dangers que comporte le sacrifice trop répété en temps de crise de l’approvisionnement de la Terre Ferme. Son point de vue est différent. Il est, aussi, plus large que celui des marchands. C’est pourquoi, en 1595-1596, il intervint, pour une fois, sans tendresse, avec une rigueur au moins, verbale. C’est en Terre Ferme, parce que plus proche, parce que régulièrement sacrifiée par le négoce, à la moindre difficulté, qu’à la fin du xvie siècle, les premières brèches sérieuses au Monopole ont été creusées. Le Roi en son Conseil des Indes sait, désormais, les dangers du réflexe « malthusien » de Séville, c’est pourquoi, ouvertement, pour la première fois, peut-être, aussi sensiblement, il le condamne. Les conseillers des Indes du moins, veulent bien faire comprendre qu’ils ne sont pas dupes des fausses raisons qu’on leur donne.
111Mais qu’est-ce à dire ? Si ce n’est que le moteur du profit vient de faire entendre, à la fin de 1595 et au début de 1596, quelques ratés. Qu’est-ce à dire, si ce n’est en dehors du malaise militaire et politique qui est certain, en dehors du maintien ou de la réapparition de quelques goulots physiques bien connus, le premier signe tangible de quelque chose de bien plus profond, un fléchissement de la conjoncture des affaires ? Ce fléchissement n’est certainement pas indépendant du climat d’insécurité créé par la rechute de la guerre et par la lourde angoisse que fait peser un ennemi insaisissable et omniprésent. Mais on a vu qu’en d’autres circonstances, l’appât du profit était capable de briser semblable carcan. Il n’en va pas si facilement de même en 1596. Cette différence de comportement suffit pour qu’on puisse affirmer un certain ralentissement, ou du moins, un certain essoufflement, indépendamment de toute ambiance politique et militaire.
- 93 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 198-200.
- 94 Cf. t. VI1, table 163, p. 362.
112Cette défaillance conjoncturelle — toute relative, il est vrai —, on est bien obligé de la mettre en relation avec le comportement des prix andalous93 et espagnols94. Tous les facteurs relevés dans la correspondance de la Casa de la Contratación, pour étayer l’hypothèse d’un ralentissement du profit et d’un essoufflement des affaires, se situent, à cheval entre les derniers mois de 1595 et le tout début de 1596. Exactement, selon l’enchaînement si souvent constaté et signalé, au moment de la défaillance maximale des prix, tant andalous qu’espagnols.
- 95 Cf. ci-dessus, p. 1000-1002.
113Les positions relatives par rapport à la moyenne pour les indices généraux des prix-argent sont de 93,43 % et 94,01 % en 1595 et 1596. C’est le fond de la vague en valeurs relatives. 1595 est le creux tant relatif qu’absolu, pour les indices andalous 1596 joue le même rôle pour la Nouvelle-Castille. Il en résulte que le comportement des prix résultants en 1595 et 1596 est bien commandé par celui des deux séries géographiques, andalouse et nouvelle-castillane, les plus directement intéressés dans le trafic de l’Atlantique de Séville. Cette constatation confirme le schéma de la relation prix-trafic, précédemment déjà proposée95, elle montre que même à l’intérieur de cette période complexe, la covariation positive prix-trafic persiste dans le cadre, du moins, des variations les plus courtes.
3. La ventilation des départs
- 96 Cf. t. VI1, table 182, p. 384-387.
114Cette vision pessimiste de la réalité du mouvement Allers est très bien confirmée par l’étude de la ventilation des départs à l’intérieur du mouvement96. Que donne cette ventilation ?
115Une forte proportion, encore, de marginaux du trafic, entendez par là, le groupe canarien-négrier, 54 navires, 5 000 toneladas (59 navires et 5 240 toneladas en 1595), une énorme proportion des navires d'armada, 29 navires, 7 760 toneladas (contre 12 unités et 2 200 toneladas, l’année passée, soit un progrès de 252,3 %). Un tonnage sensiblement égal, encore que beaucoup plus morcelé, au niveau des armadas de 1593 (14 navires et 7 750 toneladas), de 1594 (15 navires, 7 259 toneladas). Mais à la différence des navires d'armada de 1594, et comme ceux de 1593, les navires d'armada de 1596 peuvent être pratiquement négligés au point de vue économique. Ils sont formés par la juxtaposition d’un matériel lourd comme celui de 1593 et 1594 et d’un matériel léger comme celui de 1595 (d’où un tonnage unitaire moyen de 267 toneladas, contre 484,6 toneladas en 1594 et 183,3 toneladas en 1595, assez dépourvu de signification, mais intermédiaire entre celui fort de 1594 et celui faible de 1595). Quoiqu’il en soit, avec les navires coulés, c’est, virtuellement, 15 000 toneladas qui sont pratiquement à retrancher du total des Allers apparents, si on désire mesurer moins l’effort fourni que le résultat obtenu.
116Par conséquent, il faut, à peu de choses près, se référer aux navires marchands de Séville pour avoir l’exact niveau des Allers, économiquement utiles, soit finalement, déduction faite, de la flotte de Don Luis Alfonso de Flores, un niveau extrêmement faible, 49 navires 8 800 toneladas, soit, par rapport aux globaux mis sur pied et dont il a été tenu compte pour le calcul des moyennes et des positions relatives à la tendance majeure, 32,45 % seulement du mouvement unitaire global et 30,5 % du tonnage, soit un tonnage unitaire moyen de 179,6 toneladas (190,9 toneladas pour l’ensemble, tout compris), qui diffère de celui de 1595, 146,5 toneladas, rejoint le tonnage moyen unitaire des navires marchands sévillans antérieurs, soit 183,43 toneladas en 1594, 167,9 en 1593, 171,5 en 1592, 171,8 toneladas en 1591, 193 toneladas en 1590.
- 97 Cf. ci-dessus, p. 1006-1007.
117On constatera, en outre, combien le niveau des navires marchands de Séville à l’Aller, en 1596, diffère peu de celui de 1595 dont on avait souligné l’extrême faiblesse97, inférieur en unités de 25 % (49 navires au lieu de 52), il le dépasse en tonnage de 15,5 %. Mais il ne représente guère que 70 % du niveau, dans la série équivalente de 1594 et 75 % du niveau comparable de 1593.
4. Le paradoxe des valeurs
- 98 On vient de voir comment on parvient à ce chiffre.
- 99 Cf. t. VI1, table 226, p. 471.
118Un rapprochement s’impose, entre cette masse très faible du support véritablement utile du trafic, les 49 navires et 8 800 toneladas98, d’une part, et les 2 381 726 203 maravedís99 du mouvement des valeurs fiscales, d’autre part, d’après les sommes perçues par l'avería. La valeur présumée des marchandises exportées en 1596 est plus de quatre fois supérieure à celle de 1595, supérieure de 40 % au niveau de 1593 et 1594, dépassé, seulement, par les valeurs présumées de 1590 et 1592.
- 100 Cf. ci-dessus, p. 832-840.
119On sera frappé de l’analogie entre la situation de 1592100 (mouvement Séville-marchands, 58 navires, 9 950 toneladas, valeur présumée des exportations, 2 696 833 977 maravedís) et celle de 1596 (mouvement Séville-marchands, 49 navires, 8 800 toneladas, valeur présumée des exportations, 2 381 726 203 maravedís). Analogie un peu superficielle, d’ailleurs : entre 1592 et 1596, l'ad valorem semble bien s’être dégradé d’une manière irréversible, encore qu’on ne puisse trancher d’une manière définitive, il semble en outre, qu’une partie, au moins, des marchandises embarquées sur la flotte de Nouvelle Espagne ait acquitté l'avería (le terme de 8 800 toneladas pour 1596 ne conviendrait plus parfaitement).
120Quoiqu’il en soit, de ce rapprochement même atténué, il convient de dégager quelques conclusions. La poussée d’insécurité, la difficulté rencontrée à se procurer du tonnage (en raison des prélèvements pour les armadas)... semblent avoir eu en 1592 et en 1596, des effets analogues, un tri se sera opéré, en faveur des marchandises les plus chères, seules capables de franchir le barrage. La contre-épreuve en est donnée dans les chiffres du mouvement Allers, volume et valeur, l’année suivante, respectivement, en 1593 et 1597 (1593, mouvement Séville-marchands, 68 navires, 11 415 toneladas et 1 636 488 638 maravedís ; en 1597, mouvement Séville-marchands, 67 navires, 14 793 toneladas, 1 335 380 178 maravedís). Dans les deux cas, on retrouve la même opposition, elle suppose un tri. Ce gonflement de la valeur unitaire du mouvement en 1596 n’est pas exclusif des difficultés de conjoncture notées par ailleurs.
- 101 Cf. t. VL, table 226-227, p. 471-473.
- 102 Entre autres facteurs, cf. t. VIII1, p. 933 sq. et t. VIII2, p. 508 sq.
121L’opposition 1595-1596 — seconde conclusion — est un aspect de l’opposition Nouvelle Espagne - Terre Ferme. Les exportations de 1595, dont on a signalé la médiocrité apparente, en valeur, sont destinées à la Nouvelle-Espagne, celle de 1596, à la Terre-Ferme. Voilà qui corrobore une fois de plus ce que le rapprochement des entrées en valeur à la Vera Cruz et à Nombre de Dios-Puerto Belo101 montre clairement. En règle générale, presque structurale, les exportations en direction de l’isthme semblent d’une densité unitaire très supérieure, double, en gros, de celles destinées à la Nouvelle Espagne. Il est certain, par exemple, que de Séville et de Cádiz, les pondéreux alimentaires ont été, beaucoup plus tôt, plus complètement éliminés102 que sur la ligne de Nouvelle Espagne. C’est, peut-être, tout simplement, ce qu’entend nous dire le rapprochement entre les 576 millions de 1595 et les 2 382 millions de 1596, la différence, à volume à peu près égal, d’exportations centrées sur la Nouvelle-Espagne, dans le premier cas, celui de 1595, vers la Terre Ferme, dans le second cas, celui de 1596.
5. Les Retours
- 103 Cf. ci-dessus, p. 1012-1013.
- 104 Cf. ci-dessus, p. 977-979.
122C’est entre 1595 et 1596, que la grande récession des Retours prend fin. Tout laisse à penser que le volant des navires aux Indes est, désormais, reconstitué. Étant donné, non seulement, la masse considérable des Retours de 1596103, la masse extraordinaire des Retours de 1595104, mais les conditions extrêmement difficiles de la navigation en raison du grand périple, dans les eaux de l’Atlantique de Séville, de l’escadre anglaise, le niveau des Retours de deux ans est particulièrement chargé de signification.
1231595-1596 constituent, sans conteste, le coude décisif du mouvement Retours. La comparaison de la moyenne sur deux ans des Retours pour la période 1595-1596 avec la moyenne des périodes précédentes 1593-1594, 1591-1592, d’une part, des périodes postérieures, 1597-1598, 1599-1600, d’autre part, le prouve clairement. 94 navires, 21 082,5 toneladas forment, entre 1595 et 1596, l’épine dorsale des Retours, séparant des niveaux bas des années 1591-1592 (54,5 navires, 9 871,5 toneladas, des années 1593-1594 : 49 navires, 9 808,5 toneladas), les niveaux plus élevés de 1597-1598 et 1599-1600 (59 navires, 12 335 toneladas, 65 navires, 18 013,5 toneladas).
124Le coup d’épaule du mouvement Retours, en 1596, malgré et en dépit de la pression exercée par l’escadre anglaise, est dû à la conjonction vraiment extraordinaire en un grand convoi de l'armada y flota de Nouvelle Espagne de 1595 et de l’armada y flota de Terre Ferme partie de Cádiz le 10 février 1596.
125Cette conjonction a été acquise au prix d’une extraordinaire accélération du rythme de rotation des convois. Que l’on songe au rythme de trois ans, pratiquement, temps de chargement et de déchargement compris, de 1593-1595, l'armada y flota Marcos de Aramburu, par exemple et qu’on le compare au rythme de l'armada y flota de Juan Escalante de Mendoza partie de Cadíz le 10 février 1596, arrivée à Nombre de Dios le 23 avril, passant à la Havane du 29 juillet au 3 août puis rattrapant, sur le chemin du retour, la flotte de Nouvelle Espagne, et arrivant à San Lúcar, le 1er octobre 1596.
126C’est là le grand événement, tout compte fait, de l’année. Celui, aussi, qui a, peut-être, le plus d’influence, au cours des années qui viennent. À plus long terme, ce rétablissement entre Espagne et Amérique d’une circulation plus équilibrée, aura favorisé la reprise de la deuxième fluctuation primaire à partir de 1600, au-delà du creux médian. À court terme, il a contribué à maintenir les départs de 1597 à un niveau raisonnable, en dépit de difficultés sérieuses.
127Et c’est ainsi que se dessine, peu à peu, l’amorce de ce creux médian aux contours mal définis, mais dont la réalité domine toute la fluctuation.
Notes
1 123 unités, soit un peu moins, certes, que la moyenne annuelle du mouvement unitaire, au cours de la première fluctuation, elle s’élève, alors à 140,2 unités, mais plus, toutefois, que la moyenne de l’ensemble du cycle 1593-1604, soit 116,2 unités ou, a fortiori, les moyennes des périodes 1593-1599 et 1600-1604, soit respectivement 109 et 95,2 unités.
2 Cf. t. VI1, table 159, p. 356.
3 Cf. t. VI1, table 163, p. 362.
4 Cf. t. VI1, table 159, p. 356.
5 Cf. ci-dessus, p. 961 et 975-977.
6 Cf. ci-dessus, p. 977-979.
7 Cf. t. III, p. 504 et 550.
8 Cf. t. III, p. 526 et 556.
9 Cf. t. III, p. 530 et 560.
10 Cf. t. III, p. 556 et 560.
11 Cf. ci-dessus, p. 962-963.
12 Rappelons, pour mémoire, les décrochements plus accentués encore, entre 1592 et 1593, 711 % sur le mouvement unitaire, 2 277 % sur l’expression tonnage du mouvement.
13 100 bateaux en 1591, 101 en 1595.
14 Moyennes du cycle (1593-1604), 237,51 toneladas, de la première fluctuation (1593-1597), 209,43 toneladas.
15 Cf. ci-dessus, p. 922.
16 Cf. t. VI1, table 163, p. 362.
17 Cf. note 1, p. 999.
18 Cf. ci-dessus, t. VIII1, p. 215 sq., 890.. 957..
19 Cf. t. VI1, table 163, p. 362.
20 E. J. Hamilton, 1501-1650, op.cit., p. 193-200.
21 Cf. t. VI1, table 163, p. 362.
22 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 193-200.
23 Cf. t. VI1 table 163, p. 362.
24 Action aberrante, surtout, de la série Valencienne, pratiquement hors de cause dans les événements de l’Atlantique espagnol.
25 Cf. ci-dessous, p. 1002-1009.
26 Cf. ci-dessus, p. 1000-1001.
27 Immédiatement après, c’est l’espace Vieille-Castille Léon, celui des foires de Medina del Campo, Villalón, Valladolid..., régulatrices, dans une certaine mesure, pendant longtemps, de l’économie espagnole, qui est affecté.
28 Cf. ci-dessous, p. 1008 et t. VI1, table 226, p. 471.
29 Cf. ci-dessus, p. 995-997.
30 Cf. t. III, p. 544-545 et note 3, p. 552.
31 Comme le prouvent les pertes (cf. t. III, p. 556-557) et la double arrivée à San Lúcar et à Lisbonne (cf. t. III, ibid.).
32 Cf. t. III, p. 544-547.
33 Cf. t. III, p. 544-545, navires nos 12 et 13.
34 Cf. t. III, p. 546-547, navire no 27.
35 Cf. t. III, p. 546-547, navires nos 20, 22 et 23.
36 Cf. t. III, p. 554, note 28.
37 Cf. t. III, p. 544 et p. 552-553, notes 6 et 7.
38 Cf. ci-dessus, p. 795-800.
39 Cf. ci-dessus, p. 986-991.
40 Les fragiles équilibres retrouvés sont brisés pour les hommes comme pour le matériel.
41 Cf. t. III, p. 556 sq.
42 Cf. t. VI1, table 19, p. 180.
43 Cf. t. VI1, table 183, p. 388.
44 Cf. ci-dessus, p. 999-1000.
45 Cf. t. III, p. 544-545.
46 Cf. t. III, p. 548-549.
47 Cf. ci-dessous p. 1007-1008.
48 Cf. ci-dessus, p. 1002-1004.
49 Cf. ci-dessus, p. 834-840.
50 Cf. t. VI1, table 226, p. 471.
51 Cf. ci-dessus, p. 838.
52 Cf. ci-dessus, p. 1000-1002. On a déjà examiné la question. En 1595, l’effet dépressif des prix jouerait à plein... et le choc différé des prix hauts antérieurs serait, cette fois, définitivement épuisé.
53 Cf. t. III, p. 564 sq.
54 Cf. t. III, tableaux 1595 A et R, et p. 566, note 51.
55 Cf. t. VI2, table 610, p. 870.
56 Cf. t. IV, p. 8.
57 Cf. t. IV, p. 12.
58 Cf. ci-dessus, p. 997-999.
59 Cf. ci-dessus, p. 993.
60 Cf. t. III, p. 556-563.
61 Cf. ci-dessus, p. 997-999.
62 Cf. t. VI1, table 129, p. 327 ; table 131, p. 329 ; table 141, p. 339.
63 Cf. ci-dessus, p. 975-979.
64 Elle conduisait à lire, 122,4 tonneaux (1595) et 210 tonneaux (1596), soit un décrochement plus grand encore de l’ordre de 71 à 72 %. Valable pour des ordres de grandeur d’ensemble, la pondération ne vaut pas à aussi court terme, il vaut mieux, donc, l’abandonner dans l’analyse détaillée, et se cantonner dans des chiffres bruts en toneladas.
65 t. VI2, table 163, p. 362.
66 Cf. t. IV, p. 12-13.
67 Cf. ci-dessous, p. 1014-1023.
68 Cf. ci-dessus, p. 1038-1052.
69 Cf. ci-dessus, p. 997-999.
70 Cf. t. VI1, table 159, p. 356.
71 Il suffit, par exemple, de se reporter aux pourcentages des Allers et des Retours, par rapport aux globaux, pour l’ensemble du cycle et de la première fluctuation primaire. Pour l’ensemble du cycle 1593-1604), les Retours totalisent 38,83 %, les Allers, 61,17 %, pour la première fluctuation (1593-1597), les pourcentages sont respectivement de 33,85 % et 66,15 %. On en a, comme une contre-épreuve, au moins aussi valable, dans les pourcentages par rapport à la moyenne mobile des Allers, Retours, Allers et retours de 1596 (cf. t. VI1, table 163, p. 362) soit respectivement 125,38 %, 125,50 % et 126,97 %. On ne trouvera jamais plus parfait alignement, plus totale conformité à la norme, similitude des comportements sur les deux axes fondamentaux et la combinaison Allers et retours.
72 Cf. t. IV, p. 22 sq.
73 Ou de 24 %, compte tenu de fa pondération, mais cette combinaison, nous l’avons déjà vu, doit être écartée.
74 F. Braudel, Méditerranée, p. 397 ; Frank C. Spooner, Économie mondiale et frappes monétaires, op. cit., p. 97.
75 Cf. t. III, p. 544.
76 Cf. t. IV, p. 18, note 2, puisqu’une lettre du 13 juillet (Ct 5169, lib. IX, f° 392, 392 vto) en fait état.
77 Cf. t. IV, p. 32.
78 Cf. t. III, p. 382-414 et ci-dessus, p. 786-787.
79 Cf. t. IV, p. 20, note 59.
80 t. VIII1, Structures, p. 925.
81 Cf. t. IV, p. 17-18, note 1.
82 Cf. t. IV, p. 10-13.
83 Cf. t. IV, p. 8-9 et p. 16 sq., note 1.
84 On ne peut dire qu’elle ait été totalement inefficace, comme le prouve, entre autres, le combat livré par elle, à un parti de l’escadre anglaise, sous l’île des Pins, le 1er mars 1596 (cf t. IV, p. 18, note 1).
85 Cf. t. IV, p. 18, note 1.
86 Cf. t. IV, p. 18, note 3.
87 Cf. t. IV, p. 18.
88 Ibid., note 3.
89 Cf. t. IV, p. 20, note 59.
90 Cf. t. IV, p. 18, note 2 ; Ct. 5169, Lib. IX, f° 422 vto.
91 Cf. ci-dessous p. 1327 à p. 1330.
92 Cf. t. IV, p. 20, note 59.
93 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 198-200.
94 Cf. t. VI1, table 163, p. 362.
95 Cf. ci-dessus, p. 1000-1002.
96 Cf. t. VI1, table 182, p. 384-387.
97 Cf. ci-dessus, p. 1006-1007.
98 On vient de voir comment on parvient à ce chiffre.
99 Cf. t. VI1, table 226, p. 471.
100 Cf. ci-dessus, p. 832-840.
101 Cf. t. VL, table 226-227, p. 471-473.
102 Entre autres facteurs, cf. t. VIII1, p. 933 sq. et t. VIII2, p. 508 sq.
103 Cf. ci-dessus, p. 1012-1013.
104 Cf. ci-dessus, p. 977-979.
© Éditions de l’IHEAL, 1959