Chapitre II. Le cycle de la reprise (1559-1571). Caractères généraux
p. 415-444
Texte intégral
1Entre le creux de 1559 et celui de 1571, tous deux profondément entaillés dans les mouvements volumétriques, une large fluctuation cyclique de douze ans se dessine, nettement articulée en deux fluctuations primaires plus courtes, séparées par le creux relatif de 1563. Leur lien paraîtra, peut-être, ténu. On peut hésiter, un moment, à jeter un pont entre elles, mais les raisons de les unir l’emportent, finalement, largement sur celles qui pourraient, superficiellement, conduire à les séparer.
2Or, s’il y a bien une fluctuation des trafics de 1559 à 1571, ce sera, à la fois, une fluctuation de la reprise et une fluctuation de transition.
3En effet, dès le début du prodigieux sursaut de la première fluctuation primaire, à peu près tous les signes de la récession sont en surface, abolis. Prix et trafics dans l’Atlantique, emportés et soutenus les uns par les autres, s’empressent d’effacer les traces les plus évidentes du long marasme de la décade des années 50. Bientôt, on pourra délibérément placer le mouvement des derniers contreforts de la dépression sur les premières pentes raides qui conduisent à de nouveaux sommets.
4Cette fluctuation de la reprise est aussi une fluctuation de transition. Tous les traits des premières articulations longues du mouvement ne sont pas encore périmés. Les caractères des données mises en œuvre sont plus proches, à certains égards, des bonnes conditions des périodes précédentes, que de la richesse des années ultérieures.
5Enfin, le régime des convois reçoit la dernière main, pour ne presque plus bouger d’un siècle, pendant cette fluctuation relative, où le Français continue d’agir individuellement, mais cesse de le faire en tant qu’État, relayé, peu à peu, par l’Anglais, au premier rang des préoccupations des gens de la Carrera, avant que les événements des Flandres et la scission des provinces du Nord ne viennent se profiler à l’arrière plan de la scène Atlantique, dont les rythmes infléchis, certes, du dehors, prennent toujours naissance en eux-mêmes.
6Mais, avant d’entrer dans l’analyse minutieuse, tronçons par tronçons, des éléments constitutifs de cette fluctuation démesurément étirée en longueur1 il importe, d’abord, d’en dégager rapidement les principales caractéristiques et de justifier le choix du découpage cyclique auquel on s’est arrêté.
I. — LIMITES
7Le choix peut surprendre, en effet, et mérite quelques mots de justification, car il n’est pas, a priori, absolument évident, au simple vu des graphiques des mouvements vrais2.
1. Chiffres vrais et points de rebroussement
8Certes, le point de départ de 1559 ne saurait faire aucun doute, profondément marqué sur l’ensemble des mouvements3 il constitue bien un creux record, la fin d’une ère déprimée, le début d’une large reprise. Sa position est confirmée par les moyennes mobiles. Elle est justifiée, on l’a vu, tant par des considérations économiques internes propres à la Carrera, que par toute une série de circonstances politico-militaires, centrées autour du Cateau-Cambrésis.
9Le point de départ n’est pas douteux. Le terme, par contre, de la fluctuation, pose quelques problèmes. Il existe une discordance appréciable, en effet, entre mouvement Allers et mouvement Retours. Les Retours, fait curieux, anticipent, pour une fois, les Allers. Le creux qui se situe en 1571, en Allers, est placé en 1569 sur le mouvement Retours, 1569, 1570, 1571 constituant, il est vrai, une vaste zone déprimée sur les Retours. Les Allers et retours font, naturellement, compromis entre les deux mouvements, plaçant bien le creux terminal en 1571, comme le font les Allers, mais en réduisant, très sensiblement, la portée.
10Si on s’en tenait, d’autre part, à une application stricte et étroite de la méthode des points de rebroussement, on risquerait de parvenir à des résultats assez décevants. Au-delà de la première fluctuation primaire, qui, elle, est bien dessinée et d’une parfaite venue sur toutes les expressions des mouvements, 1559-1562-1563 en Allers et Allers et retours, 1559-1561-15624 en Retours, on serait tenté de ne voir au-delà, dans le cadre du découpage annuel, que des rythmes courts, saccadés et assez peu cohérents ; pour les Allers, trois fluctuations d’une certaine ampleur : 1563-1565-1566, 1566-1567-1568, 1568-1569-1572 ; pour les Retours, trois fluctuations qui ne sont plus que des vibrations : 1562-1564-1565, 1565-1566-1567, 1567-1568-1569 ; pour les globaux Allers et retours, deux fluctuations seulement d’une certaine durée - 1563-1567-1568 et 1568-1569-15715. Telle est, du moins, la leçon médiocre d’une application étroite de la méthode des points de rebroussement. En fait, une analyse plus attentive fera apparaître, sans difficulté, qu’il s’agit là, tout au plus, d’hésitations dues à l’application rigoureuse nouvelle des convois et au fonctionnement encore un peu chaotique, aux pulsations raboteuses, du système mal assimilé.
11La première fluctuation vraie ne peut être mise en cause6. Compte tenu d’éléments perturbants extérieurs évidents, il est raisonnable de penser la deuxième partie du cycle, comme une seule et même fluctuation primaire, malgré les apparences. On pourra hésiter sur la localisation exacte de son sommet (1565, si on s’en tient à la leçon stricte des pourcentages des niveaux vrais à la moyenne7, 1569, si on préfère les chiffres bruts indépendants de toute référence au trend). Mais on ne peut plus hésiter sur son terme — évidemment 1571 — ni sur l’unité bien marquée de l’ensemble.
12Aucun creux, en effet, pas même 1563, dont le rôle relais est évident, n’est aussi profondément marqué en écart ; à la moyenne, que 1571. Mais, pour étayer cette unité, on pourra faire intervenir, aussi, les moyennes mobiles.
2. Moyennes mobiles de treize ans
13a. Allers. — On aura recours, essentiellement, aux moyennes de treize ans, de préférence sur des mouvements exprimés en unités pondérées8. Sur le mouvement moteur des Allers, les moyennes médianes de treize ans dégageront, sans conteste, un cycle en pleine ascension que le rabotage redoutable, pourtant, des treize ans n’a pas réussi à effacer : preuve de sa réalité intrinsèque. Le démarrage s’effectue en 1568 (au niveau très bas de 8 020,17 tonneaux), puis part, avec une fantastique puissance ascensionnelle, 8 189,50 (1559), 8 360,48 (1560), 9 460,003 (1561). En 1562, léger recul, 9 225,087 tonneaux. Ce léger incident, ce presque imperceptible crochet rentrant, est l’expression du creux réel de 1563, la ligne de partage des deux fluctuations fondamentales. Mais, à part cet incident, le mouvement suit son cours sans désemparer 10 196,3 tonneaux en 1563, 10 377,5 tonneaux en 1564,10 613 en 1565,11913 en 1566,12 041,5 en 1567, 12 739,3 tonneaux en 1568, 12 717,6 tonneaux en 1569 (nouvelle hésitation à peine perceptible) ; 14 166,7 tonneaux en 1570, 14 519,1 tonneaux en 1571.
14Et c’est alors que commence seulement un véritable reflux : 14 519,1 tonneaux en 1571, 14 238,9 en 1572, 13 946 tonneaux en 1573 et 13 738 tonneaux en 1574. L’ampleur du décrochement, sa durée sur trois ans, permettent de mieux apprécier la réalité absolue et relative du creux de 1571 sur les chiffres vrais. On comparera, par exemple, la très faible accentuation du creux, pourtant bien marqué, de 1563 sur les séries annuelles non rabotées à l’influence du creux conjoncturel de 1571 sur les moyennes mobiles de 13 ans.
15Cette première constatation contribuera à éclairer, je pense, les raisons de notre interprétation cyclique et intracyclique de la période. 1563 n’est, sur la série très importante des Allers, qu’un accident sans importance majeure, comparativement au rebroussement commandé par 1571. Si les moyennes mobiles permettent d’établir entre le creux cyclique de 1571 et celui de 1563, une véritable hiérarchie, reconnaissant à 1571, seul, le privilège de servir de frontière entre deux fluctuations majeures, elles éliminent, à plus forte raison, les vibrations courtes que l’on avait notées9, entre 1563 et 1571, qui apparaissent n’être guère que le résultat de l’adoption d’un système de convois encore incomplètement rôdé.
16Certaines aspérités — on n’anticipera pas sur des constatations qui feront l’objet de plus amples développements10 — ne sont guère qu’illusions d’optique créées par le caractère nécessairement arbitraire du découpage chronologique annuel. Le très gros bombement du mouvement Allers en 1565 et le creux accentué de 1566, par exemple, sont dus, essentiellement, au départ tardif — le 2 décembre 1565, de Cádiz, à la suite d’une série d’incidents relatés ailleurs11 — de l’énorme Armada y flota de Terre Ferme, sous le commandement du Général Cristóbal de Eraso et de l’Almirante Pedro de Gamboa. Un retard de cette importance — on a déjà eu l’occasion de le vérifier — aboutit à ne plus mettre en œuvre, seulement, les forces économiques de l’année en cours, en l’occurrence 1565, mais prélève sur des richesses qui auraient, normalement, étayé le mouvement de l’année qui suit : cargaisons et navires, qui n’eussent pris leur départ que six, sept, huit... mois plus tard, viennent se joindre, finalement, au convoi primitif. Le retard de la flotte de Eraso conseille, donc, d’effectuer entre les chiffres de 1565 et ceux de 1566, une ventilation, partielle, mais dont il est difficile de fixer l’importance.
17Un simple coup d’œil jeté sur les mouvements volumétriques vrais, les pourcentages d’écart à la moyenne et une moyenne mobile de 13 ans en unités pondérées du mouvement Allers, nous ont amené à justifier le découpage cyclique proposé de 1559 à 1571, en ne retenant qu’une seule articulation secondaire, le profond accident négatif de 1563.
18Partant de cette base sûre, arguments et justifications ne manquent pas. La plus valable réside, vraisemblablement, dans la grande rupture du rythme de croissance, au-delà de 1571. A la prodigieuse croissance, au formidable dynamisme de ce premier cycle de la reprise, s’oppose le tassement de la seconde fluctuation. Sur le mouvement Allers exprimé en unités pondérées et raboté par les moyennes mobiles contracycliques de treize ans, par exemple12, le point haut atteint en 1571 n’est vraiment et incontestablement dépassé qu’en 157813. Un tel comportement, en période d’expansion, est véritablement insolite. Il traduit bien l’opposition profonde qui sépare les deux périodes, dans leur dynamique propre. A un cycle de folle expansion, un cycle de respiration, de palier, de relaxation. Et la ligne de partage passe, incontestablement, entre 1570 et 1572, par le creux vrai de 1571.
19b. Retours. — Cette constatation vérifiée sur le mouvement moteur Allers apparaît moins vigoureusement, toutefois, sur les Retours14. Le ralentissement, pourtant, du rythme d’expansion dans les années qui suivent le cycle 1559-1571 est remarquable encore, quoique atténué15. Ce décalage des Retours par rapport aux Allers n’a rien de contradictoire, il fournit une indication précieuse qu’il faut retenir : les Indes dégorgeant, de 1571 à 1578, le trop plein des Allers de la fluctuation cyclique précédente 16.
20Le comportement des Allers et retours17 est à mi-chemin, bien sûr, entre le comportement des Allers et celui des Retours18, et la moyenne mobile de treize ans marque, de 1571 à 1574, sur trois ans, un incontestable plateau : 24 302,15 tonneaux en 1571,24 333,15 en 1572, 24 576,53 en 1573 et 24 910,23 tonneaux en 1574.
21Les moyennes mobiles de treize ans laissent deviner, plus qu’elles ne l’affirment, un cycle dans les limites de temps qu’on lui a fixées sur le mouvement volumétrique Retours19. Mouvement ascendant de 1559 à 1571 (avec un très léger repentir, toutefois, à la hauteur de 1563, sensible à la profonde respiration qui, en Retours comme en Allers, sépare la première fluctuation vraie de la seconde fluctuation). Certes, on ne trouvera pas au-delà de 1571, une contrepente comparable à celle des Allers, mais un palier très nettement dessiné et très faiblement ascendant. La rupture de pente, pour se marquer d’une manière moins évidente, n’en est pas moins réelle, si on est attentif : de 1571, en effet, à 1576, le niveau des moyennes mobiles de treize ans, animé, jusque-là, d’un prodigieux mouvement ascensionnel, cesse pratiquement de croître (11 024,4 tonneaux en 1571, 11 339,9 en 1572, 11 801,15 en 1573, 11 952,6 en 1574, 12 087,9 tonneaux en 1575). Un tel comportement définit assez clairement un cycle, même sur les Retours et dans les limites qu’à l’appel des Allers, on lui a assignées.
22c. Allers et retours. — Pour les Allers et retours20, même venue depuis le creux de 1559. Atténuation — c’est un bon point — de l’articulation intracyclique majeure. L’hésitation qui, sur les autres courbes (Allers et Retours), allait jusqu’à la contrepente, à la charnière des deux fluctuations primaires fondamentales constitutives du cycle long 1559-1571, n’apparaît plus ici, que par un palier encore légèrement ascendant : 1561 : 16 874,4 tonneaux ; 1562 : 16 967,7 tonneaux. Le terme de la fluctuation cyclique décennale, s’il n’est plus marqué par une contrepente, l’est encore par un palier de trois à quatre ans partant de 1571 et qui, suivi du ralentissement extrêmement sensible dans la pente ascensionnelle du trend, suffit à marquer, sans ambiguïté, le terme d’une fluctuation fort bien dessinée. 1571 : 24 302, 15 ; 1572 : 24 333,15 ; 1573 : 24 576,53 ; 1574 : 24 910,23 ; même au-delà, la reprise reste prudente et le rythme, bien infléchi : 1575, 25 502,46 tonneaux, 1576, 25 945,07 et 1577, 26 455,38 tonneaux. Et c’est seulement en 1578 que l’accélération ancienne est retrouvée.
23Le procédé des moyennes mobiles de treize ans a permis de fixer — et c’est un grand mérite — les bornes précises d’une fluctuation décennale majeure, en établissant la hiérarchie vraie des rebroussements nombreux des mouvements réels et en ne laissant subsister, en dehors des deux termes de 1559 et de 1571, que la respiration médiane de 1562-1563, tout en la cantonnant dans son véritable rôle, un rôle très secondaire. Mais le procédé dégage, aussi, une seconde leçon qui ne saurait échapper à un examen attentif : le mouvement Allers, aux contours beaucoup plus accusés, aux limites beaucoup plus franches, joue bien le rôle de mouvement moteur. C’est lui, incontestablement, qui marque de son sceau cette fluctuation de la reprise et lui impose fermement ses contours.
24Pour écarter les doutes qui pourraient encore subsister, il suffira de recourir à des moyennes mobiles plus courtes. Elles feront apparaître, de plus en plus, vigoureusement, la fluctuation, en gros, décennale. Tout en effaçant l’accidentel, elles vont justifier les termes choisis de 1559 et de 1571. Comme de coutume on s’arrêtera plus longuement sur l’exemple des moyennes de cinq ans.
3. Moyennes de cinq ans
25Les moyennes de cinq ans, en Allers, par exemple21, dessinent un arc convexe de dix ans couché sur le trend des 13 ans. Entre 1558 et 1560, la courbe hésite, dans un creux en palier ascendant, puis dessine un premier bombement mou jusqu’en 1564, qui correspond, en gros, à la première fluctuation primaire de base ; puis un second bombement, beaucoup plus ferme, repart, sans solution de continuité de 1565 à 1569, après être passé par un point haut en 1568.
26Le schéma lourdement esquissé, mais un peu rétréci, d’un cycle articulé en deux bombements de base se dégage donc — nul ne pourra en douter — sur une courbe de cinq ans à l’Aller.
27Même certitude pour les Retours22. Mais le point creux initial convexe d’hésitation est avancé d’un an, et se place entre 1557 et 1559. La première fluctuation vraie, mieux dessinée, est plus sensible, entre 1562 et 1563, il n’y plus simplement palier mais contrepente, cette fois : 1562, 7 565,9 ; 1563,7 268,9 ; 1564 ; 8 160,9 tonneaux. Une seconde contrepente, beaucoup plus accusée entre 1568 et 1569, entendez, à la même hauteur exactement que le creux sur le mouvement vrai, situe énergiquement le terme de la fluctuation. Les deux fluctuations sont donc bien visibles et le dessin général de la période, respecté et correctement situé. Preuve, s’il en était encore besoin, de la belle et parfaite réalité de la fluctuation sur le mouvement des Retours, comme sur les Allers.
28On aboutira, bien sûr, avec les Allers et retours23, à des résultats analogues. Même creux et mêmes hésitations, entre 1558 et 1560, cette fois, entendez donc, à la même hauteur que sur le mouvement Allers. Même montée, ensuite, jusqu’en 1568, sans le moindre hiatus entre une première et une seconde fluctuation primaire, trop indécise, en Allers et retours, pour marquer vraiment une moyenne, pourtant, relativement courte. Entre 1568 et 1569, entraînée par la chute de 1571, sur la série dans le cadre annuel, la moyenne médiane de cinq ans esquisse un très beau décrochage de 23 987,8 à 21 669,3 tonneaux. En gros, donc, la fluctuation est sur la courbe sensible des moyennes de cinq ans grossièrement certes, mais assez fermement, dessinée par rapport au trend terme de référence des moyennes mobiles longues de treize ans.
29Avec une moyenne plus courte, une moyenne de trois ans, par exemple, on aboutit au dessin presque parfait d’un cycle constitué par deux fluctuations accolées24. 1559-1561-1563,1563-1566-1570, avec un creux atténué, seulement, en 1563, si bien que l’organisation de la période s’impose jusqu’à l’évidence : unité profonde de l’ensemble, d’une part, articulation secondaire autour de 1563, d’autre part.
30La réalité d’une fluctuation prouvée et définie de plusieurs manières n’est pas douteuse.
II. — CARACTÉRISTIQUES
31La réalité de la fluctuation 1559-1571 est évidente. Mais elle ne se définit pas seulement d’une manière abstraite par des chiffres des indices et des varitaions d’indices, la fluctuation de la reprise a une puissante personnalité qu’il importe de bien dégager.
1. Un cycle de transition
32Ce cycle est, d’abord et avant tout, un cycle de transition. Pour la connaissance même du mouvement, il appartient plus encore, on l’a vu25, aux conditions du premier xvie siècle qu’à celles du second, par la proportion modeste des tonnages connus indirectement et surtout directement, par rapport à l’ensemble, par la faiblesse relative de toutes les autres données, dont l’inventaire des possibilités a fait l’objet de longs développements, à la fin du chapitre précédent.
33Cycle de transition, aussi, par les masses mises en cause : les volumes atteints au cours de la demi-décade 1546-1550 ne sont pas égalés ou légèrement dépassés avant la demi-décade 1566-157026, c’est-à-dire avant l’extrême fin du cycle. C’est au cours de ce cycle que l’on passe des conditions politiques et géopolitiques anciennes aux conditions qui prévaudront pendant plus d’un siècle : fin de l’état de guerre officiel avec la France, montée de nouveaux périls venus du Nord ; à un état de guerre ouverte, aux contours flous, mais quand même, relativement délimités succède un état d’insécurité larvée à l’état second. D’où la mise en place, après beaucoup d’hésitations, du système des convois, sous sa forme définitive. C’est en 1564, que le convoi double, groupant les deux flottes jusqu’au lieu de partage, dans les petites Antilles — d’ordinaire, la Dominique — fait place au système des deux convois : convoi de Terre Ferme, d’abord, de Nouvelle Espagne, ensuite27. Cette substitution est à porter, sans doute, à l’actif d’une brutale montée de la Nouvelle Espagne. Cette montée, à juste titre, peut être placée au cœur de la période.
34C’est, aussi par les équilibres nouveaux qui s’y forment que cette période peut apparaître comme un cycle de transition. Transition, entre des conditions communes aux deux premières grandes articulations conjoncturelles du premier xvie siècle et celles qui prévaudront longtemps dans la deuxième moitié du siècle et encore, au début du xviie. L’équilibre qui s’établit entre les grandes directions et provenances du trafic, entendez par l’exhaussement de la Nouvelle Espagne à un niveau désormais à peu près égal à celui de la Terre Ferme28, est appelé à prévaloir, désormais, pendant le meilleur temps de l’histoire de la Carrera29.
35Un petit tableau allant de 1551 à 157130, mieux que de longs discours. rendra compte de cette évolution capitale sur laquelle on aura à revenir. Il montre, par exemple, comment les pourcentages en nombre de navires et en tonnage des Allers en Nouvelle Espagne, par rapport à l’ensemble, passent de 29,3 % et 30,9 % à 43,3 et 45 % de 1551-1559 à 1564-1571. L’équilibre à peu près parfait entre les deux grandes directions s’est presque réalisé, dans la deuxième moitié du cycle de 1564 à 1571 : en Allers, 169 navires, 46 491 toneladas pour la Nouvelle Espagne, 175 bateaux, 49 293 toneladas pour la Terre Ferme, soit 43,4 % et 46,4 % contre 46,19 % et 49,2 %. Pour les Retours, l’avantage passe même à la Nouvelle Expagne, avec 131 et 35 806 contre 98 bateaux et 29 316 toneladas, soit 30,4 % et 39 % contre 22,7 et 31,1 %. D’où, en global, Allers et retours, l’équilibre, à peu près parfait, réalisé de 1564 à 1571, entre 300 navires et 82 297 toneladas pour la Nouvelle Espagne, 273 navires et 76 609 toneladas pour la Terre Ferme, soit 36,9 et 42 %, respectivement, contre 33,2 et 41,01 %. Or, la Nouvelle Espagne et la Terre Ferme se tinrent, un moment, — on s’en souvient — au creux du demi xvie siècle, de 1555 à 1559, lors du cycle déprimé de la grande dépression intercyclique, dans le rapport, pratiquement, de un à deux. On mesure toute l’ampleur du chemin parcouru. A quoi il convient d’ajouter l’élimage, de plus en plus complet, à l’Aller, surtout, des îles : elles ne sont plus guère, désormais, desservies que par ricochet. On comprend, ainsi, à quel point le départ du cycle et la reprise eu flèche du mouvement ascensionnel ont été assumés, pour l’essentiel, par le trafic de la Nouvelle Espagne, une Nouvelle Espagne, dont l’économie minière est transformée par l’amalgame31.
2. Un cycle d’énorme reprise
36En effet, l’ampleur, la vigueur, le dynamisme de la reprise, au cours des premières années, surtout et notamment, lors d’une première fluctuation primaire remarquable par son dessin hardi, constituent, peut-être, l’originalité la plus grande de cette époque.
37Les moyennes, tout aussi bien que les chiffres vrais, peuvent donner une idée de l’ampleur de cette reprise. Comparaison des chiffres des pointes cycliques avec ceux des pointes cycliques du cycle précédent32, comparaison plus probante encore des creux avec les creux précédents33. Mais ce sont les moyennes mobiles médianes qui permettent de suivre, d’une manière plus objective, l’importance intrinsèque de cette reprise et la rapidité34 du mouvement.
38Sur la série motrice des Allers moyennes mobiles de 13 ans, par exemple, entre le point le plus haut, 1551 (9 605,94 tonneaux) et le point le plus bas, 1558 (8 020,17 tonneaux), sept ans s’écoulent, la remontée se fait en cinq ans seulement (10 196,288 tonneaux en 1563). Mais, en réalité, la courbe des moyennes mobiles avait atteint son sommet bien avant déjà : elle plafonne, pratiquement, depuis 1546, 9 545,98 tonneaux. C’est, donc, dans une certaine mesure, une dissymétrie : treize ans d’un côté pour la creuser, et, cinq ans seulement, de l’autre, pour effacer tous les effets de la récession.
39Autre contre-épreuve : sept ans après le creux, la moyenne atteint 10 613,03 tonneaux en 1565 contre 9 605,94 tonneaux en 1551 ; treize ans après le creux, en 1571, 14 519,103 tonneaux, au lieu de 9 580,7 tonneaux en 1546. Le point haut, enfin, des moyennes mobiles de cinq ans, en 1567, 12 820,4, tonneaux, se place onze ans après le creux de 1556. Il dépasse déjà, sensiblement le sommet précédent de 1550, 12 592,5 tonneaux seulement. Rythme d’autant plus brutal que le départ du mouvement ascensionnel se place en 1560.
40On aura constaté que la pente ascendante du mouvement (60 % sur les moyennes de treize ans de 1560 à 157035), est plus rapide que la pente descendante, au plus fort de la dépression, égale ou supérieure, même, au rythme de croissance des dix années de prodigieuse vélocité qui caractérise la fin de l’expansion de la première demi-phase longue du siècle. Il en va sensiblement de même, en gros, des Retours36 et surtout, des Allers et retours37. Dans l’ensemble, donc, aussitôt sorti du creux des années 1550, le mouvement retrouve un rythme ascensionnel comparable au rythme le plus rapide qu’il avait eu, dans les années de la plus forte expansion, juste avant le retournement de la tendance majeure en 1550. En quelques années, dès que le trend, la dépression passée, a repris son orientation positive, les niveaux les plus hauts de la première vague d’expansion sont égalés, puis dépassés. Ce démarrage est presque trop rapide. Le mouvement ne pourra maintenir, plus de dix années d’affilée, un tel rythme infernal. C’est pourquoi, à la cadence très rapide des années 60, succède le rythme ralenti des années 70. C’est, même, ce changement de rythme, on l’a vu, qui marque la frontière cyclique du mouvement.
III. — LES FACTEURS DE L’EXPANSION
41Cette expansion insolite des années 60 — il faut l’expliquer — résulte de toute une série de facteurs. Elle est particulièrement rapide dans les premières années de la fluctuation. La moyenne mobile de treize ans des Allers n’atteint-elle pas, en 1561, trois ans seulement après le double creux cyclique et intercyclique, un chiffre qui est, pratiquement, celui du record précédent de la première demi-phase longue d’expansion (9 460,003 contre 8 020,17, au lieu de 9 506,94) ? En trois ans, les 7/8 de ce qui avait été perdu, au cours de tout un intercycle de dépression, ont été comblés.
42Cette accélération d’une exceptionnelle vigueur, dans les toutes premières années, résulte, essentiellement, pourrait-on dire, de la superposition de deux mouvements : une nouvelle phase longue d’expansion dans les premières années de son démarrage et la phase ascendante d’un nouveau cycle. Cela, naturellement, les contemporains l’ignorent. Ces conditions sont particulièrement favorables ; il est bien connu, en effet, que la pente de toute série économique de croissance est particulièrement rapide à ses débuts : les freins à ia croissance jouent plus tard seulement, au fur et à mesure que l’on s’éloigne davantage du niveau de base primitif.
43Mais, sans doute, n’a-t-on fait, en partant de cette constatation, que reculer le problème. Ce double démarrage reste, pour l’essentiel, à expliquer.
1. Conditions politiques
44On peut être tenté d’aller du plus superficiel au plus profond. Les conditions politiques, si elles ne sont pas, à elles seules, suffisantes, si elles ne peuvent en aucun cas, commander un mouvement de reprise de longue durée, participent à un climat. Elles vont contribuer, dans les premières années, surtout, celles de la reprise la plus hardie, de la pente ascensionnelle la plus rapide, à une ambiance favorable. Tout comme le redoublement de violence de la guerre française avait contribué à assombrir le climat Atlantique des années 50, travaillant, ainsi, à creuser la dépression, le Cateau Cambrésis, qui en marque le terme, travaille à la reprise. Dans la simple mesure, même, où il défait une des composantes de la grande récession.
45a. La paix et la piraterie. — Le Cateau Cambrésis est, à juste titre, une grande date non usurpée de l’histoire traditionnelle. Il clôt soixante-dix ans d’une ère où la rivalité hispano-française, héritage et relais, à la fois, de la rivalité franco-bourguignonne, avait occupé en Europe l’avant-scène politique.
46Cette rivalité plongeait ses racines et ses raisons de durée, en dehors des espaces et des vrais problèmes du xvie siècle. Les républiques françaises du Ponant venaient bien y greffer leurs ambitions et leurs espoirs. Mais, si elles prolongèrent et animèrent la guerre, souvent, de leurs querelles actuelles et de leurs efforts, on peut affirmer qu’elles restèrent, pour l’essentiel, au second plan d’un conflit archaïque qui les dépassait. Les deux guerres, celle que les marins des côtes de l’Ouest et celle que le Roi mène, pour la domination de la péninsule italienne et la récupération des morceaux égarés de l’héritage bourguignon, peuvent se rencontrer et, par hasard, additionner leurs efforts. Elles sont, normalement, à peu près totalement indépendantes.
47Indépendance et pourtant, le Cateau Cambrésis, solution du conflit d’État à État, pour un temps et au détriment de la France, n’est pas, il s’en faut, sans effet sur l’espace Atlantique. Quelle que soit l’indépendance de la guerre sur mer — elle est grande dans ce premier xvie siècle — à l’égard des conflits d’État à État, elle ne peut les ignorer. La paix enlève à l’attaquant sa bonne conscience, le fait rétrograder de la course à la piraterie. L’effet, certes, n’est pas immédiat. On a mille bonnes raisons, en mer, de feindre l’ignorance, au-delà même de la marge toujours très large de l’ignorance vraie. Malgré leur indépendance les deux conflits hispano-français, le petit conflit principal qui intéresse les espaces de la Carrera et le grand conflit secondaire, où se perdent les États, ne furent pas sans s’étayer, sans s’alimenter l’un l’autre. La guerre entre États servant, au moins, à la course française d’alibi commode. C’est pourquoi, le Cateau, dans la simple mesure où il retirait aux républiques marchandes et pillardes de l’Ouest Atlantique français l’alibi commode d’une bonne conscience pour les catholiques et d’une façon juridique, pour les Réformés, ne pouvait rester sans effet.
48b. La paix et Séville. — Action heureuse, aussi et à plus courte échéance, encore, par le biais essentiel d’une contribution à la modification du psychisme collectif de Séville maritime, marchande et colonisatrice... outre qu’il apportait l’exaltante certitude d’appartenir à une communauté victorieuse, il laissait entrevoir la résorption, sinon rapide, du moins, sûre, à long terme, du danger extérieur, d’une course dont, pendant plus de dix ans encore, jusqu’aux premiers exploits de Drake, et au-delà, même, le mot, dans l’usage de la Carrera, sera synonyme de Français. La guerre européenne — et c’est le premier grand enseignement du Cateau — est, désormais, décrochée, pour un temps, de la guerre dans l’Atlantique. Les deux guerres cesseront de s’entre-épauler — ce qui provoquera les plus graves conséquences, tant réelles que psychologiques. Il importe peu que l’espoir ait été, en grande partie, frustré à long terme. C’est lui qui a agi dans le présent. A court terme, d’ailleurs, il n’a pas trompé, l’expérience l’a, en très gros, confirmé38 : par rapport à la décade des années 50, les heures des années 60 — compte tenu, surtout, d’un comput de plus en plus sûr, au fur et à mesure que l’on s’éloigne des années noires du demi-siècle paraissent moins lourdes. Les pertes jouent, moins, d’ailleurs, directement, qu’elles ne le font par le climat psychologique qu’elles entretiennent — on a déjà eu l’occasion de le vérifier au cours d’analyses portant sur les années qui précèdent. Il y a plus, dans ce domaine, une question de tendance et de tendance présumée, que de réalité. Et c’est bien cette expectative de sécurité acrue qui constitue un élément favorable sûr de la reprise.
49c. La paix et les guerres de religions en France. — Mais 1559, sur le seul plan même d’une histoire étroitement européenne, c’est bien autre chose encore. La France touchée, par la Réforme, vingt ans après l’empire et le monde germanique, se trouve désormais, au cœur du drame religieux du xvie siècle. Au moment où le grand conflit qui, trente-cinq ans durant, déchira les pays de langue allemande s’apaise, par lassitude, épuisement et maturation des esprits, la France attire en son centre le tourbillon des forces antagonistes de la Réforme et de la contre Réforme. Paix d’Augsbourg, Cateau, départ des guerres de religions en France, se suivent d’une manière inexorable : 1556, 1559, 1560-1561. Or, ce n’est pas avant 1572, qu’éclate, aux Pays-Bas, la révolte des Gueux. Entre ces deux termes, l’Espagne connaît une décade de facilité. Augsbourg, en pacifiant un empire attaché, encore que par des liens assez lâches mais sûrs, à la péninsule ibérique, s’est soldé par un gain de puissance pour l’Espagne. Or, au même moment ou presque, le centre du cyclone de la guerre religieuse quitte le domaine excentrique de la puissance des Habsbourg et se porte sur la France, la plus grande masse humaine de l’Europe, le seul État organisé, à l’instar de l’Espagne, capable de lui faire frein. Cette crise, latente, déjà, en 1559, avait été, on le sait depuis toujours, la cause profonde de l’excessive victoire totale de l’Espagne au Cateau. Sans des craquements internes du côté français et la hâte d’en finir, l’Espagne ne pouvait, logiquement, attendre plus qu’une demi-victoire.
50Entre 1559 et 1572, entre la paix allemande et la guerre flamande, l’Espagne, libérée, triomphe en Europe, tandis que le seul adversaire à sa taille ploie sous la charge, en butte à un long processus de déchirement et d’anarchie. Lépante, traduit, en 1571, le sommet de cette courbe de puissance politique. 1572 : les Flandres sont à feu et à sang. 1571-1572, ces deux dates désignent un grand tournant politique, mais ne sont-elles pas le terme, aussi, dans l’Atlantique, d’un cycle étonnant d’expansion, suivi, on le sait déjà, d’un des plus graves ralentissements, d’un des coups de frein les plus efficaces du second seizième siècle ?
51Cette apogée, par absence de contrepoids politique valable, par paralysie de tout adversaire possible, aura contribué, peut-être, d’une manière non négligeable, à favoriser la reprise. La reprise et l’expansion d’un Atlantique espagnol, supérieurement dynamique, n’en aura pas moins, de son côté, favorisé les accomplissements politiques qui culminent à Lépante, en 1571. La causalité joue dans les deux sens. Une fois de plus, il y aura eu concomitance, une concomitance qui ne peut être imputée au seul hasard. Entre deux ordres de phénomènes différents, l’économique et le. politique, l’un portant l’autre et réciproquement, le psychisme collectif assure la liaison.
52d. La paix et l’Anglais. — Dans le vide considérable laissé par la France la guerre contre l’État français, s’entend, car la course des républiques maritimes et marchandes de l’Ouest continue — l’Anglais se faufile Au début, on n’y prêtera guère attention. C’est sur le Français et le Barbaresque, cet autre vieil adversaire non moins traditionnel, que l’on garde, à Séville, les yeux grand ouverts. D’autant que le Français, à Séville — haines et tensions en sont avivées — est devenu huguenot.
53En 1562, Hawkins, pour la première fois, met le cap vers l’Ouest, puis ce sera la double expédition de Hawkins et de Drake, jalonnée par les événements de Rio de la Hacha, et de la Vera Cruz. Mais le premier coup susceptible de frapper l’imagination ne se produit pas avant 1572, quand Drake détruit les entrepôts du port de Panama — une tradition généreuse évalue les dégâts à 200 000 pesos39.
54Le principal intérêt de l’affaire, de notre point de vue, c’est la sensibsation de l’opinion de la Carrera, face à un danger nouveau, l’Anglais. Mais, avant l’affaire de l’isthme, qu’on y prenne bien garde, le corsaire, par vitesse acquise, était resté français. Quantitativement, les premiers raids anglais n’annulent pas le gain représenté par le relâchement progressif de la pression française. Psychologiquement, bien moins encore. Le Français traîne derrière lui, son cortège de terreur, l’opinion est moins sensible, à Séville, aux signes d’une menace future qu’à la rémission d’une menace ancienne. Et puisque c’est le solde psychologique qui compte, surtout en conjoncture, à l’aube des années 60, il est largement positif. Oui, ces années 60, de Séville et d’Espagne, sont des années toutes porteuses d’espoirs que l’avenir justifiera, en bonne partie, à court terme, du moins. Mais l’échéance immédiate, ès choses humaines, c’est la seule qui vaille.
2. Les conditions géographiques, techniques et économiques
55Dans le climat ainsi créé, la reprise est venue, par superposition, on l’a dit, d’un mouvement long et d’un mouvement court40. Si on suit le schéma explicatif grossier, qu’on s’est efforcé de donner aux respirations longues de la conjoncture, on devra chercher, aux origines d’une reprise de cette ampleur, une invention, au sens large. Invention, certes, aux alentours des années 60 et dans un domaine double : le géographique et le technique. Il y aura double extension du domaine desservi par l’Atlantique de Séville, en surface et en profondeur.
56a. L’expansion géographique. — La découverte et l’exploitation du domaine insulaire, la conquête du continent, la chute du domaine aztèque et au Sud, celui du monde andin, auront commandé le rythme du premier xvie siècle : de semblables aventures aux rendements fantastiques ne sont plus possibles. Mais tous les soubresauts de la Conquista ne sont pas étouffés les premières années du cycle d’expansion sont marquées dans deux directions par une reprise sensible de l’avance géographique.
57En Floride, d’abord, des expéditions successives, pour répondre aux entreprises françaises, aboutissent à consolider l’emprise espagnole sur d’importants rivages de la Méditerranée américaine41. Conquête à l’état second, en quelque sorte, puisque commandée par une entreprise étrangère qui la précède. La Floride est occupée, pour éviter qu’en s’y installant, Français et huguenots n’en viennent à contrôler les communications les plus vitales de l’empire espagnol. Plus tardive, mais infiniment plus importante, la conquête (1564-1565) par l’expédition Legazpi-Urdaneta et l’annexion à la Nouvelle Espagne de l’archipel des Philippines et, par derrière, mais involontairement, bientôt, d’une solide tête de pont commerciale sur l’Extrême-Orient tout entier et plus particulièrement sur l’Empire du Milieu42. Cette expédition fut, d’abord, une réponse — Fernand Braudel l’a bien senti — à la grave crise du poivre et des épices, lorsque, au milieu du xvie siècle, l’Islam contre-attaque et fait échec au poivre portugais, en frappant efficacement les lignes de communication chrétiennes dans l’Océan Indien.
58L’échec portugais et la folle poussée, à contre-temps, du poivre dans la péninsule ibérique, peuvent se mesurer sur les tables de Hamilton : sur les séries de Nouvelle-Castille43 et de l’espace vieux-castillan-léonais44. En Nouvelle-Castille, par exemple, l’once de poivre se tient autour de 10 maravedís, tout au cours des années 50, monte à 13,5 en 1561, 15,9 en 1562 (elle était à 8, en 1557), à 19,8 en 1563, 21,5 en 1564, 23,9 en 1565, prix-record, l’année même du triomphe de Legazpi. Le prix du poivre décline, à nouveau, ensuite. La crise est passée : 16,0 en 1566, 12,5 en 1567... 10 maravedís en 1572 et 1573. Le prix de 1565 ne sera vraiment dépassé que près de quatre-vingts ans, plus tard, et en monnaie courante, sous l’effet de la prodigieuse inflation du billon et du cuivre des années 164045. Il n’est pas indifférent, sans doute, de noter que ces deux poussées d’un impérialisme renouvelé, partent, toutes deux, soit mineure et essentiellement défensive — en direction de la Floride — soit majeure et essentiellement active — en direction des Philippines, de la « Especiería » et de l’Extrême-Orient — de la Nouvelle-Espagne. C’est, donc, de Nouvelle-Espagne, suivant toutes apparences, que le choc décisif est donné. La montée absolue et relative du trafic de la Vera Cruz le montre sans ambiguité46.
59b. L’invention technique et économique, l’impulsion de la Nouvelle Espagne.— Mais l’invention n’est pas seulement géographique, comme elle l’avait été, uniquement, lors des phases motrices du demi-siècle précédent, elle est aussi, en quelque sorte, technique et économique. C’est un peu avant 1560, comme l’atteste le mouvement du mercure47, que les techniques allemandes du xve siècle, de l’extraction des métaux par amalgame avec le mercure, sont adaptées aux minerais de la Nouvelle-Espagne. La révolution est accomplie, dès les premières années de la décade des années 60, comme l’atteste encore la courbe des entrées du mercure officiel aux Indes48. On sait le rôle-clef joué dans l’histoire des Indes par l’économie minière. Elle a été le moteur psychologique, la source de richesses négociables suffisantes pour justifier, en plein ancien régime économique, avec des moyen de transports dérisoires, l’existence d’une économie essentiellement extravertie. L’adoption des techniques nouvelles, en permettant l’exploitation de minerais de faible teneur, déclenche une révolution comparable, sans doute, même supérieure, à celle qu’avait provoquée, en 154549, la découverte du Potosí, et de ses immenses gisements à haute teneur.
60Les conséquences de la révolution potosienne avaient été doubles. Sous l’angle de l’Atlantique espagnol, elle avait contribué à la prodigieuse excitation de la demi-décade 1546-1550, au-delà du terme chronologique de la conquête géographique ; elle avait été la cause, en outre, de l’insolite rapport au sein du mouvement entre les deux espaces fondamentaux de Terre Ferme et de la Nouvelle Espagne50, Sur les Allers, qui dorment, mieux que les Retours ou les Allers et retours, l’exacte valeur des rapports de force internes51, on verra, de 1546 à 1550 et de 1551 à 1555, plus nettement encore que de 1541 à 1545, le tonnage global des navires allant en Terre Ferme, entendez transportant des marchandises destinées dans leur quasi-totalité au Pérou, dans la relation de deux et un par rapport à la Nouvelle-Espagne. On aura donc, assisté grossièrement, de 1540 à 1560, à une mise en veilleuse de la Nouvelle Espagne, depuis l’entrée en scène bruyante des terres andines 52.
61Tout à l’opposé, le cycle de la reprise de 1559 à 1571, est essentiellement, le cycle de la Nouvelle Espagne. C’est la Nouvelle Espagne, pratiquement seule, qui déclenche et provoque l’expansion. En effet, sur les grands axes du trafic, les masses que la Terre Ferme met en cause varient très peu, de de 1546 à 157553. Cette rigidité du trafic avec la Terre Ferme est particulièrement sensible en Allers ; elle contraste avec le dynamisme éclatant de la Nouvelle Espagne. Ainsi, malgré une très forte réduction des directions et provenances inconnues, les chiffres des Allers en Terre-Ferme de 1546 à 1550 ne sont dépassés pour la première fois que vingt ans plus tard, peut-être de 1576 à 1580 (37 511 toneladas, au lieu de 34 830,. mais, dans le même temps, les « Indias » ( ?) non précisés sont passés de 12 460 à 1 200 toneladas, si bien que, même compte tenu de la pondération de la tonelada, il n’est pas certain que les chiffres de 1576 à 1580 dépassent vraiment ceux de 1546-1546-1550 ; les chiffres des Allers en Terre Ferme ne sont dépassés, sûrement que trente ans plus tard, de 1586 à 1590 (57 323 toneladas54. Il en va exactement de même pour les autres axes du mouvement, Retours et Allers et retours. Et puisque, dans le même temps, le volume des Allers aux îles subit une réduction massive de l’ordre de 50 %, on pourra constater, ainsi, que l’intégralité de cette première expansion — expansion en flèche de 1569 à 1570, expansion ralentie, au-delà — aura été assumée par la Seule Nouvelle Espagne 55. Comme le montre cette progression de la part en tonnage de la Nouvelle Espagne sur l’ensemble des Allers : 27,9 % de 1555 â 1559, 41,2 % de 1560 à 1563, 46,4 % de 1564 à 1571. Or, il est difficile de ne pas lier ce phénomène à la double poussée géographique qui a son point de départ en Nouvelle Espagne, à l’énorme sursaut de la production argentifère nouvelle-espagnole.
62Il est tentant de chercher à mesurer cette production que l’on a supposée conjoncturellement motrice, à l’aide de l’admirable travail de EJ. Hamilton. Et l’on ne sera pas peu surpris de constater qu’aux arrivées à Séville, la part officielle des métaux précieux en provenance de la Nouvelle Espagne56 évolue d’une manière assez imprévue.
63La part des importations de métaux précieux de Terre Ferme, entendez, de plus en plus exclusivement, de l’argent péruvien, s’accroît régulièrement de 1541 à 1560, sous l’effet de la mise en exploitation des gisements riches du Potosí. Dans le même temps, la part de la Nouvelle Espagne décroît. Elle atteint même son point bas, au cours de la demi-décade de l’introduction de l’amalgame (1556-1560). On n’oubliera pas, en effet, que ces importations reflètent, nécessairement, avec un deux ou trois ans de retard, l’état de la production des mines57. C’est donc, au moment où la production se ralentit, au cours de la difficulté, que les nouvelles techniques s’imposèrent. Rien là, en soi, qui puisse surprendre.
64La courbe des importations de métaux précieux en provenance de Nouvelle Espagne à Séville58, d’après les données de Hamilton, donne, pourtant, en millions de pesos à 450 maravedís, les résultats suivants :
65De 1541 à 1545, 2 500 ; de 1546 à 1550, 2 800 ; de 1551 à 1555, 4 850 ; de 1556 à 1560, 4 700 ; de 1561 à 1565, 5 500 ; de 1566 à 1 570, 7 050 ; de 1571 à 1575, 7 200. On s’attendrait à une augmentation presque plus rapide encore du trafic, malgré l’accroissement du simple au double des exportations d’Europe en direction de la Nouvelle Espagne, vu la croissance générale de l’ensemble des importations des métaux précieux du simple au triple, grâce à l’adoption de la technique de l’amalgame qui devait modifier profondément le rythme de la production.
66Entre ces chiffres d’importations et ceux de la production qui font défaut, il y a, vraisemblablement, un hiatus considérable. Au cours de la décade des années 60, une fraction plus importante de métal blanc, sans doute, a été retenue en Nouvelle Espagne, pour y faire face aux besoins accrus, du fait des gros investissements, des modifications techniques minières, des grandes expéditions et d’une double poussée d’impérialisme « mexicain », défensif en direction de la Floride, et offensif en direction des Philippines ; peut-être, aussi, pour d’autres raisons qui nous échappent. Et ce sera moins — une fois de plus — en fonction du rythme vrai des importations d’argent mexicain — à supposer qu’on les connaisse suffisamment, ce qui n’est pas parfaitement sûr — qu’en fonction d’un indice présumé d’activité, que se règlera le trafic d’une nouvelle Espagne, dont le brusque réveil, autour de 1560, constitue pour l’Espagne, avec la fin provisoire des grands conflits en Europe, le phénomène majeur et moteur de cette importante page d’histoire Atlantique.
67c. Transformation des cargaisons et progrès des valeurs. — L’onde de choc prend naissance en Nouvelle Espagne et pénètre, de là, dans l’ensemble de la masse économique d’une Carrera qu’elle anime. Les expressions encore un peu hésitantes du mouvement en valeur prouvent la réalité et l’importance du démarrage en 1560. On dispose, en effet, pour les quatre années de la première fluctuation cyclique vraie, avec les montants annuels de l’almojarifazgo de Terre Ferme et le montant global pour quatre ans de l’almojarifazgo de la Vera Cruz, d’une excellente approche des valeurs fiscales des importations officielles, aux Indes — une évaluation précise et chiffrable de la fraude et des marges de tolérance demeurant, toutefois, problème insoluble. Les valeurs conjuguées des entrées des marchandises d’Espagne à la Vera Cruz et à Nombre de Dios constituent 90 %, au moins, de l’ensemble des exportations en valeur de l’Espagne en direction des Indes. Or, la moyenne en valeur des entrées officielles d’Espagne, sur les quatre années de la première fluctuation primaire vraie, de 1560 à 1564, représentent, à la Vera Cruz, 500 millions de maravedis. A Nombre de Dios, elle est de 600 millions dans les mêmes conditions. Soit un global des exportations d’Espagne en valeurs fiscales, de 1100 millions, pour l’ensemble du continent et de 1 200 à 1 300 millions, pour l’ensemble des Indes (Iles et parents pauvres compris).
68Ces chiffres sont intéressants. Ils montrent, d’une part, l’importance prise par la Nouvelle Espagne, aussi bien dans le mouvement en valeur que dans le mouvement en volume. Les valeurs des marchandises exportées en Nouvelle Espagne représentent, sensiblement, la même masse économique que celles des produits destinés au port de l’isthme. Or, de 1544 à 155259 — entendez la meilleure part du grand cycle charnière — le rapport en valeur des deux directions fondamentales était, en Allers, de trois pour la Terre Ferme contre un pour la Nouvelle Espagne. Une fois de plus, donc, on saisira, sur le vif le mécanisme de l’accélération du rythme des valeurs par rapport aux volumes.
69Le rapport en volume passe de 2 à 1, à la presque égalisation, tandis que le rapport en valeur passe dans le même temps, de 3 à 1 à la presque égalisation. La direction motrice l’emporte plus encore en valeur qu’en volume. Pour que la Nouvelle Espagne remplît véritablement ce rôle, il fallait que l’inégalité des deux mouvements en valeurs s’aplanît ; l’amorce, peut-être, d’un nouvel équilibre en faveur de la Nouvelle Espagne.
70Ces chiffres prennent plus de valeur encore, si on les compare à ceux des périodes précédentes. On se reportera donc aux évaluations antérieures, dont les fondements sont, sans doute, plus fragiles, mais capables, pourtant, de servir de base à la désignation d’une tendance. Dans ces conditions, les valeurs fiscales annuelles moyennes des exportations du complexe aux Indes sont les suivantes :
711541-1545, 290 millions ; 1546-1550, 660 ; 1551-1555, 572 ; 1556-1560, 800 ; 1560-1563, 12 à 1 300 millions. C’est, surtout, entre 1546-1550 et 1560-1564, que la comparaison prendra tout son sens. En effet, les volumes moyens de 1560 à 1564 sont sensiblement inférieurs à ceux de 1546-1550. Le terme valeur devrait donc jouer au détriment de la seconde période. 1546-1550 est intégralement en expansion, tandis que 1560-1564 incorpore, au moins, une année de contraction relative. On peut supposer, enfin, pour la commodité, la fraude — encore assez faible, au vrai, à l’Aller — constante, bien que la grosse alerte de 1558 laisse à penser qu’une modification dans ce domaine — si elle existe — a joué plutôt dans le sens d’une aggravation sensible. Un seul facteur aura pu s’exercer, au détriment du chiffre-valeur du premier terme, le plancher respectif des prix, dont le niveau moyen, peut-on estimer, aura subi un accroissement très proche de 25 %. Et pourtant, toutes choses étant égales, entre 1546-1550 — entendez la fin de la période cyclique d’expansion de la première demi-phase longue d’expansion — et 1559-1564, le début de la première demi-phase longue d’expansion du second xvie siècle, à moins de vingt ans d’intervalle, la valeur unitaire intrinsèque des marchandises exportées en Amérique se sera accrue, toutes corrections faites, prix compris et suivant la ligne de force de plus grande vraisemblance, de 60 % environ. Une telle augmentation de la valeur unitaire des échanges n’aura pu être acquise qu’au prix de la poursuite, à un rythme accéléré, du processus, déjà souvent décrit60, de l’élimination proportionnelle des produits agricoles au profit des produits manufacturés de grande valeur, sous un faible poids.
72d. Les prix. — Une telle accélération — on peut, du moins, s’y attendre — a dû être accompagnée d’une rapide ascension des prix en Espagne. On ne sera pas déçu : c’est bien, en effet, ce qui va se produire. Les prix espagnols, qui, apparemment, commandent cette prospérité Atlantique, sont eux-mêmes entraînés, à leur tour, par cette prospérité — ne serait-ce, notamment, que par l’effet stimulant de l’adoption en Nouvelle Espagne des techniques de l’amalgame.
73Tout le mécanisme du cycle est déclenché, en effet, par un prodigieux coup de butoir qui fait passer le plancher d’un étage inférieur, où il s’était longtemps attardé, à un étage supérieur. Si l’on prend, par exemple, la série des indices des prix andalous61, on observe un accroissement, en deux ans, de l’ordre d’un tiers (1559 : 71,65 ; 1560 : 72,79, soit un niveau de l’ordre de 72. De là, en 1561 on passe à 85,86 et en 1562, à 104,42). Saut prodigieux dont le gain ne sera pas consolidé tout de suite, entièrement, à 60 % environ, toutefois, si on prend comme terme de référence l’ensemble moyen des années 60, au delà de 156262. On dispose, enfin, d’un moyen plus sûr, sans risque de subjectivité. La comparaison, sur les indices composés des prix argent traités par63 une moyenne mobile de treize ans, d’un certain nombre d’années équidistantes64, permet d’apprécier l’importance de l’accélération du mouvement des prix au cours de la décade qui correspond à la première fluctuation décennale de cette seconde demi-phase d’expansion.
3. Les difficultés à vaincre : la navigation en convoi
74Mais les années qui suivent le Cateau, malgré leurs promesses fondamentales, ne sont pas uniquement, pour Séville, porteuses de facilités. L’expansion ne procède pas, il s’en faut de beaucoup, de la rémission de freins antérieurs. Elle est élan positif. A preuve, les obstacles qu’elle brise.
75a. L’organisation des convois et la mutation des tonnages. — Cette amélioration est d’autant plus probante, qu’elle a fléchi, pour se réaliser, de graves difficultés : l’une d’entre elles résulte, incontestablement, du renforcement de la navigation en convois.
76Certes, le système des convois n’a pas fait son apparition au cours de la décade des années 60 : il est bien antérieur, on l’a vu65, mais il s’est généralisé, alourdi et il a pris sa forme définitive, quasi immuable. Les tables66 du tome VI ne permettent pas de fixer le phénomène avec toute la rigueur souhaitable. Le signe sûr de cette consolidation, c’est le passage de l’impossible système du convoi combiné au système des deux convois annuels. Cette mutation se produit en 1564. On ne saurait en sous-estimer l’importance.
77Cette consolidation est d’autant plus significative et profonde qu’elle se produit à contre courant, au moment précis, où la pression ennemie, qui a motivé le système, se relâche provisoirement, la pression anglaise n’étant pas suffisamment organisée pour prendre le relais de la menace française, dont les liens se desserrent. Le négoce de Séville, qui pourtant, était payé pour savoir ce que l’insécurité pouvait coûter, n’a pas accepté, de gaieté de cœur67, la consolidation et la pérennisation pratique du système des convois, dont il supportait la charge fiscale, les contraintes et le handicap économique.
78Ce handicap était particulièrement lourd dans le système mal adapté du convoi combiné qui prévalut jusqu’en 156368. Le système du convoi combiné avait pris naissance dans les années 40, puis, avait fini par cristalliser, au détriment des formes de navigation plus souples, une fraction de plus en plus forte, au cours de la zone d’hyper-danger des années 50, du volume global du trafic. Possible, à condition qu’une des directions fondamentales l’emportât, d’une manière écrasante, sur les autres, il allait imposer des servitudes de plus en plus lourdes, si cette condition venait à se modifier. Jusqu’en 1559, la Terre Ferme et les îles — les deux directions sont grossièrement placées sur le même axe — représentaient 75 à 80 %, on l’a vu, de l’ensemble69. La Nouvelle Espagne n’a plus été, un moment, qu’une excroissance quelque peu sacrifiée. A cette condition, le convoi mixte est, sinon souhaitable, du moins supportable. Il permet, surtout — avantage appréciable en période de contraction, donc, de volume économique global réduit — de limiter l’appareil naval de protection, proportionnellement à l’appareil naval global. Il n’est pas exclu, non plus — car il y a toujours plus ou moins interréaction, même dans les rapports les plus simples de cause à effet — que l’existence du convoi mixte ait contribué à prolonger et accentuer la disgrâce conjoncturellement normale de la Nouvelle Espagne, au delà du point naturel d’équilibre.
79156470, qui vient aux termes des difficultés de 1563, apparaîtra donc comme le résultat d’un compromis entre le négoce et l’État, compromis qui se solde, à certains égards, par une augmentation du coût direct de l’appareil de protection, mais par une diminution des contraintes sur la navigation, et partant, par ricochet, sur le négoce, plus particulièrement, sur l’axe des communications avec la Nouvelle-Espagne ; il se solde, aussi, par un renforcement de la protection, à un moment où le départ de la première expédition John Hawkins rappelle que l’Europe n’a pas renoncé à troubler les paisibles trafics de l’Espagne. Les nations européennes ne sont pas prêtes à entériner — pas plus l’Anglais, en attendant le Flamand, que jadis le Français—leur exclusion du partage de la succession d’Adam.
80L’expansion, elle-même, autre facteur, a peut-être, avec la persistance des courses traditionnelles, françaises et barbaresques, avec les prodromes des nouvelles pressions anglaises, contribué à cette acceptation de la pérennisation et du renforcement des convois. Elle a dû, en effet, en multipliant les volumes, soulever un problème qui se pose toujours en expansion et que, structurellement, la Carrera, assoiffée d’hommes, n’a jamais su résoudre, que par des biais ou des faux fuyants : celui du recrutement, par exemple, en nombre suffisant, de pilotes et d’« officiers de pont ». Le convoi contribue à résoudre la question, osera-t-on écrire ? Tout comme le gros navire, avec qui il est, d’ailleurs, étroitement lié.
81Cette association se trouve confirmée par les séries chiffrées. Le cycle de la reprise est bien placé, en effet, en période d’accélération de la mutation des tonnages71. Entre 1556-1560 et 1566-1570, l’accroissement du tonnage unitaire moyen des navires de la Carrera n’est-il pas de 25 %, en dix ans, de 158,7 à 211,8 toneladas ? Cette brusque accélération est d’autant plus significative qu’elle est suivie d’un palier (1571-1575 : 210,11 toneladas) ; là encore, le ralentissement est notable et l’opposition, valable sur toute la ligne, entre la fluctuation de la reprise et celle de la demi-contraction qui la suit de 1571 à 1578. Cette mutation se fait par l’adjonction de quelques grosses unités72 insolites à l’échelle des normes anciennes, par les premiers recours — les premiers qu’on puisse déceler — à des unités étrangères 73.
82Rien là, au vrai, qui puisse surprendre : une mutation rapide du tonnage est plus facile en expansion qu’on contraction. Elle suppose, en effet, une adjonction importante de matériel naval nouveau. C’est ce qui se produit, obligatoirement, quand il y a augmentation des quantités à transporter. D’autant plus sûrement que les périodes de contraction sont des périodes de sous-investissement dans le domaine de l’armement, de vieillissement et d’usure du matériel naval, il y a, obligatoirement, en fin de contraction, une plus forte proportion de matériel naval arrivé à bout de course et qu’il faut renouveler. Un début d’expansion arrivant nécessairement en fin de contraction, aura à faire face à ce double besoin. Une mutation des dimensions du tonnage est, donc, aisée, outre qu’elle peut être — c’est le cas ici — économiquement souhaitable. Il était utile de rappeler que cette mutation s’est faite, sur une amplitude rarement égalée, au cours de la première partie de cette fluctuation d’étonnante reprise. Ce n’est évidemment pas l’effet d’un hasard.
83Organisation des convois et mutation accélérée du tonnage sont, donc, deux choses qui vont de pair. Le façonnement définitif et permanent d’un système de convois d’une masse telle qu’elle finira, prématurément, par englober presque tout le trafic, comme les tables de répartition des navires sueltos et des navires en convois74 l’attestent, même dans leur imperfection, n’en constituait pas moins un frein, une grosse difficulté à l’expansion. Mais l’expansion l’aura vaincue75.
84b. Mesures de l’obstacle. — La difficulté, pourtant, est loin d’être négligeable. Le rétablissement de la paix aura même constitué un prodigieux excitant à l’expansion, dans la mesure où il aura été pensé, d’abord, comme devant amener avec lui la fin de la contrainte du convoi. Il n’est pas exclu, non plus, que la déception causée par la non-réalisation de cette aspiration ait contribué à la dépression courte de 1563 et préparé, ainsi, le compromis de 1564 : le passage du convoi mixte au système des convois par unité géographique.
85Le système des convois, tel qu’il a, pour l’essentiel, fonctionné, au cours de cette fluctuation de la grande reprise, à dû constituer, pourtant, un très gros handicap. Les lourds convois de ces années ont, en effet, aggravé le prix du fret76 en imposant un rythme de rotation aux navires, qui ne représente plus qu’une fraction infinie du rythme des premières années. Il fallait, pour le transport d’une même masse économique, deux, trois fois plus de capital tonnage disponible. Et ces proportions ne sont pas exagérées, si l’on considère qu’un navire en bois, dans les mers tropicales surtout, s’use plus vite, immobile que naviguant, que le coût de construction représente une somme importante par rapport aux frais d’exploitation du navire, que les frais d’exploitation et d’équipage, enfin, ne sont que très partiellement réduits, en cas d’immobilisation du navire, aux Indes, surtout, par rapport aux frais qui courent en traversée77. On peut donc estimer qu’un triplement, par exemple, des temps de rotation représente un doublement, au moins, des frais courants sur l’unité kilométrique du fret transatlantique, des frais dans l’organisation encore tâtonnante des convois, plus lourds, vraisemblablement, qu’ils ne le seront plus tard.
86Les tables 18 à 128 du tome VI78 et leur ventilation périodique des temps de voyages en convois connus font apparaître les incertitudes des premiers convois. Les voyages de la première décade 1560-1570 ont été plus lents dans toutes les directions, pour toutes les provenances et presque toutes les articulations géographiques distinguées. Le handicap économique de l’adoption d’une navigation exclusive en convois plus lourds aura donc été plus grand, au début, qu’il ne le sera après 1571.
87Mais une simple comparaison du temps moyen de la décade 1561-1570 au temps moyen calculé pour l’ensemble du siècle ne suffit pas à donner un juste compte du handicap spécifique de ces premières années. Il faudrait, en effet, comparer la décade 1561-1570, non pas au temps moyen du siècle, mais aux seules décades ou demi-décades d’expansion, des époques ultérieures. En effet, 1560-1570 constitue une exception. Partout et toujours, ultérieurement, les temps d’expansion, comme on aura l’occasion de le dire souvent, seront des temps de voyages rapides, de rotation accélérée, d’utilisation maximale du matériel naval... tandis que les temps de contraction, sont, au contraire, des temps d’étirement, de rotation lente79. Le schéma théorique du phénomène est tracé à son heure. Ici, à la base, le rythme est bloqué, parce que, techniquement, la navigation en lourds convois n’est pas encore suffisamment rodée. L’adoption et l’adaptation de la navigation en convoi a donc constitué une difficulté majeure, qu’il est impossible d’apprécier exactement par simple référence aux époques postérieures au rodage.
88Ainsi, la modification du mode de navigation sera venue, au cours des années 60, aggraver les exigences propres à l’expansion. L’une et l’autre auront joué dans le sens d’une surexcitation de la demande du négoce par rapport à l’armement. Mais ce goulot d’étranglement du tonnage, qui s’exerce avec une force exceptionnelle durant la décade, a moins freiné l’expansion qu’il ne l’a infléchie. L’expansion — au lieu de s’étaler en volume — aura été contrainte de se charger en valeur. Et c’est là, peut-être, un des facteurs qui auront contribué à donner un rythme particulièrement rapide à la grande mutation structurelle des cargaisons, au cours de cette décade capitale de la reprise de l’expansion séculaire.
Annexe
ANNEXE
ANNEXE (suite)
ANNEXE (Suite)
Notes de bas de page
1 Au-delà de la durée moyenne de la fluctuation cyclique : dix ans et demi environ.
2 Cf. t. VII, p. 42-47.
3 Cf. ci-dessous, p. 446.
4 Sans omettre le mouvement valeur (cf. notamment, t. VI1, table 226, p. 471). La courbe des marchandises importées d’Espagne dans l’isthme, la Terre Ferme et le Pérou, telle que l’almojarifazgo de Nombre de Dios l’indique, monte régulièrement de 1559 à 1562 (soit, respectivement 319, 488, 740 et 932 millions de maravedís), puis descend brusquement et se maintient en contrebas (1563 : 254 millions ; 1564 : 316 millions ; 1565 : 857 millions).
5 Deux fluctuations au lieu de trois, d’après la méthode des points de rebroussement de 1563 à 1571. Cette simplification est due à la pondération (cf. t. VI1, table 141, p. 339), mais sur les tonnages en unités non pondérées le mouvement est plus hésitant (ibid., table 137, p. 335), 1566, en toneladas, donne l’impression — non confirmée, d’ailleurs, par le mouvement unitaire — d’être légèrement déprimée par rapport à 1565 et 1567.
6 Cf., notamment, les pourcentages d’écart des chiffres vrais à la moyenne mobile : t. VI1, table 163, p. 362 et t. VII, p. 52.
7 T. VI1, table 163, p. 362. En 1565, le tonnage des Allers est à 139,661 % par rapport à la moyenne, les Retours, à 84,282 % et les Allers et retours, au niveau relatif le plus élevé, 114,38 %. Le fort écart des Allers de 1565 commande la belle anomalie des Retours de 1566, 147,81 %. La position relative de 1565 est la position relative record jusqu’à 1572, et la mieux étayée d’écarts positifs puissants en 1566 et 1567 sur les Allers et retours. Autre raison de préférer 1565 en Allers et en Allers et retours, avec 100 et 149 bateaux, le mouvement unitaire passe par un incontestable point haut.
8 T. VI1, table 151, p. 348, Allers ; table 154, p. 351, Retours ; table 157, p. 354, Allers et retours.
9 Cf. ci-dessus, p. 416-417.
10 Cf. ci-dessous, p. 445-522.
11 Cf. t. III, p. 70.
12 Cf. t. VI1, table 151, p. 348.
13 C’est-à-dire à la fin pratiquement du deuxième cycle de la seconde demi-phase longue d’expansion, avec l’indice 15 378 tonneaux, suivi de 15 007 tonneaux (en 1579), puis 16 819,8 et 15 636,6 tonneaux en 1580 et 1581, contre 14 519,103 tonneaux en 1571. On ne peut parler d’égalisation véritable en 1576, avec l’indice 14 575,426 tonneaux, certes, imperceptiblement supérieur à l’indice (14 519,103 tonneaux) de 1571 mais coincé entre deux points plus bas 14 268,13 tonneaux en 1575 et 14 370,38 tonneaux en 1577.
14 Cf. t. VI1, table 154, p. 351.
15 Ibid. De 1560 à 1570, on passe, par exemple, de 7 190 à 10 391, soit un rythme d’expansion de plus de 45 % en dix ans, de 1570 à 1580, de 10 391 à 14138, soit de quelques 37 à 38 % seulement.
16 Cf. les rapports Allers et Retours, au mouvement global à l’intérieur du découpage semi-décadaire et annuel, t. VI1, table 159 à 160, p. 356-357 et t. VII, p. 52-53.
17 Cf. t. VI1, table 157, p. 354.
18 Ralentissement sensible du rythme d’expansion d’un cycle à l’autre. Et c’est là, bien sûr, que réside l’élément majeur de différenciation, la justification la moins contestable de la coupure. De 1560 à 1570, de 14 803,2 à 23 313,3, l’expansion approche de 60 % sur les moyennes mobiles pondérées de treize ans du mouvement Allers. De 1570 à 1580, de 23 313,3 à 30 187,15, tonneaux, sur les moyennes mobiles pondérées de treize ans du mouvement Allers et retours, elle est inférieure à 30 %.
19 Cf. t. VI1, table 154, p. 351.
20 Cf. t. VI1, table 157, p. 354.
21 Cf. t. VI1, table 151, p. 348, t. VII, p. 50-51.
22 Cf. t. VI1, table 154, p. 351, t. VII, p. 50-51.
23 Cf. t. VI1, table 157, p. 354, t. VII, p. 50-51.
24 Une moyenne médiane sur trois ans sur le mouvement Allers et retours, exprimé en unités pondérées, donnerait les résultats suivants :
1556…..63 500
1557…..56 140
1558…..52 550
1559…..51 380 (–)
1560…..57 580
1561…..67 660
1562…..66 310
1563…..65 405 (–)
1564…..71 295
1565…..79 025
1566…..85 366 (+)
1567…..82 152
1568…..83 051
1569…..83 258
1570…..81 329 (–)
1571…..91 118
1572…..92 068
1573…..102 537
1556…..63 500
1557…..56 140
1558…..52 550
1559…..51 380 (–)
25 Cf. ci-dessus, p. 401-413.
26 Cf. t. VI1, table 139, p. 356, table 143, p. 341.
27 Cf. t. III, p. 52-55.
28 A partir de 1566-1570, jusqu’à la demi-décade 1621-1625, inclusivement, à une très faible exception près, de 1591 à 1600, on entre, même, à l’intérieur de ce que l’on pourrait appeler une ère d’anomalie positive du mouvement de la Nouvelle Espagne.
29 Cf. t. VI1, tables 174, 175 et 176, p. 373-375.
30 Le découpage chronologique adopté est le découpage conjoncturel : 1551-1554, phase descendante du cycle charnière ; 1555-1559, cycle de la pression, 1560-1563, première fluctuation, 1564-1571, deuxième fluctuation primaire du cycle de la reprise (1559-1571). Cf. Annexe I, p. 442-444.
31 Ces transformations, on les voit bien de Séville, grâce à la statistique du mercure(t. VIII2bis Appendice, p. 1758-1978). La Nouvelle Espagne est seule consommatrice de mercure jusqu’à la demi-décade 1571-1575, seule importatrice jusqu’en 1581-1585.
32 1562 n’atteint pas, tout à fait, encore, les pointes isolées de 1555-1557. Mais l’ensemble des années 1560,1561 et 1562 met déjà en cause des chiffres de 20 à 25 % supérieurs à ceux de 1555, 1556, 1557 (cf. t. VI1, tables 131, 134, 137, 141, p. 329, 332, 335, 339). Dès le début, les chiffres du mouvement volumétrique font preuve d’une homogénéité, d’une régularité, qui avait disparu de la Carrera, depuis la phase descendante du grand cycle charnière de 1544 à 1554. Plusieurs années, enfin, de la fin de la fluctuation, 1565, 1566, 1567,... 1569, 1570 arrivent, à 15 ou 20 % près, aux mêmes masses que 1549 ou 1550..., ajoutant le bénéfice d’une remarquable homogénéité des résultats à leur ampleur intrinsèque.
33 En vertu même de ce que l’on vient de dire, la comparaison sera probante, la supériorité de 1571 sur 1559 est de l’ordre du simple au double (143 navires, 20 023 tonneaux contre 82 navires et 9 210 tonneaux, en Allers et retours) entre 1571 et 1554, le rapport est du simple au quadruple (143 navires, 59 navires, 20 023 tonneaux, 5 580 tonneaux). Tout comme le creux secondaire de 1563 surplombe encore de 50 % le creux secondaire, vaguement analogue de 1556. On pourrait multiplier les exemples, par la comparaison d’éléments occupant des positions cycliques analogues (cf. t. VI, tables 130, 131, 133, 134, 136, 137, 140, 141, p. 328-329 331-332, 334-335, 338-339).
34 Cf. t. VI1, tables 150-151, 153-154, p. 347, 348, 350, 351. 1556 et 1557 surtout.
35 Cf. ci-dessus, p. 420, note 3.
36 Cf. t. VI1, tables 153-154, p. 350-351.
37 Cf. t. VI1, tables 156-157, p. 353-354.
38 Cf. t. VI1, tables 601 à 687, p. 861 à 948 et plus particulièrement table 610, p. 870.
39 Ci. H. Haring, ed esp. p. 230.
40 Cf. ci-dessus, p. 426.
41 Charles-André Julien. Les voyages de découverte et les premiers établissements (xve-xvie siècles), (Paris, P.U.F., 1948, in-8, 529 pages), p. 222 et suiv.
42 Cf. Pierre Chaunu. Le galion de Manille. Grandeur et décadence d’une route de la soie. Annales E.S.C., 1951, no 4, p. 447-462 et notre Pacifique.
43 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 341 et 343.
44 Ibid., p. 348, 349, 350.
45 Évolution analogue en Vieille Castille-Léon, à titre de contre-preuve. A 160 maravedis en 1551 (op. cit., p. 348), la livre de poivre tombe à 136 maravedis en 1558, elle est à 238 en 1560,204 en 1561,209 en 1562,238 en 1563,272 en 1564,272 encore en 1566... Le mouvement, dans ses grandes lignes, est donc grossièrement identique.
46 T. VI1 table 176, p. 375, t. VI, table 492, p. 659.
47 T. VIII2, Appendice, p. 1958-1978.
La montée des importations de mercure est foudroyante, tout au long du cycle. Elle dépasse 2 000 quintales en 1572 ; entre la demi-décade 1561-1565 (3 003 quintales) et la demi-décade 1566-1570 (5 747,5 quintales), il y a, pratiquement, doublement de la capacité d’absorption de l’industrie minière mexicaine.
48 T. VIII2, Appendice, p. 1958-1978.
49 Lewis Hanke. La villa imperial de Potosi (Sucre, 1954, in-8, 81 pages), p. 41 et The Imperial City : ofPotosi,La Haye, Martinus Nijhoff, in-8, 1956, 60 pages.
50 T. VI1, tables 174, 175, 176, p. 373-375. C’est, entre 1546 et 1550, au cours de la phase d’expansion du cycle du renversement de la tendance, que le rapport du trafic de la Terre Ferme sur celui de la Nouvelle Espagne passe par un maximum, le record relatif de toute l’histoire recensée de la Carrera.
51 Ne serait-ce, entre autres, qu’à cause de la manière dont les Retours sont libellés... le gonflement insolite des Iles en Retours signalé plusieurs fois, bien qu’il traduise un cabotage, n’est pas l’exact reflet de la réalité économique.
52 Cf. t. VI1, table 174, p. 373.
53 Cf. t. VI1, tables 174 à 176, p. 373-375.
54 Cf. t. VI1, table 174, p. 373.
55 En Allers, par exemple, 13 320 toneladas de 1556 à 1560, 39 563 de 1571 à 1575.
56 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 43.
ILESNOUVELLE ESPAGNETERNE FERME (soit, pour l’essentiel, le Pérou)1541-154512 %52 %36 %1546-15508 %52 %40 %1551-15550 %50 %50 %1556-15600 %40 %60 %1561-15653 %43 %54 %1566-15700 %50 %50 %1571-15750 %61 %39 %
57 On a déjà signalé un décalage analogue entre le mouvement Allers et les importations de trésors à Séville. Dans ce dernier cas, le décalage nous a même semblé plus long. Il importe de ne pas perdre de vue, enfin et surtout, que, s’il y a nécessairement un rapport entre la production aux Indes et les importations des métaux précieux en Espagne, le rapport à court terme entre les deux phénomènes n’a pas une rigidité absolue.
58 En appliquant les pourcentages de la p. 43 (E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit.) aux chiffres globaux d’importation de la p. 34 (ibid.).
59 Cf. ci-dessus, p. 278.
60 Cf. ci-dessus, p. 177-180, 244-247...
61 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 198.
62 Ibid.
63 Cf. t. VI1, table 163, p. 363, t. VII, p. 52-53.
64 Les années 1540, 1550, 1560, 1570, 1580, 1590, 1600 sont jalonnées sur la moyenne mobile de treize ans des indices composés des prix argent globaux par les indices rabotés suivants : 57,19 ; 67,6 ; 82,4 ; 94,63 ; 103,64 ; 112,5 ; 131,9. Entre 1560 et 1570, la pente du trend est de 14,5 %, elle n’est plus, dans la période suivante, que de 10 %, puis de 8,5 % seulement... pour atteindre, à nouveau, une pente comparable, il faut attendre la dernière décade, celle qui précède le renversement de la tendance majeure entre 1590 et 1600 ;
65 Cf. ci-dessus, p. 199-200.
66 Cf. t. VI1, tables 189 à 192, p. 404-407.
67 Les protestations, que la correspondance de la Casa de la Contrataciôn recueille et dont elle se fait l’écho, en témoignent.
68 Cf. t. II et t. III, p. 36.
69 Cf. ci-dessous, p. 431-435. Cf, t. VI1, table 13, p. 168.
70 Cf. t. III, p. 36 et p. 52.
71 Cf. t. VI1, table 13, p. 166.
72 Cf. t. III. Cette adjonction des gros navires, en l’occurrence, l’apparition massive, notamment, des galions (33 repérés de 1560 à 1571, t. VI1, tables 12c et 12E, p. 162 et 166), entraîne, d’une manière presque normale, une forte adjonction de tout petits navires (8 repérés), à peu près parallèlement, les navires de type patache étant indissolublement liés aux galions et à la navigation en convois. Il va sans dire, d’ailleurs, que ces chiffres ne saturaient prétendre être complets. Ils donnent, tout au plus, une simple indication de convergence.
73 En 1563, 1565,1566... Cf. t. VI1, table 12c, p. 162-163.
74 Cf. t. VI1, tables 189-194, p. 404409.
75 On peut dire, tout aussi bien, d’ailleurs, que, sans l’expansion, cette transformation structurelle n’aurait pu se produire. Elle est, à la fois, conséquence, entrave et condition de l’expansion.
76 On voit souvent, au cours des deux premières décades du xvie siècle, des navires qui font, plusieurs fois l’an, l’Aller-Retour entre les Indes et l’Espagne et l’on met en regard les rythmes biennaux, triennaux d’après 1560. Cela représente un allongement très sensible des temps de rotation, compte tenu même de l’appréciable prolongement des distances que signifie la substitution, au cœur de l’Outre-Atlantique, du continent aux Iles.
77 Tous facteurs qui font de l’immobilisation d’un navire en bois à voile une opération relativement plus coûteuse encore, que celle, pourtant déjà très coûteuse, d’un navire en acier à propulsion mécanique.
78 Cf. t. VI1, p. 177ter à 319.
79 Cf. ci-dessous, p. 592-595, 923-924, 1697-1699.
Notes de fin
1 Les pourcentages indiqués entre parenthèse, pour les navires de directions et provenances inconnues, sont calculés tant en nombre de navires qu’en toneladas, par rapport à l’ensemble du mouvement. Les pourcentages calculés pour les articulations fondamentales du mouvement le sont — condition pour être valables — par rapport à l’ensemble des connus seulement.
2 Cf. ci-dessus, note 1, page 442.
3 Cf. ci-dessus, note 1, page 442.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Meurtre au palais épiscopal
Histoire et mémoire d'un crime d'ecclésiastique dans le Nordeste brésilien (de 1957 au début du XXIe siècle)
Richard Marin
2010
Les collégiens des favelas
Vie de quartier et quotidien scolaire à Rio de Janeiro
Christophe Brochier
2009
Centres de villes durables en Amérique latine : exorciser les précarités ?
Mexico - Mérida (Yucatàn) - São Paulo - Recife - Buenos Aires
Hélène Rivière d’Arc (dir.) Claudie Duport (trad.)
2009
Un géographe français en Amérique latine
Quarante ans de souvenirs et de réflexions
Claude Bataillon
2008
Alena-Mercosur : enjeux et limites de l'intégration américaine
Alain Musset et Victor M. Soria (dir.)
2001
Eaux et réseaux
Les défis de la mondialisation
Graciela Schneier-Madanes et Bernard de Gouvello (dir.)
2003
Les territoires de l’État-nation en Amérique latine
Marie-France Prévôt Schapira et Hélène Rivière d’Arc (dir.)
2001
Brésil : un système agro-alimentaire en transition
Roseli Rocha Dos Santos et Raúl H. Green (dir.)
1993
Innovations technologiques et mutations industrielles en Amérique latine
Argentine, Brésil, Mexique, Venezuela
Hubert Drouvot, Marc Humbert, Julio Cesar Neffa et al. (dir.)
1992