Version classiqueVersion mobile

Séville et l’Atlantique, 1504-1650 : Structures et conjoncture de l’Atlantique espagnol et hispano-américain (1504-1650). Tome II, volume 1

 | 
Pierre Chaunu

Troisième partie. La seconde phase longue dֹ’expansion (1559/1562-1592)

Chapitre premier. Limites, amplitude, caractères de la seconde phase longue d’expansion

Texte intégral

  • 1 T. VII, p. 50-51, 54-55 et pour le mouvement unitaire, à titre de comparaison nécessaire, p. 72-73.
  • 2 Cf. t. VI1, tables 144 à 158, p. 342-355.
  • 3 Cf. t. VII, p. 42 à 55.

1Un simple coup d’œil sur les séries représentatives des différents mouvements1, sur les moyennes mobiles2 et leurs représentations graphiques3, montre, mieux qu’une longue démonstration, au demeurant inutile, qu’au-delà du creux de 1559, la marche ascendante reprend son cours.

I. — LIMITES

2Pendant cinquante ans, sans hésitations sensibles, le volume des échanges entre le Nouveau-Monde et l’Europe, par le canal de l’Espagne et de son monopole, ne cessera plus, pratiquement, de s’accroître. On trouvera, tout naturellement, le point de départ de cette marche ascendante en 1558-1559, au fond de la dépression qui marque la fin — on l’a vu — de la période descendante, du cycle court de la récession inter-décennale.

LE CHOIX D’UN POINT DE DÉPART : 1559

3Tous les procédés donneront des résultats analogues, appliqués aux Allers, aux Retours, ou à l’ensemble du mouvement Allers et retours.

1. Procédés graphiques. Points bas et points hauts. Chiffres vrais

  • 4 Les résultats seront probants, même, sur le mouvement unitaire moins favorable, pourtant, mais plus (...)

4On peut, par exemple, réunir linéairement tous les points hauts et tous les points bas de rebroussement4 ; on obtient, sur cinquante ans, une ligne ascendante.

  • 5 Si on se borne, par exemple, sur les tonnages en unités pondérées (t. VI1, tables 141 et 142, p. 33 (...)

5Pour les points de contraction cyclique, les résultats sont probants en Allers et mieux encore, en Allers et Retours5 En Retours, par contre, l’incident de mer et de guerre limite la portée de l’expérience et rend, du moins, l’interprétation délicate, la construction peut donner une impression d’arbitraire. La comparaison des points bas n’est possible qu’en substituant aux chiffres vrais une moyenne mobile de deux ans, susceptible, comme on l’a dit déjà, d’éliminer l’essentiel des aspérités aberrantes dues à la guerre et à la mer.

  • 6 On passera, ainsi, sur le mouvement Allers, en se bornant à l’essentiel : des 12 180 tonneaux de 15 (...)

6L’ascension est plus manifeste encore, et les limites, plus clairement marquées, si on suit non plus les points bas mais les points hauts de rebroussement6.

7Mais ce sont, évidemment, les moyennes mobiles qui permettent de délimiter la seconde grande phase d’expansion de la manière la plus précise et la plus sûre, tout comme elles l’avaient permis, pour la grande récession intercyclique du demi-siècle.

2. Moyennes mobiles de treize ans

  • 7 Cf. t. VI1, tables 150 à 158, p. 347 à 355.
  • 8 Avec passage de 9 460,003 (1562), 9 225,087 (1563) à 10 195,235 (1554), t. VI1, table 151, p. 348.
  • 9 Soit une leçon parfaitement conforme à la leçon du mouvement produit dans son découpage annuel.
  • 10 Avec passage de 7 408,69 tonneaux (1561) à 7 736,79 tonneaux (1562).

8Les moyennes mobiles médianes de treize ans et de cinq ans7, les plus synthétiques — ou, du moins, celles qui sont apparues telles — donnent, en unités pondérées, des réponses très précises. Les moyennes mobiles de treize ans, les plus susceptibles, en l’occurrence, de restituer la tendance majeure du mouvement, dégagée de presque toute incidence cyclique, situent le point de rebroussement, en 1558, sur le mouvement Allers, avec 8 020,17 tonneaux (contre 9 605,94 tonneaux, au point haut précédent de 1551) et une remontée particulièrement rapide, puisque, dès 1564, la pointe de 1551 est largement Dépassée8. La situation est analogue sur le mouvement Retours, à quelques variantes infimes près, le point bas de rebroussement se situe, ici, en 15599 avec 6 611 tonneaux (contre 7 373,54 en 1550 et 7 446,403 en 1552) et une remontée plus rapide encore, puisque c’est, trois ans plus tard, seulement, que les cotes anciennement records de 1550 et 1552 sont Dépassées10.

  • 11 Avec passage de 16 874,44 (1561) à 16 967,69 (1562).
  • 12 On notera la supériorité dans cet aspect de l’étude de la conjoncture de la moyenne médiane sur la (...)

9Pour les Allers et retours, toujours dans les mêmes conditions, le point creux de rebroussement se situe en 1558, avec 14 669,92 (contre 16 938,69 en 1551) et un retard comblé en quatre ans, dès 156211. Les moyennes mobiles médianes12 de treize ans permettent, donc, de situer la reprise d’une manière précise, en 1559, c’est-à-dire à la fin de cette fluctuation déprimée de la récession. Le cycle, qui se dessine au-delà, est, déjà, sans conteste possible, un cycle de la reprise.

3. Moyennes mobiles de cinq ans

  • 13 T. VI1, tables 151, 154,157, p. 348, 351, 354.
  • 14 Ce qui corrobore les remarques déjà faites (cf. ci-dessus p. 326) sur la localisation vraie du creu (...)

10Les moyennes mobiles de cinq Ans 13 donneront sensiblement le même point de départ à la reprise. Certes, le fond de la vague est atteint plus Tôt14 : en 1556, en Allers, entendez à la charnière même, au creux intermédiaire entre les deux cycles primaires de la fluctuation déprimée de la grande dépression du demi-siècle. Mais 1556 (avec ses 6 891 tonneaux) n’est qu’un faux départ, la courbe hésite ; le véritable décrochage ne se présentera pas avant 1558-1559 (de 7,030,5 à 8 328 tonneaux), la courbe hésite encore, pour ne partir vraiment qu’entre 1562 et 1563 (de 8 822,24 à 10 140,74 tonneaux). Montée presque ininterrompue, désormais. Et pourtant, le point de 1550 (12 592,5 tonneaux) n’est pas atteint et dépassé avant 1567 (12 820,4 tonneaux).

11Les mêmes caractéristiques se retrouveront en Retours où le point bas de rebroussement se situe en 1555 (6 249 tonneaux). Mais 1555 n’est qu’un faux point de rebroussement, il ouvre la porte à une zone déprimée et hésitante, qui dure jusqu’en 1560, voire même 1561 (1559 : 6 409,40 ; 1560 : 6 628,40 ; 1561 : 6 752,9 ; 1562 : 7 565,9 tonneaux).

  • 15 Des résultats identiques sont obtenus, à quelques nuances infimes près — il est commode de le vérif (...)

12Mêmes caractéristiques, à plus forte raison, sur les Allers et retours. Là aussi, 1555 apparaît faussement comme le point de rebroussement (13 365,85 tonneaux), puisque, de 1554 (13 871,1) à 1558 (13 946,5), la courbe se traîne dans une zone déprimée, sans variation appréciable. La reprise ne se situe, sans hésitation, qu’entre 1560 et 1561 (13 572,4 tonneaux, d’une part et 15 071,8 tonneaux, d’autre part) et, plus sûrement encore, entre 1561 et 1562 (15 071,8 et 16 388,15 tonneaux), tandis que le point haut de 1550 (21468,90 (21 468,90 tonneaux) n’est égalé et dépassé qu’en 1567 (22 116,30 Tonneaux)15.

13L’accumulation de tous ces critères — on pourrait allonger démesurément la liste — permet de fixer, sans aucune hésitation, entre 1559 et 1560 le point de départ d’une nouvelle tendance à la hausse des mouvements globaux en volume. Cette date correspond, en gros, à une date majeure d’histoire politique — la plus importante, peut-être, de l’histoire politique du xvie siècle. Heureuse rencontre qui n’a pas été sollicitée.

14Et c’est ainsi que se pose indirectement un problème de causalité. La concomitance entre ces deux événements implique-t-elle, entre eux, un lien de cause à effet ? Et dans quel sens ? Certains, sans doute, auront vite tranché. Mais la réalité n’est pas si simple. La reprise est certainement commandée par des causes propres, indépendantes d’une conjoncture politique courte. La localisation de la reprise, par contre, au-delà du creux de 1559, est impensable, sans le grand événement et le gain que signifie pour l’Espagne la normalisation, pour un temps, de ses rapports avec la France, pour plusieurs décades, absorbée par ses propres querelles, incapable de peser directement sur la scène internationale.

LE CHOIX D’UN POINT D’ARRIVÉE : 1608-1609 OU 1617-1619 ?

15Le terme de cette marche ascensionnelle, que toutes les expressions du mouvement suivront invariablement, cinquante ans durant, ne s’impose pas sans quelques hésitations. Il n’apparaît qu’après mûre réflexion.

1. Mouvement unitaire

  • 16 Cf. t. VI1, table 139, p. 337. — 612 navires de 1591 à 1595 (assez paradoxalement, pour 97 569 tone (...)
  • 17 Avec 384 navires et 965 contre 265 et 549 de 1556 à 1560. Cf. graphiques, t. VII, p. 72-73.
  • 18 202 navires d’Allers, 283 en Allers et retours. En Retours, par contre, le record du mouvement unit (...)

16Sur le mouvement unitaire, pour les Allers, les niveaux les plus forts sont atteints dans la dernière décade du xvie siècle16 ; pour les Retours et les Allers et retours, par contre, le point de rebroussement se situe bien, comme on peut s’y attendre, d’après la marche du mouvement en tonnage, au-delà de la demi-décade 1606-161017. Le nombre de navires mis annuellement en cause s’accroît d’une manière assez régulière dans toute la période — à l’exception du grand creux de la demi-décade 1576-1580 et plus spécialement 1578, 1579, 1580, qui trouvera son explication à son heure — pour passer par un point culminant en 1608, l’année de tous les records18.

2. Mouvement en volume

  • 19 Cf. t. I, p. 144.

17Mais si on tient compte du tonnage, c’est bien jusqu’à la demi-décade 1606 1610, au moins, qu’il faut prolonger le mouvement ascensionnel : ensuite, il y aura tassement, compte tenu même du taux de pondération de la tonelada19, mais tassement vraiment très faible jusqu’en 1619, voire même, pratiquement, jusqu’à la demi-décade 1626-1630.

18a. Détermination du point de rebroussement sur le mouvement Retours. Moyennes mobiles dé treize et cinq ans. — Une étude attentive des moyennes mobiles permettra de trancher et confirmera le choix de 1608 comme point de rebroussement le plus raisonnable de la tendance majeure.

  • 20 Cf. t. VI1, table 155, p. 352.
  • 21 On peut comprendre le comportement de la courbe, en se reportant aux semi-décadaires (t. VI1, table (...)
  • 22 Avec 32 773,2 tonneaux sur la série en unités pondérées (t. VI1, table 142, p. 340). Dépassé une fo (...)
  • 23 T. VII, p. 51.

19Les moyennes mobiles médianes de treize ans, une fois de plus, seront les plus capables de donner une bonne approche de la tendance. Sur le mouvement Retours, le point de rebroussement se situe en 161820. En fait, la courbe passe, en 1611, par un premier maximum, puis il y a creux et reprise jusqu’en 161821. Une conclusion est sûre : le mouvement ascensionnel est brisé entre 1610 et 1611... C’est ce qu’il convient de retenir. 1610 est bien l’année Record22, qui correspond, sur les Retours, aux Allers records de 1608. Le mouvement Retours présente un large palier au sommet. La tendance majeure n’est pas vraiment décroissante avant 1619, elle cesse d’être croissante en 161023.

20Si une hésitation subsistait pour le choix d’un point de rebroussement, entre 1610 et 1618, les moyennes mobiles de cinq ans achèveraient de trancher, en faveur de 1610. C’est en 1611, en effet, qu’elles atteignent, à la fois, un point culminant et leur point de rebroussement (25 398,72). Le point le plus haut atteint en 1618 reste très inférieur, avec 22 241,52, seulement.

  • 24 Cf. ci-dessous t. VIII2bis, p. 852-919.

21b. Détermination du point de rebroussement sur le mouvement Allers et sur les globaux. Moyennes mobiles de treize et cinq ans. — Pour les Allers et les Allers et retours, d’une manière plus incontestable, encore, c’est en 1608-1610, au plus tard, qu’il faut placer le point de rebroussement, des séries globales en tonnage, partant, le point terminal de la seconde phase longue d’expansion du xvie siècle24

  • 25 Cf. t. VI1, table 152, p. 349.
  • 26 Cf. t. VI1, ibid. La pointe de 1617 ne dépasse pas 28 209,95. Là, plus d’hésitations.
  • 27 Cf. t. VI1, table 158, p. 355.

22Pour les Allers, en effet, le point le plus haut, atteint par les moyennes mobiles médianes de treize ans, est situé à la hauteur de l’année 1614, mais c’est là pur accident, comme le prouve l’encadrement du niveau de 1614 par deux points bas. Le vrai rebroussement se situe, donc, au-delà de 1606 sur cette série (28 556,9), après quatre ans sur le plateau des 28 000. Voilà bien qui invite à marquer le rebroussement séculaire de la série globale en volume au-delà de 160825. Les moyennes de cinq ans corroborent cette position, avec les 33 830,40 atteints en 161026. En Allers et retours, la situation n’est pas tellement différente. C’est là, pourtant, que l’on pourrait, peut-être, hésiter le plus volontiers, en se reportant aux seules moyennes médianes. La partie la plus élevée de la courbe se situe, en effet, entre 1610 et 1615 et le rebroussement, en 1614. En 1606, toutefois, se place un premier rebroussement secondaire. Si bien qu’on peut, considérer comme pour les Retours, qu’il y a deux points de rebroussement, d’inégale importance, encadrant un palier légèrement ascendant encore, comme par vitesse acquise. En 1606, on passe de l’ascension au palier, au-delà de 1614, du palier à la dépression. On sera d’autant plus tenté, précisément, de le faire, que les moyennes de cinq ans donneront plus de poids à cette hypothèse27. Comme sur le mouvement Allers, le sommet, par ce procédé, et le point de rebroussement se situent en 1610 (chiffre record : 58 619,36 tonneaux). Au-delà de 1611, le niveau de 50 000 tonneaux ne sera jamais plus atteint.

  • 28 Tous ces raisonnements resteraient pleinement valables et avec moins d’ambiguïté, encore, en faveur (...)

23Pour toutes ces raisons, on peut, donc, fixer, pour les mouvements volumétriques, le terme de cette grande phase d’expansion à la fin du cycle qui culmine en 160828.

3. Mouvement en valeur

  • 29 Cf. t. VI1, tables 198 sq., p. 414 sq.
  • 30 Tout au plus, un rebroussement avancé, peut-être, de quelques années — mais les prix, ici, sont en (...)
  • 31 Cf. ci-dessous p. 1245, 1289, etc..

24Les chiffres, beaucoup moins sûrs, il est vrai, pour lesquels on parvient à des approches du mouvement valeur29, donnent une impression analogue30. Mais les mesures sur les valeurs opposent à la rigidité des mesures volumétriques, leur très grande souplesse et leur part immense de subjectivités multiples ; on ne pourra donc s’aventurer sur ce terrain31 qu’au prix d’une extrême prudence. Il suffit, pour l’heure, de s’assurer qu’aucune disparité grave n’existe entre volumes et valeurs et que, partant, les observations précises possibles sur les volumes s’étendent bien à l’ensemble du mouvement.

SIMILITUDE AVEC LES PRIX ESPAGNOLS

25Les limites, enfin, 1559, 1608-L610, que l’étude des mouvements globaux du trafic impose à cette seconde phase longue d’expansion du xvie siècle, demeurent — coïncidence troublante — valables pour l’histoire très particulière des prix espagnols, dont le rôle a, certainement, été prédominant, à plus d’un égard, dans une histoire de l’Atlantique.

  • 32 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cité, p. 403.
  • 33 Cf. t. VI1, tables 161-164, p. 359-363.

26Pour une semblable investigation — eu égard à la grande homogénéité des différentes séries géographiques — les indices des prix-argent Composés 32 (suffisent. Les vibrations de la courbe sont, sous cette forme, suffisamment atténuées, pour que la tendance majeure en soit lisible à l’œil nu. La moyenne mobile médiane de treize ans (la colonne III des tables 162 à 16433) en fournit une interprétation plus rigoureuse, puisque chiffrée. Elle aidera à bien marquer les limites, le cas échéant, sur les prix, du phénomène observé, déjà, sur les trafics.

1. Détermination du point de départ

  • 34 T. VII, p. 54-55.
  • 35 Des moyennes plus courtes, de cinq ans, trois ans ou, à plus forte raison, deux ans, ferait apparaî (...)
  • 36 Ne cédons pas, toutefois, à la tentation de grossir, pour les besoins de la cause, l’ampleur du pal (...)

27Le point de départ, seul, pourra sembler ambigu... On ne peut parler, dans l’espace espagnol, en effet, d’une véritable récession demi-séculaire des prix qui répondrait exactement à celle des trafics. Rien, donc, qui puisse vraiment apparaître, sur une moyenne mobile de treize Ans34, autrement que comme un long Palier35. Au milieu du siècle, sur les prix, au grand accident des trafics, correspond, seulement, un accident plus banal, une dépression cyclique anormalement longue, un palier sur huit ans qui dure de 1549 à 1557. Il précède, comme on pouvait s’y attendre, préfigure, modestement, commande peut-être, dans une certaine mesure, la récession des trafics36.

2. Détermination du point d’arrivée

  • 37 Le chiffre est, pourtant, dépassé, une fois, lors de la grande ère de la dépression, en 1629 (145,8 (...)
  • 38 Cf. ci-dessous t. VIII2bis, p. 852-919.

28Le terme du mouvement ascendant est plus sûr. Il se place, incontestablement, au tout début du xviie siècle. L’indice le plus élevé atteint est celui de 1601 (143,55)37. Mais les années qui suivent maintiennent et consolident, dans une très large mesure, le sommet résultant de l’expansion cyclique de 1598 à 1601. La moyenne mobile médiane de treize ans exprime bien cette réalité, quand elle place en 1604 (indice rectifié : 136,2584) le point de rebroussement du trend des prix. 1604, ou si l’on veut même 1605, marque le terme de l’expansion des prix ibériques. Comportement spécifique des prix espagnols : le retournement de la tendance a lieu, plus tôt, en Espagne, que partout ailleurs38.

29Il n’entre pas dans notre propos d’essayer, dès maintenant, de fournir de cette disparité une justification, au demeurant, évidente : l’Espagne, aux sources des arrivées d’argent, a poussé devant elle la révolution européenne des prix. L’impulsion des venues d’argent une fois stoppée, elle s’arrête plus tôt, dans la mesure où elle est montée plus haut, tandis que la révolution européenne des prix continue son ascension, sur sa lancée. D’où une cassure, ici, qui précède de vingt à trente ans, environ, la cassure conjoncturelle majeure des autres espaces européens, Pays-Bas, surtout.

3. Une conjoncture pilote

30Qu’importe. C’est la conjoncture aberrante des prix espagnols qui cadre le mieux et, peut-être, commande les réalités économiques et volumétriques de l’Atlantique, dans son axe Europe-Amérique. L’indication a sa valeur. Elle révèle, entre autres, un Atlantique plus étroitement lié qu’on a affecté, souvent, de le croire au destin de l’Espagne : le retournement de la conjoncture des prix, anticipée de quatre ans environ par rapport au retournement de la tendance majeure des trafics, crée une évidente présomption de causalité entre les deux phénomènes.

31Le comportement des prix espagnols de 1557 à 1604, rapproché de l’évolution des masses du trafic de 1559 à 1608, fixe, d’une manière aussi claire qu’indiscutable, les limites de cette seconde phase longue d’expansion.

32Ces limites posées, on ne risque pas d’en exagérer l’amplitude.

II. — AMPLITUDE DU MOUVEMENT

33C’est au cours de ces cinquante ans que le pont jeté par la Carrera à travers l’Atlantique entre l’Europe et l’Amérique, prend cette ampleur considérable qu’on a, le plus volontiers, retenue — à l’échelle, s’entend, d’un monde, dont la mesure, on ne le dira jamais assez, n’est pas la nôtre. Ce sont donc des rythmes de croissance qu’il faudra s’efforcer de fixer.

NOMBRE DE NAVIRES ET TONNAGE UNITAIRE MOYEN

1. Augmentation du nombre de navires

  • 39 Cf. t. VI1, table 13, p. 168.

34L’augmentation du nombre des navires utilisées chaque année — indépendamment même de leur grosseur, dont on sait à quel point elle est mouvante, dans le temps qui nous occupe39 — a, à elle seule, son importance. Ne serait-ce que par les problèmes de formation et de recrutement de pilotes qualifiés qu’elle implique.

  • 40 Cf. t. VI t, table 139, p. 337, de 549 à 965 navires ; de 215 % pour les Allers, de 284 navires, en (...)
  • 41 Pour le mouvement global Allers et retours, le taux de croissance calculé dans les mêmes conditions (...)

35a. Progrès relatif. — Elle est, entre la demi-décade 1556-1560 et la demi-décade 1606-1610, cinquante ans plus tard, de 176 % pour l’ensemble du mouvement Allers et Retours40. Le progrès est moindre, il est vrai, qu’il ne l’avait été, au cours des quarante, quarante-cinq premières années de la première expansion demi-séculaire du mouvement. L’accroissement du nombre des navires mis en cause entre la première et la dernière demi-décade (de 1506-1510 à 1546-1550) avait été, alors, de 390 %41. L’accroissement du nombre des voyages, au cours de ces cinquante ans, ne constitue plus guère, donc, que 40 % de l’accroissement des quarante premières années.

36b. Niveaux en modes différents. —Faut-il pour autant le minimiser ? Non. Tout d’abord les niveaux diffèrent. Les premières avances sont toujours les plus faciles, la chose est bien connue. Au fur et à mesure que l’on s’élève dans une progression, le progrès apporte à lui-même son propre frein. Le niveau de 965 unités voyages de 1606 à 1610 — et on l’appréciera plus justement — est deux fois et demie supérieur aux niveaux de la décade 1641-1650. Même le creux 1556-1560 l’emporte encore d’une fois et demie sur le nombre d’unités voyages de la décade médiane de la grande dépression du xviie siècle. A partir de la moitié du xvie siècle, l’espace géographique exploité est un espace à peu près clos. Nous sommes au terme de la conquista. La croissance, qui s’opère, se fait à l’intérieur d’un espace géographique fini. La croissance de la première demi-phase longue d’expansion était alimentée par la conquête elle-même. La Carrera, au service, d’abord, pratiquement, de la seule Espanola allait bientôt — et cela en trente ans — confondre les limites de son domaine avec celles, pratiquement, de tout un continent.

2. Accroissement du tonnage unitaire moyen

  • 42 Le progrès du tonnage unitaire — bien que ralenti — s’est poursuivi, sans interruption, lors du cre (...)

37Le progrès du trafic, enfin — c’est l’argument essentiel — ne s’effectue pas de la même manière au cours de la première et de la deuxième phase longue d’expansion : au cours des quarante premières années, le progrès s’est effectué essentiellement par la multiplication du nombre des navires. Au cours des cinquante années de la deuxième demi-phase longue d’expansion, c’est par l’accroissement du tonnage unitaire que la croissance a été, pour L’essentiel42, assumée.

  • 43 Cf. t. VI1, table 13, p. 168, tables 139, p. 337 et table 143, p. 341. T. VII, p. 72-73.

38a. Progrès réalisé par le tonnage unitaire. — Entre la demi-décade 1506-1510 et la demi-décade 1546-155043, l’accroissement du tonnage global mis en cause était, on s’en souvient, de 608 %. Cet accroissement est dû, pour l’essentiel, à un accroissement de 390 % du nombre des navires et en deuxième position, seulement, à un accroissement de 157 % du tonnage unitaire moyen. Lors de la seconde demi-phase longue d’expansion du trafic, l’accroissement global entre les deux demi-décades de référence, en l’occurrence, 1556-1560 et 1606-1610, pour un laps de temps exactement analogue, reste, quand même, bien qu’inférieur d’un tiers, sensiblement du même ordre. Il est assumé, pourtant, d’une manière différente : l’accroissement du mouvement unitaire de 176 % est relégué, par conséquent, au second plan, tandis que l’accroissement du tonnage unitaire moyen des navires passe avec 238 % d’augmentation, au premier plan, désormais, des modalités de l’expansion.

39A la fin de la deuxième demi-phase longue d’expansion, le tonnage unitaire est très proche, désormais, de son point de croissance maximale. Il continuera à s’accroître un peu encore, au-delà, au cours de la grande récession du xviie siècle. Non par l’apparition de plus gros navires que ceux utilisés, déjà, lors de la deuxième moitié du xvie siècle. Il semble que le plafond des possibilités techniques du temps ait été rapidement atteint. Mais la proportion des plus gros navires continuera à gagner, par contre, au détriment des unités petites et moyennes, comme il l’a fait, à un rythme particulièrement rapide, aux meilleures époques de la deuxième vague d’expansion demi-séculaire.

  • 44 Cet accroissement, qui se poursuit par l’élimination progressive des petites unités, freine, comme (...)
  • 45 Il le fait efficacement jusqu’en 1630. Au-delà, il ne peut pratiquement plus rien. Le facteur a, d’ (...)

40Entre 1606-1610 et 1641-1650, l’accroissement du tonnage unitaire semble avoir été, tout bien pesé, de l’ordre encore de 132 %44. A la limite et au prix d’une grossière exagération, on peut dire que la seconde vague d’expansion n’existe, pour l’essentiel, que du fait de l’augmentation du tonnage unitaire45. Est-il besoin de redire encore à quelles erreurs et à quelles distorsions eût abouti une méthode qui, faisant fi de la quête des tonnages, longue et ingrate, navire par navire, se serait borné à une recension unitaire ?

41b. Signification à l’échelle du trafic. — Les modalités propres d’une expansion assumée, pratiquement, pour les deux tiers, par l’accroissement du tonnage unitaire, ne sont pas, non plus, sans signification vraie. Cet accroissement est le-réactif des transformations en profondeur de la vie économique de l’espace Atlantique hispano-américain. Elles montrent à quel point la part relative des îles et des côtes mal explorées, aux abordages difficiles, recule par rapport aux ports d’accès facile ; la Vera Cruz, l’isthme et Carthagène concentrent le trafic de tout un continent. A l’expansion géographique, en surface, réalisée par l’adjonction d’espaces nouveaux, qui caractérise le premier demi-siècle, s’oppose-une expansion en profondeur, caractérisée par l’exploitation, de plus en plus poussée et de plus en plus concentrée des espaces déjà possédés.

42L’éventail des points régulièrement touchés tend à se refermer. A ces deux situations différentes de l’expansion correspondent deux modes différents de croissance des volumes : à la première, une croissance essentiellement axée sur le nombre global des navires utilisés, à la seconde, une croissance due, pour l’essentiel, à l’augmentation du tonnage unitaire des navires. Ces deux modes de l’expansion correspondent, en réalité, à des structures différentes.

ACCÉLÉRATION DU MOUVEMENT

43Cette expansion — on en a fixé les limites temporelles et les modalités, il faut en fixer le rythme — n’a pas, la chose peut surprendre, subi de ralentissement sensible, par rapport à la première moitié du xvie siècle.

44A condition, toutefois, de ne pas perdre de vue, dans un calcul de pente, certaines précautions élémentaires.

1. Pente

  • 46 En prenant comme base de calcul, les mouvements semi-décadaires (cf. t. VI1, table 143, p. 341,) dé (...)

45a. Découpage semi-décadaire. — Il importe, tout d’abord, de bien respecter un découpage conforme à la réalité conjoncturelle, entendez, partir de 1559 et non de 1550. On peut souhaiter embrasser dans une même entité et mesurer l’ensemble de la période 1550-1608/1610. Mais la période, ainsi constituée par l’adjonction d’une récession intercyclique de dix ans et d’une demi-phase d’expansion demi-séculaire, ne peut être comparée, sans plus de précaution, à une période uniforme d’expansion. Une comparaison doit, pour être valable, s’établir entre éléments comparables, 1506-1550, 1559-1608, entendez entre périodes homogénéisées par un découpage convenable. Si on compare, par exemple46, les périodes respectives 1506-1510, 1546-1550, d’une part, 1546-1550, 1606-1610, d’autre part, on a, face à une expansion de l’ordre de plus de 600 % en quarante ans, une expansion de moins de 300 % en soixante ans. On pourrait conclure abusivement à une accélération, en moyenne, trois fois moins rapide, lors de la deuxième moitié du xvie siècle. Ce serait une illusion. Le résultat est acquis, en effet, par comparaison de termes, conjoncturellement, non comparables.

  • 47 Cf. t. I, p. 144 sq.
  • 48 Tels, par exemple, les chiffres en toneladas de la table 139 (t. VI1, p. 337) compris dans le décou (...)
  • 49 570 % en quarante ans contre 180 % en soixante ans.

46Il faut tenir compte aussi, seconde précaution, de la pondération du tonnage47. Elle est particulièrement utile ici. Un mauvais découpage, joint à une pondération insuffisante des résultats obtenus en Toneladas48, pourrait faire croire à une accélération près de cinq fois plus forte (4,75 fois plus) dans la première période que dans la Seconde49. Ces inégalités supposées du rythme de croissance ne résistent pas à une analyse attentive. En se bornant toujours au découpage grossier des mouvements semi-décadaires, mais en substituant la demi-décade 1556-1560 à la demi-décade 1546-1550 comme point de départ de la deuxième phase longue d’expansion, en tenant compte, à l’aide des grilles de pondération, des variations de la tonelada et des méthodes de jaugeage des navires, on aboutit à un accroissement de 404 % en cinquante ans, dans la seconde moitié du xvie siècle, face à un accroissement de 608 % en quarante ans, au cours de la première phase longue d’expansion. L’accélération dans la seconde phase d’expansion, compte tenu de l’inégalité des temps, est encore de l’ordre de 60 % de l’accélération de la première phase du premier seizième siècle. Elle est plus rapide (accroissement de 434 %) en Allers qu’en Retours (accroissement calculé, dans les mêmes conditions, de 378 %).

  • 50 Cf. ci-dessus p. 358.
  • 51 Comparons, par exemple, des pointes d’expansion cyclique. Pour les Allers, on mettra en regard les (...)

47A cette approche, trop simpliste, de la pente de l’expansion, on peut et doit ajouter d’autres approches. Elles permettent de dégager des appréciations identiques. C’est le cas, notamment, si on compare dans le cadre du découpage annuel, des années judicieusement Choisies50, de position sensiblement comparable à l’intérieur du cycle51.

  • 52 Elles susciteront d’autant moins d’inquiétudes qu’elles confirmeront les précédentes approches sur (...)

48b. Moyennes mobiles. — Les comparaisons des niveaux, sur les nombreuses moyennes mobiles possibles, sont, au même titre, productrices de données Sûres52. A condition de choisir correctement les points de comparaison, en l’occurrence, le creux de la récession intercyclique et le sommet de l’ensemble ; à condition, surtout, de se placer sur des moyennes calculées en partant de chiffres en unités pondérées.

  • 53 Cf. t. VI1, tables 150 à 158, p. 347-355.
  • 54 On ne peut retenir, par exemple, les coefficients que l’on serait tenté, peut-être, de calculer sur (...)

49On aboutit, sur les moyennes mobiles de treize ans53, à des coefficients d’expansion de 355 % en Allers, 380 % sur les Retours, 365 % sur les globaux Allers et retours. Les coefficients d’expansion sont plus forts, naturellement, sur des moyennes plus courtes. Il est préférable de faire fond sur des moyennes assez longues, comme celles de onze ou de treize ans, pour éliminer, au maximum, l’incidence des fluctuations les plus courtes54 et de l’accidentel pur extracyclique.

  • 55 Cf. ci-dessus p. 49 et 369.

50Or, entre le début des moyennes de treize ans et le point de rebroussement en fin de la première phase d’expansion du premier demi-siècle, le coefficient d’expansion est de l’ordre, on l’a vu55, de 420 % — 420 % d’un côté, 365 % de l’autre — pour un temps, sensiblement plus court, il est vrai, dans la première phase que dans la seconde. La pente moyenne — et le calcul par ce biais corrobore la constatation simple faite, précédemment, sur les mouvements décadaires — n’est que d’un bon tiers moindre dans la seconde demi-phase d’expansion, par rapport à la première moitié du siècle. Cette très relative infériorité n’empêche pas qu’à certains moments, l’accélération du mouvement ait été, au cours de cette seconde phase, aussi rapide — on le verra — qu’au cours de la première phase, dans les toutes dernières années du xvie siècle, notamment, quand mouvements et prix se lancent dans une course ascensionnelle, aussi spectaculaire que folle.

2. Une réalité plus complexe

51a. Limites des procédés graphiques, — Mais l’accélération d’un mouvement n’est pas seulement un fait de calcul de pente et de comparaison arithmétique entre rythmes de croissance.

52Il ne serait, peut-être, pas paradoxal d’écrire que la croissance du second xvie siècle est plus impressionnante encore, plus inattendue, parce que moins communément admise et reconnue, que celle du premier xvie siècle..., plus prodigieuse, serait-on tenté un peu d’écrire, la croissance du Baroque que celle de la Renaissance.

  • 56 Cf. t. VII, p. 4243 et 54-55.
  • 57 Les graphiques des mouvements des pages 4243 (t. VII), ne troubleront pas plus, finalement, la réal (...)

53La réalité dynamique d’un fait économique sériel est, finalement, — tant pis pour le technicien — trahie, pour ainsi dire, et par le canevas semi-logarithmique56, dont le dégradé savant représente l’accélération du mouvement seulement dessinant la dérivée de la fonction primitive, et par le canevas arithmétique dont les dessins, indifférents au rythme, ne sont sensibles qu’aux niveaux, aux quantités objectives. La vérité est, en fait, inséparable des deux représentations57.

54b. Signification et portée de l’accroissement. — Il ne faudrait quand même pas perdre de vue, — on s’y efforcera — que les volumes hispano-Atlantique de la demi-décade 1606-1610, sont près de vingt fois ceux des années 1506-1510, un siècle exactement plus tôt. Semblable dénivellement est celui que, dans la plupart des ordres importants de production, on rencontrera, de nos jours, entre le demi-xxe siècle et le demi-xixe siècle, entre les ordres de grandeur de production de la première révolution industrielle finissante et ceux, un siècle plus tard, aussi, de la troisième révolution industrielle commençante.

  • 58 L’étude des séries statistiques des principales productions à cheval entre le second xixe siècle et (...)
  • 59 On l’admettra, je suppose, d’autant plus volontiers, que la science et derrière elle la pensée phil (...)

55Quand niveaux du début et niveaux de la fin, dans une série représentative d’un fait économique, témoignent d’un degré de dispersion aussi considérable, l’expérience58 montre qu’il y a modification du fait économique dans son ensemble. Sans aller jusqu’à parler de changement de nature 59 on comprendra — et l’expérience de nos jours le prouve, chaque fois qu’on lui prête attention — que le rythme de croissance se trouve freiné, en quelque sorte, par le poids même des masses nouvelles qu’il doit mettre en mouvement, au-delà d’un certain seuil.

56Simple ordre de grandeur : entre 1591-1595 et 1596-1600, le rythme de croissance est particulièrement rapide. Sur le mouvement global, l’accroissement du trafic a été de plus de 30 %. Mais pour apprécier ce que ces 30 % d’accroissement, marquant le passage de 162 323 à 218 988 tonneaux, peuvent signifier en termes économiques hispano-Atlantiques du tout premier xvie siècle, il importe bien de ne pas perdre de vue que cet accroissement de 56 665 tonneaux, d’une demi-décade sur l’autre, représente trois fois et demie le volume total des navires ayant navigué entre l’Espagne et l’Amérique de 1506 à 1510, trois fois celui de 1511 à 1515, le double de 1516 à 1520 et de 1521 à 1525, autant que la totalité du tonnage des navires naviguant entre Espagne et Amérique de 1536 à 1540. A la fin du xvie siècle, le simple accroissement d’une demi-décade sur l’autre met en jeu un tonnage supérieur à la moitié de la totalité du mouvement, lors de la demi-décade record de toute la première moitié du xvie siècle, 1546-1550.

57Ce phénomène normal de freinage très relatif en fin d’expansion, qu’accuse l’antique Carrière des Indes près de son sommet, n’est-ce pas celui, qui frappe, normalement, de nos jours encore, les productions anciennes au profit des plus jeunes, le rythme de croissance des pays de développement économique ancien comparativement aux pays d’économie récente ? Tant il est vrai, qu’à ses débuts* un phénomène économique sériel chiffrable donne presque structurellement l’impression d’exponentielle croissance.

  • 60 Henri Guitton, Les fluctuations économiques, Paris, Recueil Sirey, 1951, gr. in-8o, xvl-648 pages.

58Le ralentissement d’un rythme de croissance avec le temps et la multiplication, ou si l’on veut, le changement de niveaux des masses affectées, est un fait normal en économie, comme l’observation et la réflexion sur les faits économiques actuels le montrent60. Nulle surprise, donc, à voir la loi jouer pour les volumes de marchandises traversant l’Atlantique aux xvie et xviie siècles.

59C’est plutôt la faiblesse du ralentissement de la pente relative qui doit surprendre. Cette poursuite d’un rythme ascensionnel exceptionnel devra être portée à l’actif d’une force d’expansion d’autant plus grande que des facteurs évidents de freinage jouent, évidemment, au-delà de 1550. Ceux-là mêmes qui sont responsables, pour une bonne part, de la récession du demi-siècle : « la fin de la frontière », comme on l’aura écrit en d’autres circonstances, la fin de l’exploration et de la conquête en surface, le passage d’un univers, non défini et en expansion, à l’exploitation d’un univers clos. On ajoutera qu’avec l’Anglais, puis les rebelles du Nord, les concurrences s’organisent à l’arrière-plan, prêtes, bientôt, à intervenir d’une manière décisive. L’Atlantique transversal même au cours, déjà, de la deuxième vague d’expansion, est, presque chaque jour, insensiblement sans doute, un peu moins exclusivement ibérique.

  • 61 On peut montrer, entre autres, cette originalité — elle n’est pas purement verbale — par une compar (...)
  • 62 A noter — au risque de se répéter — que ce rythme nous aurait totalement échappé, si attentifs aux (...)

60Malgré tous ces handicaps multipliés, le rythme de croissance, des masses économiques est, d’après nos définitions, de moins de 40 % inférieur seulement dans la deuxième phase des difficultés croissantes, comparativement à une première phase de toutes les facilités, voilà qui ne manquera pas de surprendre. Voilà, sans doute, la plus grande originalité de notre Atlantique transversal61 ; le maintien, au-delà du « raisonnable », pendant un siècle plein, d’un presque même rythme exceptionnel de croissance62.

L’ACCÉLÉRATION DES PRIX ET LEUR MOTEUR

61Il est naturel que l’on cherche, sinon à l’expliquer, du moins à étayer et à justifier ce rythme exceptionnel de croissance, en le replaçant dans un ensemble.

62Dans cet ensemble, tout d’abord, il y a les prix, ce sont, bien sûr, au tout premier chef, ceux d’Espagne. Tout nous y incite, non seulement le rôle primordial joué, dans ce travail, par le couple prix-trafic, mais la présomption de corrélation ou du moins, d’interdépendance impliquée par l’identité du découpage chronologique entre la seconde phase d’expansion des trafics et la seconde phase d’expansion des prix.

63Il est, certainement, plus chanceux, encore, de parler de pente ou de rythme de croissance, en partant d’indices de prix, qu’en prenant pour point de départ des séries de chiffres d’un mouvement d’échanges transocéaniques en volume ou en valeur.

1. Calcul de pente. Maintien de l’accélération des prix

64Une fois mis en garde contre ce que le procédé peut avoir d’artificiel, il est nécessaire et tentant de risquer l’expérience.

  • 63 Cf. t. VI2, tables 162-164, p. 361-363, colonne no III.
  • 64 Le terme du palier médian des prix et ce point de départ de l’équivalent de la deuxième demi-phase (...)
  • 65 Cf. ci-dessous p. 890-891.

65Pour être sûr d’avoir bien éliminé de nos comparaisons les fluctuations cycliques courtes, mieux vaut calculer des coefficients d’expansion sur la série la plus générale des prix rabotés par des moyennes mobiles de treize ans63. Le point de départ de la moyenne médiane, 1507, convient bien, puisque les séries continues des mouvements ne commencent pas elles-mêmes avant 1506. La crise — ou, du moins, le palier du demi-siècle — moins accentuée sur les prix qu’elle ne l’est sur les volumes, n’est plus perceptible, pratiquement, sur des moyennes mobiles de treize ans. On peut donc choisir, comme point commun d’arrivée, pour la première poussée, et de départ, pour la seconde, l’année 1556. C’est entre 1556-1557, que se place, en outre, la grande cassure sur le mouvement des indices bruts64. On aura donc deux membres comparables : la période 1507-1556, de cinquante ans, et la période 1557-1604, de quarante-huit ans. 1604 pouvant et devant être choisi, on a vu comment et pourquoi, comme point terminal de la phase ascendante65, comme point de rebroussement des deux tendances majeures des prix.

66On constatera, non sans surprise, que l’accélération à la hausse des prix argent — ou, si on préfère, que l’accélération du mouvement de baisse du pouvoir d’achat de l’argent — demeure identique dans la première et dans la deuxième moitié de la phase longue d’expansion. L’indice (moyennes mobiles) de 1556 a, pratiquement, doublé par rapport à l’indice moyen (moyennes médianes de treize ans) de 1507, soit, plus exactement, un coefficient d’expansion de 191 %. L’indice moyen de 1604 aura, à nouveau, pratiquement doublé par rapport à l’indice de 1556, soit, plus exactement, un coefficient d’expansion de 181 %. La seconde période étant un peu plus courte que la première, on peut, eu égard à une certaine imprécision des mesures à la base, considérer, qu’indépendamment des fluctuations courtes, avec leurs pentes, leurs paliers et leurs contrepentes — fluctuations que nous nous risquons, pour notre part, à appeler cycliques — l’accélération de la révolution des prix reste identique à elle-même pendant toute la période d’expansion séculaire du xvie siècle espagnol.

67Les conditions, qui président à un mouvement des prix, ne peuvent, sans doute, être exactement celles qui commandent la dynamique d’un indice d’activité ; néanmoins, cette identité — constance de la pente des prix et presque constance de la pente ascendante du trafic — vaut la peine d’être notée. Les deux faits sont, peut-être, liés. Cette analyse, qui consiste à tenter une construction cyclique par une association étroite des fluctuations des prix et des fluctuations des trafics, ne peut que profiter de cette constatation de cohérence à long terme. Elle renforce les présomptions de vraisemblance d’autres cohérences déjà observées, à l’échelle des fluctuations interdécennales, décennales et intradécennales. On peut porter cette cohérence dans l’accélération des prix et son maintien, sur un siècle, sans que s’exercent les forces attendues de freinage, intact dans la deuxième moitié du xvie siècle, dans le complexe causal de la relative cohérence de l’accélération du trafic pendant tout le siècle.

2. Problème : faiblesse de la théorie quantitative

68En posant, ainsi, les termes de l’équation, on aura, peut-être, lié deux séries de phénomènes, entre lesquels les analogies sont frappantes, mais sans vraiment rien expliquer. Ou, plus exactement, en liant trafics et prix, on aura déplacé le problème.

  • 66 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., et plus particulièrement, le graphique extrêmement suggestif d (...)
  • 67 Il est facile de sourire et nous ne jouerons pas les procureurs complaisants. Le procès des théorie (...)

69Il faudra rendre compte, désormais, du maintien de cette accélération des prix. La question, du moins, sous cette forme — le rôle pilote de l’histoire des prix sur celle des indices d’activité est évident — a déjà été posée — c’est un gros avantage — sinon, peut-être, totalement résolue. On doit à Hamilton66 de l’avoir vigoureusement fait et d’avoir proposé une solution, sinon toujours parfaitement satisfaisante, du moins, extraordinairement suggestive et cohérente. On sait les tendresses du grand historien-économiste, pour les théories quantitatives de la monnaie67 La révolution des prix du xvie siècle — beaucoup plus directement et étroitement, en Espagne qu’elle ne l’est ailleurs — se trouve en relation avec les arrivées des trésors d’Amérique. Il existe, à l’échelon d’une conjoncture décennale, des relations évidentes que les séries d’Earl J. Hamilton permettent d’affirmer sans hésitation. La relation existe également, a fortiori,, dans le cadre d’une conjoncture demi-séculaire.

  • 68 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 34 et 35.

70a. Mise en parallèle des trésors, des prix et des trafics. — Comment ? On constate, d’après les calculs de Hamilton68, que le volume des trésors importés dans la demi-décade 1546-1550 représente 670 % des volumes importés au cours de la demi-décade 1506-1510. Ce chiffre donne la pente du mouvement.

  • 69 Tome VI1, tables 130 à 142, p. 328-340, t. VII, p. 50-51.
  • 70 Cf. ci-dessus, p. 299-317.
  • 71 Cf. ci-dessus, p. 324-336.

71Entre 1551 et 1560, il y a décalage sensible entre les arrivées des trésors calculés par Hamilton et les mouvements, tels que nous les établissons69. Rien, au vrai, que de très normal. Les trésors sont, nécessairement, décalés par rapport aux mouvements volumétriques. Ils collent plus, d’abord, aux Retours qu’aux Allers. On a vu comment les Retours étaient structurellement décalés par rapport aux Allers. Ils le sont, notamment, dans la phase descendante du grand cycle charnière1551-155470 et dans la première fluctuation vraie du cycle déprimé de la grande récession du demi-siècle71.

  • 72 Cette demi-décade accuse des retours, de 9 865 531 pesos à 450 maravedís, de 1551 à 1555, contre 5  (...)
  • 73 Cf. ci-dessus p. 280,328.

72A bien plus forte raison, ces trésors, qui sont constitués, pour les deux tiers, au moins, par les rentrées des négociants du Monopole, peuvent, par le jeu de crédits successifs, ne faire retour qu’au bout de trois, quatre, cinq ans voire, exceptionnellement, plus encore. C’est pourquoi, les rentrées, consécutives aux énormes départs de la demi-décade 1546-1550, se retrouvent, normalement, lors de la demi-décade — en flèche — sur la courbe de Hamilton de 1551-155572. Dans l’autre sens, mais de la même manière, le décrochement le plus important, qu’on trouve sur les mouvements volumétriques des navires entre 1546-1550 et 1551-1555, se produira, normalement, cinq ans plus tard, entre 1551-1555 et 1556-1560, sur les importations de métaux précieux. Mais les trésors atténuent l’amplitude du mouvement qu’on a observé ailleurs. Et l’on sait pourquoi. La récession valeur n’est-elle pas moins profonde, avons-nous dit, que la récession volume, sous l’action de la modification quasi structurelle de la nature des cargaisons73 ? Elle est abrégée aussi. La reprise des valeurs se fait en même temps que la reprise du trafic. Sous l’action, accessoirement, de la modification structurelle des cargaisons déjà dénoncée et surtout, parce que, en fin de récession et au début d’une reprise, la vitesse de roulement des capitaux est accélérée, entendez, dans ce cas particulier, les retours d’argent sont hâtés.

  • 74 Cf. ci-dessus p. 370-371.
  • 75 A supposer, toutefois, ce qui n’est pas tout à fait vrai, il s’en faut même de beaucoup, qu’il y ai (...)

73La demi-décade 1546-1550 n’est donc pas, vraisemblablement, le meilleur terme de référence de la première phase d’expansion, sur l’indice d’activité des arrivées des trésors d’Amérique. On peut être tenté, raisonnablement, d’opposer à 1506-1510, 1551-1555, de préférence à 1546-1550, comme second terme de référence. Le coefficient d’expansion en valeur des trésors reçus en Espagne, entre le commencement de la première demi-phase cinquantenaire et son terme, est, alors, de près de 1 300 %. Dans le même temps74, ou presque, de la demi-décade 1506-1510 à 1546-1550 (demi-décade qui correspond sur le mouvement volumétrique à la demi-décade 1551-1555 des venues de trésor), le coefficient d’expansion volumétrique du trafic est de 420 %. 420 %, d’une part, 1 300 %, d’autre part. Mais il faut tenir compte, dans le même temps, du progrès des prix (entre la demi-décade 1506-1510 et 1551-1555, le rapport est de l’ordre de 1 à 1,6). Treize fois plus de métal précieux, donc, mais son pouvoir d’achat ne s’est accru que de huit fois dans l’intervalle. Si l’on tient compte, c’est nécessaire, d’un certain tassement des marges bénéficiaires — processus naturel, qui est le signe de vieillissement d’un trafic — on peut induire de la comparaison des arrivées de trésors entre ces deux termes, qu’il y a un décuplement de la valeur des trafics dans l’océan Atlantique dans l’intervalle75. On arrive, par ce biais, à faire apparaître la modification profonde des cargaisons, l’augmentation rapide de la valeur unitaire des marchandises transportées, tout préalable monétaire écarté, grâce à la substitution, souvent dénoncée, aux produits alimentaires paradoxaux du début, des produits manufacturés de plus en plus grande valeur. C’est à partir surtout des années 40, que l’on s’est cru en droit d’affirmer cette modification en profondeur. En mettant en regard les deux coefficients d’expansion, 420 %, d’une part, 800 % ou, plus vraisemblablement, 1000 %, de l’autre, on saisit indirectement, et l’ampleur de cette modification, et la force de la pression des retours d’Amérique sur la révolution des prix. Mais ce dernier point n’est pas douteux, d’autres l’ont dit mieux que nous.

  • 76 Sans que l’on puisse comprendre très bien pourquoi — en application des théories quantitatives impl (...)

74Au-delà de la demi-décade 1551-1555, à partir du creux de 1556-1560, il y a reprise de l’expansion. L’accélération des prix qui épaule les trafics est, on l’a vu, sensiblement analogue dans la seconde moitié du siècle. L’ascension des trésors, pourtant, est ralentie. Entre les 7 998 998pesos, 5 (montant des trésors calculé par Hamilton pour le creux 1556-1560) et les 35 184 862,5 pesos de la demi-décade record de 1591-1595, l’accroissement est de l’ordre de 470 %. Au-delà, si on suit la prudente leçon de Hamilton, il y aurait tassement, puis retournement prématuré76.

  • 77 Cf. ci-dessus p. 371.
  • 78 Ici, nouvelle hésitation. Faut-il opposer aux 67 732,5 tonneaux (cf. t. VI1, table 143, p. 341) de  (...)

75Or, de 1556-1560 à 1606-1610, l’expansion du trafic était de l’ordre de 365 %, on s’en souvient 77. Il pourrait sembler judicieux de mettre en regard les 470 % d’expansion des trésors et les 365 % du trafic. En fait, la comparaison doit s’établir entre l’expansion des trésors de 1556-1560 à 1591-1595 et celle des trafics dans le même laps de temps78. Les ordres respectifs des deux expansions, sont, alors, de 470 % pour les trésors et de 280 % pour les trafics.

  • 79 Cf. de nombreuses données dans les notes aux tableaux des t. III à V.
  • 80 Cf. t. VI1, tables 198-229, p. 414-474 et plus particulièrement, table 200, p. 418. Que l’on se rep (...)

76A quantité égale, l’argent ne représente plus exactement la même puissance économique, entre les deux demi-décades : l’expansion est, entre les deux dates, de l’ordre de 150 %. La puissance d’achat d’une même quantité d’argent, entre 1591 et 1595, est 66 % seulement de ce qu’elle était, trente années plus tôt. Quel rapport de puissance économique exprime cette expansion ? Il faudrait, sans doute, faire intervenir un tassement des marges bénéficiaires, plus sensible que dans la période précédente et, par conséquent, une diminution des retours de numéraire et de métal, par rapport à l’intrinsèque valeur des exportations d’Europe : une proportion de capitaux s’investit ou, si on préfère, se réfugie aux Indes. On peut supposer raisonnablement que la part de ces capitaux s’accroît lentement, mais régulièrement. Enfin c’est toute la correspondance de la Casa de la Contrataciôn qu’il faudrait invoquer79, la fraude, de toute évidence, importante 80, prend, et plus spécialement sur les trésors, de 1591 à 1595 en particulier, des proportions considérables.

  • 81 Sous l’action de l’aggravation de la fiscalité consécutive à la reprise de la guerre, sous l’action (...)

77Compte tenu, seulement, de la chute du pouvoir d’achat de l’argent, l’expansion de la valeur économique des trésors de 1556-1560 à 1591-1595 serait encore de 315 %. Tous les autres facteurs, par contre, qui risquent d’entraîner la sous-estimation de l’expansion, sont impossibles à chiffrer. L’un, surtout, est considérable, mais complètement hors d’atteinte, l’accroissement de la proportion des trésors échappant aux contrôles81. A combien apprécier, donc, le coefficient d’expansion vraie du potentiel économique exprimé par les trésors ? Certainement, plus proche de 470 que de 315 %. On dira — simple hypothèse — 400 %.

  • 82 Cf. ci-dessus p. 852-919.

78On peut, et on s’en expliquera le moment venu82, considérer que ces facteurs sont responsables de l’apparente distorsion, au-delà de 1595, entre le trafic tel qu’il nous apparaît et cette branche particulière du trafic, le mouvement des trésors, tel que Hamilton les calcule.

79Entre les 280 % d’expansion du volume des trafics et les 400 % d’expansion des trésors, qu’on a proposés, la marge reste considérable, pour les trente, trente-cinq premières années de la seconde phase longue d’expansion semi-séculaire, moindre qu’elle ne l’était, toutefois, dans le premier xvie siècle (420 %, d’une part, 1 000 % de l’autre, toutes choses étant égales). La distorsion est suffisante, pourtant, pour permettre d’affirmer la poursuite vigoureuse du processus de modification, en profondeur, de la nature des cargaisons en direction de l’Amérique... La marge est substantielle. Et l’on pourrait, même, en inférer une présomption de triplement de la valeur unitaire intrinsèque des cargaisons, de 1506-1510 à 1591-1595, élimination faite de la révolution des prix. Cette révolution n’aura pu s’opérer que par une modification radicale du rapport existant entre les demi-pondéreux et les produits chers, les produits incorporant une grande quantité de travail humain. Cette révolution s’est poursuivie au-delà de 1595. Elle se sera déroulée, d’autant plus aisément, qu’elle abolissait, peu à peu, une situation paradoxale, issue de la conquête.

80Ces trésors auront soutenu la montée des prix, et les prix, dont l’ascension se maintient — on l’a vu — à un rythme identique entre la première et la deuxième moitié du xvie siècle, la montée des trafics. Les prix anticipent, toujours, plus ou moins, les trafics. Et puisque le renversement de la tendance majeure des prix se situe en 1604, il est naturel de placer en 1608 le renversement de la tendance des trafics.

81Les liens entre la poussée des prix et celle des trafics, la concomitance entre les deux événements, à l’intérieur de la seconde phase d’expansion du second xvie siècle, sont établis. En liant deux séries de faits, on contribue, certes, à les rendre plus intelligibles, une série éclairant l’autre.

82b. Complexité du problème. — Mais aura-t-on expliqué l’accélération des trafics, quand on l’aura rattachée à l’accélération des prix, elle-même fonction de l’accélération des trésors liée aux trafics ? On pourrait être tenté, satisfait de cette découverte, de considérer le problème comme résolu. Or, le problème est éclairé, mais il n’est pas résolu.

83Les quelques séries directrices de l’histoire économique que nous entrevoyons ne sont pas liées entre elles par des relations élémentaires de causes à effets. Il faut le dire, si on veut éviter interprétations tendancieuses et naïvetés. Les prix commandent les trafics. C’est vrai, à court terme, avec beaucoup de précautions, à l’intérieur du couple prix-trafic. Les arrivées des trésors d’Amérique commandent les pulsations — dans leurs plus grandes lignes — de la révolution des prix dans la péninsule ibérique. C’est vrai, à l’intérieur du couple prix-trésors, Hamilton l’aura montré, presque jusqu’à l’évidence.

  • 83 Mais pas uniquement, bien sûr ; il y a, d’abord, le volant des trésors publics. Ils constituent — l (...)

84On pourrait s’en tenir là et ne pas voir qu’on a fermé le cercle. Car, au vrai, que sont les trésors, sinon, une composante majeure du trafic entre l’Espagne — on peut dire jusqu’à un certain point l’Europe — et l’Amérique ? Ils sont, pour une fraction importante83 — tant que le négoce d’Europe aura dominé à peu près exclusivement les rapports dans l’Atlantique — formés par des rentrées de bénéfices, par le solde positif pour l’Espagne et le négoce européen d’Espagne, de longs circuits commerciaux qui se nouent à travers l’océan. Ils suivront, donc, ces trésors — on l’a vu et on le verra maintes fois encore — ils auront bien suivi, réellement, à deux ans, mais le plus souvent à trois, quatre, cinq ans et plus, les fluctuations du commerce Allers. Par l’intermédiaire des prix, mûs eux-mêmes dans une assez large mesure par les trésors, et des trésors, mûs par le trafic le trafic s’engendre donc lui-même. La fluctuation, une fois existante, engendre d’autres fluctuations qui, à leur tour, en engendrent de nouvelles.

85Arrière, donc, l’explication enfantine, d’un cycle éclairé par une théorie exogène, dont les mines d’Amérique commanderaient le rythme à travers l’Atlantique. Trafics, mines, prix, trésors s’expliquent globalement. Leur rythme est endogène. L’océan Atlantique envoie régulièrement des trains d’ondes à travers l’Europe et à travers l’Amérique. Ces trains d’ondes, on en aura signalé l’existence, on les aura décrits et jusqu’à un certain point et sous un angle restreint mesurés, mais les aura-t-on expliqués ? Puissions-nous, du moins, exorciser ceux qui sont toujours prêts à courir au simpliste et à l’apparence, de la tentation de crier trop tôt un eureka complaisant.

86A la limite, partant de cet espace Atlantique primordial, on pourra, peut-être, comprendre à quel point le rythme propre, qui s’en dégage, ce rythme, qui engendre un train d’ondes dominant, un peu partout, les rythmes propres d’autres espaces, est une donnée difficilement dissociable, une donnée, non pas précisée dans un mode extérieur contraignant, mais inhérente au comportement spécifique de l’homme, tant sur le plan de l’individu que sur le plan de toute société. L’Atlantique, tel qu’il apparaît se dégager des séries statistiques, par lesquelles on peut espérer le saisir, ne sera pas commandé, donc, au rythme de quelque fabuleux métal. Même si le rythme du fabuleux métal est celui de cet Atlantique..., mais simplement, parce que étant élément constitutif, entre autres, de cet Atlantique, il en épouse, nécessairement, les contours. Et, si l’on veut lui donner un rôle, que nous ne lui refuserons pas, il faudra l’utiliser, moins comme un moteur deus ex machina du système, que, comme un thermomètre. Mieux vaut-il, à la limite, confesser une ignorance, partielle, du moins, que se laisser engager dans un cercle vicieux.

D’UN CAS PARTICULIER : PERSPECTIVES SUR UN SYSTÈME84

  • 84 Cet exposé surprendra un peu, ici. Le lecteur des « Structures » y retrouvera l’écho de certains th (...)

87Arrivé à ce point et devant l’insuffisance d’une documentation qui reste fragmentaire, ou bien on s’arrête sur un aveu d’ignorance — mais de tels aveux sont rarement sincères : le nôtre comme les autres — ou bien, on se risque, oubliant un moment, le rôle ingrat de technicien de l’érudition chiffrée où l’on aura voulu se cantonner, jusqu’à une explication générale, dépassant le cadre du petit jardin défriché. Mais pourquoi, le jardinier n’aurait-il pas le droit, un jour, de penser son jardinage ? A condition, toutefois, de conserver à l’égard de soi et du jardinage, l’humour indispensable, qui fait tant pardonner.

1. Rythme de l’Atlantique ibérique et rythme mondial

88a. Le couple prix-trafic. — On aura, parvenu au tiers de cette étude de conjoncture, acquis une certitude. Si le prix commande, d’Espagne, pour une lourde part, les trafics transatlantiques, d’un Atlantique transversal sans passé, le prix, par l’intermédiaire des trésors d’Amérique, résultant eux-mêmes d’un commerce transatlantique à dominante sévillane, est, pour beaucoup, sinon dans son détail mais dans ses résultantes successives, causé par le trafic et, somme toute, par le trafic de la précédente fluctuation.

89Et c’est ainsi qu’on est en droit de considérer que prix et trafics de l’Atlan tique sévillan-américain, forment, partiellement, les éléments d’une même réalité économique, suffisante en soi, commandant à travers les économies, qui bordent l’Océan et en vivent, une réalité vivante, dotée d’un rythme propre. L’onde, qui en résulte, donnant à l’Océan économique, sa houle, se heurte à une réalité accidentelle et contingente, et la houle d’un rythme économique irréel et pur, de se muer, en heurtant l’écueil de l’événementiel, en ressac, vagues forcées et lames.

90A nous d’y voir clair. Et c’est ce à quoi a tendu notre analyse, ce à quoi elle tendra, de plus en plus, au fur et à mesure que la richesse accrue des documents permettra de pousser plus loin la reconnaissance et la dissection de l’ensemble. Oui, il y a dans cet Atlantique transversal sans passé qui jette le premier pont entre l’Ancien Monde et le Nouveau, en devenir l’un par l’autre, un rythme propre, parfait, qui n’emprunte pas sa force au monde extérieur et qui serait, sans doute, sans lui. Il est modifié, bien sûr, par ce monde qui l’environne. Mais, et ce sera, sans doute, le propre d’autres études de le montrer, il est, par rapport à ce monde extérieur, beaucoup plus causant que causé.

91Libéré provisoirement des rythmes courts, — ne font-ils pas l’objets des préoccupations de presque tout ce livre ? — on reviendra aux autres, les rythmes longs, dont la deuxième vague d’expansion du second xvie siècle est une composante capitale.

92Comment, à la lumière de ces résultats, se les représenter ? Dans la mesure où les mines, génératrices de pactoles et d’explications faciles, se seront révélées impuissantes à rendre compte des cycles courts, leur demandera-t-on d’extraire de leurs obscures galeries, de siècle en siècle, le primum mobile de chaque phase longue ?

93b. La phase longue. — La phase longue, dans l’histoire économique et pas seulement là, — qu’on n’aille pas opposer histoire économique et histoire humaine, comme si l’économique n’était pas humain, comme si l’homme n’était pas devant l’économique, comme devant toute la Création, puissance annexante — peut être considérée, essentiellement, comme un comportement résultant. Phases A, les périodes optimistes, d’action, d’abord, d’action pour l’action, de conquête submergente, les périodes exploitantes, celles où on tire les conséquences, où on recueille les fruits. Dans le domaine économique, cette hyperactivité, cette hyper-exploitation de l’appareil économique existant, se traduira par une tension, par une surexcitation résultante, par un retour plus fréquent des périodes où les forces économiques de la demande l’emportent sur celles de l’offre. D’où la hausse des prix. La hausse des prix étant, bien entendu, moins cause qu’elle n’est effet. Les phases A étant, finalement, celles où, non à l’échelle de l’individu mais à l’échelle de la société, les individus explosifs et les comportements explosifs, extravertis, l’emportent sur les individus et les comportements contraires.

94A l’opposé, les phases B sont des périodes pessimistes, de réflexion, d’abord, de conquête en profondeur, mais de piétinement en surface, des périodes investissant, celles où on pose les jalons, creuse les puits qui désaltéreront les générations suivantes, celle où on pose les prémisses, celles où on plante, douloureusement, les arbres des futures récoltes. Dans le domaine économique, cette hypoactivité, cette hypo-exploitation de l’appareil existant, se traduit par une sous-tension et par un retour plus fréquent, en conséquence, des périodes où les forces économiques de l’offre l’emportent sur celles de la demande. D’où la stagnation, voire même, exceptionnellement, la plongée des prix. La baisse des prix est, bien entendu, ici, comme dans le cas précédent, moins cause, dans une certaine mesure, qu’elle n’est effet. Les phases B étant, finalement, celles où, non à l’échelle de l’individu, mais à l’échelle d’une société ou d’un ensemble de sociétés, les comportements intravertis l’emportent sur les individus et les comportements contraires.

95Les phases A replacées dans cette perspective se produiront, quand des circonstances particulières permettront aux forces d’exploitation en surface, aux comportements explosifs, aux possibilités d’extraversion de trouver un emploi commode. Mais cette rencontre n’est pas pur hasard, elle est engendrée, naturellement, par la réflexion des périodes contraires. L’enchaînement est logique, le yin porte en lui les gènes du yan — et réciproquement — seul l’accident cristallisateur est partiellement extérieur ; il est responsable du faible ingrédient d’exogénéité que comporte le système.

2. La première phase A de la modernité

96A la base de toute phase A, il y a, apparemment, l’exploitation d’une situation nouvelle, ou d’une invention antérieure. La situation nouvelle — et ses immenses possibilités qui déclenchent la première phase A, dont les contours et les caractéristiques sont bien connus, en histoire, celle du xvie siècle, la nôtre — nous la mesurons bien de Séville. Puisqu’elle résulte de l’éclatement, avec la modernité, du vieux monde géographique clos de l’humanité méditerranéenne, la nôtre.

  • 85 Cf. t. VIII1, p. 39-157.

97a. Origines : la rencontre. — Cet éclatement est le résultat, on l’a vu, d’un long processus de maturation intellectuelle et technique85 Mais, peut-être, n’a-t-on jamais dit, assez bien et assez vigoureusement, pourquoi dans cette quête décisive d’un tronçon de l’humanité vers l’autre, c’est la partie la plus mince, l’ouest méditerranéen qui a pris la décision, — décision et réussite capitales dont les conséquences sont toujours primordiales — de rejoindre l’autre tronçon. Et la position dominante de l’Europe, qui va s’affirmant, sans cesse, jusqu’aux extrémités du xixe siècle, découle, pour l’essentiel, de cette initiative. S’il y a rencontre, il y a eu, aussi, suivant notre vieux schéma d’histoire occidentale, découverte. Et dans ce choc, où le plus lourd est inerte et le plus léger en mouvement, c’est le découvreur, le mobile, l’Europe chrétienne qui opère, à son profit, la fusion conquérante. Parce que victoire et gain sont à celui qui va, non à celui qui attend, à celui qui porte le choc, non à celui qui le reçoit.

98La rencontre est le fruit lointain d’un processus fort long. Mais, comme toujours, sa réalisation effective, au point d’en faire un facteur décisif d’histoire, dans les deux dernières décades du xve siècle, résulte de conditions spécifiques. Elle est la réponse à des difficultés particulières, le résultat d’une longue réflexion, qui a mûri et permis la résolution de problèmes techniques, scientifiques et économiques. Ces difficultés sont connues : la famine monétaire qu’atteste la chute générale des prix, au cours du xve siècle européen, la fermeture progressive du Maghreb qui oblige à maintenir directement par mer des communications anciennes et devenues indispensables avec l’Afrique occidentale. Et — plus encore, peut-être, que tout — la fièvre de sortir d’un monde clos, qui se resserre sous la pression méthodique et régulière d’un Islam auquel la puissance ottomane redonne efficacité et volonté de conquête.

99Pourquoi les mécanismes psychologiques et techniques, qui aboutissent à l’Ouest, à l’ouverture de la conquête — génératrice, dans notre modeste domaine, de la première phase longue d’expansion, dont on sait, précisément, comment et dans quelle mesure, rayonnant de l’axe Atlantique sur lequel elle a pris naissance, elle s’est étendue à l’ébauche d’une première économie monde — n’ont-ils pas trouvé de répliques et d’échos en Extrême-Orient ? La question est de taille — on peut dire que, depuis lors, l’histoire de l’humanité en a été irrévocablement incurvée. Il faudra attendre que, sur ce point, extrême-orientalistes et savants d’Extrême-Orient nous éclairent.

100Leur réponse se construira, peut-être, autour d’un schéma qui s’ébaucherait ainsi. Positions géopolitiques différentes des deux tronçons fondamentaux de l’espèce humaine. Le Pacifique est une mer d’Ouest en Est (les Espagnols en feront, plus tard, longuement l’expérience). Les mers, calmes ou folles, à vents réguliers, sur lesquelles débouchent Chine et Indes, ne sont pas propices à une maturation des techniques des échanges et de la monnaie. L’absence d’une classe liée à la mer, à l’argent, au négoce, d’un égal besoin d’extraversion économique. Cette situation est, moins le fruit d’un état inférieur de développement, que d’un développement axé vers d’autres problèmes, centré sur d’autres préoccupations. Les structures mentales différentes de l’Est interviennent aussi vraisemblablement. Il semble que l’Est a cherché, davantage, la solution de ses problèmes, dans une sagesse, dans une meilleure possession du corps humain que dans une extension des choses possédées. D’où retard des techniques des échanges et discrédit sur elles et ceux qui les font jouer. Dans le domaine religieux, enfin et surtout, l’Extrême-Orient ne s’est pas senti, au même degré, porteur de message. Il jouit de la sagesse qu’il s’est péniblement construite, pour lui, son univers voué aux perpétuels recommencements, aux réincarnations sans fin, que lui inspire la lourde exubérance des formes élémentaires de la vie à ses côtés, ne l’incite pas au même titre à l’action, à la conquête — domination d’une marge toujours plus large du monde extérieur, conquête spirituelle à laquelle chrétiens et musulmans n’ont pas le droit de se dérober.

101Peu nous importe, pour l’heure. Deux choses nous suffisent : la soudure géographique du monde et l’éclatement de l’humanité méditerranéenne se sont faits, sous la pression d’une double nécessité structurelle et conjoncturelle inhérente au seul Ouest, à la fin du xve siècle.

  • 86 Il ne s’agit pas, bien sûr, de se représenter le périple de Vasco de Gama comme porteur d’autant d’ (...)

102L’exploitation des possibilités énormes offertes par le commerce nouveau (nouveau, sur une aussi large échelle86 et nouveau, suivant les modalités nouvelles), par la rencontre et la conquête fortuite de l’Amérique, est la composante majeure de l’époque.

103C’est elle, qui est susceptible, nous le pensons, de rompre, pour plus d’un siècle, l’équilibre existant entre les forces de l’offre et celles de la demande, tandis qu’elle ouvre un champ quasi-illimité aux forces d’entreprise pour la colonisation de terres vierges en Amérique et d’immenses possibilités d’échanges avec l’Extrême-Orient. Les masses de biens, qui sont jetées à travers les mers vers l’Est et vers l’Ouest, contribueront, pendant un siècle, par la pression qu’elles exercent, à maintenir la demande globale à un niveau supérieur à l’offre globale ; entendez, dans le domaine des prix, une incitation constante à la hausse.

104b. L’or et l’argent : effet ou cause ? — Par l’intermédiaire, bien sûr, de l’or, puis de l’argent d’Amérique. Mais n’y aurait-il pas abus de confiance à les faire permuter de leur rôle d’effet à celui de cause ?

  • 87 Cf. notamment, E. J. Hamilton, op. cit., 1350-1500.

105Au tout premier rang des problèmes que l’Europe angoissée du xve siècle a voulu résoudre, en éclatant, il y a eu son manque, presque aussi général que tragique, de numéraire. Les études consacrées87 à l’histoire des prix le prouvent, plus encore, les légendes dorées qui lancinent, de plus en plus souvent, le moyen âge finissant. Les besoins d’échanges, toujours plus complexes, ressentis comme plus indispensables, la naissance d’États altérés d’or, pour leurs armées autonomes nécessaires au prurit de leur grande politique, tout cela est à la base d’un impératif métallique dévorant. Sans parler du péril turc, à l’arrière-plan et d’un impératif de croisade, aussi sincère que velléitaire, porteur de bonne conscience.

  • 88 F. Braudel, Cours au Collège de France, 1954 ; Robert C. West, The mining community in Northern New (...)

106Le xve siècle, dans sa deuxième moitié, avait, pour satisfaire ce besoin, réalisé — on le sait — des miracles de technique, dont les mines allemandes furent le théâtre88. A tel point, qu’on fut, un moment, aux portes d’une révolution industrielle, à laquelle peu de chose aurait manqué. Peut-être, une production suffisante de fer, si l’on suit une fructueuse hypothèse de Fernand Braudel. Mais serait-il paradoxal de dire qu’elle aura été irrémédiablement compromise, perdue, pour deux siècles, par la découverte du Nouveau Monde ? Ce Nouveau Monde, qui avait été désiré, entre autres, pour calmer une soif intense de numéraire, allait offrir la solution plus rentable des mines superficielles et à haute teneur, de son espace immense, vierge encore, de prospections et d’exploitations intensives.

107Le monde du xve siècle, à côté de miracles techniques, celui de ses mines, par exemple, paralysé par des goulots d’étranglement, ne tire pas un parti complet de son appareil de production..., par manque, entre autres, de l’incitation d’un nombre suffisant de signes monétaires valables. Et quels que soient les miracles, déjà, de la lettre de change, tout l’appareil monétaire continue à reposer, soit immédiatement, soit médiatement — pour longtemps — sur les précieux métaux. De cette insuffisance, de ce retard dans quelques domaines décisifs, ceux-là même, pourtant, où l’effort d’invention est le plus considérable, découle un état de sous tension économique latent. Jusqu’au jour où le goulot saute. L’ordre des rapports est renversé. Non seulement le problème monétaire est résolu, au-delà des besoins, par la découverte de l’or accumulé par les civilisations amérindiennes d’avant la conquête, de l’or natif, par l’exploitation des sources à gros rendement, par l’extraordinaire valorisation de l’argent existant en Europe que constitue l’engrenage du système monétaire occidental sur le système extrême-oriental, avec sa ratio spécifique et, pour nous, paradoxale entre l’or et l’argent, mais la découverte et la prise en direction de tant d’espaces nouveaux, ne pouvaient que créer, un état de surtension qui commande, dans tous les domaines, l’utilisation à la limite physique ou presque, du potentiel économique de production.

108Mais, l’or et l’argent, pour capital qu’en ait été le besoin, ne sont plus, ici, qu’une marchandise entre autres, qu’un bien entre autres, que les civilisations des xve finissant et xvie commençant ont cherché à satisfaire par des procédés différents. Leur solution et d’autres solutions découlent, globalement, d’une réponse globale au défi persistant d’un univers bouché : l’éclatement, la quête des deux autres tiers de l’humanité, l’annexion de tout un continent nouveau. Mais la quête superficielle et l’annexion superficielle d’une Amérique effleurée, d’un Extrême-Orient simplement effleuré, en fonction des besoins immédiats du tiers moteur, pour un long temps de l’humanité.

109c. La fin de l’élan. — L’élan dure plus d’un siècle. Il s’éteint, d’abord, dans la première décade du xviie siècle, dans l’espace Atlantique transversal de Séville aux Indes de Castille, qui lui donne l’impetus, selon le jeu des mécanismes complexes déjà décrits, mais continue, par vitesse acquise, trente ans durant, encore, au-delà, en Europe et, peut-être même, hors d’Europe. L’élan s’arrête, quand la solution de l’éclatement a tari ses effets.

  • 89 Cf. t. VIII1, p. 39-157.

110Le tarissement vient d’autant plus vite, que la première conquête du Nouveau Monde, celle de l’Espagne et du Portugal, sur laquelle débouche l’Atlantique de Séville, est une conquête superficielle : extensive, par excellence. On aura dit, bien souvent, cette quête effrénée89, qui parcourt, cueille, grapille, effleure, détruit, plus qu’elle n’exploite. Ce mode d’exploitation, essentiellement minier, foncièrement extensif, structurel dans une Amérique latine qu’il a marquée de son sceau, constitue, vraisemblablement, à l’échelle du monde, une des caractéristiques majeures du xvie siècle économique. Progrès en surface... et quel progrès ; cette poussée s’est marquée, dans certains domaines limités, bien sûr, par la perte de conquêtes techniques marginales — on songe à la mine, par exemple — par une élévation générale, en quelque sorte, des exigences de rentabilité, sous l’aiguillon des espaces vierges porteurs de solutions de demi-facilité.

111Cette conquête est scandée en deux vagues puissantes, on l’a vu, celle, essentiellement insulaire, jusqu’en 1520, essentiellement continentale au-delà de 1540, de l’orpaillage (elle correspond, en gros, à la phase des îles, mais lui survit, de quelques décades, peut-être, même, dans une certaine mesure, jusqu’à l’adoption et l’adaptation, en Nouvelle Espagne, un peu avant 1560, de la vieille technique quinzièmiste et allemande, de l’amalgame), puis celle de la mine, déjà, d’une mise en valeur plus large. A côté de la mine, la plantation et une production plus poussée de fruits de la Méditerranée transplantés d’Europe en Amérique. Cette cassure s’organise, aussi, autour d’un conflit de générations. Les conquistadores nés en Europe prédominent encore, jusqu’aux alentours de 1540-1550, tandis qu’au-delà, ce sont déjà les épigones, créoles, seigneurs de l’indien et de la mine, accessoirement, de la terre par l’indien, qui exploitent ce monde nouveau suivant des modalités un peu différentes de celles de la première génération. Celle-ci n’a plus, déjà, l’esprit de retour, elle est américaine.

  • 90 On notera, quand même, la valeur de la situation dans le temps de cette décade charnière 1550-1560. (...)

112Telle est, en profondeur, la cause vraie de la récession du demi xvie siècle... Respiration, entre l’exploration purement linéaire et un premier début d’exploitation, essentiellement extensif, certes, mais à un échelon moindre, toutefois, en retrait, sous cet angle, par rapport au premier xvie siècle. Une série d’accidents politiques, extra-américains et extra-atlantiques auront fixé cette grande respiration, entre 1550 et 1559, commandant le creux de la récession du demi xvie siècle. Ailleurs, d’autres accidents auront placé différemment cette nécessaire reprise d’haleine90, qui coupe presque toujours par le milieu les grandes vagues positives d’une conjoncture longue.

113La première colonisation du Nouveau Monde se déroule en deux grandes phases initiales : celle des îles, de la cueillette et de la collecte des métaux, des conquistadores, celle du continent, de la mine et de l’amalgame, des épigones créoles à demi fixés au sol ; deux phases d’une même opération deux degrés — vus avec recul — dans une même technique. Ces deux phases commandent les deux grandes articulations, les deux grandes demi-phases d’expansion de ce xvie siècle, d’un xvie siècle qui est, « entre autres », celui de la révolution des prix. Mais toute phase longue d’expansion, plus sûrement, peut-être, encore, que toute phase longue de contraction, porte en elle le germe de sa propre élimination, de son propre dépassement dans la phase de contraction qu’elle aura engendrée. La phase A, qui va de 1500 à 1606-1610, sur l’axe moteur de l’Atlantique transversal, pont jeté entre la Méditerranée et sa conquête, et se prolonge, par vitesse acquise, en dehors de son foyer d’émission, par ondes successives d’amplitude atténuée, jusqu’en 1636-1640, dans le reste de l’Europe n’échappe pas à cette loi.

  • 91 Cf. ci-dessous p. 852-919 ; 1529-1569.
  • 92 Cf. ci-dessous p. 1529 sq.

114Elle se fait, puis disparaît dans son contraire, quand les effets de l’invention, qui l’a créée et entretenue dans son mouvement, sont épuisés. L’invention, ici, c’est l’éclatement du monde ; au premier chef, la découverte et l’exploitation de l’Amérique. Or, sans anticiper sur des faits qui seront établis, le moment venu, lorsqu’au sommet de tous les mouvements, on étudiera les conditions du retournement de la tendance majeure91 du siècle, mais en se bornant à replacer l’événement dans les perspectives d’un schéma explicatif global, la cause profonde du phénomène peut se résumer ainsi : Les Nouveaux Mondes ont cessé de donner à l’Europe maîtresse, en sa position d’économie dominante, d’un embryon certain d’économie mondial, l’impetus, dont son économie avait besoin, pour y maintenir ce déséquilibre chronique de la demande sur les possibilités de l’offre, caractéristique de la phase A. Parce qu’ils ne renferment plus — selon les modes d’exploitation anciens dans le cadre de la première conquête — suffisamment de terres pourvues d’hommes et de richesses vierges, susceptibles de maintenir, par leur mise en exploitation, ce déséquilibre-moteur. Non pas tant, d’ailleurs, que l’Amérique — nous le montrerons92 — cesse de progresser, mais elle progresse désormais, de moins en moins pour l’Europe et de plus en plus pour elle-même. Et le moins paradoxal n’est pas que cette situation finisse par se retourner contre elle-même. En cessant de donner l’impetus à l’économie européenne, en cessant d’entraîner, dans son mouvement en avant, l’économie dominante, elle est responsable d’une conjoncture mondiale qui finit par l’atteindre dans ses superstructures, du moins. La vague déferlante, particulièrement sensible, au-delà de 1640-1650, dans un centre extraverti comme Mexico, n’épargne même pas le continent qui, en commençant à retenir ses richesses, en refusant d’être la simple dépendance qu’il avait été, se trouve être très directement responsable de la panne du monde.

115Les mines d’Amérique — mais elles qui ne sont plus, désormais, qu’un aspect d’un problème qui les dépasse — offrent un exemple de cet épuisement automatique, un certain seuil atteint. Non, certes, elles ne s’épuisent pas d’un seul coup, mais leur production cesse, un jour, de progresser, avant même de fléchir très légèrement, par la dépréciation de leur production. La révolution des prix s’appelle, vu sous un autre angle, la chute du pouvoir d’achat de l’argent, la grande baisse du prix de l’argent exprimé en marchandises et en services. Il faudrait, pour que la production maintînt son accélération, d’autres gisements plus fertiles et plus riches, ou des progrès techniques hors de toute perspective proche. Sans qu’il y ait besoin de la moindre modification — en l’absence même de toute modification — la hausse des prix portait, dans sa logique même, en économie d’échanges axée sur la monnaie-métal, son propre frein et la cause profonde — toutes choses étant égales — de la récession à long terme.

116Et c’est ainsi qu’on est passé de la première phase A à la première phase B de la Modernité, la grande dépression du xviie siècle.

3. La phase B du XVIIe siècle. — Aperçu sur les deux siècles qui suivent

  • 93 P. Chaunu, Pour un tableau triste du Mexique au milieu du XVIIe siècle. Le « Diario » de Gregorio M (...)

117a. Origines et mécanisme. — Cette phase B, qui commence, dans l’Atlantique-moteur entre l’Europe et l’Amérique, dès la seconde décade du xviie siècle, est établie, partout, semble-t-il, dès le début des années 40, sauf dans l’Europe slave, où elle est plus tardive encore. Elle entraîne la chute d’un empire, elle résulte de l’épuisement de l’Amérique et des communications nouvellement établies avec l’Extrême-Orient — de l’épuisement, du moins, de leur dynamisme, eu égard à des modalités d’exploitation qui ont insuffisamment progressé depuis un siècle93.

118L’invention motrice est arrivée à son terme, elle est épuisée, elle a fini de porter ses fruits. Il est fatal, d’ailleurs, qu’à la longue, un comportement psychologique dominant finisse ou appelle son contraire. Au cours de ce renversement, le facteur monétaire est essentiel, mais non pas unique. Prix et monnaies jouent, dans la vie économique, un rôle tonique de catalyseur des volontés d’entreprise. La facilité à entreprendre incite beaucoup à entreprendre faibles et forts. Le renversement de la tendance des prix] s’explique, on l’a dit — dans un système monétaire qui reste étroitement lié à l’existence d’un stock métallique — par une modification de la production relative des métaux monnayables. La production annuelle doit, d’abord, combler les pertes, que le stock subit, régulièrement et normalement, du fait de son utilisation. En phase A ou en phase B, en raison, depuis le xiie siècle au moins, de l’accroissement tendanciel lent de la population et du volume de production saisi dans une économie d’échange, le volume métallique monnayable doit s’accroître, pour que le rapport de forces internes, d’où résulte le prix, soit maintenu. On peut donc poser — dans l’hypothèse d’une économie monétaire à référence métallique valable jusqu’au début du xxe siècle, avec une rigueur progressivement atténuée — que le stock monétaire, en dessous d’un certain coefficient annuel d’accroissement, est insuffisant, pour maintenir ces rapports de valeurs que sont les prix.

  • 94 Aucun de ces éléments-— cela va sans dire — n’est objectivement constant, aucun n’évolue, même, sui (...)

119Tout ceci, d’ailleurs, suppose bloquée un moment, presque toute une série de variables considérées comme des constantes approximatives : vitesse de rotation de la monnaie, accroissement de la population, plus ou moins grande efficacité des freins physiques, techniques et politiques à la réalisation de conditions approchant celles d’un marché mondial ou des forces économiques tendant à les vaincre, importance du volume global de production saisi dans une économie d’échanges94. Le passage de A à B a été incontestablement accompagné, dans le cas qui nous concerne, par un phénomène de ce genre : la chute du pouvoir d’achat de l’argent, a, dans un cadre de techniques évoluant peu, affecté la rentabilité des mines. Il y a eu transfert de fonds et de main d’œuvre d’entreprises, à rentabilité moindre, vers des entreprises à rentabilité supérieure.

120Ce ralentissement capital est accompagné d’autres ralentissements — tous ceux qui résultent, notamment, d’une limitation des débouchés dans les Indes de Castille, désormais, annexées superficiellement à l’économie européenne, par le retour à un univers clos, après l’éclatement du monde méditerranéen classique et un fructueux mais trop bref pèlerinage dans un univers en expansion. Le rythme d’accroissement du stock monétaire, s’il est maintenu, ce qui, à certains moments, n’a pas toujours été vrai, passe en dessous du rythme nécessaire au maintien des rapports-prix, il est vrai, établis, désormais à un niveau beaucoup plus élevé qu’au début de la phase d’expansion. Et cela, même s’il y a modification des constantes relatives.

121Le mécanisme du trend plongeant des prix est déclenché. Il vient rencontrer et appuyer d’autres facteurs dépressifs, ceux, notamment, de retour au monde clos. Et les facteurs dépressifs, que les prix libèrent dans leur contraction, déclenchent toute une série de réactions en chaîne qui maintiendront la dépression. Au sein de l’économie dominante européenne, l’économie dominante majeure, motrice, de l’Espagne du xvie siècle est la première affectée et son repli entraîne, à plus ou moins longue échéance, le repli des économies auxquelles son effacement semblait, d’abord, superficiellement bénéfique. Cet effacement ne leur aura pas profité au-delà de trente à quarante années..., voire cinquante ans, pour le Nord-Est européen.

122Mais la contraction — tout comme l’expansion de longue durée portait en elle les germes de la prochaine contraction longue — porte en elle les germes de l’expansion qui viendra. La difficulté, plus contraignante en contraction, stimule l’esprit d’invention. Et puisque, à l’origine de la phase A, il y a l’exploitation d’une invention susceptible de créer un déséquilibre durable, le passage d’un univers clos à un univers en expansion, l’explosion se produira, nécessairement, quelque jour.

123b. La double invention coloniale et démographique. — La géographie de la grande phase B du xviie siècle reste floue. Elle est, sans doute, coupée en deux autour de 1685, comme la phase A du xvie siècle autour de 1550. Après la contraction des quarante-cinq premières années, il y aurait palier. Si la reprise est moins nette, c’est, sans doute, que l’invention créatrice est, ici, moins nette, moins brutale.

124Quelle est-elle ? Celle-là, même, qui atteindra son apogée dans la deuxième moitié du siècle. Peut-être, aussi, le démarrage de cette prodigieuse révolution démographique de l’humanité blanche qui va tout emporter et tout expliquer. Ce démarrage est dû — C.E. Labrousse l’a bien montré — à l’aplatissement des pointes d’expansion cyclique des prix des grains et, peut-être, finalement — Jean Fourastié l’a suggéré — à une amélioration importante des techniques du stockage des grains. En démographie, comme ailleurs, tout est dans le démarrage du mouvement. C’est là, c’est pour le premier gain, le moindre, que le maximum d’énergie doit être apporté. Ensuite, la vitesse appelle la vitesse, l’homme appelle l’homme. Sensibilisé, collectivement, à la mort, l’homme social se refusera à mourir. Il y déploiera, à ne pas mourir prématurément, la fantastique énergie latente de son ingéniosité. Énergie nulle, quand l’attention collective est dispersée, prodigieuse, quand elle converge. La révolution démographique ne serait plus, à la limite, qu’un effet de convergence d’attention et d’ingéniosité collective dans une société, accidentellement, sensibilisée à la mort.

125Parallèlement à la double invention, coloniale et démographique, le corollaire monétaire. Le tassement des prix, entendez — dans une économie monétaire qui demeure essentiellement métallique— l’augmentation du prix de l’argent et de l’or, va inciter l’invention qui débouche — parallèlement à la poussée de la colonisation/plantations — sur l’or du Brésil et le nouveau cycle de l’argent mexicain. Et l’incitation à l’activité de prix croissants, jointe aux incitations autres, dont elle est un élément, capital, certes, mais un simple élément, contribue à cette étonnante croissance qui dure près d’un siècle.

126c. Schéma économique du XIXe siècle. — Puis il y a, à nouveau, tarissement, mieux, destruction du cycle d’économie coloniale de plantation, recul sensible du facteur démographique, au fur et à mesure même de son développement, la croissance linéaire de la population blanche devient comme une simple constante, incapable d’engendrer la fluctuation. Le frein monétaire intervient aussi : hauts prix des marchandises et des services et bas prix des métaux précieux font à nouveau passer en dessous du trend l’accroissement du stock monétaire.

127D’un univers en expansion, 1817-1850 nous ramène à un univers clos. Celui de la réflexion, celui de la mise en place technique de la première révolution industrielle. Prodigieuse justification à l’ingéniosité des phases B. Sous-tension de l’appareil existant de production, d’autant plus que cet appareil est condamné à l’archaïsme.

128De 1850 à 1873, plus que l’or de Californie — dont l’exploitation ressortit aux mécanismes de la poussée d’or brésilien et d’argent mexicain du xviiie siècle — on est en présence de cette fabuleuse invention mûrie, au cours de la phase précédente, mûrie, en fait, depuis un siècle, la première révolution industrielle et les prodigieuses exigences de ses constructions ferroviaires ; de quoi mettre l’univers en déséquilibre hystérique de croissance.

129De 1873 à 1896, réflexes inverses. Dérentabilisation des mines, mais, surtout, existence d’un appareil de production mis en place déjà, chute, donc, de la demande des biens d’investissement, d’autant plus grave, qu’elle affecte avec prédilection, les territoires d’une Europe en position d’économie dominante, comme jamais elle ne l’avait été, comme jamais plus elle ne le sera.

130Une des caractéristiques majeures de cette histoire, c’est son rythme de plus en plus haché : expression particulière de cette accélération de l’histoire souvent constatée. Elle s’explique, entre autres facteurs, par la grande mutation quantitative du nombre des hommes, du volume de production, de la capacité d’invention dégagée par l’accumulation exponentielle des connaissances scientifiques, des moyens techniques et économiques d’investigation, exponentielle d’une exponentielle des forces humaines libérées pour l’invention créatrice, dans des structures mentales convergeant de plus en plus exclusivement vers le progrès technique et économique, envisagé comme secteur de désirabilité maximale.

131Conséquence, entre autres, de ce rythme haché : le fait que chaque invention créatrice d’expansion est très clairement le fruit toujours d’une conquête ébauchée dans la phase antérieure de contraction. C’est évident pour la reprise 1896-1920/1929. Période de vulgarisation de la seconde révolution industrielle, dont les techniques furent inventées dans la phase d’ingéniosité de la grande dépression, d’exploitation des empires coloniaux achevés dans la période antérieure.

132Dans un monde géographiquement achevé, le rythme des clôtures et des ouvertures, toujours plus haletant, des inventions et des exploitations d’inventions, de plus en plus imbriquées, cantonné au seul domaine mais illimité des techniques et de leurs applications intellectuelles et économiques, se maintiendra, sans doute, dans la mesure où il est l’expression profonde d’une humanité, dont la cyclothimie collective résulte de la somme, mystérieusement convergente, des cyclothimies individuelles.

**

133Ce schéma n’est pas neuf, du moins, dans presque toutes ses parties, sinon dans son agencement. Il est, à la fois, infiniment trop court et sensiblement trop long. Il ne prétend qu’à une chose : replacer dans un cadre plus vaste, son vrai cadre, cette seconde phase longue d’expansion du second xvie siècle, sur un trafic capital, et dans l’espace moteur d’un embryon d’économie mondiale. C’est sa seule excuse. Il importait qu’il fût présenté, le plus tôt possible, afin de mieux valoriser les grandes respirations de l’Atlantique de Séville, de justifier l’étude attentive et détaillée que nous leur consacrons. Il ne pouvait se comprendre, toutefois, qu’après avoir recueilli les premières leçons de ce travail. Enfin, il ne prétend pas à d’autres titres qu’à l’utilité. Il rend compte de la masse assez considérable de chiffres et de faits qui ont été réunis, sur l’Atlantique transversal sans passé de la première modernité. Il nous a paru bon d’étendre quelques-unes des leçons qui s’en dégagent au-delà de son cadre géographique et temporel strict, content, si l’expérience de cette recherche pouvait servir à éclairer d’autres recherches, comme nous avons été éclairé, nous-même, par les leçons d’autres travaux dont nous avons été attentif à suivre les démarches et les conclusions.

III. — CARACTÈRES DE LA DOCUMENTATION

134Prétendre tirer une leçon de portée générale et dégager des lois de l’expérience et de l’étude d’un volume de faits économiques, quand même, assez étroitement limité, pourra paraître présomptueux. Et l’on pourra se demander si la disproportion radicale entre le volume du fait économique grossièrement mesuré, expliqué et ordonné, suivant les lignes d’un système et la masse des faits économiques à laquelle on prétend en étendre les conclusions, ne condamne pas par la base, cette construction orgueilleuse et fragile.

135En fait, l’extrapolation était possible. Pour deux faisons, au moins. Le caractère marginal, tout à fait exceptionnel, de ce trafic nouveau, surajouté aux anciens trafics ; il est, par excellence, faiseur de richesses et l’apport qu’il vaut au vieux monde, est, plus intégralement qu’aucun autre, mesurable. En raison aussi des volumes, désormais, mis en cause.

LES MASSES MISES EN CAUSE

  • 95 Cf. ci-dessus, p. 357-382.

136Sans atteindre, tout à fait, le niveau des masses que l’on distinguera, au retournement de la tendance, dans les trente ans qui de 1593 à 1622 encadrent l’année record de 1608, les volumes de la deuxième vague d’expansion — on pouvait s’y attendre95 en partant des données précédentes — sont globalement, les plus importants des quatre grandes articulations conjoncturelles qui s’imposent. 1504-1550 : première vague d’expansion, 1550-1559 : récession intercyclique, 1559-1608 : seconde vague d’expansion, 1608-1650 et au-delà, grande dépression.

1. Nombre des navires

  • 96 Cf. ci-dessus p. 233-234.

137Le nombre total des navires, en Allers et retours, par exemple (le facteur n’est pas décisif, mais il a son importance), est de 7 668 de 1561 à 1610, pendant cette deuxième vague d’expansion. Ce chiffre est d’autant plus considérable que la grosseur de l’unité s’est beaucoup accrue et ne cesse de s’accroître, on l’a vu96 au cours de la période. Ce niveau prend tout son relief, si on l’oppose aux 4 385 navires (beaucoup plus petits, pourtant) de 1506 à 1550, aux 1205 unités de 1551 à 1560, 4 710 unités de 1611 à 1650. Ce qui donne, en moyenne annuelle, au cours de chacune de ces périodes respectives : 153 1/3 navires pendant cette seconde demi-phase longue d’expansion contre 97 1/2 pendant la première, 120 1/3 pendant la récession du demi- xvie siècle et 117 3/4 au cours de la grande dépression du xviie siècle.

2. Volume des mouvements

138Mais c’est, évidemment, compte tenu de la croissance des tonnages unitaires, que la mutation du volume des trafics est particulièrement saisissante et le triomphe de la deuxième demi-phase longue d’expansion, particulièrement sensible par rapport à la première phase d’expansion et à la récession intercyclique, il est atténué, par contre, par rapport à la grande dépression, qui est, finalement, toutes corrections faites, infiniment plus sensible sur l’accélération — essentielle, toujours, en économique — que sur les niveaux vrais des volumes.

139Les masses globales mises en cause, au cours de cent quarante-cinq années d’histoire envisagée, s’élèvent, respectivement, en effet, à 395 890 1/2 tonneaux lors de la première expansion de 1506 à 1550 (Allers et retours, en unités pondérées), 146 829,5 tonneaux au cours des dix années que l’on peut arbitrairement accorder à la récession intercyclique du demi-siècle, 1492 978,85 tonneaux pour les quarante ans de la grande dépression de 1611 à 1650, date à laquelle nous l’avons arbitrairement tronqué, mais 1 692 713,675 tonneaux pour les cinquante années de 1561 à 1610 de la deuxième demi-phase longue d’expansion.

140Ces chiffres réduits en mouvements moyens annuels prendront toute leur valeur : 8 797 1/2 tonneaux pour la première période, 14 683 pour la seconde (1551-1560), 37 324 1/2 pour la dépression (1611-1650), le chiffre le plus élevé restant celui de la deuxième demi-phase longue d’expansion, avec 37 615 1/2 de 1561 à 1610. Ces résultats sont d’autant plus probants qu’ils tiennent compte largement de l’évolution de la tonelada et de tous les autres facteurs de distorsion. Ils montrent une Carrera établie de 1561 à 1650, pendant quatre-vingt-dix ans, sur le plancher d’un mouvement annuel Allers et retours de 37 500 tonneaux. On peut bien l’affirmer, sans crainte d’un démenti, vu les distances parcourues, les valeurs transportées, les bénéfices réalisés, leur mode d’utilisation, leur prodigieuse concentration et le poids que cela lui confère, l’Atlantique de Séville est, de 1561 à 1650 et, bien plus sûrement encore, de 1561 à 1610, sans équivalent vrai dans le monde. D’où son rôle, au cours de cette période, de secteur d’économie dominante.

3. Valeurs

  • 97 Cf. ci-dessus p. 177-180.

141Mais le poids absolu et relatif de ce trafic clef, le long de cet axe clef, apparaîtra dans sa vraie lumière, si on tient compte des valeurs. On aura dit et redit, maintes fois97 combien les cargaisons se sont transformées, combien les valeurs, qui ont franchi l’Océan au cours de ces années, seront allées en s’accroissant régulièrement et beaucoup plus même que le calcul ne permet de le saisir. Ce qui ne veut pas dire pour autant qu’il faille renoncer à le saisir. Un ordre de grandeur chiffré, même approché, même systématiquement inférieur à la réalité, est toujours mieux qu’une simple appréciation qualitative. Surtout si — et c’est, évidemment, le cas ici, et ce sera toujours le cas dans notre tentative — on sait dans quel sens ces chiffres doivent être corrigés, du moins contre quels dangers doivent s’exercer nos mises en garde.

  • 98 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 34-43
  • 99 Cf. ci-dessus p. 377-380.

142a. Les trésors. Importance et faiblesse de la série. — On possède plusieurs moyens pour y parvenir. L’un d’entre eux est particulièrement rentable et sûr. Les arrivées des trésors d’Amérique de Hamilton98 représentent, incontestablement, la série la plus longue, la plus continue, la plus valable, qui permette d’approcher le mouvement valeur. On a eu l’occasion déjà de dire99 pourquoi et comment les. importations de trésors d’Amérique représentaient une fraction très importante du mouvement des exportations d’Espagne en direction des Indes de Castille. Pas tout, bien sûr, mais une fraction telle, qu’avec un certain décalage (de deux à cinq ans, souvent, et plus), les trésors de Hamilton (trésors des particuliers, apparemment, mieux que trésors globaux, mais même les trésors publics peuvent être considérés, à plus longue échéance, comme des retours très indirects des exportations d’Allers) sont une des approches les plus sûres et, seule, parfaitement continue, du mouvement en valeur, dans l’Atlantique moteur de la conjoncture.

  • 100 Cf. ci-dessous t. VIII2 bis.

143Cette série est l’approche la plus sûre, à condition, toutefois, de tenir compte d’une certaine distorsion systématique, grave, au-delà, surtout, du renversement de la tendance majeure. On sait, en effet et on s’en expliquera plus longuement, le moment venu100, que, loin d’être constante comme Hamilton l’affirmait, la fraude augmente, au contraire, d’une manière régulière, mais faible, au-delà de 1590, d’une manière désordonnée, au-delà de 1620. Elle porte essentiellement sur les métaux précieux, ces pistoles et ces doublons, que l’on dissimule si facilement au pli d’un manteau. On fera intervenir, naturellement, en outre, les fluctuations conjoncturelles de la fraude que nous nous sommes, pour notre part, efforcé de suivre. A partir de 1630, sans conteste, et, a fortiori, au-delà de 1640 et plus encore 1650, les chiffres de Hamilton, compte tenu de la fraude, sont proprement inadmissibles. Établir et proposer un taux de pondération pour ces années, n’est pas commode. On ne peut y parvenir qu’au prix de tâtonnements, de longues, lentes et prudentes approches.

  • 101 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 34.
  • 102 Cf. t. I, p. 270.
  • 103 Pas tout à fait, en vérité, puisque — on l’a vu — il y a concordance évidente entre 1546-1550 sur l (...)

144Chiffres et corrections nécessaires. Le tableau de Hamilton101 donne les ordres de grandeur suivants, dont on ne saurait, en aucun cas, surestimer le prix. En pesos de plata ensayada102 — monnaie de compte équivalent à 450 maravedís — les retours d’or et d’argent représentent (valeurs arrondies) : 19,5 millions de pesos, pendant la première demi-phase longue d’expansion du premier xvie siècle de 1503 à 1550, 18,5 millions de 1551 à 1560, au cours de ce qui correspond, en gros, sur le mouvement volumétrique103, à la grande récession, 232 millions, par contre, pour les cinquante années de la seconde expansion 1561-1610, 168,5 millions, pour la dépression telle que nous la délimitons de 1611-1650, 179 millions, si on ajoute les dix ans de 1650 à 1660 (ils n’apportent plus « officiellement » à l’Espagne que 10,5 millions de pesos à 450 maravedís).

  • 104 On laissera cette délicate pondération de côté pour le moment, puisqu’elle ne peut être résolue qu’ (...)
  • 105 Cf. E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 403 et t. VI1, tables 162 à 164, p. 361-363
  • 106 Le choix de l’indice moyen est très facile, grâce aux moyennes mobiles de treize ans (t. VI1, table (...)
  • 107 Toujours grâce aux moyennes mobiles de treize ans sur les indices composés des prix-argent de Hamil (...)
  • 108 Simplification..., car il faudrait — mais nous y avons renoncé car la différence eût été minime — p (...)
  • 109 2 et non pas 2,6, comme on l’aurait fait, en partant du seul plancher des prix (indice 50), parce q (...)

145Mais ces chiffres doivent être pondérés, toute question de fraude même mise à part104, pour éliminer le facteur variation des prix105, et traduire des valeurs constantes. On prendra comme base le pouvoir d’achat de l’argent de 1610 à 1650, quand les prix argent sont, en gros, stabilisés, autour de l’indice 130 environ106. Pour le reste, on définit un indice moyen de la période107, et on arrive, au prix d’une certaine simplification108 — en multipliant les chiffres en pesos monnaie argent par les coefficients suivants : 1 de 1611 à 1650, de 1611 à 1660 ou de 1651 à 1660 (période de stabilité relative), 1,25 de 1561 à 1610, 1,75 de 1551 à 1560 et 2109 de 1503 à 1550 — à la pondération désirée.

  • 110 En fait, sensiblement plus, à cause de l’accroissement de la fraude, plus qu’évidente en tant que f (...)
  • 111 A fortiori, remarque précédente beaucoup plus valable encore que précédemment.
  • 112 A fortiori beaucoup plus et beaucoup plus sûrement encore que précédemment.
  • 113 Les remarques et les réserves exprimées dans les notes précédentes, sont valables, naturellement ic (...)

146En pesos-argent à pouvoir d’achat constant (base : 1610-1650), on arrive donc aux chiffres suivants : 40 millions pour la première demi-phase longue d’expansion (1503-1550), 32,375 millions pour la récession (1551-1560), 290 millions de pesos 110 de 1561 à 1610, au cours de la seconde phase longue d’expansion, 168,5 millions111 de 1611 à 1650, 10,5 millions112 de 1651 à 1660, 179 millions de 1611 à 1660. Ce qui donnera, en pesos-argent à pouvoir d’achat supposé constant, les moyennes annuelles suivantes des trésors reçus à Séville en provenance d’Amérique, compte non tenu de la fraude : 0,9 million de 1503 à 1550, 3,24 de 1551 à 1560, 5,8 de 1561 à 1610, 4,2 de 1611 à 1650, 1,05 de 1651 à 1660 (3,58 de 1611 à 1660113).

147Ces chiffres, tels quels, rendent bien témoignage du poids intrinsèque de la seconde phase longue d’expansion. Pour les trésors importés d’Amérique en Europe, via l’Espagne, ils donnent les ordres de grandeur vrais, à la seule exception de la part qui a échappé aux prises de l’État, du fait de la contrebande... et, à cet effet, l’ordre de grandeur 0,9 contre 5,8, qui établit le rapport officiel de la circulation des trésors entre la première et la seconde demi-phase longue d’expansion, défavorise, certainement, d’une manière sensible, la deuxième phase d’expansion, au profit de la première. Même pour les trésors, le rapport 6,4 à est en dessous de la stricte réalité (il faudrait supposer un ordre de 7 ou 8 à 1, au moins).

  • 114 Cf. t.VI1, table 228, p. 474.
  • 115 Ce phénomène entre même (cf. ci-dessus p. 900-919) dans le complexe causal qui permet d'expliquer a (...)
  • 116 Cf. t. VIII1bis, p. 1330-1335.

148Mais, si on cherche dans ces chiffres, comme on est en droit de le faire, autre chose qu’une connaissance du mouvement des trésors, une indication valable pour l’ensemble du mouvement, des ordres de grandeur donnant prise sur le volume économique global d’un Atlantique-pont, il faudra ne pas perdre de vue à quel point la seconde phase d’expansion est handicapée par rapport à la première, combien le rapport 1/6,4, voire 1/7 ou 8, reste, sans doute, encore assez sensiblement inférieur à la réalité. Parce que, comme il est facile de le montrer114, les retours d’Amérique sont constitués moins exclusivement à la fin qu’au début des seuls trésors... la rubrique marchandises s’accroît au Retour, et il faut, désormais, en tenir compte plus largement. Parce que les Indes retiennent, de plus en plus au fur et à mesure que l’on avance dans le temps, une fraction plus considérable de métal blanc115 soit par les investissements des négociants andalous, soit, essentiellement, par la part accrue des marchands créoles américains, les peruleros116 dans le commerce global. Il en résulte qu’entre le début et la fin des séries, la portée des importations de métaux précieux d’Amérique à Séville a sensiblement baissé, en tant qu’indice global d’activité.

  • 117 Cf. t. VI tables 226 à 229, p. 471-474 plus spécialement.
  • 118 Saisies, compte non tenu, bien sûr, de la contrebande, des marges de tolérance de sous-évaluation, (...)
  • 119 Cf. t. VI1, table 226, p. 471.
  • 120 Cf. ci-dessus, p. 235-237.
  • 121 Cf. ci-dessus, p. 377-380.

149b. Valeur globale des marchandises. — Il n’est pas commode de faire une vérification efficace des résultats obtenus, en partant des trésors. On dispose bien, en effet, de bonnes séries d’indices d’activité dans les différentes appréciations du volume global des marchandises exportées d’Europe vers l’Amérique, ou importées d’Amérique en Europe — exprimé en valeurs fiscales — telles qu’elles transparaissent des appréciations de la Casa de la Contrataciôn, et des différentes séries d’impôt ad valorem117 Non que les valeurs de la seconde phase longue d’expansion, certes, ne soient presque toutes saisies118, de 1561 à 1610. Mais ce sont de bons termes de comparaison, après et surtout avant, qui font défaut. La série de l’almojarifazgo de la Vera Cruz119 est la seule qui permette de remonter jusqu’en 1540. On en a utilisé les résultats120 mais le terme de comparaison est faible (série courte, partielle, tardive). Tout laisse à penser, notamment, que la date tardive de 1540 laisse derrière elle une partie déjà de l’évolution qui modifie en profondeur la nature des cargaisons et tend à alourdir leur valeur unitaire. Un peu comme si on avait, pour apprécier la signification relative des trésors de la deuxième phase longue d’expansion, comme terme de référence, pour la première vague d’expansion, uniquement 1541-1545 et 1546-1550, voire même, plus vraisemblablement — étant donné un décalage sur lequel on s’est longuement expliqué121 — 1546-1550 et 1551-1555.

  • 122 Cf. t. VI1, tables 198 à 229, p. 414-474 et t. VI2, tables 544-600, p. 690-854.
  • 123 Cf. t. VI1, tables 226-229, p. 471474.

150Les séries du mouvement valeur tel qu’on peut l’approcher122 et tel qu’il se trouve résumé dans les tables récapitulatives123, extrêmement précieuses pour une étude de conjoncture, ne peuvent rendre les mêmes services dans une évaluation de poids global et pour des comparaisons inter-structurelles. Les tables récapitulatives corroborent, toutefois, un fait capital. La croissance des marchandises est plus rapide, dans l’ensemble, que celle, bien connue, des trésors. La deuxième phase longue d’expansion se caractérise, dans ces conditions, par la supériorité relative, la variété et la valeur des biens qui y sont négociés, plus encore que par leur volume.

151La masse des biens mis en mouvement dans l’Atlantique de Séville, au cours de la deuxième phase longue d’expansion, tant à l’échelle des autres économies du monde contemporain que comparativement aux époques qui l’encadrent, est si considérable, la position qu’elle occupe, tellement marginale, que le rythme qui l’anime influence, commande, peut-être, par les trains d’ondes que ses mouvements dans leurs fluctuations émettent, le rythme même du monde, dans la mesure où, déjà, se dessine une première économie universelle.

LA PRÉCISION DE LA MESURE

152Si l’on est en droit de beaucoup attendre du rythme interne de la masse économique de cet Atlantique transversal pour la compréhension du monde, il va sans dire qu’il importe d’en pousser le plus loin possible la connaissance. La chance documentaire est venue, ici, au secours de notre propos. Les cinquante ans de la demi-phase longue d’expansion sont mieux connus que ne le fut aucune période antérieure. La grande mutation de notre connaissance passe par là. Il n’y a plus commune mesure entre la connaissance de la réalité économique de ce temps et celle des périodes antérieures. Seule, notre connaissance de la grande dépression et encore, ce n’est pas toujours certain dans tous les domaines, dépasse, en précision, les données réunies sur la seconde phase longue expansion qui la précède.

153A partir de 1560, mieux, à partir de la décade 1580-1590, on est, désormais, en possession de tous les instruments qui permettent d’appliquer la méthode dans toute sa rigueur et dans toute sa plénitude. C’est là, qu’on sera en droit d’en attendre les meilleurs résultats, les plus probants, du moins.

1. Directions et provenances

  • 124 Cf. t. III, p. 418419.

154a. Ventilation des ports des Indes. — On les possède toutes, désormais, comme le prouvent les tableaux des tomes III et IV. La seule exception — outre quelques omissions de scribe, aisément remplaçables, le plus souvent — est constituée par les navires des Canaries, dont les directions n’apparaissent régulièrement qu’à partir de 1588124.

155Il arrive également que la direction des négriers ne soit donnée qu’avec une large marge d’imprécision, traduction, au demeurant, de la réalité. Le négrier ignore, souvent, au départ, tant son lieu d’approvisionnement que son lieu exact d’arrivée. Il se laissera guider, comme les habitués du tramping (nos presque contemporains), par les échos qu’il recueillera, en cours de route, sur les conditions des marchés d’approvisionnement et de vente. Preuve d’un espace beaucoup moins imperméable à la nouvelle qu’on ne pourrait le croire a priori. La pratique, il est vrai, est mal vue de la loi des Indes, toujours prête à flairer la fraude où elle se cache.

  • 125 Cf. t. I, p. 310-312 ; t. VI1, tables 165-176, p. 364-375.
  • 126 Ils peuvent agir ainsi, parce qu’ils appartiennent tous, a priori, à la catégorie des navires Suelt (...)

156Cette impression, en partie vraie, en partie prétexte, se marque, alors, par l’indication de plusieurs directions et lieux d’approvisionnement. Le négrier peut avoir choisi parmi ces diverses alternatives et nous ignorons comment. Peut-être aura-t-il touché, effectivement, plusieurs points, tous ceux qu’il était autorisé à desservir... mais nous l’ignorons aussi. D’où, un certain nombre de négriers, dans la catégories des Indias ( ?)125. Mais, outre le fait qu’ils sont, à l’ordinaire, peu nombreux et de petit tonnage, relativement au tonnage moyen de l’époque, ils appartiennent souvent, en fait, à la catégorie des bateaux fous, trampers du xvie siècle qui vont et viennent, cabotant et desservant des directions et des ports multiples, au gré des vents et des marchés126.

  • 127 Cf. t. I, p. 285 sq.
  • 128 Cf. t. VI1, tables 166-167, p. 365-366, et table 174, p. 373.
  • 129 Cf. t. VI1, tables 169-170, p. 368-369 et table 175, p. 374.
  • 130 Cf. t. VI1, tables 172-173, p. 371-372 et table 176, p. 375.
  • 131 Cf. ci-dessus, p. 63-66, 84-88, 117-118... etc.

157Malgré tout, et l’on admirera combien le Livre de Registres aura fait son office127, la proportion des directions et provenances qui échappent à notre contrôle est dérisoire. En Allers128, la proportion presque régulièrement décroissante, est nettement inférieure à 4 %. En Retours129, on tombe à 0,1 %, en Allers et retours130, à quelque 2 %. De telles proportions, parfaitement dérisoires — logiquement extrapolables, sans aucune difficulté pratique ou méthodologique —, prouvent quels progrès et quelle absolue maîtrise est, désormais, acquise dans ce domaine. Il suffit, pour mieux en apprécier l’ampleur, de se reporter aux difficultés et aux lacunes131 de la première demi-phase d’expansion, où, compte même tenu d’une moindre hésitation quant aux directions et provenances au début, surtout, parce que la gamme des possibles est moins large, les directions et provenances qui nous échappent atteignent, couramment, 45 à 50 % du total du mouvement.

  • 132 Cf. t. VI2, p. 487 à 854.

158Outre le recul, puis la dispersion des directions et provenances inconnues, c’est le clavier portuaire des Indes qui s’est prodigieusement accru et dont nous bénéficions. C’est le signe non équivoque d’une meilleure possession de l’espace américain, par une colonisation espagnole, dont on ne dira jamais assez, pourtant, à quel point les mailles sont lâches et distendues. La densité portuaire des Indes de la seconde demi-phase longue d’expansion n’est pas loin de son maximum, comme le prouve un rapide coup d’œil sur les tables 230 à 600132 Tout au plus, sera-t-elle encore égalée, peut-être, très légèrement dépassée, quand, au-delà de 1620, avec la grande éclipse des puissants trafics, l’isthme, d’abord, la Vera Cruz qui s’effondre, ensuite, on assistera à une réapparition éphémère vue de Séville, non seulement en valeur relative, mais, à certains égards, en valeur absolue, de ceux que nous avons appelés les parents pauvres de la Carrera.

  • 133 Cf. t. VI1, p. 380 à 391.

159b. Ventilation au sein du complexe andalou-canarien. — Parallèlement à une ventilation, de plus en plus complète et de plus en plus riche, entre les différents ports des Indes, qui sont desservis directement, en nombre toujours accru, on assiste à la mise en place complète des articulations au sein du complexe portuaire andalou-canarien. Un simple coup d’œil sur les tables 182, d’une part (elle couvre de 1504 à 1550, la première demi-phase longue d’expansion), 182 et 183133, d’autre part, fera ressortir tout le progrès réalisé. Progrès dû à une meilleure connaissance, progrès dû, aussi, à un accroissement véritable de la division du travail, au sein du complexe portuaire. C’est en 1563, à la charnière des deux fluctuations vraies du premier cycle de la reprise (1559-1571), que toutes les articulations sont virtuellement prêtes à fonctionner régulièrement, que l’éventail du complexe est définitivement ouvert.

160Mais la répartition des départs entre les différents éléments du complexe portuaire andalou-canarien n’est ni le fait du hasard, ni déterminée, une fois pour toutes, par un pourcentage fixe. L’équilibre des forces, que cette répartition exprime, est étroitement soumis à la conjoncture. Soumise à la conjoncture, cette répartition l’exprime à sa manière. Sa connaissance est donc capitale et c’est un atout qui ne fera pas défaut, dès le tout début de la seconde phase d’expansion.

2. Le matériel

  • 134 Cf. ci-dessous, p. 409-411.
  • 135 Cf. t. I, p. 85.

161Au fur et à mesure que la géographie portuaire des Indes et la ventilation au sein du complexe portuaire andalou-canarien s’enrichissent et se précisent, la connaissance du matériel de la Carrera progresse sensiblement. Or, fait d’importance, la masse de renseignements collectés permettra de traiter les données recueillies non pas en tant que faits isolés, mais de plus en plus régulièrement et sûrement, en leur appliquant les méthodes sérielles. Parallèlement à l’amélioration de la précision de la connaissance du tonnage — cheville ouvrière de tout le système et qui sera examinée ultérieurement134 — avec l’augmentation des séries des registres, dont on a vu, ailleurs, à quel point la densité s’accroissait entre 1580 et 1590 135, les colonnes 5, 7 et 8 des tableaux commencent à se remplir.

  • 136 Cf. t. I, p. 305.
  • 137 Il est certain, pourtant, que les équipages ne sont pas insensibles à la conjoncture. Il y a, d’abo (...)

162a. Équipages. — La 7e colonne, avec ses diagrammes d’équipages136 plus nombreux, ne sert qu’indirectement notre propos, par les appréciations de tonnages qu’elle permet. Elle éclaire, également, les structures, dans la mesure où elle permet de mieux pénétrer et de mieux saisir les mécanismes des besoins en hommes de la Carrera. Quels que soient les qualités et le nombre de ces diagrammes, ils ne sont ni assez nombreux, ni assez sûrs, pour qu’on ait pu les utiliser en fonction de notre étude conjoncturelle137. Il en va tout autrement des données des colonnes 5 et 8. Outre l’éclairage qu’elles apportent, désormais, avec une intensité accrue à la connaissance des structures, leur masse est telle qu’elle permet, par l’application des méthodes sérielles, d’apporter une contribution à l’étude de conjoncture.

  • 138 Pour une connaissance détaillée des types distingués dans la Carrera, se reporter au t. VI2, tables (...)
  • 139 Cf. t. I, p. 276 et suiv.

163b. Types de navires. — On jugera d’après les tables des progrès réalisés138. On a laissé de côté, en outre, on s’en souvient dans nos comptes, les mentions jugées trop vagues de nao, navío, navío biscayno, nao biscayna ; soit, en fait, le Nord de l’Espagne, c’est-à-dire, la patrie normale des navires utilisés dans la Carrera. Le Nord de l’Espagne jouissant dans l’armement en direction des Indes, d’un Monopole qui n’est autre que la reproduction du Monopole légèrement atténuée, dont le Sud, complexe andalou-canarien, jouit sur le négoce. Ces indications, au nombre de plus de treize mille, sont considérées comme la normale de l’armement et de la construction dans l’Atlantique espagnol et hispano-américain. Elles ne sont, certes, pas dépourvues d’intérêt. Elles permettent, nous avons expliqué dans quelle mesure et comment139, de tirer, sur la dimension relative des navires incriminés, des présomptions utiles, voire de recueillir, sur leur provenance, de véritables certitudes.

  • 140 Cf. t. I, p. 276 et suiv., ibid.
  • 141 C’est le cas des bois longs de mâture, par exemple, exportés vers les chantiers des Indes, et qui a (...)
  • 142 Le cas de la lagune de Maracaybo qui avec ses hauts fonds, ne peut être abordée que par des navires (...)
  • 143 Puisque les navires andalous, et à plus forte raison, les italo-levantisques des côtes méditerranée (...)

164Un indice de conjoncture. — Mais en dehors de cette indication, quelque peu banale, d’autres données plus précises permettent de se livrer, sur l’évolution du matériel utilisé, à des conclusions riches de significations. Dans la mesure où, en plus de l’indication du tonnage, toujours plus ou moins rigoureusement impliquée140, le matériel utilisé permet, sur les besoins du commerce, sur les rapports de forces au sein du négoce, de l’armement, sur les besoins relatifs de chacun..., de tirer une foule d’indications, conjoncturellement, d’un grand prix et parfaitement irrécusables. Des trafics nouveaux des marchandises nouvelles141, des ports nouveaux142 ... commandent des types de bateaux nouveaux. La proportion des étrangers, ou, mieux, des. non-Biscayens, au sens large, des navires du Nord de l’Espagne143, est un signe excellent de conjoncture. Au cours de la période d’expansion qui s’ouvre de 1559 à 1608, une forte proportion d’étrangers, demeure un bon signe clinique de prospérité, de phase ascendante de la fluctuation. Tout comme elle sera, plus tard, une preuve, entre autres, au-delà, surtout, de 1620, de la destruction du stock-navires consécutif à la conjoncture dépressive de longue durée. Ce rapide tour d’horizon est loin d’épuiser les possibilités d’une source, d’une infinie richesse.

165Enrichissement des données. Or, c’est bien, en fait, à partir seulement de cette seconde phase longue d’expansion qu’on dispose vraiment de cette source hors pair.

  • 144 Cf. t. VI, table 12E, p. 166.
  • 145 Cf. t. VII, table I, nomenclature, p. 114.
  • 146 Cf. ci-dessous, p. 794-795, 945... etc.
  • 147 Tout dans ce chiffre n’est pas à porter, bien sûr, à l’actif de la lacune. Il y a, aussi, une indic (...)
  • 148 Soixante-seize natures connues sur 1205 bateaux, soit, 6,3 % seulement, au lieu de 6,5 %, et rien s (...)

166Pour plus de treize mille navires, sur lesquels on ne possède que des indications imprécises et vagues, 4186 sont classés dans une catégorie précise144 (plus de 250 catégories si on combine la nature exacte au lieu d’origine du navire145. C’est sur ces 4 186 unités que portent tous les calculs, d’eux seuls que l’on peut tirer quelques conclusions. Or, cette masse se répartit de la manière suivante : de 1506 à 1550, au cours de la première demi-phase longue d’expansion, le global des navires de nature connue ne représente qu’une masse de 285 navires sur un total de 4 385, soit à peine 6,6 % du total, fort inégalement répartie au cours des différentes fluctuations ; en nombre quelque peu considérable excédant 10 % de 1521 à 1525 et dans la décade finale, seulement. On en a tiré parti, quand même, le cas échéant146, dans la construction conjoncturelle. Mais on ne peut en tirer aucune indication concernant le pays d’origine et le lieu de construction des navires, puisque, sur les 285 bateaux pour lesquels on possède une indication de nature précise, il n’y a que deux provenances étrangères spécifiées : un portugais et un italo-levantisque. La provenance et le lieu de construction étant, conjoncturellement, après le tonnage, la donnée la plus utile qu’on puisse recueillir sur un navire, on mesurera, l’ampleur, ainsi, de la lacune relative147. Il suffit de mettre en regard de ces chiffres ceux de la deuxième demi-phase longue d’expansion. On en appréciera mieux la richesse comparée de leurs données à celle du début. Lors de la récession intercyclique du demi-siècle, il n’y avait pas eu de progrès148 Mais en présence de 7 618 navires de 1561 à 1610, on compte 1 568 connus et presque tous, vers la fin, à partir de 1591, soit, sur l’ensemble, le pourcentage décisif de 20,06 %. Certes, on n’en est pas encore aux 77,2 % des navires de nature connue avec précision de la décade 1641-1650. Mais la série est suffisante pour dégager des conclusions générales.

167Autre point décisif, sur ces 1 568 unités, on compte 348 navires, dont la nationalité et le lieu de construction sont connus, avec précision, entendez connus comme n’étant pas le Nord de l’Espagne. On notera une irruption considérable de navires étrangers à l’extrême fin des années 1580, conséquence de la saignée massive en tonnage d’une guerre dont l’invincible Armada est l’épisode le plus célèbre, conséquence, surtout, de la dernière poussée conjoncturelle qui établit le mouvement sur le plancher record de 1591 à 1610.

  • 149 Cf. t. VI1, table 14, p. 170.
  • 150 Cf. t. VI1, tables 14 et 15, p. 170-172.
  • 151 Cf. t. VI1, tables 16 et 17, p. 174-176.

168c. Age des navires. — Une dernière donnée (8e colonne des tableaux) complète les renseignements conjoncturellement utiles : l’âge du navire. Après une apparition sporadique, inutilisable de 1555 à 1559149, au creux de la dépression intercyclique du demi-siècle, les données d’âge réapparaissent, mais, cette fois, en rangs suffisants, pour être utilisables à partir de 1576. De 1561 à 1610150, en face de 7 618 bateaux, on a pu aligner 911 indications d’âge (si on se limite plus justement à la seule période, fertile de 1576 à 1610, respectivement 5 629 unités et 911 indications), soit, respectivement, 11,9 % et 16 %. Au cours de la grande dépression de 1611 à 1650, au-delà de 1625, la densité des âges connus qui passe par un maximum de 1611 à 1615151, décroît rapidement, elle se maintient, pour l’ensemble de ces quarante années, à un niveau moyen sensiblement égal (574 pour 4 710 navires, soit quelque 12,25 %) à celui de la seconde demi-phase longue d’expansion. Grâce à ces données, on pourra, à partir de 1576, suivre les fluctuations de l’âge des navires et montrer l’évidente relation qui les lie aux fluctuations d’une conjoncture, que l’âge moyen du capital-navire contribue fortement à éclairer.

3. La navigation

169C’est également à partir de la seconde demi-phase longue d’expansion que l’on possède sur la navigation des renseignements qui ont leur prix.

  • 152 Cf. t. VI1, tables 189-190, p. 404405 et tables 191-192, p. 406407.

170a. Mode de navigation. —-Le mode de navigation ne prend d’intérêt qu’avec l’organisation de la navigation en convois puissamment hiérarchisés et fortement défendus, comme réponse au danger de l’ennemi, des corsaires et pour parer à l’insuffisance en gens de mer de haute qualification. Au cours de la grande récession du demi-xvie siècle152, les convois existent et on peut, le plus souvent, distinguer ce qui appartient, respectivement, aux deux modes de navigation.

  • 153 Cf t. VI1, tables 191-194, p 406409 et tables 195, 196, 197, p. 410412.

171Mais, comme pour les rubriques précédentes, le passage de la connaissance sporadique à la connaissance exhaustive ou quasi exhaustive se situe à la hauteur de la demi-décade 1576-1580153. La deuxième demi-phase d’expansion appartient, donc, sur ce point, pour l’essentiel, à la catégorie de la connaissance la meilleure.

172Les rapports internes qui existent ; au sein de la Carrera, entre les deux types de navigation, dont les modalités sont, sous l’angle de l’économique, aussi totalement différents que possible, expriment des rapports de force profonds, non sans relation avec la conjoncture au sens le plus large et qu’il est utile de pouvoir approcher par ce moyen, entre autres moyens.

  • 154 Cf. ci-dessus, t. I, p. 252.

173b. Vitesse de rotation des convois et couple temps-espace. — Mais la navigation en forts convois vaut une chronologie précise. C’est là, beaucoup plus que le mode strict de navigation, un énorme dossier, qui s’ouvre, pratiquement, lui aussi, avec la deuxième phase longue d’expansion. Il est lié à la navigation en convois, la seule, pour laquelle on puisse espérer recueillir une quantité suffisante de renseignements chronologiques, pour permettre un traitement sériel, il est lié, plus peut-être encore, à l’apparition, à partir de 1550, mais surtout de 1560, des belles et larges séries de livres de la correspondance de la Casa de la Contratación154.

  • 155 Cf. t. VI, tables 18-128, p. 178-321 et tables 128A et 128B, p. 320-321.
  • 156 Sous cet angle, notons plus particulièrement les tables récapitulatives Allers (t. VI1, table 128A, (...)

174La masse considérable de renseignements chronologiques, assez précis pour jalonner dans leurs diverses étapes la route des convois155, commence, pratiquement, avec la fin de récession intercyclique et les premières années de la seconde demi-phase longue d’expansion. Quelle que soit la masse des renseignements chronologiques sur la marche des convois, ils sont, évidemment, utilisables et d’un très grand prix pour la connaissance des structures156, mais ils peuvent servir, aussi, à une étude de conjoncture — entendez, non plus seulement servir à différencier des espaces, des parcours, les uns par rapport aux autres, mais, au sein d’un même découpage géographique, les périodes, les unes par rapport aux autres.

175Encore que presque toutes les séries débutent entre 1555 et 1560, ou, un peu au-delà, elles ne deviennent vraiment utilisables, dans un but conjoncturel, qu’à partir de 1571, mieux, 1581. L’utilisation n’en est pas commode — il n’est pas toujours facile de délimiter sur des séries parfois un peu légères, le structurel du conjoncturel, le valable de l’accidentel — mais leur leçon est pleine de signification, dans la mesure où on se trouve en présence d’une masse suffisante (113 tables), pour dégager des ébauches de lois et leur présence constitue, pour la construction conjoncturelle de la deuxième expansion, un atout primordial.

4. Le mouvement volumétrique

  • 157 Cf. ci-dessus, p. 48-352.
  • 158 Cf. t. I, p. 313 et suiv.
  • 159 Cf. ci-dessous, p. 357-840.

176Quelle que soit la valeur de toutes ces données annexes, dont la présence constituera un enrichissement d’un inestimable prix, on ne doit pas perdre de vue qu’elles ne sont pas au cœur du système. On a pu, sans elles, constituer une ébauche d’étude de conjoncture157, qu’il ne nous appartient pas d’apprécier, avec le seul secours, pratiquement, d’un mouvement volumétrique, dont les unités étaient, pour l’essentiel, des unités de tonnage apprécié et sur des indices pourtant très faibles158, comparativement à ceux dont on dispose pour la seconde phase longue d’expansion159.

177Puisque les mouvements volumétriques, construits sur un repérage unitaire individuel, demeurent la ligne de force d’une construction, autour de laquelle tout vient s’ordonner, l’amélioration sensible de la précision, avec laquelle ces mouvements sont saisis, constitue, peut-être, une des acquisitions méthodologiques majeures de cette période.

  • 160 Cf. ci-dessus, p. 287-288.
  • 161 Cf. t. VI1, tables 131, 132, p. 329-330 ; tables 134, 135, p. 332-333 ; tables 137-138, p. 335-336.
  • 162 Cf. t. VI1, table 137, p. 332. Sur 30 061 toneladas, les connus directement représentent 15 401 ton (...)
  • 163 Cf. t. VI1, table 137, p. 332, 30 620 toneladas, soit 13 790, 7150 et 9 680 toneladas, des proporti (...)
  • 164 Cf. t. VI,, table 137, p. 332. Pour 45 042 toneladas plus des deux tiers de connus directement, 30  (...)

178Cela n’apparaît pas, clairement, de prime abord. La proportion entre connus, connus directement, connus indirectement et évalués progresse, d’abord, lentement, à l’avantage des connus. La situation des deux premières fluctuations vraies de la seconde demi-phase longue d’expansion 1560-1563 et 1564-1571 n’est pas tellement meilleure que ne l’est celle, sous cet angle, des fluctuations de la récession intercyclique ou de l’ensemble de la période 1551-1571, que l’on peut considérer, on l’a vu, comme étant la récession dans son acception la plus large. Il faut attendre 1564-1571 pour qu’une amélioration sensible de la situation soit notable : pour les Allers, 6,5 % de connus directement, 33,4 % de connus indirectement, mais 60,1 % encore d’évalués, contre 85,2 %, il est vrai, de 1551 à 1554 ; 6,1 %, 26,9 % contre 67 % pour les Retours, contre 78,5 % d’évalués de 1551 à 1554 et en Allers et retours, 6,2 %, 30,5 % contre 63,3 % d’évalués et 82 % de 1551 à 1554160. Les proportions respectives des connus directement et indirectement s’accroissent sensiblement161 de 1571 à 1579, à peu près au même rythme. A partir de 1580, tout change. En 1580, pour la première fois, les connus directement, à eux seuls, l’emportent sur les connus indirectement et les évalués réunis, soit 51,2 % du total162. En 1582, les évalués ne font plus guère que 30 % du total163. Puis, on arrive à des années, où, comme 1593, les connus directement représentent les deux tiers du total, tandis que les connus indirectement et les évalués se partagent, presque également, le tiers restant164.

  • 165 Cf. t. VI1, tables 131-132, p. 329-330.
  • 166 Cf. t. VI1, tables 134135, p. 332-333.
  • 167 Cf. t. VI1, table 138, p. 336, cas typique de 1644, où sur les 20 153 toneladas du mouvement Allers (...)

179Ces progrès sont beaucoup plus sensibles, naturellement, en Allers165 qu’aux Retours166. En Allers, on arrive, déjà, au cours de certaines années favorisées, à des proportions de quelque 80 % de connus directement, comme en 1593 ou 1594. Certes, les proportions ne sont pas encore ce qu’elles seront à la fin de la grande dépression167. On s’approche, toutefois, de très près, des proportions moyennes pour l’ensemble du mouvement : 50 % de connus directement, 20 % de connus indirectement et 30 % d’évalués.

  • 168 Cf. t. I, p. 302 et suiv.

180Et puisque la solidité168 des tables d’équivalence qui permettent d’obtenir la conversion d’indications précises en tonnages indirectement connus, puisque la richesse et la valeur des indices qui conduisent, après examen individuel de chaque unité de voyage, à une évaluation, dépendent étroitement du volume global des connus, terme de référence, on voit à quel point, par ces pourcentages, toute la masse de chiffres, sur laquelle on s’appuie, se trouve renforcée jusqu’à la dernière décimale. Les arêtes du mouvement seront dessinées, dorénavant, avec une netteté qu’on ne pouvait espérer dans les périodes précédentes.

5. Le mouvement-valeur et les marchandises

  • 169 Voir comment les séries de la Vera Cruz et de Nombre de Dios-Puerto Belo, s’épaulent et s’emboîtent (...)
  • 170 Cf. t. VI1, tables 198-199, p. 414-416.
  • 171 Cf. t. VI1, tables 200-201, p. 418-420.

181C’est à partir de 1561, enfin, également, qu’on possédera, acquisition de poids, au prix, tout au plus, de quelques extrapolations légitimes, doublant d’une manière continue le mouvement-volume, un vrai mouvement en valeur. Outre ce que fournit l’almojarifazgo des grands ports des Indes169, nous avons, désormais, une avena continue, pour les Allers, depuis 1566170, pour les Retours, après l’utile appréciation référence de 1560, à partir de 1570171. Presque toute la seconde demi-phase longue d’expansion est éclairée par une connaissance précise et relativement valable du mouvement en valeur.

  • 172 Cf. t. I, p. 224 et suiv.

182On disposera, désormais, pour l’analyse du cycle économique, d’instruments plus efficaces, d’un scalpel plus tranchant qui permet de disséquer plus profondément. Sous cet angle, non seulement la deuxième demi-phase longue d’expansion est incomparablement mieux placée que les deux grandes articulations conjoncturelles longues qui la précèdent, mais elle est mieux éclairée dans une large mesure aussi, que la grande dépression, au-delà de 1608-1610. Puisque la fraude agrandit, au xviie siècle, de plus en plus, le hiatus qui sépare la réalité du mouvement valeur et son approche fiscale et parce qu’au-delà de 1638, avec la désorganisation définitive d’une avena en marche vers l’indult172, ce moyen de connaissance vient totalement à manquer. Pour la possession, parallèlement à un mouvement volumétrique qui demeure la clef de l’ensemble, d’un mouvement-valeur d’appui, presque sûr et continu, la seconde demi-phase longue d’expansion de 1559 à 1608/1610 se trouve mieux placée qu’aucune autre grande articulation conjoncturelle de 1504 à 1650.

  • 173 Cf. t. I, p. 185 et suiv.
  • 174 Cf. t. VI2, tables 669 à 759, p. 980-1034.
  • 175 Cf. t. VI2, table 674, p. 988.

183Parallèlement à cette connaissance, la possession, désormais, d’une ventilation spécifique détaillée du mouvement Retours est l’autre fait majeur. La connaissance des marchandises au Retour est liée, en effet, à l’énorme travail de contrôle et d’enquête menée par la Casa de la Contratación, pour asseoir et lever l’averia et les impôts ad valorem qui lui sont liés173. La chronologie de ces mouvements marchandises recoupera donc, nécessairement et à peu de choses près, celle des mouvements valeur tirés de l’averîa. La plupart de ces mouvements commence, dans nos statistiques174, entre 1561 et 1570, parfois plus tard, elles dépassent rarement 1620, atteignent, tout à fait exceptionnellement, 1643, pour l’indigo, par exemple175. Les mouvements des marchandises sont, pour plus des quatre cinquièmes, au moins, de leur étendue, enfermés dans les limites chronologiques de la seconde demi-phase longue d’expansion. Le gain qu’une telle connaissance apporte à l’analyse conjoncturelle lui appartient donc, essentiellement.

6. Les séries de la correspondance de la « Casa de la Contratación »

  • 176 Cf. t. I, p. 252 et suiv.

184La possession du mouvement-valeur et de la ventilation spécifique des marchandises sont liées, nous l’avons vu, à la conservation des papiers, tous plus ou moins directement issus des services de la Casa de la Contratación. Gr, c’est à partir de 1558 que l’on possède, désormais, les principales séries de la correspondance de la Casa de la Contratación176 On aura, donc, à côté des seules séries chiffrées, un commentaire de jurisprudence, qui les rendra pleinement intelligibles. Sous cet angle, également, la seconde demiphase longue de 1559 à 1608/1610 se trouve infiniment mieux placée, infiniment mieux éclairée qu’aucune des périodes qui la précèdent, voire mieux éclairée que la phase de la contraction. On peut considérer, en effet, que le travail d’information de la Casa de la Contratación perd de son efficacité, à partir de 1630, lors de la grande débandade administrative de la grande récession.

7. Les prix

  • 177 Prix hollandais, notamment, depuis 1585, très sporadiques, il est vrai, avant 1620,..., et qui ont (...)

185Dernière supériorité de cette seconde demi-phase longue d’expansion sur la première moitié du siècle : les prix. Sans faire intervenir d’autres séries177 que celles des prix espagnols, — il faudra, pourtant, y recourir, à titre de contrôle, ne serait-ce que pour démêler des influences plus lointaines —, la précision des indices des prix espagnols de Hamilton est incomparablement plus grande dans l’espace de la seconde demi-phase longue d’expansion qu’elle ne le fût jamais pour les périodes précédentes.

  • 178 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 198 et 215.

186De 1559 à 1608/1610, les trois séries de renfort, Valence, Vieille-Castille/Léon, Nouvelle-Castille, sont désormais complètes. Pour la Nouvelle-Castille, étant donné la relation étroite vérifiable qui lie cette série, les prix andalous et les faits qui ont l’Atlantique pour théâtre, cette continuité est loin d’être négligeable. Mais l’innovation, l’invention de ces temps nouveaux réside dans la solidité, désormais, attestée de la série andalouse par rapport aux grandes articulations conjoncturelles précédentes. Pour un laps de temps de 50 à 52 ans (de 1559 à 1608 ou de 1559 à 1610) 40 ou 42 indices ont pu être calculés par Hamilton178, douze années, seulement, restent vides, et c’est, naturellement, un gain précieux.

187D’autant plus précieux que chaque indice repose, désormais, sur des séries plus longues de marchandises de base, dont les indices, le cas échéant, pourront être, eux-mêmes, utilisés. Ces séries pourront inclure, pour les prix andalous du début du xviie siècle, jusqu’à 92 produits. On appréciera mieux, ainsi, dans ce domaine, comme dans tous les autres, l’ampleur des progrès réalisés.

PLAN CYCLIQUE DE LA PÉRIODE

188Il faudra tenir compte de toute cette richesse accrue dans le plan cyclique aux articulations simples qu’on suivra désormais.

189On distinguera cinq grandes fluctuations décennales majeures — elles se divisent elles-mêmes, les vibrations dues à l’adaptation du système des convois mises à part — en un certain nombre de fluctuations plus courtes qui les engendrent.

190Un cycle de douze ans couvre la période 1559-1571.

191Un cycle de palier, après l’ardente grimpée qui a aboli toutes les séquelles d’une dépression désormais bien effacée, va, en huit ans, de 1571 à 1578.

192Le très grand cycle de l'Invincible Armada, au dessin particulièrement vigoureux, englobe la vaste période qui court de 1578 à 1591/1592.

193Le cycle qui suit est tout aussi bien dessiné, partant du creux 1591-1592, pour atteindre — après passage en 1600/1601 au sommet des trafics et des prix — le creux de 1603-1604.

  • 1 Tel s’impose le découpage logique de la seconde phase longue d’expansion. Les besoins de l’exposé e (...)

194Enfin, la première phase ascendante, de 1603-1604 à 1608-1610, du grand cycle charnière du renversement, au sommet du mouvement, de la tendance majeure, va du creux de 1603-1604, au creux symétrique de l’année 16131.

Notes

1 T. VII, p. 50-51, 54-55 et pour le mouvement unitaire, à titre de comparaison nécessaire, p. 72-73.

2 Cf. t. VI1, tables 144 à 158, p. 342-355.

3 Cf. t. VII, p. 42 à 55.

4 Les résultats seront probants, même, sur le mouvement unitaire moins favorable, pourtant, mais plus objectif encore. On passe, en Allers, des 94 navires de 1557 (on a vu, d’ailleurs, qu’il s’agissait du mouvement de deux années artificiellement bloqué en un an) aux 100 de 1565,116 de 1572,148 de 1586,150 de 1594,151 de 1596,140 de 1601 et 202 de 1608..., en se bornant à quelques points, seulement, particulièrement caractéristiques.
On passe, en Retours, de 52 navires en 1558, à 63 navires en 1561, 63 en 1564, 76 en 1566, 71 en 1573, 86 en 1584, 98 en 1587,100 en 1589,100 en 1591,101 en 1595,102 en 1600, 89 en 1602, 80 en 1605, 81 en 1608, 95 en 1610, 96 en 1612.
En Allers et retours, on passe, dans les mêmes conditions, des 136 navires de 1557 aux 151 de 1561, 180 de 1572, 161 de 1584, 213 de 1586, 217 de 1589, 219 de 1593, 238 de 1596, 210 de 1600, 187 de 1602, 173 de 1606, 283 de 1608.

5 Si on se borne, par exemple, sur les tonnages en unités pondérées (t. VI1, tables 141 et 142, p. 339-340), aux seules années que nous avons, après analyse, retenues comme des années de creux cycliques importants (à l’échelle de la fluctuation décennale), on arrive aux résultats suivants :
En Allers, on passe des 5 925 tonneaux de 1559 au 9 299 tonneaux de 1571,10 966 tonneaux de 1578, 10 250 tonneaux de 1591 et 17 921 tonneaux de 1603. En Allers et retours, on passe, dans les mêmes conditions, des 9 210 tonneaux de 1559 aux 20 389 tonneaux de 1571, 21 937 tonneaux de 1578,16 020 tonneaux de 1592 et 27 453 tonneaux de 1604. Mais on obtiendrait encore des lignes assez régulièrement ascendantes, en prenant tous les points creux de rebroussement et non plus seulement les points bas de la fluctuation décennale.
Sur les Retours, même sans moyennes mobiles, on a, en chiffres vrais, une progression entre les creux cycliques majeurs de 1559,1569 et 1578, avec 3 285, 3 912 et 10 971 tonneaux, entendez, en gros, dans cette première période de paix relative, avant que la guerre contre les Anglais et les Gueux ne vienne superposer aux respirations économiques les à-coups d’une navigation de plus en plus difficile.

6 On passera, ainsi, sur le mouvement Allers, en se bornant à l’essentiel : des 12 180 tonneaux de 1557 (mais dont on a vu qu’ils bloquaient en un an, le mouvement, pratiquement, de deux années), aux 10.260 tonneaux de 1562,14 610 de 1565,15 989 de 1567,15 423 de 1569 22 819 de 1572, 18 357 de 1574, 18 933 de 1576, 19 418 de 1582, 21 698 de 1584, 33 270 de 1587, 31 507 de 1588, 25 310 de 1590, 29 164 de 1594, 31707,5 de 1597, 25 405,5 de 1599, 35 235,2 de 1601, 27 458 de 1605 et 54 093 de 1608.
Pour es Allers et retours, même progression d’une assez grande régularité : depuis les 17 295 tonneaux forcés de 1557, on s’élève à peu près normalement aux 17 957 de 1561,22 717 de 1567, 23 335 de 1569, 33 964 de 1572, 28 922 de 1574, 28 646 de 1577, 41 384 de 1584, 48.555 de 1586, 42 613 de 1589, 45 042 de 1593, 50 119 de 1596, 55 866 de 1600, 52 104 de 1602, 54105 de 1605, 72 800 tonneaux de 1608.
On établira, en partant des tables 141 et 142 (t. VI1, p. 339-340), une progression sensiblement aussi valable sur le mouvement Retours.

7 Cf. t. VI1, tables 150 à 158, p. 347 à 355.

8 Avec passage de 9 460,003 (1562), 9 225,087 (1563) à 10 195,235 (1554), t. VI1, table 151, p. 348.

9 Soit une leçon parfaitement conforme à la leçon du mouvement produit dans son découpage annuel.

10 Avec passage de 7 408,69 tonneaux (1561) à 7 736,79 tonneaux (1562).

11 Avec passage de 16 874,44 (1561) à 16 967,69 (1562).

12 On notera la supériorité dans cet aspect de l’étude de la conjoncture de la moyenne médiane sur la moyenne arrière. Une moyenne arrière donnerait, ici, l’impression erronée de situer la reprise eu 1564 et 1565.

13 T. VI1, tables 151, 154,157, p. 348, 351, 354.

14 Ce qui corrobore les remarques déjà faites (cf. ci-dessus p. 326) sur la localisation vraie du creux de la vague dans la première moitié de la fluctuation de la dépression, de 1554 à 1556.

15 Des résultats identiques sont obtenus, à quelques nuances infimes près — il est commode de le vérifier — avec d’autres moyennes mobiles et en partant des chiffres du mouvement en unités non pondérées. Avec des moyennes mobiles médianes de onze ans en imités non pondérées (t. VI1, table 144, p. 342), le point de rebroussement sur les Allers se situe, presque idéalement, entre 1558 et 1559, le point haut de 1550 est égalé et dépassé pour la première fois en 1564.
En Retours, dans les mêmes conditions (t. VI1, table 145, p. 343), point de rebroussement entre 1557 et 1558, point haut précédent de 1551 égalé et dépassé seulement en 1564. En Allers et retours, point de rebroussement d’une manière absolument idéale, entre 1559 et 1560, point haut de 1551 égalé et dépassé, seulement en 1564.
Toutes les expériences qu’on pourrait faire, dans des conditions analogues, corroboreraient parfaitement le fait qu’il convient bien, pour l’ensemble des mouvements volumétriques, de placer entre 1559 et 1560, à la charnière évidente de deux fluctuations non moins évidentes, le retour à une conjoncture longue d’expansion. Nous le savons, grâce au recul dont nous disposons. Les contemporains, pourtant, n’en ont eu la certitude tout de suite. La prise de conscience doit se situer, pratiquement, au point de rebroussement d’une moyenne mobile longue (une moyenne contra cyclique de 11 à 13 ans) arrière.

16 Cf. t. VI1, table 139, p. 337. — 612 navires de 1591 à 1595 (assez paradoxalement, pour 97 569 toneladas, fléchissement du tonnage unitaire moyen, conséquence de la saignée en gros navires consécutive aux prélèvements et à la perte de l’Invincible Armada), 608 de 1596 à 1600, contre 284 seulement de 1556 à 1560, et 581 de 1606 à 1610.

17 Avec 384 navires et 965 contre 265 et 549 de 1556 à 1560. Cf. graphiques, t. VII, p. 72-73.

18 202 navires d’Allers, 283 en Allers et retours. En Retours, par contre, le record du mouvement unitaire, 102 navires en 1600, ne sera jamais plus égalé.

19 Cf. t. I, p. 144.

20 Cf. t. VI1, table 155, p. 352.

21 On peut comprendre le comportement de la courbe, en se reportant aux semi-décadaires (t. VI1, table 143, p. 341). On y voit, d’un seul coup d’œil, le décalage, au demeurant, très naturel entre le mouvement Retours et le mouvement Allers. Le décalage du mouvement Retours par rapport au mouvement Allers est particulièrement sensible au moment du renversement de la tendance majeure, tout comme il l’est, en général, au moment du renversement de la conjoncture cyclique. On s’en expliquera (cf. t. VIII2bis, p. 882 sq.), le moment venu.

22 Avec 32 773,2 tonneaux sur la série en unités pondérées (t. VI1, table 142, p. 340). Dépassé une fois seulement en 1630, avec 34 677,6 tonneaux, mais il s’agit d’un point haut isolé, résultant d’un effet cumulatif (t. VIII2, p. 1664-1672), donc, nullement comparable.

23 T. VII, p. 51.

24 Cf. ci-dessous t. VIII2bis, p. 852-919.

25 Cf. t. VI1, table 152, p. 349.

26 Cf. t. VI1, ibid. La pointe de 1617 ne dépasse pas 28 209,95. Là, plus d’hésitations.

27 Cf. t. VI1, table 158, p. 355.

28 Tous ces raisonnements resteraient pleinement valables et avec moins d’ambiguïté, encore, en faveur de 1608-1610, en s’appuyant sur des séries en unités non pondérées et sur toutes autres séries de moyennes mobiles. Cf. t. VI1, tables 144 à 149, p. 342 à 346.

29 Cf. t. VI1, tables 198 sq., p. 414 sq.

30 Tout au plus, un rebroussement avancé, peut-être, de quelques années — mais les prix, ici, sont en cause. Puis une seconde expansion, le long des années 20, qu’il est difficile de dissocier totalement d’un début d’inflation billonniste.

31 Cf. ci-dessous p. 1245, 1289, etc..

32 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cité, p. 403.

33 Cf. t. VI1, tables 161-164, p. 359-363.

34 T. VII, p. 54-55.

35 Des moyennes plus courtes, de cinq ans, trois ans ou, à plus forte raison, deux ans, ferait apparaître, toutefois, cette récession relative du demi-siècle. L’expérience en est facile à faire.

36 Ne cédons pas, toutefois, à la tentation de grossir, pour les besoins de la cause, l’ampleur du palier de 1549-1556. Il en existe trois, au moins, d’ampleur égale, de 1531 à 1537, de 1575 à 1578 et, dans une moindre mesure, de 1565 à 1570. Chacun de ces accidents est accompagné de perturbations sur les trafics. L’accident des prix de 1549 à 1556 est celui qui est accompagné du plus gros accident sur les trafics.

37 Le chiffre est, pourtant, dépassé, une fois, lors de la grande ère de la dépression, en 1629 (145,80), mais il s’agit, manifestement, d’un accident (l’indice, d’abord, est isolé entre deux niveaux très différents) ; il est incontestablement lié, d’autre part, à une décision monétaire, le grand coup de frein donné à l’inflation en 1629. Les prix-monnaie métal, en période d’inflation, ne l’oublions pas, sont, en grande partie, une vue de l’esprit. Ne pas tenir compte du prix-métal est dangereux, mais en tenir compte trop servilement ne l’est pas moins. La pointe de 1629 peut être éliminée du raisonnement, parce qu’elle est isolée et due, manifestement, à un coefficient de conversion de la monnaie vraie en monnaie métal, appliqué trop brutalement (mais il y a pas moyen d’agir autrement). La conversion n’est valable qu’en gros.

38 Cf. ci-dessous t. VIII2bis, p. 852-919.

39 Cf. t. VI1, table 13, p. 168.

40 Cf. t. VI t, table 139, p. 337, de 549 à 965 navires ; de 215 % pour les Allers, de 284 navires, en 1556-1560, à 612 en 1591-1595 (581, seulement de 1606 à 1610) ; de 145 % pour les Retours entre 1556-1560 et 1606-1610, en passant de 265 à 384 navires.

41 Pour le mouvement global Allers et retours, le taux de croissance calculé dans les mêmes conditions est, respectivement, de 360 % en Allers, et 425 % en Retours.

42 Le progrès du tonnage unitaire — bien que ralenti — s’est poursuivi, sans interruption, lors du creux de la récession intercyclique du demi-seizième siècle. La tendance récéssionniste a donc été assumée par la seule réduction, il est vrai, draconienne, du nombre des voyages navires mis en cause, contrecarrée, dans une certaine mesure, par l’accroissement ralenti mais continu du tonnage unitaire des navires.

43 Cf. t. VI1, table 13, p. 168, tables 139, p. 337 et table 143, p. 341. T. VII, p. 72-73.

44 Cet accroissement, qui se poursuit par l’élimination progressive des petites unités, freine, comme il l’a fait déjà de 1551 à 1560, lors de la récession courte du demi-siècle, partiellement, la prodigieuse débandade du trafic, au-delà de 1620.

45 Il le fait efficacement jusqu’en 1630. Au-delà, il ne peut pratiquement plus rien. Le facteur a, d’ailleurs presque cessé de jouer. On peut considérer que le plafond du tonnage unitaire est virtuellement atteint entre 1626 et 1630.

46 En prenant comme base de calcul, les mouvements semi-décadaires (cf. t. VI1, table 143, p. 341,) découpage grossier, mais robuste et commode.

47 Cf. t. I, p. 144 sq.

48 Tels, par exemple, les chiffres en toneladas de la table 139 (t. VI1, p. 337) compris dans le découpage 1506-1510 à 1546-1550 ; 1546-1550 à 1606-1610.

49 570 % en quarante ans contre 180 % en soixante ans.

50 Cf. ci-dessus p. 358.

51 Comparons, par exemple, des pointes d’expansion cyclique. Pour les Allers, on mettra en regard les 82 et 94 navires de 1555 et de 1557 (dont on a vu — cf. ci-dessus p. 333-336—la position cyclique), les 11 550 et les 12 180 tonneaux correspondants en unités pondérées et quelques-uns des points d’expansion cyclique des décades du sommet, les 148 navires de 1586, 135 de 1588, 146 et 150 de 1593 et 1594, 151 de 1596, 140 de 1601, 202, surtout de 1608, 138 de 1609, 106, 125 et 115 de 1617 à 1619, et les tonnages correspondants en imités pondérées, 33 270, 31 507, 27 815, 29 164, 31 707,5, 35 235,2, 54 093,6, surtout de 1608, 32 536,8, 30 634,8, 27 276 et 28 090,2 tonneaux. Entre les niveaux d’expansion du creux et celui, record, de 1608, le dénivellement est de 450 %, 220 %, encore, sur le mouvement unitaire. Les coefficients d’expansion calculés précédemment sur le mouvement semi-décadaire sont conservés.
Pour les Retours, on mettra en rapport, d’un côté, les 62 et 73 navires de 1555 et de 1556, voire les 52 navires de 1558, et pendant la bonne période, au sommet du mouvement, à la fin du xvie et au début du xviie siècle, les 100 navires de 1589 et de 1591, les 101 de 1595, les 102 de 1600,89 de 1602,95 de 1610,96 de 1612,93 de 1624, et surtout les tonnages : 7 627,5, 9 105, voire 6 675, d’une part et en face, 12 541,19 003,25 397, 30 774,7,27 914,7, 32 773,2, 27 091,2, 29 709,6 tonneaux. Le dénivellement, dû, dans une proportion écrasante à la modification du tonnage unitaire moyen, reste sur l’expression la plus générale du mouvement volumétrique de l’ordre, très exactement de 400 %.
Mêmes résultats, avec les globaux, Allers et retours. On mettra, d’un côté, les 143 et 146 navires de 1555 et de 1557, de l’autre, les 180 navires de 1572,213 de 1586,190 et 217 de 1588 et 1589, 219 de 1593, 229 et 238 de 1595 et 1596, 210 de 1600,187 de 1602, 283 et 212 de 1608 surtout et de 1609, 201 de 1610, 196 de 1624. Soit au total, en tonnage, 19177,5 et 17 295 tonneaux, d’un côté, face à 33 964,3, 48 555, 41 397 et 42 613, 45 042, 40 457 et 50 119,3, 55 865,7, 52 103,7, 72 800,4 tonneaux surtout en 1608 et 59 066,4 en 1609, 65 713,2 en 1610 et en 1924, encore, 60 732 tonneaux. Sur l’expression la plus générale du mouvement volumétrique, l’expansion reste encore, de 1555 à 1608, de l’ordre de 350 à 360 % et sur le mouvement unitaire du simple au double.
Ces chiffres corroborent, donc, bien ceux qui ont été calculés, en partant des mouvements semi-décadaires. Cette homogénéité n’allait pas de soi ; elle prouve que l’ampleur des expansions cycliques par rapport à la moyenne des mouvements est sensiblement identique, pendant la plus grande partie des xvie et xviie siècles ; une grande constance et une égale vigueur, donc, de la vibration cyclique. Ce que montrent, par un autre procédé, les tables 162-164 (t. VI1, p. 361-363 et t. VII, p. 52-53)..
Une comparaison analogue entre les creux cycliques risquerait, étant donné la part de l’accidentel de mer et de guerre, de ne donner aucun résultat valable. Le creux cyclique est, en effet, plus difficilement dégagé de tout caractère aberrant, extra économique. Il faut, dans ce cas, procéder à une première ventilation. C’est pourquoi une comparaison analogue faite entre des séries de moyennes mobiles de deux, voire même de trois ans, donnerait des résultats qui viendraient épauler les résultats obtenus, avec les niveaux bruts des sommets cycliques, méthode de caractère beaucoup plus objectif.
On pourrait multiplier les calculs de pente, soit sur chiffres bruts, soit sur chiffres faiblement rabotés. A la seule condition de se placer à des moments à peu près comparables du cycle..., on arriverait à des confirmations des pentes précédemment calculées.
Ces pentes correspondent bien, par conséquent, à une réalité objective.

52 Elles susciteront d’autant moins d’inquiétudes qu’elles confirmeront les précédentes approches sur données brutes.

53 Cf. t. VI1, tables 150 à 158, p. 347-355.

54 On ne peut retenir, par exemple, les coefficients que l’on serait tenté, peut-être, de calculer sur les moyennes de cinq ans (de 7.030 à 33.080 en Allers, entre 1558 et 1610, de 6.249 à 24.134 en Retours, de 13.366 à 58.619 en globaux, allers et retours). Il faudrait, en effet, sur les moyennes de cinq ans (qui abolissent la fluctuation comte, mais maintiennent le cycle décennal) introduire, à nouveau, comme pour les chiffres vrais ou les moyennes très courtes (deux et trois ans), une préoccupation supplémentaire, celle de la position cyclique des années comparées entre elles. Cette précaution prise, le raisonnement peut être fait. Il donne, alors, une confirmation supplémentaire utile.

55 Cf. ci-dessus p. 49 et 369.

56 Cf. t. VII, p. 4243 et 54-55.

57 Les graphiques des mouvements des pages 4243 (t. VII), ne troubleront pas plus, finalement, la réalité, que ceux des pages 52-55, ceux des pages 66-67, que ceux des pages 68-69. La vérité inclut l’une et l’autre représentation, l’arithmétique et la logarithmique.

58 L’étude des séries statistiques des principales productions à cheval entre le second xixe siècle et le premier xxe siècle.

59 On l’admettra, je suppose, d’autant plus volontiers, que la science et derrière elle la pensée philosophique de notre temps nous inclinent de plus en plus, à considérer qu’un changement de niveau peut, dans une certaine limite — à condition de dépasser un certain seuil, dont la fixation est encore le plus souvent mystérieuse — impliquer un véritable changement de nature.

60 Henri Guitton, Les fluctuations économiques, Paris, Recueil Sirey, 1951, gr. in-8o, xvl-648 pages.

61 On peut montrer, entre autres, cette originalité — elle n’est pas purement verbale — par une comparaison avec le trafic dans le Sund, tel qu’il résulte des chiffres de Nina Bang (op. cit.). Si l’on se reporte, en effet, aux moyennes annuelles du mouvement unitaire — les seules que l’étude de Nina Bang permet d’atteindre — on notera, entre le premier xvie siècle (moyenne annuelle de 1497 à 1547 : 1 336 navires) et le troisième quart du xvie siècle (moyenne annuelle de 1574-1579 : 4 300 navires), une accélération qui n’est pas sensiblement inférieure à celle que nous avons observée, dans les parties les plus accélérées du mouvement (à supposer, naturellement, une certaine stabilité du tonnage unitaire des navires ; étant donné, toutefois, les conditions et l’ancienneté de la navigation à travers le Sund, ce que Nina Bang laisse entrevoir, à ce propos, et le raisonnement par analogie que constitue, pour nous, le mouvement avec les îles, cette relative stabilité représente, faute de mieux, une hypothèse raisonnable).
Mais, au-delà de cette période de brutale accélération — d’accélération comparable à celle de l’Atlantique de Séville — le dernier quart du xvie siècle apparaît comme une zone d’accélération fortement ralentie. Il suffit de comparer, d’une part, la pente entre 1557-1558 (moyenne annuelle : 2 251 navires) et 1574-1579 (4 300 navires), soit un doublement en vingt-cinq ans et d’autre part, la pente des vingt ans qui viennent, de 1574-1579 (moyenne annuelle : 4 300 navires) à 1590-1599 (moyenne annuelle : 5 623 navires). La pente n’est plus, déjà, dans le dernier quart du xvie siècle, que de 30 %, à peine. La tendance majeure, en outre, se retourne délibérément dès la fin du xvie siècle (1600-1609 : 4 525 ; 1610-1619 : 4 779 ; 1620-1629 : 3 726 ; 1630-1639 : 3 383 ; 1640-1649 : 3 499 ; 1650-1657 : 3 015). Et, du point de vue qui nous intéresse, présentement, on aura seulement retenu que si, lors de ses belles époques, en l’occurrence, ici, celle du troisième quart du xvie siècle, le trafic dans le Sund connaît des phases d’accélération comparables à celles de l’Atlantique de Séville, il est incapable de les maintenir pendant, plus d’un quart de siècle. Et Séville, par ce biais, aura recouvré, une fois de plus, son intrinsèque originalité (cf. Nina Bang, op. cit., I, p. x).

62 A noter — au risque de se répéter — que ce rythme nous aurait totalement échappé, si attentifs aux sollicitations de la facilité et comptant trop sur les vérités mirifiques du « l’un portant l’autre », on avait renoncé à l’appréciation, un à un, des tonnages.

63 Cf. t. VI2, tables 162-164, p. 361-363, colonne no III.

64 Le terme du palier médian des prix et ce point de départ de l’équivalent de la deuxième demi-phase longue d’expansion.

65 Cf. ci-dessous p. 890-891.

66 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., et plus particulièrement, le graphique extrêmement suggestif de la page 301.

67 Il est facile de sourire et nous ne jouerons pas les procureurs complaisants. Le procès des théories quantitatives de la monnaie a été fait. Il n’y a guère à y revenir. Les théories quantitatives, toutefois, comme toutes les théories utiles, rendent compte, d’un certain nombre de faits ; celles-ci, grossières, nous le concédons, sont aptes à lier, seulement, des faits en portée et nombre limités. Mais l’histoire économique de la modernité n’a pas encore réuni une moisson suffisante de séries chiffrées telle qu’elle ait besoin, pour intégrer dans un système rationnel ses maigres moissons riches, surtout, en promesses, de théories tellement plus complexes et de modèles tellement plus poussés que les vieilles théories quantitatives de la monnaie.
Que ces dernières soient dérisoires pour l’économiste d’aujourd’hui, travaillant sur les séries de l’ère de la statistique, ce n’est pas douteux. Mais cette condamnation n’englobe pas nécessairement leur utilisation, prudente et modérée, par l’historien économiste de la modernité. Elles peuvent, pour les époques de pénurie, rendre quelques-uns des services qu’elles auront rendus, naguère, aux temps héroïques de la science économique, utiles, à condition, toutefois, que le recours ne soit pas sans humour, sans une parfaite conscience et connaissance des limites de ce piètre secours.

68 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 34 et 35.

69 Tome VI1, tables 130 à 142, p. 328-340, t. VII, p. 50-51.

70 Cf. ci-dessus, p. 299-317.

71 Cf. ci-dessus, p. 324-336.

72 Cette demi-décade accuse des retours, de 9 865 531 pesos à 450 maravedís, de 1551 à 1555, contre 5 508 711 pesos, de 1546 à 1550.1551-1555 est, virtuellement, à 180 % de la demi-décade précédente. Soit,...mais sur les séries semi-décadaires (t. VI1, tables 139 et 143, p. 337, 341) du volume global des navires dans l’Atlantique de Séville, 1546-1550 est, virtuellement, à 150 % de 1541-1545. Compte tenu de la chute constante du pouvoir d’achat de l’argent — entendez révolution des prix — on n’est pas loin de pouvoir écrire : 150 % en données invariables, 180 % en données mouvantes. Même décrochage, donc, mais normalement décalé de cinq ans. La marche d’escalier du trafic entre 1541-1545 et 1546-1550 se retrouve sur les trésors entre 1546-1550 et 1551-1555.

73 Cf. ci-dessus p. 280,328.

74 Cf. ci-dessus p. 370-371.

75 A supposer, toutefois, ce qui n’est pas tout à fait vrai, il s’en faut même de beaucoup, qu’il y ait eu une masse proportionnellement constante d’investissements des négociants sévillans en Amérique. Au fur et à mesure que l’on descend dans le temps, à partir de la fin du xvie siècle et des premières années du xviie, surtout, il semble que la proportion des non rentrées, pour des raisons de rendement ou de sécurité, ira en augmentant.

76 Sans que l’on puisse comprendre très bien pourquoi — en application des théories quantitatives impliquées par les travaux de Hamilton — le retournement des prix est décalé de dix ans (1595 pour les trésors et 1604 pour les prix) par rapport au renversement de la tendance des trésors.

77 Cf. ci-dessus p. 371.

78 Ici, nouvelle hésitation. Faut-il opposer aux 67 732,5 tonneaux (cf. t. VI1, table 143, p. 341) de 1556-1560, les 162 323 tonneaux de 1591-1595 (expansion de l’ordre de 240 %), ou les 191 589 tonneaux de 1586-1590 (expansion de l’ordre, dors, de 285 %) ? La seconde solution est, vraisemblablement, la meilleure. Les fortes rentrées en trésor de 1591-1595 correspondent à la pointe des trafics dans la demi-décade précédente. On s’est trouvé, déjà, en présence d’un phénomène analogue, entre 1546-1550 et 1551-1555. Les causes en sont, ici, les mêmes et il suffit de renvoyer à l’analyse qui en a été donnée, alors.

79 Cf. de nombreuses données dans les notes aux tableaux des t. III à V.

80 Cf. t. VI1, tables 198-229, p. 414-474 et plus particulièrement, table 200, p. 418. Que l’on se reporte, par exemple, au seul taux de l’avería perçue sur les arrivées venant des Indes, taux de 1,5 % en 1560..., il ne dépasse qu’exceptionnellement 2 % jusqu’en 1585, il passe brusquement à 8 % en 1591. Il est, a priori, impossible — et les textes le prouvent — que, toute question même de marges de tolérance mise à part (cf. t. I, p. 88 sq.), la fraude ne se soit pas brusquement accrue, à partir de 1591, au moins. La fraude finira par prendre de telles proportions qu’elle rendra, à la limite, illusoire toute tentative de mesure du mouvement en valeur, valorisant d’autant un mouvement volumétrique indiscutable, intangible..., seul recours, pratiquement, à la fin comme au début de cette étude.

81 Sous l’action de l’aggravation de la fiscalité consécutive à la reprise de la guerre, sous l’action de l’assimilation progressive de la Casa par les intérêts du négoce.

82 Cf. ci-dessus p. 852-919.

83 Mais pas uniquement, bien sûr ; il y a, d’abord, le volant des trésors publics. Ils constituent — les calculs de Hamilton le montrent — le quart de l’ensemble des importations officielles de métaux précieux. Ils en sont comme le volant, reproduisant, en effet, mais en les atténuant très considérablement, au xviie siècle, surtout, les fluctuations de la masse globale. Ces trésors publics sont constitués, en effet, par les excédents de l’administration au premier chef, le quinto sur la production minière, l’impôt le plus lucratif de tous ceux perçus aux Indes.
Une autre fraction non négligeable des trésors est formée par les biens, que les plus heureux des administrateurs et les plus puissants des colons expédient, parfois, vers l’Espagne, pour y vivre de leurs revenus. La littérature du siècle d’or a immortalisé le souvenir de ces enrichis prudents de l’aventure coloniale.

84 Cet exposé surprendra un peu, ici. Le lecteur des « Structures » y retrouvera l’écho de certains thèmes déjà abordés, sous un angle, il est vrai, différent. Mais il fallait donner à la « Conjoncture » une autonomie qui la rende intelligible, indépendamment des « Structures ». Ces perspectives sur un système dépassent le cadre de la seconde phase longue d’expansion à laquelle elles se trouvent rattachées. Elles arrivent au moment où elles nous apparaissent s’imposer. Plus tôt, elles eussent été inintelligibles, puisqu’elles résultent de l’analyse conjoncturelle. Plus tard, elles auraient fait défaut. Telles quelles, elles ne sont encore qu’une hypothèse de travail valable, un moment, sur laquelle nous ne nous interdisons pas de revenir, autant de fois qu’il sera nécessaire.

85 Cf. t. VIII1, p. 39-157.

86 Il ne s’agit pas, bien sûr, de se représenter le périple de Vasco de Gama comme porteur d’autant d’immédiates innovations commerciales qu’on le faisait, constamment, avant la Méditerranée de Fernand Braudel. Le trafic entre Europe et Extrême-Orient s’est maintenu par la Méditerranée jusqu’à la fin du xvie siècle, concurremment, parfois, à égalité avec le trafic nouveau de la route portugaise du Cap. Mais ces deux trafics se sont additionnés, tandis que, sous l’aiguillon d’une âpre concurrence, ils s’accroissaient unitairement. Le volume global double, triple, quadruple..., décuple, rapidement. Semblable changement d’échelle, équivaut — nous l’avons déjà dit — à un changement de nature. Et c’est bien ce qui se produit, tôt, au cours du xvie siècle, dans le domaine, porteur de conséquences multiples, des rapports est-ouest.

87 Cf. notamment, E. J. Hamilton, op. cit., 1350-1500.

88 F. Braudel, Cours au Collège de France, 1954 ; Robert C. West, The mining community in Northern New Spain. The Parral mining district, Berkeley, Los Angeles, 1949, in-8o, 10 pl., 10 cartes, 170 p. Bonne mise au point au début.
Frank C. Spooner, L’économie mondiale et les frappes monétaires en France (1493-1680) (Paris, A. Colin, Centre de Recherches historiques, « Monnaie, Prix, Conjoncture », no 4, in-8o, 545 p., 29 pl. graphiques et cartes), p. 13 sq.

89 Cf. t. VIII1, p. 39-157.

90 On notera, quand même, la valeur de la situation dans le temps de cette décade charnière 1550-1560. Elle est valable pour la Méditerranée, même, dans une large mesure. N’est-ce pas au-delà de 1560, par exemple, que la route méditerranéenne des épices, reprend victorieusement la lutte contre la route de l’océan Indien, comme l’a dit Fernand Braudel ?

91 Cf. ci-dessous p. 852-919 ; 1529-1569.

92 Cf. ci-dessous p. 1529 sq.

93 P. Chaunu, Pour un tableau triste du Mexique au milieu du XVIIe siècle. Le « Diario » de Gregorio Martin de Guijo, Annales E.S.C., 1955, no 1, p. 79-85.

94 Aucun de ces éléments-— cela va sans dire — n’est objectivement constant, aucun n’évolue, même, suivant une fonction linéaire. On manque encore d’études d’histoire dynamique et quantitative, pour être à même, non seulement d’en apprécier plus ou moins valablement la tendance et le rythme, mais de les mesurer, ce qui seul importe. Circonstance plus grave, il n’est pas certain qu’on disposera jamais, pour l’Ancien Régime de la mesure, d’une documentation suffisante pour y parvenir. On se limitera, donc, à des appréciations de valeur, à des jugements non chiffrables, mais à peu près sûrs.
Il est certain, par exemple, que la vitesse de rotation de la monnaie n’est pas constante. Il semblerait, même, qu’elle est ralentie, sinon toujours d’une manière absolue, mais relativement à un rythme d’accélération constant, en phase B, quand, pourtant, le stock monétaire, ou bien, reste stagnant, ou bien, ne s’accroît plus que d’une manière insuffisante. Elle ajoute, donc, Son action à celle des variations du stock et montre la vanité des conceptions purement quantitatives. Ce ralentissement de rotation des créances, par exemple, est vérifiable dans la Carrera. On pourrait montrer, vraisemblablement, qu’il en va de même de la population, dont le rythme d’accroissement ne doit pas rester étranger à la phase, même si d’autres facteurs tendent à en masquer l’effet... Autre secteur, enfin, qui n’est pas une constante : les obstacles à la réalisation d’un marché mondial sont toujours plus forts en B, avec leurs propensions prohibitionnistes ou protectionnistes, suivant le temps et le lieu, qu’en A, avec leurs propensions libérales ou libre-échangistes. Quant au volume saisi dans une économie d’échange, il est relativement plus faible — en valeurs absolues ou en terme de rythmes d’accroissement — en B qu’en A. Ce sont donc, là, de fausses constantes, mais le fait qu’elles évoluent toutes dans le même sens, celui de la contraction en B, de l’expansion en A, loin d’affaiblir l’argument en renforce la portée.

95 Cf. ci-dessus, p. 357-382.

96 Cf. ci-dessus p. 233-234.

97 Cf. ci-dessus p. 177-180.

98 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 34-43

99 Cf. ci-dessus p. 377-380.

100 Cf. ci-dessous t. VIII2 bis.

101 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 34.

102 Cf. t. I, p. 270.

103 Pas tout à fait, en vérité, puisque — on l’a vu — il y a concordance évidente entre 1546-1550 sur le mouvement volumétrique allers et 1551-1555 sur les importations de trésors (cf. ci-dessus p. 377). On aurait pu tenter de faire une conversion. On s’en est bien gardé pour simplifier la tâche et éviter l’introduction de raffinement qui, nécessairement, d’une précison très approximative, risqueraient de nous éloigner, plus sûrement, encore, de la vérité que ne le feront ces chiffres non ajustés tirés d’un découpage brut.

104 On laissera cette délicate pondération de côté pour le moment, puisqu’elle ne peut être résolue qu’au prix de longs efforts, pour se borner à l’évidente correction nécessitée par l’expansion des prix.

105 Cf. E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 403 et t. VI1, tables 162 à 164, p. 361-363

106 Le choix de l’indice moyen est très facile, grâce aux moyennes mobiles de treize ans (t. VI1, tables 164, p. 363, colonne III, d’après E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 403).

107 Toujours grâce aux moyennes mobiles de treize ans sur les indices composés des prix-argent de Hamilton (t. VI1, tables 162 à 164, p. 361-363,3e colonne) : 105 de 1561 à 1610 ; 75 de 1551 à 1560 ; 50 de 1503 à 1550.

108 Simplification..., car il faudrait — mais nous y avons renoncé car la différence eût été minime — pondérer une seconde fois, en fonction de l’inégal apport des trésors au cours de chaque unité de temps.

109 2 et non pas 2,6, comme on l’aurait fait, en partant du seul plancher des prix (indice 50), parce qu’on a voulu tenir compte, ici, pour éviter une distorsion évidente, de la très inégale répartition des masses de trésor, avant 1530 et après 1530.

110 En fait, sensiblement plus, à cause de l’accroissement de la fraude, plus qu’évidente en tant que facteur décisif de distorsion au-delà de 1595.

111 A fortiori, remarque précédente beaucoup plus valable encore que précédemment.

112 A fortiori beaucoup plus et beaucoup plus sûrement encore que précédemment.

113 Les remarques et les réserves exprimées dans les notes précédentes, sont valables, naturellement ici, pour les chiffres correspondants.

114 Cf. t.VI1, table 228, p. 474.

115 Ce phénomène entre même (cf. ci-dessus p. 900-919) dans le complexe causal qui permet d'expliquer au-delà de 1608-1610 le renversement de la tendance majeure.

116 Cf. t. VIII1bis, p. 1330-1335.

117 Cf. t. VI tables 226 à 229, p. 471-474 plus spécialement.

118 Saisies, compte non tenu, bien sûr, de la contrebande, des marges de tolérance de sous-évaluation, etc. Le danger est un peu moindre, peut-être, que pour les trésors, mais la ligne générale de la fraude est la même que pour les trésors.

119 Cf. t. VI1, table 226, p. 471.

120 Cf. ci-dessus, p. 235-237.

121 Cf. ci-dessus, p. 377-380.

122 Cf. t. VI1, tables 198 à 229, p. 414-474 et t. VI2, tables 544-600, p. 690-854.

123 Cf. t. VI1, tables 226-229, p. 471474.

124 Cf. t. III, p. 418419.

125 Cf. t. I, p. 310-312 ; t. VI1, tables 165-176, p. 364-375.

126 Ils peuvent agir ainsi, parce qu’ils appartiennent tous, a priori, à la catégorie des navires Sueltos. On voit mieux, donc, à la lueur des difficultés que l’on a, parfois, à classer les navires de cette catégorie, combien nôtre connaissance est redevable, en l’occurrence, à la navigation en convois qui nous rapproche des conditions actuelles de la ligne.

127 Cf. t. I, p. 285 sq.

128 Cf. t. VI1, tables 166-167, p. 365-366, et table 174, p. 373.

129 Cf. t. VI1, tables 169-170, p. 368-369 et table 175, p. 374.

130 Cf. t. VI1, tables 172-173, p. 371-372 et table 176, p. 375.

131 Cf. ci-dessus, p. 63-66, 84-88, 117-118... etc.

132 Cf. t. VI2, p. 487 à 854.

133 Cf. t. VI1, p. 380 à 391.

134 Cf. ci-dessous, p. 409-411.

135 Cf. t. I, p. 85.

136 Cf. t. I, p. 305.

137 Il est certain, pourtant, que les équipages ne sont pas insensibles à la conjoncture. Il y a, d’abord, phénomène quasi structurel qui traverse presque toute la Carrera, la crise endémique de matelots et de techniciens de la mer, qui tend, avec le progrès technique très lent, d’ailleurs, à réduire proportionnellement au tonnage les équipages, moins vite, vraisemblablement, qu’en Hollande. C’est un gros handicap pour la Carrera. Cette crise résulte de l’action en branches de ciseaux, des besoins longtemps croissants de l’Espagne en navires, tonnages et gens de mer d’une part, tant, en gros, que les trends du trafic ont été ascendants (à quoi viendront, bientôt, s’ajouter d’énormes besoins militaires) et d’autre part, la population faiblement ascendante, puis stationnaire et descendante d’une Espagne sollicitée, mondialement par cent mille travaux. L’insolite augmentation des salaires et des services, par rapport aux prix — facteur de décadence très bien dégagé par E. J. Hamilton — en est la conséquence. Il est presque certain, pourtant, c’est très sensible dans la correspondance de la Casa de la Contrataciôn, les notes aux tableaux les tomes III à V, et l’étude de conjoncture qui suit le montre souvent — que les équipages sont sensibles à la fluctuation cyclique. En période d’expansion conjoncturelle courte, toutes autres choses étant égales, les besoins en équipage se tendent au-delà du possible. Il faut avoir recours subrepticement aux étrangers et, il est incontestable, qu’il y a réduction même de l’équipage, souvent malgré l’inopérante loi des Indes, et les contrôles plus ou moins sincères de la Casa et des généraux, en dessous des limites de sécurité légales, voire même réelles.
L’interférence du facteur législatif, toutefois — jointe à l’insuffisante épaisseur des séries ne permet pas d’avoir recours ici, à la technique sérielle. Et il faut se borner aux appréciations qualitatives de la correspondance de la Casa de la Contratación. Mais structurellement, les données de la colonne 7, demeurent pleinement valables.

138 Pour une connaissance détaillée des types distingués dans la Carrera, se reporter au t. VI2, tables 1 à 12, p. 114 à 154. Pour une vue synthétique, voir ibid., tables 12A à 12E (12E plus particulièrement), p. 159 à 166.

139 Cf. t. I, p. 276 et suiv.

140 Cf. t. I, p. 276 et suiv., ibid.

141 C’est le cas des bois longs de mâture, par exemple, exportés vers les chantiers des Indes, et qui appellent les hourques plus commodes pour ce genre de transport.

142 Le cas de la lagune de Maracaybo qui avec ses hauts fonds, ne peut être abordée que par des navires à fond plat, du type frégate.

143 Puisque les navires andalous, et à plus forte raison, les italo-levantisques des côtes méditerranéennes de la Péninsule ibérique et des possessions italiennes, sont considérés comme des demi-étrangers auxquels on accorde le cas échéant, une demi-naturalité.

144 Cf. t. VI, table 12E, p. 166.

145 Cf. t. VII, table I, nomenclature, p. 114.

146 Cf. ci-dessous, p. 794-795, 945... etc.

147 Tout dans ce chiffre n’est pas à porter, bien sûr, à l’actif de la lacune. Il y a, aussi, une indication confirmée, par ailleurs, sur la domination presque exclusive dans le premier xvie siècle des navires espagnols, voire même plus spécialement du Nord de la Péninsule.
Jusqu’au jour où — et cette condition prévaut, de plus en plus, dans la seconde demi-phase longue d’expansion — les masses deviendront telles que l’armement espagnol ne pourra plus porter à lui seul le poids écrasant des besoins de la Carrera. A la Carrera s’ajoutent, d’ailleurs, proportionnellement, d’autres besoins.

148 Soixante-seize natures connues sur 1205 bateaux, soit, 6,3 % seulement, au lieu de 6,5 %, et rien sur les lieux d’origine de construction.

149 Cf. t. VI1, table 14, p. 170.

150 Cf. t. VI1, tables 14 et 15, p. 170-172.

151 Cf. t. VI1, tables 16 et 17, p. 174-176.

152 Cf. t. VI1, tables 189-190, p. 404405 et tables 191-192, p. 406407.

153 Cf t. VI1, tables 191-194, p 406409 et tables 195, 196, 197, p. 410412.

154 Cf. ci-dessus, t. I, p. 252.

155 Cf. t. VI, tables 18-128, p. 178-321 et tables 128A et 128B, p. 320-321.

156 Sous cet angle, notons plus particulièrement les tables récapitulatives Allers (t. VI1, table 128A, p. 320) et Retours (t. VI1, table 128B, p. 321) et ce qu’on peut en tirer pour une géographie valable de la navigation en convois (cf. t. VII, p. 28-31).

157 Cf. ci-dessus, p. 48-352.

158 Cf. t. I, p. 313 et suiv.

159 Cf. ci-dessous, p. 357-840.

160 Cf. ci-dessus, p. 287-288.

161 Cf. t. VI1, tables 131, 132, p. 329-330 ; tables 134, 135, p. 332-333 ; tables 137-138, p. 335-336.

162 Cf. t. VI1, table 137, p. 332. Sur 30 061 toneladas, les connus directement représentent 15 401 toneladas, les connus indirectement 1 240 toneladas et les évalués 14 270 toneladas.

163 Cf. t. VI1, table 137, p. 332, 30 620 toneladas, soit 13 790, 7150 et 9 680 toneladas, des proportions respectives, qui ne sont plus loin de la moyenne générale de l’ensemble des catégories : soit 50 % pour les connus directement, 20 % pour les connus indirectement et 30 % pour les évalués.

164 Cf. t. VI,, table 137, p. 332. Pour 45 042 toneladas plus des deux tiers de connus directement, 30 912 toneladas et 5 700 et 8 430 toneladas respectivement pour les connus indirectement et évalués.

165 Cf. t. VI1, tables 131-132, p. 329-330.

166 Cf. t. VI1, tables 134135, p. 332-333.

167 Cf. t. VI1, table 138, p. 336, cas typique de 1644, où sur les 20 153 toneladas du mouvement Allers et retours, les connus directement comptent pour 19 333 toneladas, les connus indirectement pour 740 toneladas et les évalués pour 80, soit connus 99,61 % et évalués 0,39 %, dont connus directement 95,96 % et indirectement 3,65 %.

168 Cf. t. I, p. 302 et suiv.

169 Voir comment les séries de la Vera Cruz et de Nombre de Dios-Puerto Belo, s’épaulent et s’emboîtent convenablement, étayant la connaissance du mouvement Aller-valeur par l’avería, très lisible sur les tables 226 et 227 (t. VI1, p. 471-473).

170 Cf. t. VI1, tables 198-199, p. 414-416.

171 Cf. t. VI1, tables 200-201, p. 418-420.

172 Cf. t. I, p. 224 et suiv.

173 Cf. t. I, p. 185 et suiv.

174 Cf. t. VI2, tables 669 à 759, p. 980-1034.

175 Cf. t. VI2, table 674, p. 988.

176 Cf. t. I, p. 252 et suiv.

177 Prix hollandais, notamment, depuis 1585, très sporadiques, il est vrai, avant 1620,..., et qui ont une valeur particulière, à cause du rôle des Provinces-Unies comme plateforme à la confluence de toutes les forces économiques d’Europe.

178 E. J. Hamilton, 1501-1650, op. cit., p. 198 et 215.

Notes de fin

1 Tel s’impose le découpage logique de la seconde phase longue d’expansion. Les besoins de l’exposé et une analyse plus poussée nous amèneront à démanteler la seconde phase longue d’expansion, en groupant les cycles 1593-1604,1605-1613 et 1614-1622, en une quatrième partie formée par la fin de la phase A et le début de la phase B.

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Cette publication numérique est issue d’un traitement automatique par reconnaissance optique de caractères.
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search