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Géologie générale et régionale de la république d’Haïti

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Jacques Butterlin

II. Géologie régionale de la République D’Haïti

Texte intégral

A. — LE MASSIF DE LA HOTTE

1°) Extension et caractères généraux

1Le massif de la Hotte constitue la plus grande partie de la presqu’île du Sud. Sa séparation du massif de la Selle, qui le prolonge vers l’est, est assez artificielle et leurs limites varient, d’ailleurs, suivant les auteurs. Nous adopterons, avec Woodring & al (1924), la dépression : carrefour Fauché-Jacmel, de direction NE-SW, comme zone de séparation entre les deux massifs. Elle constitue, en effet, un synclinal très oblique par rapport à l’axe des deux chaînes et est, par suite, assez caractéristique. Elle est occupée par les vallées des rivières Lavagne, au nord, et Gauche, au sud, coulant en sens inverse. Le massif de la Hotte est baigné des trois autres côtés par la mer, au nord par le canal de la Gonave et le golfe du même nom, à l’ouest par le canal de la Jamaïque, au sud par la mer des Antilles. Il a une longueur ouest-est de 185 km. et une largeur moyenne de 30 à 35 km.

2C’est une chaîne élevée, de 2.405 m. d’altitude, au pic Macaya, point culminant du massif du même nom, qui constitue une région peu accessible, à cause des pentes très abruptes, de la luxuriance de la végétation, formant parfois une véritable forêt vierge d’altitude et de la rareté des voies de communications. Comme la plupart des chaînons du massif de la Hotte, il présente une direction dominante ouest-est. La côte occidentale du canal de la Jamaïque, très abrupte et qui coupe transversalement ces chaînons, doit correspondre à une faille. C’est ce qui explique que les sommets qui prolongent vers l’ouest le massif du Macaya, atteignent encore 1.080 m., 6 km. à l’est de Capafou, petit port de la côte occidentale.

3Les chaînons, de direction ouest-est, limitent entre eux d’étroites vallées, formant parfois de véritables gorges, comme par exemple la haute vallée de la rivière des Roseaux, dans le massif du Macaya. Dans la partie orientale du massif, les sommets, moins élevés (1.351 m., au nord du marché Molière), sont, en même temps, à pentes moins escarpées.

4Certains chaînons ont une orientation différente. C’est ainsi que la chaîne des Cartaches, qui forme l’extrémité NW du massif, au nord de la vallée de la Grande Anse, possède une direction générale WSW-ENE. Elle a une altitude maxima de 744 m. La chaîne côtière qui borde la mer entre les Anglais et Port-Salut et atteint 1.082 m. d’altitude maxima, au morne Sinaï, présente une direction générale NW-SE.

5En dehors de ces chaînes et des vallées qui les séparent, existent également des plateaux et des plaines. Le plateau de la presqu’île de Port-Salut, d’une altitude maxima de 356 m., est le plus étendu d’entre eux. La plaine côtière des Cayes, de forme rectangulaire, qui a une superficie d’environ 350 km2 et une altitude comprise entre 0 et 100 m. est la plus importante des plaines. Son existence est liée à la divergence entre la direction des chaînes qui la limitent au nord et à l’ouest. Une autre plaine intéressante est constituée par la dépression fermée occupée par l’Etang de Miragoâne et dont la formation est liée à un phénomène d’inversion de relief (p. 41). Il correspond, en réalité, à deux étendues d’eau douce, reliées par une zone marécageuse. L’occidentale, qui est la plus grande, a environ 5 km. de long sur 3 km. de large et une altitude comprise entre 10 et 20 m. L’orientale, de 2 km. de long et 1,2 km. de large, a une altitude inférieure à 10 m. Ces étangs sont alimentés par de petites rivières mais n’ont pas de débouché vers la mer, dont ils sont séparés, vers le nord, par une chaîne côtière, le Tapion de Miragoâne, qui atteint 660 m. d’altitude.

6Le réseau hydrographique du massif de la Hotte est assez dense, surtout dans la partie occidentale, par suite des précipitations abondantes. C’est ainsi que la Grande Anse est la seconde rivière de la République, avec un débit moyen annuel de 26,5 m3/seconde. On peut également citer les rivières Voldrogue, des Roseaux, de Cavaillon, de Bainet et la Grande Rivière de Nippes.

7On peut rattacher au massif de la Hotte deux îles relativement étendues. La plus grande est l’île à Vache, située dans la baie des Cayes, 10 km. au SE de la localité du même nom. Allongée d’est en ouest, elle a une longueur de 15 km. et une largeur moyenne de 3 km. C’est une zone basse, le point le plus élevé n’atteignant que 75 m. d’altitude. Au nord de Pestel, dans le golfe de la Gonave, s’étend la Grande Cayemite, de 10 km. de long et 6 km. de large. C’est une colline de 226 m. d’altitude, dont les pentes sont découpées en terrasses.

2°) Géologie générale

a) Roches sédimentaires

8Tous les Systèmes, du Crétacé au Récent, sont représentés dans le massif de la Hotte.

1. Crétacé

9Woodring & al (1924) ont signalé divers petits affleurements de calcaires métamorphiques d’âge supposé crétacé inférieur, dans les régions de Petit Goâve, Aquin et Camp Perrin.

10Au cours de son étude, l’auteur a pu montrer que l’extension des terrains sédimentaires crétacés est beaucoup plus grande que ces auteurs l’avaient supposé, que les calcaires ne sont pas métamorphiques et qu’ils sont d’âge crétacé supérieur. Il les a groupés dans la formation du Macaya (1954, p. 52), ainsi définie : calcaires un peu argileux, en lits épais, finement détritiques, parfois siliceux ou à veines siliceuses, de couleur variable, souvent brun chocolat ou jaunâtre, mais parfois verte ou violacée. Ils présentent souvent des veines ou des microfilons de calcite. Des niveaux minces d’argiles feuilletées et de radiolarites sont intercalés à divers niveaux. Les couches supérieures sont constituées de marnes à cassure conchoïdale, grises ou brunes. La formation est très plissée. Son soubassement ne paraît pas affleurer et son épaisseur exacte ne peut pas être précisée. Mais elle n’est probablement pas inférieure à 2.000 m.

11La localité-type est située sur la route Les Cayes-Jérémie, dans la vallée de la rivière Glace, 100 m. au NE du passage de la rivière (localité fossilifère CP 254), où l’on trouve un ensemble assez complet, recouvert, en discordance angulaire, par le Paléocène ou l’Eocène inférieur.

12Ainsi définie, la formation du Macaya affleure largement dans le cœur de la partie occidentale du massif de la Hotte. Elle forme, en effet, une bande d’affleurement de 80 km. de long sur 13 km. de largeur moyenne, qui constitue, en particulier, l’essentiel du massif du Macaya. Une autre bande, beaucoup plus petite, se rencontre plus au sud, dans la région du morne Sinaï. Elle a environ 24 km. de long sur 3 km. de large. De petits gisements se rencontrent dans les zones de terrains volcaniques (région de Capafou, vallée de la rivière Bras à Gauche, sud de Petit Goâve).

13L’étude de la microfaune, en plaques minces, montre l’existence de l’association : Globotruncana-Gümbelina-Globigerina qui caractérise le Crétacé supérieur. Son étude détaillée a été réalisée par A. Ayala (p. 120 et 1959). Les petits Foraminifères et les Radiolaires sont du Campanien-Maestrichtien et la majeure partie du Campanien supérieur. Les grands Foraminifères sont très rares et n’ont été trouvés que par Woodring (cf. p. 127, localité W 53). Leur étude, réalisée par l’auteur, montre qu’ils sont probablement du Maestrichtien.

14La formation du Macaya est recouverte, en discordance angulaire, par des formations sédimentaires cénozoïques (généralement paléocènes ou éocènes inférieures). Ses relations avec les roches volcaniques crétacées (andésites et surtout basaltes) sont moins claires. Mais celles-ci semblent toujours la recouvrir.

15Nous avons indiqué que nous ne connaissions pas le soubassement de cette formation. Signalons, toutefois, que sur le sentier qui permet d’accéder au sommet du pic Macaya, par sa face nord, au passage de la rivière des Roseaux, on trouve un petit affleurement de roches gris foncé, cristallines, qui paraissent provenir du métamorphisme de roches sédimentaires détritiques, l’origine sédimentaire étant attestée par la présence d’une Textularia recristallisée. Il n’est pas impossible que ces roches, recouvertes par les calcaires de la formation du Macaya, représentent le sommet du soubassement (CP 132, p. 161).

2. Paléocène et Eocène

16Ils sont très largement représentés dans le massif de la Hotte, puisqu’ils en constituent environ la moitié. Ils ont, en même temps, des caractères assez constants, dans l’ensemble de la chaîne. Les séries débutent par des roches détritiques reposant, en discordance angulaire, soit sur la formation du Macaya, soit sur les roches volcaniques antélaramiennes. Elles sont l’équivalent de la formation de Marigot (p. 44). Elles sont représentées par des conglomérats, des grès, des argiles feuilletées qui passent progressivement à des calcaires très littoraux, à Mélobésiées. Elles correspondent au conglomérat de base des dépôts de la mer transgressive sur la chaîne laramienne érodée. Leur âge doit varier, suivant le moment où la zone considérée a été atteinte par cette avancée marine, mais il doit être fréquemment paléocène. Ces roches détritiques sont progressivement remplacées, en s’élevant dans la série, par des calcaires qui sont essentiellement de deux types : calcaires blancs, crayeux, en lits minces, à chert, ne fournissant guère que des Globigerina-calcaires blancs ou gris, massifs, souvent coralliens, plus ou moins cristallins, parfois détritiques et riches, en général, en grands Foraminifères. Ils sont plus littoraux ou moins profonds que les précédents. Il ne paraît pas possible d’établir la stratigraphie d’après le type de calcaire rencontré. On peut simplement dire que les calcaires crayeux, à chert, sont généralement plus fréquents dans les niveaux inférieurs. Mais c’est seulement la microfaune, représentée par des grands Foraminifères, qui permet de préciser l’âge. Elle montre (p. 129) que le plus grand nombre de localités correspond au Paléocène-Eocène inférieur, mais que l’Eocène moyen et supérieur sont également représentés.

17L’épaisseur de ces séries est difficile à préciser, en raison du caractère massif d’une partie des calcaires, du fait qu’on ne les rencontre pas complètes en une localité déterminée et du caractère de reconnaissance de la présente étude. On peut simplement indiquer qu’elle parait considérable, et probablement de plusieurs milliers de mètres, au total.

18Les séries paléocènes et éocènes constituent les flancs des anticlinaux, dont l’axe est formé par les séries antélaramiennes, surtout crétacées supérieures (formation du Macaya, basaltes et andésites), qu’elles recouvrent en discordance angulaire. Comme nous l’avons dit précédemment, leur extension est considérable, ainsi qu’il apparait en examinant la carte géologique.

3. Oligocène

19Il est peu développé dans le massif de la Hotte. On ne le rencontre que dans une étroite bande sub-côtière, au sud des Roseaux, et dans la partie nord de la plaine des Cayes, aux environs de l’étang Lachaux. Dans la première région, il est surtout représenté par des calcaires blancs, crayeux, à silex ; dans la seconde, par des calcaires jaunes, détritiques. Son épaisseur atteint quelques centaines de mètres. Sur la route de Beaumont à Roseaux, il recouvre, en discordance, simple ou angulaire, les calcaires éocènes (moyens ?). Il fournit une série de grands Foraminifères caractéristiques (cf. p. 141), en particulier du genre Lepidocyclina.

20Woodring & al (1924) ont signalé un gisement obgocène (9601) sur la bordure occidentale de la baie de Jacmel. Mais la seule espèce de Foraminifères que l’auteur ait trouvé dans une de leurs plaques, révisées par lui au laboratoire de Woodring, est Fabiania cubensis, de l’Eocène moyen et supérieur.

4. Oligo-Miocène

21Son extension dans le massif de la Hotte est également très limitée. On n’en connaît que deux petits affleurements : le premier au sud de Fort-Gari (PG 32), le second, au nord de Fond des Blancs (PG 55-56). Ils sont représentés par des calcaires massifs, blancs à jaunâtres, à Miogypsina. Ils reposent, en discordance, sur des calcaires éocènes.

5. Miocène

22Le Miocène inférieur paraît être représenté, dans le massif de la Hotte, par des roches qui rappellent celles de la bordure méridionale de la plaine du Cul-de-Sac, que l’auteur a groupées sous le nom de formation de la rivière Grise (p. 33). Elles sont constituées par des conglomérats, des grès bruns ou jaunes, des calcaires bruns, des marnes, en couches assez plissées. Woodring et al. (p. 226-228) les avaient signalées dans la vallée de la Grande Anse, où elles ont fourni des fossiles : Végétaux, Sorites cf S. americanus, Madrépores et Mollusques. L’auteur les a retrouvées sur la route Jérémie-Léon et sur le sentier Jérémie-Brassec, avec les mêmes caractères (CP 83, 85, 148, p. 151). Leur épaisseur doit atteindre quelques centaines de mètres.

23Les petites collines qui accidentent le nord de la plaine des Cayes et présentent un relief de 10 à 30 m. sont constituées de calcaires tendres, bien lités, alternant avec des couches de marnes et de sables. Ces roches sont probablement du même âge, bien qu’elles n’aient pas fourni de fossiles.

24Woodring et al. ont signalé, entre Port-Salut et Port-à-Piment (région de Anse à Drick et de Damassin) de petits affleurements de calcaires massifs, madréporiques, miocènes. Au nord de Fond des Blancs l’auteur a retrouvé des calcaires du même type, à Sorites americanus dégageables, à Madrépores et à Mollusques abondants mais mal conservés (PG 54, p. 151). Ils couvrent, apparemment en concordance, les calcaires oligo-miocènes que nous avons signalés précédemment.

25Dans le Tapion de Petit Goâve, Woodring et al. ont signalé la présence d’affleurements miocènes, sur la route nationale Port-au-Prince — Cayes, sur une distance de deux kilomètres. Ils sont constitués de calcaires madréporiques, de conglomérats à galets de roches calcaires, basaltiques, de silex et de grès.

26Les roches miocènes que nous venons de décrire sont marines, mais il existe également des roches continentales du même âge qui ont été étudiées en détail par Woodring et al. Elles affleurent essentiellement dans deux régions : la dépression de Camp Perrin et la vallée de l’Asile.

27Dans la dépression de Camp Perrin, les roches miocènes affleurent sur environ 5 km., en direction ouest-est, et sur une largeur de 2 km. Elles ont été étudiées par Woodring et al. (p. 233-234). Elles sont représentées par des conglomérats, des grès, des argiles feuilletées, des marnes et des calcaires, ainsi que par des lits de lignite, en couches plus ou moins épaisses et ont dû se déposer en bordure d’une plaine côtière. Elles sont intensément plissées. Les plis sont déversés vers le nord et le NW, passant parfois à des plis-failles. L’épaisseur de la série est d’environ 500 m. Elle repose, en discordance angulaire, sur la formation du Macaya, qui affleure plus au nord. Cette série miocène est séparée par une faille des formations éocènes qui affleurent plus au sud.

28La faune est constituée par des Mollusques terrestres et d’eau douce (Thysanophora sp., Crocidopoma sp., Pachycheilus sp., Hydrobia sp., Cyrena sp. ( ?), qui peuvent indiquer le Miocène ou même le Pliocène.

29La vallée de l'Asile est une dépression de 12 km. de long sur 3 km. de large, allongée d’ouest en est et dont l’altitude varie entre 125 et 250 m. Elle correspond à la réunion des rivières qui forment la Grande Rivière de Nippes. C’est pourquoi les formations miocènes n’affleurent que dans les collines ou falaises, les fonds étant recouverts de roches alluvionnaires. Les dépôts miocènes ont dû s’effectuer dans un lac et leur nature varie suivant les zones. Près de la localité de l’Asile, ils sont surtout constitués de marnes blanches ou crèmes qui passent, vers les extrémités ouest et est, à des niveaux argileux, de couleur jaunâtre ou verdâtre et même, vers l’ouest, à des conglomérats probablement deltaïques, peut-être d’ailleurs plus récents, ainsi qu’à des niveaux ligniteux, mais sans intérêt commercial.

30Les couches sont presque horizontales dans la partie occidentale de la vallée et s’inclinent légèrement vers l’est dans le plateau qui la limite à l’ouest. Dans le centre et l’est de la dépression, elles sont légèrement inclinées vers le sud ou le SW. La structure de ces roches n’est pas claire. Une faille doit les séparer des calcaires éocènes qui affleurent plus au sud. Au nord, elles reposent, en discordance angulaire, sur des basaltes antélaramiens ou des calcaires éocènes et sont probablement en contact par une faille avec les premiers. Leur épaisseur est faible et ne doit pas dépasser un petit nombre de dizaines de mètres.

31Woodring et al. y ont signalé une faune de Mollusques d’eau douce (Planorbis sp., Hydrobia sp., Physa sp.), différente de celle de la dépression de Camp Perrin, et des fruits de Chara woodringi. Ils ont considéré ces fossiles comme miocènes, tout en faisant remarquer qu’on ne connaît pas d’autre faune et d’autre flore de ce type dans le Miocène du reste des Antilles.

6. Pliocène

32Woodring et al. (p. 240 et 243) ont placé dubitativement dans le Pliocène des calcaires madréporiques, massifs, rouges, recouverts par des sables un peu argileux. Ils affleurent dans la dépression qui limite vers le sud le Tapion de Petit Goâve. Ces roches, qui recouvrent celles du Miocène, en concordance, ont fourni une faune de Mollusques et de Madrépores (p. 243 et PRN1, p. 157), très moderne. C’est seulement en raison de leurs relations structurales avec le Miocène que ces roches sont attribuées au Pliocène.

33Les dépôts pliocènes marins de la dépression carrefour Fauché-Jacmel, seront étudiés avec le massif de la Selle (p. 46).

7. Pléistocène et Récent

34Une longueur importante des côtes du massif de la Hotte est constituée de calcaires récifaux pléistocènes, soulevés, et dont la largeur d’affleurement ne dépasse généralement pas 3 à 4 km. Ces calcaires sont fréquemment découpés en terrasses, formant des côtes peu accessibles, dites « côtes de fer ». Nous préciserons leur extension en étudiant les côtes du massif de la Hotte.

35L’île de la Grande Cayemite est constituée, dans sa quasi-totalité, par des calcaires récifaux découpés en terrasses. Il est possible, comme il l’a été supposé dans la carte géologique, que ceux des zones les plus élevées soient miocènes, mais au moins ceux qui forment les terrasses inférieures sont pléistocènes. Sur les plateaux, ils sont couverts par un sol latéritique rouge.

36Dans les vallées des rivières et les plaines côtières (en particulier celle des Cayes), on trouve des formations alluvionnaires quaternaires, les plus anciennes, cimentées et les plus récentes, meubles.

b) Roches ignées

37Elles présentent une extension considérable dans le massif de la Hotte, puisqu’elles en constituent environ le 1/4. Elles sont représentées essentiellement par des roches volcaniques (andésites et surtout basaltes), les roches intrusives (dolérites et dacites) ne fournissant qu’un petit nombre d’affleurements, d’extension limitée.

1. Roches basaltiques

38Elles constituent une importante bande d’affleurements à l’extrémité occidentale de la presqu’île du Sud, atteignant la côte entre Tiburon et le nord d’Anse d’Hainault. Elle se prolonge vers l’est jusqu’au massif du Macaya et, au sud de celui-ci, pratiquement jusqu’à la plaine des Cayes, se retrouvant même dans la partie méridionale de l’île à Vache. Deux bandes parallèles de basaltes se rencontrent à l’extrémité orientale de l’importante zone de calcaires crétacés supérieurs du massif du Macaya, au nord de la vallée de l’Asile et se prolongent, vers l’est, jusqu’à la longitude du plateau calcaire de Rochelois. Au SE de Miragoâne, les basaltes réapparaissent, formant la dépression de l’étang de Miragoâne, mais sont recouverts, dans les zones les plus basses, par les alluvions quaternaires. Une dernière bande suit la côte méridionale ou lui est parallèle. Elle fournit des affleurements discontinus dans la partie occidentale, entre Aquin et Cavaillon, mais est continue dans la partie orientale. Elle s’élargit considérablement à son extrémité orientale, au sud de La Vallée.

39Il s’agit de basaltes, les uns avec de faibles quantités d’olivine, les autres riches en olivine. Ces roches ont été étudiées en détail, du point de vue pétrographique par Woodring et al. (p. 323-328).

40L’épaisseur des basaltes est difficile à préciser mais peut être de l’ordre du millier de mètres. La rareté des tufs (l’auteur les a rencontrés seulement au nord et au sud des Palmes et dans la région de La Vallée, où ils sont silicifiés, pl. I, fig. 2), la disposition fréquente en « pillow-lavas », l’interstratification avec des calcaires marins, indiquent que les éruptions ont dû être surtout sous-marines et de type fissurai.

41L’âge des roches en question est encore mal déterminé. Dans les régions où elles sont en contact avec les calcaires crétacés supérieurs, elles paraissent les recouvrir, sauf, toutefois, entre Capafou et Tiburon, où une interstratification des deux formations n’est pas exclue. Elles sont, d’autre part, recouvertes, en discordance angulaire par les roches paléocènes à éocènes inférieures, quand leur contact n’est pas une faille. Elles sont donc antélaramiennes et probablement de la partie supérieure du Crétacé supérieur (Maestrichtien).

42Notons que Woodring et al. ont admis la possibilité d’un âge post-éocène pour des basaltes de la région de Chardonnières, parce qu’ils recouvrent des calcaires, à allure éocène. L’auteur les a rencontrés, avec les mêmes relations, à l’ouest des Anglais, mais ces calcaires fournissent la microfaune de la formation du Macaya, c’est-à-dire crétacée supérieure. Les basaltes de Chardonnières sont donc probablement du même âge que ceux des autres régions du massif de la Hotte.

2. Roches andésitiques

43Elles affleurent surtout à l’ouest et au SW de la baie de Baradères. L’auteur en a également trouvé de petits gisements au sud de Petit Goâve et au nord de la vallée de l’Asile. Ce sont des andésites à hyperstène ou à hornblende qui ont été étudiées pétrographiquement par Woodring et al. (p. 329). L’auteur a rencontré également des andésites à augite et hyperstène.

44Leur épaisseur est indéterminée mais ne doit pas être considérable.

45Leur âge est incertain. Mais comme elles sont recouvertes, en discordance angulaire, par les calcaires paléocènes à éocènes et sont associées aux calcaires crétacés supérieurs, leur âge ne doit pas être différent de celui des basaltes, c’est-à-dire maestrichtien.

3. Roches doléritiques

46Elles forment des dykes dans les basaltes, à l’île à Vache et au sud de Petit Goâve.

47Ce sont des dolérites à augite, le plus souvent titanifère (CP 333, p. 162) identiques à celles du massif de la Selle étudiées par Woodring et al. (p. 326).

48Comme elles ne sont pas intrusives dans les séries post-crétacées, elles sont post-basaltiques mais prélaramiennes, donc du sommet du Crétacé supérieur.

4. Roches dacitiques

49Elles n’ont pas été signalées par Woodring et al. et leur extension paraît d’ailleurs très limitée. L’auteur ne les a rencontrées que sous forme d’un dyke au sein des basaltes, affleurant sur 5 m. de distance dans la vallée de la rivière Bras à Gauche.

50Elles sont de couleur gris clair, porphyriques. Les phénocristaux sont représentés uniquement par des baguettes ou des prismes de hornblende verte, altérée en chlorite, épidote et oxydes de fer, et dont l’angle d’extinction est d’environ 20°. Elle ressort très bien sur le gris clair de la pâte et représente 10 à 12 % du volume de la roche. La pâte, holocristalline, comporte du quartz (5 à 15 %), allotriomorphe et surtout de l’andésine (55 à 72 %), peu reconnaissable, en raison de son altération en kaolinite. On trouve également de la hornblende verte et de petits prismes de magnétite (CP 222, p. 161).

51Les relations stratigraphiques et structurales de ces roches sont identiques à celles des dolérites. Elles doivent donc être sensiblement du même âge, c’està-dire du sommet du Crétacé supérieur.

c) Structure (fig. 3 et 4)

52Dans la région occidentale du massif de la Hotte, l’axe anticlinal principal correspond sensiblement à celui du massif du Macaya, de direction ouest-est, et passant par le sommet du pic Macaya. La forme de la bordure externe de la plate-forme continentale dans le canal de la Jamaïque (cf. carte géologique) semblerait indiquer qu’il atteint la côte occidentale au nord des Irois. L’existence d’affleurements de calcaires de la formation du Macaya dans la région de Capafou et la position très méridionale de la ligne de séparation des eaux conduirait, au contraire, à admettre qu’il est plus méridional. Nous avons, toutefois, indiqué (p. 36) que ces calcaires peuvent être interstratifiés avec les basaltes et, par conséquent, sans relation avec l’axe anticlinal. Il est donc difficile de conclure.

53Vers l’est, l’axe anticlinal paraît se dédoubler. L’anticlinal septentrional, qui correspond aux affleurements basaltiques les plus septentrionaux, s’étend en direction sensiblement ouest-est à travers la dépression de l’étang de Miragoâne, puis s’incurve vers le SE pour atteindre la route Trouin-Blockhaus approximativement en son milieu. L’anticlinal méridional correspond également à une bande d’affleurements de basaltes et peut donc être suivi jusqu’à l’est de Fond des Nègres.

54Un autre anticlinal important s’étend dans la région occidentale presque parallèlement à la côte méridionale et est jalonné par les affleurements de la formation du Macaya et de roches basaltiques. De direction NW-SE, il doit s’ennoyer sous la partie occidentale de la plaine des Cayes pour réapparaître dans l’île à Vache qui ne correspond qu’à son flanc nord, le flanc sud s’étant enfoncé dans la mer, le long d’une faille qui doit coïncider approximativement avec la côte méridionale de l’île.

Fig. 4. — Coupe géologique a travers le massif de Macaya (partie occidentale du massif de la Hotte)
Qc : calcaires récifaux (Pléistocène). — Tep : roches détritiques (base), calcaires massifs cristallins et calcaires crayeux à silex (Paléocène et Eocène). — Cb : basaltes (Crétacé supérieur). — Mcs : calcaires massifs à veines de calcite (Crétacé supérieur)

55La chaîne des Cartaches correspond probablement à un anticlinal, de direction générale WSW-ENE, bordé au sud par un synclinal de même direction, dont l’axe suit approximativement la vallée de la Grande Anse et qui est bordé au sud, dans sa partie occidentale, par un axe anticlinal, permettant l’affleurement de basaltes entre Dame Marie et Anse d’Hainault.

56Dans la partie orientale du massif de la Hotte, au sud des deux anticlinaux précédemment signalés, en existe un troisième qui coïncide également avec des affleurements basaltiques et présente une direction générale ouest-est. Il culmine en dôme au sud de La Vallée.

57Une série de failles, de grande extension, se rencontrent également. Dans la région occidentale, la plus importante est celle, de direction ouest-est, qui limite vers le sud les affleurements de la formation du Macaya. Il s’agit d’une faille inverse, dont le plan est incliné vers le nord.

58Dans la région orientale, la disposition des failles est assez curieuse. On peut en distinguer trois principales, de direction générale ouest-est. Deux correspondent aux limites méridionales des bandes basaltiques septentrionales. L’une de ces failles coïncide avec le sault du Baril et paraît correspondre à l’épicentre du séisme du 27 octobre 1952. La troisième limite vers le nord la bande basaltique méridionale. L’interprétation de ces failles est délicate. La répétition de bandes alternantes de calcaires éocènes et de basaltes crétacés, perpendiculairement aux axes tectoniques, fait immédiatement penser à une structure isoclinale. Mais, dans ce cas, on devrait admettre que le déversement a eu lieu vers le nord pour l’anticlinal méridional et vers le sud pour les deux septentrionaux.

59Beaucoup de lignes tectoniques du massif de la Hotte présentent une disposition en arc, généralement convexe vers le nord.

60Les structures que nous venons d’indiquer sont en relation avec un certain nombre d’orogénèses :

  • L'orogenèse laramienne a été probablement très intense, étant donné le grand développement des séries sédimentaires et ignées antélaramiennes et la puissance des formations détritiques qui constituent la base des séries cénozoïques. Mais les directions NW-SE, proprement laramiennes, sont, en général, masquées par celles des déformations postérieures. De plus, le caractère souvent massif des calcaires crétacés et l’absence de stratification des roches ignées ne facilite pas leur mise en évidence. On ne retrouve la direction laramienne que sous forme de structures posthumes, comme, par exemple, la direction de la côte entre les Anglais et la baie des Cayes et l’orientation des plis au voisinage de la limite orientale du massif.
  • Nous n’avons aucune preuve que l'orogenèse de l'Eocène supérieur ait affecté le massif de la Hotte. Aucune discordance angulaire certaine n’a pu être mise en évidence entre l’Eocène et l’Oligocène. On doit, toutefois, noter la rareté des roches sûrement oligocènes. De plus, nous verrons que cette orogénèse a probablement affecté le massif de la Selle, qui appartient à la même unité structurale et a dû y être probablement très intense. La direction générale de ses structures est approximativement ouest-est.
  • En l’absence de données plus précises, nous attribuerons, provisoirement à cette orogénèse et à celle qui s’est poursuivie pendant le Miocène et le Pliocène, sans pouvoir préciser ce qui revient à l’une et à l’autre, l’essentiel des structures de direction générale ouest-est, qui dominent dans le massif de la Hotte. Des failles, les unes inverses, contemporaines de la formation des plis, les autres normales, postérieures, se sont développées sur une grande échelle et présentent, également, la direction dominante ouest-est.

d) Géomorphologie

61Du point de vue de la géomorphologie, on peut distinguer deux grands types de régions dans le massif de la Hotte : celles où affleurent les calcaires (crétacés supérieurs ou éocènes) et celles où affleurent les roches volcaniques.

62Dans les premières, les calcaires étant, en majorité, massifs et cristallins, se développe la topographie karstique. Dans les zones de calcaires crétacés supérieurs, elle est typique, par exemple sur les plateaux de Catiche et de plaine Martin, accidentés par des entonnoirs de dolines. Les vallées, comme celle de la rivière des Roseaux, sont découpées parfois en canyons. Elles comportent des rapides et des cascades, la plus célèbre de celles-ci étant le saut Mathurine, sur la rivière de Cavaillon, qui atteint une vingtaine de mètres de hauteur. Dans les zones de calcaires éocènes, cette topographie est encore plus caractéristique. Cela doit s’expliquer par la superposition de deux séries très épaisses de calcaires : ceux du Crétacé supérieur et ceux du Paléocène-Eocène. Le paysage karstique le plus typique d’Haïti se rencontre dans la région de Beaumont-Joly Guibert-Jean Bélune où l’on trouve des pertes de rivières. C’est ainsi que la rivière Glace se perd au milieu d’un poljé typique, le gouffre Effrayant, d’environ 6 km. de long sur 2 à 3 km. de large, qui est inondé à la saison des pluies et se transforme alors en un véritable lac. De nombreuses dolines et des « ouvalas » se rencontrent dans la même région. L’argile latéritique rouge s’accumule dans ces dépressions. Dans la région de Port à Piment, on trouve la plus grande grotte connue d’Haïti. Elle compte une cinquantaine de chambres et son ouverture, située à environ 120 m. d’altitude, se trouve au fond d’un puits dont le toit s’est effondré, dégageant l’entrée de la caverne. Le fond Labournette, au SW de Petite Rivière de Nippes, correspond à une doline étendue. Dans les dépressions (dolines et poljés) du plateau de Rochelois, au SW de Miragoâne, se sont accumulées des argiles latéritiques alumineuses, pauvres en silice, actuellement exploitées comme minerai d’aluminium par la Reynolds Mining Co.

63Quand les calcaires sont crayeux, il se développe des plateaux, dont un exemple typique est celui de Port Salut. Il est découpé par de nombreuses ravines, mais les formes sont, dans l’ensemble, moins sévères que dans le type de régions que nous venons de décrire. Les croupes qui accidentent le plateau sont arrondies, les vallées larges.

64Dans les régions constituées de roches volcaniques, s’est développé un relief très accidenté, avec des crêtes étroites, aux pentes ravinées, découpées par des vallées à profil en V caractéristique. Ce sont des zones de ruissellement intense, si les précipitations sont importantes. La région la plus typique de ce point de vue est constituée par la zone subcôtière, à l’est de la côte occidentale, entre Anse d’Hainault et Tiburon. Elle représente le château d’eau de la partie occidentale du massif de la Hotte, toutes les rivières importantes y prenant leur source.

65Dans les régions où les calcaires éocènes ont recouvert les basaltes crétacés, s’est parfois produite une inversion de relief, dont le plus bel exemple est constitué par la dépression de l’étang de Miragoâne. Ce phénomène s’explique par le fait que cette zone correspond à un anticlinal. Dans son axe, les calcaires éocènes ont été érodés et, à partir du moment où les basaltes sous-jacents ont été amenés à l’affleurement, l’érosion s’est accélérée, car les basaltes subissent, en climat tropical, une altération chimique très intense. Ainsi s’est formée une combe anticlinale, encadrée par des crêts calcaires, en utilisant la terminologie employée dans le Jura franco-suisse, les basaltes jouant ici le rôle que les marnes tiennent dans la chaîne européenne.

66Les côtes sont essentiellement de deux types. On trouve, en effet, soit des côtes basses et lagunaires, soit des côtes élevées. Celles-ci sont formées, le plus souvent, de calcaires récifaux pléistocènes, découpés en terrasses, donnant des côtes peu hospitalières, dites « côtes de fer ». Les côtes basses correspondent aux embouchures de rivières, situées généralement au fond des baies et aux plaines, en particulier celles des Cayes, de la Cahouane et d’Aquin. Les côtes élevées récifales sont surtout bien développées entre Miragoâne et Petit Trou de Nippes, dans la presqu’île de Baradères et l’île de la Cayemite, à l’est et à l’ouest de Jérémie, entre Les Anglais et Saint-Jean et, enfin, de l’est d’Aquin à Bainet et Jacmel. Des côtes élevées, non récifales, se rencontrent sur la bordure nord des tapions de Petit Goâve et de Miragoâne. Formées de calcaires éocènes, elles atteignent 70 m. de hauteur. Celles situées entre la presqu’île de Baradères et Corail et sur la bordure nord et ouest de la chaîne des Cartaches sont moins élevées, mais de même type. Il en est de même pour les caps situés entre Les Cayes et Saint-Louis du Sud. Des côtes également élevées se rencontrent dans les zones basaltiques. La plus typique à ce point de vue est celle située entre Tiburon et Anse d’Hainault, où on trouve des falaises, hautes parfois de plus de 100 m. Elles sont moins élevées entre Aquin et Saint-Louis du Sud.

67La plate-forme continentale (cf carte géologique) a des caractères différents suivant les régions. Sur la côte nord, elle est, dans l’ensemble, très étroite, sauf au niveau des baies, en particulier celle de Baradères, et des deux côtés de l’île de la Grande Cayemite. C’est ainsi qu’au nord du Tapion de Petit Goâve, elle n’a que 600 m. de largeur et, à l’est des Roseaux, 300 m.

68Au niveau de la côte occidentale, elle s’élargit brusquement, prend une forme triangulaire et atteint une largeur maxima de 26 km. à la latitude des Irois.

69Elle redevient étroite (2 à 3 km., en moyenne), entre Tiburon et Port-Salut, mais, par contre, plus à l’est, englobe toute la baie des Cayes, dont la profondeur maxima n’est que de 45 m. et l’île à Vache. C’est seulement à partir de pointe Morne Rouge qu’elle redevient étroite et d’ailleurs de plus en plus, au fur et à mesure qu’on avance vers l’est. A mi-distance entre les baies de Bainet et de Jacmel, elle n’a plus ainsi que 300 m. de large. Notons que la bordure externe de la plate-forme présente une profonde échancrure au niveau de ces deux baies, ce qui indique leur origine structurale. Elles correspondent aux axes de deux synclinaux, de direction laramienne, c’est-à-dire NW-SE.

B. — LE MASSIF DE LA SELLE

1°) Extension et caractères généraux

70Le massif de la Selle constitue la partie orientale de la presqu’île du Sud et se prolonge vers l’est jusqu’à la frontière dominicaine qui le sépare de sa prolongation structurale, la sierra de Bahoruco. Nous avons indiqué précédemment que la limite occidentale adoptée pour le massif de la Selle est la dépression synclinale : carrefour Fauché-Jacmel, qui le sépare du massif de la Hotte (p. 29).

Fig. 5. — Coupe géologique suivant la dépression carrefour Faucbé-jacmel (limite entre le massif de la Hotte et le massif de la Selle).
Qal : alluvions (Quaternaire). — Qc : calcaires récifaux (Pléistocène). — Tom : grès, argiles, calcaires (Oligo-Miocène). — Tep : roches détritiques (base), calcaires cristallins, massifs (Paléocène et Eocène). — Cb : Basaltes et tufs (Crétacé).

71Il est baigné au sud, par la mer des Antilles et au NW par l’extrémité orientale du canal de la Gonave et la baie de Port-au-Prince. Ainsi délimité, le massif de la Selle a environ 100 km. de long, suivant son axe ouest-est et une largeur moyenne de 32 km.

72C’est la chaîne la plus élevée de la République d’Haïti. Elle atteint, en effet, 2.680 m. d’altitude au pic la Selle, à moins de 10 km., à vol d’oiseau, de la frontière dominicaine. Ce sommet appartient à une chaîne axiale, de direction ouest-est, qui est d’ailleurs l’orientation dominante des chaînons du massif. Le chaînon principal reste élevé jusqu’au morne La Visite, situé à peu près à la longitude de Port-au-Prince et qui atteint encore 2.171 m. d’altitude. Entre cet axe principal et celui situé plus au nord, on trouve, dans la région centrale, une zone déprimée et profondément découpée, appelée « fenêtre de la Selle », non impropre du point de vue géologique, car il s’agit d’une combe (p. 50). Entre le chaînon qui limite cette dépression vers le nord et la plaine du Cul-de-Sac, on trouve une série de plateaux étagés, unis entre eux par des pentes abruptes, comme celles qui limitent la plaine vers le sud. Au sud de la chaîne principale du massif de la Selle, les pentes sont d’abord douces jusqu’à une ligne de plateaux (comprenant ceux de Seguin à l’ouest et de savane Zombi à l’est), dont l’altitude varie entre 1.300 m. et 1.700 m. Les pentes sont ensuite abruptes jusqu’à la côte méridionale, surtout dans sa partie centrale. Dans la partie NW du massif s’étend la plaine côtière de Léogane, qui a une superficie d’environ 120 km2.

73Le réseau hydrographique du massif de la Selle est moins important que celui du massif de la Hotte. La majorité des rivières permanentes prennent leur source dans la zone où affleurent les basaltes (Grande Rivière de Jacmel, avec ses affluents les rivières Gauche et Gosseline, qui coule vers le sud et se jette dans la mer des Antilles près de Jacmel ; rivière Momance et rivière Grise (ou Grande Rivière du Cul-de-Sac) qui coulent vers le nord et dont l’embouchure se trouve dans la baie de Port-au-Prince).

2°) Géologie générale

a) Roches sédimentaires

74Tous les Systèmes, du Crétacé au Récent, sont représentés dans le massif de la Selle, à l’exception toutefois de l’Oligocène.

1. Pré-Crétacé ( ?)

75Woodring et al. (p. 84) ont signalé la présence de roches non en place, formées de micaschistes semblables à ceux trouvés dans la région septentrionale d’Haïti, dans la partie ouest de la plaine de Léogane. D’après eux, ce matériel vient probablement d’une zone inexplorée du sud ou du SW de la plaine. L’auteur n’a retrouvé ces roches ni en galets, ni en place.

76Elles ont été considérées par ces auteurs comme probablement paléozoïques. Mais nous avons indiqué (p. 19) que rien ne permet d’affirmer l’existence du Paléozoïque en Haïti, ni d’ailleurs dans les Antilles, en général (Butterlin, 1956, p. 311). Elles peuvent, par contre, être mésozoïques, à moins qu’elles aient été transportées de France, comme le granite rencontré par l’auteur dans la chaîne des Matheux (p. 65).

2. Crétacé

77Il est représenté par une série de petits affleurements, d’étendue trop limitée pour avoir pu être signalés sur la carte géologique, à l’exception, toutefois, de celui de la région de Demisseau, constitué de calcaires argileux, gris foncé, à silex noir qui ont fourni une microfaune du Crétacé supérieur (KDC 9, p. 128). On peut considérer que ces calcaires appartiennent à la formation du Macaya. Ils sont recouverts, en discordance angulaire, par des roches détritiques paléocènes ou éocènes inférieures.

78Deux autres groupes de roches crétacées sont très intéressantes. Dans la vallée de la rivière Corail, affluent de la Grande Rivière de Jacmel, Woodring a trouvé (in Reeside Jr, 1947), à 60 m. et 3 km. au NW du confluent, dans des blocs de grès calcaires relativement tendres, altérés, à galets et graviers de basaltes, une faune d’Ammonites qui comprend : Baculites sp., Parapuzosia sp. ( ?), Pachydiscus (Parapachydiscus) gardneri Reeside, P. (P.) woodringi Reeside, Paralenticeras sieversi (Gerhardt), Texanites (Mortoniceras) cf. T. canaensis (Gerhardt) qui indiquent la partie supérieure du Sénonien inférieur.

79D’autre part, dans la même publication, il est signalé que, 10 km. à l’WNW de cette localité, Woodring a trouvé des sédiments argileux, interstratifiés avec les basaltes et contenant des fragments de ceux-ci. Ils ont fourni des Caprinidae de l'Aptien-Albien. C’est la plus ancienne faune datée de la République d’Haïti.

80Woodring et al., ont d’autre part, signalé la présence de calcaires schisteux, inclus dans des roches basaltiques, dans l’arrondissement de Jacmel. Ils les supposent d’âge crétacé inférieur. Ils ont considéré, par ailleurs, comme crétacés supérieurs, des calcaires impurs et des roches tuffacées, interstratifiés avec des basaltes, et qui, dans la région de Marigot ont fourni des fragments de coquilles à structure d’Inoceramus. L’auteur, de son côté, a trouvé, au sud de Furcy, dans des calcaires interstratifiés avec les basaltes, une microfaune probablement du Maestrichtien (Vaughanina sp. ?, VC 2, p. 128).

3. Paléocène et Eocène

81Ils sont très largement représentés dans le massif de la Selle dont ils constituent la plus grande partie.

82Comme dans le massif de la Hotte, les séries de cet âge débutent par des roches détritiques qui correspondent au conglomérat de base déposé par la mer transgressive sur la chaîne laramienne érodée. Leur âge doit donc varier suivant les régions, mais doit être fréquemment paléocène.

83En raison du grand développement de ces séries détritiques au NE de Marigot, l’auteur a proposé (1954, p. 57) de leur donner le nom de formation de Marigot, ainsi définie : roches détritiques très plissées, de couleur foncée, constituées de conglomérats, de grès, d’argiles et de calcaires impurs et qui ressemblent aux « Carbonaceous shales » de la Jamaïque (Butterlin, 1956). Elles recouvrent, en discordance angulaire, les basaltes crétacés et sont recouvertes, en concordance, par les calcaires plus purs de l’Eocène. La localité-type se trouve sur le sentier Marigot-morne Lindor-Seguin, sur les pentes qui dominent au nord la vallée de la rivière de Marigot, à une altitude de 200 m. (localité fossilifère, MS 21, p. 130).

84L’épaisseur maxima de cette formation doit atteindre 600 m.

85Elle est surtout bien développée au NE de Marigot, entre la basse vallée de la rivière de Marigot et le plateau de Seguin, ainsi que dans la zone située au sud de Marbial. On la trouve généralement dans les régions où les basaltes sont recouverts par les séries paléocènes ou éocènes.

86L’auteur lui avait attribué primitivement un âge paléocène. Mais des études plus récentes ont montré que les grands Foraminifères ne permettent pas de distinguer avec certitude le Paléocène et l’Eocène inférieur et la formation peut correspondre à ces deux périodes.

87Le reste de l’Eocène est constitué, comme dans le massif de la Hotte, par des calcaires, soit crayeux, à silex, en lits réguliers et minces, soit massifs et cristallins.

88Les trois séries de l’Eocène sont représentées. Mais, contrairement à ce qu’avaient indiqué Woodring et al., l’Eocène supérieur est le moins développé et l’Eocène inférieur (plus le Paléocène) le plus largement représenté (p. 130).

89Comme dans le massif de la Hotte, l’épaisseur totale des terrains paléocènes et éocènes doit atteindre plusieurs milliers de mètres.

4. Oligo-Miocène

90Il n’a été signalé avec sa microfaune caractéristique, que dans trois localités : sur le sentier Kenscoff-Fort Jacques (W 25, p. 146) et la route Pétionville-Grenier (W 26, p. 146), par Woodring (comm. pers.) et à Mare Minerve par l’auteur (PS 16, p. 146).

91Il est représenté par des calcaires blancs, assez cristallins, à Miogypsina qui recouvrent, en discordance probablement angulaire, des calcaires éocènes (moyens et inférieurs).

92Il est possible que les calcaires de la région de Trouin soient du même âge.

5. Miocène

93Le Miocène inférieur correspond à la formation de la rivière Grise, dénomination introduite par l’auteur (1950). Elle peut être ainsi définie : roches plissées, détritiques, constituées de conglomérats grossiers, à galets basaltiques, siliceux ou calcaires, de grès bruns, d’argiles feuilletées, de calcaires argileux, de marnes et d’argiles, de couleur grise ou bleue, en lits minces. Les niveaux supérieurs sont généralement les plus détritiques.

94Cette formation dont l’épaisseur est, au minimum, de 1.000 m., présente, dans l’ensemble, un faciès « flysch ».

95Elle est bien représentée sur la bordure nord du massif de la Selle, dont elle forme les derniers contreforts qui dominent la plaine du Cul-de-Sac. Elle affleure aussi très largement dans les vallées de la rivière Grise et de la rivière Blanche et de leurs affluents (pl. II, fig. 4). Elle repose, en discordance angulaire, généralement sur l’Oligo-Miocène, dont elle est, toutefois, séparée par une faille au S-SE de Port-au-Prince (fig. 8), mais parfois directement sur l’Eocène (vallée de la rivière Grise, bordure méridionale du morne des Enfants Perdus). Elle est recouverte, en discordance, par la formation du morne Delmas.

96La localité-type a été choisie sur le sentier Bassin Général, morne Jacquot, habitation Cadet, Goujon, sur la pente orientée vers le sud, au sud de l’habitation Cadet, à une altitude de 500 m. (localité fossilifère RG 2, p. 152).

97La faune est relativement riche et comprend des Foraminifères, en particulier Sorites americanus, des Madrépores, des Gastropodes (dont des Ptéropodes), des Lamellibranches et des Scaphopodes. L’auteur l’avait classée primitivement dans l’Oligo-Miocène, mais suivant les conceptions actuelles, Sorites americanus indique le Miocène, et compte tenu des autres fossiles, elle paraît être miocène inférieure. Elle représente probablement l’équivalent de la formation de Thomonde.

98Notons que Coryell et Rivero (1940) ont introduit la dénomination de « beds near Port-au-Prince », pour des roches détritiques miocènes dont ils ont étudié les petits Foraminifères. Mais ils n’ont pas précisé les gisements dont elles provenaient, ni la répartition géographique de ces roches. Il ne paraît donc pas souhaitable de conserver ce terme, pour la désignation des roches miocènes de la région en question.

99Le Miocène moyen et supérieur se rencontre surtout dans la région de passage du massif de la Selle à la plaine du Cul-de-Sac. Mais comme il est surtout développé dans cette dernière région, nous étudierons ces roches à propos de la géologie de la plaine du Cul-de-Sac (p. 55).

100Il existe, toutefois, des terrains miocènes, à l’intérieur même du massif de la Selle. L’auteur a étudié en détail (1950) ceux qui affleurent dans la région du confluent des rivières Grise et La Voulte. Ils sont constitués de roches détritiques : conglomérats, sables, grès, calcaires tendres et ont fourni des Mollusques et des Madrépores (CT 4-6, p. 155). Leur épaisseur doit atteindre 200 à 300 m. Sur la route Fond Parisien-Fond Verrettes, l’auteur a trouvé, aux environs de 400 m. d’altitude, des calcaires, formant parfois de véritables récifs à Ostrea haitensis (FP S, 39, 40, p. 155).

101Enfin, comme nous allons le voir, une partie des terrains de la dépression carrefour Fauché-Jacmel peuvent être du Miocène.

6. Pliocène

102Woodring et al. ont attribué cet âge à une série marine détritique qui affleure dans la vallée de la rivière Gauche, jusqu’aux environs de Jacmel, en se basant à la fois sur le caractère de la faune, plus moderne que celle trouvée dans les terrains miocènes et sur le plissement relativement accentué de ces couches, qui empêche de les considérer comme quaternaires (pl. II, fig. 2).

103L’étude des dépôts de cette région a montré à l’auteur qu’ils se rencontrent non seulement dans la vallée de la rivière Gauche, mais également dans celle de la rivière Lavagne qui coule vers le nord et se jette dans le canal de la Gonave. De plus, les niveaux inférieurs, constitués d’argiles grises, d’argiles grossières jaunes, de grès calcaires et de calcaires, moins détritiques que les niveaux supérieurs, fournissent des Ptéropodes, des Madrépores, des Mollusques (p. 149) et, 5,2 km. au sud de Trouin, sur la route à Jacmel, une dent de Carcharodon. Ils peuvent être du sommet de l’Oligocène ou du Miocène, et recouvrent, en discordance angulaire, les calcaires paléocènes-éocènes inférieurs.

104Les niveaux supérieurs, plus détritiques, ont été groupés par l’auteur (1954, p. 67) sous le nom de formation de la rivière Gauche, ainsi définie : roches marines, plissées, très détritiques, comprenant des conglomérats, des sables jaunes ou bruns, des argiles grossières brunes. Son épaisseur peut atteindre 250 m. Elle a fourni des Madrépores, des Mollusques et des Echinides (p. 55 et Woodring et al., p. 242).

105Cette formation repose sur les roches moins détritiques décrites plus haut et est recouverte, en discordance angulaire, par les dépôts alluvionnaires ou récifaux quaternaires.

106La localité-type se trouve sur la route Trouin-Jacmel, 12,8 km. au SE de Trouin (MS 41, p. 157).

107Woodring et al. ont attribué le même âge à des calcaires madréporiques qui recouvrent les roches miocènes, sur les pentes occidentales du Tapion de Petit Goâve et leur ont fourni des Madrépores et des Mollusques (p. 243).

7. Pléistocène et Récent

108Dans le massif de la Selle, les côtes sont moins fréquemment formées de récifs pléistocènes soulevés et découpés en terrasses que dans le massif de la Hotte. On n’en trouve guère de ce type qu’à l’est de Jacmel, à l’est de Saltrou et au nord de Pointe-à-Pitre.

109Les alluvions pléistocènes, consolidées, et récentes, meubles, sont développées dans les basses vallées des rivières et dans la plaine de Léogane, à laquelle elles donnent sa fertilité.

b) Roches ignées

110Elles sont représentées uniquement par des roches volcaniques, basaltiques, et des roches intrusives basiques (dolérites).

1. Roches basaltiques

111Elles affleurent largement dans le massif de la Selle, dont elles constituent environ le 1/5. Elles forment essentiellement une importante zone d’affleurements dans l’axe du massif, depuis son extrémité occidentale jusqu’au sud de Badeau. Des affleurements isolés se rencontrent au voisinage de la côte méridionale.

112Elles sont du même type que celles qui affleurent dans le massif de la Hotte p. 36), et ont été étudiées, du point de vue pétrographique, par Woodring et al.

113L’épaisseur de ces basaltes est difficile à préciser, car leur soubassement n’affleure pas. Mais elle doit être supérieure à 1.000 m. Comme ceux du massif de la Hotte, ils sont rarement associés à des tufs (sauf dans la vallée de la rivière des Citronniers, au SE de Léogane, et sur le flanc nord du morne Trois Palmistes). Ils sont fréquemment interstratifiés avec des calcaires marins et présentent souvent une disposition en « pillow-lavas » qui indique un volcanisme sous-marin, fissurai. Ils sont souvent pénétrés par des veines siliceuses, de couleur bleue ou noire.

114Leur âge est mieux précisé que celui des basaltes du massif de la Hotte. Ils sont, en effet, interstratifiés avec des calcaires, dont les uns sont du sommet du Crétacé inférieur et les autres du Crétacé supérieur. Ils sont, d’autre part, recouverts en discordance angulaire par le conglomérat de base des séries marines paléocènes-éocènes. Leur âge doit donc être à la fois crétacé inférieur et crétacé supérieur.

2. Roches doléritiques

115Elles sont identiques à celles du massif de la Hotte (p. 37). Elles forment de petits dykes dans les basaltes. Woodring et al. les ont signalées au sud de Furcy et l’auteur les a également trouvées sur le flanc sud du morne Trois Palmistes.

116Elles doivent être, comme celles du massif de la Hotte, et pour la même raison, du sommet du Crétacé supérieur (Maestrichtien ?).

c) Structure (fig. 3, 5, 6)

117Elle paraît assez complexe. Dans les roches paléocènes et éocènes et les tufs volcaniques crétacés, les pendages sont orientés d’une manière prédominante vers le sud et le SW, ce qui paraît indiquer un déversement de l’ensemble des plis affectant ces roches vers le nord et le NE. On trouve d’ailleurs, sur le sentier Kenscoff-Robin, un pli presque couché vers le nord.

118L’anticlinal principal, de direction générale N 80° W-S 80° E correspond à l’importante bande basaltique qui forme le cœur du massif. Son axe coupe la route Fond Parisien-Saltrou, au niveau de la forêt des Pins. C’est un pli-faille, déversé vers le nord. La faille principale, presque parallèle à l’axe du pli, sépare les basaltes des séries éocènes, situées au nord. Elle doit présenter un rejet considérable, car, alors que sur le flanc sud, les roches paléocènes-éocènes inférieures affleurent très largement, surtout à la longitude 72° 15, sur le flanc nord, dans la région centrale, elles ont une extension très limitée.

119Au nord et au sud de cet anticlinal principal, en existent d’autres, secondaires. C’est ainsi que le long de la côte sud, l’affleurement de basaltes doit être lié à l’existence d’un anticlinal parallèle à la côte et qui doit s’infléchir vers le NV, à son extrémité occidentale. L’auteur avait, d’autre part, supposé antérieurement (1954, p. 111) l’existence d’un anticlinal dans la région de Rendez-Vous, au nord de Kenscoff. La découverte, par Woodring (comm. pers.), de formations oligo-miocènes (W 25, p. 146) juste au nord de ce point, est en contradiction avec cette supposition. Par contre, la réapparition, plus au nord, de roches éocènes, près de la source Millet (FP 35, p. 133) indique l’existence d’un anticlinal plus septentrional, d’ailleurs bien marqué par les pendages observés. De plus, dans la région de Rendez-Vous, doit exister un accident important, les formations éocènes moyennes, à fort pendage SW, étant couvertes par des terrains oligo-miocènes, à pendage NE accentué. Il s’agit probablement d’une faille inverse, le long de laquelle se sont établies les vallées profondes des rivières Froide et La Voulte, de direction générale ouest-est (fig. 6). On doit avoir une faille du même type, au nord de Fond Verrettes.

Fig. 6. — Coupe géologique a travers la partie centrale du massif de la Selle.
Qal : alluvions (Quaternaire). — Tmi : argiles, grès et conglomérats (Miocène inférieur). — Tom : calcaires cristallins (Oligo-Miocène). — Tep : roches détritiques (base), calcaires cristallins ou compacts (Paléocène et Eocène). — Cb : basaltes (Crétacé).

120L'orogenèse laramiennea dû jouer un rôle important dans le massif de la Selle comme dans celui de la Hotte. Les puissances des basaltes crétacés et du conglomérat de base des séries paléocènes-éocènes, en sont les témoins. Les directions typiquement laramiennes, NW-SE, sont, toutefois, masquées par les déformations postérieures et n’apparaissent guère que dans l’orientation du synclinal carrefour Fauché-Jacmel, qui présente d’ailleurs une élévation d’axe dans la région de Trouin, et celle des axes des lignes structurales au voisinage de ce synclinal, ainsi que dans la direction de la côte entre Saltrou et Anse à Pitre. Il s’agit probablement de directions posthumes, étant donné que les roches affectées sont post-laramiennes.

121La question de l'orogénèse de l’Eocène supérieur est beaucoup moins claire. Trois observations paraissent, toutefois, en faveur de son existence : le plissement très accentué des séries paléocènes et éocènes, accompagné de déversement vers le nord — la rareté des formations éocènes supérieures — l’absence de roches sûrement oligocènes. L’auteur avait supposé antérieurement (1954) que l’orogénèse intense qui avait affecté les séries paléocènes à éocènes était celle du Moi-Pliocène. Mais la découverte de fossiles oligo-miocènes (p. 45), dans les terrains du nord de Rendez-Vous, moins plissés que les terrains éocènes qui affleurent plus au sud, de même que l’extension et l’intensité des plissements éocènes supérieurs dans l’ensemble des Antilles, confirmée encore récemment à Porto-Rico (P. H. Mattson, 1960-T. R. Slodowski, 1956) l’amènent à admettre que l’orogénèse éocène est celle qui doit être à l’origine de la plupart des caractères structuraux des séries paléocènes-éocènes du massif de la Selle. La direction dominante de ces structures est N 80° W-S 80° S, c’est-à-dire sensiblement la même que celle des structures de l’orogénèse mio-pliocène, ce qui n’est pas fait pour faciliter la distinction des caractères structuraux qui reviennent à chacune d’elles.

122La supposition qui vient d’être faite, réduit naturellement l’importance de l'orogenèse mio-pliocène. Elle n’est toutefois pas à négliger. Non seulement les formations oligo-miocènes, miocènes, et même pliocènes ont été plissées d’une manière relativement intense, mais le « block-faulting » qui l’a accompagnée, explique en grande partie la topographie actuelle du massif. Les lignes structurales de cette orogénèse ont une direction générale ouest-est, sauf sur la bordure occidentale de la chaîne où elles correspondent à des directions laramiennes posthumes, NW-SE.

d) Géomorphologie

123On peut distinguer dans le massif de la Selle les deux grands mêmes types de régions que dans le massif de la Hotte : celles constituées de calcaires et celles constituées de basaltes.

124Dans les premières domine la topographie karstique. Elle est typique, par exemple, sur les plateaux de savane Zombi et de Seguin, accidentés de nombreuses dolines. Sur le flanc nord du massif, la rivière Froide fournit un bel exemple de perte de rivière et de résurgence. Les phénomènes karstiques, typiques (pl. I, fig. 3,4) sont cependant moins accentués que dans le massif de la Hotte, en raison de l’absence de formations calcaires crétacées supérieures de grande extension.

125Dans les régions basaltiques, s’est développée la topographie typique que nous avons déjà décrite, à propos du massif de la Hotte (p. 40).

126Le caractère géomorphologique le plus typique du massif de la Hotte est constitué par la « fenêtre de la Selle », expression impropre car il ne s’agit pas d’une fenêtre, au sens géologique du terme, mais bien d’une inversion de relief, telle que celle que nous avons décrite à propos de l’étang de Miragoâne, le phénomène s’étant toutefois développé sur une beaucoup plus grande échelle. Cette zone correspond, en effet, à l’axe anticlinal principal de la chaîne, qui devait être constitué primitivement de calcaires éocènes. L’érosion, décapant les calcaires, a amené à l’affleurement les basaltes sous-jacents, soumis alors à une altération chimique très intense, dont on peut se faire une idée en examinant ceux qui affleurent sur la bordure nord de la dépression. Leur désagrégation explique l’éboulement fréquent des routes et des sentiers (route Obléon-Kenscoff, sentier Kenscoff-Robin, par exemple) qui doivent les traverser. La différence de résistance à l’altération et à l’érosion, entre les calcaires éocènes et les basaltes crétacés a entraîné une inversion de relief très impressionnante, en particulier quand on examine la combe basaltique à partir des crêts calcaires qui l’encadrent.

127Les côtes septentrionales sont, dans l’ensemble, basses et lagunaires, sauf dans la région de carrefour Fauché, où elles sont récifales et atteignent 35 à 40 m. d’altitude. Les côtes méridionales sont plus élevées, sauf au voisinage des embouchures de rivières. Celles de la baie de Jacmel, constituées de calcaires récifaux pléistocènes, forment trois terrasses typiques, d’altitudes respectives 10,90 et 110 m. La plus basse se poursuit vers l’est jusqu’à carrefour Raymond. Sauf à l’est de Saltrou et au NW d’Anse à Pitre, les côtes élevées sont formées de falaises, constituées de calcaires éocènes, qui atteignent 200 m. de hauteur, au NW de Grand Gosier (pl. I, fig. 1).

128La plate-forme continentale, au nord de la côte septentrionale, correspond à l’ensemble de la baie de Port-au-Prince, que nous étudierons plus loin (p. 58). A partir de Léogane, elle se rétrécit très brutalement et, de plus en plus, pour atteindre seulement 750 m. de largeur au nord de Grand Goâve. Celle de la côte méridionale est étroite de la baie de Jacmel, où elle présente une profonde échancrure structurale (p. 58), jusqu’à l’ouest de Saltrou, sa largeur étant souvent inférieure à un kilomètre. Elle s’élargit ensuite, pour atteindre 10 km. de large à Anse à Pitre.

129Rappelons que la côte coïncide probablement avec une faille et que, par suite, les profondeurs augmentent très vite, atteignant déjà 3.279 m., 12 km. au sud des Cayes de Jacmel.

C. — L’ILE DE LA GONAVE

1°) Extension et caractères généraux

130Entourée par le golfe de la Gonave, le canal de Saint Marc, la baie de Port-au-Prince et le canal de la Gonave, l’île de la Gonave est la plus grande des îles haïtiennes. Son axe géographique, de direction WNW-ESE, a une longueur de 57 km. et une largeur maxima de 15 km.

131La partie orientale, qui est la plus haute, est découpée en une série de plateaux emboîtés, dont le plus élevé supporte le morne La Pierre, point culminant de l’île, avec 776 m. d’altitude, et sur le même axe, un peu plus au SE, le morne Chien Content, de 740 m. d’altitude. Une dépression fermée, la plaine des Mapoux, borde la chaîne principale vers le nord.

132La partie occidentale est beaucoup plus basse. Elle est constituée dans son axe par un plateau bas, la plaine Deux Baleines, dont l’altitude est comprise entre 100 et 200 m., et qui est dominée vers l’ouest par une colline de 370 m. d’altitude, le morne Dandeville.

Fig. 7. — Coupe géologique de l’ile de la Gonave.
Qal : alluvions (Quaternaire). — Qc : calcaires récifaux (Pléistocène). — Tom : calcaires madréporiques (Oligo-Miocène). — Tec : calcaires crayeux (Eocène). — Tem : calcaires massifs compacts (Eocène). —-Cb : basaltes (soubassement supposé-Crétacé).

133L’île de la Gonave, très sèche, ne possède aucune rivière permanente et les sources, peu nombreuses, sont concentrées dans la partie orientale.

2°) Géologie générale

a) Roches sédimentaires

134Elles constituent la totalité de l’île, les roches ignées y étant inconnues. Leur âge est compris entre l’Eocène et le Récent.

1. Eocène

135Il a été signalé par Woodring et al., dans la région de Fond Plaisir et de Picmi. Il y est représenté par des calcaires massifs, cristallins, à microfaune éocène supérieure, âge confirmé par une nouvelle étude de leurs plaques par l’auteur (p. 139).

136A l’extrémité occidentale de la plaine des Mapoux, Woodring et al. ont trouvé, dans des calcaires qu’ils supposent du même âge, une faune de Mollusques (9673, p. 145). L’auteur a trouvé, de son côté, une faune de Mollusques et de Madrépores (IG 10, p. 141) dans des calcaires massifs, un peu plus à l’ouest, sur la crête du morne Bois Noir. Ils fournissent également un Foraminifère qui semble être Globorotalia arag nensis du Paléocène-Eocène inférieur. Mais il est peut-être remanié.

137Woodring et al. ont supposé que ces calcaires massifs reposent sur des calcaires crayeux, à silex. En fait, ceux-ci sont bien recouverts par des calcaires massifs, mais d’âge soit oligocène, soit plus probablement miocène. Dans la région de Nan Café et de Grande Source, les calcaires crayeux représentent le niveau peu perméable qui donne naissance aux sources, l’eau s’étant infiltrée dans ces calcaires massifs, fissurés, du Miocène ( ?). Les calcaires massifs éocènes supérieurs supportent à leur tour les calcaires crayeux, qui peuvent donc être d’âge éocène supérieur ou oligocène.

138Les calcaires massifs éocènes constituent la plus grande partie des zones méridionale et centrale de la région orientale de l’île. Leur soubassement n’affleure pas, mais par analogie avec ce qui se passe dans le massif de la Selle, il est peut-être représenté par des basaltes, d’âge crétacé. Les calcaires crayeux affleurent surtout sur le plateau de Plaisance et sur la pente qui unit ce plateau à la région de Pointe à Raquette. Ils ont été supposés d’âge éocène dans la carte géologique. L’ensemble des calcaires éocènes doit atteindre plusieurs centaines de mètres d’épaisseur.

2. Oligocène ou, plus probablement, Miocène

139Comme nous venons de l’indiquer, les calcaires crayeux éocènes supérieurs ou oligocènes sont recouverts, en discordance, par des calcaires massifs, cristallins, à Madrépores et Foraminifères. Ils constituent les plateaux de Nan Café et de Fond Nègre.

  • 1 Operculinoides est considéré maintenant par W. S. Cole (1959) comme synonyme de Operculina.

140Leur âge était considéré comme douteux. Mais la présence de Operculinoides cojimarensis1 indique qu’ils sont miocènes, plutôt qu’oligocènes (Cole, 1958). Leur épaisseur doit atteindre quelques centaines de mètres.

141L’auteur a supposé que les calcaires madréporiques qui forment le sommet du morne Dandeville sont du même âge. Mais ils peuvent être également pléistocènes.

3. Pléistocène et Récent

142La plus grande partie de l’île est constituée de calcaires récifaux, découpés en terrasses (pl. VIII, fig. 1) et probablement du Pléistocène.

143Ils constituent la quasi-totalité de la partie occidentale de l’île et les bordures nord et est de la région orientale.

144Des formations alluvionnaires pléistocènes et surtout récentes bordent les côtes nord et sud, sur une grande partie de leur longueur.

b) Structure (fig. 3, 7)

145Elle est relativement simple. L’île apparaît comme un anticlinal dissymétrique, de direction générale WNW-ESE, les pendages du flanc sud étant plus accentués que ceux du flanc nord.

146Des plis secondaires compliquent légèrement cette disposition.

147Les relations structurales entre les formations éocènes et miocènes ne permettent pas de préciser si la structure est en relation avec l’orogénèse éocène supérieure ou mio-pliocène.

148D’autre part, l’île a été élevée de 200 m. au moins au cours du Pléistocène, étant donné le développement des terrasses marines jusqu’à cette altitude et la fraîcheur des récifs émergés.

c) Géomorphologie

149L’île de la Gonave, constituée presque uniquement de calcaires, dont la majorité sont massifs et cristallins, présente une topographie karstique très caractéristique, signalée déjà par Hall (1929). Il s’agit d’un relief karstique mûr, ce qui se marque par un drainage superficiel nul, sauf à la saison des pluies. Les vallées forment cependant des canyons profonds, transversaux aux directions structurales. La plaine des Mapoux est un véritable poljé, couvert d’une épaisse couche d’argile latéritique.

150Les sources se sont établies à la limite d’affleurement des calcaires massifs miocènes, perméables et des calcaires crayeux éocènes ( ?), peu perméables. C’est le cas de celles de Nan Café, Grande Source, Anse à Galets et probablement Picmi.

151Les côtes sont de deux types : basses et lagunaires quand elles sont formées d’alluvions, élevées quand elles sont formées de calcaires. Celles qui sont constituées de calcaires récifaux pléistocènes, c’est-à-dire surtout les côtes NW et SE et la zone de Trou l’Enfer, à mi-distance d’Etroit et d’Anse à Galets, montrent une série de terrasses marines (pl. VIII, fig. 1). La côte méridionale, entre Pointe à Raquette et l’est de Picmi est élevée, les falaises étant formées de calcaires éocènes.

152La plate-forme continentale est, dans l’ensemble, étroite (1,5 km. en moyenne), son contour n’étant toutefois pas précisé dans les cartes marines disponibles. Elle ne s’élargit qu’à l’extrémité ESE où la bordure externe de la plate-forme de la baie de Port-au-Prince vient se terminer en pointe.

D. — LA PLAINE DU CUL-DE-SAC

153L’étude de la géologie de sa bordure méridionale a fait l’objet d’un mémoire spécial de l’auteur (1950).

1°) Extension et caractères généraux

154La plaine du Cul-de-Sac est limitée au nord par la chaîne des Matheux et les montagnes du Trou d’Eau, au sud par le massif de la Selle, à l’ouest par la baie de Port-au-Prince et à l’est par l’étang Saumâtre, dont la bordure orientale sert de frontière avec la République Dominicaine. Mais la hoya de Enriquillo représente, en fait, le prolongement structural de la plaine du Cul-de-Sac.

155Ainsi délimitée, la plaine du Cul-de-Sac a, dans l’ensemble, une forme rectangulaire. Sa longueur, ouest-est, est d’environ 30 km., et sa largeur, de 16 km., en moyenne. Elle a une altitude d’ensemble d’environ 50 m. et s’incline légèrement vers le nord. Dans sa partie méridionale, elle est accidentée par des collines qui la dominent d’environ 50 m.

156L’étang Saumâtre, dont l’altitude actuelle est d’environ 14 m., a une superficie approximative de 180 km2. Ses eaux ont une concentration en sels qui est, approximativement, le 1/5 de celle de l’eau de mer. Sur la bordure nord centrale de la plaine s’étend une zone marécageuse, le Trou Caïman ou Eaux Gaillées, qui reçoit les eaux de la source Trou Caïman.

157Les deux seules rivières importantes débouchent du massif de la Selle où. elles prennent leur source. Ce sont les rivières Grise (ou Grande Rivière du Cul-de-Sac) et Blanche. Leurs eaux sont captées en vue de l’irrigation à leur arrivée dans la plaine et, par suite, leur cours inférieur n’a de l’eau qu’à la saison des pluies.

2°) Géologie générale (fig. 8)

a) Roches sédimentaires

158Elles constituent la totalité de la plaine qui ne présente pas d’affleurements de roches ignées. Leur âge est compris entre le Miocène et le Récent.

1. Miocène

159Si nous considérons que les collines qui limitent la plaine du Cul-de-Sac et sont formées de roches de la formation de la rivière Grise (p. 45) appartiennent au massif de la Selle, les plus anciens terrains de la plaine du Cul-de-Sac correspondent à la formation du morne Delmas, dénomination introduite par l’auteur en 1950. On peut la définir ainsi : roches détritiques (conglomérats, sables, grès, argiles grossières), avec, toutefois, des niveaux de calcaires à Ostrea haitensis et à nombreux autres Mollusques (Butterlin, 1950-A. Pressoir, 1951) associés à des Madrépores. Elle présente un faciès « molasse ».

160La localité-type se trouve sur la route Lalue-morne Delmas, entre 500 et 300 m. au sud de son union avec la route Station Sans Fil-Delmas (LAL 1 à 3, p. 154).

161La formation a une épaisseur de 300 à 400 m. Elle présente une faune qui ressemble beaucoup à celle de la Bowden formation de la Jamaïque, du Miocène moyen ou supérieur, et doit être du même âge.

162Elle repose, en discordance, sur la formation de la rivière Grise et est recouverte, en discordance angulaire, par les alluvions quaternaires.

163Elle affleure entre Port-au-Prince et Frères et dans la région du Gros Morne (entre Port-au-Prince et Pétionville), ainsi que sur la nouvelle route Pétionville-Delmas-Aérodrome, de même que sur la route Port-au-Prince-Petit Goâve (à l’est de Gressier et de carrefour Fauché). On peut considérer que les roches miocènes moyennes ou supérieures que nous avons signalées dans le massif de la Selle appartiennent à la même formation (pl. III, fig. 1, 2).

2. Pléistocène et Récent

164Le Pléistocène marin est représenté par des calcaires récifaux et des lumachelles qui affleurent dans l’angle SE de la plaine, entre l’Etang Saumâtre, Ganthier et Fond Parisien, formant des collines qui dominent parfois la plaine de 100 m. Des calcaires du même type affleurent le long de la bordure nord de la plaine, entre Trou Caïman et Thomazeau. Leur épaisseur peut atteindre une centaine de mètres. Ils recouvrent, en discordance angulaire, la formation du morne Delmas.

165Ils ont fourni de nombreux Madrépores et Mollusques (p. 157) identiques aux espèces actuelles. Comme, de plus, les couches ne sont pas plissées, mais seulement soulevées, elles sont probablement pléistocènes.

166Les alluvions pléistocènes, consolidées et formant des terrasses ou des collines dominant la plaine de 50 m. environ et, surtout, les alluvions récentes, meubles, constituent la plus grande partie de la plaine. D’après les forages de puits, leur épaisseur maxima est de 100 m. dans son axe, plus proche de la bordure nord que de la marge sud de la plaine.

167Les alluvions seront pratiquement horizontales et couvrent, en discordance angulaire, les roches miocènes plissées.

b) Structure (fig. 3 et 8)

168La plaine du Cul-de-Sac est un synclinal complexe ou synclinorium, dont l’axe a une direction N 85° W-S 85° E, mais s’infléchit vers le NW dans la baie de Port-au-Prince, ainsi que l’indiquent les axes des lignes bathymétriques (cf. carte de la baie in Woodring et al., p. 398) pour former finalement l’axe du canal de Saint Marc, de structure synclinale.

Fig. 8. — Carte géologique et tectonique de la partie SW de la plaine du cul-de-sac (d’après J. Butterlin, 1950, modifié).
Qal : alluvions (Quaternaire. — Tm : formation du morne Delmas (sables, argiles, calcaires madréporiques. — Miocène moyen et supérieur). — Tmi : formation de la rivière Grise (marnes, argiles schisteuses, conglomérats. — Miocène inférieur). — Tom : calcaires cristallins (Oligo-Miocène).

169Les plis secondaires sont surtout bien développés sur la bordure méridionale de la plaine.

170La structure est encore compliquée par l’existence de failles inverses dont la disposition est très particulière. Il existe, en effet, des plis-failles, déversés vers le nord sur la bordure sud de la plaine, et, au contraire, vers le sud sur sa bordure nord. Meyerhoff (1954) et R. C. Mitchell (1954) expliquent cette structure par un déversement général des structures vers le nord, avec, pour Meyerhoff, un encapuchonnement du synclinal de la plaine vers le nord. La plaine du Cul-deSac ne correspondrait donc pas à un fossé d’effondrement mais à un synclinorium déversé vers le nord. Deux objections peuvent être présentées à cette hypothèse. D’une part, comme nous le verrons (p. 66), il existe un déversement de l’anticlinal principal de l’ensemble chaîne des Matheux-montagnes du Trou d’Eau vers le sud, signalé par Woodring et al. et confirmé par l’auteur. D’autre part, les formations miocènes du sud de la plaine et du sud de la chaîne des Matheux sont intensément plissées mais nullement déversées (pl. V, fig. 1).

171L’auteur propose, dans ces conditions, une interprétation un peu différente. Le déversement vers le nord que supposent Meyerhoff et Mitchell a dû se réaliser au cours de l’orogénèse de l’Eocène supérieur, alors que le déversement vers le sud de la chaîne des Matheux, doit être en relation avec celle du Mio-Pliocène. Quant à l’abaissement relatif de la plaine, il est lié à un jeu de failles normales, pendant le Plio-Pléistocène, qui explique l’envahissement de la plaine par la mer au cours du Pléistocène, ainsi que la fraicheur des falaises qui la limitent sur ses bordures nord et sud.

172C’est donc, au total, l’orogénèse mio-pliocène, suivie du faillage normal qui s’est poursuivi au cours du Pléistocène, qui expliquerait les caractères structuraux essentiels de la plaine du Cul-de-Sac.

c) Géomorphologie

173En raison du faible relief de la plaine, l’influence des caractères géologiques sur la morphologie est peu marquée. Notons simplement que l’existence de terrasses fluviatiles, bien visibles à l’entrée des rivières dans la plaine. Elle s’explique par le retrait de la mer au cours du Quaternaire supérieur. Ces terrasses se relient d’ailleurs aux plates-formes récifales de l’est de la plaine. L’étang Saumâtre est le résidu et le témoin de l’invasion marine quaternaire, de même que le lac d’Enriquillo, en République Dominicaine.

174Les côtes de la plaine du Cul-de-Sac sont basses et marécageuses, avec des lagunes et des buissons de mangliers. C’est ce qui explique le tracé de la route Port-au-Prince-Saint Marc qui a évité cette zone, par un coude important vers l’intérieur.

175La plate-forme continentale est très large, puisqu’elle englobe toute la baie de Port-au-Prince. Celle-ci présente des lignes bathymétriques concentriques (carte, in Woodring et al., p. 398) et, par suite, la profondeur maxima correspond au centre de la baie et atteint 155 m. Cette disposition s’explique parce qu’il s’agit de la zone la plus protégée de l’arrivée des dépôts alluvionnaires. Mais la baie a une structure synclinale typique, marquée par la forme des courbes bathymétriques, dont l’axe a une direction générale NW-SE et prolonge l’axe synclinal de la plaine du Cul-de-Sac.

176La baie est accidentée de hauts-fonds récifaux (Iroquois, Pélicans) dont la profondeur est, en certains points, inférieure à un mètre.

E. — CHAINE DES MATHEUX

1°) Extension et caractères généraux

177La chaîne des Matheux constitue, avec les montagnes du Trou d’Eau qui la prolongent vers l’est, un ensemble montagneux, encadré, au nord, par la vallée de l’Artibonite et son prolongement structural, la vallée de la rivière du Fer à Cheval et, au sud, par la plaine du Cul-de-Sac (prolongée par la baie de Port-au-Prince et le canal de Saint-Marc). La séparation entre la chaîne des Matheux et les montagnes du Trou d’Eau est purement artificielle. Woodring et al. ont admis que la première correspond à la partie de la chaîne dont l’axe a une direction N 50° W-S 50° E et les secondes à celle dont l’axe a une direction générale ouest-est et borde vers le nord la plaine du Cul-de-Sac. L’auteur a préféré adopter comme limite, l’intersection d’une ligne Mirebalais-Croix des Bouquets avec la chaîne. Géologiquement, elle est plus caractéristique. Elle coïncide, approximativement, d’autre part, avec les vallées des rivières Fond Diable, au sud, et colline Callebasse, au nord.

Fig. 9. — Coupe géologique a travers la partie NW de la chaîne des Matheux.
Qal : alluvions (Quaternaire). — Qc : calcaires récifaux (Pléistocène). — Tm : sables, grès, conglomérats, calcaires madréporiques, gypse (Miocène moyen et supérieur). — Tep : roches détritiques (base), calcaires cristallins massifs et calcaires crayeux bien lités (Paléocène et Eocène). — Cb : basaltes (soubassement supposé-Crétacé).

178Ainsi délimitée, la chaîne des Matheux a une longueur d’environ 80 km. et une largeur moyenne de 20 à 25 km.

179Elle est constituée de chaînons, de direction générale parallèle à celle de l’ensemble de la chaîne, d’altitude moyenne et dont les parties les plus élevées ne sont souvent que des plateaux. C’est même le cas du point culminant, le fort Delpech, qui atteint 1.600 m. d’altitude.

180Il existe également des plaines côtières, dont la plus étendue est celle de l’Arcahaie, d’environ 28 km. de long et 6 km. de large. Au pied des collines qui la limitent vers le NE, elle atteint une altitude maxima de 150 m.

181Le réseau hydrographique est peu développé, à cause de la topographie karstique mûre qui domine dans ce massif. Les rivières permanentes sont celles dont la plus grande partie du cours ne se trouve pas dans les calcaires cristallins éocènes C’est le cas des rivières de Mont Rouis, des Matheux et de la rivière la Tombe, affluent de l’Artibonite.

2°) Géologie générale

a) Roches sédimentaires

182L’âge des formations sédimentaires de la chaîne des Matheux est compris entre le Paléocène et le Récent.

1. Paléocène et Eocène

183Les roches sédimentaires de cet âge présentent des caractères semblables à ceux des roches du même âge des chaînes méridionales. La base de la série est constituée de roches très détritiques : conglomérats à galets de roches basaltiques et siliceuses, grès grossiers, argiles grossières, à altération en boule très caractéristique, en lits généralement minces. On les trouve, en particulier, dans la vallée de la rivière des Roseaux, entre le plateau de Goyavier et l’étang Bois Neuf. Elles y atteignent une épaisseur d’au moins 500 m. et fournissent une microfaune paléocène ou éocène inférieure (CM 47, p. 131). Elles présentent un pendage général vers le NW et doivent donc être séparées par une faille des calcaires éocènes qui affleurent plus au sud. Comme dans les chaînes méridionales, les roches de ce faciès de transgression peuvent avoir un âge variable. Mais, dans l’ensemble, elles sont surtout paléocènes à éocènes inférieures.

184Le reste de l’Eocène est représenté par des calcaires massifs, cristallins, bien développés, par exemple, le long de la route Port-au-Prince-Mirebalais, au sud de poste Terre Rouge (SEC 51, 51 A, 51 B, p. 140) et sur le plateau de Goyavier (CM 44, 45, p. 131), ainsi que par des calcaires crayeux, à silex, en lits minces à moyens, comme par exemple dans la région de Terre Blanche, sur la pente nord du plateau de Goyavier (CM 23, 25, p. 131). Le Paléocène et l’Eocène forment la plus grande partie de la chaîne des Matheux. Seules les parties basses des montagnes sont formées de roches plus jeunes.

185Les trois séries éocènes sont bien représentées et, comme toujours, le type de calcaires ne permet pas de préciser à quelle série l’on a affaire. C’est seulement l’étude de la microfaune qui permet de le déterminer. Leur épaisseur totale doit être supérieure à 1.000 m.

2. Oligocène

186Il est représenté essentiellement par des calcaires blancs, crayeux, à silex. De véritables niveaux entièrement silicifiés peuvent parfois être interstratifiés avec les calcaires, comme par exemple, au nord de marché Coupe Mardi Gras, sur le sentier Saut-d’Eau-La-Chapelle. Les silex fournissent des grands Foraminifères, de même que certains niveaux de calcaires détritiques (Butterlin, 1954 a).

187On les rencontre surtout dans la zone synclinale déprimée située à l’ouest de Saut d’Eau (savane Madame Michel) et sur la pente de la chaîne qui fait face à la vallée de l’Artibonite, entre Verrettes et Mirebalais. Cette zone d’affleurements se rétrécit vers le sud et, sur la route Port-au-Prince-Mirebalais, elle est très étroite. L’Oligocène y recouvre l’Eocène supérieur, sans qu’une discordance angulaire ait pu être mise en évidence entre les deux séries, et son épaisseur doit atteindre 1.000 m. Il fournit la microfaune caractéristique du Système (p. 142).

3. Oligo-Miocène

188Il est représenté par des calcaires qui sont du même type que ceux de l’Oligocène et ne s’en distinguent que par la microfaune qu’ils contiennent, cela d’autant plus que les deux séries sont concordantes.

189L’Oligo-Miocène affleure surtout sur la route Port-au-Prince-Mirebalais, au nord de poste Terre Rouge (SEC 47, 47 A, 49, p. 145). Leur épaisseur peut atteindre quelques centaines de mètres.

4. Miocène

190Le Miocène inférieur n’est pas connu avec certitude. L’auteur a attribué cet âge à des séries détritiques, formées surtout d’argiles feuilletées et d’argiles non feuilletées, bleues, alternant avec des grès et qui affleurent dans la vallée de la rivière de Mont Rouis. En l’absence de fossiles, il leur a été attribué cet âge, en raison de leur ressemblance avec les roches de la formation de Thomonde (p. 86). Elles reposent, en discordance angulaire, sur l’Eocène inférieur qui affleure sur le flanc sud de la vallée de la rivière de Mont Rouis et paraissent séparées par une faille de l’Eocène inférieur qui forme le plateau de Goyavier. Leur épaisseur doit atteindre plusieurs centaines de mètres.

191Le Miocène moyen et supérieur est probablement représenté par des roches très détritiques : conglomérats grossiers, grès, « siltstones », argiles feuilletées, calcaires madréporiques, avec parfois des lentilles de gypse. Il affleure au nord et au sud de Saint-Marc, au voisinage de la route Port-au-Prince-Cap Haïtien. Une large bande d’affleurements borde vers le NE la plaine de l’Arcahaie et s’étend vers le SE jusqu’au bord de la plaine du Cul-de-Sac (pl. III, fig. 3, 4). Un petit gisement très fossilifère se rencontre dans la ravine Fond Diable (SEC 3,4, p. 155) et est le témoin d’une extension antérieure vers l’est de la bande en question (pl. Y, fig. 1). Sur le flanc nord de la chaîne des Matheux, dans la région de Trianon, on trouve d’importants affleurements miocènes qui s’étendent jusqu’à la vallée de l’Artibonite.

192Le Miocène moyen et supérieur recouvre, en discordance, soit le Miocène inférieur, soit des terrains plus anciens, et son épaisseur doit atteindre environ 600 m. Il fournit des Mollusques et des Madrépores qui permettent de l’inclure dans la formation de Las Cahobas (p. 87).

5. Plêistocène et Récent

193Des calcaires récifaux pléistocènes, découpés en terrasses, forment les caps qui encadrent, au nord et au sud, la baie de Saint-Marc. On en trouve, d’autre part, quelques affleurements isolés dans la vallée de la rivière de Saint-Marc, au nord de Délugé et au NW de Mont Rouis. Ils reposent, en discordance angulaire, sur les terrains plus anciens, d’âge variable. Leur épaisseur peut atteindre 100 m. dans les caps de Saint-Marc.

194Des alluvions anciennes, consolidées, et récentes, meubles, se rencontrent dans les plaines. Celles de la plaine de l’Arcahaie ont été étudiées par Taylor et Lemoine (1952). Les argiles qu’elles contiennent sont utilisées pour la briqueterie dans la région de La Baudry. Elles reposent, en discordance angulaire, sur les formations miocènes qui affleurent dans les collines situées au NE de la plaine. Leur épaisseur n’a pas été précisée.

b) Roches ignées

195Elles sont représentées par des roches volcaniques (basaltes et basaltes néphéliniques) épanchées à diverses périodes et par des roches intrusives (dolérites). Nous parlerons également d’un granite à biotite et muscovite trouvé dans la chaîne des Matheux.

1. Roches basaltiques

196Des laves basaltiques se sont épanchées dans la chaîne des Matheux au Crétacé, à l’Oligocène et au Miocène.

197Les affleurements de basaltes antécénozoïques sont rares. Woodring et al. (p. 312) ont signalé la présence de roches basaltiques, sous ou à la base des roches éocènes supérieures de la région de Couyau. Au nord de Goyavier, l’auteur a trouvé, sur le sentier de Lalouère, à 470 m. d’altitude, un petit affleurement de basaltes, pénétrés par un dyke doléritique (VGS 23, p. 162) et recouverts, en discordance angulaire, par le conglomérat de base des séries paléocènes à éocènes inférieures (VGS 24, p. 131). L’existence d’un soubassement basaltique étendu dans la chaîne des Matheux est indiqué par la présence de nombreux fragments de roches basaltiques dans le conglomérat de base des séries paléocènes-éocènes inférieures, en particulier dans la région des Roseaux.

198Il est probable que ces roches basaltiques sont crétacées, comme celles de la presqu’île du Sud, en raison de l’analogie de leur position stratigraphique. Celles de Couyau peuvent, toutefois, être éocènes, comme celles des montagnes Noires. Ces roches n’ont pas été étudiées en détail, du point de vue pétrographique.

199Leur soubassement est inconnu et, par suite, leur épaisseur indéterminée.

200Dans la région de Briand, sur le sentier de Saut-d’Eau-à-La-Chapelle, l’auteur a trouvé des basaltes à augite et des labradorites à augite et hyperstène, interstratifiés avec les calcaires oligocènes de la région. Leur épanchement a été sous-marin, ainsi que l’indiquent leur interstratification avec les calcaires et leur microstructure arborescente, caractéristique des « pillow-lavas » (SEC 18, 19, p. 163).

201Leur épaisseur ne paraît pas dépasser quelques mètres.

202Woodring et al. ont signalé (p. 319) la présence de laves basaltiques sur les pentes méridionales de la chaîne des Matheux, sur le sentier de l’Arcahaie à Couyau. Elles paraissent interstratifiées avec les roches sédimentaires miocènes de la région. L’auteur a trouvé dans cette même zone, au sud de la source Branly, des laves basaltiques zéolitisées, à pyrite de fer, interstratifiées avec des argiles grises et bleues et des grès bruns, en lits minces. À la source même, des tufs et des tuffites sont interstratifiés avec des roches sédimentaires du même type.

203Leur épaisseur ne doit pas dépasser quelques dizaines de mètres.

2. Basaltes néphéliniques

204Dans la région de Saut d’Eau et les savanes qui s’étendent plus à l’ouest et au SW, jusqu’à Fond des Orangers, on trouve des affleurements étendus de basaltes néphéliniques, signalés par Woodring et al. (p. 314). Ils ont également indiqué la présence de tufs volcaniques et d’agglomérats, partiellement remaniés, à la limite des savanes Madame Michel et Madame Michaud, sur le sentier Saut d’Eau-Fond des Orangers.

205Ils les ont étudiés du point de vue pétrographique.

206En ce qui concerne leur âge, ils ont signalé que les basaltes néphéliniques de la région de Thomazeau (montagnes du Trou d’Eau, p. 70) sont pétrographiquement identiques et recouverts par des calcaires oligocènes supérieurs. Comme ceux de la région du Saut d’Eau reposent sur des calcaires oligocènes moyens, l’âge des deux séries, s’il est le même, serait donc de la limite Oligocène moyen-Oligocène supérieur. Mais Woodring et al. n’excluent pas l’hypothèse que ceux de Saut d’Eau soient pléistocènes, par analogie avec les limburgites dominicaines des vallées de San Juan et du rio Yaque del Sur, qui ont cet âge.

207Cette dernière supposition a été vérifiée par l’auteur qui a pu montrer que les basaltes néphéliniques de la région de Saut d’Eau sont effectivement quaternaires, probablement pléistocènes, sur les bases suivantes :

208— sur le sentier Saut d’Eau-Fond des Orangers, à Grosse Pierre, on trouve un petit gisement de sables et de grès, avec une très riche faune de Madrépores miocènes et Ostrea haitensis (SEC 31, p. 156). Ces roches plongent vers le NE et, quelques mètres au nord, affleurent les basaltes néphéliniques qui, à moins d’admettre la présence d’une faille en ce point, recouvrent manifestement les roches miocènes ;

209— si on examine la disposition des affleurements de basaltes néphéliniques (cf. carte géologique), on s’aperçoit qu’ils occupent les zones basses. C’est ainsi qu’on les trouve dans la vallée de la rivière La Tombe, mais, surtout, à l’ouest de Fond des Orangers, ils forment une languette qui s’étend dans la vallée d’un affluent de la rivière Bretelle. Par contre, l’axe de leurs affleurements dans la région de Fond des Orangers est pratiquement perpendiculaire à celui des plis. Ainsi les affleurements basaltiques sont en conformité avec la topographie actuelle et non avec les structures de l’orogénèse mio-pliocène. Les épanchements sont, par conséquent, postérieurs à cette orogénèse et donc quaternaires ;

Fig. 10. — Coupe géologique a travers la savane Madame Michel (partie NE de la chaîne des Matheux). Qbn : basaltes néphéliniques (Quaternaire). — To : calcaires crayeux à silex (Oligocène). — Tep : calcaires massifs (Eocène).

210— G. Tippenhauer (1901 b) avait signalé la présence d’un volcan, le morne La Vigie, sur la bordure occidentale de la savane Madame Michel. Son étude a été reprise par l’auteur. Il s’agit d’une colline conique, de 200 m. de relief et 812 m. d’altitude. C’est un cône de scories, de tufs et de cendres, avec un cratère à double pente. Celui-ci a environ 250 m. de diamètre et contient de nombreuses bombes en croûte de pain de 0,30 m. de diamètre moyen, ainsi que des scories cimentées (pl. IV). La pente nord du volcan est découpée par des ravines rayonnantes, du type « barrancos ». Il s’agit, au total, d’un cône mixte vulcano-strombolien. Un peu plus au nord, on trouve d’autres cônes, mais moins bien conservés.

211L’état de conservation du volcan La Vigie confirme que les éruptions ont été post-tectoniques, donc quaternaires. Mais il est difficile d’être plus précis. L’érosion du cône, dont le cratère a été entaillé vers l’est par un petit cours d’eau et est recouvert, en partie, par un sol latéritique, fait penser que les éruptions ont été plus probablement pléistocènes que récentes.

212L’épaisseur des basaltes néphéliniques de la région de Saut d’Eau ne doit pas être inférieure à 200 m.

3. Roches doléritiques

213Il n’en a été trouvé qu’un très petit affleurement sous forme d’un dyke intrusif dans les basaltes du flanc nord du plateau de Goyavier (p. 62). Leur étude pétrographique (VGS 23, p. 162) a montré à l’auteur qu’elles sont semblables à celles de la presqu’île du Sud (p. 48) et, comme elles présentent les mêmes relations stratigraphiques, elles sont probablement du même âge, donc du sommet du Crétacé supérieur.

4. Granite à biotite et muscovite

214Dans la vallée de la rivière des Roseaux, sur le sentier Goyavier-Etang Bois Neuf, à 300 m. d’altitude, l’auteur a trouvé un galet de granite à biotite et muscovite, associé à des calcaires sombres, chloriteux et des schistes calco-argileux, en place. Le galet a été manifestement transporté par la rivière des Roseaux.

215Cette roche, très acide, est complètement différente des autres types de roches intrusives décrites d’Haïti et des Antilles, en général (CM 55, p. 162).

216Il est donc vraisemblable qu’elle a été apportée de France, à l’époque coloniale. Les bateaux, retournant à vide de la Métropole, étaient chargés de blocs utilisés ensuite dans les constructions. Elle a dû être entraînée par la rivière quand la maison, dans l’édification de laquelle elle avait été employée, est tombée en ruines.

c) Structure (fig. 3, 9, 10)

217Woodring et al. (p. 127) considèrent la chaîne des Matheux, comme le plus parfait exemple de chaîne anticlinale qu’on puisse trouver en Haïti.

218On peut se rallier à cette opinion, en faisant, toutefois, remarquer, que la structure anticlinale de la chaîne est compliquée par de nombreux plis secondaires et par le faillage.

219L’anticlinal principal est très méridional dans la partie sud de la chaîne. L’auteur avait supposé antérieurement (1954, p. 133) qu’il passait immédiatement au nord de poste Terre Rouge, où la route coupe un pli manifestement déversé vers le sud (pl. Y, fig. 3). Mais l’étude paléontologique détaillée de cette zone a montré que l’axe du pli est encore plus méridional et coupe la route probablement en son point le plus élevé, au sommet du morne à Cabrit. Ainsi le flanc sud du pli est très étroit et le déversement vers le sud très accentué. La faille inverse qui limite la chaîne des Matbeux vers le sud (p. 58) ne l’a toutefois pas fait entièrement disparaître car, alors que l’axe du pli est formé d’Eocène moyen (SEC 52 A, 53, p. 134), on retrouve l’Eocène supérieur à la fois au nord (SEC 51, A, B, C, D, p. 140) et au sud (SEC 54, p. 140).

220Woodring et al. avaient déjà signalé le déversement de la chaîne vers le SW (fig. 5, p. 128), l’Oligocène étant charrié sur le Miocène, dont il est séparé par une faille inverse. Par contre, l’Eocène ne paraît pas déversé sur l’Oligocène.

221Au nord de cet anticlinal principal, on en trouve d’autres, d’axes parallèles. Le plus septentrional s’étend au nord de la baie de Saint-Marc et coupe la route Saint-Marc-Gonaïves, 3,5 km. au NE de Saint-Marc. La savane Madame Michel qui s’étend à l’ouest de Saut d’Eau, correspond à un synclinal, dont l’axe, en arc, est convexe vers le sud. Notons également que dans les formations miocènes de la ravine Fond Diable, près du pied du morne à Cabrit, on trouve un très beau synclinal oblique (pl. Y, fig. 1).

222Le faillage est également bien développé et nous avons eu l’occasion de citer diverses failles, au cours de la description des roches sédimentaires. Il est probable que la limite entre la plaine du Cul-de-Sac et la chaîne des Matbeux correspond à une faille inverse déversée vers le sud. On peut d’ailleurs, en observer une, mineure, dans une colline formée de calcaires probablement oligocènes (SEC 55, 71, p. 150).

223Il n’est pas facile de préciser quelles sont les orogénèses qui sont à l’origine des différents éléments structuraux de la chaîne des Matbeux.

224L’orogenèse laramienne a probablement été assez intense. Mais la rareté des affleurements des roches antélaramiennes ne permet pas d’être plus précis. La direction NW-SE de la côte et des lignes structurales des parties occidentale et centrale de la chaîne des Matheux est celle qui se retrouve généralement dans les plis laramiens. Mais elle se marque ici dans des roches post-laramiennes et, comme nous l’avons dit (p. 27), au fur et à mesure qu’on se rapproche du socle du massif du Nord, les plis post-laramiens ont tendance à s’orienter en direction NW-SE.

225Il n’a pas été possible de mettre en évidence une discordance entre l’Eocène supérieur et l’Oligocène, qui, par exemple, au nord de poste Terre Rouge semblent concordants. Woodring et al. (fig. 5, p. 128) ont fait les mêmes observations. L’orogènèse éocène supérieure ne paraît donc pas avoir affecté cette chaîne.

226La majorité de ses caractères structuraux doivent donc être liés à l’orogénèse mio-pliocène. Le déversement de l’Oligocène sur le Miocène (alors que l’Eocène ne l’est pas sur l’Oligocène), signalé par Woodring et al., confirme cette supposition et celle que l’auteur a faite, au sujet du déversement de la chaîne vers le sud.

d) Géomorphologie

227La plus grande partie de la chaîne est constituée de calcaires éocènes, dont la majorité sont massifs et cristallins. Comme, d’autres part, elle a été très déboisée, il n’est pas étonnant qu’elle présente une topographie karstique dominante. Celle-ci se marque par l’existence de nombreux plateaux, très secs, accidentés de dolines, et dont le type est celui de Goyavier. Les vallées de rivières sont très encaissées, formant parfois de véritables canyons et l’infiltration considérable.

228Les savanes où affleurent les basaltes néphéliniques, entre Saut d’Eau et Fond des Orangers et où prospèrent les Graminées sauvages, en particulier « l’Herbe Madame Michel », ont un relief peu accentué, sauf les vallées de rivières formant de véritables gorges.

229Les régions où affleurent les formations miocènes, détritiques, sont constituées de collines, découpées par des ravines en Y et dont les croupes sont arrondies (pl. III, fig. 3).

230Au sud de Saint-Marc, à l’ouest de la route Port-au-Prince-Saint-Marc, existe une sorte d’immense amphithéâtre dont la formation est bée à la superposition des calcaires récifaux pléistocènes et des terrains miocènes. L’érosion a fait disparaître la croûte dure des premiers et a entaillé profondément les seconds, plus tendres.

231La plaine de l’Arcahaie ressemble beaucoup à celle du Cul-de-Sac et on peut d’ailleurs considérer qu’elle en est le prolongement.

232Les côtes sont basses en face des plaines de l’Arcahaie, de Mont Rouis et de Saint-Marc, mais élevées dans les autres zones. Des côtes terrassées, entaillées dans les calcaires récifaux pléistocènes bordent la baie de Saint-Marc, au nord et au sud. La terrasse inférieure a une altitude qui varie entre 20 et 35 m. et la supérieure s’élève à environ 100 m. Elles se prolongent vers le sud jusqu’à l’ouest de Mont Rouis. De l’est de Mont Rouis à Trou Forban, la côte, découpée dans les calcaires éocènes, forme des falaises séparées par des criques et est très pittoresque, de même que celle qui est entaillée dans les terrains miocènes entre source Matelas et les sources Puantes.

233La plate-forme continentale est très étroite (0,5 à 1 km.) du nord de la baie de Saint-Marc à Trou Forban. Elle présente une profonde indentation dans la baie de Saint-Marc, confirmant l’existence d’un synclinal N 70° W-S 70° E dans cette région. Au sud de Trou Forban, la bordure externe de la plate-forme continentale devient perpendiculaire à la côte, constituant la limite occidentale de la baie de Port-au-Prince et se dirige vers l’extrémité orientale de l’île de la Gonave.

F. — LES MONTAGNES DU TROU D’EAU

1°) Extension et caractères généraux

234Nous avons indiqué précédemment qu’elles représentent la prolongation vers l’est de la chaîne des Matheux et que leur distinction est tout à fait artificielle (p. 59). Elles sont limitées, au sud, par la plaine du Cul-de-Sac et l’étang Saumâtre, au nord, par la vallée de l’Artibonite et son prolongement naturel, la vallée de la rivière du Fer à Cheval, qui les sépare de la terminaison SE des montagnes Noires. L’ensemble du prolongement oriental des deux chaînes constitue la sierra de la Neiba, dominicaine. Ainsi délimitées, les montagnes du Trou d’Eau ont une longueur de 40 km et une largeur moyenne de 12 km.

235C’est une chaîne moyennement élevée, mais de caractères orographiques mal connus car il n’en existe pas une bonne carte topographique. Suivant celle de P. Pereira (Port-au-Prince, 1949), le point culminant serait le morne Liane Doco, avec 1.655 m. d’altitude, qui se trouverait au nord de Saint-Pierre. Mais ce nom est inconnu des habitants de cette localité. Le morne Napipe, qui se dresse au nord de la vallée de la rivière Plonzac, s’élève à 1.510 m. et le pic du Trou d’Eau à 1.385 m.

236Le réseau hydrographique est peu développé et le seul cours d’eau permanent est la rivière Gascogne.

2°) Géologie générale

a) Roches sédimentaires

237Leur âge est compris entre l’Eocène et le Récent.

1. Eocène

238Les calcaires éocènes qui affleurent sur la route Port-au-Prince-Mirebalais, se prolongent certainement vers l’est, mais sur une distance inconnue, et on ne les retrouve déjà plus dans le pic du Trou d’Eau. Des affleurements éocènes étendus existent dans le chaînon compris entre les vallées des rivières Fer à Cheval et Gascogne. Ils comportent, à la base, des calcaires massifs, cristallins, parfois détritiques, recouverts par des calcaires plus compacts, à silex, et en lits minces. Leur épaisseur, qui ne peut pas être précisée, car la base n’affleure pas, doit atteindre plusieurs centaines de mètres.

239La microfaune indique que la plus grande partie de ces calcaires sont éocènes moyens (SPM 23, 24, 25, p. 134), mais les niveaux les plus élevés sont éocènes supérieurs (SPM 22, p. 140).

2. Oligo-Miocène

240Il est représenté uniquement par des galets de calcaires cristallins, inclus dans des tufs volcaniques qui affleurent sur la route Thomazeau-Cornillon, à 11 km environ de la première localité. On ne les trouve que sur une distance d’environ 200 m.

241Leur âge est indiqué par les Miogypsina qu’ils contiennent (TCP 6, p. 148).

3. Miocène

242Le Miocène inférieur est représenté par des calcaires massifs, blancs, à Madrépores et à Sorites americanus, recouverts, en discordance, par des roches nettement plus détritiques, présentant le faciès de la formation de Thomonde. Il s’agit de calcaires argileux, gris, surtout abondants dans les niveaux inférieurs, de sables, d’argiles grossières jaunes ou grises, de grès et de calcaires madréporiques, en lits de 5 à 20 cm. d’épaisseur. Des failles doivent fréquemment les séparer des calcaires massifs sous-jacents, d’après les pendages observés au voisinage des contacts. Elles fournissent uniquement des Madrépores.

243Les calcaires massifs, blancs, dominent surtout dans les parties méridionales et centrales des montagnes du Trou d’Eau (TCP 10, 13, 31, 34, 35, 36, 37, 43, p. 153), les roches détritiques dans la partie septentrionale (TCP 22, 23, 51, p. 153), et une ligne joignant Saint-Pierre au sud de Trianon sépare approximativement leurs affleurements.

244L’épaisseur des calcaires massifs est indéterminée, leur base n’affleurant pas. Mais elle doit atteindre plusieurs centaines de mètres, peut-être même 1.000 m. Les séries détritiques ont une épaisseur de 400 m. environ.

245Le Miocène moyen et supérieur est représenté dans la partie NW du massif, ses affleurements prolongeant ceux de la vallée de l’Àrtibonite. Il est constitué de roches très détritiques : conglomérats, sables, grès et de calcaires madréporiques, l’ensemble présentant le faciès de la formation de Las Cahobas (p. 87). Son épaisseur doit être du même ordre que celui du flanc nord de la chaîne des Matheux, c’est-à-dire environ 600 m.

4. Pléistocène et Récent

246Les calcaires récifaux pléistocènes qui affleurent dans la région de source Trou Caïman, se prolongent vers l’est jusqu’au nord de Thomazeau.

247Les alluvions quaternaires affleurent dans la vallée de la rivière du Fer à Cheval et de ses affluents.

b) Roches ignées

248Elles sont représentées par des roches volcaniques (basaltes néphéliniques-basaltes ?)

1. Basaltes néphéliniques

249Ils ont été signalés par Woodring et al. (p. 315) dans la région de Thomazeau-Manneville et ils en ont effectué une étude pétrographique. Elle leur a montré qu’ils sont identiques à ceux de la région de Saut d’Eau (p. 63).

250Ils ont attribué à ces roches un âge pré-oligocène supérieur, parce que, sur la route Thomazeau-Cornillon, ils ont trouvé des galets de basaltes dans le conglomérat de base des calcaires massifs oligocènes supérieurs (en réalité miocènes inférieurs, p. 69).

251L’auteur, à la suite de rétablissement de l’âge pléistocène des basaltes néphéliniques de Saut d’Eau, a étudié à nouveau cette région, mais sans arriver à des conclusions définitives. Sur la route Thomazeau-Cornillon, tous les gisements de tufs rencontrés reposent sur des calcaires massifs, malheureusement azoïques. Nous avons vu (p. 69) que des galets de calcaires, inclus dans les tufs, ont fourni une faune oligo-miocène. Il n’a, par contre, pas été trouvé de calcaires recouvrant, comme l’ont indiqué Woodring et al., les basaltes. Par ailleurs.il y a lieu de noter, que ces roches volcaniques affleurent sur la bordure méridionale du massif, dans des zones topographiquement basses.

252On peut donc envisager qu’elles soient, ou bien pléistocènes, comme celles de Saut d’Eau pétrographiquement identiques, ou bien pré-miocènes inférieures, comme les roches volcaniques que nous allons maintenant étudier. L’auteur penche en faveur de la première hypothèse.

2. Roches basaltiques

253Woodring et al. ont signalé (p. 315) que, sur le sentier Cornillon-marché Canard, sur la pente nord des montagnes, environ 1 à 2 km. au nord de la crête, des basaltes, altérés, sont recouverts par les calcaires massifs oligocènes supérieurs (pour l’auteur, miocènes inférieurs). Ils n’en ont pas réalisé l’étude pétrographique.

254L’auteur a trouvé de nouveaux gisements de ces roches. Le premier se trouve sur le flanc nord de la vallée de la rivière Volant. Il est représenté par des laves et des tufs, recouverts par des conglomérats riches en fragments de roches volcaniques et formant la base des séries détritiques à faciès de la formation de Thomonde (p. 69). Au sud de Portino, des laves altérées et des tufs affleurent sur quelques centaines de mètres et sont recouverts par un conglomérat, à galets formés par les mêmes laves, qui constitue la base de la série de calcaires massifs miocènes inférieurs. Il en est de même sur les pentes SE du pic du Trou d’Eau (1.300 m d altitude).

255L’étude pétrographique de ces laves n’a pas été réalisée, et il n’est donc pas possible de préciser si elles sont, ou non du même type que les basaltes néphéliniques de la région Thomazeau-Manneville. En faveur de cette hypothèse, on doit indiquer le fait que leurs relations stratigraphiques avec les séries miocènes inférieures sont identiques à celles précisées par Woodring et al. pour les roches volcaniques de la région de Thomazeau. Dans ce cas, toutes ces roches basaltiques néphéliniques seraient de la limite Oligocène-Miocène, puisque nous avons signalé la présence d’un galet de roche de l’Oligo-Miocène (p. 69) dans les tufs qui les accompagnent.

256Dans l’hypothèse, au contraire, où les basaltes néphéliniques de la région Thomazeau-Manneville sont du Pléistocène, les basaltes recouverts par le Miocène inférieur ont une limite inférieure d’âge indéterminée. Toutefois, leurs relations stratigraphiques au sud de Portino semblent indiquer qu’elles ne sont pas plus anciennes que le Miocène inférieur. Pour expliquer les observations de Woodring et al., on devrait, dans cette dernière hypothèse, admettre que, dans la région de Thomazeau, se rencontrent à la fois les deux séries de roches volcaniques, ce qui n’est pas invraisemblable.

c) Structure (fig. 3)

257Elle est difficile à préciser car les montagnes du Trou d’Eau sont constituées essentiellement par des calcaires massifs. L’axe anticlinal principal coïncide probablement avec Taxe topographique de la chaîne du morne Napipe, de direction ouest-est.

258Les affleurements de basaltes du pic du Trou d’Eau et de la rivière Volant correspondent probablement à un axe anticlinal qui pourrait être le prolongement de celui de la partie méridionale de la chaîne des Matheux (p. 65). Comme on observe des pendages vers le nord au sud du pic du Trou d’Eau, il est probablement déversé vers le sud comme celui de la chaîne des Matheux.

259Le faillage est bien développé. Nous avons déjà signalé l’existence d’une faille entre la majeure partie des affleurements de calcaires massifs miocènes inférieurs et ceux des roches détritiques à faciès de la formation de Thomonde. Il doit également exister un faillage étendu à la limite méridionale de la chaîne.

260Etant donné que toutes les roches qui constituent les montagnes du Trou d’Eau sont du Cénozoïque et que, comme dans la chaîne des Matheux, il ne semble pas y avoir eu d’orogénèse à la fin de l’Eocène, les structures des montagnes du Trou d’Eau sont liées à l’orogenèse mio-pliocène et au faillage normal subséquent.

d) Géomorphologie

261Les montagnes du Trou d’Eau, constituées en majorité de calcaires massifs, cristallins, d’âge éocène et surtout miocène inférieur, et qui ont été soumises à un important déboisement, présentent une topographie karstique typique. Elle se marque par l’absence de drainage superficiel, sauf dans la partie nord du massif, constituée de formations détritiques peu perméables. Il existe des poljés typiques, tel celui qui s’étend entre Cornillon et le pic du Trou d’Eau. Il est orienté en direction ouest-est, comme la plupart des structures du massif.

262Dans les dépressions, se développent parfois des étendues d’eau temporaires, comme, par exemple, la mare Fée, à l’est de Cornillon, qui repose sur des argiles latéritiques. Les sources sont rares.

G. — LA PLAINE ET LA VALLÉE DE L’ARTIBONITE

1°) Extension et caractères généraux

263La plaine et la vallée de l’Artibonite correspondent aux cours inférieur et moyen de la plus importante rivière haïtienne, l’Artibonite, dont le débit moyen annuel, mesuré au pont Sondé, c’est-à-dire un peu en aval de la limite de la vallée et de la plaine, atteint 80 m3/sec.

264Ces deux unités structurales s’étendent en direction NW-SE à WNW-ESE, entre la chaîne des Matheux et les montagnes du Trou d’Eau, au sud, les montagnes Noires, au nord, le golfe de la Gonave à l’ouest. A Test, la vallée de l’Artibonite est limitée par les montagnes Noires que la rivière coupe au niveau de la cluse de Péligre et se prolonge jusqu’à la frontière par la vallée de la rivière du Fer à Cheval, limitée au nord par les montagnes Noires et, au sud, par les montagnes du Trou d’Eau.

265La plaine de l'Artibonite correspond à la partie occidentale de cet ensemble. Elle présente une forme générale triangulaire et on peut la séparer de la vallée de l’Artibonite au sommet SE de ce triangle, c’est-à-dire au voisinage de Petite Rivière de l’Artibonite. Ainsi délimitée, le triangle a sa base, de 45 km. de long, constituée par les montagnes Noires, et les deux autres côtés ont une longueur d’environ 30 km. Un fragment détaché des montagnes Noires, le morne Grammont, de 406 m. d’altitude, sépare la plaine des Gonaïves de la plaine de l’Artibonite proprement dite. Ces deux plaines sont basses, atteignant 50 m. au pied des montagnes mais présentant moins de 10 m. d’altitude sur la plus grande partie de leur extension.

266La vallée de l'Artibonite, d’orientation WNW-ESE, a une longueur d’environ 70 km. Sa largeur diminue naturellement en remontant le cours de la rivière. Toutefois, elle a tendance à augmenter à nouveau dans la vallée de la rivière du Fer à Cheval. Nous chercherons plus loin à en préciser la raison (p. 84).

267Du point de vue hydrographique, la plaine de l’Artibonite correspond non seulement au cours inférieur de la rivière du même nom, mais également à ceux de l’Estère et de la Quinte, rivières de débit beaucoup plus faible. Toutefois, au moment de la saison des pluies, elles transportent une grande quantité d’alluvions et sont sujettes à des crues subites qui ont valu son nom à la rivière La Quinte. La vallée de l’Artibonite correspond au cours moyen de la rivière du même nom, et au cours inférieur de ses affluents, dont le plus important est la rivière du Fer à Cheval, qui reçoit sur sa gauche, la rivière Gascogne.

2°) Géologie générale

a) Roches sédimentaires

268Si on met à part le morne Grammont qui appartient, du point de vue structural, aux montagnes Noires, la plaine et la vallée de l’Artibonite sont constituées de roches détritiques, marines, miocènes, qui appartiennent aux formations de Thomonde (Miocène inférieur) et de Las Cahobas (Miocène moyen et supérieur) et sont étudiées avec les séries des massifs encadrants, ainsi que d’alluvions quaternaires.

269Ces alluvions sont, en partie, anciennes et consolidées, découpées en terrasses que Woodring et al. ont signalées en divers points de la vallée de l’Artibonite, en particulier près de Petite Rivière de l’Artibonite, où elles dominent le cours actuel de la rivière d’environ 50 m. et sur le flanc sud de la vallée de la rivière du Fer-à-Cheval, où elles s’étendent 60 m. au-dessus de son cours actuel.

270Mais la majeure partie des alluvions de la vallée de l’Artibonite et la quasitotalité de celles de la plaine sont récentes. Une monographie des sols de la plaine de l’Artibonite (Anonyme, 1926) précise que ceux-ci sont alcalins et à prédominance argileuse sur une profondeur de 15 à 20 km., à partir de la côte.

b) Structure (fig. 3)

271La plaine et la vallée de l’Artibonite représentent un synclinal typique, dont l’axe a une direction NW-SE dans la partie occidentale et s’infléchit progressivement en direction ouest-est quand on se déplace vers l’est. La structure est plus complexe à l’extrémité orientale, mais nous l’étudierons avec celle des montagnes Noires (p. 83).

272L’axe anticlinal du morne Grammont, qui jalonne l’union des montagnes Noires et du massif de Terre-Neuve, a une direction générale NW-SE et sépare le synclinal de la vallée de l’Artibonite proprement dite de celui de la plaine des Gonaïves.

273La limite entre les montagnes Noires et la plaine de l’Artibonite correspond probablement à une faille majeure qui représente le prolongement de celle qui sépare, plus au nord, la fosse de Gros-Morne du massif du Nord.

274L’orogénèse qui est à l’origine des structures de cette région est certainement celle du Mio-Pliocène, étant donné qu’elles affectent les formations miocènes qui constituent les flancs de la vallée de l’Artibonite.

c) Géomorphologie

275Rappelons ici la présence de terrasses alluvionnaires dans la vallée de l’Artibonite. Par ailleurs, la prédominance des alluvions récentes rend monotone et sans relief la topographie de cette région.

276Les côtes sont basses, très lagunaires, à contour irrégulier et instable, la terre gagnant constamment sur la mer.

277La plate-forme continentale qui a environ 8,5 km. de largeur, à la latitude des Gonaïves, se rétrécit progressivement en direction du sud. Elle n’a plus ainsi que 1,2 km. de largeur à la hauteur de pointe Diable, bien que l’on soit ici très proche de l’embouchure de la rivière Artibonite qui transporte une très grande quantité d’alluvions. Cela semble indiquer que la côte a été très récemment émergée.

H. — LES MONTAGNES NOIRES

1°) Extension et caractères généraux

278Les montagnes Noires représentent la chaîne centrale de la République d’Haïti. Elles sont clairement délimitées au NE par le plateau Central, à l’ouest et au SW par la plaine et la vallée de l’Artibonite. Par contre, leur séparation avec les montagnes du Trou d’Eau, au sud, et surtout avec le massif du Nord, dans la partie septentrionale, est beaucoup moins nette. La vallée de la rivière du Fer à Cheval est considérée comme la limite septentrionale des montagnes du Trou d’Eau, mais elle est artificielle car les prolongements des deux chaînes en République Dominicaine constituent, ensemble, la sierra de Neiba. Woodring et al. ont admis que le massif du Nord et les montagnes Noires devaient être séparés au niveau de la vallée de la rivière d’Ennery, considérée comme une cluse. On peut conserver cette limite, en la prolongeant jusqu’à Saint-Michel de l’Atalaye, bien qu’elle soit très artificielle. Elle ne correspond d’ailleurs pas à une cluse, car elle est parallèle et non perpendiculaire aux lignes structurales, depuis Les Poteaux, au NW, jusqu’à Saint-Michel-de-l’Atalaye, au SE.

279Ainsi délimitées, les montagnes Noires sont pratiquement divisées en deux parties, une située au NW, l’autre au SE, unies par une cluse étroite, de moins de 4 km. de largeur au point où elle est traversée, dans la gorge de Péligre, par la rivière Artibonite. La partie NW, de beaucoup la plus étendue, a une longueur de 90 km. et une largeur moyenne de 15 à 20 km. Elle est, en même temps, la plus élevée, avec 1.700 m. d’altitude, au pic Bonhomme, point culminant de tout le massif.

280Cette partie NW est constituée par une série de chaînes parallèles, en arc convexe vers le SW, et de direction générale NW-SE. Elles sont séparées par des vallé s parallèles aux chaînons, étroites, profondes, à fond plat occupé par la savane.

281La partie SE a une longueur de 35 km. environ et une largeur moyenne de 10 km. Elle est constituée par un seul chaînon, en arc convexe vers le SSW et qui atteint 1.200 m. d’altitude au morne Deux Pâles.

282Le réseau hydrographique des montagnes Noires est assez dense, bien qu’aucune rivière à grand débit n’y prenne sa source. L’Estère est la principale rivière qui y naisse. Les affluents de la rive droite du cours moyen de l’Ȧrtibonite, dont la rivière Boucan Carré est la plus importante, découpent les flancs méridionaux de la partie NW de la chaîne, tandis que ceux de la rive droite de la rivière Canot, entaillent les flancs septentrionaux de la même région.

2°) Géologie générale

a) Roches sédimentaires

283Leur âge est compris entre le Crétacé supérieur et le Récent.

1. Crétacé

284Woodring et al. ont signalé (p. 92), 4 km. au SW de St Michel de l’Atalaye, dans la savane La Cidra, sur le sentier de Paul, des affleurements d’argillites ardoisières, en lits minces, de couleur grise ou brune, avec des taches bleues ou vertes, et des intercalations de calcaires noirs, ardoisiers, avec des petits Foraminifères indéterminés. Les couches sont très plissées. Ces argillites ont été métamorphisées par une intrusion de dacites. Les argillites contiennent ainsi de l’épidote, de la chlorite et du quartz, ainsi que des cubes de pyrite de fer. Elles ont été considérées par ces auteurs comme d’âge crétacé inférieur, en raison de leur métamorphisme.

285L’auteur a trou é des argillites du même type sur le flanc NE du morne Bazile, à 500 m. d’altitude.

286Sur le sentier Bois-Carré-Fiéfié, à 900 m. d’altitude, dans des tufs andésitiques, il a trouvé des galets qui fournissent une microfaune du Campanien-Maestrichtien (HPS 30, p. 128). Mais l’auteur n’a pas pu rencontrer ces calcaires en place.

2. Paléocène et Eocène

287Les roches de cet âge constituent la majeure partie des montagnes Noires.

288Le Paléocène est, en fait, absent ou peu développé. Le seul affleurement qui ait fourni une microfaune du Paléocène-Eocène inférieur, se trouve dans la vallée de l’Estère. Il est formé par des calcaires de couleur foncée, grise ou brun-rouge, bréchoïdes, massifs (SM 10, p. 131). Les calcaires qui affleurent sur les pentes orientales du morne Grammont et sont très semblables, sont probablement du même âge. Ils reposent, d’ailleurs, en discordance angulaire, sur des basaltes crétacés.

289Dans l’ensemble, la transgression marine du début du Cénozoïque n’a dû commencer qu’à l’Eocène inférieur pour s’accentuer à l’Eocène moyen qui constitue la majorité des affleurements. Les roches détritiques, qui marquent le début de cette transgression, ont été groupées dans la formation Abuillot (Bermudez, 1949, p. 19), ainsi définie : séries de grès, d’argiles sableuses, d’argiles feuilletées, de calcaires qui affleurent dans la vallée de la rivière Abuillot, 15 km. environ au SW de Hinche. La microfaune des argiles feuilletées a un type pélagique marqué, avec de nombreuses espèces de Globorotalia et Globigerina. La plupart des espèces de cette formation ont été décrites de l'Eocène inférieur de Cuba, du Mexique et des autres régions voisines, et ne se rencontrent pas dans d’autres formations de l’île d’Haïti. La localité-type se trouve dans la vallée de la rivière Àbuillot, 1 km. environ en amont de la localité du même nom.

290L’auteur a réétudié récemment cette formation (1956) et a signalé qu’elle devrait, en fait, s’appeler Abriots, véritable nom de la rivière et de la localité en question. Mais, surtout, l’étude de la microfaune de ses calcaires indique qu’ils sont d’âge éocène moyen (ÀHB 12, 13, 14, 15, 16, 17, 25, 26, 26 A, p. 134). Dans ces conditions, la formation Abuillot doit déborder à la fois sur l’Eocène inférieur et l’Eocène moyen.

291D’après les sondages effectués par l’Atlantic Refining Co (comm. pers.), son épaisseur serait d’environ 1.000 m. Elle recouvre, en discordance, des roches volcaniques éocènes inférieures et est recouverte, apparemment en concordance, par l’Eocène supérieur.

292Le reste de l’Eocène est représenté par des calcaires. Nous ne parlerons pas pour le moment de ceux de la route Ennery-Saint-Michel de l’Atalaye, que nous étudierons avec la géologie du massif du Nord (p. 94). Les autres calcaires présentent l’un des deux types dominants dont nous avons déjà parlé : calcaires massifs, cristallins ou compacts, de couleur blanche ou grise, parfois brune-calcaires crayeux, en lits d’épaisseur mince à moyenne, à silex. Les premiers sont parfois très détritiques et fournissent des grands Foraminifères. Dans la région de Pérodin, on trouve des calcaires gris foncé ou bruns, à nodules de silex, et qui présentent parfois une odeur de pétrole. Comme dans les autres régions d’Haïti, le type de calcaires ne permet pas de préciser l’âge, qui peut être seulement déterminé grâce aux grands Foraminifères, souvent abondants.

293L’Eocène moyen, dont nous avons indiqué qu’il est le sous-système le mieux représenté dans les montagnes Noires, forme la partie supérieure de la formation Abuillot (p. 75) et est interstratifié avec les tufs et les laves, dans la formation Pérodin. Mais, le plus souvent, il recouvre, en discordance, les andésites et les dacites. Son épaisseur ne doit pas être inférieure à 1.000 m.

294L’Eocène supérieur a été trouvé surtout dans la partie SE du massif et doit constituer une part importante de la chaîne dans cette région (SPM 10, 11, et 9915). Au sud et à l’est d’Abriots, il couvre la formation Abuillot, mais n’affleure que sur une faible étendue (AHB 11, 21, 23, 49). Son épaisseur doit atteindre quelques centaines de mètres.

3. Oligocène.

295Il a été trouvé dans diverses régions. Il forme la partie inférieure des deux flancs de la partie SE de la chaîne et est surtout bien développé sur les pentes méridionales, où il se prolonge jusqu’à la gorge de Péligre. On le trouve également sur le sentier Hinche-Abriots, où il forme la partie inférieure du flanc nord du morne Platon Man.

296Dans toutes ces régions, il est représenté essentiellement par des calcaires blancs, crayeux ou compacts, à silex, plissés, en lits d’épaisseur faible à moyenne. Des grands Foraminifères, en particulier Lepidocyclina, se rencontrent dans des niveaux plus détritiques.

297Ses relations stratigraphiques avec l’Eocène supérieur, qu’il recouvre, ne sont pas claires. Mais aucune discordance angulaire typique n’a pu être mise en évidence entre eux. Son épaisseur doit atteindre environ 500 m.

4. Oligo-Miocène

298Il est bien représenté sur les bordures de la chaîne, et correspond à la formation de Madame Joie, telle que l’ont conçue les géologues de l’Atlantic Refining Co, c’est-à-dire en y incluant des calcaires crayeux, à silex, ressemblant à ceux de l’Oligocène, mais à Miogypsina, qui forment les niveaux inférieurs et qu’on trouve : sur le flanc nord du morne Deux Pâles ; à l’ouest de Médor (sur le sentier Pérodin-Savane à Roches) ; à l’extrémité ouest de la gorge de Pébgre et probablement à la terminaison est (MPB 4, p. 150) ; sur le flanc nord du morne Platon Man ; au sud de Saint-Michel de l’Atalaye. Les niveaux supérieurs, plus détritiques (argiles grossières bleu-grisâtre, calcaires madréporiques, grès et marnes) affleurent sur une grande étendue des bordures de la chaîne, le long de la vallée de l’Artibonite et du plateau Central. L’épaisseur maxima de la formation de Madame Joie, atteint, dans la conception des géologues de l’Atlantic Refining Company, 720 m.

5. Miocène

299Les dépôts miocènes de la bordure septentionale des montagnes Noires seront étudiés avec le plateau Central (p. 86). Sur la bordure méridionale, dans la région de Boucan Carré, on trouve le Miocène inférieur avec le faciès type de la formation de Thomonde (p. 86) et le Miocène moyen et supérieur avec celui de la formation de Las Cahobas.

6. Récent

300On ne le rencontre que sur la bordure externe de la chaîne, dans les vallées des rivières, où il est représenté par des alluvions.

b) Roches ignées

301Elles sont représentées par des roches volcaniques (andésites et basaltes), des tufs et des brèches, surtout andésitiques, très abondants, des dacites, intrusives ou extrusives et des roches intrusives (microdiorites et diorites quartzifères).

1. Roches basaltiques

302Des roches basaltiques ont été signalées par Woodring et al. (p. 312) environ 4 km. au SW de Las Cahobas, à l’endroit où la route vers Mirebalais coupe la cluse des montagnes Noires. Il s’agit de labradorites à hyperstène, dont ils ont effectué une étude pétrograpbique. Comme elles sont recouvertes de calcaires, qu’ils considèrent comme éocènes supérieurs, ils leur attribuent un âge pré-tertiaire ou êocène inférieur.

303Nous verrons plus loin, d’autre part, que la formation de Pérodin comporte des roches basaltiques (p. 78).

304Dans la partie NW du massif, à l’est de Paul, sur le flanc SW et au sommet du morne Chapelet, ainsi que dans la région d’Ennery, à la fois en bordure des routes vers Les Gonaïves, Saint-Michel-de-l’Atalaye et Plaisance, on trouve des affleurements basaltiques d’extension limitée. Leurs caractères pétrographiques ont été étudiés par Woodring et al. (p. 281) qui y ont indiqué la présence d’une augite pourpre titanifère.

305Leur âge est précisé par le fait que, 2,2 km. à l’ouest d’Ennery, sur la route des Gonaïves, ces roches sont interstratifiées avec des calcaires d’âge éocène moyen (EBS 52, p. 136) (pl. VI, fig. 3). De plus, sur la pente méridionale du morne Puilboreau, elles sont interstratifiées avec des calcaires d’âge éocène supérieur (EBS 3, 4, W 33, p. 140). Il est donc probable que les éruptions sont de la limite Eocène moyen-Eocène supérieur.

2. Tufs et brèches andésitiques

306Les tufs et brèches andésitiques des montagnes Noires, alternant à la fois avec des roches sédimentaires (argiles grossières et calcaires) et des roches volcaniques (andésites et roches basaltiques), constituent la formation de Pérodin (Butterlin, 1954, p. 432) qui aurait donc pu être également étudiée dans le chapitre consacré aux roches sédimentaires.

307Les tufs sont associés à des tuffites, altérés, de couleur généralement rouge clair, ainsi qu’à des brèches et des conglomérats constitués de blocs, de galets et de graviers, surtout andésitiques (à augite), de couleur généralement grise ou bleue, souvent très altérées, à des basaltes, plus rares, à des argiles, grossières ou plus fines, de couleur brune à violacée, à des calcaires gris ou bruns, à nodules de silex et à des calcaires argileux. Toute la formation est généralement bien stratifiée, en lits minces et est fortement plissée. Des dykes et des sills d’andésites, de diorites et de diorites quartzifères ont été rencontrés en certaines zones (pentes NE du morne Jacques, région de Bois-Carré).

308La formation Abuillot (p. 75) qui se rencontre plus au SE, comprend des argiles sableuses et feuilletées, parfois interstratifiées avec des grès et des argiles riches en matériel volcanique, qui ressemblent beaucoup à celles de la formation de Pérodin. Dans les deux formations, les calcaires sont d’âge éocène moyen.

309Dans la région d’l’Eau Galice, au sud d’Abriots, les argiles feuilletées de la formation Abuillot couvrent des andésites et des basaltes. Dans la région de plaine Fond d’Enfer et de la chapelle Saint-Martin, ce sont les calcaires éocènes moyens (AHB 29, 52, 53) qui recouvrent directement les roches volcaniques et les tufs paraissent ici très rares. Dans ces conditions, il n’est pas exclu que les roches argileuses des formations Abuillot et de Pérodin soient équivalentes et que les roches volcaniques de la région d’Abriots représentent l’équivalent de la partie inférieure de la formation de Pérodin.

310Celle-ci a été trouvée, avec des caractères typiques, dans une zone étendue, comprise entre le sentier Petite Montagne-Maïssade, à l’est et celui de Bois Carré-Fiéfié-Madame Joie, à l’ouest, et d’environ 10 km., de largeur. Son épaisseur ne doit pas être inférieure à 1.000 m., bien qu’on n’en ait pas trouvé le soubassement, sauf, probablement, sous forme d’un galet à faune campanienne-maestrichtienne (p. 75). Elle est recouverte, en concordance, par des calcaires éocènes moyens ou supérieurs. On le trouve, également, en contact faillé, avec les calcaires oligo-miocènes de la formation de Madame-Joie.

311Les calcaires interstratifiés avec les tufs de la formation de Pérodin ont fourni une microfaune êocène moyenne (HPS 11, 21, 25, 32, 33, 51, 54, p. 134). Si, toutefois, nous admettons que la formation Abuillot représente un faciès latéral, non ou peu volcanique, de la formation de Pérodin, dont la base serait équivalente des roches volcaniques qui constituent le soubassement de la formation Abuillot, la formation de Pérodin déborderait à la fois sur l'Eocène inférieur et l'Eocène moyen.

312La formation de Pérodin présente beaucoup de ressemblance avec la Cobre formation de la province d’Oriente, à Cuba. Celle-ci est, en effet, constituée de tufs, de brèches et de laves subordonnées en importance, de composition essentiellement andésitique, interstratifiés avec des calcaires qui fournissent une microfaune très semblable à celle des calcaires des formations Pérodin et Abuillot. La Cobre formation est d’ailleurs considérée comme éocène inférieure et moyenne, la base pouvant être paléocène (Lewis et Straczek, 1955). Nous verrons (p. 116) que le massif de Terre-Neuve représente peut-être la zone de liaison entre les deux formations.

313Des andésites à augite et des andésites à augite et byperstène sont étroitement associées aux dacites que nous étudierons plus loin (p. 80), dans la partie NW des montagnes Noires. Elles doivent être du même âge que les dacites, c’est-à-dire crétacées supérieures ou éocènes (p. 80).

314Woodring et al. (p. 273) ont signalé de petits affleurements d’andésites à pyroxène et à hornblende, dans la partie NW des montagnes Noires (vallée de la rivière Coupe à l’Inde et est de Dessalines), de même que des andésites à pyroxène et des roches basaltiques sur la bordure occidentale du massif et dans les vallées situées à l’est du morne Grammont. Ils en ont réalisé l’étude pétrographique. Ces roches, d’âge inconnu, ont été attribuées par eux, d’une manière incertaine, au Jurassique-Crétacé inférieur, par analogie avec l’âge qu’ils attribuent aux andésites du massif du Nord et des montagnes de Terre-Neuve.

3. Dacites

315Woodring et al. ont signalé (p. 299) la présence de dacites dans la partie NW des montagnes Noires, affleurant dans les vallées séparant les chaînons, en particulier les savanes La Cidra et de Paul. L’auteur a retrouvé ces dacites sur les flancs du morne Bazile, sommet le plus élevé de cette région (1.506 m.), jusqu’à une altitude qui varie, suivant les points, entre 800 et 1.100 m., à la fois sur les pentes NE et SW. Ces roches sont étroitement associées aux andésites que nous avons décrites plus haut.

316Ce sont des dacites à hornblende brune qui ont été étudiées du point de vue pétrographique par Woodring et al. Ils les considèrent comme intrusives parce que, dans la savane La Cidra, des andésites à hornblende et les argillites supposées crétacées inférieures (p. 75) ont été métamorphisées à leur contact. Ils supposent, dans ces conditions, qu’elles sont sensiblement du même âge que les diorites quartzifères du massif du Nord, c’est-à-dire crétacées supérieures. Elles pourraient représenter une phase intrusive tardive, plus froide, du batholite dioritique quartzifère.

317L’auteur a été amené à réétudier le problème de l’âge de ces roches, à la suite de la découverte de la formation de Pérodin qui inclut des andésites et quelques petits gisements de dacites. Entre Savane Canot et Paul, des andésites, des dacites et des basaltes, ceux-ci formant la plus grande partie de la savane de Paul, sont étroitement associés à des calcaires éocènes moyens (HLV 19, p. 135). Comme, d’autre part, ainsi que l’avaient déjà indiqué Woodring et al. (p. 124) les calcaires éocènes du morne Bazile couvrent les dacites sans intercalation d’un conglomérat de base, on peut supposer que les dacites et les andésites associées sont équivalentes à celles de la formation de Pérodin (p. 78), c’est-à-dire éocènes inférieures à moyennes. On s’expliquerait ainsi que, comme l’ont indiqué Woodring et al. (p. 301), les dacites en question ne ressemblent pétrographiquement à aucune autre roche rencontrée en Haïti, car ils n’avaient pas visité la zone où affleure la formation de Pérodin.

4. Roches intrusives

318A part les dacites que nous venons d’examiner et dont le caractère intrusif reste douteux, en raison de leur association avec des laves andésitiques de composition voisine et de la présence d’hornblende brune, on trouve, dans la formation de Pérodin, de petits sills et dykes de roches grenues et microgrenues : diorites quartzifères, microdiorites quartzifères, diorites, dacites, andésites, intrusives dans les tufs et les laves de la formation de Pérodin, très légèrement métamorphisées à leur contact.

319On les trouve, en particulier, sur le sentier Bois Carré-Fiéfié, à 500 m. d’altitude, sur le flanc sud de la chaîne ; sur la pente orientale du morne Jacques, au sud de Pérodin ; au nord de Petite Montagne, sur la pente nord du morne Lourage. Elles n’ont pas été étudiées pétrographiquement.

320Woodring et al. ont signalé (p. 280), dans la région des Poteaux, au NE des Gonaïves, l’existence de roches intrusives associées aux basaltes à augite titanifère, d’âge éocène moyen à supérieur, étudiés antérieurement (p. 78). Ils les ont décrites sous le nom d’essexites. Ce terme ne paraît pas correct, car ces roches ne contiennent pas de feldspathoides, et la dérivation de l’analcime qu’elles présentent, à partir de la néphéline semble douteuse. De plus, sur le flanc sud du morne Puilboreau, 1, 2 km. au nord d’Ennery, on trouve des dolérites à augite titanifère, associées aux basaltes et les « essexites » de Woodring et al. sont très semblables. Dans la région des Poteaux, les calcaires crayeux qui se trouvent au contact de ces roches intrusives ont été cuits et ont pris une couleur rougeâtre. Des dolérites du même type, associées à des basaltes, ont été trouvées au point où le sentier Petite Rivière des Bayonnais-Ennery franchit la crête du morne Chapelet (EBS 37, 37 bis, p. 163).

321Ces dolérites sont approximativement du même âge que les basaltes, c’est-à-dire êocènes moyennes à supérieures, car, au nord d’Ennery, les deux types de roches sont recouverts par les calcaires de l’Eocène supérieur.

c) Structure (fig. 3, 11)

322Les montagnes Noires sont formées d’une série d’anticlinaux et de synclinaux en arc, convexes vers le SW, dans la partie NW et centrale. Ils sont parallèles entre eux et, en même temps, à l’axe général de la chaîne. Dans la partie NW du massif, les bandes de dacites (associées aux andésites) marquent les anticlinaux, les crêtes calcaires éocènes indiquent les synclinaux.

323Les anticlinaux septentrionaux se prolongent et s’ennoient dans la partie méridionale du plateau Central. Mais le plus méridional s’infléchit vers le sud à son extrémité orientale et est coupé par la cluse de Péligre, creusée par la rivière Artibonite, passant ainsi du plateau Central dans la vallée de l’Artibonite. Plus au sud, il s’infléchit à nouveau vers l’est pour former la chaîne du morne Deux-Pâles, puis s’étend en République Dominicaine, dans la partie nord de la sierra de Neiba.

324L’anticlinal le plus septentrional de la chaîne apparaît clairement dans la région d’Abriots, où il s’étend juste au sud de la localité.

325Les bordures du massif sont souvent faillées. C’est ainsi que nous avons déjà signalé (p. 73) que la plaine de l’Artibonite en est séparée par une faille, de direction générale NNW-SSE. Les séries éocènes de la bordure nord du massif sont également séparées par une faille des séries plus récentes, depuis au moins la vallée de la rivière Fond-Gras jusqu’au SW de Hinche. De même, sur la bordure méridionale, une faille sépare probablement les séries éocènes des plus récentes, dans la région de Médor, de même que plus au NW. Il y a, toutefois, lieu de noter que ces failles n’apparaissent pas clairement sur le terrain et sont simplement indiquées par les pendages anormaux observés au contact entre les séries.

326Dans les parties NW et centrale de la chaîne, les directions générales des plis sont, en majorité, NW-SE, c’est-à-dire laramiennes. Mais, comme nous l’avons indiqué antérieurement (p. 27), cette orientation peut être postérieure et, en relation avec l’existence du socle laramien du massif du Nord. En fait, le développement limité des séries crétacées certaines ne permet pas de préciser le rôle de l'orogénèse laramienne dans les montagnes Noires. Il n’a cependant pas dû être négligeable, étant donnée la proximité des montagnes Noires et du massif du Nord, surtout dans la partie NW.

Fig. 11. — Coupe géologique a travers la partie NW des montagnes noires, la partie centrale du massif du Nord, la partie occidentale de la plaine du Nord et les mornes du Cap. ;
Qal : alluvions (Quaternaire). — Tba : basaltes à augite titanifère et diabases intrusives associées (Eocène moyen à supérieur). — Mcs : formation Trois Rivières (argiles schisteuses, conglomérats, calcaires à Rudistes-Crétacé supérieur). — Ca : andésites (Crétacé). — Cb : basaltes (Crétacé).

327Le grand développement des séries volcaniques et intrusives de l’Eocène inférieur, moyen et peut-être supérieur, la très grande rareté des séries oligocènes dans les parties NW et centrale du massif, le faillage isolant l’Eocène moyen de l’Oligocène, la rareté des séries sédimentaires de l’Eocène supérieur dans la partie NW des montagnes Noires, permettent de supposer que l'orogénèse de l’Eocène supérieur a été probablement intense dans cette chaîne et a joué un rôle important dans l'établissement de ses structures.

328Mais l'orogénèse mio-pliocène a été certainement aussi très intense, car les séries post-éocènes sont fortement plissées.

d) Géomorphologie

329Les montagnes Noires présentent des caractères géomorphologiques bien marqués.

330D’une part, dans la partie NW du massif, la superposition des séries calcaires éocènes moyennes et des séries d’andésites et de dacites, plus anciennes, a produit un phénomène du même genre que celui signalé à propos de la dépression occupée par l’étang de Mirogoâne (p. 41) et de la « fenêtre de la Selle » (p. 50), c’est-à-dire une inversion de relief typique, avec des synclinaux perchés qui correspondent aux calcaires (mornes Bazile, Chapelet, etc...) et des combes anticlinales, constituées de roches ignées, plus anciennes, formant des savanes basses (La Cidra, Paul, etc..) (pl. V, fig. 4).

331Les sommets calcaires présentent, en même temps, un relief karstique typique, avec développement de très beaux lapiez, par exemple au sommet du morne Bazile (pl. VI, fig. 1), de falaises calcaires truffées de grottes, dominant des pentes plus douces, en relation avec la présence des roches ignées sous-jacentes.

332Un autre phénomène géomorphologique intéressant est le passage de la rivière Artibonite à travers la partie la plus étroite de la chaîne, dans la région de Péligre. Elle franchit la chaîne dans une gorge étroite, et passe ainsi du plateau Central dans la vallée de l’Artibonite. C’est, d’ailleurs, à l’entrée de cette gorge qu’a été installé le barrage de Péligre. Woodring et al. (p. 382) ont indiqué que cette disposition était en relation avec une capture. Ils en ont, en fait, supposé deux. La première se serait réalisée à travers la cluse qui se trouve au sud de Las Cahobas, empruntée actuellement par la route Las Cahobas-Mirebalais (p. 388). La seconde se serait effectuée dans la région de Péligre qui aurait été primitivement la vallée synclinale d’un affluent de l’Artibonite, coulant du NE au SW, dans l’actuelle vallée de l’Artibonite, entre le SW de Péligre et Mirebalais. Cette hypothèse est basée sur la supposition que l’anticlinal principal de la partie SE des montagnes Noires ne s’infléchit pas vers le nord, au niveau de la région de Péligre mais continue, au contraire, vers l’WNW, son axe bordant, vers le sud, la vallée de la rivière Boucan Carré, c’est-à-dire forme l’axe de l’anticlinal de Dufailly, marqué par l’affleurement de l’Oligocène au milieu du Miocène (cf. carte géologique). La gorge de Péligre représenterait un synclinal parallèle (pl. XXVI, p. 488).

333La supposition que la première capture de l’Artibonite, dont la partie du cours située dans le plateau Central était primitivement drainée par le rio Yaque del Sur, qui coule en République Dominicaine, dans la vallée de San Juan, s’appuie sur le fait que la cluse du sud de Las Cahobas est trop grande pour avoir pu être creusée par la rivière qui l’occupe actuellement. D’autre part, la vallée de la rivière du Fer à Cheval, prolongement naturel de Factuelle vallée de l’Artibonite, s’élargit brusquement en aval de la cluse, ce qui semble confirmer le point de vue des auteurs américains, soutenu d’ailleurs antérieurement par Tippenhauer (1909) et Jones (1918).

334Pour expliquer la seconde capture, Woodring et al. supposent qu’à partir du moment où, dans la cluse de Las Cahobas, l’érosion a mis à jour les basaltes qui y affleurent actuellement, l’enfoncement de la vallée s’est considérablement ralenti, tandis que, dans la gorge de Péligre, constituée de calcaires, l’érosion a continué à être très intense, abaissant le niveau de la vallée au-dessous de celui de la cluse de Las Cahobas et permettant ainsi une nouvelle capture.

335L’auteur a repris l’étude de cette question et est arrivé à des conclusions assez différentes. Un premier point est que la gorge de Péligre correspond à une cluse et non à une vallée synclinale. C’est ce qu’indiquent les pendages dans cette zone, faisant apparaitre un anticlinal, dont l’axe coupe la gorge de Péligre en deux parties sensiblement égales, suivant la direction NE-SW, les pendages atteignant des valeurs de 20 à 45°. On s’expliquerait d’ailleurs mal, dans l’hypothèse de Woodring et al., pourquoi, dans la région de Péligre, il existe une gorge étroite et profonde, alors que, à l’intersection supposée entre l’axe anticlinal de Dufailly et la vallée de l’Artibonite, on n’en rencontre pas.

336Un deuxième point concerne la double capture. L’auteur ne croit pas qu’une première capture ait eu lieu par la cluse de Las Cahobas. Dans cette hypothèse, en effet, la seconde capture serait peu vraisemblable. La distance entre le coude de l’Artibonite et son confluent actuel avec la rivière du Fer à Cheval n’est pas sensiblement plus longue par la cluse de Las Cahobas que par celle de Péligre. C’est-à-dire que la pente moyenne aurait été sensiblement la même. Par contre, le volume des eaux transporté suivant la première voie aurait été beaucoup plus considérable. L’érosion, toutes conditions égales par ailleurs, y aurait été plus rapide. Woodring et al. supposent que la différence de nature de roches, jouant sur une distance relativement courte (celle des affleurements basaltiques, d’une part, et calcaires d’autre part) aurait plus que compensé la différence de volume des eaux transportées. C’est un point de vue d’autant plus discutable que nous avons indiqué, antérieurement, que dans les régions tropicales, les basaltes subissent une altération chimique considérable, qui explique les inversions de relief observées (p. 41).

337Dans ces conditions, l’auteur pense qu’il s’est produit une seule capture, réalisée au nord de carrefour Wampa, par une rivière dont la source devait se trouver primitivement dans la région de Péligre et qui se jetait dans la rivière du Fer à Cheval, au point où celle-ci se jette actuellement dans l’Artibonite. La capture s’explique par une érosion régressive liée à la proximité du golfe de la Gonave. Quant à la grande dimension de la cluse de Las Cahobas, elle est liée au type d’érosion des régions calcaires. On l’observe de même dans l’île de la Gonave, où une grande partie du drainage est souterrain. Il ne faut pas oublier que l’extension des basaltes de cette région est très limitée dans la cluse. L’élargissement brutal de la vallée du Fer à Cheval, à l’ouest de la cluse, s’explique facilement, de son côté, par l’élargissement de la zone d’affleurements des formations détritiques, tendres, d’âge miocène, se prêtant facilement à l’érosion, alors que, plus à l’est, s’étendent des montagnes constituées de calcaires qui s’opposent à l’établissement de vallées larges.

I. — PLATEAU CENTRAL

1°) Extension et caractères généraux

338Le plateau Central est une zone déprimée, comprise entre le massif du Nord, au nord et au NE, les montagnes Noires, à l’ouest et au sud et dont la vallée de San Juan, dominicaine, constitue la prolongation orientale. Ainsi délimité, le plateau Central a une longueur d’environ 75 km. suivant son axe WNW-ESE. Sa largeur, qui atteint un peu plus de 20 km. dans la partie occidentale, augmente brutalement à partir de la longitude de Thomonde et passe ainsi à 35 km. environ.

339C’est un plateau ou une plaine, suivant la limite d’altitude qu’on fixe à la définition de ces termes. L’auteur a adopté le premier parce qu’il est celui utilisé par les habitants. Il présente une double pente, la première étant inclinée suivant son axe, c’est-à-dire de WNW à ESE : Saint-Michel de l’Atalaye se trouve à 400 m. d’altitude et Hinche à 225 m., ce qui représente une pente moyenne de 0,4 % entre ces deux localités. Il s’y superpose une inclinaison presque perpendiculaire à la première, parallèle au cours de l’Artibonite et liée à sa capture (p. 83). C’est ainsi que la route Las Cahobas-Thomonde franchit l’Artibonite à 160 m. d’altitude et que celle-ci pénètre dans la cluse de Péligre à 125 m. d’altitude.

340Dans sa partie NW, la surface du plateau est peu accidentée et forme, au SE de Saint-Michel de l’Atalaye, une savane étendue. La partie SE est beaucoup plus vallonnée. Deux rides, dirigées en sens inverse, l’une dans la région de Thomonde et l’autre dans celle de Belladère, marquent la limite de la partie sud du plateau Central.

341Le réseau hydrographique est dense et les vallées profondément entaillées dans le plateau. L’Artibonite, la plus importante rivière haïtienne, prend sa source en République Dominicaine, mais draine la totalité du plateau, grâce à ses affluents : la rivière Guayamouc (débit moyen annuel : 17,9 m3/sec.), formée par l’union des rivières Canot, Bouyaha et Samana ; la rivière de Thomonde et la rivière l’Océan.

2°) Géologie générale

a) Roches sédimentaires

342Elles constituent la totalité du plateau Central. Leur âge est compris entre l’Oligo-Miocène et le Récent.

1. Oligo-Miocène

343Woodring (1922 a, p. 6) a proposé le nom de groupe de l'Artibonite, pour l’ensemble des trois formations miocènes du plateau Central, à savoir, en commençant par la plus ancienne : la formation de Madame Joie (épaisseur ; 100 m.), la formation de Thomonde (300 à 600 m.), y compris la langue de Maïssade, dans la partie NW ; la formation de Las Cahobas (600 à 700 m.). L’épaisseur totale du groupe de l’Artibonite atteindrait ainsi 1.400 m. au maximum.

344La formation de Madame Joie est ainsi définie : la partie inférieure est constituée de « siltstones » bleu-grisâtre et la partie supérieure de calcaires coralliens, de grès et de marnes. La localité-type se trouve au pied du morne Madame Joie, 1 km. environ au SW du village du même nom. La faune est constituée de Mollusques et de Madrépores (liste : Woodring et al., p. 164). L’épaisseur attribuée à la formation est d’environ 100 m. Mais les géologues de l’Atlantic Refining Company lui attribuent une épaisseur de 720 m. et un âge oligocène moyen (Bermudez, 1949). Ils y incluent, en effet, des calcaires crayeux à silex, que Woodring plaçait au-dessous de cette formation.

345La présence de Miogypsina (p. 77) lui fait attribuer un âge oligo-miocène par l’auteur.

346On la trouve sur les bordures nord et sud du plateau Central, ainsi qu’à sa limite occidentale. Une bande étroite et quasi-continue d’affleurements de cette formation limite, en effet, le plateau Central.

2. Miocène

347Le Miocène inférieur correspond à la formation de Thomonde, dénomination introduite par W. F. Jones (1918, p. 736-Thomonde beds), pour des sédiments à grain fin, principalement des « shales » fines, tendres, bleuâtres. C’est Woodring (1922 a) et Woodring et al. (1924, p. 165 et suivantes) qui en ont précisé les caractères. A la localité-type, c’est-à-dire près de Thomonde, la formation consiste principalement en « siltstones », sableuses ou argileuses, avec des lits minces de grès près de la base et des couches de grès grossiers et de conglomérats près du sommet. La roche fraîche est gris-bleu, mais sa surface est oxydée et de couleur brun-rouille ou brun-jaunâtre. La formation présente, dans l’ensemble, un faciès flysch.

348Woodring et al. y ont inclus les lits de Maïssade (Jones, 1918, p. 739) sous le nom de Ma ssade tongue. Mais les géologues de l’Atlantic Refining Company les considèrent plutôt comme un faciès latéral de la formation de Las Cahobas et c’est également l’opinion de l’auteur.

349Son épaisseur, estimée à 300-600 m. par Woodring et al., atteint, d’après les sondages de l’Atlantic Refining Company, environ 750 m.

350Elle recouvre, en discordance, la formation de Madame Joie et est recouverte, probablement en discordance, par celle de Las Cahobas.

351Elle fournit une riche faune de Foraminifères (principalement Sorites americanus), de Madrépores, de Mollusques, de Bryozoaires et de Crustacés, étudiée par Woodring et al. (p. 175). L’auteur a donc simplement indiqué les localités et les espèces non signalées par eux (p. 151). Woodring et al. considèrent cette faune comme burdigalienne moyenne et c’est également l’opinion de l’auteur. Les géologues de l’Atlantic Refining Compagny la classent dans l’Oligocène supérieur (Bermudez, 1949).

352Elle affleure uniquement sur la bordure méridionale du plateau Central, formant une bande qui sépare celle des affleurements de la formation de Madame Joie des affleurements de la formation de Las Cahobas. La bande est surtout bien développée entre le NW de Thomonde et l’est de Belladère. Plus à l’est, elle se rétrécit et finit par disparaître.

353Le Miocène moyen et supérieur correspond à la formation de Las Cahobas et à celle de Maïssade.

354La première a été décrite par W. F. Jones (1918, p. 737) comme constituée par des roches consolidées et grossières, formées par une alternance de conglomérats tout à fait durs, avec des galets plus petits, en général, qu’un œuf d’oiseau, de « shales » sableuses, de quelques lits de sables, de lits minces de grès très durs, avec des rognons en relief, de quelques lits calcaires, parfois coralliens. Sont également caractéristiques les niveaux presque entièrement constitués d’huîtres (Ostrea cahobasensis).

355Woodring (1922) y distingue une partie inférieure, dont la base est représentée par un calcaire corallien, jaunâtre. Un second niveau de ce même calcaire se rencontre plus haut et est séparé du premier par des lits d’argiles impures, de grès grossiers et de conglomérats. La partie supérieure est représentée par des conglomérats ou des grès grossiers. Les dépôts les plus élevés comportent une alternance de conglomérats, de grès et de « siltstones » et doivent correspondre à une sédimentation de plaine côtière et de delta, ce qui est confirmé par la couleur rougeâtre ou verdâtre des dépôts. Toute la partie marine présente un faciès « molasse » qui s’oppose au faciès « flysch » de la formation de Thomonde. Mais, dans certaines zones, il est difficile de distinguer les deux formations, car la seconde a parfois, au sommet, un faciès grossier (p. 86), comme la formation de Las Cahobas. Woodring et al. ont cru pouvoir les distinguer par la faune. Orthaulax aguadillensis caractériserait la partie supérieure de la formation de Thomonde, Ostrea cahobasensis et O. bolus celle de Las Cahobas. Mais l’auteur a trouvé dans la région de ravine Roche Salée (localités 9945 et 9946 de Woodring et al., p. 175 et PZV 53 et 52 de l’auteur, p. 156) un niveau très riche en Ostrea cahobasensis, entre deux couches à Orthaulax aguadillensis.

356Les phénomènes de silicification sont très poussés dans la formation de Las Cahobas. Entre Hinche et bassin Zim, on trouve des Madrépores, des troncs, des blocs à Foraminifères, complètement silicifiés. Ces phénomènes sont peut être liés à des montées hydrothermales. Notons aussi le développement de croûtes d’altération ferrugineuse, en particulier à 10 km. de Hinche, sur la route de Pignon et dans la savane qui s’étend à l’est de Saint-Michel de l’Atalaye.

357Jones n’a pas précisé de localité-type. Woodring et al. indiquent qu’elle se trouve au nord de Las Cahobas (p. 196).

358La formation de Las Cahobas constitue la plus grande partie du plateau Central. Mais elle est parfois recouverte par les dépôts alluvionnaires, dans les vallées des rivières.

359Son épaisseur, estimée à 600-700 m. par Woodring, est considérée comme de 1.850 m. d’après les sondages de l’Atlantic Refining Company, en y incluant les niveaux supérieurs, continentaux. Rappelons qu’elle recouvre, probablement en discordance, la formation de Thomonde.

360En raison de son caractère littoral, la formation de Las Cahobas a fourni une très riche faune de Madrépores et de Mollusques (Woodring et al., p. 201 et p. 156). Woodring (1928, p. 60) la considère comme équivalente de la formation Cercado de la République Dominicaine, c’est-à-dire helvêtienne. Rermudez (1949, p. 27) pense qu’elle représente la totalité du Miocène, en relation avec un vieillissement général des formations d’Haïti. Mais, actuellement, la tendance est plutôt inverse et c’est pourquoi l’auteur se rallie de préférence à l’opinion de Woodring.

361Jones a donné le nom de « Maïssade beds » a une série de « shales », de marnes, avec quelques niveaux de grès et des bancs de lignite qui affleurent dans la région de Maïssade. Woodring en a fait la « Maïssade tongue » et précisé qu’elle comprend des dépôts les uns marins, les autres lagunaires, avec du gypse. La partie inférieure consiste en « siltstones », grès et argiles (épaisseur 50 m.). Les couches de lignite se rencontrent surtout dans la partie moyenne de la formation. Les lits les plus élevés sont entièrement lagunaires et formés de grès, d’argiles, de « siltstones », généralement colorés en rouge et vert, ainsi que de gypse. Son épaisseur atteint 200 m.

362D’après Woodring et al., ces lits affleurent sur une superficie d’environ 100 km2, formant un rectangle (pl. XXXVI, p. 488). On trouve de bons affleurements surtout dans les vallées de rivières, en particulier celles de Fond Gras, Blanche et Canot.

363La localité-type correspond à la série qui affleure dans la vallée de la rivière Blanche (Jones, 1918).

364La formation de Maïssade, dénomination introduite par l’auteur (1954, p. 423) a fourni une faune très abondante, marine et saumâtre (Woodring et al., p. 191), et qui comporte surtout des Mollusques et des Crustacés.

365Woodring et al. considéraient cette formation comme un faciès latéral de la formation de Thomonde. Toutefois, ils notaient (p. 201) que sa faune marine était très semblable à celle de la formation de Las Cahobas. Les géologues de l’Atlantic Refining Company la considèrent plutôt comme un faciès latéral de la partie moyenne de la formation de Las Cahobas (Bermudez, 1949, p. 29). Cette opinion paraît plus conforme à la paléogéographie de la région telle qu’elle a dû se présenter durant le Miocène.

3. Pliocène

366Jones (1918, p. 748) a donné le nom de « Hinche beds » à une série de graviers et de sables, alluvionnaires, reposant sur une surface érodée, constituée de sédiments oligocènes et miocènes. Woodring lui a attribué le nom de formation de Hinche (1922 a). Woodring et al. (1924, p. 241) la distinguent des formations semblables, qui l’encadrent stratigraphiquement, par le fait que ses graviers contiennent une plus grande proportion de calcaires que la partie supérieure de la formation de Las Cahobas et qu’on n’y trouve pas les grands blocs de silex et de calcaires communs dans les alluvions quaternaires.

367La formation de Hinche constitue le soubassement de la grande savane située à l’est de Saint-Michel de l’Atalaye et des affleurements discontinus sont trouvés à diverses altitudes dans la partie SE du plateau.

368La distinction de la formation de Hinche étant basée sur des données purement statistiques, il est difficile de préciser l’extension de ses affleurements et ceux-ci n’ont pas été indiqués dans la carte géologique. Il est, toutefois, probable que l’ensemble du plateau Central correspond à une surface d’érosion pliocène, entaillée au cours du Quaternaire.

369Il n’a pas été indiqué de localité-type pour cette formation et elle n’a pas fourni de faune.

370Son épaisseur est estimée à 25 m. par Woodring et al., mais, d’après les sondages de l’Atlantic Refining Company, elle doit atteindre 100 m.

371Woodring et al. la considèrent comme équivalente de la formation Las Matas de République Dominicaine, d’âge pliocène (Bermudez, 1949, p. 31).

4. Pléistocène et Récent

372Ils sont représentés par des alluvions découpées en terrasses, les plus hautes étant probablement pléistocènes et les plus basses récentes. Le cours des rivières est, en moyenne, 10 à 35 m. au-dessous de la surface du plateau et, au croisement de la route Las Cahobas-Thomonde et de la rivière Artibonite, existent trois terrasses qui dominent le cours actuel de 55-95 m., 40-55 m. et 20 m., respectivement, les chiffres les plus élevés correspondent au flanc nord de la vallée (Woodring et al., p. 381).

b) Structure

373Elle a été étudiée en détail par Woodring et al. qui ont mis en évidence un certain nombre d’axes tectoniques, de direction générale WNW-ESE (pl. XXXVI, p. 488).

374La partie la plus allongée du plateau Central correspond essentiellement à un synclinal qui s’étend, en direction pratiquement NW-SE, de Saint-Michel de l’Àtalaye au nord du confluent de l’Artibonite et de la rivière Guayamouc.

375Mais une série d’anticlinaux et de synclinaux secondaires, parallèles au synclinal principal, compliquent cette structure dans la partie NW du plateau. Les géologues de l’Atlantic Refining Company ont également mis en évidence une structure en dôme, dans la région de Jurinet, sur le flanc nord du synclinal. Il a même été foré, sans succès d’ailleurs, jusqu’à une profondeur de 2.650 m. environ, en vue de la recherche de pétrole.

376Dans la partie méridionale du plateau, il existe une série d’anticlinaux et de synclinaux parallèles, de direction générale WNW-ESE et qui doivent représenter la prolongation orientale des axes tectoniques de la partie centrale des montagnes Noires.

377On a ainsi, du nord au sud : l’anticlinal de Thomonde ; celui de Chamous-cadille, qui semble se prolonger par celui de Belladère et celui de l’Ayaye, dont l’existence paraît à l’auteur plus douteuse. Quant au synclinal de Petit Fond, nous avons déjà indiqué qu’il n’existait pas (p. 84).

378Rappelons, d’autre part, que la limite entre les formations oligocènes et éocènes de la bordure septentrionale des montagnes Noires correspond à une faille, au moins entre l’ouest de Madame Joie et le sud de Hinche (p. 81). Il est probable qu’une partie de la limite NE du plateau correspond également à une faille, particulièrement dans la région orientale.

379Les directions des axes structuraux du plateau Central sont plutôt laramiennes. Mais comme les formations pbssées sont obgo-miocènes et miocènes, il est certain que les structures du plateau Central sont liées à l'orogenèse mio-pliocène. Il est donc probable que la direction des axes tectoniques est, soit une direction posthume laramienne, soit liée à l’influence du socle du massif du Nord (p. 27).

d) Géomorphologie

380La formation de Thomonde, constituée essentiellement de terrains tendres et imperméables, donne naissance à des zones déprimées, aux formes douces, ondulées. La base de la formation de Las Cahobas, constituées de calcaires coralliens forme, au-dessus de ces pentes, des falaises escarpées, constituant sur les marges du plateau, en particuber les méridionales, de véritables « cuestas ».

381De même, dans la partie méridionale de la plaine, les collines ont généralement leur sommet couronné par des falaises de calcaires de la formation de Las Cahobas, tandis que les parties basses des pentes, moins abruptes, sont constituées par la formation de Thomonde.

382Les vallées des rivières sont entaillées dans les formations abuvionnaires pliocènes et les niveaux supérieurs de la formation de Las Cahobas, plus tendres que ceux de la base. Les pentes de ces vallées sont, par suite, très ravinées, et présentent une allure tout à fait caractéristique. Elles sont, en même temps, découpées en terrasses fluviatiles.

383Comme les vallées de rivières sont beaucoup plus basses que le plateau, celuici prend un aspect aride, subdésertique, à la saison sèche.

J. — LE MASSIF DU NORD

1°) Extension et caractères généraux

384Le massif du Nord est limité au nord par le canal de la Tortue et l’Océan Atlantique, puis plus à l’est par la plaine du Nord. A l’ouest, il est bordé par la fosse de Gros-Morne, au sud par les montagnes Noires et le plateau Central. Vers l’ESE, il se prolonge en République Dominicaine par la cordillère Centrale. Ainsi délimité, il présente une longueur de 125 km., en direction WNW-ESE et une largeur moyenne de 30 à 35 km. Les mornes du Cap qui s’étendent entre les baies de l’Acul et le Cap Haïtien en représentent un fragment détaché.

385Le massif du Nord est beaucoup moins élevé que la cordillère Centrale dominicaine, dont il représente l’extrémité NW. Les sommets les plus importants se trouvent dans la partie occidentale, le point culminant étant le pic du Gros-Morne, avec 1.198 m. d’altitude. Le Haut-Piton, au sud de Saint-Louis-du-Nord, atteint 1.162 m. Dans l’ensemble du massif, beaucoup de sommets dépassent 1.000 m.

386La partie occidentale du massif du Nord est formée d’une série de chaînons, de direction WNW-ESE à NW-SE. Le chaînon côtier atteint 1.140 m. d’altitude maxima, et s’étend depuis l’extrémité NW du massif jusqu’à la plaine de Port Margot.

387La partie centrale est constituée de plateaux étendus, comme celui de La Lome, de 1.081 m. d’altitude maxima, et de chaînons escarpés, comme celui sur lequel se dresse la citadelle La Ferrière (800 m.), au sud de Milot.

388Dans la partie orientale du massif du Nord, on distingue une région septentrionale, formée de plateaux dont l’altitude s’abaisse de l’est (600 à 700 m.) à l’ouest (400 m. au sud de Sainte Suzanne). Ils sont unis à la plaine du Nord par des pentes très escarpées. Plus au sud, s’étendent une série de chaînons à forte pente, entaillés par des vallées profondes. Les pentes SSW, en direction du plateau Central sont douces, sauf dans la région de bassin Zim, où la rivière Samana rejoint le plateau Central par une cascade d’environ 80 m. de hauteur.

389Les mornes du Cap forment une chaîne côtière en arc, convexe vers le SSE. Elle est très escarpée, surtout vers le sud et l’est et atteint 800 m. d’altitude.

390Le réseau hydrographique du massif du Nord est dense. Les cours d’eau les plus importants sont : les Trois Rivières, dans la partie occidentale, la rivière de Limbé, dans la partie centrale et la Grande Rivière du Nord, dans la région orientale. De plus, une grande partie des cours d’eau du plateau Central prennent leur source dans le massif du Nord.

2°) Géologie générale

a) Roches sédimentaires

391Le massif du Nord est la seule chaîne de montagnes de la République d’Haïti où les roches ignées soient plus largement représentées que les roches sédimentaires. Cependant, on trouve des affleurements étendus de celles-ci, leur âge étant compris entre le Pré-Crétacé ( ?) et le Récent.

1. Pré-Crétacé ( ?)

392Woodring et al. ont trouvé (p. 84) des micaschistes en galets dans la plaine du Nord, à l’est de Limonade. Rien que ces roches n’aient pas été trouvées en place, ils supposent qu’elles peuvent représenter un témoin du soubassement du massif du Nord. Ces micaschistes, en particulier certains à grenat, sont beaucoup plus métamorphiques que les roches volcaniques et sédimentaires métamorphisées du Crétacé. C’est pourquoi ils les considèrent comme du Paléozoïque ou du Mésozoïque inférieur.

393Nous avons déjà indiqué (p. 19) qu’il n’existe aucune preuve de l’existence d’un soubassement pré-mésozoïque dans les Antilles, et ces roches sont donc probablement du Mésozoïque. Comme elles n’ont pas été trouvées en place, il n’est d’ailleurs pas exclu qu’elles aient été apportées de France comme le granite à biotite et muscovite de la chaîne des Matheux (p. 65).

2. Crétacé

394Il est représenté par un ensemble de roches auxquelles l’auteur a proposé (1954, p. 52) de donner le nom de formation des Trois Rivières. Elle peut être ainsi définie : roches très plissées, constituées essentiellement par des « shales », des argillites, brunes ou grises, interstratifiées avec des calcaires massifs, cristallins, gris sombre, à Rudistes et grands Foraminifères, et parfois avec des grès et des conglomérats à fragments de roches surtout ignées. Dans certaines zones, on trouve également des radiolarites, parfois riches en Radiolaires reconnaissables, alternant avec des « shales » et des argillites. Elles ont parfois l’allure de phtanites. Sauf les niveaux calcaires, la formation se présente en lits généralement minces.

395Les affleurements dessinent une bande en arc, de 4 à 5 km. de large convexe vers le SSW, entre le sud d’Anse à Foleur et l’ouest de Dondon. Elle s’interrompt ensuite, mais une nouvelle bande qui représente probablement son prolongement s’étend, en direction WNW-ESE, du nord de Saint-Raphaël à la frontière dominicaine et au delà (Butterlin, 1956, fig. 7, p. 105). Sa largeur est, en moyenne, de 8 à 10 km. De petits affleurements isolés se rencontrent également au nord de Mont Organisé, au nord de Dondon et dans la partie est des mornes du Cap.

396La localité-type se trouve sur la route Plaisance-Pilate, 5,1 km à l’WNW de Plaisance (PPB 12 et W 37, p. 128). Elle fournit la faune typique de la formation.

397Dans la plupart des régions, la formation recouvre, en discordance, des roches andésitiques et dacitiques. Elle est recouverte, à son tour, en discordance, par les séries sédimentaires du Paléocène-Eocène. Ses relations avec les diorites quartzifères ne sont pas claires.

398Son épaisseur ne doit pas être inférieure à 500 m.

399Elle a fourni des Rudistes, déjà signalés par Woodring et al., en particulier Radiolites nicholasi et R. sp. cf R. cancellatum, des Caprinidae ( ?) et Woodring (comm. pers.) a trouvé, ultérieurement, des formes du groupe Barrettia, à la localité-type de la formation. La microfaune (p. 120) indique un âge CampanienMaestrichtien.

400R. C. Mitchell (1953) a signalé la présence de Crioceras duvali, var. undulata, dans les argillites qui affleurent au nord de Dondon, ce qui indiquerait l’Hauterivien-Barrémien. Mais cette détermination n’a pas été effectuée par un spécialiste. De plus, l’auteur a trouvé dans les mêmes argillites, une microfaune typique du Crétacé supérieur (SS 89, p. 129). Elles sont d’ailleurs recouvertes, en concordance, par des calcaires à microfaune campanienne à maestrichtienne (SS88, p. 129). Woodring et al. avaient déjà attribué un âge crétacé inférieur aux argillites, mais en se basant uniquement sur des caractères stratigraphiques, aucune faune n’ayant été trouvée.

401En résumé, la formation des Trois Rivières est, en partie au moins, crétacée supérieure et son sommet, campanien à maestrichtien.

3. Paléocène et Eocène

402Ils sont bien représentés surtout l’Eocène, dans le massif du Nord. Comme dans les autres chaînes, ils sont surtout constitués de calcaires, les uns cristallins, massifs, les autres crayeux, bien lités, à silex. La base est plus détritique, constituant une sorte de conglomérat de base, recouvrant, en discordance angulaire, les séries plus anciennes. Son âge est variable, mais, dans l’ensemble, plus récent que dans les autres chaînes, ce qui confirme que le massif du Nord a été plus intensément plissé et soulevé au cours de l’orogénèse laramienne.

403C’est ainsi que le Paléocène-Eocène inférieur n’est bien développé que dans les mornes du Cap (p. 132) et que la transgression n’a été bien marquée qu’à l’Eocène moyen.

404Vaughan et al. (1921) ont appelé calcaire de Plaisance, un ensemble de couches qui débutent par un conglomérat de base à galets de roches crétacées (argillites et roches ignées), recouvert par des calcaires durs, gris, jaunes, blancs ou roses, très purs.

405La localité-type se trouve sur la route Ennery-Plaisance, à 705 m. d’altitude, sur le flanc nord du morne Puilboreau.

406L’épaisseur serait de 1.000 m. au minimum.

407Vaughan et al. considéraient ces calcaires comme éocènes supérieurs, mais Woodring (1922) les classe dans l’Eocène moyen. Woodring et al. (1924, p. 99) ont groupé sous la même dénomination tous les calcaires éocènes moyens d’Haïti et Bermudez (1949) y a même inclus les calcaires du même âge, rencontrés en République Dominicaine, à l’exception de ceux de la cordillère Septentrionale, dont il a fait la formation Hidalgos.

408L’auteur a indiqué (1957) qu’une formation définie ainsi plus par son âge que par sa pétrographie ne lui paraissait pas valide, d’autant plus que l’Eocène moyen et l’Eocène supérieur sont représentés par des calcaires indistinguables, sans détermination de la microfaune, de ceux groupés dans le calcaire de Plaisance. En même temps, il a été inclus dans le calcaire de Plaisance, toujours pour des questions d’âge, les calcaires de la région de Crête Sale, sur la route Ennery-Saint-Michel de l’Atalaye, qui sont assez différents. Enfin, même le concept d’âge finalement adopté ne peut servir, car certains des calcaires en question sont éocènes supérieurs (EBS 51E, p. 141). Dans ces conditions, et bien que le terme soit utilisé depuis longtemps, l’auteur ne croit pas souhaitable qu’il soit maintenu. Pour la même raison, il renonce à utiliser le terme de formation d'Ennery qu’il avait proposé, en 1954, pour les calcaires éocènes supérieurs du massif du Nord, et dont la définition peut donner lieu aux mêmes critiques.

409Il propose, par contre, l’utilisation de formation Crête Sale (1957), pour des calcaires jaunes, cristallins, formant des blocs ou des fragments plus petits, englobés dans un ciment tendre, marneux et sableux et qui ressemblent à ceux du « Yellow limestone » de la Jamaïque. Elle débute, dans la région de Crête Sale, 3 km. à l’est de Savane Carrée, sur la route Ennery-Saint-Michel de l’Atalaye, par un conglomérat de base formé de galets d’andésites pourpres et d’autres roches ignées, dans un ciment calcaire pourpre. Il recouvre des andésites, crétacées ou éocènes (p. 98).

410La localité-type se trouve sur la route Ennery-Saint-Michel de l’Atalaye, sur le flanc ouest de Crête Sale, à 1 km. de la crête (localité fossilifère 9.792 de Woodring et al., p. 106) et fournit une faune très riche : Fabiania cubensis, Dictyoconus americanus, Lepidocyclina (Pliolepidina) pustulosa, L. (P.) macdonaldi ; Linthia sp. cf. L. cavernosa, Eupatagus n. sp. cf. E. mortoni, Plagiobrissus sp. cf. P. loveni, Latrunculus sp. cf. L. stromeri ; Spondylus sp. cf. S. dumosus, Cardita sp. cf. C. chmeteiensis, Chama engonia, Pseudomiltha haitensis.

411D’après Woodring (comm. pers.), les Mollusques de cette formation sont typiquement éocènes moyens. Par contre, L. (P.) macdonaldi semble caractériser l’Eocène supérieur des Caraïbes (Cole, 1952). La formation Crête Sale pourrait donc être à la fois éocène moyenne et supérieure.

412En dehors de la région de la localité-type, on trouve la formation Crête Sale, Sale, avec ses caractères pétrographiques et sa faune typique, entre Saint-Michel de l’Àtalaye et Marmelade, au NE de la première de ces localités et jusque dans le massif de Terre Neuve (presqu’île du Nord-Ouest), entre Moulin et Brésillac et dans la région Davy-Duclérac.

413Son épaisseur doit atteindre plusieurs centaines de mètres.

414Du point de vue général, l’Eocène moyen est le sous-système le mieux représenté dans le massif du Nord (p. 136). Le Paléocène-Eocène inférieur n’est connu que dans les mornes du Cap, l’Eocène supérieur affleure sur les pentes méridionales du morne Puilboreau ; la route Gonaïves-Ennery-Saint Michel de l’Atalaye ; la région côtière comprise entre Le Borgne et Anse à Foleur ; le sud de Glacis Coureau (p. 140).

4. Oligocène

415Il n’affleure que sur les pentes qui limitent le plateau Central vers le nord, d’une part entre Bassin Zim et Cerca Carvajal et, d’autre part, entre cette dernière localité et Colladère (PZV14, HLV9, HCG 23, p. 144). Il est représenté par des calcaires blancs, cristallins ou compacts, à Lepidocyclina. Ils recouvrent, en discordance, indistinctement, des calcaires éocènes moyens ou des roches volcaniques, surtout andésitiques, probablement crétacées.

416Leur épaisseur est, probablement, assez réduite.

5. Oligo-Miocène

417Il est bien représenté sur les pentes qui dominent le plateau Central et présente le faciès typique de la formation de Madame Joie, plus particulièrement de sa partie inférieure, car il est constitué de calcaires massifs, cristallins, blancs ou roses, reposant, apparemment en concordance, sur les calcaires oligocènes que nous venons de décrire.

418Woodring et al. ont signalé (p. 151) des calcaires de la chaîne côtière qui ont fourni, à l’est d’Anse à Foleur, des Madrépores et des Foraminifères, ceux-ci pouvant être : Sorites americanus et Miogypsina antillea. L’auteur n’a retrouvé que les Madrépores (GLS 16, 17, 18, p. 151). Ces calcaires, massifs, cristallins, blancs ou gris, sont oligo-miocènes ou bien miocènes inférieurs comme ceux de Haut Piton (cf. plus bas) qui se rencontrent un peu plus à l’ouest.

6. Miocène

419Il présente peu d’extension dans le massif du Nord.

420Dans la partie NW de la chaîne, des calcaires qui forment le sommet du morne Haut Piton ont fourni une microfaune considérée antérieurement (1954, p. 180) par l’auteur comme probablement oligocène inférieure, mais qui paraît être plutôt miocène inférieure. Ces calcaires, massifs, gris ou blancs, à Madrépores et Foraminifères, paraissent séparés par une faille des formations plus anciennes et sont interstratifiés avec des basaltes que nous décrirons plus loin (p. 97).

421Leur épaisseur peut atteindre 1.000 m.

422La faune semble indiquer le Miocène inférieur (p. 153).

423Woodring et al. ont classé dans le Miocène des roches détritiques (marnes, grès, « siltstones ») qui affleurent à l’est et à l’ouest de Saint-Louis-du-Nord et doivent représenter la prolongation des affleurements miocènes de la vallée de Jean Rabel (presqu’île du Nord-Ouest). Ils n’ont, toutefois, pas fourni de faune caractéristique.

7. Pléistocène et Récent

424Ils sont représentés par des roches marines et des roches continentales.

425Les premières sont des calcaires récifaux, des faluns et des lumachelles qui affleurent, d’une manière discontinue, le long de la côte, entre Port-de-Paix et Saint-Louis-du-Nord. Dans une falaise de 7 m. de haut, située juste à l’ouest du fort colonial qu’on trouve à la limite occidentale de la baie de Port-de-Paix, Woodring et al. ont trouvé une très riche faune de Mollusques quaternaires (p. 246).

426Les roches non marines, correspondent aux alluvions qui forment les plaines alluvionnaires, en particulier celles de Port-Margot et de Limbé. D’autre part, Woodring et al. ont signalé (p. 257) des grottes creusées dans des calcaires cristallins éocènes moyens, près de Marmelade et qui ont fourni une faune de Rongeurs et d’Edentés éteints, d’Oiseaux et des restes humains. De nouvelles découverts ont été réalisées ultérieurement par des missions de la Smithsonian institution (Miller Jr, 1926, 1927, 1929, 1930-A. J. Poole, 1930). La faune présente des affinités avec les faunes quaternaires de Cuba.

b) Roches ignées et roches métamorphiques d’origine ignée.

427Elles constituent la majeure partie du massif du Nord et sont représentées par des roches volcaniques (basaltes, andésites et dacites), des roches intrusives (métadolérites, dolérites, péridotites et surtout diorites quartzifères) et des roches métamorphiques d’origine ignée (chloritoschistes).

1. Roches basaltiques

428On les trouve sur le flanc nord des parties orientale et centrale du massif du Nord où elles affleurent largement. Elles forment également les flancs méridional et occidental des mornes du Cap et on rencontre des affleurements peu étendus dans la région de Vallière.

429Leur étude pétrographique a été réalisée par Woodring et al. (p. 270) qui ont montré qu’on a affaire surtout à des labradorites, porphyriques, à augite, parfois à augite et hyperstène. Les vrais basaltes sont rares. Toutes ces roches sont très altérées et plus ou moins métamorphisées.

430Leur âge est mal déterminé. On n’en connaît pas le soubassement. Elles sont parfois recouvertes par des andésites (p. 98), elles-mêmes couvertes par la formation des Trois Rivières, en particulier ses argillites. Woodring et al., supposant ces dernières crétacées inférieures, pensaient que les roches basaltiques étaient jurassiques ou plus anciennes. Mais les argillites étant, en fait, crétacées supérieures, les roches basaltiques peuvent être crétacées comme celles de la presqu’île du Sud. Elles sont, en fait, beaucoup plus altérées et métamorphisées que celles-ci, mais cela est peut-être en relation avec le fait que le massif du Nord correspondait à la fosse axiale du géosynclinal antillais crétacé.

431Leur épaisseur doit atteindre plusieurs centaines de mètres.

432Rappelons, pour mémoire, l’existence, à la limite du massif du Nord et des montagnes Noires (p. 78), d’affleurements de roches basaltiques à augite titanifère, pénétrées par des intrusions doléritiques et d’âge éocène moyen à supérieur.

433Dans la région du morne Haut Piton et sur le sentier Le Borgne-Anse à Foleur l’auteur a trouvé des labradorites (BBT1) et des basaltes (BBT2b, GLS15,34, p. 165) très peu altérés et qui semblent interstratifiés avec les calcaires miocènes inférieurs du morne Haut Piton. A l’est d’Anse à Foleur, ils sont recouverts par des calcaires du même âge.

2. Andésites et dacites

434Ce sont les roches volcaniques les plus abondantes du massif du Nord. Il y a toutefois heu de noter que, dans leurs affleurements, sont inclus ceux de roche vertes, constituées de minéraux secondaires de cette couleur (amphiboles secondaires, chlorite, serpentine, épidote), et dont il n’est pas possible de préciser si elles dérivent d’andésites ou de basaltes.

435Les andésites et dacites affleurent largement dans les parties occidentale et centrale du massif du Nord, de part et d’autre de la bande de roches sédimentaires crétacées. Un affleurement moins étendu se rencontre sur la bordure méridionale de la chaîne, au sud de la dépression de Cerca Carvajal.

436Leur étude pétrographique a été réalisée par Woodring et al. (p. 274). Ils ont pu distinguer des andésites à augite et hyperstène, les plus fréquentes, des andésites à hyperstène, des andésites à hornblende, des dacites à augite et hyperstène. L’auteur a, d’autre part, trouvé des andésites à augite (GLS2, 1954) et des andésites variolitiques (MDM44, p. 168). Il a rencontré également des rhyolites, associées aux dacites, sur le sentier Marmelade-Saint-Michel de l’Atalaye, pro venant sans doute d’une différenciation magmatique (MDM13, p. 167).

437Ces roches sont altérées et métamorphisées, mais d’une manière moins intense que les roches basaltiques.

438La présence de conglomérats contenant des fragments de dacites à la base des argillites supposées crétacées inférieures, au nord de Dondon et dans la vallée de Grand Gille, le fait que les andésites et dacites sont moins altérées que les basaltes, ont amené Woodring et al. à leur attribuer un âge jurassique et peut-être en partie crétacé inférieur. Mais les argillites étant crétacées supérieures, et les roches basaltiques pouvant être crétacées, les andésites qui les séparent peuvent l’être aussi. C’est d’ailleurs l’âge attribué à la plupart des dacites pré-laramiennes des Antilles.

439Certaines d’entre elles sont même peut-être plus récentes. En bordure de la fosse de Gros Morne, on trouve des andésites et dacites à hornblende (PPB67A et B, p. 166) et des andésites à augite (PPB30). Elles ont été pénétrées par des dykes de dolérites ou de labradorites doléritiques d’âge éocène (PPB32). Toutes ces roches sont très chloritisées et certaines sont à hornblende verte (PPB67B).. Mais elles sont, dans l’ensemble, beaucoup moins altérées que les andésites crétacées que nous venons de décrire. De plus, sur le sentier Pilate-La-Brande, au sud de la crête, des andésites et des basaltes semblent interstratifiés avec des calcaires à faune éocène moyenne (PPB33, p. 137), tandis que d’autres calcaires, également éocènes moyens, en contiennent des fragments (PPB37, p. 137). Il n’est donc pas exclu que ces roches soient éocènes moyennes, comme une partie de celles de la formation Pérodin (p. 78). Elles sont, toutefois, pétrographiquement différentes.

3. Roches intrusives basiques

440Un premier groupe est constitué par les roches intrusives dans les basaltes les plus anciens.

441Elles présentent des affleurements très limités. Des péridotites à augite ont été trouvées par Woodring et al. (p. 288) dans la vallée de La Lome.

442Des métadolérites ont été également signalées par Woodring et al. dans la plaine du Nord et dans les montagnes près de Limbé et au nord de Plaisance. L’auteur a trouvé, sur la route Ouanaminthe-Mont-Organisé, des dolérites très altérées, associées aux diorites quartzifères (MB9 bis, p. 170) et sur le sentier Marmelade-Saint-Michel-de-l'Atalaye, des dolérites à augite, intrusives dans les dacites et rbyolites (MDM11, p. 167).

443Toutes ces roches sont considérées par Woodring et al. comme du même âge que les roches basaltiques anciennes, c’est-à-dire jurassiques ou plus anciennes. Mais les roches intrusives correspondantes que l’on trouve dans la presqu’île du Sud sont crétacées supérieures (p. 48) et c’est le cas de la plupart de celles qui ont été signalées dans les Grandes Antilles (Cuba, L. Rutten (1940) — République Dominicaine, Weyl (1950), Koschmann et Gordon Jr (1950) — Jamaïque, Zans (1951), etc...). Elles sont, toutefois toujours plus anciennes que les diorites quart - zifères.

444Rappelons que sur la bordure méridionale du massif du Nord, on trouve des dolérites à augite titanifère, d’âge éocène moyen à supérieur (p. 81).

4. Roches intrusives acides

445Elles sont représentées essentiellement par des diorites quartzifères, associées à des microdiorites quartzifères et d’autres roches intrusives acides.

446Elles sont bien représentées dans l’axe de la partie orientale du massif, constituant un batholite. Elles sont intrusives dans des roches volcaniques, surtout basaltiques. Leurs relations avec les roches crétacées qui bordent le batholite au sud ne sont pas claires.

447Des affleurements plus limités forment des dykes dans les andésites et les basaltes au NW de Grande Rivière du Nord ; dans les montagnes au sud de Limbé ; dans la région de carrefour Jouanne ; au sud d’Acul du Nord ; à l’ouest de Limbé ; à l’est de Marmelade ; au nord de Cap Haïtien (microdiorites quartzifères). Au morne Beckly, (au voisinage de la route Limonade-Le-Trou), on trouve des dykes de microdiorites quartzifères et de felsites, intrusifs dans les schistes.

448L’étude pétrographique de ces roches a été réalisée par Woodring et al. (p. 290). Les diorites quartzifères typiques sont pauvres en K2O. Il existe des types basiques, dans lesquels la hornblende verte constitue jusqu’à 40 % de la roche et des types acides où elle a presque disparu et qui sont de véritables aplites (sentier Sainte-Suzanne-Le-Trou et montagnes entre Limbé et Plaisance). On trouve également des microdiorites quartzifères et des types ophitiques en bordure des affleurements.

449Toutes ces roches sont traversées par des veines de hornblendite quartzifère et de quartz, très fréquentes. Elles représentent la minéralisation ultime liée à l’orogénèse laramienne. Elles sont probablement responsables de la formation des minerais de fer et de cuivre trouvés dans le massif du Nord.

450Woodring et al. (p. 299) pensent que ces roches sont probablement du Crétacé supérieur. Cette supposition paraît correcte, car ces roches sont intrusives dans des roches volcaniques probablement crétacées et sont recouvertes, en discordance angulaire, par les séries paléocènes-éocènes. D’ailleurs les diorites quartzifères de cet âge sont fréquentes dans les Grandes Antilles (cf. Rutterlin, 1956).

5. Roches métamorphiques d’origine ignée

451Elles sont peu abondantes.

452On trouve des chloritoschites dans la région de Cormiers, à l’ouest de Grande Rivière du Nord et dans la section La Lome, au NE de Saint-Michel-de-l’Atalaye. L’auteur en a trouvé, en galets, sur la route Le Trou-Cap Haïtien, 2,5 km. à l’ouest de la première localité. Suivant Woodring et al. ces roches se sont probablement formées par chloritisation de roches basaltiques, suivant des zones d’activité hydrothermale.

c) Structure (fig. 3, 11, 12)

453Les lignes structurales des parties occidentale et centrale du massif du Nord sont complexes. En général, elles présentent une direction N40°W-S40°E avec une légère courbure, convexe vers le SW. L’axe de la chaîne ayant une direction N70°W-S70°E, les plis sont disposés en échelon. Il existe, d’autre part, un anticlinal parallèle à la côte qui doit se prolonger vers l’est dans les mornes du Cap.

454Il est difficile de préciser la structure de la partie orientale, car elle est constituée de roches ignées pour la plus grande part. Il est, toutefois, vraisemblable que l’axe du batholite, de direction WNW-ESE, coïncide avec l’axe structural de cette région.

455Le faillage, dans le massif du Nord, est très important. Une faille majeure, de direction NNW-SSE, le sépare de la fosse de Gros Morne. Une autre faille ma jeure limite la partie orientale de la chaîne vers le sud, séparant l’Eocène moyen du massif du Miocène du plateau Central. Il existe également de nombreuses failles mineures à l’intérieur de la chaîne.

Fig. 12.— Coupe géologique a travers la partie SE de la presqu’île du Nord-ouest et la partie NW du massif du Nord.
Qal : alluvions (Quaternaire). — Tom : formation La Crête : calcaires impurs et calcaires madréporiques (Oligo-Miocène). — Tep : roches détritiques (base), calcaires cristallins massifs et calcaires crayeux, bien lités (Paléocène et Eocène). — Mcs : formation Trois Rivières (argiles schisteuses, conglomérats, calcaires à Rudistes). — Cdq : diorites quartzifères (Crétacé supérieur). — Ca : andésites (Crétacé).

456Les lignes structurales ont une direction laramienne et les roches qui constituent le massif du Nord sont essentiellement pré-laramiennes. L'orogénèse laramienne a été certainement très intense dans le massif du Nord, prolongement de la cordillère Centrale où elle a été également très active. Elle a été accompagnée d’un métamorphisme régional et de contact, en relation avec des intrusions, successivement ultra-basiques, basiques puis acides, se terminant par la mise en place de veines de hornblendite quartzifère et de quartz. Le plissement a été également très intense.

457Comme l’auteur l’a indiqué plus haut (p. 27), le massif du Nord a constitué ensuite un socle rigide, sur lequel il est difficile de préciser l’influence des autres orogénèses. Toutefois, le plissement intense des roches éocènes, la rareté de l’Eocène supérieur et de l’Oligocène indiquent que celle de l’Eocène supérieur a dû y être importante. Les directions structurales qui y sont bées paraissent être les mêmes que celles de l’orogénèse laramienne, dans la partie méridionale de la chaîne, mais non dans la partie septentrionale. La compression s’étant effectuée du sud au nord, cette divergence s’explique par le rôle de socle joué par le massif du Nord (p. 27).

458L’importance de l'orogenèse mio-pliocène est difficile à préciser. Toutefois, le faillage majeur, qui a donné à la chaîne ses caractères topographiques actuels, doit être en relation avec elle.

d) Géomorphologie

459Dans les parties occidentale et centrale, constituées de roches volcaniques et de calcaires, deux types de morphologie prédominent. Les roches volcaniques sont découpées suivant des crêtes étroites, les pentes entaillées par des vallées en V, nombreuses. Les flancs sont couverts de sol latéritique. Les zones calcaires présentent une topographie karstique, particulièrement typique dans la région de la citadelle La Ferrière et les mornes du Cap. Les pentes sont très escarpées, les vallées découpées en canyons, les parties les plus élevées forment de véritables falaises. Il existe de nombreuses cavernes, les plateaux présentent de nombreuses dolines.

460La superposition des calcaires éocènes durs et des roches volcaniques et sédimentaires crétacées, tendres, produit parfois des inversions de relief, comme dans le massif de la Selle (p. 50).

461Dans la région orientale, les zones constituées de diorites quartzifères sont découpées en plateaux, les vallées sont plutôt entaillées dans les roches volcaniques, probablement parce qu’elles sont plus facilement érodées.

462Les régions constituées de roches sédimentaires crétacées présentent un relief très semblable à celles constituées de roches volcaniques.

463Les côtes sont de deux types. Elles sont basses au niveau des plaines alluviales, particulièrement celles de Port-Margot et de Limbé. Elles sont élevées, avec des falaises, au niveau des montagnes et formées généralement de calcaires éocènes. De petites baies séparent les caps élevés. À l’ouest des mornes du Cap, la côte est profondément découpée par la baie de l’Acul, qui représente probablement une vallée submergée.

464Dans les régions de Saint-Louis-du-Nord et de Port-de-Paix, on trouve des côtes récifales, découpées en terrasses de 10 à 20 m. d’altitude.

465La bordure externe de la plate-forme continentale est très droite, du nord de Cap Haïtien au NE de Port-de-Paix, avec une direction N75° W-S75°E. Par suite, la plate-forme s’élargit du nord du fort Picolet (2,5 km.) à celui de la baie de l’Acul (9 km.) puis diminue jusqu’à Saint-Louis-du-Nord (1 km.). Il est probable que cette rectitude de la bordure de la plate-forme continentale est en relation avec l’existence d’une faille.

K. — L’ILE DE LA TORTUE

1°) Extension et caractères généraux

466L’île de la Tortue est située dans l’Océan Atlantique et séparée de l’île principale par le canal de la Tortue, qui n’a que 7 km. de largeur entre Saint-Louis-du-Nord et Pointe-Maçon, mais atteint cependant une profondeur de 1.267m. Les profondeurs sont également grandes au nord de l’île, puisque, à 50 km. des côtes, elles atteignent déjà 3.985 m. L’île a une longueur de 37,5 km., dans la direction N 76° W-S 76° E, mais sa largeur maxima est de 7 km. seulement. Elle doit son nom, d’après Moreau de Saint-Méry, à sa ressemblance avec une tortue marine dont la tête serait située à l’ouest.

467L’île de la Tortue est essentiellement constituée par un plateau, entaillé profondément par les vallées de rivières, au nord de La Vallée et qui est uni aux côtes par des pentes découpées en terrasses. Les pentes méridionales sont, dans l’ensemble, plus escarpées. Le point le plus élevé de l’île, le morne La Visite (361 m.), ne domine que de quelques mètres le plateau qui l’entoure.

468Il n’existe que deux petites rivières qui s’unissent avant d’atteindre la mer, près de La Vallée, et forment un amphithéâtre complexe, limité par des falaises calcaires qui découpent le plateau central. Pour les raisons que nous préciserons plus loin, il n’existe de sources que sur le flanc sud du plateau (p. 106).

2°) Géologie générale

a) Roches sédimentaires et métamorphiques

469Leur âge est compris entre le Pré-Crétacé ( ?) et le Récent.

1. Pré-Crétacé ( ?)

470Woodring et al. ont décrit (p. 85) des roches métamorphiques qui sont représentées par des calcaires très laminés, complètement recristallisés, avec formation des chlorite, d’épidote et de quartz, et qui ressemblent beaucoup à des roches de la pente méridionale de la presqu’île de Samana, en République Dominicaine.

471Elles sont très plissées. Les plans de schistosité ont une direction N 80° W et un pendage 20° NE. Elles ont été pénétrées par un stock de diorites quartzifères, dans la région du morne La Visite.

472Les auteurs américains ont supposé que ces roches affleuraient suivant une bande encerclant l’île. Mais les études de l’auteur lui ont montré que les affleurements étaient limités à la région centrale du flanc sud du plateau.

473Comme leur soubassement n’affleure pas, il n’est pas possible de préciser leur épaisseur. Mais elle doit atteindre plusieurs centaines de mètres.

474L’âge de ces roches est difficile à préciser, car elles n’ont pas fourni de fossiles. Woodring et al. les supposaient paléozoïques. Mais aucune roche des Antilles n’est sûrement de cet âge (p. 19). Elles sont recouvertes, en discordance angulaire, par des calcaires, les uns paléocènes-éocènes, les autres oligocènes ou miocènes. Les diorites quartzifères qui les pénètrent sont identiques à celles du massif du Nord et donc probablement du même âge, c’est-à-dire crétacées supérieures. Les relations des calcaires schisteux avec les roches volcaniques qui affleurent sur la pente nord du morne La Visite n’ont pas pu être précisées. Les calcaires schisteux sont pré-laramiens, mésozoïques, mais il n’est pas possible d’être plus précis pour le moment.

2. Paléocène et Eocène

475Ils sont représentés par des calcaires massifs, d’extension très limitée.

476A la sortie ouest de Palmiste, on trouve un petit affleurement de calcaires à microfaune paléocène à éocène inférieure (IT 2, p. 132). Un galet des mêmes calcaires a été trouvé dans les calcaires oligocènes ou miocènes, au sud de Palmiste (IT 8, p. 132).

477Au nord du morne La Visite, des andésites sont couvertes, en discordance, par des calcaires. Un galet a fourni une microfaune de l’Eocène supérieur (IT 4, p. 141).

478Ces divers affleurements représentent probablement des témoins, isolés, d’un ancien recouvrement paléocène-éocène beaucoup plus étendu.

3. Oligocène ou Miocène

479Des calcaires madréporiques et coquilliers, massifs, parfois franchement récifaux, forment la plus grande partie de l’île et, en particulier, la quasi-totalité du plateau qui la couronne.

480Leur épaisseur doit atteindre une centaine de mètres. Ils reposent, en discordance, sur les roches plus anciennes et sont couverts, également en discordance, par des calcaires récifaux quaternaires.

481Ils ont fourni une collection de Foraminifères, de Madrépores et de Mollusques (Woodring et al., p. 156 et cf p. 151). Woodring et al., supposent cette faune oligocène supérieure, sans exclure la possibilité qu’elle soit miocène. On ne peut que se rallier à une telle conclusion.

4. Plêistocène et Récent

482Les calcaires récifaux pléistocènes forment une bande côtière qui borde la quasi-totalité des côtes de l’île. Ils sont découpés en deux terrasses, dont la plus élevée a une altitude comprise entre 60 et 140 m., et une largeur qui varie de 0,7 à 3,75 km. Elle est séparée du plateau axial par une falaise de 60 m. de hauteur environ et de la terrasse inférieure par une seconde falaise de 40 m. de hauteur maxima. La terrasse inférieure a une altitude comprise entre 7 et 20 m. et une largeur qui varie entre 0,3 et 0,75 km. Elle domine directement la côte par une falaise de 7 à 10 m. de hauteur.

483L’épaisseur de ces calcaires ne doit pas dépasser quelques dizaines de mètres.

484Des alluvions récentes couvrent les plaines, dont la plus étendue est celle de La Vallée.

b) Roches ignées

485Elles sont représentées par des roches volcaniques (andésites et dacites) et des roches intrusives (diorites quartzif res).

1. Andésites et dacites

486Elles affleurent sur la pente nord du morne La Visite, mais sur une distance de 500 m. seulement. On trouve également de nombreux galets de ces roches dans les ravines du flanc sud du plateau, ce qui indique que leurs affleurements sont probablement plus étendus qu’il n’a été indiqué sur la carte géologique.

487Ce sont des andésites et des dacites à hornblende (IT 6, 9 A) qui ressemblent beaucoup aux roches, probablement crétacées, du même type, signalées dans le massif du Nord (p. 97).

488Elles sont en contact douteux avec les calcaires schisteux, pénétrées par un stock de diorites quartzifères et recouvertes, en discordance, par des calcaires éocènes supérieurs. Elles sont probablement crétacées comme les roches du même type du massif du Nord.

2. Roches intrusives

489Elles sont représentées par deux petits stocks de diorites quartzifères, trouvés par l’auteur au voisinage du sommet du morne La Visite et intrusifs, l’un dans les calcaires schisteux, l’autre dans les andésites. On en trouve de nombreux galets dans les ravines du flanc sud du plateau et la roche granitique signalée par Woodring et al. (p. 85) appartient probablement à la même série.

490Ces roches sont identiques, du point de vue pétrographique (IT1, IT 3, p. 170) aux diorites quartzifères du massif du Nord et probablement, comme celles-ci, d’âge crétacé supérieur.

c) Structure (fig. 3, 13)

491L’île correspond à un anticlinal très dissymétrique, à flanc sud beaucoup plus incliné et dont l’axe est sensiblement le même que celui de l’île. Certains auteurs, comme Weyl (1950), considèrent que l’île de la Tortue représente le prolongement de la cordillère Septentrionale dominicaine, alors que d’autres préfèrent la rattacher au massif du Nord. Il n’y a, en fait, aucun argument décisif en faveur de l’une ou l’autre hypothèse.

492L'orogenèse laramienne a probablement affecté l’île de la Tortue, de la même manière que le massif du Nord, l’intensité du plissement étant attestée par le feuilletage et le métamorphisme des calcaires schisteux et l’existence d’intrusions granodioritiques.

493Les caractères structuraux récents sont liés à l'orogenèse mio-pliocène, puisqu’ils affectent les calcaires oligocènes ou miocènes, ainsi qu’au faillage subséquent.

Fig. 13. — Coupe géologique a travers l’île de la Tortue.
Qc : calcaires récifaux (Quaternaire). — Tom : calcaires cristallins (Oligo-Miocène). — Tep : roches détritiques (base) et calcaires cristallins massifs (Paléocène et Eocène). — Cdq : diorites quartzifères (Crétacé supérieur). — Ca : andésites et dacites (Crétacé). — Mc : calcaires schisteux (Mésozoïque).

494Notons que l’axe anticlinal de l’île de la Tortue est parallèle à l’axe synclinal du canal de la Tortue et à l’axe anticlinal de la chaîne côtière du massif du Nord. Leur direction commune est voisine de ouest-est, ce qui est en faveur de l’hypothèse que l’auteur a émise au sujet du rôle de socle joué par le massif du Nord (p. 27).

d) Géomorphologie

495Le plateau central est constitué de calcaires massifs et présente une topographie karstique, bien marquée par l’existence de grottes dans la falaise de Tête Chrétien qui domine la haute terrasse (grottes Au Bassin et Trou d’Enfer). Les terrasses de calcaires pléistocènes, sèches, correspondent à des savanes. Les calcaires schisteux sont indiqués par une topographie très tourmentée, à pentes croulantes. Comme ils sont peu perméables, au contraire des calcaires massifs oligocènes ou miocènes qui les recouvrent, les sources se concentrent à leur contact avec ceux-ci (sources Lavier, Avril, Basse-Terre). L’absence d’affleurements de calcaires schisteux sur le flanc nord du plateau explique l’absence de sources dans cette région.

496Les côtes, formées en majorité de calcaires récifaux, sont souvent abruptes et peu accessibles, d’autant plus que les rivières sont rares. Ce caractère est typique pour les côtes septentrionales. Celles de la partie méridionale sont généralement plus basses, parfois même lagunaires (régions de La Vallée et de Carénage), avec de jolies plages.

497La plate-forme continentale est étroite, sa largeur variant entre 1 km. et 1,5 km.

L. — LA PLAINE DU NORD

1°) Extension et caractères généraux

498La plaine du Nord est une plaine côtière baignée par l’Océan Atlantique, sauf dans sa partie occidentale où elle en est séparée par les mornes du Cap. Elle est limitée au sud et à l’ouest par le massif du Nord. Vers l’est, elle se prolonge par la vallée du Cibao, dominicaine. Elle a une longueur de 65 km., dans la direction ouest-est. Sa largeur varie entre 5 et 20 km.

499Woodring et al. (p. 356) l’ont divisée en quatre régions naturelles, dont les limites sont sensiblement parallèles à la côte et qui sont, en allant du nord au sud : une plaine alluviale, pratiquement sans relief, côtière ; une plaine découpée par l’érosion, formée de graviers d’âge quaternaire ; des collines basses, constituées par les roches sous-jacentes et qui accidentent la plaine d’érosion (morne Beckly, 54 m. d’altitude ; morne Mantègue, 227 m.) ;une plate-forme rocheuse, de largeur variable, et qui se trouve au pied du massif du Nord.

500Le réseau hydrographique est dense et, comme le sous-sol de la plaine est imperméable, l’infiltration ne s’effectue que dans les zones superficielles. Le principal cours d’eau est la Grande Rivière du Nord, avec un débit moyen annuel de 6 m3/sec., suivie par la rivière Massacre où il n’est plus que de 3 m3/sec. L’importance du réseau hydrographique, et l’exposition favorable de la plaine par rapport aux alizés, expliquent sa fertilité qui en faisait, à l’époque coloniale, la plus riche plaine des Antilles.

2°) Géologie générale

a) Roches sédimentaires

1. Crétacé

501Woodring et al. ont signalé (p. 95) l’existence, au pied de la pente sud du morne Mantègue (appelé par eux, Grand Gille) de fragments de calcaires sombres, en galets, provenant du sommet de cette colline et qui ressemblent aux calcaires à faune crétacée supérieure, trouvée en place à la Tannerie, un peu plus à l’ouest. L’auteur a trouvé dans ces calcaires des fragments de Rudistes, non déterminables (GRN 20 A, p. 129).

2. Paléocène et Eocène

502La même localité de la pente sud du morne Mantègue est constituée de calcaires gris, en place, qui fournissent une microfaune du Paléocène-Eocène inférieur (GRN 20, p. 132).

3. Pléistocène et Récent

503Ils constituent la majeure partie de la plaine du Nord et sont représentés par des alluvions dont les plus anciennes, consolidées, constituent la plaine découpée par l’érosion, tandis que les plus récentes, meubles, forment la plaine alluviale côtière, et contiennent une proportion assez élevée de sables quartzeux.

b) Roches ignées

504Elles sont représentées par des roches volcaniques (basaltes et andésites) et des roches intrusives (diorites quartzifères).

1. Roches volcaniques

505Elles sont représentées essentiellement par des roches basaltiques qui constituent la majorité des collines basses et une partie de la plate-forme rocheuse et sont parfois associées à des andésites.

506Ces roches sont identiques aux basaltes et aux andésites du massif du Nord (p. 96) et probablement comme celles-ci d’âge crétacé.

2. Roches intrusives

507Elles sont représentées par des diorites quartzifères, pénétrées par des veines de hornblendite quartzifère et de quartz et qui sont intrusives dans les roches volcaniques que nous venons d’étudier. Elles constituent la majeure partie de la plate-forme rocheuse.

508Elles sont, pétrographiquement, identiques aux diorites quartzifères du massif du Nord, avec lesquelles elles sont, d’ailleurs, en continuité. Elles sont donc, comme celles-ci, d’âge crétacé supérieur.

c) Roches métamorphiques d’origine ignée

509Ce sont des amphibolites, des schistes à hornblende, des talcschistes.

510Les amphibolites ont été trouvées à l’est du Trou, le long de la route de Cap Ha tien à Ouanaminthe par Woodring et al. (p. 308) qui en ont décrit les caractères pétrographiques. L’auteur en a rencontré également dans le morne Beckly.

511Les schistes à hornblende ont été rencontrés dans le morne Beckly par Woodring et al. qui en ont précisé les caractères pétrographiques. Ils sont riches en serpentine.

512Ils dérivent probablement de roches ultrabasiques, comme les serpentines de la République Dominicaine et de Cuba. Mais, en Haïti, il n’a pas été trouvé de vraies serpentines.

513Les talcschistes ont été trouvés dans le morne Beckly par Woodring et al. qui en ont indiqué les caractères pétrographiques. Ils dérivent de roches à enstatite.

d) Structure

514La vallée du Cibao, prolongement oriental de la plaine du Nord, est un synclinal, transformé en graben par le développement de failles normales, en échelon, sur ses bordures nord et sud. La plaine du Nord doit représenter la prolongation du flanc méridional de ce synclinal, dont l’axe s’ennoie au SW de Monte Cristi, en relation avec un faillage qui explique la rectitude de la bordure externe de la plate-forme continentale, au nord de la plaine du Nord.

515Ce synclinal, qui affecte les formations miocènes de la vallée du Cibao, appartient donc à l’orogénèse mio-pliocène.

e) Géomorphologie

516La plate-forme rocheuse, les plaines disséquées par l’érosion et alluviales, constituent trois plate-formes en gradins qui doivent correspondre aux niveaux de la mer, respectivement au Pliocène, au Pléistocène et au Récent.

517Les côtes sont basses, sablonneuses et marécageuses. Elles présentent deux baies profondes : celles de Fort Liberté et de Caracol. La première est une baie bilobée, la seule typique en Haïti. Vaughan (1919) qui a étudié les baies de ce type à Cuba, où elles sont nombreuses, considère qu’elles sont liées à une émersion suivie d’immersion. Au cours de la première phase, les rivières entaillent leur propre plaine alluviale, envahie ensuite par la mer. Une telle explication ne semble pas pouvoir s’appliquer à la baie de Fort Liberté. Les rivières qui y aboutissent ont un débit manifestement trop faible pour avoir pu entailler largement leur plaine alluviale et rien ne permet de supposer qu’il ait été beaucoup plus grand dans le passé. D’ailleurs, comme l’avaient déjà signalé Woodring et al. (p. 358), la rivière Massacre, plus importante, ne présente pas de baie de ce type. Par contre, on peut observer que, près de son embouchure, elle est encadrée par des lagunes qui communiquent avec elle et qui doivent représenter le premier stade de la formation des baies bilobées. Il suffirait, en effet, d’une élévation de la mer de quelques mètres pour que se forme à l’embouchure de la rivière Massacre, une baie du même type que celle de Fort Liberté.

518La plate-forme continentale de la plaine du Nord est limitée à l’extérieur par une ligne pratiquement droite qui s’éloigne de plus en plus de la côte, en allant vers l’ouest. Comme nous l’avons indiqué, elle doit correspondre à une faille. Une ligne de récifs borde la côte à faible distance.

M. — LA PRESQU’ILE DU NORD-OUEST

1°) Extension et caractères généraux

519La presqu’île du Nord-Ouest est baignée, au nord, par l’Océan Atlantique, au sud, par le golfe de la Gonave et est séparée de Cuba, au NW, par le canal du Vent. Elle est limitée, à l’est, par le massif du Nord. Ainsi délimitée, elle présente une longueur, ouest-est, de 85 km. Sa largeur augmente progressivement d’ouest en est. Elle est, en effet, de 24 km. à la longitude du môle Saint-Nicolas et de 50 km. à celle des Gonaïves.

520On peut la diviser en un certain nombre de régions naturelles : la fosse de Gros Morne, le massif de Terre Neuve, les montagnes du Nord-Ouest, le plateau de Bombardopolis, la plaine de l’Arbre et la vallée de Jean Rabel.

521La fosse de Gros Morne, dénomination introduite par l’auteur (1954), désigne la zone déprimée qui sépare le massif du Nord, à l’est, du complexe montagneux : massif de Terre Neuve-montagnes du Nord-Ouest, à l’ouest. Elle correspond au bassin de deux rivières : les Trois Rivières qui prennent leur source au morne Puilboreau, dans le massif du Nord, et se jettent dans le canal de la Tortue, à l’ouest de Port de Paix ; la rivière La Brande, qui prend sa source au Gros Morne, dans le massif du Nord, reçoit la rivière Bassin sur sa droite et, en commun avec les rivières d’Ennery et des Bayonnais, forme la rivière La Quinte, qui se jette dans la baie des Gonaïves. La ligne de partage des eaux entre les deux rivières de la fosse de Gros Morne est coupée par la route Gonaïves-Gros Morne, à La Crête (335 m. d’altitude). De part et d’autre de cette ligne, la fosse présente une pente vers le NW et l’autre vers le sud, relativement douce. Ce sont des plaines accidentées par des collines. Par contre, les pentes qui unissent la fosse aux chaînes encadrantes sont généralement abruptes, sauf celles qui l’unissent aux montagnes du Nord-Ouest. En fait, la dénomination de fosse s’applique mieux à la partie méridionale qu’à la septentrionale qui a plutôt l’allure d’un bassin sédimentaire.

522Le massif de Terre Neuve constitue la prolongation des montagnes du Nord-Ouest en direction du SE. Leur limite qu’on peut fixer au niveau du sentier Monbayard-Lagon-Sources Chaudes est, par suite, très artificielle. C’est une chaîne escarpée, de 1.100 m. d’altitude au morne Goreille, point culminant de toute la presqu’île. Une dépression plus ou moins axiale, de direction NW-SE, correspond aux vallées des rivières Colombier, coulant vers le NW et Bassin, coulant vers le SE.

523Les montagnes du Nord-Ouest constituent la chaîne axiale de la presqu’île, encadrée par la vallée de Jean Rabel, au nord, et la plaine de l’Arbre, au sud. Elles se prolongent par le massif de Terre Neuve, au SE, et le plateau de Bombardopolis, à l’ouest. Elles présentent une forme générale en arc, convexe vers le nord et atteignent une altitude maxima de 1.006 m. au Piton Sondé. Elles sont fortement découpées par les nombreuses vallées de rivières qui les coupent transversalement.

524Le plateau de Bombardopolis est constitué, en fait, par une série de plateformes emboîtées, dont la plus élevée atteint 643 m. d’altitude, dans la région de Mare Rouge. Dans sa partie SW, il est accidenté par des collines, constituant la chaîne de Desforges, de 740 m. d’altitude maxima au morne Coulomb. Elle représente manifestement la prolongation des montagnes du Nord-Ouest.

525La plaine de l'Arbre est une dépression côtière qui limite vers le sud les montagnes du Nord-Ouest. Elle n’est côtière, en réalité, qu’entre Grande Saline et Port à Piment. Plus à l’ouest, elle est, en effet, séparée de la mer par une sorte d’apophyse du plateau de Bombardopolis formant une plate-forme de 100 à 200 m. d’altitude et qui est unie à la plaine par des pentes escarpées. La plaine est accidentée par de petites collines. Elle est très aride, ainsi qu’en témoigne sa végétation de Cactacées et de Mimosées épineuses.

526La vallée de Jean Rabel est une plaine sub-côtière, symétrique de la plaine de l’Arbre par rapport aux montagnes du Nord-Ouest et qui présente une allure très semblable. Mais, mieux exposée aux alizés, elle est moins aride. Elle est séparée de la mer, sauf au niveau des vallées de rivières, par une chaîne côtière, sorte d’apophyse prolongeant vers l’est le plateau de Bombardopolis.

527Le réseau hydrographique de la presqu’île du Nord-Ouest n’est pas très dense car, malgré sa bonne exposition aux aliés et probablement à cause de son relief relativement peu marqué, elle n’est pas très arrosée, surtout dans sa partie située sous le vent. Le plus important cours d’eau est représenté par les Trois Rivières, dont le débit moyen annuel est de 5 m3/sec. au sud de Gros Morne, mais doit être plus élevé en aval, car elles reçoivent ensuite de nombreux affluents. Un grand nombre de rivières, dont les eaux sont d’ailleurs utilisées pour l’irrigation, se perdent pendant la saison sèche dans la vallée de Jean Rabel et la plaine de l’Arbre.

2°) Géologie générale

a) Roches sédimentaires

528L’âge des formations sédimentaires de la presqu’île du Nord-Ouest est compris entre le Crétacé et le Récent.

1. Crétacé

529Woodring et al. (p. 119) ont supposé d’âge éocène supérieur, mais sans argument défini, des calcaires de couleur brun chocolat, verte ou jaune, un peu schisteux, à abondantes veines de calcite entrecroisées, interstratifiés avec des lits plus élastiques, à abondants fragments de roches volcaniques, et présentant des nodules de silex. Ils affleurent sur le morne Miguinda (massif de Terre-Neuve) et ont, au minimum, une centaine de mètres d’épaisseur.

530Une nouvelle étude de cette série a permis à l’auteur d’y mettre en évidence une microfaune de Radiolaires et de petits Foraminifères (BBT 29, p. 129) qui, d’après J. Cuvillier (comm. pers.) et A. Ayala (1959) paraît du CénomanienTuronien. Ces calcaires ressemblent, d’ailleurs, à certains qui font partie de la formation des Trois Rivières (p. 92). Leurs relations avec les autres roches de la région ne sont pas claires.

2. Paléocène et Eocène

531On les trouve sur de grandes étendues dans les régions axiales, montagneuses, de la presqu’île du Nord-Ouest. Comme dans les autres régions d’Haïti, ils débutent par des séries détritiques, transgressives, d’âge variable, et sont surtout constitués ensuite par des calcaires.

532Le Paléocène-Eocène inférieur n’est connu avec certitude que dans le morne Goreille (BBT 25, 26, p. 132), où il est représenté par des calcaires massifs, jaunes ou blancs, et dans la vallée de la rivière Bois de Chênes, au NW de Terre-Neuve, où il est constitué par des calcaires détritiques, à veines de calcite (BBT 31, p. 132).

533L'Eocène moyen forme la majeure partie des affleurements éocènes. On le trouve sur les pentes NE du massif de Terre-Neuve, représenté par des calcaires massifs, de couleur jaune, rouge ou blanche. Dans la région de Moulin, le conglomérat de base fournit une microfaune éocène moyenne (MT 8 A, 10, p. 138). Les calcaires des montagnes du Nord-Ouest sont, en majorité, éocènes moyens. Dans la vallée de la rivière Cadet, au sud de Jean Rabel, le conglomérat de base qui repose, en discordance angulaire, sur les roches ignées anté-laramiennes, est recouvert par des calcaires détritiques, éocènes moyens (JRM 11, 9845, 9795, p. 138), puis par des calcaires gris, un peu argileux, en lits réguliers de 5 à 15 cm. d’épaisseur. Sur la route Port de Paix-Jean Rabel, des blocs alluvionnaires, arrachés aux montagnes du Nord-Ouest, fournissent une microfaune éocène moyenne (JRM 3, 3 A, p. 138). Dans les collines situées au NE de Coridon (plaine de l’Arbre) affleurent des calcaires, les uns crayeux, à silex, reposant sur un conglomérat de base à fragments de roches basaltiques (SCC 18, p. 138), les autres, massifs (SCC 22, p. 138), éocènes moyens. Dans la chaîne de Desforges les calcaires à silex, qui sont, comme ceux de la région de Coridon, en relation étroite avec des basaltes, doivent être éocènes moyens, ainsi que le confirme l’existence de galets de calcaires à microfaune de cet âge (JRM 33, p. 138).

534L’Eocène supérieur, au contraire, que Woodring et al. considéraient comme largement représenté n’a pas été trouvé par l’auteur, même dans leurs propres plaques.

535L’épaisseur totale des séries paléocènes-éocènes ne doit pas être inférieure à 1.000 m.

3. Oligocène

536Il n’est connu avec certitude que dans la vallée des Trois Rivières, au voisinage de la localité de Chansolme. Il y est représenté par des calcaires massifs, madréporiques, qui ont fourni une microfaune caractéristique (BBT 51, 51 A, 51 bis, p. 144).

537Leur soubassement n’apparaît pas et leur épaisseur est, par suite, inconnue.

4. Oligo-Miocène

538Il constitue la formation de la Crête, dénomination introduite par l’auteur (1954) pour une série de calcaires jaunes, durs, sableux ou madréporiques, en lits d’épaisseur moyenne à grande, interstratifiés avec des calcaires argileux, des marnes grises, et des grès à fragments de roches volcaniques et calcaires. La localité-type se trouve sur la route Gonaïves-Gros Morne, au franchissement de la ligne de séparation des eaux, sur la colline de La Crête (235 m.) (localité fossilifère PPB 65, p. 147).

539Cette formation doit être du même âge que la formation de Madame Joie, d’après sa faune (p. 86). Elle doit constituer la majeure partie des affleurements de la fosse de Gros Morne. Son épaisseur a été estimée à 500 m. Elle couvre, en discordance, les séries plus anciennes et est recouverte, à son tour, en discordance, par les séries du Miocène et du Quaternaire.

5. Miocène

540Il doit constituer la quasi-totalité de la vallée de Jean Rabel et de la plaine de l’Arbre, les affleurements de la première de ces régions se prolongeant dans la basse vallée des Trois Rivières. Woodring et al. ont également signalé un petit affleurement miocène dans la vallée de la rivière La Gorge, au sud de Môle Saint-Nicolas.

541Le Miocène est représenté par des formations détritiques : grès durs, sables, parfois conglomérats ; des calcaires madréporiques ; des marnes parfois gypsifères, l’un ou l’autre de ces types dominant, suivant les régions.

542La faune, pauvre, n’est pas très caractéristique (JRM 3C, 4, 5, 6, 63, p. 156). C’est surtout l’inclinaison, parfois forte, des couches, leurs caractères lithologiques, semblables à ceux des autres séries miocènes d’Haïti et le fait que, recouvrant, en discordance, la formation de la Crête, elles sont, à leur tour, recouvertes, en discordance par les terrains quaternaires, qui leur a fait attribuer un âge miocène.

543L’épaisseur de cette série doit atteindre quelques centaines de mètres.

6. Pléistocène et Récent

544Le Pléistocène marin présente un développement exceptionnel dans la presqu’île du Nord-Ouest, puisqu’il constitue le plateau de Bombardopolis et les apophyses côtières qui le prolongent au NE et au SE.

545Il est représenté par des calcaires récifaux, formant une sorte de croûte, épaisse parfois de 300 m., qui a recouvert les formations antérieures. Ces calcaires sont découpés en de nombreuses terrasses. Woodring et al. en ont compté 28 entre Baie de Henne et Bombardopolis et la plus élevée atteint une altitude de 643 m. à Marc Rouge (pl. VIII, fig. 2).

546Ils fournissent un grand nombre de Madrépores (p. 158).

547Des alluvions se rencontrent dans les basses vallées des rivières mais ne présentent pas une extension considérable.

b) Roches ignées

548Elles sont représentées par des roches volcaniques (basaltes et andésites) et des roches intrusives acides (diorites et microdiorites quartzifères).

1. Roches volcaniques

549On peut en distinguer trois groupes :

550— Des andésites et des dacites, celles-ci moins abondantes, qui forment la plus grande partie de la zone volcanique du massif de Terre Neuve. Dans les parties NE et est de cette chaîne, on trouve surtout des andésites à augite et hyperstène ; dans la partie centrale et méridionale, surtout des andésites et des dacites à hornblende, parfois avec un peu d’augite. Au NE de Grande Saline, elles forment des brèches qui constituent la majeure partie des mornes Archer et Jonqui. Mais, dans les autres zones, on ne trouve que des laves, sans produits pyroclastiques.

551Woodring et al. en ont réalisé l’étude pétrographique (p. 274).

552Ces roches andésitiques sont recouvertes, en discordance angulaire, par le conglomérat de base des séries paléocènes-éocènes. Elles doivent donc être du même âge que les andésites du massif du Nord, c’est-à-dire crétacées et, au moins en partie, crétacées supérieures.

553C’est probablement à la même série qu’appartiennent les andésites et les dacites qui affleurent dans les montagnes du Nord-Ouest, en particulier dans les vallées des rivières Cadet et de Jean Rabel, où elles sont pénétrées par des dykes et stocks de diorites quartzifères.

554Ce sont des andésites et dacites à biotite et hornblende, porphyriques, que Woodring et al. ont étudié pétrographiquement (p. 278). Elles sont recouvertes, en discordance angulaire, dans la vallée de la rivière Cadet, par le conglomérat de base des séries éocènes moyennes qui en contient des fragments.

555Ces diverses séries de roches andésitiques doivent atteindre plusieurs centaines de mètres d’épaisseur.

556Notons que, dans la vallée de la rivière Cadet, on trouve de nombreux galets de roches basaltiques qui n’ont pas été trouvées en place. Elles doivent affleurer sur le flanc oriental de la vallée.

557— Le second groupe de roches volcaniques est représenté par des basaltes à augite titanifère, associés à des dolérites qui forment des dykes ou des sills, dans les basaltes et les calcaires éocènes. On les trouve sur les pentes NE du morne Découflay et dans la vallée de la rivière Bras à Droite.

558Ces roches sont, pétrographiquement, identiques à celles dont nous avons signalé la présence dans la vallée de la rivière d’Ennery (p. 78) et doivent être, comme elles, d’âge éocène moyen à supérieur.

559— Le troisième groupe de roches volcaniques est représenté par des labradorites à augite, par des basaltes à hyperstène et parfois par des andésites à augite. Elles forment deux affleurements assez étendus, le premier sur les pentes qui unissent le plateau de Bombardopolis à la côte méridionale, le second dans la région de Coridon-Grande Saline (plaine de l’Arbre).

560Il s’agit de roches d’un type différent de toutes celles décrites antérieurement de la République d’Haïti. Les labradorites et les basaltes sont de couleur gris foncé à noire, les andésites gris clair. Elles sont porphyriques ou spilitiques, souvent vacuolaires, les vacuoles présentant un mince revêtement d’alunite ou de chlorite, ou étant comblées par de la calcite, des zéolites ou de la calcédoine (JRM 21, 27, 27 bis SCC 12, 13, p. 171). Certains types de basaltes sont très riches en olivine (SCC 2, p. 172). De nombreuses veines de quartz, souvent accompagné de limonite et parfois de zéolites, traversent la série. Les laves sont parfois schisteuses ; les produits pyroclastiques, tufs en particulier, sont souvent abondants. Certaines roches sont très chloritisées, mais, dans l’ensemble, elles sont peu altérées.

561Les roches du premier affleurement, les seules connues avant les études de l’auteur, avaient été considérées comme pliocènes par Lutgens (1919). Woodring et al., qui n’avaient pas visité la région, ont supposé qu’elles étaient du même âge que les basaltes anciens du massif du Nord, c’est-à-dire pré-crétacées. L’auteur a pu montrer qu’elles sont, en réalité, éocènes moyennes. Dans la région située au sud de Bombardopolis, elles sont recouvertes par des calcaires crayeux, à silex, qui débutent par un conglomérat de base à galets de roches volcaniques et dont nous avons indiqué (p. 111) qu’ils sont très probablement éocènes moyens. Des calcaires du même type sont interstratifiés avec les roches volcaniques et un galet de calcaire a fourni une microfaune éocène moyenne (JRM 33, p. 112).

Fig. 14. — Coupe géologique a travers la partie SW du massif de Terre-neuve (partie SE de la presqu’île du Nord-Ouest).
Qal : alluvions (Quaternaire). — Tep : calcaires cristallins massifs et calcaires crayeux bien lités (Eocène moyen). — Tb : basaltes et tufs (Eocène moyen). — Ca : andésites (Crétacé).

562Dans la région de Coridon, les relations stratigraphiques sont, apparemment inverses, car les basaltes reposent sur les calcaires crayeux à silex. Mais, diverses observations, en particulier le fait que ces calcaires sont séparés des basaltes par un conglomérat de base à fragments de roches volcaniques et à ciment calcaire éocène moyen (SCC18, p. 112), permettent de penser qu’on a affaire à une série renversée, par suite d’un fort déversement des plis couchés vers le NE. On trouve également, au NE de Coridon, des calcaires interstratifiés avec les basaltes (pl. VII, fig. 2), mais azoïques.

563Cette série volcanique doit avoir au moins 300 à 400 m. d’épaisseur.

2. Roches intrusives

564Mis à part les petits affleurements de roches intrusives basiques que nous avons signalés à propos de l’étude des roches volcaniques, elles sont représentées par des diorites et microdiorites quartzifères qui constituent deux grands groupes d’affleurements :

5651° des roches intrusives dans les andésites et dacites des vallées des rivières Cadet et de Jean Rabel. On trouve également des galets de ces roches dans la vallée de la rivière l’Anse Rouge, sur le flanc sud des montagnes du Nord-Ouest et sur la route Port-de-Paix-Jean Rabel, au col du Tapion, 9,4 km. à l’est de la seconde localité. Il existe donc des affleurements de ces roches au cœur de la chaîne.

566Il s’agit surtout de microdiorites quartzifères, les diorites quartzifères étant subordonnées. Elles ont été étudiées pétrographiquement par Woodring et al. (p. 289). Elles diffèrent des roches du même type du massif du Nord parleur couleur plus claire, tirant sur le vert, et surtout par la plus grande abondance d’orthose et la présence de biotite. Ce sont donc déjà des roches granodioritiques ;

5672° des roches intrusives formant des stocks, des dykes et des veines, alignés principalement le long de l’axe du massif de Terre Neuve, dans les andésites et dacites que nous avons décrites plus haut et les calcaires paléocènes-éocènes. Ceux-ci ont été métamorphisés en « tactites » (F. L. Hess, 1919) et minéralisés.

568Il s’agit essentiellement de microdiorites quartzifères, associées parfois à des granodiorites et des diorites quartzifères qui ont été étudiées pétrographiquement par Woodring et al. (p. 302). Elles se distinguent des types correspondants du massif du Nord par la présence d’orthose (5 %), d’un peu d’augite et parfois de biotite.

569L’âge de ces roches a été très discuté. Woodring et al., s’appuyant sur le fait qu’elles sont intrusives dans des calcaires considérés comme éocènes supérieurs, les attribuaient à une orogénèse postérieure, miocène.

570L’auteur a mis en doute cette supposition (1954, p. 48) car on ne connaît aucune autre intrusion granodioritique miocène dans les Antilles. Il a supposé d’abord que ces roches étaient crétacées supérieures comme celles du massif du Nord et que les calcaires dans lesquels elles étaient intrusives étaient crétacés, comme ceux rencontrés dans le morne Miguinda (p. 111). La découverte, postérieurement, de roches granodioritiques liées à une orogénèse éocène supérieure, dans les montagnes Noires (p. 80), leur existence dans la sierra Maestra de Cuba (cf. Butterlin, 1956, p. 41) ont amené l’auteur à penser que, dans le massif de Terre Neuve, situé entre ces deux régions, les intrusions granodioritiques étaient liées à la même orogénèse, ce qui expliquerait qu’elles soient intrusives dans les calcaires éocènes moyens (et non éocènes supérieurs comme le pensaient Woodring et al.).

571En ce qui concerne les roches granodioritiques du premier groupe, Woodring et al. les ont considérées comme du même âge que celles du massif du Nord, c’est-à-dire crétacées supérieures. Elles sont, en effet, intrusives dans les andésites et dacites crétacées et recouvertes, en discordance angulaire, par des calcaires éocènes moyens (p. 112). L’auteur se rallie à cette supposition.

c) Structure (fig. 3, 12, 14, 15)

572Elle paraît relativement simple. Un anticlinal principal en arc, convexe vers le nord, forme l’épine dorsale de la presqu’île et, en même temps, celle du massif de Terre Neuve et des montagnes du Nord-Ouest. Il doit représenter le prolongement de l’anticlinal principal de la partie NW des montagnes Noires. A l’ouest, il doit s’incurver vers le SW pour former la chaîne de Desforges, avant de disparaître sous la mer, au voisinage de pointe Cheval Blanc.

Fig. 15. — Coupe géologique à travers la partie occidentale de la presqu’île du Nord-Ouest.
Qc : calcaires récifaux (Quaternaire). — Tm : sables, grès, calcaires, gypse (Miocène moyen et supérieur). — Tep : calcaires massifs cristallins et calcaires crayeux bien lités (Eocène moyen). — Tb : basaltes et tufs (Eocène moyen). — Cdq : diorites quartzifères (Crétacé supérieur). — Ca : andésites (Crétacé).

573Un autre élément structural important est constitué par le synclinal de la fosse de Gros Morne, dont l’axe coïncide sensiblement avec l’axe géographique de cette dépression. Des failles bordières limitent la fosse dans sa partie méridionale. Mais il est plus difficile de les suivre vers le nord.

574La proximité du massif du Nord, la présence de calcaires crétacés supérieurs dans le massif de Terre Neuve, l’âge crétacé d’un important ensemble de roches volcaniques de la presqu’île du Nord-Ouest permettent de supposer que l’orogénèse laramienne a joué un rôle important dans cette région.

575L’extension des affleurements de roches volcaniques, et peut-être intrusives, éocènes, la rareté des séries oligocènes, la position géographique de la presqu’île, sorte de pont entre la sierra Maestra de Cuba et les montagnes Noires, où l’orogénèse de la fin de l'Eocène a été très intense, permettent de supposer qu’il en a été de même dans la presqu’île du Nord-Ouest.

576L’inclinaison des formations miocènes souligne le rôle de l'orogénèse mio-pliocène.

577Mais un caractère tout à fait particulier de cette région par rapport au reste d’Haïti (à part, toutefois, l’île de la Gonave), est l’importance du soulèvement pléistocène ou récent qui a porté les calcaires récifaux pléistocènes du plateau de Bombardopolis à une altitude maxima de 643 m. Ce fait est à rapprocher de l’observation d’un soulèvement des côtes de la province d’Oriente jusqu’à une altitude maxima de 300 m. (Taber, 1934), indiquant un bombement important et récent de cette région, accompagné probablement d’un effondrement du canal du Vent, le long de failles. Le mouvement vertical d’élévation a dû être accompagné d’un gauchissement qui peut seul rendre compte de l’orientation, en sens inverse, des cours de la rivière Baie de Henne et de son principal affluent.

d) Géomorphologie

578Les régions constituées de calcaires présentent, en général, une topographie karstique. C’est le cas, en particulier, du plateau de Bombardopolis.

579Les zones volcaniques du massif de Terre Neuve présentent la topographie typique de ce genre de régions (p. 40) : crêtes étroites et aiguës, séparées par des vallées en Y, étroites et profondes, drainage superficiel important.

580Les côtes sont élevées, peu accessibles, du type « côtes de fer », sur la plus grande partie de leur longueur, car elles sont constituées de calcaires récifaux, ou, comme au nord de la baie des Gonaïves, par des calcaires éocènes formant des falaises, séparées par de petites anses. On ne rencontre des côtes basses que dans la région de l’embouchure des Trois Rivières ; dans celle de la Plateforme, où la couverture de calcaires récifaux a été décapée, amenant à l’affleurement les roches volcaniques éocènes, sous-jacentes ; entre Port à Piment et Grande Saline, où la côte est formée par les séries miocènes de la plaine de l’Arbre et, enfin, dans la région de la plaine des Gonaïves.

581La plate-forme contine tale est, dans l’ensemble, étroite, ce qui, avec le développement des terrasses, indique que la côte est liée à un soulèvement récent. Toutefois, dans la partie SE, à partir de Port à Piment, la plate-forme continentale s’élargit beaucoup, en raison probablement des apports alluvionnaires considérables des rivières qui se jettent dans la mer plus au sud (rivières La Quinte, Estère et Artibonite).

Discordance angulaire
Discordance simple

Notes

1 Operculinoides est considéré maintenant par W. S. Cole (1959) comme synonyme de Operculina.

Table des illustrations

Légende Fig. 4. — Coupe géologique a travers le massif de Macaya (partie occidentale du massif de la Hotte)Qc : calcaires récifaux (Pléistocène). — Tep : roches détritiques (base), calcaires massifs cristallins et calcaires crayeux à silex (Paléocène et Eocène). — Cb : basaltes (Crétacé supérieur). — Mcs : calcaires massifs à veines de calcite (Crétacé supérieur)
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Fichier image/jpeg, 153k
Légende Fig. 5. — Coupe géologique suivant la dépression carrefour Faucbé-jacmel (limite entre le massif de la Hotte et le massif de la Selle).Qal : alluvions (Quaternaire). — Qc : calcaires récifaux (Pléistocène). — Tom : grès, argiles, calcaires (Oligo-Miocène). — Tep : roches détritiques (base), calcaires cristallins, massifs (Paléocène et Eocène). — Cb : Basaltes et tufs (Crétacé).
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Légende Fig. 6. — Coupe géologique a travers la partie centrale du massif de la Selle.Qal : alluvions (Quaternaire). — Tmi : argiles, grès et conglomérats (Miocène inférieur). — Tom : calcaires cristallins (Oligo-Miocène). — Tep : roches détritiques (base), calcaires cristallins ou compacts (Paléocène et Eocène). — Cb : basaltes (Crétacé).
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Légende Fig. 7. — Coupe géologique de l’ile de la Gonave.Qal : alluvions (Quaternaire). — Qc : calcaires récifaux (Pléistocène). — Tom : calcaires madréporiques (Oligo-Miocène). — Tec : calcaires crayeux (Eocène). — Tem : calcaires massifs compacts (Eocène). —-Cb : basaltes (soubassement supposé-Crétacé).
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Légende Fig. 8. — Carte géologique et tectonique de la partie SW de la plaine du cul-de-sac (d’après J. Butterlin, 1950, modifié).Qal : alluvions (Quaternaire. — Tm : formation du morne Delmas (sables, argiles, calcaires madréporiques. — Miocène moyen et supérieur). — Tmi : formation de la rivière Grise (marnes, argiles schisteuses, conglomérats. — Miocène inférieur). — Tom : calcaires cristallins (Oligo-Miocène).
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Légende Fig. 9. — Coupe géologique a travers la partie NW de la chaîne des Matheux.Qal : alluvions (Quaternaire). — Qc : calcaires récifaux (Pléistocène). — Tm : sables, grès, conglomérats, calcaires madréporiques, gypse (Miocène moyen et supérieur). — Tep : roches détritiques (base), calcaires cristallins massifs et calcaires crayeux bien lités (Paléocène et Eocène). — Cb : basaltes (soubassement supposé-Crétacé).
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Légende Fig. 10. — Coupe géologique a travers la savane Madame Michel (partie NE de la chaîne des Matheux). Qbn : basaltes néphéliniques (Quaternaire). — To : calcaires crayeux à silex (Oligocène). — Tep : calcaires massifs (Eocène).
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Légende Fig. 11. — Coupe géologique a travers la partie NW des montagnes noires, la partie centrale du massif du Nord, la partie occidentale de la plaine du Nord et les mornes du Cap. ;Qal : alluvions (Quaternaire). — Tba : basaltes à augite titanifère et diabases intrusives associées (Eocène moyen à supérieur). — Mcs : formation Trois Rivières (argiles schisteuses, conglomérats, calcaires à Rudistes-Crétacé supérieur). — Ca : andésites (Crétacé). — Cb : basaltes (Crétacé).
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Légende Fig. 12.— Coupe géologique a travers la partie SE de la presqu’île du Nord-ouest et la partie NW du massif du Nord.Qal : alluvions (Quaternaire). — Tom : formation La Crête : calcaires impurs et calcaires madréporiques (Oligo-Miocène). — Tep : roches détritiques (base), calcaires cristallins massifs et calcaires crayeux, bien lités (Paléocène et Eocène). — Mcs : formation Trois Rivières (argiles schisteuses, conglomérats, calcaires à Rudistes). — Cdq : diorites quartzifères (Crétacé supérieur). — Ca : andésites (Crétacé).
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Légende Fig. 13. — Coupe géologique a travers l’île de la Tortue.Qc : calcaires récifaux (Quaternaire). — Tom : calcaires cristallins (Oligo-Miocène). — Tep : roches détritiques (base) et calcaires cristallins massifs (Paléocène et Eocène). — Cdq : diorites quartzifères (Crétacé supérieur). — Ca : andésites et dacites (Crétacé). — Mc : calcaires schisteux (Mésozoïque).
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Légende Fig. 14. — Coupe géologique a travers la partie SW du massif de Terre-neuve (partie SE de la presqu’île du Nord-Ouest).Qal : alluvions (Quaternaire). — Tep : calcaires cristallins massifs et calcaires crayeux bien lités (Eocène moyen). — Tb : basaltes et tufs (Eocène moyen). — Ca : andésites (Crétacé).
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Légende Fig. 15. — Coupe géologique à travers la partie occidentale de la presqu’île du Nord-Ouest.Qc : calcaires récifaux (Quaternaire). — Tm : sables, grès, calcaires, gypse (Miocène moyen et supérieur). — Tep : calcaires massifs cristallins et calcaires crayeux bien lités (Eocène moyen). — Tb : basaltes et tufs (Eocène moyen). — Cdq : diorites quartzifères (Crétacé supérieur). — Ca : andésites (Crétacé).
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Légende Discordance angulaireDiscordance simple
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© Éditions de l’IHEAL, 1960

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